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Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais
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Le 18 mai 1799, à 67 ans, à Paris meurt Pierre-Augustin Caron

de Beaumarchais
,

né le 24 janvier 1732 à Paris; homme d'affaires français, musicien, poète, philosophe du mouvement des lumières et dramaturge est surtout connu pour ses talents d'écrivain, romans, théatre, poésie ...
L’une des figures emblématiques du siècle des Lumières, il est considéré comme un précurseur de la Révolution française et de la liberté d'opinion ainsi résumée dans sa pièce Le Mariage de Figaro :


"Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur".

Sa vie

Pierre-Augustin Caron est né le 24 janvier 1732 à Paris, en France.
Fils d’horloger et frère de Vincent Caron, inventeur du mécanisme de l'échappement à hampe, qu'un horloger du Roi s'est attribué et que Beaumarchais confondra devant toute la Cour.
Caron est également l’inventeur d’un mécanisme de perfectionnement destiné aux pédales de harpes.
Il se marie une première fois le 27 novembre 1756 avec Madeleine-Catherine Aubertin, veuve Franquet.L'épousée est de dix ans son aînée mais possède des biens. Il se fait dès lors appeler de Beaumarchais, nom d’une terre qui appartient à son épouse et qui donne l'illusion de la noblesse.
Madeleine-Catherine meurt dès l'année suivante à 35 ans. Immédiatement, le jeune veuf - il a 25 ans - est soupçonné d'assassinat et se trouve confronté au premier de la longue suite de procès et de scandales qui marqueront son existence.

Ses travaux et ses rencontres

Nonobstant les ennuis de sa vie privée, il commence à être connu. Il se lie d’amitié avec le financier de la Cour, Joseph Pâris Duverney qui favorise son entrée dans le monde des finances et des affaires. Il se lance alors dans les spéculations commerciales et déploie un tel génie en ce genre qu’en peu d’années il acquiert une grande fortune et achète une charge de secrétaire du roi qui lui confère la noblesse.
En 1759, faveur insigne, il est nommé professeur de harpe de Mesdames, les quatre filles du roi Louis XV, qui résident à la cour.
Patronné par un prince du sang, Louis-François de Bourbon, prince de Conti, il devient bientôt lieutenant général des chasses et commence à écrire de petites parades pour des théâtres privés Les Bottes de sept lieues, Zirzabelle, Jean Bête à la foire qui jouent sur un comique de mots et de corps proche de la farce.
Menant un train de vie aisé mais toujours à la merci d'une disgrâce, il se remarie en 1768 avec madame de Sotenville, la très riche veuve du garde général des Menus-Plaisirs née Geneviève-Madeleine Wattebled. Celle-ci meurt dès 1770, à 39 ans, après seulement deux ans de mariage, lui laissant une importante fortune. Face à ce second veuvage précoce, Beaumarchais est accusé de détournement d’héritage.

Intrigues et procès

Les années 1770-1773 sont pour Beaumarchais des années de procès et de défaveur : outre ses démêlés avec le comte de la Blache, il est occupé par la succession testamentaire de Joseph Pâris Duverney qui va entraîner l’affaire Goëzman. Il y manifeste un art consommé des factums, allant jusqu’à renouveler le genre, mais il y perd sa fortune, ses alliés et ses droits civiques.
Cependant expert en intrigues et marchandages de toutes sortes, il est en mars 1774 une première fois envoyé à Londres pour négocier la suppression du libelle les Mémoires secrets d’une femme publique de Théveneau de Morande, dirigé contre la comtesse du Barry, favorite royale, mission où il espère regagner les faveurs de la Cour. Cependant, le roi meurt en mai suivant et la comtesse du Barry est bannie de la cour par Louis XVI.
Le 8 avril 1775, sous les conseils de Sartine, il est chargé par le nouveau souverain d’empêcher la publication d’un nouveau pamphlet, l’Avis à la branche espagnole sur ses droits à la couronne de France à défaut d’héritiers, d’un certain Angelucci, qui prétend que le roi a l’aiguillette nouée.
Cette mission, qui conduisit Beaumarchais en Angleterre, aux Pays-bas, dans les États allemands et en Autriche, où il fut pour un temps incarcéré pour motif d’espionnage, devient sous sa plume une aventure picaresque.
La même année, il est chargé à Londres de récupérer des documents secrets détenus par le chevalier d’Éon.

La guerre d’indépendance des États-Unis.

À partir du mois de juin 1777, il se lance dans une nouvelle aventure et il se fait l’avocat d’une intervention française dans la guerre d'indépendance des États-Unis. Il entame alors une correspondance enflammée avec le comte de Vergennes, où il défend la cause des Insurgents. Dès le mois de septembre 1775, Beaumarchais joue un rôle politique en tant qu’intermédiaire entre les Insurgents et la France, et il rencontre fréquemment Arthur Lee, député secret des Insurgents.
Le 10 juin 1777, le secrétaire d’État aux affaires étrangères lui confie une somme importante pour soutenir secrètement les Américains. Initié secrètement par Louis XVI et Vergennes, Beaumarchais reçoit l’autorisation de vendre poudre et munitions pour près d’un million de livres tournois sous le couvert de la compagnie portugaise Rodrigue Hortalez et Compagnie qu’il monte de toutes pièces. La société Rodrigue Hortalez et Cie, devait lui permettre, pensait-il, de s’enrichir en vendant armes et munitions et en envoyant une flotte privée pour soutenir les Insurgés.
Cette péripétie, alors que Beaumarchais s'implique dans les grandes spéculations boursières sous Louis XVI, est le sujet central du roman historique de Lion Feuchtwanger intitulé Beaumarchais, Benjamin Franklin et la naissance des États-Unis, paru en 1946. En fin de compte, bien qu'il ait reçu plus tard les félicitations publiques du Congrès, il engagea dans cette opération une grosse somme plus de cinq millions dont, après d'interminables débats, ses héritiers ne purent recouvrer qu'une faible part.
Il milite au sein de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, fondée en 1777 à son initiative, et obtient à la Révolution la reconnaissance des droits d'auteur. Ceux-ci sont automatiques à la création d’une œuvre. Ils garantissent à son auteur ses droits patrimoniaux et moraux.
Il se lance dans l'édition des Œuvres de Voltaire, et, après avoir acquis les caractères de Baskerville, loue pour vingt ans le fort à Kehl en décembre 1780.
En 1786, il épouse en troisièmes noces Marie-Thérèse Willermaulaz. Née en 1751, la nouvelle épousée, âgée de 35 ans, a dix-neuf ans de moins que son mari. Ils se sont rencontrés en 1774 et ont eu une fille, Amélie-Eugénie, en 1777. Marie-Thérèse lui survivra et mourra au début de la Restauration en 1816.
En 1788, après d’importants travaux de reconstruction inachevés, il vend à Aimé Jacquot et Jean Hérisé la papeterie de Plombières-les-Bains qu’il avait acquise en 17806.
En février 1789, il cède aux frères Claude Joseph et François Grégoire Léopold Desgranges les papeteries qu'il possède en Lorraine à Arches et Archettes.

La Révolution française

En 1790, il a 58 ans et se rallie à la Révolution française qui le nomme membre provisoire de la commune de Paris. Mais il quitte bientôt les affaires publiques pour se livrer à de nouvelles spéculations ; moins heureux cette fois, il se ruine presque en voulant fournir des armes aux troupes de la République.
Cependant son esprit brillant et frondeur ne convient pas à l'austère et vertueuse République. Il devient suspect sous la Convention et est emprisonné à l’Abbaye pendant la Terreur. Il échappe cependant à l’échafaud et se tient caché quelques années. Il s’exile à Hambourg puis revient en France en 1796.
Il écrit ses Mémoires, chef-d’œuvre de pamphlet, et meurt d’apoplexie à Paris le 18 mai 1799 à l'âge de 67 ans. Il est enterré au cimetière du Père-Lachaise division 28 à Paris.

Sa descendance

De son union avec Marie Thérèse Willer-Lawlaz (1753-1816) qu’il épouse le 8 mars 1786, il eut une fille, Amélie-Eugénie de Beaumarchais (1777-1832).
Amélie-Eugénie épouse en 1796, André Toussaint Delarue (1768-1863), beau-frère du comte Mathieu Dumas dont elle aura trois enfants :
Palmyre (1797-1835) qui intente, en 1814, un procès afin d’obtenir le remboursement des sommes avancées par son père pour financer la livraison d’armes destinées à la Révolution américaine. Palmyre aura une descendance directe sous l’Empire et la Restauration via les familles Poncet, puis Roulleaux-Dugage ;
Charles-Édouard (1799-1878) qui deviendra général de brigade, épouse Marthe Paule Roederer dont il aura un fils, Raoul 1835-1900, qui sera colonel de cavalerie. Charles-Edouard Delarue obtiendra en 1835 800 000 dollars et la branche de la famille des deux petits-fils sera ensuite autorisée à relever le nom de Beaumarchais (décret impérial de 1853.
Alfred-Henri 1803-? qui travaillera dans l'administration des finances.
Jean-Pierre Delarüe Caron de Beaumarchais, coauteur du Dictionnaire des littératures de langue française, figure parmi les descendants.

Å’uvres

Théâtre

Eugénie, drame en 5 actes en prose avec un essai sur le drame sérieux. Première représentation : 29 janvier 1767.
Les Deux Amis, ou le Négociant de Lyon, drame en 5 actes et en prose, Vve Duchesne, Paris, 1770. Première donnée à la Comédie-Française le 13 janvier 1770.
Tarare, mélodrame en 5 actes, P. de Lormel, Paris, 1787. Première donnée à l’Académie royale de musique le 8 juin 1787. Livret de Beaumarchais, musique de Salieri.
Trilogie de Figaro, ou Le Roman de la famille Almaviva, selon l’appellation donnée par Beaumarchais dans une préface de La Mère coupable :

Le Barbier de Séville ou la Précaution inutile, comédie en 4 actes, Ruault, Paris, 1775. Première donnée à la Comédie-Française le 23 février 1775 et 2e représentation du Barbier de Séville en 4 actes le 25 février 1775.
La Folle journée, ou le Mariage de Figaro, comédie en 5 actes et en prose, Ruault, Paris, 1778. Première donnée à la Comédie-Française le 27 avril 1784.
L’Autre Tartuffe, ou la Mère coupable, drame moral en 5 actes, Silvestre, Paris, 1792, an II . Première donnée le 6 juin 1792.

Factums

Concernant l’affaire Goëzman : Le 17 juillet 1770, le financier Pâris-Duverney meurt et les dispositions qu’il a prises dans son testament en faveur de Beaumarchais sont contestées par le comte de La Blache, son légataire universel. Un procès s’ensuit et les biens de Beaumarchais sont finalement saisis lorsqu’en 1773 il publie à propos des agissements du rapporteur à son procès, le juge Goëzman, quatre mémoires dont l’esprit et la dialectique ont un retentissement considérable et font condamner le juge, le 26 février 1774. Michaud
Requête d’atténuation pour le sieur Caron de Beaumarchais, A Nosseigneurs de parlement, les chambres assemblées, Knapen, Paris, 1773
Supplément au mémoire à consulter pour Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, Quillau, Paris, 1773.
Addition au supplément du mémoire à consulter pour Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais ... servant de réponse à madame Goëzman ... au sieur Bertrand d’Airolles, ...aux sieur Marin, ... et Darnaud-Baculard ..., P.-D. Pierres, Paris, 1774.
Quatrième mémoire à consulter pour Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais... contre M. Goëzman, ... madame Goëzman et le sieur Bertrand, ... les sieurs Marin, ... Darnaud-Baculard ... et consorts ..., J.-G. Clousier, Paris, 1774.

Œuvres complètes

Œuvres complètes de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, publiées par P.-P. Gudin de La Brenellerie, L. Collin, Paris, 1809. 7 volumes in-8° avec gravures. I-II. Théâtre ; III-IX. Mémoires ; V. Époques ; VI-VII. Correspondance.
Le Tartare à la Légion, édition établie, présentée et annotée par Marc Cheynet de Beaupré, Le Castor Astral, Collection "Les Inattendus", 1998, 232 pp. (Cet ouvrage retrace les liens entre Beaumarchais et Joseph Pâris Duverney, détaillant les phases du procès qui opposa Beaumarchais au comte de La Blache, relatif à la succession du financier. Outre le texte annoté du dernier mémoire à consulter de l’affaire, il donne un éclairage intéressant sur les circonstances ayant présidé à la rédaction du Mariage de Figaro et du Barbier de Séville.

Opéra

Le Nozze di Figaro, Vienne, Burgtheater, 1er mai 1786, par Mozart, livret de Lorenzo da Ponte, d’après ud sur un livret de Madeleine Milhaud (1966).

Cinéma

Le Mariage de Figaro et Le Barbier de Séville ont fait l’objet de nombreuses adaptations cinématographiques en plusieurs langues, pour la télévision essentiellement. Le personnage historique lui-même a été porté à l’écran, notamment dans les films suivants :

Beaumarchais ou 60 000 fusils de Marcel Bluwal - Téléfilm, 1966, France. Avec Bernard Noël dans le rôle de Beaumarchais.
Beaumarchais, l'insolent d’Édouard Molinaro - 1996, France, 96 minutes, Couleur. D’après une pièce de Sacha Guitry. Avec Fabrice Luchini dans le rôle de Beaumarchais.

L'apparition de Beaumarchais dans le théâtre et les lettres françaises de la fin du XVIIIe siècle relève de la magie. Il touche à tout, fait flèche de tout bois et apporte au théâtre le charme qui s'en est absenté après la mort de Marivaux. Ce séducteur écrit et agit dans un roman qui ne s'embarrasse que rarement du récit et de la rétrospection parce qu'il va son chemin sans s'arrêter longtemps. L'auteur et l'aventurier vont du même pas. Comme les « bâtards conquérants » des romans, Beaumarchais ne doit pas son succès à sa naissance mais à son talent et à sa propre énergie.

L'élégance roturière

Si Beaumarchais a peu de naissance, il n'en a pas moins une famille très présente et très aimée : Pierre-Augustin, fils de l'horloger Caron, qui doit le nom de Beaumarchais à une maison de sa première femme, et son anoblissement à l'argent, à la différence de tant de parvenus, revendique sa filiation roturière au même titre que sa noblesse, récente mais personnelle. Vif, ami des plaisirs et des femmes, il est aussi le bon fils des drames bourgeois, dévoué à sa famille et fort de son soutien, entouré par l'affection de ses cinq sœurs. Mais cette famille n'est pas fermée. La boutique de l'artisan est ouverte sur la ville. On y joue de la musique, on y lit des romans, on y parle d'abondance. Le travail d'horlogerie est créatif : Beaumarchais invente en juillet 1753 un nouveau système d'échappement pour le ressort des montres. Il doit défendre sa découverte contre un confrère de son père qui, abusant de sa confiance, s'en est attribué la paternité. Devant l'inertie judiciaire, il écrit au Mercure, en appelle à l'Académie des sciences et obtient gain de cause. Sa victoire lui permet d'être reçu par le roi et ses filles – à qui il donnera bientôt des leçons de musique – et d'être introduit à la cour. Il fait un premier mariage avantageux mais perd sa femme avant de pouvoir en hériter. Il se lie et s'associe avec le financier Pâris-Duverney, devient homme d'affaires, s'enrichit, et achète une charge qui l'anoblit. Il fréquente Le Normand d'Étioles, financier et mari de Mme de Pompadour ; pour divertir sa société, il écrit des Parades, courtes comédies à la mode, qui sont représentées sur la scène privée de son riche ami. Il part pour l'Espagne en 1764, où l'appellent des affaires de famille et d'argent : à Madrid, il s'emploie vainement à marier sa sœur Lisette avec son prétendu, Clavijo, qui se dérobait, et ne réussit pas plus dans les projets mirifiques qu'il agitait. Il racontera plus tard cet épisode qui devait inspirer Goethe, dans les Mémoires contre Goezman, avec un sens étonnant du drame et du roman. Pendant les années qui suivent son retour à Paris, il fait jouer un drame, Eugénie, à la Comédie-Française 1767 se remarie, puis perd sa femme en 1770 et, la même année, son ami Pâris-Duverney. Beaumarchais entre dans une période de grandes difficultés.

Sa réussite lui avait valu beaucoup d'ennemis, mais le procès qui l'oppose au comte de La Blache, l'héritier de Pâris-Duverney, va déboucher sur une véritable coalition d'obstacles placés sur son chemin. La mauvaise foi et la cupidité de son adversaire n'ont d'égales que celles du juge corrompu qui rapporte contre lui : le conseiller Goezman. Une méchante affaire de femme avec le duc de Chaulnes vient tout compliquer et le conduit en prison. Beaumarchais se débat et publie des Mémoires justificatifs où éclatent ses talents de rhéteur et son intelligence précise. Ce sont des textes travaillés à la manière de Voltaire, mais avec un humour et un sens de l'émotion qui n'appartiennent qu'à leur auteur et entraînent la conviction. Si, dans un premier temps, il n'obtient pas satisfaction devant le tribunal qui se contente de le blâmer à égalité avec son adversaire, il triomphe dans l'opinion publique. Il devient agent secret de Louis XV, puis de Louis XVI, en Angleterre et en Hollande, avec pour mission de faire disparaître des libelles injurieux contre la monarchie. Il convainc son maître de venir en aide aux insurgents d'Amérique et sert d'intermédiaire pour l'achat des armes nécessaires à cette guerre. L'intérêt personnel et l'attachement à une cause juste lui paraissent marcher de conserve.

Au milieu de toute cette agitation, Beaumarchais trouve le temps d'écrire un second drame, Les Deux Amis 1770 et une comédie, Le Barbier de Séville, qui est représentée pour la première fois le 23 février 1775. Il achève Le Mariage de Figaro en 1778. Il lance en 1780 le prospectus paraît en janvier 1781 le projet d'une grande édition complète des Œuvres de Voltaire et va le mener à bien : c'est l'édition de Kehl dont le dernier volume paraît en 1790. Il est, dès 1776, en conflit avec la Comédie-Française et réussit à regrouper les auteurs dramatiques pour faire valoir leurs droits ; il jette ainsi les bases d'une réglementation de la propriété littéraire qui sera fixée une première fois en 1780 par le Conseil d'État puis par l'Assemblée constituante en 1791. C'est que sa vie d'homme de lettres ne constitue pas pour lui une alternative à son engagement dans la vie sociale. Le choix du théâtre est, à cet égard, significatif : l'esprit de divertissement, poussé au XVIIIe siècle jusqu'à l'ivresse, coexiste avec un sérieux didactique et moral qui le lie délibérément à la société. La campagne d'opinion menée par Beaumarchais pour faire représenter Le Mariage de Figaro en dépit des censeurs fait apparaître cette profonde unité. La pièce est reçue, dans une première version, à la Comédie-Française dès septembre 1781. L'action avait pour cadre la France et les allusions aux abus du régime étaient directes. Le roi, alerté par la rumeur, se fait lire la pièce et est scandalisé par le persiflage de Beaumarchais. Celui-ci révise son œuvre et en transporte l'action en Espagne. Elle est lue partout, dans les cercles de la grande noblesse. Le comte d'Artois en fait préparer la représentation à la cour, mais le 13 juin 1783, au moment où le rideau va se lever, l'interdiction royale est signifiée. La campagne d'opinion cristallise alors une véritable fronde aristocratique. En septembre 1783, le Mariage est joué à Gennevilliers, chez le comte de Vaudreuil, devant le comte d'Artois et l'assistance la plus brillante ; le roi s'est tu. Le 27 avril 1784, c'est la première, dans la nouvelle salle de la Comédie-Française. Le tout-Paris s'écrase dans la salle qui vibre d'enthousiasme et fait un triomphe à la représentation qui sera suivie de cent autres entre 1784 et 1787. La distribution était la meilleure qu'on pût trouver, avec Dazincourt, Molé, Mlles Contat, Saint-Val et Olivier. Cette soirée éblouissante est sans aucun doute l'événement théâtral majeur du XVIIIe siècle, à la fois par sa signification esthétique et son importance politique. La bataille qui va se poursuivre dans la presse, avec ses surprises l'auteur est à nouveau momentanément incarcéré, prolonge le succès de la pièce. Dernière consécration : Le Barbier de Séville est repris à la cour, avec la reine dans le rôle de Rosine et le comte d'Artois dans celui de Figaro.

Mais, bientôt, l'auteur vient se jeter dans l'affaire Kornmann-Bergasse, dont l'épilogue judiciaire lui sera favorable alors que l'opinion se détachera de lui : Beaumarchais est enveloppé, piégé dans une guerre de pamphlets qui débute en 1787, et l'avocat Bergasse parvient à le faire passer, au début de la Révolution, pour l'incarnation même de la dépravation de l'Ancien Régime. Au reste, l'auteur, malgré quelques sympathies au début, ne se trouve pas en phase avec les événements. Il écrit, avec le musicien Salieri, un opéra, Tarare 1787, qui déconcerte mais connaît un vif succès et dont il modifiera certains éléments en fonction des changements politiques. Puis il donne une suite au Mariage, à La Mère coupable, achevant ainsi une véritable trilogie. Bergasse, sous le nom transparent de Bégearss, y fait figure du traître de mélodrame. Ce drame, après avoir connu un demi-échec en juin-juillet 1792 (du fait, probablement, des événements), réussit honorablement sous le Directoire. Beaumarchais entreprend une nouvelle opération politique et spéculative dans laquelle il va manquer de laisser la vie. L'Assemblée législative se prépare à la guerre et l'infatigable aventurier entreprend de fournir des armes à sa patrie : soixante mille fusils, déposés en Hollande, qu'il s'agit de faire entrer en France. Mais les affaires traînent et les événements vont vite. Il est accusé de cacher ces armes et, le 11 août, le peuple envahit la luxueuse maison qu'il s'était fait construire à côté de la Bastille. On ne trouve rien. Beaumarchais est incarcéré, libéré de justesse au milieu des massacres de septembre 1792 ; il ne renonce pas à défendre ses intérêts et, en pleine Terreur, quitte Londres où il s'était réfugié et vient à Paris où il publie un Mémoire justificatif. Sa tactique réussit : il se rétablit, quitte la France comme commissaire de la République mais se retrouve émigré. Il revient en 1796 et meurt le 17 mai 1799.

Une dramaturgie nouvelle

L'œuvre de Beaumarchais a traversé les siècles. L'œuvre, c'est-à-dire Le Barbier de Séville et Le Mariage de Figaro ; mais des rééditions récentes des Mémoires contre Goezman et des Parades, tout comme les mises en scène de La Mère coupable et de Tarare incitent à moins de sévérité que n'en a témoigné la critique contre ces œuvres mineures. En 1990, on a pu voir représenter au cours de la même saison les trois pièces de la trilogie sur la scène du Théâtre-Français et on a joué Tarare à Strasbourg en 1991 ; cet heureux rapprochement rendait sensible la portée de l'étonnante révolution dramaturgique opérée par l'auteur, aussi bien dans la comédie que dans le drame et l'opéra. Cette dimension, essentielle pourtant, fut occultée par le scandale politique du Mariage, mais les contemporains, comme la comtesse d'Oberkirch, l'avaient perçue : ne s'étonnet-elle pas du succès d'une pièce si manifestement contre « les règles de l'art » ? Le dessein réformateur de Beaumarchais s'inscrit dans des réalisations de ton et d'intérêt variés, mais aussi dans des textes théoriques d'une grande clarté. Entre 1759 et 1767, il élabore sa théorie du théâtre sérieux et se réclame des innovations de Diderot ; Eugénie et l'Essai sur le genre dramatique sérieux préface à la seconde édition de ce drame en sont les fruits directs mais on en retrouve l'empreinte partout, dans la préface du Barbier de Séville La Lettre modérée sur la chute et la critique du Barbier de Séville et dans celle de Tarare (Aux abonnés de l'opéra qui voudraient aimer l'opéra, dans Le Mariage et dans La Mère coupable. Il s'agit de bousculer profondément le système des genres dramatiques français, fondé sur la distance tragique ou comique qui sépare le spectateur de la scène et sur le clivage des personnages nobles et bourgeois. Ce projet poétique repose sur une critique idéologique des formes du théâtre de cour. Beaumarchais choisit l'effet de proximité et de sympathie, visé dans le drame ou la tragédie domestique, et la complicité dans le comique. Le spectateur doit se retrouver dans le personnage parce que, comme lui, il est homme. C'est le « caractère », Figaro ou Tarare, qui compte plus que l' état, Beaumarchais proclame brillamment l'idéologie humaniste et morale des Lumières.

Ce qui distingue vraiment les genres, c'est ainsi leur effet : le sérieux ou la gaîté ; encore peuvent-ils se mêler, comme on le voit dans Le Mariage de Figaro mais aussi dans Eugénie et dans Les Deux Amis : on passe sans rupture de l'attendrissement au sourire. Le genre sérieux, tournant le dos à la tragédie héroïque, doit être écrit en prose : sa beauté doit naître du naturel, de l'« énergie » des situations, des caractères et des émotions. De même, l' opéra doit être débarrassé d'un trop-plein de musique qui l'éloigne de la nature : « une abondance vicieuse étouffe, éteint la vérité : l'oreille est rassasiée et le cœur reste vide Aux abonnés de l'opéra. Contre le formalisme poétique, Beaumarchais affirme avec force la prépondérance de la qualité dramatique, proprement théâtrale, du texte : la réévaluation récente de La Mère coupable et de Tarare est directement liée à la réussite scénique de ces textes, qu'encombrent pourtant une rhétorique d'époque ou des vers de mirliton. Tarare n'est pas seulement intéressant par la qualité dramatique assez rare en 1787 de son livret, mais aussi par l'équilibre obtenu entre drame et musique grâce à une collaboration étroite entre Beaumarchais et Salieri. Ce n'est certes pas non plus hasard si les pièces de Beaumarchais ont fourni des livrets d'opéra à Mozart et à Rossini, qui sont parmi les meilleurs on peut encore mentionner pour mémoire Darius Milhaud.

Mais ces réformes, dessinées dans la théorie et consciemment mises en œuvre dans les pièces, ne constituent qu'un élément plus immédiatement lisible d'une transformation profonde qui atteint l'ensemble de la structure dramatique. C'est une révolution théâtrale profonde, et si bien intégrée qu'elle est à présent à peine perçue A. Ubersfeld. Beaumarchais tire les leçons de l'évolution de la scène en France et des possiblités décoratives nouvelles qui permettent d'absorber la scène dans le décor, donc dans la fiction. L'espace de la scène devient tout entier mimétique ; il se prolonge fictivement et continûment au-delà de la toile de fond ou des coulisses. Dans Le Barbier de Séville, on est tantôt dans la rue sous la jalousie de Rosine, tantôt de l'autre côté, à l'intérieur de la maison. La scène n'est qu'un fragment prélevé sur l'espace fictif : la plupart des scènes essentielles du Mariage impliquent ce réalisme visuel. Le théâtre doit rivaliser avec la peinture et bien des scènes sont conçues comme des tableaux de genre. Il ne s'agit pas au reste d'un détail formel, car le conflit dramatique est formulé en termes spatiaux : effraction de la maison du bourgeois Bartholo par le noble comte Almaviva (Le Barbier), menaces sur la chambre domestique, arpentée et mesurée par Figaro, pénétrations de l'espace des femmes par Chérubin ou par le comte (Le Mariage). Le temps dramatique est, lui aussi, l'objet d'un travail de ce genre. Il s'agit de dénier la clôture du temps dramatique. De là les « jeux d'entracte » dans Eugénie, mais surtout l'extension de la trilogie selon un modèle d'illusion temporelle semblable à celui qu'on rencontre dans le roman. Du coup, le travail du temps sur le monde et sur les héros est rendu sensible : on passe de Séville, la ville des chansons et de la jeunesse, au château de la maturité, puis au Paris de la Révolution et aux tristesses du second versant de la vie. En 1990, à la Comédie-Française Jean-Pierre Vincent achevait La Mère coupable par un tableau qui regroupait tous les personnages de la famille, s'endormant au son de la bourgeoise pendule. Le temps intérieur et le temps de l'histoire agissent sur la scène. Beaumarchais « invente » la scène de Hugo, de Dumas, père et fils, et de Tchekhov. C'est enfin, comme l'a noté Anne Ubersfeld, la conception de l' action qui constitue le troisième axe de cette révolution. Dès Eugénie, mais de façon tout à fait nette dans Le Mariage, l'action n'est pas dirigée par le héros. Tout semble se faire en dépit de Figaro. Seules triomphent les forces du hasard, qui ne sont providentielles que parce qu'on se trouve dans un monde comique. Là encore, Beaumarchais est un précurseur de Hugo et de la comédie d'intrigue de Labiche ou de Feydeau.

La dernière fête : ambiguïtés et audaces

L'audace politique de la trilogie de Figaro, et surtout celle du Mariage, n'a pas frappé que les contemporains, Danton disait qu'il avait tué la noblesse. C'est la valeur subversive de cette pièce qui l'a portée, contre toutes les hypocrisies de l'ordre politique et moral, à travers le XIXe siècle. Elle tient à l'étincelante fête de mots décochés contre l'ordre privilégié et contre les abus de l'Ancien Régime dont Beaumarchais avait tant souffert. Ce verbe d'enfer s'est affûté dans la rédaction des Mémoires contre Goezman qui constituent l'un des plus brillants textes pamphlétaires du siècle : l'étude attentive des différentes phases de leur rédaction, tout comme celle des brouillons et versions successives du Barbier et du Mariage, fait apparaître le travail minutieux de Beaumarchais pour rendre le mot incisif ou percutant. Mais l'insolence du plébéien, paradoxalement, s'intègre merveilleusement dans l'art de la conversation des salons de l'Ancien Régime. L'esprit y est plus à l'aise que dans la rhétorique sentencieuse de ceux qui feront la Révolution et qui considèrent la comédie elle-même comme une inconvenance monarchiste : c'est là une autre raison de l'éclipse de Beaumarchais après 1789.

Tout aussi ambiguë est l'audace idéologique et structurelle de la trilogie. Le Barbier de Séville est construit sur le modèle de certaines des parades auxquelles l'auteur s'était essayé de si bonne humeur. Ces pièces en un acte mettent en œuvre un canevas conventionnel, adapté de la commedia dell'arte : Léandre, aidé par Arlequin, recherche une Isabelle peu farouche et s'oppose ainsi aux desseins du barbon, Cassandre. Zizabelle mannequin, Jean-Bête à la foire ou Léandre marchand d'agnus sont des variations sur ce schéma. Le Barbier l'enrichit. La jeunesse triomphe de cette comédie d'intrigue au rythme stupéfiant c'est l'effet, entre autres choses, de la « contraction » de la pièce en quatre actes, mais aussi le grand seigneur, libertin quoique amoureux. Dans Le Mariage, le modèle se transforme, le valet Figaro n'est plus au service des desseins de son maître, il s'oppose à lui et tente de mener une action qui assure la réalisation de ses ambitions et de ses désirs propres : c'est déjà Ruy Blas. Le plébéien s'oppose ainsi à la pratique du droit du seigneur qui livrerait au comte Almaviva sa propre fiancée, Suzanne, et rameute autour de lui une véritable troupe populaire. Mais la jacquerie tourne à la fête réconciliatrice autour de l'union conjugale, celle du comte et de la comtesse, celle de Bartholo et de Marceline, celle de Figaro et de Suzanne. Les déguisements de la parade, le feu d'artifice, les fêtes traditionnelles font oublier les menaces et les insolences de Figaro ou de Chérubin. Ainsi tout finit par des chansons : Le Mariage de Figaro est la dernière fête de l'Ancien Régime, sa dernière utopie. Quant au dernier drame de Beaumarchais, il porte partout la trace de la politique, mais d'une politique qui se fait ailleurs et dont le foyer n'est nullement le discours dramatique ; la présence du buste de Washington, l'engagement de Léon au club, le renoncement aux marques extérieures de noblesse révèlent l'inscription de la pièce dans l'histoire.

Ce n'est pas non plus le moindre paradoxe de voir monter dans la trilogie le thème de la famille comme valeur et refuge, thème présent dès les deux drames de 1767 et 1770, en même temps que le travaillent ceux du désir, de l'adultère, de l'inceste et de la perversion. À cet égard, La Mère coupable révèle étonnamment les pulsions qui étaient à l'œuvre dans Le Mariage. Le jeune Chérubin, ce morveux sans conséquence, qui s'introduit si facilement chez les femmes du château et surtout chez sa belle marraine, ce joli valet de cœur n'en est pas moins promis à la mort par la jalousie du roi, et l'on apprend qu'il a violé la comtesse. Le désir, comme le ruban taché de sang, ne circule pas impunément. L'ombre de l'inceste plane sur les amours de Léon et de Florestine. Le double adultère de La Mère coupable appartient à la thématique du drame moderne. Beaumarchais lève un tabou de la scène d'Ancien Régime on n'y évoquait que des mariages secrets et annonce un topos du théâtre bourgeois des siècles suivants. Il inscrit aussi cet événement historique majeur qu'est l'instauration du divorce par la Révolution. Par une série d'opérations magiques, l'intrigue de la pièce débouche sur une réconciliation générale autour d'une famille reconstituée, et Figaro peut conclure par cette sentence : On gagne assez dans les familles quand on en expulse un méchant. Mais cette expulsion ne clôt pas l'imaginaire. Le traître satanique ainsi est-il désigné par Figaro part en proférant des menaces qui restent dangereuses. Le drame de famille naît de tous les secrets enfouis, chuchotés ou surpris, sans lesquels il n'est pas de famille. C'est cette structure détraquée qui donne au drame son actualité.

Beaumarchais, grâce à l'épaisseur d'histoire individuelle dont il les dote, fait de ses personnages de véritables sujets. Recentrant Le Barbier de Séville autour de Bartholo, admirablement interprété par Roland Bertin, la mise en scène de Jean-Luc Boutté à la Comédie-Française en 1990 montrait à nu la mutation du statut du personnage conventionnel du barbon ou du docteur de la commedia dell'arte. Bartholo aime, mais il est vieux et laid, or sa jalousie lui confère une rare profondeur de souffrance et d'intelligence. Quand Beaumarchais se saisit de l'emploi du valet de comédie, il le traite tantôt en usant des ressources de la tradition (l'Éveillé et la jeunesse du Barbier, Guillaume de La Mère coupable), tantôt en le transformant totalement. Figaro (dont la personnalité s'esquisse avec Drink dans Eugénie) est un sujet avec son histoire, ses contradictions, avec sa conscience réfléchissante, en un mot avec son moi. Il peut s'interroger dans son monologue célèbre. Il est d'ailleurs plus qu'un personnage, il est encore le spectateur de son histoire et surplombe la comédie comme le spectateur lui-même, avec lequel il est en profonde sympathie. Et dans ce moi, comme dans le théâtre romantique, nous sentons, nous cherchons l'auteur et sa subjectivité. Son amour des femmes est présent dans chaque scène. C'est ce qu'a vu Mozart, qui a écrit les Nozze autour du sublime trio vocal de la comtesse, de Suzanne et de Chérubin. En elles est le secret du charme et de l'énergie de Figaro. En elles toutes les nuances de la vertu, de l'audace, de l'amour conjugal, mais aussi la fragilité, le désir et ses abandons. Beaumarchais, touché par la grâce, réussit l'alliance du libertinage et de la tendresse.

Si Le Mariage de Figaro est la plus indiscutablement réussie des comédies. c'est que Beaumarchais nous entraîne dans un rythme admirable, parce qu'il est celui de la vie et du désir. Même lorsqu'on sent l'amertume dans le monologue de Figaro, on la devine passagère : l'insolence tourne à la fête et non pas au ressentiment. Quand on sent cette gaîté s'estomper, ce tempo se casser, le charme s'évanouit : c'est le temps du dernier drame et de la Révolution. Beaumarchais est en vérité l'homme de deux siècles : c'est qu'il est tout à fait libre. Il est libre des traditions, dont il sait pourtant retenir les ressources, libre dans l'idéologie même des Lumières, à laquelle il est attaché, libre dans sa parole et dans ses sentiments. Cette liberté est le secret de sa jeunesse.


Liens
http://youtu.be/GcDkVOiX0qA Beaumarchais l'insolent
http://youtu.be/HkZhW3HO5J4 Le mariage de Figaro
http://youtu.be/RNyHUpoC-u0 Le Barbier de Séville
http://youtu.be/FaVR-Lyue_s Lettre à une amoureuse de Beaumarchais
http://youtu.be/OJb_vHfVSn4 Ouverture du barbier de Séville par les 4 barbus

[img width=600]http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/56/Jean-Marc_Nattier,_Portrait_de_Pierre-Augustin_Caron_de_Beaumarchais_(1755).jpg[/img]

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Posté le : 18/05/2014 21:05

Edité par Loriane sur 19-05-2014 21:43:09
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François Nourissier
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Le 18 mai 1927 à Paris naît François Nourissier, journaliste et un

écrivain français


qui fut, pendant trente ans, membre de l'Académie Goncourt, ses romans et divers écrits lui valurent le Grand prix du roman de l'Académie française en 1965, le prix Femina en 1970, le Prix mondial Cino Del Duca en 2002, ses Œuvres principales
sont : "Un petit bourgeois" en 1964, "Allemande" en 1973, "À défaut de génie" en 2001, il meurt dans la même ville à 83 ans le 15 février 2011.

François Nourissier est successivement secrétaire général des éditions Denoël 1952-1955, rédacteur en chef de la revue La Parisienne 1955-1958, et conseiller aux éditions Grasset 1958-1996. Il a parfois été rattaché à l'école des Hussards.

Il est élu à l'Académie Goncourt en 1977 au couvert de Raymond Queneau, en devient le secrétaire général en 1983 et le président de 1996 à 2002. Il démissionne en 2008 pour des raisons de santé.
En 1962, il a épousé Hélène Cécile Muhlstein 1936-2007, artiste peintre et apparentée à la famille Rothschild. Il raconte leur relation tumultueuse, marquée par l'alcoolisme, dans le livre pseudo-autobiographique, Eau-de-feu 2008.
Frappé d'akinésie depuis le début du XXIe siècle, il se compare avec pudeur à un caméléon et désigne la maladie de Parkinson dont il souffre sous le nom de Miss P.

Il meurt le 15 février 2011, à 83 ans.

François Nourissier est né à Paris en 1927. Il raconte avec humour dans Le Musée de l'homme 1978 qu'il s'était inventé, à une certaine époque, une identité de « Lorrain de fantaisie », à défaut de pouvoir produire des origines sociales plus légitimées. Il a huit ans quand son père meurt subitement à côté de lui, tandis qu'ils sont au cinéma. Le monde de son enfance est étouffant, catholique et féminin. Sans doute faut-il voir là l'origine de composantes essentielles de sa personnalité. En 1945, il fait partie des bénévoles qui, à l'hôtel Lutétia, accueillent les déportés qui reviennent des camps, et il publie, entre 1949 et 1952, des travaux sur les personnes déplacées, tout en poursuivant des études supérieures à Sciences Po. Il occupe d'importantes fonctions éditoriales, chez Denoël de 1952 à 1955, chez Grasset de 1958 à 1996. Élu à l'académie Goncourt en 1977, qu'il quittera en 2008, il assume les contraintes de la position de secrétaire général à partir de 1985, puis de président de 1996 à 2002. Sa connaissance intime du milieu littéraire se retrouve dans plusieurs de ses ouvrages, comme Les Chiens à fouetter 1957.

Nombre des événements de la vie personnelle de François Nourissier seront par la suite rapportés dans ses ouvrages, pour se fondre dans le seul univers qui compte à ses yeux : la littérature. Car il sait depuis toujours que sa vocation est l'écriture. Son premier roman, L'Eau grise 1951, republié en 1986 avec une Préface très éclairante, est remarqué par Jacques Chardonne, ce qui lui ouvre les portes de la reconnaissance littéraire. Il se sent proche du groupe des Hussards Roger Nimier, Antoine Blondin, Jacques Laurent, Michel Déon, parce qu'il partage leur refus d'une littérature asservie à une idéologie, et que – à l'exception notable de Céline – il admire le talent littéraire d'auteurs qui se sont compromis avec l'occupant allemand ou qui traditionnellement sont considérés comme des écrivains «réactionnaires . Il fallait en effet faire preuve, au début des années 1950, d'une grande autonomie d'esprit pour revendiquer une filiation avec Chardonne ou Morand, Montherlant ou Drieu la Rochelle, voire Bernanos et Barrès. François Nourissier acquiert de la sorte, au sein de la république des Lettres, une réputation d'homme de droite , qui ne le quittera jamais tout à fait, qu'il assume et sur laquelle il s'est longuement expliqué Mauvais Genre, 1994, marquant son attachement à l'idée d'une patrie française, son refus de l'intellectualisme engagé, son goût pour les maisons bourgeoises La Maison mélancolie, 2005, les automobiles ou les beaux objets, la discipline du corps et de l'allure.

La carrière de François Nourissier est rythmée par ses activités multiples au sein du monde des lettres. En 1952, il prend la succession de Jacques Laurent à La Parisienne pour en faire une revue moins politique et plus littéraire. À L'Express, aux Nouvelles littéraires, au Figaro et au Figaro Magazine, au Point, il livre d'innombrables articles qui contribuent largement à faire connaître au grand public les livres nouveaux. Sa vie privée alimente une production romanesque abondante, dont la dimension autobiographique n'a cessé de prendre de l'importance, au point de lui faire affirmer que la fiction, tout compte fait, l'intéresse assez peu. Il fait exception, néanmoins, pour L'Empire des nuages 1981 ou Le Gardien des ruines 1992, roman qui brosse un tableau saisissant de la société française de 1938 à 1990.

L'écrivain s'observe avec étonnement, et dégoût parfois. Le style incisif, la pointe sèche du moraliste stigmatisent les faiblesses d'une âme inquiète qui souffre de se sentir sans grandeur Portrait d'un indifférent, 1957 ; Le Musée de l'homme. Dès Bleu comme la nuit 1958, la chronique personnelle se mêle à la matière romanesque, mais c'est Un petit bourgeois 1963 qui fixe la manière de Nourissier, avec ses interrogations sur l'homme moyen d'aujourd'hui. La maladie, beaucoup plus tard, viendra le tourmenter : loin de sonner le déclin de l'œuvre, elle va lui donner une nouvelle vigueur en inspirant des textes magnifiques Prince des berlingots, 2003, qui sont à la fois une méditation sur le corps, le vieillissement et la mort, une forme libre d'introspection et une chronique sociale de la France contemporaine. Lire Nourissier, c'est se souvenir qu'on a lu Montaigne, Rousseau ou Chateaubriand, même si les inspirateurs plus modestement revendiqués par l'auteur sont Benjamin Constant, Michel Leiris, Pierre Jean Jouve ou Aragon, dont il fut l'ami intime et l'admirateur. Prétexte à une réflexion sur le goût littéraire, à l'abri des modes et des faux-semblants, les 865 pages d'À défaut de génie 2000 resteront un chef-d'œuvre d'écriture autobiographique, procédant par subtils glissements d'un sujet ou d'un thème à un autre. L'analyse de soi chez Nourissier ne tourne jamais à la complaisance malsaine : qu'il s'agisse d'analyser l'effritement des couples Eau-de-Feu, 2008, de s'observer soi-même dans ses ridicules et ses tricheries intimes ou de faire l'expérience de la dépossession de soi Roman volé, 1996, toujours la confession reste en deçà de l'obscène pour dire loyalement au lecteur tout ce qu'il est en droit d'attendre des analyses d'un moraliste. L'exploration des ténèbres de la conscience se fait d'ailleurs, il faut le souligner, sans le recours à la psychanalyse, ce qui ajoute à la singularité de l'écrivain dans son époque. Éthique qui donne un sens aux événements d'une vie, la littérature est l'espace naturel dans lequel il se meut.

François Nourissier inverse le processus ordinaire du langage qui, le plus souvent, rapporte la réalité d'un déjà-là psychologique. Je marche au hasard dans ma vie. À cette phrase du Maître de maison 1968, il faudrait ajouter que les perpétuels déplacements de ce hasard sont guidés par un sens intuitif de la meilleure prose française. L'écrivain vit dans sa langue, sa personnalité s'y inscrit pour graver un style. Grand séducteur, Nourissier n'accepte à son tour de n'être durablement séduit que par les mots, qu'il traque à l'infini pour qu'ils lui révèlent quelque jour son visage à lui, sans espoir de le connaître jamais. Le retrait sceptique, le fort pessimisme, l'absence de contestation bruyante, les angoisses du qui suis-je ? et de la finitude sont portés par une écriture vive, pleine, inventive et drôle, sans concession d'aucune sorte. Ce qui fait de François Nourissier l'un des plus authentiques représentants de la tradition vivante d'un classicisme français.

Å’uvre

1951 - L'Eau grise
1952 - La Vie parfaite
1955 - Lorca, dramaturge5
1956 - Les Orphelins d'Auteuil
1956 - Les Chiens à fouetter
1957 - Le Corps de Diane
1958 - Bleu comme la nuit
1964 - Un petit bourgeois
1965 - Une histoire française Grand prix du roman de l'Académie française
1968 - Le Maître de maison
1970 - La Crève prix Femina
1973 - Allemande
1975 - Lettre à mon chien
1978 - Le Musée de l'homme
1981 - L'Empire des nuages
1987 - En avant, calme et droit
1985 - La Fête des pères roman La Fête des pères
1990 - Bratislava
1992 - Le Gardien des Ruines
1996 - Roman volé
1997 - Le Bar de l'escadrille
2000 - À défaut de génie
2003 - Prince des berlingots
2005 - La Maison Mélancolie
2008 - Eau-de-feu
Autres
2000 : Albums de la Pléiade : album de la NRF, bibliothèque de la Pléiade, éditions Gallimard.

Liens
http://youtu.be/5xT3vin5BwI La Java
http://youtu.be/EPpKApcmwUQ La polka
http://youtu.be/gAOC4R0gfKk Mort de François Nourissier
http://youtu.be/LBhLxzhwSJc
http://youtu.be/vAtbCLQpDag Roman volé


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Posté le : 18/05/2014 21:02

Edité par Loriane sur 19-05-2014 23:31:54
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Mme De La Fayette
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Le 25 mai 1693, à 59 ans, à Paris Royaume de France, meurt

Marie-Madeleine Pioche de La Vergne, comtesse de La Fayette


ou Lafayette, femme de lettres française, auteur de romans, nouvelle de style du mouvement "classicisme", ses Œuvres principales sont : La Princesse de Montpensier en 1662, La Princesse de Clèves en 1678, elle est née le 18 mars 1634 à Paris
Ne pas confondre avec Adrienne de la Fayette épouse du marquis de La Fayette.


"Mme de La Fayette a eu raison pendant sa vie. Elle a eu raison après sa mort. "Mme de Sévigné croyait-elle si bien dire et comme prophétiser. Depuis trois siècles, en effet, ce nom a fait éclore un mythe. Qu'importe qu'elle soit auteur plus qu'écrivain si sa postérité littéraire en est encore à s'enrichir de cette sorte de cascade qui hommage, influence, tentative concertée", en ordre ou dans le désordre, en passant par Constant, Stendhal ou Gobineau, Fromentin ou Radiguet, a nourri l'art du roman.
Est-ce une langueur mélancolique qui la fit surnommer le brouillard par les familiers de l'hôtel de Nevers, tandis que d'aucuns vantaient sa divine raison ? Nul doute qu'elle ait eu son mystère, cette grande dame française, un peu fragile, qui se disant baignée de paresse n'en menait pas moins ses affaires avec ardeur, qui, prude, dévote, jeune et non veuve, laissa La Rochefoucauld ne la presque pas quitter, qui, ne détestant pas l'intrigue, ne s'aliéna nulle amitié, et, sensible aux succès mondains, empêcha, néanmoins, qu'aucune de ses œuvres fût publiée sous son nom.
L'époque était de celles où une fortune trop petite, une érudition trop grande et une noblesse médiocre gênaient l'établissement d'une fille. Or, tout homme de goût qu'il fût, son père, Marc Pioche de La Vergne, n'était que simple écuyer. Sans doute Marie-Madeleine, qui naquit à Paris, eût-elle passé son existence parmi nombre d'honnêtes gens plus cultivés que courtisans, si sa mère, Isabelle Pena, n'eût été assez habile pour la pousser dans le monde. Elle lui donne pour parrain Urbain de Maillé, marquis, maréchal de France et beau-frère de Richelieu ; pour marraine, Marie-Madeleine de Vignerol du Plessis, nièce du même Richelieu et future duchesse d'Aiguillon. Retz, le coadjuteur, fréquente la maison, ainsi que Renaud de Sévigné oncle de la marquise qu'Isabelle Pena épousera en secondes noces. Les activités frondeuses de ce beau-père turbulent, et qui lui vaudront peut-être son goût pour la politique, n'empêcheront pas Marie-Madeleine d'être, en 1651, demoiselle d'honneur de la reine, et, en 1654, de se lier avec Henriette d'Angleterre, dont elle écrira une vie, et qui séjourne en le couvent de Chaillot. En 1655, elle épousera le frère de la supérieure de ce couvent, Jean François de La Fayette, de vingt ans son aîné ; mais un nom, et certaine fortune.
De cette chose incommode que lui paraît être l'amour, elle ne souffrira guère. Laissant en ses terres d'Auvergne un mari fort peu gênant, Mme de La Fayette ne quittera plus Paris jusqu'à sa mort. Le mariage d'Henriette d'Angleterre avec Monsieur, duc d'Orléans, lui ouvrira les portes de la Cour. Son sens pratique et son esprit feront le reste : elle saura mener la carrière de ses fils et devenir une personne considérable
Admise à la Cour, témoin de ses plus belles intrigues, est-ce son adresse à doter d'une investiture d'histoire un fait divers qui valut à Mme de La Fayette l'admiration de ses contemporains ? Mais le roman plus ou moins historique préexistait ! Est-ce l'audace de composer un roman avec ce qui passait pour un sujet de nouvelle ? Est-ce son goût pour l'analyse ? Mais une certaine analyse n'était absente ni de L'Astrée ni des récits sans fin de Mlle de Scudéry ! Est-ce son obsession des ravages de l'amour ?
Disposition personnelle ou influence des jansénistes, les errements de la passion lui furent son sujet d'étude : l'amour monstre de la nature, peste du genre humain, perturbateur du repos public. La Comtesse de Tende posthume, 1724, c'est la dureté de l'amour. Le Triomphe de l'indifférence, ce sont ses mortelles douceurs et ses longues amertumes. La Princesse de Montpensier 1662, c'est, peinte de façon exemplaire, l'incommodité d'un penchant, Zaïde 1669, roman à la mode espagnole, c'est l'effrayante vision de la jalousie on songe à l'Albertine de Proust. Enfin, la boucle est bouclée avec la Princesse de Clèves 1678 : d'un engagement éternel naît la perte de l'amour. Tel engagement, qui le tiendrait ? Il est pourtant indispensable à l'existence d'un amour... À partir de cette gageure l'analyse va se tisser.
De l'analyse qui, chez les précieux n'était qu'ornement, prétexte à propos mondains et obstacle à l'action, Mme de La Fayette fait le support unique de l'intrigue dans La Princesse de Clèves. Le regard sur le vécu et le point sans cesse fait s'inscrivent dans la ligne d'action. L'analyse devient substance d'un récit tout du long courbé vers l'avant. Durée, ressort, mouvement intérieur, elle va les prendre en charge. C'est la première solution apportée au délicat problème du temps romanesque. En ce temps fait champ clos, en cette lice des tourments du cœur que l'esprit jamais ne déserte, en cette qualité, en définitive, d'investigation psychologique, réside la véritable originalité de Mme de La Fayette.
Que Boileau l'ait tenue pour la femme de France qui écrivait le mieux ne nous fera pas pour autant trouver sa phrase parfaite. Mais est-ce la perfection d'un langage qui tisse certain ton ? Outre un faste baroque perdu, certains déploreront des impropriétés, des redites, un abus du relatif, un vocabulaire pauvre. Mais l'habileté des faiseurs, qu'at-elle à voir avec le génie ? Un pointage de gaucheries n'empêche pas que nous enchantent un climat quasi unique, tout de rigueur et de mesure, et même une distance prise, et jusqu'à la monotonie créée par un refus du trait individuel, fondé qu'est cet art classique sur une croyance en l'identité de l'homme.

Si Mme de La Fayette n'a pas gagé d'être parfaite, elle n'en demeure pas moins l'auteur du premier en date des romans modernes, et ce roman en est toujours à compter parmi les plus grands.

Sa vie

Marie-Madeleine Pioche de La Vergne est née dans une famille aisée de petite noblesse, qui gravite dans l’entourage du cardinal de Richelieu.
Sa mère, fille d’un médecin du roi, est au service de la duchesse Rose-Madeleine d'Aiguillon. Son père, Marc Pioche de la Vergne, écuyer du roi, meurt d'une balle dans le torse alors qu’elle n’a que quinze ans. L’année suivante, en 1650, elle devient dame d'honneur de la reine Anne d'Autriche et commence à acquérir une éducation littéraire auprès du grammairien Ménage qui lui enseigne l’italien et le latin. Ce dernier l’introduit alors dans les salons littéraires en vogue de Catherine de Rambouillet, de la Marquise du Plessis-Bellière et de Madeleine de Scudéry.
En 1650, sa mère se remarie avec Renaud de Sévigné, un oncle du mari de la marquise de Sévigné ; les deux femmes , qui ont huit ans de différence , deviendront pour toujours les plus chères amies du monde.

En 1655, Madeleine épouse, à l’âge de 21 ans, un Auvergnat de dix-huit ans son aîné, François Motier, comte de La Fayette dont elle aura deux fils. Ce veuf, frère de la célèbre Louise de La Fayette, qui mène une existence retirée dans son château, lui apporte la fortune et un nom.
Elle l’accompagne dans ses domaines familiaux en Auvergne et dans le Bourbonnais bien qu’elle retourne fréquemment à Paris où elle commence à s’introduire dans la haute société de la Cour et à ouvrir avec succès son propre salon. Leur bonheur conjugal semble avoir sombré après quelques années de mariage, après la naissance de leurs fils, date à partir de laquelle François de La Fayette se fait tellement discret qu'il semble avoir littéralement disparu ce n'est qu'à la fin du XIXe siècle qu'un document trouvé dans les archives de la Trémoille indique que ce mari silencieux avait vécu jusqu'au 26 juin 1683.
La Bruyère a résumé ainsi cette étrange situation :
" Nous trouvons à présent une femme qui a tellement éclipsé son mari, que nous ne savons pas s’il est mort ou en vie… "

On compte, parmi les connaissances de Marie-Madeleine de La Fayette, Henriette d'Angleterre, future duchesse d’Orléans, qui lui a demandé d’être sa biographe ; le Grand Arnauld et Huet dont le Traité de l'origine des romans sera publié en préface de son Zaïde. Au tout début de la Fronde, elle a également été proche du cardinal de Retz.
Établie de façon définitive à Paris en 1659, elle fait paraître anonymement La Princesse de Montpensier en 1662.
De 1655 à 1680, elle sera étroitement liée avec La Rochefoucauld l’auteur des Maximes, dont elle dira :
"M. de La Rochefoucauld m’a donné de l’esprit, mais j’ai réformé son cœur."
La Rochefoucauld présente Marie-Madeleine de La Fayette à beaucoup de grands esprits littéraires du temps, y compris Racine et Boileau. 1669 voit la publication du premier tome de Zaïde, un roman hispano-mauresque édité sous la signature de Segrais mais presque certainement dû à Madame de La Fayette. Le deuxième volume paraît en 1671. Zaïde fut l’objet de rééditions et de traductions, notamment grâce à la préface de Huet.
L'œuvre la plus célèbre de Marie-Madeleine de La Fayette est La Princesse de Clèves, d’abord éditée par un de ses amis en mars 1678. Cette œuvre, dont le succès fut immense, passe souvent pour être un prototype du roman d'analyse psychologique.

Son œuvre romanesque rompt avec l'imagination tout extérieure et mécanique des romans chevaleresques. Dédaigneuse de la mode, hostile à l'artifice et à la convention, soucieuse de ne jamais ennuyer et de ne jamais se répéter, elle met au point la véritable illusion romanesque, celle qui fait fi de l'illusion. La Princesse de Montpensier 1662, nouvelle historique et sentimentale, est d'une grande unité de ton et met en jeu un argument simple.
La mort de La Rochefoucauld en 1680 puis du comte de La Fayette en 1683 la conduit à mener une vie sociale moins active dans ses dernières années. Elle s'est clairement retirée de la vie mondaine, afin de se préparer à la mort.
Trois de ses ouvrages ont été édités à titre posthume : La Comtesse de Tende en 1723, Histoire d’Henriette d’Angleterre en 1720 et Mémoires de la Cour de France en 1731.

Elle meurt à Paris le 25 Mai 1693

Le jugement de ses pairs

"Mme de La Fayette est la femme qui écrit le mieux et qui a le plus d'esprit. " Boileau
« "Sa Princesse de Clèves et sa Zaïde furent les premiers romans où l’on vit les mœurs des honnêtes gens, et des aventures naturelles décrites avec grâce. Avant elle, on écrivait d’un style ampoulé des choses peu vraisemblables." Voltaire, Le Siècle de Louis XIV 1751.
" Sa simplicité réelle est dans sa conception de l’amour ; pour Mme de La Fayette, l’amour est un péril. C’est son postulat. Et ce qu’on sent dans tout son livre, la Princesse de Clèves comme d’ailleurs dans la Princesse de Montpensier, ou la comtesse de Tende, a une constante méfiance envers l’amour, ce qui est le contraire de l’indifférence ". Albert Camus, Carnets 1964.
" Tout en elle nous attire, la rare distinction de son esprit, la ferme droiture de ses sentiments, et surtout, peut-être, ce que nous devinons au plus profond de son cœur : une souffrance cachée qui a été la source de son génie." Morillot, Le Roman du XVIIe siècle.

Å’uvres

Page de titre de l’édition de 1678 de La Princesse de Clèves.
Page de titre de l’édition de 1670 de Zaïde, histoire espagnole.
La Princesse de Montpensier, 1662, puis 1674 et 1675.
Zaïde, histoire espagnole, tome 1, tome 2, Paris, Claude Barbin, 1671.
La Princesse de Clèves, À Paris, chez Claude Barbin, 16 mai 1678 . traduit en anglais en 1689 à Londres.
Romans et Nouvelles, Paris, Classiques Garnier, 1989, ISSN 0750-2176
La Comtesse de Tende 1718, posthume
Histoire de madame Henriette d'Angleterre, première femme de Philippe de France, Duc d'Orléans, Amsterdam, M.-C. Le Cène, 1720.
Mémoires de la cour de France pour les années 1688 et 1689, Paris, Foucault, 1828.

Bibliographie

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Madame de La Fayette, Œuvres complètes, édition établie par Camille Esmein-Sarrazin, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris, 2014, 1664 pages.

Mme de La Fayette 1634-1693 en dates

1634 Naissance à Paris, le 18 mars 1634, de Marie-Madeleine Pioche de La Vergne qui deviendra Madame de La Fayette. Son père est de petite noblesse (écuyer). Sa mère, fille d'un médecin du roi est au service de Mme de Combalet, nièce du cardinal de Richelieu.
1635 La famille de Marie-Madeleine s'installe à Paris, rue de Vaugirard.
1638-1640 La famille de Marie-Madeleine réside à Pontoise, puis au Havre, ville que commande M. de La Vergne au nom du marquis de Brézé.
1640 La jeune Marie-Madeleine revient à Paris, son père ayant acheté une résidence rue Férou, proche du Luxembourg.
1649 Mort de son père
1650 Remariage de sa mère avec le chevalier Renaud de Sévigné, qui fut frondeur, et entraîna le départ de la famille en Anjou (1652). Le chevalier de Sévigné est l'oncle de la Marquise de Sévigné. Celle-ci devient l'amie intime de Marie-Madeleine . Elles resteront amies toute leur vie.
Jeune, riche et cultivée, Marie-Madeleine fréquente les salons de Mlle de Scudéry et l'hôtel de Rambouillet. Elle devient demoiselle d'honneur de la régente Anne d'Autriche. Elle se retrouve ainsi au cœur des intrigues de la Cour.
1652 Renaud de Sévigné, partisan du cardinal de Retz est contraint de s'exiler
1655 Marie-Madeleine a 21 ans. Elle épouse à Paris, le comte François de La Fayette, officier en retraite de 38 ans, et qui est veuf . Le comte François de La Fayette est d'une grande noblesse, mais il est sans argent. Ce mariage de raison, arrangé par sa mère, vaut à Marie-Madeleine une vie sans passion mais sans tragédie. Les époux adopteront un mode de vie les satisfaisant tous les deux : elle fréquentera les salons parisiens, tandis que le comte restera sur ses terres d'Auvergne.
1658 Naissance, en Auvergne, de Louis, fils de Marie-Madeleine de La Fayette.
1659 Mort de la mère de Mme de La Fayette
Naissance à Paris, d'Armand, le second fils de Marie-Madeleine de La Fayette
Mme de La Fayette connaît une certaine renommée dans les milieux mondains. Elle se lie d'amitié avec Henriette d'Angleterre, la future duchesse d'Orléans. Elle côtoie Segrais, un poète qui entrera à l'Académie française en 1662
1660 Par l'intermédiaire de Mme de Sablé, Mme de La Fayette rencontre le Grand Arnauld et La Rochefoucauld. Elle fréquente à l'Hôtel de Nevers, un cercle janséniste.
1661 Mariage de son amie Henriette d'Angleterre avec Philippe d'Orléans ( Monsieur, frère du roi). Elle accède ainsi au cercle des intimes du Palais Royal . Cette situation privilégiée lui permet d'observer les galanteries de la cour . Elle les transposera ensuite dans ses écrits.
1662 Publication de La Princesse de Montpensier, sous le nom de Segrais
1665 Mme de La Fayette noue une relation d'amitié avec La Rochefoucauld. Leur amitié durera jusqu'à la mort de La Rochefoucauld en 1680. Grâce à La Rochefoucauld , Mme de la Fayette qui aimait les livres et qui avait beaucoup lu rencontre Racine, le vieux Corneille, Boileau et beaucoup d'autres auteurs.
1670 Publication de Zaïde qu'elle a rédigé en collaboration avec La Rochefoucauld et Segrais. Cette histoire espagnole est signée Segrais
1678 Publication de la Princesse de Clèves
1680 Mort de La Rochefoucauld
1683 Mort de son mari
1689 Madame de La Fayette compose la Mémoires de la Cour de France pour les années 1688 et 1689. Cet ouvrage sera publié après sa mort
1693 Malade, Madame de La Fayette meurt le 26 mai " avec une piété admirable" comme l'écrit Racine.
1720 Publication posthume de Henriette d'Angleterre
1724 Publication posthume de la Comtesse du Tende, courte nouvelle
1731 Publication posthume de la Mémoires de la Cour de France pour les années 1688 et 1689




"L'amour, une chose incommode" ou La Princesse de Montpensier

de Bertrand Tavernier.

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François de Chabannes instruisant Marie de Montpensier.

C’est au contact d’Henriette d’Angleterre, Madame, dont elle fut la confidente, que Marie-Madeleine Pioche de Lavergne, comtesse de La Fayette, se découvre la tentation d’écrire. Sur les conseils du grammairien Ménage, abbé et homme de lettres, à qui elle doit son apprentissage en écriture, elle entreprend la rédaction d’une nouvelle, qui suit celle de La Comtesse de Tende, et dont le dessein était simple : « Montrer les ravages que peut faire l'amour dans l’existence d’une femme, quel danger il constitue pour son bonheur ». Avec La Princesse deClèves, ces trois textes aborderont une thématique commune, celle de la faute commise par une femme mariée.
Publiée anonymement en 1662, la nouvelle, intitulée La Princesse de Monpensier(orthographe de l’époque), recueillit un vif succès. En effet, sous l’identité de la princesse de Montpensier, les contemporains découvrirent sans peine, non son homonyme la Grande Mademoiselle, mais bien plutôt la malheureuse Henriette d’Angleterre elle-même. L’on sait en effet que sous les costumes du XVI° siècle, c’est la noblesse du Grand Siècle qui revit par la plume incisive de celle qu’on surnommait « le Brouillard ».
A l’heure où les romans-fleuves de Mademoiselle de Scudéry sont en train de passer de mode, Madame de La Fayette met en scène le thème de la fatalité de l’amour condamné par la société ou non partagé, dans le cadre de la cour des Valois, toute faite de raffinement et de vilenie. « Pendant que la guerre civile déchirait la France sous le règne de Charles IX, l’amour ne laissait pas de trouver sa place parmi tant de désordres et d’en causer beaucoup dans son empire. »
On connaît le propos que reprend Bertrand Tavernier dans le film éponyme : Marie de Mézières (Mélanie Thierry), « héritière très considérable » est promise au jeune duc du Maine (Mayenne dans le film, César Dombroy), cadet d’Henri de Lorraine, duc de Guise (Gaspard Ulliel), dit « le balafré ». C’est pourtant de ce dernier dont elle est éprise. Les Bourbon, jaloux de la puissance des Guise et que cette alliance renforcerait, rompent leur engagement et arrangent un mariage avec Philippe de Bourbon, prince de Montpensier (Grégoire Leprince-Ringuet). Marie, qui craint de côtoyer celui qu’elle aime en épousant son frère, se résout, non sans rébellion, à cette décision.
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Marie de Mézières et son mari Philippe de Montpensier.

Retenu à la guerre, le jeune marié confie pendant un an sa jeune épousée au comte François de Chabannes (Lambert Wilson) qui fut son précepteur. Loin de la cour, sur les hauteurs du sévère château de Champigny, l'ancien soldat lui apprend à écrire, lui donne le goût de la poésie, lui enseigne la marche des étoiles. « Il la rendit en peu de temps une des personnes du monde la plus achevée. » Alors qu’elle lui livre son amour secret pour Henri de Guise, il lui avoue qu’il s’est épris d’elle. Puis le hasard fera que le duc d’Anjou, Henri de France, futur Henri III (Raphaël Personnaz), tombera amoureux de la princesse esseulée, tandis que se rallume la flamme de cette dernière pour Henri de Guise. Chabannes, malheureux et déçu, se fera le complice de leurs amours, allant jusqu’à sacrifier son honneur en sauvant celui d’Henri de Guise. Il sera massacré au cours de la Saint-Barthélémy. Quant à Marie de Montpensier, elle sera délaissée par l’inconstant Guise. Dans la nouvelle, elle en tombe malade et meurt. Dans le film, elle se retire du monde : « Elle ne put résister à la douleur d’avoir perdu l’estime de son mari, le cœur de son amant, et le plus parfait ami qui fut jamais. »

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Dans la cour du château de Blois,
Henri de Guise, le duc d'Anjou, Marie et Philippe de Montpensier.

Pour son vingt-sixième long-métrage, le cinéphile et cinéaste, passionné d’Histoire, qu’est Bertrand Tavernier a relevé le défi d’adapter dans un film de 140 minutes ce texte d’une vingtaine de feuillets, rédigé dans sa grande majorité au style indirect. Dans une interview à Ciné Lycée, il explique qu’il préfère le terme de « lecture » à celui d’ « adaptation », d’autant plus que la majorité du film est constitué de scènes totalement originales. Avec Jean Cosmos, il a repris, par le biais d’un scénario écrit par François-Olivier Rousseau, un projet déjà existant.
Dans ce récit qui se déroule entre 1567 et 1571, pendant les guerres de religion et le règne de Charles IX, Bertrand Tavernier a été sensible à des échos très contemporains, comme l’aspiration d’une jeune fille à vivre son propre destin, ou encore le fanatisme religieux. Il a donc été saisi par « la métamorphose » de cette jeune fille noble, « non préparé[e] aux événements qui vont s’imposer à elle […] tout comme par la répercussion de ce changement sur son entourage ». Et d’une manière subtile, il parvient à expliquer l’attitude du comte de Chabannes qui, étant passé des huguenots aux catholiques, finit par abandonner le métier de la guerre. Soucieux de retrouver au plus près l’esprit de l’époque, le cinéaste cherche à comprendre ce que fut ce temps et à en « absorber » l’essence même. En revenant sans cesse aux particularités de cette langue du dix-septième, il s’est ainsi efforcé d’en percer les mystères pour en donner à l’image le ton le plus juste.
Le regard de Madame de La Fayette débusque en effet les noirceurs de l’âme humaine et la violence de ces sociétés apparemment si policées et Bertrand Tavernier ne les occulte nullement. Ainsi le film commence par une scène terrible où l’on voit le comte de Chabannes tuer une femme enceinte, dont la maison abrite des huguenots, cet acte étant considéré à l’époque comme gravissime, tout comme la destruction d’un four à pain ou d’une charrue. En même temps que la famille et la maisonnée, le spectateur assiste aussi à la mise en scène de la nuit de noces de Marie de Mézières et de Philippe
de Montpensier. Tandis que les deux pères, le marquis de Mézières et le duc de Montpensier (Philippe Magnan et Michel Vuillermoz), jouent aux échecs, une suivante vient leur présenter le drap taché de sang, preuve que le mariage a été consommé. Telle est la peinture de cette société rigide qui se méfie de la passion, aliène la femme et ne sert que l’homme.

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Marie de Montpensier partant pour le château de Champigny, résidence de son époux.


Le film est par ailleurs mené à bride abattue par un metteur en scène amateur de scènes équestres et celles-ci sont particulièrement réussies. Pour les passages où l'on guerroie, Bertrand Tavernier s’est attaché à repérer des terrains accidentés, les plus à mêmes de suggérer l’effort. Il s'en explique ainsi : « J’ai appris que la mise en scène de cinéma, c’était la dramatisation du rapport entre le temps et l’espace. » « Quand on voit Gaspard Ulliel (Henri de Guise) affronter deux ou trois adversaires successifs dans le même plan, cela nous donne une idée de l’effort qu’il doit fournir », poursuit-il. Les scènes de batailles ont été réalisées « à l’ancienne », dans l’espace de deux jours, sans effets spéciaux, en utilisant le brouillard, les mouvements du terrain, la fumée. Bertrand Tavernier s’est contenté d’une rivière, de beaucoup d’arbustes, et d’un terrain vallonné, qui encombraient le cadre et le dispensaient de disposer d’un trop grand nombre de figurants.
Il a encore souhaité, dit-il, retrouver « les séquences des vieux westerns », dans lesquelles les cavaliers bavardent de concert. Il a donc utilisé le Steadicamer sur une moto ou une petite voiture électrique, obtenant ainsi des plans-séquences où les personnages évoluent librement dans le cadre. Le choix des acteurs a d’ailleurs été conditionné par le fait de savoir monter à cheval. C’était le cas de Lambert Wilson et de Raphaël Personnaz ; tous les autres en ont fait le difficile apprentissage ! Quant à Mélanie Thierry, toute vêtue de vert, elle est impériale en amazone, lorsqu’elle galope sans désemparer jusqu’au château de Champigny, au moment où son mari l’éloigne de la cour.
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Marie de Montpensier chevauchant vers le château de Champigny quand son mari l'éloigne de la cour.

Le choix du Cinémascope a contraint le metteur en scène à se rapprocher des acteurs, à créer plus d’intimité et à mettre en valeur les décors imaginés par Guy-Claude François, les couleurs, les matières et les somptueux costumes créés par Caroline de Vivaise. On admirera le tuffeau des châteaux du Plessis-Bourré et de Blois et les infinis paysages vallonnés d’Auvergne, remarquablement éclairés par le directeur de la photographie Bruno de Keyzer. Mais en même temps, le film ne sent pas la reconstitution historique à tout prix. Ainsi, nul n’y porte la fameuse fraise, présente pourtant sur de nombreux portraits des grands de l’époque. Tavernier a fait le choix du naturel et du mouvement, qui conviennent particulièrement bien à l’extrême jeunesse de ses personnages, et que soutient une très belle musique de Philippe Sarde.
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Henri de France, duc d'Anjou, et futur Henri III.

C’est l'enthousiasme de ces jeunes acteurs que le cinéaste a privilégié dans le film. Lors du tournage du duel à Blois entre Philippe de Montpensier et Henri de Guise, le cadreur Chris Squires a suivi au plus près les duellistes : « Il n’y a pas de marque au sol, rien de figé, je privilégie ainsi le mouvement, les pulsions des acteurs », commente le cinéaste. Et si La princesse de Montpensier peut être qualifiée par certains de « film de cape et d’épée », cela n’ a rien à voir avec Le Bossu et autre Capitan, films qui n’avaient jamais véritablement comblé le jeune spectateur passionné qu’était Bertrand Tavernier.
Dans ce long-métrage, le cinéaste filme donc avec flamme l’ardeur et le désir. Si Mélanie Thierry joue un peu trop souvent de ses moues boudeuses, elle n’en est pas moins crédible dans ce personnage de jeune femme écartelée entre devoir vertueux et passion, esquisse en quelque sorte de ce que sera la princesse de Clèves. Gaspard Ulliel campe un « balafré » plein de fougue, dont l’ambition cherche à se placer d’abord auprès de Marguerite de Valois, soeur du roi, puis auprès de Marie de Clèves qu’il épousera. Mais c’est surtout Raphaël Personnaz qui emporte l’adhésion, en jouant un futur Henri III aux yeux charbonneux, qui ne supporte pas de se voir supplanté par un rival dans le cœur de Marie de Montpensier. Il confère ici beaucoup d’épaisseur à un personnage historique tropsouvent caricaturé en mignon. Seul parmi cette nouvelle génération, Grégoire Leprince-Ringuet ne parvient pas à donner sa force tragique au mari mal-aimé, qu’il interprète sans guère d'âme ni de conviction. Dans le même rôle ingrat, Jean Marais (dans La Princesse de Clèves de Jean Delannoy) était plus convaincant et parvenait à toucher .

"Je suis si persusadée que l'amour est une chose incommode,
que j'ai de la joie que votre père et moi-même en ayons été exempts",
confie la marquise de Mézières à sa fille en lui conseillant de se marier.

En ce qui concerne les comédiens confirmés, l’acteur du Français qu’est Michel Vuillermoz ne déçoit pas en duc de Montpensier alors que Philippe Magnan, dans le rôle du marquis de Mézières, frôle le ridicule, surtout dans la scène où il somme sa fille d’épouser Philippe de Montpensier en lui faisant violence. (Dans cette même scène, on sera sensible au fait que la marquise de Mézières (Florence Thomassin) donne à sa fille une définition de ses relations avec son mari que Madame de La Fayette elle-même avait faite sienne : « Je suis si persuadées que l’amour est une chose incommode, que j’ai de la joie que mes amis et moi en soyons exempts », disait l’écrivain de sa relation avec la Rochefoucauld.) On regrettera encore le choix d’une Catherine de Médicis grasse et vulgaire, dont le jeu force le trait.
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Marie de Montpensier et François de Chabannes.

Mais celui qui remporte la palme, c’est bien évidemment Lambert Wilson qui, après son rôle « habité » du frère Christian de Chergé dans Des hommes et des dieux, endosse de nouveau un rôle à la mesure de son immense talent. Tout en retenue, il interprète avec sobriété et émotion le rôle du comte de Chabannes, fin lettré et homme de science, image d’une tolérance impossible en ces temps de guerres de religion, et que l’amour vient foudroyer alors qu’il croyait que son âge l'en avait délivré. La lettre, adressée par lui à Marie de Montpensier et que Philippe de Montpensier trouve sur son cadavre au lendemain de la Saint-Barthélémy, ne peut que faire penser à la lettre que lit Cyrano à Roxane au moment où il va mourir. Et le film s’achève sur le recueillement silencieux de Marie sur la dalle de sa sépulture dans une petite église d’Auvergne. Et si le personnage-clé de ce film, c’était lui…
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Marie de Montpensier avec à la main la lettre tachée du sang de François de Chabannes.

Selon moi, il est peut-être le porte-parole le plus fidèle du dessein littéraire de Madame de Lafayette, cette pionnière de l'écriture féminine et féministe, qui aspirait à ce que « sous la pudeur aristocratique, s’exprime le désir de se faire le juste écho d’une société d’honnêtes gens occupés avec passion à ne pas être dupes des apparences ».



Mme de La Fayette, « La Princesse de Clèves », 1678 – Corpus : Le roman, miroir de son temps
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« La rencontre »
Le roman de Mme de La Fayette, publié anonymement en 1678, connaît immédiatement un vif succès : il étonne, surprend, provoque, dans les salons mondains, des débats passionnés autour de la peinture des sentiments amoureux.
Son auteur a, en effet, été influencée par deux courants d’idées. D’une part, on reconnaît, dans les réactions des personnages qui parcourent le roman, la Préciosité, mouvement initié par des femmes, qui revendique le droit au respect et prône le raffinement du langage et des manières. D’autre part, amie de La Rochefoucauld, dont la participation à l’écriture du roman est probable, Mme de La Fayette est marquée, comme lui, par la pensée janséniste : par ses fondements religieux celle-ci préconise des valeurs morales strictes, allant jusqu’au sacrifice de soi.
Mme de La Fayette, « La Princesse de Clèves », extrait L’extrait se situe dans la première partie du roman. Après avoir présenté les conditions historiques qui ont conduit au règne d’Henri II, et au moment même du récit, les années 1558-1559, le roman introduit l’héroïne, Mademoiselle de Chartres, en exposant l’éducation qu’elle reçoit de sa mère. Puis, quand la jeune fille est en âge de se marier, elle vient à la Cour, accompagnée de sa mère, pour y être officiellement présentée. A Paris, elle rencontre, à l’occasion d’un passage dans une joaillerie, le Prince de Clèves.
Comment cette rencontre fait-elle naître l’amour dans le coeur du Prince ?
L’IMAGE DE LA SOCIETE
Le cadre de cette rencontre correspond au mode de vie de la noblesse, empreint de ce luxe importé d’Italie à la Cour de France d’abord par François Ier, puis par Catherine de Médicis, épouse d’Henri II. Celle-ci a implanté les goûts de la Renaissance italienne à Paris : de nombreux marchands italiens s’y sont installés à sa suite, par exemple dans les rues environnant le Louvre, et ils y gagnent une opulence considérable : « Sa maison paraissait plutôt celle d’un grand seigneur que d’un marchand ».
Les personnages, appartenant à la noblesse, vivent dans cette atmosphère de luxe. Ainsi Mlle de Chartres est venue dans cette joaillerie « pour assortir des pierreries », et le prince identifie son statut social par le luxe qui l’entoure : « Il voyait bien par son air, et par tout ce qui était à sa suite, qu’elle devait être d’une grande qualité ».
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Au fil des ans, la noblesse s’est habituée à ce luxe : les lecteurs du temps de Mme de La Fayette pouvaient donc parfaitement se reconnaître dans les personnages.
A la même époque, sous François Ier, s’impose à la Cour ce que l’on nommera l’étiquette, code qui régit les rapports entre le souverain et ses sujets. Cette codification des comportements s’accompagne de la notion de « bienséance », c’est-à-dire des formes de « civilité », de politesse qui régissent, de façon plus générale, les rapports humains.
La Préciosité, qui naît vers le milieu du XVII° siècle, s’inscrit dans cette évolution des moeurs en définissant avec précision les bonnes manières qui doivent être de mise entre hommes et femmes. Or, même si l’intrigue du roman se déroule bien avant l’avènement de ce mouvement, Mme de La Fayette s’en inspire certainement en présentant, dans cet extrait, une intéressante opposition entre les deux personnages.
Le prince de Clèves ne respecte pas les bienséances, notamment en laissant paraître trop visiblement sa réaction face à Mlle de Chartres : « Il fut tellement surpris de sa beauté qu’il ne put cacher sa surprise ». Un homme du monde ne doit pas montrer ainsi ses sentiments, et surtout pas à une jeune femme ! Il aggrave cet irrespect en la regardant trop fixement et trop longtemps : il « la regardait avec admiration », il la regardait toujours avec étonnement ». Par opposition, les réactions de Mlle de Chartres traduisent un total respect des règles de bienséance, qui veulent, par exemple, qu’une jeune fille manifeste de la pudeur face aux regards masculins, ce que révèle son embarras, en gradation : elle « ne put s’empêcher de rougir », « ses regards l’embarrassaient », « elle avait de l’impatience de s’en aller ». Cependant elle ne déroge pas à la dignité que lui impose cette même bienséance : « sans témoigner d’autre attention aux actions de ce prince que celle que la civilité lui devait donner pour un homme tel qu’il paraissait ».
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]= Cette rencontre se déroule donc, du point de vue de l’héroïne, dans le strict cadre de la morale, tandis que le prince, lui, en enfreint déjà les bornes assignées par les codes sociaux. N’est-ce pas déjà là le présage d’un amour qui se révélera excessif ?
LA NAISSANCE DE L’AMOUR
Mlle de Chartres exerce une évidente fascination sur le prince de Clèves. Cela vient, en premier lieu, de « sa beauté », terme repris ensuite trois fois dans le passage. Dans ce monde où l’individu est sans cesse mis en scène, où, donc, le regard d’autrui fait accéder à l’existence, l’apparence ne peut que jouer le premier rôle dans la naissance de l’amour. Vient ensuite le mystère qui entoure la jeune fille, exceptionnel puisque, dans ce milieu restreint de la noblesse, chacun se connaît. C’est ce mystère qui accentue la fascination du prince : « il ne pouvait comprendre qui était cette belle personne qu’il ne connaissait point », « il fut bien surpris quand il sut qu’on ne la connaissait point ». Enfin son comportement la rend exceptionnelle, différente des autres jeunes filles : « contre l’ordinaire des jeunes personnes qui voient toujours avec plaisir l’effet de leur beauté », « si touché de sa beauté et de l’air modeste qu’il avait remarqué dans ses actions ».
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=Cliquez pour afficher l
Si le prince est séduit par cette ravissante jeune fille, on notera cependant qu’aucune réciprocité n’est, à aucun moment, suggérée.
Ce premier constat se trouve renforcé par la façon dont Mme de La Fayette joue une double focalisation, interne et omnisciente.
D’une part, toute la scène est vue par le regard du prince, et c’est aussi son interprétation que l’auteur nous présente. Ainsi sa surprise s’exprime à travers ses réflexions, par exemple son hypothèse aux lignes 10 et 11 : « Il voyait bien [...] qu’elle devait être d’une grande qualité ». De même nous découvrons ses hésitations dans les phrases suivantes, jusqu’à la conclusion : « il ne savait que penser ». Enfin il se livre à une supposition que le récit viendra justifier : « Il lui parut même qu’il était cause qu’elle avait de l’impatience de s’en aller, et en effet elle asortit assez promptement ». Ce choix de focalisation finiti par donner l’impression que l’intérêt du prince reste à sens unique.
D’autre part, le point de vue ominiscient intervient dans deux passages essentiels de l’extrait. La focalisation zéro ouvre le texte, en plaçant parallèlement les réactions du prince d’abord, puis de l’héroïne, reliées étroitement par le point-virgule et le connecteur « et » : « Il fut tellement surpris de sa beauté qu’il ne put cacher sa surprise », « et Mlle de Chartres ne put s’empêcher de rougir ». Dans les deux cas se produit un trouble qui se traduit physiquement, indépendamment de toute la maîtrise de soi que l’éducation et le statut social ont inculquée aux deux personnages. Cette même focalisation se retrouve à la fin du texte, alors même que l’héroïne s’efface pour ne plus laisser en scène que le prince. La narratrice prend alors le relais, au moyen du pronom indéfini « on » qui en fait comme un témoin caché de la scène, nous imposant son propre jugement : « on peut dire qu’il conçut pour elle dès ce moment une passion et une estime extraordinaires ». Mais le lexique alors choisi est très révélateur. Déjà l’adjectif « extraordinaires » pose par avance l’idée d’une intrigue amoureuse future qui sortira des normes sociales, rappelant ainsi le merveilleux dans lequel le genre romanesque s’est inscrit à l’origine. Quant aux termes « passion » et « estime », ils relèvent du vocabulaire propre à la Préciosité pour décrire les formes de l’amour. Mais l’ordre même est significatif, si l’on pense qu’à l’époque où écrit Mme de La Fayette, sous l’influence de son ami La Rochefoucauld, dont on pense qu’il a pu participer à l’élaboration du roman, le jansénisme a renforcé l’idée que les passions sont de dangereux excès : elles aliènent la raison, la volonté, le libre-arbitre. L’individu n’est plus alors que le jiouet de ses désirs.
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Ce commentaire final n’ouvre-t-il pas une perspective inquiétante sur les excès auxquels son amour pourrait porter le prince de Clèves ?
CONCLUSION
Ce texte, qui marque fortement la tradition romanesque, traduit bien l’alliance des deux composantes de ce genre littéraire, alors encore neuf : sa dimension intérieure, c’est-à-dire une fine analyse psychologique des moindres mouvements du coeur, et le contexte social, classes et valeurs admises, dans lequel se peuvent les personnages. Dans ce domaine l’intérêt particulier de ce roman est d’unir, en raison du décalage d’un siècle entre le temps du récit et celui de l’écriture, les normes du règne de Henri II, avec sa morale aristocratique rigide, et les codes du XVII° siècle finissant, traversé de courants qui accordent plus de place à l’individu et à ses aspirations. Ainsi se trouvent accentués les déchirements de l’âme.
De plus, ce texte inscrit dans la littérature ce que l’on nomme un « topos », c’est-à-dire une scène que les écrivains se plairont à renouveler, en l’occurrence celle de « la rencontre amoureuse ». Dans ce même roman, interviendra une autre scène de rencontre, celle, dans un bal donné à la Cour, de la princesse avec le duc de Nemours, qui, lui aussi, en tombera éperdument amoureux, amour cette fois partagé, mais qui s’avérera fatal… On y retrouvera les mêmes composantes du « coup de foudre », notamment le rôle que peuvent y jouer les regards et l’effet de surprise. Et tant d’auteurs s’inscriront dans cette succession, depuis Rousseau, racontant sa rencontre avec Mme de Warens dans les Confessions jusqu’aux versions modernes de Boris Vian dans L’Ecume des jours ou de Marguerite Duras dans L’Amant, en passant par les échanges troublants de regards entre Julien Sorel et Mme de Rênal dans Le Rouge et le Noir de Stendhal ou la fascination qu’exerce Mme Arnoux sur le jeune Frédéric Moreau dans l’Education sentimentalede Flaubert, Yvonne de Galais sur Augustin Maulnes chez Alain-Fournier, auteur du Grand Meaulnes.

Liens
http://youtu.be/5RQzWY31Aoo La princesse de Clèves
http://youtu.be/b9oYbtplsWg La princesse de Clèves 2
http://youtu.be/6PuNasrCmV8 La princesse de Clèves 3
http://youtu.be/eyvvIjoabjI La princesse de Clèves 4
http://youtu.be/LMHENaxQ4Mk La princesse de Clèves 5

http://youtu.be/1rXr54HO-yk La princesse de Montpensier de Tavernier

http://www.youtube.com/watch?v=BpG2AI ... 8dZfJaJuLyvidsMAdOP3pF_4B Boesset Mme de La Fayette airs de cours



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Posté le : 17/05/2014 22:26

Edité par Loriane sur 20-05-2014 21:33:59
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Douglas Adam
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Le 11 mai 2001 à 49 ans à Santa Barbara meurt Douglas Noel Adams,

écrivain et scénariste anglais. Il est surtout connu pour son œuvre Le Guide du voyageur galactique The Hitchhiker's Guide to the Galaxy, une saga de science-fiction humoristique dont il scénarisa le feuilleton radio original puis écrivit la trilogie en cinq volumes de romans, il naît le 11 mars 1952 à Cambridge
Cet Anglais de Cambridge a été rendu célèbre par l'adaptation littéraire de son feuilleton radiophonique pour la BBC, Le Guide du Routard galactique, probablement la série la plus drôle de la SF internationale. Douglas Adams a décliné son œuvre et les royalties en utilisant l'entière palette des moyens de communication possibles, CD-rom, jeux, j'en passe et des meilleures...
Il existe également une version télé, toujours de la BBC, passée sur Arte il y a quelques années, un sommet du kitsch avec ses décors en carton-pâte lustrés au Gibolin et ses acteurs probablement recrutés parmi les décorateurs.
Le jeune Douglas se voyait plutôt faire carrière dans le théâtre. Diplôme de littérature anglaise en poche, il a d’ailleurs travaillé, sur plusieurs projets de spectacle, aux côtés des membres du fameux Monthy Pythons, groupe d’hurluberlus maîtres du non-sense british, qui ne sont plus à présenter.
Mais c’est le succès de cette série radio qui le propulse sur le devant de la scène : les éditeurs s’emparent du Guide et Douglas Adams se retrouve rapidement n°1 des ventes de livres en Grande-Bretagne. La BBC commande une deuxième série de 6 épisodes...
Le Guide..., version écrite, est un roman de SF satirique qui reprend, pour mieux les pervertir, tous les poncifs du genre : extra-terrestres, robots, voyages interstellaires... avec un sens de l’absurde délirant : les personnages récurrents sont Marvin, un robot parano-dépressif, Zaphod Beeblebrox, un Président de la Galaxie bicéphale et malhonnête, et l’ordinateur Pensée profonde Deep Thought qui a calculé la réponse à la Question Ultime de la Vie, de l’Univers et de Toutes Choses... .
La popularité du Guide a donné naissance à plusieurs autres romans : Le cycle complet comporte 5 titres, à un feuilleton télévisé, des bandes-dessinées, des disques, trois adaptations théâtrales, un jeu vidéo...
Douglas Adams a vendu plus de 15 millions de romans dans les pays anglo-saxons, et il est un best-seller dans toute l’Europe, principalement grâce à ce fameux Guide.
Mais la bibliographie d’Adams ne se limite pas au fameux Guide : l’homme a co-écrit, en 1991, avec le zoologue Mark Cawardine un essai sur la conservation des espèces animales rares ou en voie de disparition, Last Chance to See.
Douglas Adams a aussi collaboré à un jeu vidéo dérivé du Guide, intitulé Starship Titanic 1998, et dont un membre du Monthy Pythons, Terry Jones, a écrit la novellisation.
Douglas Adams n’a finalement pas beaucoup écrit, malgrè un succès - et des offres de contrats - considérable. Mais il ne se considérait pas comme un "vrai" écrivain et accouchait difficilement de ses livres
C’était notamment pour travailler à l’adaptation cinéma du Guide galactique que Douglas Adams s’était installé en Californie avec femme et enfant au début des années 2000.
Le projet manqua se faire à plusieurs reprises, et Douglas Adams y consacra beaucoup de temps et d’énergie. Mais il est mort prématurément, d’une crise cardiaque, à 49 ans. Il n’a donc pas connu la version filmée de l’oeuvre de sa vie, produite par les studios Disney, qui finit par voir le jour l’été 2005.

Sa vie

Douglas Adams est né en 1952 à Cambridge. Il est le fils d'un étudiant en théologie et d'une infirmière. Après de nombreux petits boulots tels que portier dans un hôpital psychiatrique, nettoyeur d'abris à poulets ou garde du corps, il entre à l'université de Cambridge et tente d'intégrer l'équipe des Footlights, la troupe dont sont issus les Monty Python.
De cette époque, il garde des liens solides avec Graham Chapman, avec qui il travaille deux ans, et Terry Jones. Il participe à l'écriture de sketchs pour l'émission Monty Python's Flying Circus et y fait parfois de la figuration.
À 25 ans, Douglas propose à la BBC une série radio intitulée The Hitchhiker's Guide to the Galaxy, dont le premier des douze épisodes est diffusé le 8 avril 1978. Cette série devient très vite culte. Ce succès dope la carrière de Douglas Adams qui devient producteur sur BBC Radio et directeur de script sur la série Doctor Who dont il écrit le scénario de plusieurs épisodes. Il collabore aussi à la série animée Docteur Snuggles.

En 1979, Douglas Adams publie le premier tome du cycle H2G2, Le Guide du routard galactique dont le nom sera changé ultérieurement — sur la demande expresse des Éditions du Routard — en Le Guide du voyageur galactique. La série comprendra en tout cinq volumes, le dernier a été publié en 1992. H2G2 est adapté sur scène, en pièce de théâtre, en comédie musicale, en série télévisée et en jeu vidéo, adaptations auxquelles Douglas Adams participe activement. H2G2 est aussi adapté en bande dessinée par DC Comics mais l'auteur ne s'intéresse guère à cette adaptation, ce qui lui vaut sans doute un succès moindre. Enfin, un film dont l'écriture a été commencée par Douglas Adams lui-même est sorti le 29 avril 2005 aux États-Unis et le 17 août en France, sous le titre H2G2 : Le Guide du voyageur galactique.

Dans le domaine du jeu vidéo, Douglas Adams est l'auteur d'une adaptation de H2G2, Infocom, 1984 et d'un jeu original baptisé Bureaucracy, Infocom, 1987. Il revient aux jeux vidéo en 1999 avec Starship Titanic publié par sa propre compagnie The Digital Village. Un roman du même nom, associé à ce jeu, est écrit par Terry Jones. Douglas Adams était aussi un grand fan des jeux vidéo de vie artificielle Creatures.

Il est également un grand amateur de musique, aux goûts variés qui vont de Bach aux Beatles et guitariste à ses heures, il dispose d'ailleurs à la fin de sa vie d'une jolie collection d'une vingtaine de guitares pour gaucher. Profondément marqué par la culture rock, Douglas a voulu casser avec H2G2 le moule de la comédie classique de la BBC en créant un feuilleton inspiré des innovations rock de l'époque, l'Album blanc des Beatles par exemple. Son amour pour la musique l'a amené à se lier avec de nombreux musiciens dont David Gilmour, le guitariste de Pink Floyd. Pour ses 42 ans, Douglas a eu un cadeau d'anniversaire particulier : il a pu jouer deux morceaux sur la célèbre scène du Earls Court à Londres avec les Pink Floyd !

Douglas Adams se définissait lui-même comme un athée radical. Il a également montré beaucoup d'intérêt pour les théories de Darwin, à l'image de son ami Richard Dawkins.

En mai 2001, Douglas Adams meurt à 49 ans, d'une crise cardiaque en Californie où il venait de s'installer avec sa femme et sa fille pour collaborer à l'adaptation cinématographique du Guide du voyageur galactique dont il ne vit pas le résultat. Depuis, tous les 25 mai, est célébré le Towel Day en hommage à l'écrivain.
Il s'est éteint à seulement 49 ans sept ans trop tard pour qu'il devienne un mythe à jamais alors qu'il était en pleine activité et avait encore une multitude de projets. De très nombreux fans du monde entier lui ont rendu hommage sur Internet à l'annonce de son décès. Le Guide et le nombre 42 resteront encore longtemps des objets de culte.

Le 11 mars 2013, un Google Doodle, est créé en hommage à son soixante et unième anniversaire.

Le Guide du voyageur galactique


"Le Guide du voyageur galactique" du britannique Douglas Adams est un roman de Science-fiction écrit en anglais britannique, dont le titre original est "The Hitchhiker's Guide to the Galaxy", il paraît aux états-unis en 1979, il est traduit en français par jean Bonnefoy, publié en Avril 1982 par l'éditeur Denoël dans la collection "présence du futur"
Le Guide du voyageur galactique ou Le Guide galactique au Québec, titre original : The Hitchhiker's Guide to the Galaxy est le premier volume de la trilogie en cinq tomes H2G2 imaginée par Douglas Adams. Publié en 1979 et adapté des quatre premiers épisodes du feuilleton radio The Hitchhiker's Guide to the Galaxy écrit par Douglas Adams un an plus tôt, le roman fut traduit en français par Jean Bonnefoy en 1982.

Synopsis

Arthur Dent, citoyen anglais moyen, assiste impuissant à la destruction de la Terre par les Vogons afin de soi-disant créer une voie express hyperspatiale, il est mentionné par la suite qu'il s'agit probablement plus d'une conspiration destinée à garder secrets certains éclaircissements métaphysiques.
Il est sauvé par son ami Ford Prefect, qui est en fait originaire de Bételgeuse et qui l'emmène avec lui en astrostop à travers la Galaxie. Ils sont tout d'abord pris en stop par un vaisseau vogon, où leur présence est indésirable.

Après avoir été forcés d'écouter un poème vogon, poèmes réputés terribles, puis projetés dans l'espace, les deux amis sont finalement récupérés par le Cœur en Or, un vaisseau volé peu de temps auparavant par Zaphod Beeblebrox, président de la galaxie et "demi-cousin" de Ford. Zaphod est accompagné de son assistante Trillian, une humaine. Pour se guider, Ford a avec lui un exemplaire du Guide du voyageur galactique, sorte de Guide du routard pour la galaxie, célèbre pour sa phrase de couverture : Don't Panic ou Pas de panique dans la traduction française.

Lorsqu'il est rejoint par Arthur et Ford, Zaphod s'avère être à la recherche d'une planète réputée légendaire, Magrathea, originellement construite de toutes pièces pour être un complexe hôtelier paradisiaque. Grâce aux formidables capacités du Cœur en Or, propulsé grâce au Générateur d'Improbabilité Infinie, Zaphod parvient à y atterrir. Ils y découvrent un gigantesque entrepôt, pouvant presque donner une idée de l'infinité, destiné à usiner des planètes. Cependant, tous ses ouvriers ont été endormis, dans l'attente d'une période économique florissante où certains seront suffisamment riches pour s'offrir leurs vaisseaux, à l'exception de Slartibartfast, créateur de planètes spécialisé dans les fjords, qui les accueille et leur présente la tentative couronnée de succès de certaines populations extraterrestres pour découvrir la réponse à la Grande Question sur la Vie, l'Univers et le Reste, d'ailleurs mentionnée. Rejoint ensuite par deux chercheurs d'une race hyper-intelligente et pan-dimensionnelle incarnés pour l'occasion en souris, il narre la tentative pour trouver une question à cette ultime réponse, à l'aide du super-ordinateur qu'est la Terre, qui se serait achevée quelques minutes après sa destruction. Les deux souris évoquent cependant la possibilité de trouver la Question imprimée dans le cerveau d'Arthur, car il est issu de la dernière génération d'êtres vivants terrestres, eux aussi faisant partie de l'ordinateur. Devant son refus de leur céder son cerveau, ils sont obligés d'inventer eux-mêmes une question qui appellerait la réponse à la Grande Question sur la Vie, l'Univers et le Reste.

Les protagonistes sont interrompus par l'arrivée sur la planète de vaisseaux de police, à la recherche de Zaphod suspecté d'avoir volé le Cœur en Or. L’œuvre se clôt sur l'envie manifeste de Zaphod et d'Arthur d'aller dîner.

Personnages

Arthur Dent Arthur Accroc, terrien ;
Ford Prefect Ford Escort, astrostoppeur et ami d'Arthur ;
Zaphod Beeblebrox Zappy Bibicy, président de la Galaxie en fuite ;
Trillian, de son vrai nom Tricia McMillan, terrienne ;
Eddie, l'ordinateur de bord du CÅ“ur en Or ;
Marvin, androïde paranoïaque et dépressif ;
Slartibartfast Saloprilopette, architecte créateur de planètes spécialisé dans les fjords.

Accueil et récompenses

Numéro un sur la liste des meilleures ventes du Sunday Times 1979
Golden Pan de la part de ses éditeurs pour avoir atteint le millionième exemplaire vendu 1984
24e dans la liste des 100 plus grands livres du siècle de Waterstone's Books/Channel 1996
4e au BBC's Big Read, une tentative de trouver le Livre le plus aimé du Royaume Uni 2003

Polémique autour du Routard galactique

La version française du Guide est initialement intitulée Le Guide du Routard galactique. En effet, les termes de Guide du routard, homonyme de la célèbre collection de guides touristiques créée en 1973, semblaient la traduction la plus appropriée, choisie en 1982, au titre original The Hitchhiker's Guide to the Galaxy (littéralement : Le Guide de l'Auto-stoppeur pour la Galaxie.

Le véritable Guide du Routard ayant déposé le titre, et plus particulièrement le terme "Routard" et ce dès 1975, à l'INPI, il fait pression sur l'éditeur Denoël afin de faire modifier le titre de l'ouvrage de science-fiction. Dix ans après la sortie française du Guide du routard galactique, le livre se voit rebaptisé – brièvement – Le Routard galactique, titre qui n'apporte évidemment pas satisfaction à l'éditeur de l'authentique Guide du Routard. Celui-ci obtient toutefois gain de cause, et Denoël rebaptise le livre Le Guide galactique, dans l'indignation générale des fans francophones qui comprennent mal cette forme de censure.
Denoël se dédouane en expliquant les faits dans une page d'introduction ajoutée au livre dans cette nouvelle version, objectivement quoique non sans humour (précisant que le titre Sac à dos dans les étoiles avait été évoqué puis écarté.

Mais le destin du Guide est plus rocambolesque : en 2005, à la sortie du film H2G2, un nouveau titre francophone remplace le précédent : il s'agit désormais du Guide du voyageur galactique, tome 1 : H2G2.

H2G2

La volontairement mal nommée Trilogie est composée de cinq livres :

Le Guide du voyageur galactique, 1982 The Hitchhiker's Guide to the Galaxy, 1979, trad. Jean Bonnefoy
Le Dernier Restaurant avant la fin du monde, 1982 The Restaurant at the End of the Universe, 1980, trad. Jean Bonnefoy
La Vie, l'Univers et le Reste, 1983 Life, the Universe and Everything, 1982, trad. Jean Bonnefoy
Salut, et encore merci pour le poisson, 1994 So Long, and Thanks For All the Fish, 1984, trad. Jean Bonnefoy
Globalement inoffensive, 1994 Mostly Harmless, 1992, trad. Jean Bonnefoy
Le 16 septembre 2008 est annoncé un sixième ouvrage écrit par l'auteur irlandais Eoin Colfer. Sorti le 12 octobre 2009 en anglais, le jour du trentième anniversaire de la publication du livre original, la traduction française de Michel Pagel aux éditions Denoël a été publiée le 11 mars 2010 sous le titre Encore une chose....

Adaptation cinématographique

H2G2 : Le Guide du voyageur galactique.
Le Guide du voyageur galactique a été adapté en long métrage par Garth Jennings. Sorti en avril 2005 dans les pays anglophones, il fut diffusé dans les autres pays entre mai et septembre 2005.

Å’uvres

Le Guide du voyageur galactique

H2G2.
Les cinq romans du cycle H2G2, The Hitchhiker's Guide to the Galaxy sont traduits en français par Jean Bonnefoy et édités en France par Folio SF, précédemment par les éditions Denoël dans la collection Présence du futur.

Le Guide du voyageur galactique, 1982 The Hitchhiker's Guide to the Galaxy, 1979
Le Dernier Restaurant avant la fin du monde, 1982 The Restaurant at the End of the Universe, 1980
La Vie, l'Univers et le Reste, 1983 Life, the Universe and Everything, 1982
Salut, et encore merci pour le poisson, 1994 So Long, and Thanks For All the Fish, 1984
Globalement inoffensive, 1994 Mostly Harmless, 1992
La genèse de la saga est décrite dans Pas de panique ! — Douglas Adams et le Guide Galactique Don't panic! — Douglas Adams and the Hitchhiker's Guide to the Galaxy) de Neil Gaiman, édité chez Folio SF en 2004. Le premier tome en français est édité en livre audio aux éditions Libellus, illustré par Luc Cornillon.
Dirk Gently, détective holistique Dirk Gently.
Les trois romans de la série Dirk Gently sont édités en France par Folio SF, précédemment par les éditions Stock. Le troisième, inachevé, est publié au sein du recueil Fonds de tiroir.

Un cheval dans la salle de bains Dirk Gently's Holistic Detective Agency, 1987
Beau comme un aéroport The Long Dark Teatime of the Soul, 1988
Le Saumon du Doute The Salmon of Doubt, 2001

Autres Å“uvres

The Meaning of Liff, 1983
Coécrit avec John Lloyd en.
The Hitchhiker's Guide to the Galaxy: The Original Radio Scripts, 1985
Coécrit avec Geoffrey Perkins en.
The Utterly Utterly Merry Comic Relief Christmas Book, 1986
dirigé par Douglas Adams
Young Zaphod Plays it Safe
D'abord publié dans The Utterly Utterly Merry Comic Relief Christmas Book; une version remaniée apparaît dans The Wizards of Odd, Fonds de tiroir, et d'autres recueils.
Bureaucracy, 1987
Jeu d'aventure textuel écrit par Douglas Adams et publié par Infocom.
The Deeper Meaning of Liff, 1990
Coécrit avec John Lloyd en. Version étendue de The Meaning of Liff
Last Chance to See, 1991
Coécrit avec Mark Carwardine. Compte-rendu de voyages ayant pour but de voir des animaux d'espèces en voie de disparition ; d'après ce qu'il écrit dans Fonds de tiroir, ce livre apporta à Adams une grande satisfaction.
Last Chance to See, 1995
Coécrit avec Mark Carwardine. Édition du même ouvrage sous la forme d'un double CD-Rom interactif illustré de photographies et agrémenté de séquences audio et vidéo.
Starship Titanic, 1983
Écrit par Terry Jones, d'après le jeu vidéo imaginé par Douglas Adams. Édité chez J'ai lu.
Fonds de tiroir The Salmon of Doubt, 2002
Roman inachevé, nouvelles, essais, et entretiens. Édité chez Folio SF.
The Pirate Planet The Pirate Planet, 1978
Second épisode de la 16e saison de Doctor Who, 99e épisode de la série, en quatre parties
Shada Shada, 1978
devait être le sixième et dernier épisode de la 17e saison de Doctor Who, et 109e épisode de la série, mais n'a pas été achevé, et a donc été annulé, pour cause de grève à la BBC

Douglas Adams avait réalisé dans les années 80 un jeu vidéo en mode texte à partir de son Guide Galactique. Par la suite, l'industrie des jeux vidéo allait reléguer aux oubliettes ce genre d'initiatives en développant de manière prodigieuse les graphismes et le côté ludique aux dépens de l'interactivité. Mais Adams pensait toujours que l'informatique pouvait apporter de formidables possibilités en matière de genèse du texte et de palette de conversations homme-machine, qui pouvaient être combinées aux avancées graphiques réalisées. C'est ainsi qu'il conçut le jeu vidéo Starship Titanic. Son ami Terry Jones, fameux ancien des Monty Python, en a écrit la novélisation parue chez J'ai Lu. L'occasion de voir les liens qui existent entre l'humour so british des deux hommes.

Liens

http://youtu.be/G_uRx1OC2m4 Le guide du voyageur galactique bande annonce
http://youtu.be/-FZGSLqvpaU Merci pour le poisson H2G2
http://youtu.be/fgPopho3iOU C'est quoi un vogon ?


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Posté le : 10/05/2014 14:46

Edité par Loriane sur 11-05-2014 23:30:55
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Juliette Drouet
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Le 11 mai 1883 meurt Juliette Drouet

née le 10 avril 1806, elle est baptisée le lendemain à l'église Saint-Sulpice de Fougères. Elle est la cadette d'une famille de quatre enfants, Renée 1800-1885, Thérèse 1802-1814 et Armand 1803-1876.
Juliette Drouet, de son vrai nom Julienne Gauvain est une actrice française, passée à la postérité pour avoir été la maîtresse de Victor Hugo pendant près de 50 ans.

Sa vie

Sa mère, Marie Marchandet, née vers 1780, est fileuse. Son père, Julien Gauvain, né en 1777 à Saint-Étienne-en-Coglès, est un ancien chouan qui exerce depuis la profession de tailleur. Marié en 1799, le couple avait établit un atelier de couture au pied du château de Fougères.
Orpheline de mère quelques mois après sa naissance, de père l’année suivante, elle est placée comme son frère et ses deux sœurs en nourrice puis dans un couvent de Fougères, avant d’être élevée par un oncle, René-Henry Drouet, qui s’établit à Paris : elle y suit sa scolarité au pensionnat religieux des chanoinesses de Saint-Augustin à Saint-Mandé de 1816 à 1821.
Elle devient, vers 1825, la maîtresse du sculpteur James Pradier, qui la représente dans la statue symbolisant Strasbourg, place de la Concorde à Paris entre 1836 et 1846.
Elle a avec lui un enfant, Claire, fille qu’il reconnaîtra deux ans plus tard.
Sur le conseil de Pradier, elle commence en 1828 une carrière de comédienne au Théâtre du Parc de Bruxelles, puis à Paris. Elle prend à cette époque le nom de son oncle. Actrice sans véritable talent, mais d’une beauté émouvante, elle séduit bien des hommes, dont le comte Anatole Demidoff avec qui elle découvre un grand train de vie l’Italie.
En 1833, alors qu’elle faisait une lecture du rôle de la princesse Négroni dans Lucrèce Borgia, Victor Hugo la remarque. Elle abandonne sa carrière théâtrale à sa demande pour vouer, victime consentante de l’imagerie d’Épinal de l’éternel féminin, le reste de ses jours à son amant qui exige d’elle une vie cloîtrée chez elle et des sorties uniquement en sa compagnie. Hugo la trompera pourtant, notamment avec Léonie d'Aunet, avec qui il entretiendra une liaison de 1844 à 1851, ou avec l’actrice Alice Ozy en 1847. Cependant, leur liaison est affichée et notoire, y compris de l’épouse du poète et de leurs enfants. À la mort de Claire, âgée de vingt ans, Victor Hugo mène le cortège funèbre avec Pradier, le père de la jeune défunte. Juliette n’a pas la force d’assister aux obsèques.
Elle dédie toute sa vie à cette écrivain.Pendant plusieurs années,ils partent en vacances ensemble,et ces voyages on été source d'inspiration pour Victor Hugo.Lors de la tourmente de 1848,Juliette Drouet Tient un journal de l'insurection que Victor Hugo retranscrira mot pour mot.
En 1833 : Victor Hugo prépare sa pièce Lucrèce Borgia. Le poète, âgé de 31 ans, s’est déjà illustré au théâtre : la fameuse bataille d’Hernani , c’est lui. Jeune, talentueux et célèbre, le déjà grand Victor a tout pour plaire. Également jeune 26 ans, l’actrice Juliette Drouet n’est, elle, ni talentueuse ni célèbre. À son palmarès : un minuscule rôle dans le même Lucrèce Borgia et un postérieur qui, dit-on, aurait inspiré son amant sculpteur pour une statue place de la Concorde. Mais les répétitions font se rencontrer le brillant auteur et l’espoir de la scène. Ils tombent amoureux et ne se quitteront plus pendant cinquante ans, jusqu’à la mort de Juliette en 1883. Entre-temps, les amants auront échangé la bagatelle de quarante mille lettres !
La liaison de Juliette et Victor ne fut en effet pas seulement un conte de fées.
Hugo était marié et ne put jamais vivre au grand jour sa liaison avec Mlle Juliette, qu’il trompa également avec d’autres femmes. Amour fou, jalousie, ruptures, tendresse, passion… Avec Juju et Totor (sic !, et oui !), la réalité dépassa la fiction.
Ne pouvant vivre ouvertement sa passion pour le poète, Juliette vécut en recluse une bonne partie de sa vie. Nous la connaissons en Pénélope, qui, à défaut de faire et défaire son ouvrage, occupait ses journées par une tâche non moins infinie : recopier les manuscrits de son génie d’amant !
Quand ils sont réunis, les amoureux en voient pourtant de toutes les couleurs, car aux absences de Victor répond la jalousie désespérée de Juliette et sa tentation continuelle de quitter cette situation intenable. Son appétit sexuel est sans cesse contrarié, et elle ne manque pas de le faire savoir ! La fascination qu’exerce Hugo sur sa maîtresse est en outre protéiforme : voici Hugo Pygmalion quand il tente de faire de Juliette une actrice reconnue, Hugo orateur enflammé, Hugo père endeuillé, Hugo exilé politique… Juliette est comme en orbite autour de ce soleil qui l’attire, mais auprès duquel elle se consume littéralement.
Malgré tout en 1851,c'est elle qui l'aide à quitter clandestinement Paris.Pendant les 19 année d’exil,elle lui reste fidèle et s'installe près de lui à Guernesey.Apres le retour à Paris en 1870,elle reste à ses côtés,sans occupant comme une épouse,poursuivant son écriture malgré la fatigue de l'âge.
À la mort d'Adèle Hugo, Juliette Drouet partagera encore plus intimement la vie du poète.
Décédée le 11 mai 1883, elle repose, dans le cimetière de Saint-Mandé, aux côtés de Claire.
Sur sa tombe figurent ces mots :

Quand je ne serai plus qu'une cendre glacée,
Quand mes yeux fatigués seront fermés au jour,
Dis toi, si dans mon cœur, ma mémoire est fixée,
Le monde a sa pensée. Moi j'avais son amour.

Elle mourra en 1883,Victor Hugo cessant d'écrire après sa mort; mourra 2 ans après. Pendant plusieurs année ne pouvant pas se voir ils s’envoyèrent des millier de lettres,Juliette Drouet lui envoya entre 15000 et 20000 lettres.
Il était une coutume insolite qui unissait l’écrivain français Victor Hugo et la femme qui partagea sa vie pendant cinquante ans, la comédienne Juliette Drouet : à chacun de leur anniversaire amoureux, et à chaque nouvelle année, ils s’envoyaient une lettre dans laquelle ils exaltaient leurs sentiments l’un pour l’autre, comme pour renouveler les vœux d’une passion qui ne s’est jamais officialisée. Et celle-ci ne déroge pas à la tradition ! Une nouvelle fois, Juliette clame son amour, plaçant le premier jour de cette année 1862 sous le signe du bonheur : T’aimer, t’aimer, t’aimer, voilà ma seule et unique destination .

Ma vertu c'est de t'aimer, mon corps, mon sang, mon cœur, ma vie, mon âme sont employés à t'aimer

En 1852, elle accompagne son illustre amant dans son exil à Jersey, et puis en 1855 à Guernesey, mais sans partager son toit. Il lui loue une petite maison à portée de vue.

Après le retour à Paris en 1870, Juliette demeurera aux côté de Hugo, l’aidant, l’assistant, veillant sur le foyer comme une épouse, continuant à l’adorer comme l’amante qu’elle n’a jamais cessé d’être, poursuivant son écriture malgré la fatigue de l’âge :

Paris 11 juillet 1882 mardi matin 7 h ½
(…) Je ne sais quand, ni comment cela finira, mais je souffre tous les jours de plus en plus et je m’affaiblis d’heure en heure. En ce moment, c’est à peine si j’ai la force de tenir ma plume et j’ai grand peine à garder la conscience de ce que je t’écris. Je me cramponne cependant à la vie de toute la puissance de mon amour pour ne pas te laisser trop longtemps sans moi sur la terre. Mais hélas ! La nature regimbe et ne veut pas (…)
Juliette
Elle lui écrit tout au long de sa vie plus de 20 000 lettres ou de simples mots, qui témoignent d’un réel talent selon Gérard Pouchain qui écrivit sa biographie en 1992.

Elle s’éteint le 11 mai 1883 dans son habitation au 57, rue Jean-de-La-Fontaine à Paris. Elle repose au cimetière de Saint-Mandé près de sa fille Claire.


Ouvrages sur Juliette Drouet

Gérard Pouchain et Robert Sabourin, Juliette Drouet, ou la dépaysée, éditions Fayard, 1992.
Juliette Drouet, Souvenirs 1843-1854, édition établie par Gérard Pouchain, éditions des femmes, 2006.

Iconographie

1840 ca - Juliette sert de modèle pour la statue de la ville de Strasbourg par James Pradier, Place de la Concorde à ¨Paris.
1845 - Juliette est représentée nue sur le piédestal du socle du buste d'Augustin Pyrame de Candolle dans le Jardin botanique de Genève, en Suisse5
s. d. - Juliette Drouet, lithographie de Alphonse-Léon Noël
s. d. - Portrait de Juliette Drouet par Charles-Émile Callande de Champmartin.

A la fin de l’exposition, un très beau et émouvant tableau représentant Juliette Drouet au soir de sa vie (image), fait écho aux portraits de la jeune Juliette exposés au début du parcours : celui de Champmartin, représentant Juliette toute fraîche, rebondie, belle, et celui de Léon Noël qui souligne l’ovale parfait du visage, ses grands yeux noirs, ses cheveux bruns et épais, ses épaules en courbes, ses lèvres charnues.
Juliette Drouet est désormais une vieille femme, ses longs cheveux sont devenus blancs, sa peau est ridée.
Mais ses yeux noirs ont la même profondeur, expriment le même mélange de résignation, de calme, de pugnacité et d’ardeur.
Comme si son amour fidèle avait conservé son énigmatique beauté, imprimé en elle une présence passionnée à la vie, gardé intacte, visible alors dans la seule expression du regard, une éternelle jeunesse.

Quand je ne serai plus qu’une cendre glacée,
Quand mes yeux fatigués seront fermés au jour,
Dis-toi, si dans ton coeur ma mémoire est fixée :
Le monde a sa pensée, moi, j’avais son amour !

Victor Hugo. Dernière Gerbe LXIX
Épitaphe de Juliette Drouet

Juliette Drouet. Mon âme à ton cœur s’est donnée … Victor Hugo



Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo

31 mai 1857
Guernesey, 31 mai 1857, dimanche après-midi 3 h ½

C’était une offre bien tentante que celle que tu m’as faite tout à l’heure, mon bien-aimé, d’aller te retrouver à Fermain-Bay, mais le guignon veut que je ne puisse pas me tenir sur mes affreuses pattes. Je sais ce que j’ai souffert hier et ce qu’il m’a fallu de courage et de contorsions pour revenir de chez les Préveraud. Aujourd’hui le désir de prolonger le bonheur d’être avec toi m’aurait fait risquer le même martyre si ça n’avait pas été grand jour et sous les yeux des iroquois guernesiais. Ce soir si le cœur te dit de me traîner avec toi avec ma podagrerie carabinée, je serai à tes ordres. D’ici-là, je me frictionne à tour de bras et je m’inonde les pieds d’eau de Cologne.
Justement Cahaigne est venu me voir pendant que je faisais cette opération et je lui ai fait dire par Suzanne que j’étais sortie. Vous seriez bien gentil de venir voir si c’est vrai, ne fût-cea que pour me donner l’occasion d’embrasser votre cher petit museau.

Juliette

30 mai 1857
Guernesey, 30 mai 1857, samedi après-midi 3 h

Je continue de vous attendre en bec d’âne, mon cher bien aimé, cependant il me semble que vous avez eu tout le temps d’aller chez le Banquier, de recevoir la poste, de découvrir de nouveaux bahuts et même de danser la [chahu ?] pour peu que votre humeur chorégraphique, lyrique et anacréontique d’hier soir dure encore aujourd’hui. Il n’est même pas impossible que vous ayez vu chemin faisant le carabinier de Charles qui n’est pas amusant. Il serait bientôt temps et de toute justice de songer un peu à moi maintenant et de m’en donner une preuve visible et palpable entre la scie de James et le rabot de [Piters ?]. En attendant je fais bonne mine à mauvais jeu dans l’espoir de me rabibocher dans les viers coffres et dans les armoires gothiques, dussiez-vous en mourir de rage.
J’avais presque envie, le beau temps étant donné, d’aller faire ma visite obligatoire à Mme Terrier, mais ne t’en ayant pas prévenu ce matin, j’ajourne la corvée à un autre jour, telle est ma philosophie. Taisez-vous ou donnez-moi des machins pleins de poux, vilain sale.


29 mai 1857
Guernesey, 29 mai 1857, vendredi matin 7 h ¼

Bonjour, mon cher petit homme, bonjour, mon grand poète, bonjour, mon amour. Je ne sais pas qui vous avez rencontré hier au soir à la grille de l’avenue mais je sais que vous avez causé assez longtemps pour me faire regretter de vous avoir laissé partir si tôt puisque vous n’étiez pas plus pressé que cela d’aller trouver Mme Duverdier. Une autre fois, mon adoré, je tâcherai de vous garder tout pour moi. Sur ce, je vous permets de pioncer comme une marmotte jusqu’à l’heure du déjeuner.
Je n’ai pas encore pu parvenir à ajuster mon fameux air sur les nouvelles paroles (paroles, quel mot honteux pour désigner les plus adorables vers que tu aies faitsa. C’est absurde mais ce n’est pas tout à fait de ma faute). Je disais donc que je n’avais pas encore pu faire marcher d’accord la mesure de l’air avec la mesure de la poésie, ce qui tient probablement à mon ignorance profonde de la musique et plus encore à la vénération que j’ai pour tout ce qui vient de ton génie qui ne me permet pas d’en sacrifier le sens sous aucun prétexte. Toujours est-il que je chante par cœur la chanson sans pouvoir la chanter avec la voix. Peut-être qu’à force de désir et de patience je parviendrai à assouplir les articulations un peu rouillées de mon vieil air jusqu’à suivre dans tous ses mouvements gracieux ta poésie ailée. Je l’espère et je m’y applique en t’aimant de toute mon âme.

Juliette

28 mai 1857
Guernesey, 28 mai 1857, jeudi après-midi 3 h

J’avais apprêté hier ce bout de papier pour t’écrire, mon bien aimé, quand les soins à donner à mon petit balthazar hebdomadaire et surtout les souffrances aiguës de mes pauvres pattes m’ont empêchée de donner suite à cette douce habitude quotidienne. Depuis quelquea temps les douleurs semblent prendre mon courage à parti et il y a des moments où je crains qu’elles n’aient le dessus. Heureusement que mon amour est plus fort que tous les maux et qu’il me vient en aide au plus fort de la lutte. Hier au soir grâce à ton adorable chanson j’ai converti mes grincements en dents de scie en sourire et mon insomnie en une douce rêverie entre terre et ciel, et mes infirmités physiquesb en jeunesse immatérielle dont la poésie faisait les ailes. Aujourd’hui encore je ne touche la terre que pour voir mon bonheur de plus près et pour t’aimer à deux genoux. Cher adoré, quand la vilaine chenille qui cache mon âme sera tombée tu verrasc sa beauté parée de toutes les sublimes pierreries de ton divin génie. En attendant je te crie du fond de ma chrysalide : je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime, je t’aime.

25 mai 1857, lundi matin 11 h ½

Je vous attends, non pas sous l’orme, mais sous mon parapluie, quoi qu’en dise le météorologique Gruta. Du reste, quant à moi, je me fiche du déluge, étant de la grande famille de Gribouille. Aussi je vous attends imperméablement et imperturbablement mais non impatiemment et je vous bâcle ma restitus entre deux eaux pour passer le temps. Vos huit livres sont tirées, il faut les boire, mon cher petit homme, dussions-nous rester à secb le reste de nos jours. Quant à moi, je ne demande que [illis.] et coffres. Cependant, il me semble que tu es déjà bien en retard pour ton expédition. Peut-être y as-tu renoncé pour aujourd’hui. Si je savais cela je me hâterais de tirer mes pauvres pattes de la prison de St Crépin dont ils s’arrangent si mal pour les mettre en liberté dans leurs pantoufles défoncées. J’espère que tu vas bientôt venir me dire ce que tu as décidé. Jusque là, je reste sous les armes et je t’aime à feu et à sang. Il est midi d’ailleurs et tes ouvriers vont aller dîner et te laisser respirer un peu. A tout à l’heure, mon adoré. Je t’aime de toute mon âme.

Juliette

1 janvier 1862

Bonjour, mon ineffable bien-aimé, bonjour, beau jour, bonheur, sourires, tendresses, amour, je t'envoie tout cela dans un seul baiser.

J'attendais le jour depuis bien longtemps pour avoir ma chère petite lettre, enfin, je la tiens ! Je la lis, je la baise et je l'adore ! Mais j'entends que tu ouvres ta fenêtre, je quitte ma lettre pour courir à toi…
C'est fait, je t'ai vu ! Mes yeux se sont remplis de ton regard, mon cœur de tes baisers, mon âme d'extase ! Merci, mon doux adoré, merci, que toutes les bénédictions de Dieu soient sur toi et sur tous ceux que tu aimes et qu'il vous accorde ce que tu lui demandes, à travers mon ardente et incessante prière, de ne nous séparer jamais une minute en cette vie ni dans l'autre. J'espère qu'il nous exaucera, mon adoré bien-aimé, et qu'il nous épargnera la douleur, j'allais dire la honte, car pour moi il me semble que je serais déshonorée si j'avais le malheur de te survivre un jour.
Aussi j'espère que Dieu nous donnera le bonheur et nous fera l'honneur de nous appeler à lui en même temps et qu'il soudera nos deux âmes l'une à l'autre pour l'éternité.
Cher adoré, je suis toute troublée, comme il m'arrive toujours chaque fois que je reçois une lettre de toi. Ton amour sous cette forme est un élixir divin qui enivre tout mon être.
Cependant, à travers mon éblouissement, je sens que je ne mérite pas tout ce que tu penses de moi, car je ne vaux que par ce que je t'aime.
En dehors de mon amour, je suis une pauvre femme bien ordinaire, bien inculte et bien imparfaite, je le sais, je le sais, je le sais. Et je pourrais presque dire que cela m'est égal, en tant que tu n'en souffres pas.
Ma vertu c'est de t'aimer, mon corps, mon sang, mon cœur, ma vie, mon âme sont employés à t'aimer. En dehors de mon amour, je ne suis rien, je ne comprends rien, je ne veux rien. T'aimer, t'aimer, t'aimer, voilà ma seule et unique destination. Je n'en pourrais et ne saurais en avoir d'autres, quand bien même je le désirerais, parce que toutes mes forces et toute volonté tendent à t'aimer uniquement.
Sois béni pourtant, mon généreux bien-aimé, pour tous les rayons que tu mets autour de mon amour et que ma reconnaissance et mes bénédictions soient pour toi autant de bonheur et de félicité de plus dans ta vie.
Je te dis toutes ces choses dans une sorte de fièvre d'âme qui ne me permet pas de distinguer ce que je t'écris, mais le fond, du premier mot jusqu'au dernier, c'est que je t'aime, que je suis bien heureuse, que je te bénis et que j'associe ton ange et le mien à mon amour et à mes bénédictions.

3 juin 1839, matin

Je sens couver en moi la la maladie du voyage et je suis sûre même que ce que j’attribue à l’effet de la vaccine vient de la fièvre périodique du voyage. Et je ne crois pas qu’il y ait d’autre ordonnance pour ce genre de maladie qu’un passeport, d’autre pharmacie que des auberges, d’autres émollients ou cataplasmes que les banquette de diligence ou de cabriolet. Qu’en dites-vous ? Moi j’en dis que je vous adore.
Juliette
Viendront ensuite les combats politiques : lors de la tourmente de 1848, Juliette Drouet tient un journal de l’insurrection que Hugo retranscrit parfois mot pour mot.
Puis, en 1851, c’est elle qui l’aide à quitter clandestinement Paris.
Durant les 19 années d’exil, elle restera fidèle à son amour, le suivant partout, s’installant près de lui à Guernesey.
Elle lui apportera un soutien sans faille :

Guernesey. 24 février 1870 jeudi matin 8 h

Bonjour, mon cher grand bien-aimé adoré, et salut à la République dont le 22ème anniversaire se lève aujourd’hui. Puisse-t-il te rendre à ta chère France cette année, afin que tu lui apportes tout ce qui lui manque depuis que tu l’as quittée : Lumière, Honneur, Paix et Bonheur. C’est le voeu héroïque et désintéressé de mon mon coeur (
Juliette

L’homme infidèle aura été pour Juliette le poète fidèle :

Quand deux coeurs en s’aimant ont doucement vieilli,
Oh ! quel bonheur profond, intime, recueilli !
Amour ! hymen d’en haut ! ô pur lien des âmes !
Il garde ses rayons même en perdant ses flammes.
Ces deux coeurs qu’il a pris jadis n’en font plus qu’un.
Il fait, des souvenirs de leur passé commun,
L’impossibilité de vivre l’un sans l’autre.
Juliette, n’est-ce pas, cette vie est la nôtre !
Il a la paix du soir avec l’éclat du jour,
Et devient l’amitié tout en restant l’amour !

Victor Hugo, Toute la lyre, VI, 64 1ère publication en 1897

A la fin de l’exposition, un très beau et émouvant tableau représentant Juliette Drouet au soir de sa vie (image), fait écho aux portraits de la jeune Juliette exposés au début du parcours : celui de Champmartin, représentant Juliette toute fraîche, rebondie, belle, et celui de Léon Noël qui souligne l’ovale parfait du visage, ses grands yeux noirs, ses cheveux bruns et épais, ses épaules en courbes, ses lèvres charnues.
Juliette Drouet est désormais une vieille femme, ses longs cheveux sont devenus blancs, sa peau est ridée.
Mais ses yeux noirs ont la même profondeur, expriment le même mélange de résignation, de calme, de pugnacité et d’ardeur.
Comme si son amour fidèle avait conservé son énigmatique beauté, imprimé en elle une présence passionnée à la vie, gardé intacte, visible alors dans la seule expression du regard, une éternelle jeunesse.

Quand je ne serai plus qu’une cendre glacée,
Quand mes yeux fatigués seront fermés au jour,
Dis-toi, si dans ton coeur ma mémoire est fixée :
Le monde a sa pensée, moi, j’avais son amour !

Victor Hugo. Dernière Gerbe LXIX
Épitaphe de Juliette Drouet

Juliette Drouet. Mon âme à ton cœur s’est donnée … Victor Hugo

Victor Hugo

"Quand tu liras ce papier, mon ange, je ne serai pas auprès de toi, je ne serai pas là pour te dire : pense à moi !Je veux que ce papier te le dise. Je voudrais que dans ces lettres tracées pour toi tu puisses trouver tout ce qu’il y a dans mes yeux, tout ce qu’il y a sur mes lèvres, tout ce qu’il y a dans mon cœur, tout ce qu’il y a dans ma présence quand je te dis : je t’aime ! − Je voudrais que cette lettre entrât dans ta pensée comme mon regard, comme mon souffle, comme le son de ma voix pour lui dire à cette charmante pensée que j’aime : n’oublie pas !

"Lettres de Victor Hugo A Juliette Drouet"

"Tu es ma bien-aimée, ma Juliette, ma joie, mon amour depuis trois ans bientôt ! Ecris-moi quand je ne suis pas là, parle-moi quand je suis là, aime-moi toujours ! Il est deux heures du matin, j'ai interrompu mon travail pour t'écrire, je vais le reprendre. C'est que j'avais besoin de te parler, de t'écrire, de m'adresser à toi, de baiser en idée tes beaux yeux endormis, de te faire ma prière ! C'est que j'avais besoin de reposer mon esprit sur ton image et mes yeux sur un papier que tu verras !
Dors bien. J'espère t'aller voir dès que j'aurai fini dans quelques heures. Il me semble que c'est bien long. Quelques heures ! ce sera bien court quand je serai près de toi.
Vois-tu, ma juju, ils ont encore été bien beaux ces jours d'automne mêlés de pluie et de vent dont nous allons sortir.
Ne nous plaignons pas de cette année. Elle a été bonne radieuse et douce. Je pense seulement avec tristesse que tu as eu souvent tes pauvres pieds mouillés et froids. Tu es une noble créature aimante, dévouée et fidèle. Je t'aime plus que je ne puis le dire. Je voudrais baiser tes pieds. Je veux que tu penses à moi. A bientôt. T'aimer, c'est vivre."

Victor Hugo, Lettre à Juliette Drouet automne 1835

Je t’en supplie mon pauvre adoré ne te fais pas de mal et accepte avec résignation et avec confiance la destinée que ta fille veut se faire elle-même avec plus de connaissance de cause que toi, c’est-à-dire avec les chances de bonheur qui plaisent à son cœur et à son esprit. Te rendre malade ne remédierait à rien. 18 décembre

Liens

http://youtu.be/cSmYYjn8pig Poèmes à Juliette
http://youtu.be/uRq6SaC1lTc Juliette Drouet


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Posté le : 09/05/2014 20:18

Edité par Loriane sur 10-05-2014 16:00:11
Edité par Loriane sur 10-05-2014 16:29:51
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Jacques Lanzmann
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Le 4 mai 1927 à Bois-Colombes naît Jacques Lanzmann,

écrivain, scénariste et parolier français, décédé le 21 juin 2006, à 79 ans au 6e arrondissement de Paris

Ecrivain, journaliste et parolier français à succès, Jacques Lanzmann, a révolutionné l’écriture de chansons dans les années 60 en y apportant un ton, une humeur, un esprit à la fois décapant, moderne et léger.
Mais avant même que d'écrire, Jacques Lanzmann a commencé très jeune à exercer de nombreux métiers - valet de ferme, soudeur, mineur au Chili – Il entre en littérature en 1954 avec La glace est rompue , publié grâce à l'appui de Simone de Beauvoir qu'il avait rencontrée dans le sillage de son frère, Claude Lanzmann, réalisateur du film Shoa ... Trente-neuf autres suivront, dont Le Rat d'Amérique 1956, Cuir de Russie 1957, Les Passagers du Sidi-Brahim 1958, Un tyran sur le sable 1959, Viva Castro 1959, Qui vive ! 1965, Le Têtard 1976, Les Transsibériennes 1978, Rue des Mamours 1981. Son dernier récit, Une vie de famille, est paru en janvier 2006 chez Plon
Jacques Lanzmann est aussi le créateur avec Daniel Filipacchi du magazine Lui de 1963 à 1969. Maniant la plume comme aucun autre, il collabore également pour le cinéma et signe les scénarios des films de Philippe Labro 'Sans mobile apparent', 'Le Hasard et la violence', 'L'Alpagueur'.
Grand amateur de voyages, il est chroniqueur pour la chaîne de télévision Voyage dès 1997.
Touche-à-tout, il signe les textes de plus de 150 chansons. Mais c'est surtout sa collaboration avec le chanteur Jacques Dutronc au milieu des années 1960 qui l'a rendu célèbre, avec les titres à succès : Et moi, et moi, et moi, Les Cactus, Les Play-boys ou Il est cinq heures, Paris s'éveille.
il décède le 21 juin 2006.

Sa vie

Né le 4 mai 1927 à Bois-Colombes dans les Hauts-de-Seine d'un père décorateur et d'une mère antiquaire, fils d'immigrés juifs d'Europe de l'Est, décorateurs et antiquaires.
il est placé, à 12 ans, comme valet de ferme, puis, en 1943, rejoint son père dans le maquis auvergnat. De ces années datent ses premières grandes marches, "lors des coups de main contre les Allemands ou les miliciens", ainsi que son inlassable besoin de bouger et de courir le monde.
Pendant l'Occupation, son père le confia à des propriétaires comme valet de ferme, en Auvergne. En 1943, il entra avec son frère Claude Lanzmann dans la Résistance. Arrêté à Aix-en-Provence, il fut tout près d'être fusillé mais s'évada. Il tirera de ces années des romans tels Qui Vive ! 1965 ou Le Jacquiot 1986.

L'écrivain

Après la guerre, il abandonne la carrière de peintre à laquelle il se destinait pour bourlinguer. Il aime les grands espaces, "les immensités qui sentent le soufre, le danger". Sa devise : "Si tu veux te trouver, commence par te perdre." En 1985, il est le premier Occidental à réaliser la liaison Lhassa Tibet-Katmandou et, deux ans plus tard, il réussit la traversée du désert de Taklimakan, en Chine. A cette passion, il consacrera plusieurs livres, dont Fou de la marche Robert Laffont, 1985 ou Marches et rêves J.-C. Lattès, 1988.

Conteur boulimique Jacques Lanzmann est aussi le frère cadet de Claude Lanzmann, l'auteur de Shoah - il avait commencé à écrire à 27 ans avec La Glace est rompue, 1954, réédité chez Robert Laffont en 1977 et avait connu son premier succès avec Le Rat d'Amérique 1955, repris en Folio n°327 et Pocket n°2264, adapté au cinéma par Jean-Gabriel Albicoco, où il raconte les més aventures largement autobiographiques d'un jeune Français en Amérique latine. Suivent, dans les années 1960, Un tyran sur le sable Julliard, 1959, Qui vive Denoël, 1965 et de nombreux autres ouvrages qui ne l'empêchent pas d'être également journaliste à L'Express, puis rédacteur en chef de Lui, animateur à ce qui s'appelait encore Europe nº1, etc.
Il fut aussi producteur et scénariste, notamment des films de Philippe Labro.
Marié à Françoise Detay, sinologue et admiratrice de Mao Tsé Toung, il fut membre du Parti communiste, jusqu'à son exclusion en 1957.
Il fut également engagé aux côtés du FLN, collaborant alors à France Observateur.
Il fut très attaché à la région Auvergne, et en particulier au Mont-Mouchet Haute-Loire.
Il se maria 4 fois et eut en tout 7 enfants. Il était le frère de Claude Lanzmann, auteur du film Shoah. Sa fille, Chine Lanzmann, a été animatrice et productrice de l'émission Cyber-Culture, diffusée sur Canal+ au milieu des années 1990.

Il est décédé le 21 juin 2006 à Paris, ville à laquelle il avait rendu hommage dans la chanson Il est cinq heures, Paris s'éveille.

Ses obsèques, organisées à l'avance par lui-même, se sont déroulées le 26 juin à Paris, au crématorium du cimetière du Père-Lachaise. Ses cendres se trouvent dans le petit cimetière de Fatouville-Grestain dans l'Eure.

La littérature

Après avoir pratiqué de nombreux métiers, comme soudeur, peintre en bâtiment, artiste peintre 1948-1955 ou mineur au Chili 1952-1953, auteur de nombreux best-sellers et des textes des chansons les plus connues de Jacques Dutronc.
On n'en finirait plus d'énumérer ses vies : conteur, peintre, aventurier, mineur au Chili, globe-trotteur, journaliste, auteur de chansons, scénariste, romancier..., Jacques Lanzmann s'est toujours refusé à suivre les chemins tout tracés, promenant à travers le monde son inépuisable appétit de vivre. Il entre en littérature en 1954 avec La glace est rompue. C'est Simone de Beauvoir qui le remarque la première.
À partir de cette année-là, sa carrière littéraire est marquée par son activité de critique aux Lettres françaises, par la création avec Jean-Claude Lattès d’Éditions spéciales et la création et la direction littéraire de la société Jacques Lanzmann et Seghers éditeurs. Il fut même journaliste à L'Express de 1960 à 1962 et participa à la création du magazine Lui. Il est l'auteur de L'âge d'amour, roman paru en 1979 sous le pseudonyme de Michael sanders.

À la fin de sa vie, bien que s'affirmant libre penseur et athée, il pose la question de l'histoire juive avec le diptyque La tribu perdue, comportant deux ouvrages : N'oublie jamais qui nous sommes 1999 et Imagine la terre promise 2000, mettant en scène les Manassés, des Juifs légendaires, qui ont traversé trois mille ans d'Histoire en gardant intacts leur foi en Dieu et leur espoir en Israël.
Son avant-dernier roman : Rue des Rosiers 2002, entraîne le lecteur dans une histoire chargée d’événements tragiques et riche en révélations sur les perceptions de la Shoah.

Le monde musical

Il est auteur de plus de 150 chansons, dont de nombreux titres pour Jacques Dutronc et quelques-uns pour France Gall, Régine, Jean Guidoni, Zizi Jeanmaire, Enrico Macias, Mireille Darc, Dani, Sacha Distel, Pascal Danel, Pascal Obispo, Bernard Menez.

Insolence et dérision

C'est à cette époque, en 1965, qu'il rencontre Jacques Dutronc, attaché à la maison de disques Vogue, qui écrit en dilettante quelques titres pour des chanteurs yé-yé. Lanzmann va trouver des mots en accord avec la personnalité de Dutronc. Leur premier titre est Et moi, et moi, et moi 1966. Le texte mordant, la musique influencée du rock anglo-saxon tranchent avec les gentilles chansons de la variété : "Sept cents millions de petits Chinois/Et moi, et moi, et moi/Huit cents millions de crève-la-faim/(...) J'y pense et puis j'oublie/C'est la vie c'est la vie."
Les deux compères enchaînent les succès, qui mêlent insolence et dérision. Mini mini mini, On nous cache tout on nous dit rien, Les Playboys, Les Cactus, L'Idole, La Publicité, J'aime les filles, notamment, peuvent être aussi bien compris comme des critiques sociales que comme des pochades avec jeux de mots et paroles à double sens.
En mars 1968 sort Il est 5 heures, Paris s'éveille, coécrite avec son épouse Anne Ségalen. Le pied de nez et l'ironie sont devenus poésie. Le titre sera détourné quelques semaines plus tard par les manifestants de mai. Sans délaisser l'ironie, L'Opportuniste, L'Aventurier, Le Responsable, L'Hôtesse de l'air..., le duo Lanzmann/Dutronc mettra plus de tendresse dans ses collaborations : Amour toujours, La Seine, ou Le Petit Jardin, superbe chanson de 1972.
Tenté par le cinéma, Jacques Dutronc délaisse un peu la chanson, et la relation artistique avec Lanzmann s'effiloche à partir de 1974. En 1980, ce dernier ne signe que deux titres du dernier bon album de Dutronc, Guerre et pets dont le nostalgique La Vie dans ton rétroviseur. Les compères se retrouveront en 2003, mais la magie n'est plus là.
Entre-temps, Jacques Lanzmann aura fait des passages dans l'édition - éditions Spéciales, Denoël, Ramsay -, produit des films, écrit des scénarios, sans jamais cesser de publier - en tout une cinquantaine de livres, parmi lesquels Hôtel Sahara J.-C. Lattès, 1990, un dialogue sur le sacré avec Jean Guitton, Celui qui croyait au ciel et celui qui n'y croyait pas J.-C. Lattès/Desclée de Brouwer, 1994, Le Voleur de hasard J.-C. Lattès, 1992, qui est un peu le roman de sa vie, Imagine la Terre promise Plon, 2000 ou, récemment, en collaboration avec sa dernière épouse Anne Segalen, Florence, La Vie comme à Marrakech Le Rocher, 2004.
En 1980, il signe deux chansons de l'album Guerre et pets. En 2003, Lanzmann et Dutronc se retrouvent une dernière fois pour l'album Madame l'existence.

Il a adapté en français l'opéra rock Hair. Ce travail, refusé par Serge Gainsbourg, a été une de ses principales sources de revenus.
En 1970, il écrit quelques chansons de l'album "Vie" de Johnny Hallyday.
En 2006, il participe à l'album d'Elodie Frégé, gagnante de Star Academy 2003.

Liens
http://youtu.be/b2C8CyysZPo "Le boiteux " de Jacques Lanzmann
http://youtu.be/Z8O_XEggIMs C'était un petit jardin Jacques Dutronc
http://youtu.be/OKw6Wvg-nok Paris s'éveille



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Posté le : 03/05/2014 19:19
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Joseph Joubert
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Le 4 mai 1824 à Paris, à 69 ans meurt Joseph Joubert ,

né à Montignac Périgord le 7 mai 1754 moraliste et essayiste Genre aphorisme français né à Montignac Périgord le 7 mai 1754
Inspiré par la philosophie des Lumières, il fut un proche de Chateaubriand qui publia, en 1838, sous le titre Pensées, une partie des notes que son ami tenait, en moraliste et en critique, sur ses expériences et ses lectures. Ces Carnets, qui ne parurent intégralement qu'en 1938, constituent l'essentiel de l'œuvre d'une âme qui a rencontré par hasard un corps et qui s'en tire comme elle peut. Grand lecteur de Platon, écrivain épris d'excellence, Joubert fait du fragment l'instrument délicat d'une poétique où le romantisme saura puiser tant des leçons de style que des questions fondamentales sur les fonctions et le devenir de la littérature.
À partir de l'âge de 14 ans, il suivit les cours du collège religieux de l'Esquile de Toulouse, où il enseigna lui-même par la suite, jusqu'en 1776.


Sa vie

Né à Montignac, fils d'un chirurgien de l'armée, Joseph Joubert fait ses études à Toulouse et songe à endosser l'habit ecclésiastique.
Il vient à Paris en 1778, fréquente les philosophes, travaille avec Diderot. Il se lie d'amitié avec Fontanes, qui le prendra comme conseiller quand il sera grand maître de l'Université, le nommant inspecteur général 1809.
Ami de Chateaubriand, il rencontra D'Alembert et devint le secrétaire de Diderot. Il vécut entre Paris, auprès de ses amis, et sa maison de Villeneuve-sur-Yonne en voisin du comte et de la comtesse de Sérilly dont il dira qu'elle a eu "le plus beau des courages, le courage d'être heureuse"

Pendant la révolution, il recueillit la jeune comtesse de Beaumont dont la famille avait été victime de la Terreur et qui survivait cachée par une famille de paysans les Paquereau. Il lui voua toute sa vie une amitié amoureuse.
Après la chute de Robespierre, la comtesse retourna à Paris où elle devint le grand amour de Châteaubriand.
Délaissée par l'écrivain et usée par les épreuves, elle s'éteignit à Rome en 1803 à l'âge de 35 ans. En apprenant sa mort, Joseph Joubert écrivit :
"Châteaubriand la regrette sûrement autant que moi mais elle lui manquera moins longtemps".

Il apporta son soutien à sa voisine Anne-Louise de Sérilly dont le mari avait péri sur l'échafaud. S'étant remariée avec son cousin François de Pange, elle s'était retrouvée veuve une seconde fois quelques mois plus tard.
Mère de quatre enfants, elle accepta de convoler une troisième fois avec un ami, le vieux marquis Anne-Pierre de Montesquiou-Fézensac ce qui suscita les critiques de son entourage et notamment de Germaine de Staël.

"Que puis-je vous dire Madame ? lui écrivit Joubert, Monsieur de Pange avait un grand mérite; Monsieur de Montesquiou a de plus une grande réputation.
Je veux que vous soyez heureuse; je crois que vous n'avez pu l'être et je crois que vous le serez... J'aimais celui que vous aimiez : je l'aimais à cause de lui et surtout à cause de vous ; il vit toujours dans les pensées.
Je respecterai sa mémoire, je garderai son souvenir. Je serai fidèle au passé mais j'honore votre avenir..."

De 1776 à sa mort, il remplit ses Carnets de milliers de notes, allant de la méditation religieuse à la critique littéraire.
Son ami Chateaubriand en publie en 1838 un premier choix, sous le titre de Recueil des pensées de M. Joubert ; mais il faut attendre 1938 pour qu'André Beaunier en propose l'édition complète.
Joubert a horreur du plein, qui exclut l'homme.
Même les matières les plus dures doivent faire place au vide :" Le marbre, le plomb peuvent devenir nuage." De tous les éléments, il privilégie l'eau et la lumière, plus l'esprit , sans lequel tout serait plein et rien ne serait pénétrable ; il n'y aurait ni mouvement, ni circulation, ni vie.
Il loue dans l'imagination sa faculté de mêler le spirituel et le sensible :
" Il faut mêler la terre et le ciel."
Pas de "têtes pleines, où rien d'extérieur ne peut entrer !" ; pas de tour sentencieux, car de toutes les formes du discours, c'est la plus solide.

Le style de Joubert charme par sa limpidité — sa poésie, a rappelé Georges Poulet. Joubert est, certes, concis, mais il est soucieux de polir, plutôt que de ciseler ; spatieux aussi, jamais lassé de l'immensité qu'il découvre, qu'il rêve de ramasser en gouttes de lumière : les trois étendues, le temps, l'espace et le silence.
Le style continu n'est naturel qu'à l'homme qui écrit pour les autres. Tout est jet et coupure dans l'âme."
Joubert serait moraliste en cela : sereinement indifférent à son destin public, il consent au naturel de l'âme ; il ne veut pas forcer son caractère :
" Je suis, je l'avouerai, comme une harpe éolienne, qui rend quelques beaux sons, mais n'exécute aucun air."
Ces sons, ajoute-t-il, ne sont pas liés, mais sont ravissants.
Ainsi Joseph Joubert tend à une sorte de paix angélique, sagesse plus accessible que la vérité :
" La vérité consiste à imaginer les choses comme Dieu les voit et la modération à être ému comme les anges."
De son vivant, Joubert ne publia jamais rien, mais il écrivit de nombreuses lettres, ainsi que des notes et des journaux où il reportait ses réflexions sur la nature de l'homme, sur la littérature, et sur d'autres sujets, dans un style poignant, volontiers aphoristique.

À sa mort, sa veuve confia ses notes à Chateaubriand, qui en fit publier un choix sous le titre Recueil des pensées de M. Joubert en 1838.
Des éditions plus complètes allaient suivre, ainsi que celles de la correspondance. La tombe de Joseph Joubert se trouve au cimetière de Montmartre.

Sa bibliothèque se trouve désormais dans des archives privées où se trouve une petite partie des archives du prince François-Xavier de Saxe.

Société des Amis de Joseph Joubert

En 1985, dans le cadre du LVIe Congrès de l'Association Bourguignonne des Sociétés Savantes, à l'initiative des Amis du Vieux Villeneuve, a eu lieu à Villeneuve-sur-Yonne le premier colloque consacré à Joseph Joubert, sa vie, ses amitiés, sa pensée ainsi que ses influences sur le travaux d'autres intellectuels, au terme duquel fut proposée par Rémy Tessonneau et accepté par les participants la fondation des Amis de Joseph Joubert.
Le but de cette association est de faciliter la publication authentique et intégrale des écrits de Joubert, et de conduire une recherche progressive, concertée et solidaire, afin d'en exprimer toutes les significations. Depuis lors, la Société des Amis de Joseph Joubert a déjà organisé 4 colloques, dont le dernier s'est tenu les 2 et 3 octobre 2010.

Citations

L'art est de cacher l'art.
Enseigner, c'est apprendre deux fois.
Quand mes amis sont borgnes, je les regarde de profil.
Il n'y a plus aujourd'hui d'inimitiés irréconciliables, parce qu'il n'y a plus de sentiments désintéressés : c'est un bien né d'un mal.
Tous les hommes viennent de peu, et il s'en faut de peu pour qu'ils ne viennent de rien.
L'ambition est impitoyable : tout mérite qui ne la sert pas est méprisable à ses yeux.
Il faut ne choisir pour épouse que la femme qu'on choisirait pour ami, si elle était un homme.
Ce n'est pas l'abondance, mais l'excellence qui fait la richesse
Les enfants ont plus besoin de modèles que de critiques.
Le but de la discussion ne doit pas être la victoire, mais l'amélioration.
Il y a des sciences bonnes dont l'existence est nécessaire et dont la culture est inutile. Telles sont les mathématiques.
La raison peut nous avertir de ce qu'il faut éviter, le cœur seul nous dit ce qu'il faut faire.
Le plus beau des courages, celui d'être heureux.
Il est indigne des grandes âmes de faire part des tourments qu'elles éprouvent.
Quiconque s'agenouille devant Dieu se façonne à se prosterner devant un roi.
On ne sait ce qu’on voulait dire que lorsqu’on l’a dit.
Il faut quand on agit, se conformer aux règles, et quand on juge, avoir égard aux exceptions
Tout s'apprend, même la vertu.
Ces insupportables parleurs qui vous entretiennent toujours de ce qu'ils savent et ne vous entretiennent jamais de ce qu'ils pensent.
Le soir de la vie apporte avec soi sa lampe.
Les révolutions sont des temps où le pauvre n'est pas sûr de sa probité, le riche de sa fortune, et l'innocent de sa vie

Liens
http://youtu.be/O79crb2IZ0o Joseph Joubert Un jour un livre
.


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Posté le : 03/05/2014 19:08
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Henri Bosco
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Le 4 mai 1976 à Nice, à 87 ans meurt Fernand Marius Bosco, dit Henri Bosco

Avignon romancier français, né le 16 novembre 1888 à Avignon, Il reçoit le grand prix national des lettres, le prix Berthou décerné par l'académie française, le prix renaudot, le grand prix du roman de l'académie française, le prix des ambassadeurs, le prix de l'académie de la méditerranée et le prix de l'acamédie du Vaucluse, ses Œuvres principales sont L'Âne Culotte en 1937, L'Enfant et la Rivière en 1945, Le Mas Théotime en 1945, Malicroix en 1948, Le Renard dans l'île en 1956

Romancier français, Henri Bosco trouvera tous les thèmes de son œuvre dans sa Provence natale. Cependant, il vient tardivement à la littérature, après avoir longtemps enseigné au Maroc où il se fixe définitivement. Il y dirige une revue, Aguedal, qui réunit quelques poètes locaux. Son premier roman, Pierre Lampedouze, paraît en 1924 ; il exprime toute la vigueur du Midi. La nature y est présente comme une puissance occulte et vaguement inquiétante. L'Âne Culotte en 1937 mêle avec bonheur ce mystère, ou ce sens de la légende, à une poésie simple, presque enfantine. On voudrait évoquer à son propos la tradition du conte populaire. Mais la dimension du secret devient parfois pesante, quand il confine à la superstition ou au mysticisme. Bosco retrouve si bien l'âme paysanne dans ses multiples croyances que la simplicité de son évocation de la nature vient à s'y perdre. Le Mas Théotime en 1945 place dans un décor rustique une intrigue sentimentale que le mystère même de la nature suffit à rendre oppressante. Aussi est-il difficile d'admettre avec l'écrivain que cette existence paysanne puisse mener à la sagesse, celle-là même qui fait défaut à notre civilisation du savoir. Bosco écrit encore de nombreux romans rustiques : Malicroix en 1948, Antonin en 1952, Sabinus en 1957, Mon Compagnon de songes en 1967, Tante Martine en 1970, Le Récif en 1972. S'y déploie un sentiment poétique qui fait sans aucun doute leur plus grand charme. En 1950, il réunit des poèmes sur les paysages marocains, Des sables à la mer : le dépouillement de l'expression, l'abandon de la psychologie campagnarde rendent un son beaucoup plus sincère et plus grave.
Henri Bosco a aussi écrit des romans pour enfants L'Enfant et la rivière, 1953 ; Le Renard dans l'île, 1956 ; Le Chien Barboche, 1957, des livres de souvenirs, Un oubli moins profond, en 1961 et une biographie de saint Jean Bosco.
Agrégé d'italien, Henri Bosco enseigna d'abord à Avignon. Après avoir fait campagne dans l'armée d'Orient, il exerça les fonctions de chargé de conférence à Naples de 1920 à 1930. Il poursuivit sa carrière à Rabat, où il dirigea la revue Aguedal. À partir de 1955, il vécut tantôt à Nice, tantôt à Lourmarin. Bosco publia son premier récit, Pierre Lampédouze, en 1924. Mais sa seconde manière, empreinte d'un climat pastoral, religieux et tragique , commença avec le Sanglier. Alors se succédèrent une vingtaine de romans. Bosco est aussi l'auteur de souvenirs d'enfance et de récits pour la jeunesse. Son œuvre est animée par trois forces : son sang italo-provençal, qui le rend apte à percevoir les ondes émanant du sol, les courants qui passent entre la matière et l'âme ; son pays natal, la Provence, dont les fleuves et la montagne, le Lubéron, abritent des secrets créateurs de songes ; son expérience du monde, modelée par une culture gréco-latine. Sensible à l'ivresse dionysiaque qui émane de la Terre comme à la présence du sacré, Bosco est le créateur d'un univers romanesque envoûtant.

Un solide bagage classique

Henri Bosco est issu d'une famille italienne, ligure et piémontaise, dont les origines les mieux identifiées se trouvent près de Gènes.
Sa famille paternelle est apparentée à don Jean Bosco, le fondateur des salésiens à Turin.
Il est né au no 3 de la rue Carreterie, entre la place Pignotte et la place des Carmes, à Avignon, en novembre 1888. À la fin du XIXe siècle, il s'agissait du quartier d'Italiens, qui y avaient leur paroisse. Sa maison natale est aujourd'hui identifiée par une plaque de marbre. Son père, Louis Bosco 1847-1927, était originaire de Marseille où il repose, bien que décédé à Lourmarin.
Il était tailleur de pierre, luthier et chanteur d'opéra, souvent en déplacements. Sa mère, Louise Falena 1859-1942, née à Nice, est inhumée à Rabat où son fils était en poste à l'époque de la Seconde Guerre mondiale. Il est le cinquième enfant, les quatre premiers étant décédés prématurément.
Il a trois ans quand sa famille quitte le centre ville pour habiter une demeure plus vaste et proche de la Durance, le mas du Gage, à l'extrémité du quartier de Monclar, au quartier de Baigne-Pieds. Sa mère lui enseigne d'abord elle-même la lecture et l'écriture.
Il entre en classe à l'âge de dix ans, rue Bouquerie, à l'école des Ortolans. Marc Maynègre indique que lors des absences dues aux engagements de son père, le jeune Henri était accueilli par Julie Jouve, sa marraine, originaire de Bédoin, devenue concierge du Conservatoire d'Avignon, ou par la tante Clarisse dont Bosco fera la tante Martine de ses romans.

Il fait ses humanités grecques et latines dans la cité papale. Il est pensionnaire au lycée d'Avignon. Parallèlement, il poursuit pendant huit ans des études de musique harmonie et composition musicale au Conservatoire d'Avignon, tout en suivant des cours de violon auprès de M. Maillet, l'organiste de l'église Saint-Agricol, en face de la librairie Roumanille, célèbre félibre et ami de Frédéric Mistral. Henri Bosco y fera référence plus tard dans Antonin. Bosco obtient, en 1909, sa licence de lettres et son diplôme d'études supérieures à l'université de Grenoble. Henri Bosco obtient son diplôme après avoir présenté un mémoire sur la papauté avignonaise un festin papal donné au Palais, puis il prépare et réussit son agrégation d'italien à l'Institut de Florence.

Mobilisé en Orient

Devenu musicien de talent, il occupe ses loisirs à jouer et même écrire de la musique. Lors de la Première Guerre mondiale, il est mobilisé au 4e régiment de zouaves à Salonique. Devenu sergent-interprète à l'État-major de l'Armée d'Orient sa nouvelle fonction ne lui fait pas quitter les rives méditerranéennes. Il fait campagne aux Dardanelles, en Macédoine, en Serbie, en Albanie, en Hongrie et en Grèce.
Profitant de son affectation militaire, le jeune universitaire recopie et décrypte nombre d'inscriptions antiques. Il se lie d'amitié avec Robert Laurent-Vibert, un industriel lyonnais érudit, avec qui, les hostilités finies, il participe au sauvetage et à la restauration du château de Lourmarin, dans le Sud du Luberon.

Le séjour napolitain

La paix revenue, il est détaché à l'Institut français de Naples où il passe dix ans à donner des cours publics. Il y fait la connaissance de son collègue Jean Grenier, ainsi que de Max Jacob de passage sur la côte almafitaine.
Il y écrit, en 1924, son premier livre, Pierre Lampedouze, dans lequel il décrit sa ville natale :
"Toute la ville est argentée de métal pur. C'est le dimanche des Rameaux.
Saint-Agricol clame sa joie.
Saint-Didier tinte à tous vents. Saint-Pierre a des battants qui font tourner les cloches.
Les Carmes chantent en patois un vieux cantique de Maillane, toutes les chapelles s'appellent dans les rues lointaines où fleurissaient, jadis, les confréries, et les confréries et les couvents qui sont perdus sous les remparts, font danser leurs petites cloches, et le grand bronze du bourdon de Notre-Dame des Doms dont dépendent quatre paroisses, du sommet de sa métropole, jette sa gloire et sa clarté à travers toute la Provence".
Son deuxième livre, Irénée, est inspiré d'un premier et grand amour pour la belle triestine Silvia Fondra sans que s'estompe le souvenir de sa Provence natale.
Au cours de son séjour à Naples, il se passionne pour les recherches en cours sur Pompéi et la fameuse Villa des Mystères, avec un intérêt tout particulier pour l'orphisme.
Il se marie le 16 juillet 1930 à Ollioules dans le Var, avec la gersoise Marie Madeleine Rhodes. Ils n'auront pas d'enfant.
En 1930-31, il écrit le premier roman de la trilogie de Hyacinthe, L'Ane culotte.

Son œuvre littéraire

En 1931, il rejoint le Maroc où il restera jusqu'en 1955. Il habite ensuite à la Maison Rose, à Cimiez, sur les hauteurs de Nice.
En mai 1931, il écrit Le Sanglier, faisant la démonstration que le roman d'aventures n'a pas forcément besoin d'exotisme, ni d'escouades policières, pour organiser une chasse à l'homme.
Il va passer une longue partie de sa vie comme professeur au lycée Gouraud de Rabat et président de l'Alliance française. À la fin de la guerre, en 1945, il obtient le Prix Renaudot pour le Mas Théotime.
En 1953, sa carrière de romancier est couronnée par le Grand prix national des Lettres puis en 1968, Henri Bosco se voit décerner le Grand prix du roman de l'Académie française pour l'ensemble de son œuvre.
Cette récompense prestigieuse avait été précédée, deux ans auparavant, par un hommage rendu à Avignon. Le samedi 22 octobre 1966, le romancier, devant un parterre de cinq cents personnes, fut accueilli dans la Salle des Fêtes de l'Hôtel de Ville. Il se vit honorer du Prix de l'Académie de Vaucluse, récompense décernée pour la première fois par le Conseil général. Ce prix lui fut décerné pour sa remarquable œuvre romanesque et ses livres de souvenirs.

Le romancier du Luberon

Arrivé à l'âge de la retraite de l'Éducation Nationale, il partage sa vie entre Nice et Lourmarin, où il séjourne souvent dans son bastidon, célébrant le Luberon, terre de paysans et de vignerons qu'il affectionne, mais surtout de mystère qu'il va chanter avec des accents homériques.

Au temps des amandiers en fleurs, Lourmarin, la seconde patrie d'Henri Bosco
" Tu es la patrie des saisons. En aucun lieu au monde elles n'offrent figures suivantes. Tu les prends au passage et tu en fais selon les jours, soit la douceur de la neige, soit la fureur des tempêtes d'automne, soit vergers d'amandiers en fleurs, soit le blé, soit la vigne sanglante ".
Humaniste, Bosco aime cette montagne magique : les hommes simples depuis la nuit des temps y ont vécu et souffert, au sein d'une nature généreuse.
" Je les connais tous, les sites humains d'où sont partis les hommes, l'abri du charbonnier, la cuve à vin creusée dans la paroi du roc, le poste à feu oublié du chasseur et, quelque part en un lieu hanté de moi seul, perdu dans la broussaille, cette aire immense avec des talus et quatre grands fossés mangés par l'herbe. Un vieux peuple, rude et sensé, au cours d'une migration énergique, avait sans doute établi là, jadis, son camp à l'ombre de la Terre."

Ses dernières volontés

Le chantre du Luberon désira reposer dans le cimetière de Lourmarin. Il fit part de ses dernières volontés dans un texte publié par ses amis d'Alpes de Lumières :
" Enfin on chantera tes bêtes : renards, martres, fouines, blaireaux, nocturnes et le sanglier qui est peut-être ton dernier dieu, Mais silence, tu me comprends...."
Pour moi, si quelque jour, je dois tomber loin de ta puissance, je veux qu'on ramène mes cendres à Lourmarin, au nord du fleuve, là où vécut mon père et où, trop peu de temps, j'ai connu les conseils de l'Amitié.
Et que l'on creuse alors sur ta paroi, en plein calcaire, là-haut loin des maisons habitées par les hommes, entre le chêne noir et le laurier funèbre, un trou, ô Luberon, au fond de ton quartier le plus sauvage. J'y dormirai.
Et puisse-t-on graver, si toutefois alors quelqu'un prend souci de mon ombre, sur le roc de ma tombe, malgré ma mort, ce sanglier.

Il meurt en 1976 à 89 ans.

Ses romans pour adultes ou pour enfants constituent une évocation sensible de la vie provençale où une imagination libre et succulente participe au pouvoir envoûtant de son écriture.
De nos jours, la trilogie L'Âne Culotte - Hyacinthe - Jardin d'Hyacinthe ainsi que Malicroix, le Mas Théotime, L'Enfant et la Rivière, L'Habitant de Sivergues,
Le rameau de la nuit, Le récif, entre autres, sont réédités en de nombreuses langues et constituent des succès de librairie.
Son épouse est décédée en 1985.

L'œuvre d'Henri Bosco a fait l'objet de nombreuses études depuis les quatre premières thèses de doctorat soutenues du vivant de l'auteur : Jean Cleo Godin, Une poétique du mystère, Montréal, 1968, Lionel Poitras, La participation au monde, Fribourg, 1971, Gérard Valin, Henri Bosco et Novalis, deux poètes mystiques, Paris-Nanterre, 1973, Jean Pierre Cauvin, La poétique du sacré, 1976.
L'association de l'Amitié Henri Bosco a été créée avec la participation de l'auteur à Nice en 1973. Ludo van Bogaert, Madeleine Bosco, Jean Onimus ont animé les premières années d'activité.
Le professeur Claude Girault, germaniste de l'université de Caen, a pris le relais en donnant une impulsion décisive aux colloques internationaux et aux Cahiers Henri Bosco ; ces deniers comportent un grand nombre de ses travaux très inspirés du romantisme allemand et issus des archives laissés à l'université de Nice sous le contrôle de la bibliothécaire Monique Barrea.
Claude Girault, ami de l'auteur est devenu à son décès le légataire de son journal, le diaire.

Henri Bosco était commandeur de la Légion d'Honneur.

Å’uvres

Pierre Lampédouze, 1925
Eglogues de la mer, 1928
Irénée, 1928
Le Quartier de sagesse, 1929
Le Sanglier, 1932
Le Trestoulas et L'Habitant de Sivergues, 1935
L'Âne Culotte, 1937 ; édition de 1950 avec des illustrations de Nicolas Eekman
Hyacinthe, 1940
L'Apocalypse de Saint Jean, 1942
Bucoliques de Provence, 1944
Le Jardin d'Hyacinthe, 1945
Le Mas Théotime, 1945
L'Enfant et la Rivière, 1945
Monsieur Carre-Benoît à la campagne, 1947
Sylvius, 1948
Malicroix, 1948
Le Roseau et la Source, 1949
Un rameau de la nuit, 1950
Alger, cette ville fabuleuse, 1950
Des sables à la mer. Pages marocaines, 1950
Sites et Mirages, 1951.
Antonin, 1952
L'Antiquaire, 1954
La Clef des champs, 1956
Le Renard dans l'île, 1956
Les Balesta, 1956
Sabinus, 1957
Barboche, 1957
Bargabot, 1958
Bras-de-fer, 1959
Saint Jean Bosco, 1959
Un oubli moins profond, 1961
Le Chemin de Monclar, 1962
L'Épervier, 1963
Le Jardin des Trinitaires, 1966
Mon compagnon de songes, 1967
Le Récif, 1971
Tante Martine, 1972
Une ombre, 1978
Des nuages, 1980

Filmographie

1967 : L'Âne Culotte, série télévisée en 26 épisodes de 13 minutes, créé par Edgar de Bresson, Daniel Goldenberg et Jacques Rispal diffusé à partir du 27 novembre 1967 sur la première chaîne de l'ORTF.
1974 : Malicroix, téléfilm de François Gir réalisation et adaptation. Interprètes : Jean-Luc Moreau, Robert Dalban, Jacques Seiler, Thérèse Liotard
1975, Le Renard dans l'île, TF1, de Leila Senati, adaptateur : Denys de La Patellière, interprètes : Suzanne Flon, Jean Marie Bon, Lucien Barjon, Hervé Levy, Marc Geiger, Pierre Humbert
1981 : L'Enfant et la Rivière, téléfilm de Maurice Château.
1995 : Le Mas Théotime, téléfilm écrit et réalisé par Philomène Esposito pour FR3.
2000 : Henri Bosco, collection Un siècle d'écrivains, dirigée par Bernard Rapp, portrait réalisé par Jean-François Jung 50', diffusion France 3 le 28 décembre 2000.

Liens
http://youtu.be/72FhooWpi7g Lourmarin où séjourné Henri Bosco
http://youtu.be/lq1kax03yTI des ânes culottés


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Posté le : 03/05/2014 19:01
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Claudine-Alexandrine Guerin de Tencin 1
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Le 27 avril 1682 à Grenoble, naît Claudine-Alexandrine-

Sophie Guérin de Tencin,


baronne de Saint-Martin de l’isle de Ré, femme de lettres et salonnière française. Elle est la mère de d'Alembert, elle meurt le 4 décembre 1749 à Paris,

Religieuse malgré elle, elle s'enfuit à Paris. La vie monastique avait peu d'attraits pour elle; cinq ans après sa profession, elle sollicita et obtint de passer comme chanoinesse au chapitre de Neuville, près de Lyon. C'était un grand pas de fait vers la liberté. Elle ne s'y arrêta point.
Des ambitions politiques la poussèrent à devenir la maîtresse du Régent, de Dubois et d'autres hauts personnages. Elle rassembla dans son salon les plus grands noms des lettres et des arts, parmi lesquels Fontenelle, Montesquieu, Prévost et Marivaux. Elle publia des romans sensibles, les Mémoires du comte de Comminges en 1735 et les Malheurs de l'amour en 1747, le Siège de Calais en 1739 et Anecdotes de la cour et du règne d'Édouard II roi d'Angleterre en 1776. D'une de ses liaisons elle eut un fils qu'elle ne reconnut pas, et qui fut d'Alembert.
Après vingt-deux années passées de force au couvent, elle s'installe à Paris en 1711 et est introduite dans les milieux du pouvoir par ses liens avec le cardinal Dubois. Six ans plus tard, elle ouvrira l'un des salons les plus réputés de l'époque appelé le bureau d'esprit. D'abord essentiellement consacré à la politique et à la finance avec les spéculateurs de la banque de Law, ce salon devient à partir de 1733 un centre littéraire. Les plus grands écrivains de l’époque le fréquentent, en particulier Fontenelle, Marivaux, l’abbé Prévost, Charles Pinot Duclos et plus tard Marmontel, Helvétius, Marie-Thérèse Geoffrin et Montesquieu.
Madame de Tencin a publié aussi avec succès quelques romans dont les Mémoires du comte de Comminge en 1735, Le Siège de Calais, nouvelle historique en 1739 et Les Malheurs de l’amour en 1747.

Une Amazone dans un monde d’hommes

"On voit bien, à la façon dont Il nous a traitées, que Dieu est un homme."
La vie publique de Claudine-Alexandrine Guérin de Tencin, baronne de Saint-Martin de l’Isle de Ré, est bien connue par les cinq biographies importantes qui lui ont été consacrées.
Alexandrine est née à Grenoble dans une famille de petite robe : son père, Antoine Guérin 1641-1705, seigneur de Tencin, sera tour à tour conseiller au Parlement du Dauphiné puis premier président au Sénat de Chambéry lors de l’occupation de la Savoie par la France. Sa mère est Louise de Buffévent.
Cadette de cinq enfants, Alexandrine est selon la coutume placée très tôt, à l’âge de huit ans, au proche monastère royal de Montfleury, une de ces riches abbayes où la règle de Saint-Dominique était assouplie. Elle répugne cependant à la vie monacale et ce n’est que contrainte et forcée qu’elle se résout à prononcer ses vœux le 25 novembre 1698. Pour dès le lendemain, cependant, avec l’aide de son directeur spirituel, dont Charles Pinot Duclos prétendra qu’il fut l’instrument aveugle qu’elle employa pour ses desseins, protester en bonne et due forme devant notaire, protestation qu’elle renouvellera de nombreuses fois au cours des années suivantes afin qu’elle ne soit point caduque.
Véridique ou non, l’accusation de Duclos, augure bien du courage et du caractère volontaire dont Mme de Tencin fera très tôt preuve pour s’opposer par tous les moyens tant à la tutelle parentale qu’aux coutumes du temps.

Sa ténacité portera ses fruits. Néanmoins, sœur Augustine devra attendre la mort de son père en 1705 et vaincre les résistances, l’hypocrisie de sa mère pour quitter Montfleury en 1708 et, après une cure à Aix pour redresser sa santé défaillante, trouver refuge l’année suivante... au couvent de Sainte-Claire à Annonay, où réside une de ses tantes, Mme de Simiane ! Quitter un couvent pour un autre couvent peut paraître étrange ; ce le fut pour ses contemporains. De mauvaises langues affirmèrent qu’elle trouva là un refuge idéal pour accoucher de jumeaux conçus à Aix dont le père aurait été Arthur Dillon, lieutenant-général du maréchal de Médavy. Cependant il est certain que ce soit là pure calomnie, car l’enquête de l’Officialité, qui devait fulminer le bref papal qu’elle obtint finalement le 2 décembre 1711, conclut à son innocence et la releva de ses vœux le 5 novembre 1712, jugeant qu’on lui avait effectivement fait violence lors de sa prise de voile. Ce jugement fut imprimé dès 1730. Ses ennemis cependant continuèrent à l’appeler la Chanoinesse de Tencin.
Alexandrine n’attendit pas son retour à la vie laïque pour dès la fin 1711, accompagnée de son chaperon Mme de Vivarais, se rendre à Paris. Elle s’établira quelque temps au couvent de Saint-Chaumont, puis, en raison de son état de santé, au couvent des dominicaines de la Croix. Ses vœux annulés, elle finit par s’installer chez sa sœur la comtesse Marie-Angélique de Ferriol d’Argental qui hébergeait déjà la célèbre Mlle Aïssé. Là, pendant les années qui suivirent, elle sut conquérir les hôtes du salon de sa sœur par la vivacité de son esprit, l’humour de ses réparties et par une faculté d’adaptation surprenante compte tenu de son peu d’expérience du monde.
Elle sut rattraper le temps perdu également... En avril 1717, enceinte de deux mois, elle signa avec les religieuses de la Conception un bail à vie pour un appartement de la rue Saint-Honoré, sis au-dessus du couvent de la Conception, vis-à-vis le Sot Dôme du couvent de l’Assomption, aujourd’hui l’Église polonaise. Elle y emménagea le 24 juin. Puis, en août, elle passa convention pour le reste de la maison contre le paiement d’un supplément. Elle put ainsi, après son accouchement, ouvrir son propre salon qui jusqu’en 1733 se consacrera essentiellement à la politique.
Dès cet instant, sa devise semble être de défier l’homme sur son propre terrain, ne serait-ce peut-être que pour se venger de ces vingt-deux années passées de force au couvent.

Devenue, au dire de Saint-Simon, la maîtresse publique du principal ministre, l'abbé puis cardinal Dubois, elle commença, avec le soutien de ce dernier, par aider à la carrière ecclésiastique et politique de son frère Pierre-Paul, 1679-1758, homme manquant de caractère et pour qui elle fit office, pour ainsi dire, de conscience virile. Puis, pour récompenser son illustre amant de ses largesses, elle n’hésita pas à devenir, comme l’écrit Pierre-Maurice Masson, un précieux agent d’information, et, le cas échéant, un truchement dans les affaires anglaises, en se servant de ses amis qui avaient accès aux hautes sphères du pouvoir.

À ces dons de politique, il convient d’ajouter également ceux de l’affairiste.

L’argent a occupé une place primordiale dans la vie de Mme de Tencin. Tous les moyens lui furent bons pour accroître sa fortune. Ainsi, son rang ne la prévint pas d’ouvrir le 28 novembre 1719 un comptoir d’agio à la rue Quincampoix et de créer une société en commandite, équivalent ancien d’une société d’investissement à capital variable, vouée explicitement à la spéculation sur les actions. Pour ce faire, il fallait des fonds : sur un capital de trois millions et demi de livres, elle apporta la somme de 691 379 livres tournois, soit sa légitime qu’elle avait déjà triplée en la plaçant à fonds perdu sur l’extraordinaire des guerres, suivies des participations du Président Hénault, de plusieurs membres de sa famille et de quelques amis dont le chevalier Louis Camus des Touches dit Destouches-Canon.
La Financière Tencin-Hénault ne vécut que trois mois : bénéficiant des précieux conseils du financier Law et surtout de Dubois, son amant, elle réussit à tripler une nouvelle fois sa fortune en vendant ses parts à temps pour partager les bénéfices du système de Law avec quelques-uns de ses associés.
Elle alla même jusqu’à s’acoquiner avec des financiers véreux, comme le prouvent à l’évidence ses lettres d’affaires.
Cette âpreté au gain trouve cependant quelque excuse. Ainsi que l’écrit P.-M. Masson :
"ce qui met quelque noblesse, ou du moins quelque désintéressement dans tous ces tripots, c’est que Madame de Tencin ne fait la chasse à l’or que pour la faire plus sûrement au pouvoir, et ne les conquiert tous deux que pour ce frère médiocre, en qui elle a placé toutes ses ambitieuses espérances".
Régner donc, mais régner par procuration à cause de l’injustice de l’époque qui cantonnait la femme dans un rôle d’animal domestique, telle fut la volonté selon le mot de Diderot, de la belle et scélérate chanoinesse Tencin . Et pour ce faire, elle se fit bigote, elle qui l’était naturellement si peu.
Il n’est lieu d’entrer ici dans les ténébreux détails du concile d’Embrun en 1727 qui opposa le frère tant aimé d’Alexandrine au vieil évêque janséniste de Senez, Jean Soanen. Il nous suffira de savoir que pour l’occasion, Madame de Tencin transforma son salon en centre d’agitation ultramontaine : tout ce qui était sous sa main fut employé à la défense de son frère et de Rome. Ainsi en est-il par exemple d’un Fontenelle ou d’un Houdar de la Motte, pour ne citer qu’eux, qui durent composer la plupart des discours de l’évêque Pierre-Paul Guérin de Tencin. Elle-même mit également la main à la pâte, et ce fut là sans doute sa première activité littéraire, en envoyant toutes les semaines au gazetier de Hollande le bulletin tendancieux des travaux du Concile qui condamna finalement Soanen.
Cet excès de zèle ne lui profita pourtant pas : le cardinal de Fleury, lassé de la faire surveiller jour et nuit, résolut le 1er juin 1730, pour le bien de l’État, de l’exiler le plus loin possible de la capitale.
Après quatre mois de retraite à Ablon où sa sœur possédait une maison de campagne, permission lui fut accordée de revenir à Paris, en raison de sa santé défaillante.

Ayant retenu la leçon, pendant les dix années qui suivirent, son activité, quoique toujours aussi débordante, se fit plus discrète15. Désormais, elle réserve le meilleur de son temps à son salon qui devient un centre exquis de littérature et de conversations fines. Les plus grands écrivains de l’époque, qu’elle recueillit du salon de la marquise de Lambert en 1733, s’y pressèrent. On y vit, entre autres, Fontenelle, l’ami de toujours, Marivaux, qui lui doit son siège à l’Académie en 1742 et le renflouage incessant de ses finances, l’abbé Prévost, Duclos et plus tard Marmontel, Helvétius, Marie-Thérèse Geoffrin et Montesquieu, son petit Romain, qu’elle aidera à la première publication sérieuse De l'esprit des lois en 1748, après la première édition estropiée de Genève en 1748.
Des écrivains – sauf Voltaire, le géomètre ainsi qu’elle le surnomme dans ses lettres, qu’elle croisa à la Bastille et qu’elle n’aimait guère –, mais également les plus grands savants de l’époque, des diplomates, des financiers, des ecclésiastiques et des magistrats de toute nationalité qui portèrent le renom de son salon bien au-delà de la France. Un jour, le mardi, cependant était réservé uniquement à la littérature. Dans une atmosphère de grande familiarité, ses amis écrivains, qu’elle appelait ses bêtes, venaient présenter leurs derniers écrits ou assister à la lecture d’œuvres de jeunes débutants, à qui Alexandrine manquait rarement de donner quelques judicieux conseils. Souvent également ils se livraient aux plaisirs de la conversation et s’adonnaient à leur sujet préféré, la métaphysique du sentiment. D’après Delandine, ce seraient même eux qui auraient remis à la mode ces questions de casuistique sentimentale qui, par leur abstraction même, permettent les opinions les plus subtiles et les plus paradoxales. Nul n’excellait d’ailleurs plus à ce genre d’esprit que la maîtresse de maison qui goûtait tout particulièrement maximes et tours sentencieux. Elle en a, du reste, parsemé ses romans qui, de ce fait, ainsi que l’écrit Jean Sareil, donnent souvent l’impression d’être le prolongement romancé des conversations qui se tenaient dans son salon, et dont voici quelques-uns tirés des Malheurs de l’amour en guise d’illustration : Lorsque l’on n’examine point ses sentiments, on ne se donne pas le tourment de les combattre ; Le cœur fournit toutes les erreurs dont nous avons besoin ; On ne se dit jamais bien nettement qu’on n’est pas aimé ; La vérité est presque de niveau avec l’innocence …

Car c’est en effet à cette époque qu'Alexandrine publia anonymement, avec un succès immédiat, ses deux premiers romans : faut-il y voir une reconversion ? Rien n’est moins sûr, car si depuis 1730 elle a mis une sourdine à ses intrigues religieuses, politiques et affairistes, elle est loin de les avoir abandonnées. En effet, depuis son retour d’exil, son grand projet est de faire de son frère un cardinal. Mais, pour cela, il faut l’accord du roi Louis XV, pour qui, ainsi qu’elle l’écrit dans sa correspondance, tout ce qui se passe dans son royaume paraît ne pas le regarder, sauf peut-être les intrigues d’Alexandrine qui lui donne, ce sont ses mots, la peau de poule . Peu lui chaut. Si elle ne peut l’atteindre directement, ce sera indirectement. Et pour cela, elle n’hésitera pas à jouer les entremetteuses. Elle procurera des maîtresses au roi qui se devront de réciter les livrets hagiographiques du frère tant aimé. Cette stratégie portera ses fruits, notamment grâce à l’aide de la duchesse de Châteauroux. Pierre Guérin de Tencin devient cardinal-archevêque de Lyon en 1740 et ministre d’état deux ans plus tard. Mme de Tencin se trouve alors au faîte de sa puissance et parvient peu à peu à faire oublier ce que ses débuts eurent de scandaleux en conquérant des amitiés célèbres et édifiantes, telle celle du pape Benoît XIV.
Après la mort de Fleury en 1743 et de la duchesse de Châteauroux en 1744, Claudine perd toute influence à la cour. Jean Sareil nous apprend que son nom disparaît alors à peu près complètement de l’actualité politique et qu’en dehors des cercles littéraires, elle n’est presque plus mentionnée . Aussi, c’est une femme désillusionnée et déçue, elle n’a pu réussir à faire son frère premier ministre à la mort de Fleury qui retourne à sa ménagerie, ainsi qu’elle nommait son salon, non sans abandonner toute velléité de pouvoir, comme le montre à l’envi le fait qu’elle n’hésita pas ces années-là, à grands coups de procès, à acculer à la ruine deux orphelins pour s’adjuger la baronnie de l’île de Ré. Pourtant son énergie tarit peu à peu. Sa santé se dégrade : devenue impotente et obèse, elle ne sort pratiquement plus de son nouvel appartement de la rue Vivienne. En 1746, une maladie du foie manque de l’emporter. Ses yeux la font souffrir et elle se voit obligée de dicter ses écrits. C’est dans ce contexte de désillusion et de maladie qu’elle écrit son dernier roman : Les Malheurs de l’amour, publié en 1747. Cette œuvre magistrale met en scène une narratrice vieillie, Pauline, retirée à l’abbaye Saint-Antoine, qui après avoir perdu l’être aimé se décide à prendre la plume pour échapper à la réalité extérieure. N’y a-t-il pas un peu d’Alexandrine dans ce personnage ? Une Alexandrine déçue peut-être d’avoir toujours sacrifié en vain ses sentiments sur l’autel du pouvoir et qui se retrouve seule, abandonnée, si ce n’est du dernier quartier des fidèles, Marivaux, Fontenelle, son docteur et héritier Jean Astruc, qui continuaient à la visiter ? Il est bien difficile de le dire avec certitude. Mais si l’on considère le personnage de Pauline et que l’on se souvient de l’Épître Dédicatoire enflammée du roman, adressée à un homme, est-il vraiment impossible d’imaginer une Mme de Tencin timide et sensible qui, marquée dans sa jeunesse par l’autorité d’un père, l’hypocrisie d’une mère et la légèreté des hommes se vengea en se muant en une femme de raison que rien n’atteint ? Et de regretter, bien des années plus tard, en écrivant des mémoires fictifs, de n’avoir choisi la voie du cœur sur laquelle elle lance son héroïne ? Si tel est le cas, il conviendrait alors de voir en Les Malheurs de l’amour non seulement un roman-mémoires sentimental optimiste, mais également en contre-jour celui de l’échec d’une vie, la sienne. Ce qui est assuré cependant, c'est qu'elle mit le reste de ses forces les derniers mois de sa vie dans un ultime combat contre la censure, afin que De l'esprit des Lois de son ami Montesquieu pût enfin être édité.
"Puisse-t-elle être au ciel, elle parlait avec tant d’avantage de Notre modeste personne" écrivait le pape Benoît XIV à la mort de Mme de Tencin survenue le jeudi 4 décembre 1749 vers les cinq heures dans son second appartement de la rue Vivienne. La vindicte populaire, quant à elle, lui réserva d’autres éloges :

Crimes et vices ont pris fin
Par le décès de la Tencin.
Hélas ! me dis-je, pauvre hère,
Ne nous reste-t-il pas son frère ?
Elle fut inhumée en l'église Saint-Eustache à Paris.

Un cœur au service de la raison

Au goût immodéré de Mme de Tencin pour le pouvoir, il convient également d’associer, au contraire de ses héroïnes, celui prononcé pour la galanterie. En effet, si elle sut à la fin de sa vie se forger une image de respectabilité, en se faisant passer pour une Mère de l’Église, il n’en demeure pas moins que jusqu’à un âge fort avancé, elle ne cessa de défrayer la chronique scandaleuse de l’époque par ses aventures galantes dans la grande société parisienne. Intrigante le mot revient et chez le maréchal de Villars et chez Mme de Genlis accoutumée à faire tous les usages possibles de son corps et de son esprit pour parvenir à ses fins, opinion que partage également Saint-Simon, elle devint très tôt la cible des nouvellistes qui lui prêtèrent de nombreux amants. Le critique Pierre-Maurice Masson prétend même que « ses amants, qui ne sont pas toujours des amants successifs, s’étalent si nombreux et si publics qu’ils ne peuvent même plus s’appeler des amants, et que le vieux nom gaulois, dont les chansonniers d’alors ne font pas faute de la qualifier, paraît à peine un peu vif. Amants vraiment ? Ou amis ? Il est parfois très difficile de trancher.
La rumeur très tôt l'a associée intimement aux plus hautes sphères du pouvoir. Dès 1714, elle devient la maîtresse en titre de l'abbé Dubois qui n'a pas encore prononcé ses vœux et qui aidera à la carrière de Pierre-Paul de Tencin. Ce premier amant pourrait même lui avoir dicté les suivants. Le Régent par exemple, qu’elle lassa à force de plaider la cause du Prétendant et qui la renvoya, selon Duclos, d’un mot très dur, il se plaignit qu’ il n’aimait pas les p… qui parlent d’affaires entre deux draps. On peut y ajouter encore un lieutenant de police, le comte d’Argenson, sous la protection duquel elle put agioter en toute tranquillité lorsqu’il devint garde des Sceaux, son fils qui reprit la charge et la maîtresse !, le comte de Hoym et le duc de Richelieu, son meilleur atout à la cour.

La liste fournie par les chroniqueurs de l’époque s'étend encore à des politiques. On y trouve des noms célèbres, Lord Bolingbroke, Matthew Prior, grâce à qui elle pénètre les dessous de la politique étrangère, ou ce Charles-Joseph de La Fresnaye (dont le nom ressemble étrangement au détestable petit maître des Malheurs de l’amour !, Banquier expéditionnaire en cour de Rome, avocat puis conseiller au Grand Conseil, qui fut utile au frère et à la sœur dans des placements d’argent. Elle dut d’ailleurs se résoudre à abandonner ce dernier amant qu’elle adorait véritablement : accoutumé au jeu et à l’agiotage, il n’arrivait plus à rembourser les divers prêts qu’Alexandrine lui avait accordés et, de surcroît, se permettait de la calomnier un peu partout. Pour une fois d’ailleurs, elle manqua de prudence : La Fresnaye, ayant perdu l’esprit et toute sa fortune, eut la fâcheuse idée de venir se suicider dans l’arrière salon de notre bonne Alexandrine qui n’y put mais 6 avril 1726 ; tout en ayant pris soin au préalable, dans un testament, de la rendre responsable de sa mort. Cette aventure valut à Madame de Tencin le Châtelet, puis la Bastille où on ne la ménagea point : elle fut confrontée nuitamment avec le cadavre exhumé et à demi putréfié de La Fresnaye et, un malheur n’arrivant jamais seul, dut souffrir encore les railleries de son illustre voisin de cellule, Voltaire, l’infâme géomètre. Elle ne sortit de cet enfer que trois mois plus tard, acquittée et… légalement enrichie des dépouilles de sa victime !
On le voit pour Madame de Tencin, il semble qu’aimer, ce soit aimer utilement, et que le verbe s’attacher n’ait comme unique objet, que le mot pouvoir. La plupart de ses amitiés, toutes ses galanteries, semblent se succéder pour ainsi dire, dans le silence de son cœur et même des sens : avoir un ami, c’est pour elle prendre un parti ; se donner un amant, c’est travailler à un dessein. Chez elle, tout est volonté ; chaque désir tend impérieusement à sa réalisation, et les mouvements de l’esprit s’achèvent en effort et en lutte, nous prévient P.-M. Masson.
Elle-même, dans sa correspondance, n’hésite pas à avouer un certain arrivisme, témoin cet extrait d’une lettre du 1er août 1743 adressée au duc de Richelieu :
"Une femme adroite sait mêler le plaisir avec les intérêts généraux, et parvient, sans ennuyer son amant, à lui faire faire ce qu’elle veut."

Il ne faudrait conclure trop rapidement à une femme sans cœur. En effet, on ne connaît d’elle que ses liaisons publiques qui sont avant tout des affaires.
Rien de transpire jamais, dans sa correspondance, de sa vie privée. A-t-elle connu le véritable amour, à l’instar de la plupart des héroïnes de ses romans ? Les dédicaces de plusieurs de ses romans tendraient à le prouver. Toutefois, on peut y voir également ruse d’auteur voulant à tout prix protéger son anonymat, ainsi qu’il seyait aux femmes de qualité de l’époque, en détournant les soupçons du public. Du reste, il ne serait guère aisé de donner quelque nom à l’heureux élu : Jean Astruc, son médecin et amant depuis 1723, qui hérita en sous-main de plusieurs centaines de milliers de livres ? Sir Luke Schaub, qu’elle appelait mon mari ? Le duc de Richelieu ? :
"Je vous aime et vous aimerai tant que je vivrai plus que vous n’avez été aimé d’aucune de vos maîtresses et plus que vous ne le serez de personne."
Ou pourquoi pas le beau Destouches-Canon, lieutenant-général de l’artillerie, dont la famille empêcha le mariage avec Alexandrine. De leurs amours illégitimes naquit un fils – le futur d'Alembert ! –, qu’elle abandonna le lendemain – de gré ou de force, on ne sait –, le 17 novembre 1717, sur les marches de l’église Saint-Jean-le-Rond à Paris. Ce fut Destouches qui se chargera seul de l’entretien et de l’éducation de cet enfant placé finalement chez une nourrice, la bonne dame Rousseau. Alexandrine n’ira le voir – et rapidement encore – qu’une seule fois en 1724…

Une œuvre encensée et une femme du monde décriée

S’il se trouve fort peu de gens au XVIIIe siècle pour critiquer les ouvrages ou le salon de Mme de Tencin, il est frappant de constater à quel point ses intrigues sentimentales, affairistes, religieuses ou politiques ont par contre soulevé l’indignation générale de l’époque : Saint-Simon, ainsi que la plupart des mémorialistes, ne manque jamais de la fustiger dans ses Mémoires ou ses Annotations au journal du marquis de Dangeau, de même que les chansonniers qui s’en donnent à cœur joie pour latrainer dans la boue au moindre éclat ; sans parler des attaques qui fusent de ses proches, telles celles de la fameuse Mlle Aïssé, dont le nom n’est pas sans évoquer celui de Mlle d’Essei, l’une des héroïnes des Malheurs de l’amour, qui dans sa correspondance ne se prive pas de l’égratigner à plusieurs reprises. Plus tard, après sa mort, vers la fin du siècle, sa réputation fut encore plus ternie. Comme l’écrit Jean Decottignies, elle fut englobée dans la réprobation systématique qu’encourait la société dont elle avait fait partie. Désormais, la légende de Mme de Tencin n’appartient plus à la cabale, mais à l’histoire, – s’il est permis d’appliquer ce mot aux entreprises de Soulavie et de ses pareils. C’était l’époque de la découvertes des Mémoires secrets, de la révélation des correspondances clandestines. Toute la corruption d’une époque s’incarna en Mme de Tencin. Cette deuxième vague laissa son souvenir définitivement terni .

Les laudateurs de la belle et scélérate de Tencin, selon le mot de l’époque, ne sont pas nombreux. On y recense un Piron qui la loue systématiquement, un mystérieux témoin anonyme qui, sous le nom du Solitaire des Pyrénées, nous décrit en 1786 dans le Journal de Paris les charmes de son salon, et surtout Marivaux. Ce dernier, dans la Vie de Marianne, donne en effet un portrait avantageux de Mme de Tencin, ou plutôt de Mme Dorsin, puisque tel est le nom sous lequel il a choisi de lui rendre hommage :
"Il me reste à parler du meilleur cœur du monde, en même temps du plus singulier …. J’ignore si jamais son esprit a été cause qu’on ait moins estimé son cœur qu’on ne le devait, mais … j’ai bien été aise de vous disposer à voir sans prévention un portrait de la meilleure personne du monde … qui avait un esprit supérieur, ce qui faisait d’abord un peu contre elle.
Un tel portrait est exceptionnel chez les écrivains de l’époque qui, connaissant la dame et ses frasques, préféraient être discrets à son sujet, choisissant de passer sous silence ses turpitudes – c’est le cas d’un Fontenelle, d’un Montesquieu ou d’une Madame du Deffand – ; soit, à l’instar d’un Marmontel, d’adopter une attitude de stricte neutralité par rapport à des rumeurs qu’ils ne pouvaient ignorer.
On le voit, la réputation de Mme de Tencin n’était donc pas des meilleures tout au long du siècle et nous ne pouvons que souscrire aux jugements plutôt négatifs de ses contemporains. Pourtant, sans vouloir faire œuvre de réhabilitation, il convient de remarquer que la personne valait certainement mieux que sa réputation. En effet, étant une femme en vue, au cœur de toutes sortes d’intrigues et, pour reprendre le mot de Marivaux, à l’esprit supérieur, elle fut tout naturellement en butte à la jalousie et à la diffamation. De surcroît, ces calomnies, et c’est sans doute ce qui lui a causé le plus de tort, elle ne les a jamais réfutées, car, à l’instar du marquis de La Valette des Malheurs de l’amour, elle semble ne jamais avoir fait cas de sa réputation qu’autant qu’elle était appuyée du témoignage qu’elle se rendait à elle-même. Elle faisait ce qu’elle croyait devoir faire, et laissait juger le public.
À ce mépris pour sa réputation s’ajoute encore un activisme forcené qui n’a pu qu’irriter la bonne société de l’époque. On connaît le statut juridique de la femme de l’Ancien Régime : il équivaut à celui de serve. Son rôle social consistait, de par son sexe, à obéir. Ce point de vue était d’ailleurs partagé par la plupart des participants – tant masculins que féminins ! – au débat pour déterminer qui devait gouverner dans la société. Alexandrine n’a pu que souffrir de ce préjudice social, elle qui ne s’épanouissait que dans l’action et qui n’avait rien de la femme passive que l’on rencontre encore dans nombre de romans de la première moitié du siècle. En fait, elle était très peu femme. Son esprit, ainsi que l’écrit Marivaux dans les Étrennes aux Dames, possédait toute la force de celui de l’homme. L’aspect mâle de son caractère, également souligné par Delandine, était même si prédominant que la bonne baronne dut être rappelée à l’ordre par le cardinal de Fleury :
"Vous me permettrez de vous dire qu’il s’en faut beaucoup que vous meniez une vie retirée et que vous ne vous mêliez de rien. Il ne suffit pas d’avoir de l’esprit et d’être de bonne compagnie; et la prudence demande qu’on se mêle – et surtout une personne de votre sexe – que des choses qui sont de sa sphère. Le roi est informé avec certitude que vous ne vous renfermez pas toujours dans ces bornes… lettre du 15 juin 1730 "
Ces bornes, elle eut bien de la peine à les respecter, tant elle méprisait son sexe. La femme, pour elle, n’est qu’un moyen pour contrôler les hommes. Et un moyen peu sûr encore, car la tête d’une femme est une étrange girouette quand il s’agit d’agir, gâtant tout par ses bavardages et son inintelligence du réel. À ses yeux, il est évident que les hommes dépassent de loin les femmes, et elle ne se prive pas de l’affirmer, avec une orthographe bien à elle, dans une de ses lettres autographe :
"Il auroit été mille fois plus galan de me convincre que j’avois tort quand je soutenois contre vous le comte de Hoym que les hommes l’emportoit sur les dames, mesme pour le stille. lettre manuscrite du 9 mai 1718 "

Femme forte que rien n’abat, femme au-dessus de bien des hommes, elle n’a pu que choquer par sa pugnacité devant les brimades sociales, son mépris pour la vertu traditionnelle, son extrémisme dans les passions et la toute puissance de sa raison que rien, pas même le cœur, n’arrêtait. À tel point que nombre de lecteurs se sont demandé comment une femme du caractère de Mme de Tencin avait pu concevoir des romans emplis de sensibilité où s’expriment des âmes tendres et délicates, des romans si pauvres de vice et de couleur. Pierre-Maurice Masson prétend même qu’on chercherait en vain la femme cynique et hardie que fut Mme de Tencin. Mais est-ce là bien lire ses romans ? Font-ils vraiment l’apologie de la vertu en consacrant des héroïnes douces et soumises ? Valorisent-ils vraiment la toute puissance du cœur sur la raison ? Rien n’est moins certain. En fait, nombre d’événements importants de la vie d’Alexandrine s’y trouvent transposés et certains traits audacieux de son caractère, certaines de ses valeurs subversives s’y trouvent également développés. L’examen de l’univers moral de ses romans, une fois le vernis classique enlevé, le prouve à l’envi : la distance entre l’œuvre et l’auteur n’est qu’apparente, confirmant ainsi la tradition orale de l’époque. Mme de Tencin y est tout entière, non pas incarnée dans tel ou tel personnage féminin, mais disséminée en chacun d’eux et ce n’est pas la moindre de nos surprises que de la voir apparaître soudain au détour de quelque page…

La fortune littéraire des œuvres

Après le coup de semonce de Fleury en 1730, Mme de Tencin jugea préférable de se consacrer désormais – quoique non exclusivement – à la tâche de présidente de sa ménagerie » dont la réputation allait devenir européenne. C’est là, qu’entourée des plus grands écrivains de l’époque, elle rédigea ses premières œuvres. Reconversion ? Désir de faire oublier des scandales qu’elle eût préférés moins notoires, de rendre hommage à l’homme qu’elle aimait ? Ou, ainsi que le pense P.-M. Masson, pour faire à sa manière œuvre d’art, pour purifier, en quelque sorte, son passé et reconquérir une certaine estime par le sérieux et la distinction de sa plume ? Il n’est guère aisé de trancher, Mme de Tencin ne s’étant jamais expliquée sur les raisons qui la poussèrent à prendre la plume. Toutefois, comme elle n’a jamais cessé d’intriguer ni reconnu publiquement aucun de ses ouvrages, il est préférable de penser avec Delandine qu’ en voyant les savants les plus goûtés dans la capitale, qu’en appréciant leurs ouvrages, elle eut envie d’en faire elle-même … et que la littérature fut pour elle un moyen de se délasser de ses orages, comme un voyageur à qui le désir d’être heureux, a fait braver les flots, les écueils et les tempêtes, profite d’un moment de calme pour écrire ses observations, et confier à ses amis éloignés, et ses espérances et ses dangers.
Quelles que fussent ses motivations réelles, elle publia anonymement chez Néaulme Paris en 1735, sans privilège, un court roman-mémoires de 184 pages in-12 : Mémoires du comte de Comminge. Le succès fut immédiat, comme le prouve le fait qu’il fut réédité l’année même. Et pour une fois, la critique et le public apprécièrent de concert : ils furent unanimes à apprécier les qualités littéraires de l’ouvrage. L’abbé Prévost, dans le Pour et contre, y loue la vivacité, l'élégance et la pureté du style, assurant que la nouvelle se fait lire de tout le monde avec goût, et le critique d’origine suisse La Harpe, dans son Lycée ou cours de littérature ancienne et moderne en 1799, ira même jusqu’à la considérer comme le pendant de la Princesse de Clèves. Le roman eut même une vogue européenne : très rapidement on en fit des traductions anglaise en 1746, puis italienne en 1754 et espagnole en 1828. Il inspira même une héroïde à Dorat et une nouvelle à Mme de Gomez. Pour Delandine, Madame de Tencin devrait servir de modèle. Et elle le fut, puisque sa nouvelle connut vers la fin du siècle cette forme populaire de la gloire que donnent les imitations et les contrefaçons. On l’adapta également au théâtre : Baculard d’Arnaud par exemple s’en inspira pour son drame Les Amans malheureux en 1764. Avec plus de cinquante rééditions jusqu’à la Première Guerre Mondiale, l’ouvrage est resté très présent sur la scène du livre. Après un purgatoire d’une cinquantaine d’années, il fut redécouvert dans les années soixante et depuis constamment réédité.
Quatre ans plus tard, en 1739, parut sans nom d’auteur à Paris et toujours sans privilège, le second ouvrage de Mme de Tencin : Le Siège de Calais, nouvelle historique, roman en deux volumes composé sous la forme d’un récit à tiroirs. Il souleva également un enthousiasme universel et tout comme le précédent se verra comparé au chef-d’œuvre de Mme de La Fayette. Comparaison pour le moins étrange en fait, car si le style est magnifique, la retenue des personnages l’est moins, le roman débutant là où finissent tous les autres… :
"Il étoit si tard quand le comte de Canaple arriva au château de Monsieur de Granson, et celui qui lui ouvrit la porte étoit si endormi, qu’à peine put-il obtenir qu’il lui donnât de la lumière. Il monta tout de suite dans son appartement dont il avoit toujours une clef; la lumière qu’il portoit s’éteignit dans le temps qu’il en ouvrit la porte; il se déshabilla, et se coucha le plus promptement qu’il put. Mais qu’elle fut sa surprise, quand il s’aperçut qu’il n’étoit pas seul, et qu’il comprit, par la délicatesse d’un pied qui vint s’appuyer sur lui, qu’il étoit couché avec une femme ! Il étoit jeune et sensible : cette aventure, où il ne comprenoit rien, lui donnoit déjà beaucoup d’émotion, quand cette femme, qui dormoit toujours, s’approcha de façon à lui faire juger très avantageusement de son corps. De pareils moments ne sont pas ceux de la réflexion. Le comte de Canaple n’en fit aucune, et profita du bonheur qui venoit s’offrir à lui."
On le voit, ces deux ouvrages ont été jugés dignes d’être placés au nombre des chefs-d’œuvre de la littérature féminine du temps et leur succès alla même croissant jusque vers le milieu du XIXe siècle, avec une réédition tous les deux ans entre 1810 et 1840. Ils furent, par ailleurs, encore souvent réédités entre 1860 et 1890 et leur gloire ne s’éteindra finalement qu’à l’aube du XXe siècle. C’est dire si le XIXe siècle les goûta encore énormément. Le critique Villemain, dans son Tableau de la littérature française au XVIIIe siècle en 1838 écrira même que Mme de Tencin est l’auteur de quelques romans pleins de charme parmi lesquels les Mémoires du comte de Comminge, représente certainement le plus beau titre littéraire des femmes dans le XVIIIe siècle. Opinion partagée encore quelque cent ans plus tard par le critique Marcel Raymond.
C’est grâce à ces deux romans que le nom de Mme de Tencin survivra littérairement jusqu’à la fin du XIXe siècle. Elle est encore pourtant l’auteure de deux autres ouvrages : les Malheurs de l’amour en 1747, véritable perle de la littérature du XVIIIe, et d’un roman inachevé, de facture plus surannée, les Anecdotes de la cour et du règne d’Édouard II, roi d’Angleterre.
Les Anecdotes furent publiées après sa mort en 1776, chez le libraire Pissot à Paris, avec approbation et privilège du roi. Alexandrine n’est l’auteure que des deux premières parties, les suivantes sont l’œuvre de Anne-Louise Élie de Beaumont qui, vingt-cinq ans après la mort de Mme de Tencin, décida de finir l’ouvrage que celle-ci avait laissé inachevé. De toute évidence, Madame de Tencin jouissait donc encore dans ces années-là d’une grande réputation. Comment expliquer, sinon, qu’un écrivain aussi célèbre qu’Élie de Beaumont, l’auteure des fameuses Lettres du marquis de Rozelle en 1764, encensées de toute la critique, et femme du plus célèbre encore avocat des Calas, décidât de terminer le roman d’une autre au lieu de donner à nouveau au public une œuvre de son cru. Malgré tout son savoir-faire, l’ouvrage passa néanmoins presque inaperçu. Pierre-Maurice Masson nous indique qu’il n’a été réédité que huit fois jusqu’au début du XXe siècle, et toujours dans les œuvres complètes de Mme de Tencin, alors qu’on recense par exemple plus d’une quarantaine de rééditions des Mémoires du comte de Comminge. La critique est, quant à elle, généralement muette à son sujet. C’est probablement que la structure baroque de l’œuvre, faite d’histoires enchâssées et de rebondissements improbables, ne plaisait plus à l’époque et il y a fort à parier, ainsi que le pense Joël Pittet, que c’est là une œuvre de jeunesse que Mme de Tencin a tôt abandonnée.
Il reste à signaler, avant de revenir à l’examen des Malheurs de l’amour réédités au début du siècle, Desjonquères, 2001, qu’on lui attribue encore trois autres ouvrages. Elle aurait ainsi écrit vers 1720 une Chronique scandaleuse du genre humain, histoire ordurière et manuscrite des actions crapuleuses des libertins connus par l’histoire de toute l’antiquité et composée à l’usage de Dubois et du Régent écrit P.-M. Masson pour qui l’ouvrage serait assez du genre de la dame. Cette chronique n’a jamais été retrouvée. D’après Jules Gay, elle fut très probablement détruite par nos cafards molinistes ou jansénistes, méthodistes ou révolutionnaires. On lui attribuait également Chrysal ou les aventures d’une guinée en 1767 qui est en fait de l’Anglais Charles Johnstone. Reste enfin l’épineux problème que soulève l’Histoire d’une religieuse écrite par elle-même. En effet, en mai 1786 paraît à Paris, dans la Bibliothèque universelle des romans, cette courte nouvelle de vingt-quatre pages in-16, qu’une note des éditeurs attribue à Mme de Tencin : ce serait là le fruit des premiers amusements de la jeunesse de notre auteur, qu’elle aurait remis entre les mains de son ami l’abbé Trublet. Convient-il d’accorder quelque crédit à cette note ? La critique du XXe siècle – celle des deux siècles précédents ainsi que les répertoires bibliographiques du XIXe siècle passant complètement sous silence cette nouvelle qui n’eut jamais de réédition – reste partagée : Pierre-Maurice Masson, Georges May, Henri Coulet et Pierre Fauchery pensent qu’elle en est l’auteure, sans pourtant en fournir la preuve absolue, tandis que Jean Sareil, Jean Decottignies, Martina Bollmann, auteure d’une thèse remarquable sur les romans de Mme de Tencin, et Joël Pittet sont d’avis contraire. Une thématique différente, l’absence de tout dialogue, des différences importantes dans le traitement psychologique et dans le vocabulaire de cette œuvre semblent aller pourtant dans le sens de la non attribution. Un autre fait vient encore corroborer cette prise de position : l’abbé Trublet était mort depuis seize ans, quand parut cette histoire. Pourquoi alors avoir attendu si longtemps avant de la publier ? Selon le critique Franco Piva, elle serait en fait de Jean-François de Bastide.
S’il convient donc très certainement de considérer l’Histoire d’une religieuse comme un pastiche adroit, cette nouvelle n’en reste pas moins intéressante à plus d’un titre : elle souligne en premier lieu l’engouement pour Mme de Tencin vers la période révolutionnaire, engouement que confirment en 1786 les deux premières éditions de ses œuvres complètes ainsi que la publication de ses pseudo-mémoires secrets en 1792. Qui plus est, elle fournit de précieux renseignements sur la fortune littéraire des Malheurs de l’amour en montrant que ce roman, qui a largement inspiré Jean-François de Bastide, répondait encore au goût de la fin du XVIIIe siècle.
Avant que d’examiner plus avant ce dernier roman, petit chef-d’œuvre d’écriture classique qui exprime pourtant au mieux les idées novatrices et subversives de Mme de Tencin, il convient encore de dire un mot des problèmes d’attribution.

Une attribution quelque temps contestée

La fortune littéraire de Mme de Tencin ne coïncide pas avec celle de ses œuvres. En effet, si la critique de nos jours attribue unanimement à la divine baronne la maternité des quatre ouvrages précités, son œuvre lui fut longtemps disputée.
À l’instar la plupart des femmes de lettres de son époque, Alexandrine publia ses ouvrages sous le couvert de l’anonymat, jugeant qu’il ne seyait à une dame de qualité – on se souvient à cet effet que la marquise de Lambert se crut déshonorée lorsqu’elle vit imprimer les Avis d’une mère à sa fille – de condescendre à l’écriture. À moins que ce ne fût pour éviter de fournir elle-même des armes à ses ennemis, de peur qu’ils n’y trouvassent des aventures qui pouvaient paraître avoir été inspirées des siennes. Quoi qu’il en soit, par préjugé nobiliaire ou par peur du public, elle ne recueillit pas de son vivant le bénéfice de son succès.
Pas tout à fait, il est vrai, cependant, car ces sortes de secrets ne se gardent guère. C’est ainsi que le nom de Mme de Tencin ne tarda pas à circuler sous le manteau, comme le prouve une lettre de l’abbé Raynal en 1749 à un correspondant étranger, dans laquelle il signale qu’il convient d’attribuer à Alexandrine trois ouvrages pleins d’agrément, de délicatesse et de sentiments dont il donne les titres. Ses bêtes les familiers de son salon étaient d’ailleurs certainement dans la confidence et, bien qu’ils gardassent, pour la plupart, le silence, un poème de Piron, en termes à peine voilés, laisse entendre la véritable identité du plus accompli des trois romans. Il s’agit de Danchet aux Champs-Élysées qui décrit un cercle de neuf Muses, rencontré au séjour des Bienheureux, dont Alexandrine doit un jour occuper le siège présidentiel :

Car vous seule y devez prétendre,
Vous seule y monterez un jour,
Vous dont le pinceau noble et tendre
A peint les malheurs de l’Amour.

À part ces quelques indications éparses, dans les trente années qui suivirent la première publication de Mme de Tencin en 1735, on ne trouve aucun témoignage imprimé où le nom de l’auteur soit explicitement donné. Aussi la rumeur se plut à attribuer ces trois romans à d’autres écrivains, et principalement à ses propres neveux : d’Argental et Pont-de-Veyle, nouveaux Segrais d’une nouvelle Lafayette. Mais n’est-ce pas encore là en fin de compte la meilleure manière de les attribuer à Alexandrine ? Il est en effet pour le moins curieux que ces pères putatifs fussent choisis dans sa propre famille ; et de là à imaginer qu’elle ait elle-même attisé, sinon répandu, cette rumeur pour qu’on ne séparât pas tout à fait ces ouvrages de son lignage, il n’y a qu’un pas que l’on peut aisément franchir. Elle tient en tout cas d’Argental en piètre estime et, si l’on pourrait admettre qu’elle prit quelque collaborateur, elle l’eût certainement choisi moins sot :
"Vous ne connaissez pas d’Argental écrit-elle en 1743 au duc de Richelieu ; c’est une âme de chiffe, qui est incapable de prendre part aux choses qui ont quelque sérieux. Il n’est capable de rien que de nigauderies et de faiblesse. "
Quant à Pont-de-Veyle, ses comédies comme le Complaisant en 1733 ou le Fat puni en 1738 ressemblent trop peu aux romans sensibles et subversifs de Mme de Tencin pour qu’on puisse retrouver entre ceux-ci et celles-là quelque affinité littéraire.
Trois théories s’affrontent donc dans le public jusqu’en 1767 : il y a les gens instruits qui savent ce qu’il en est, ceux qui penchent pour une collaboration entre la tante et les neveux, et ceux qui n’accordent, comme Voltaire qui la détestait, la paternité des œuvres qu’aux seuls neveux. Ainsi ce dernier, dans un billet non daté tout à fait partial à Mme Denis, n’écrit-il pas :
"Carissima, sono in villeggiatura a Versailles …. Corre qui un romanzo il cui titolo, è Le Infelicita dell amore. La piu gran sciagura che in amore si possa risentire, e senza dubbio il vivere senza voi mia cara. Questo romanzo composto dal Signor de Pondeveile è non percio meglio. Mi pare una insipida e fastidiosa freddura. O que [sic] gran distanza da un uomo gentil, cortese e leggiadro, fino ad un uomo di spirito e d’ingegno ! ".
Le parti des instruits finira par l’emporter, car en 1767 apparaît le premier texte auquel on peut accorder tout crédit, qui divulgue enfin la véritable identité de l’auteur des trois romans. En effet, l’abbé de Guasco dans une note de son édition des Lettres familières du Président de Montesquieu nous apprend que son frère, le comte de Octavien de Guasco, demanda en 1742 à Montesquieu si Mme de Tencin était bien l’auteure des ouvrages que certains lui attribuaient. Ce dernier lui répondit qu’il avait promis à son amie de ne point révéler le secret. Ce ne sera que le jour de la mort d’Alexandrine qu’il avouera enfin la vérité au vieil abbé :
" À présent vous pouvez mander à Monsieur votre frère, que Mme de Tencin est bien l’auteur … des ouvrages qui ont été crus jusqu’ici de M. de Pont-de-Veyle, son neveu. Je crois qu’il n’y a que M. de Fontenelle et moi qui sachions ce secret."
Son opinion fait école, car dès cette date, le nom d’Alexandrine figure régulièrement dans les histoires littéraires et les dictionnaires de l’époque. Ainsi, vers 1780, la majorité du public et de la critique – à l’exception notable de l'abbé de Laporte dans son Histoire littéraire des femmes françoises en 1769 ! – pense qu’elle en est l’unique auteur. En tout cas on en est suffisamment convaincu pour, lors de la première édition de ses œuvres complètes en 1786, faire apparaître pour la première fois son nom sur la page de titre. Depuis l’ouvrage remarquable de Pierre-Maurice Masson 1909, revu et corrigé en 1910, consacré à la vie et aux romans d’Alexandrine, plus personne ne songe sérieusement à lui enlever ce modeste lot de gloire qui lui revient.

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Posté le : 26/04/2014 10:28
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Les Malheurs de l’amour


Après huit ans de silence littéraire, Mme de Tencin, devenue impotente et ne quittant plus guère son appartement, se décida à sortir quelque peu de sa réserve pour publier anonymement son troisième roman : Les Malheurs de l’amour en 1747. L’édition originale de ce roman-mémoires sentimental consiste en deux volumes in-12 de 247 et 319 pages où l’histoire enchâssée d’Eugénie – la confidente de l’héroïne Pauline – occupe les 180 pages du deuxième volume. Elle fut publiée sans privilège à Paris, même si la page de garde mentionne Amsterdam. Sous le titre apparaît une épigraphe, Insano nemo in amore sapit attribuée à Properce qui a toujours été reproduite dans les éditions suivantes. Il s’agit du vers 18, tronqué, de l’élégie XIV du deuxième livre des Élégies de Properce : Scilicet insano nemo in amore videt. Cette élégie se distingue des autres, car elle est consacrée au bonheur. Elle est suivie, à la deuxième page, d’une Épitre dédicatoire à M*** qui n’a pas toujours été reproduite dans les éditions suivantes :
" Je n’écris que pour vous. Je ne desire des succès que pour vous en faire hommage. Vous êtes l’Univers pour moi. "
Une épître dédicatoire toute similaire se trouvait déjà au début du Siège de Calais, sans qu’on n’ait jamais pu en découvrir le destinataire, si tant est qu’il existât jamais :
" C’est à vous que j’offre cet ouvrage ; à vous à qui je dois le bonheur d’aimer. J’ai le plaisir de vous rendre un hommage public, qui cependant ne sera connu que de vous."
En dessous de l’épigraphe se trouve une vignette, sans nom d’auteur, qui pourrait illustrer le vers de Properce, à savoir la suprématie en amour du cœur sur la raison. Elle représente la scène suivante : un Amour l’amour raisonnable ?, le pied appuyé sur un coffre, près d’une colonne, tient dans ses mains un parchemin qu’il tend à une jeune femme. Cette dernière semble troublée en le lisant, car elle porte une de ses mains à son visage. Derrière elle, dissimulé par un rideau, se tient un autre Amour l’amour-passion ? qui écoute attentivement ou peut-être même dirige leur conversation. Cette vignette n’a jamais été reproduite, après 1749, dans les rééditions du roman.
Le roman connut un grand succès lors de sa parution, tant est qu’il fut réédité plusieurs fois l’année même. Il fut en vogue quelque temps à Versailles. Daniel Mornet, dans son article Les Enseignements des bibliothèques privées, 1750-1780, nous apprend même qu’il fit partie jusqu’en 1760, avec les Lettres d'une Péruvienne ou les Confessions du comte de ***, des neuf romans les plus lus en France ! Cet engouement ne se cantonna pas à la France uniquement. Dès les années 1750 il fut traduit en anglais et inspira plusieurs auteurs britanniques comme Miss Frances Chamberlaine Sheridan dans ses Memoirs of Miss Sidney Bidulph, extracted from her own Journal ,1761; traduit en français par l’abbé Prévost en 1762 dont une partie de l’intrigue semble directement inspirée des Malheurs de l’amour. Jean-Rodolphe Sinner de Ballaigues l’adaptera en 1775 pour le théâtre, en conservant certaines répliques du roman. Pendant la période révolutionnaire, il connaît même une nouvelle vogue, étant très souvent réédité, et pas toujours sous son titre d’origine, mais sous celui de Louise de Valrose ou Mémoires d’une Autrichienne, traduits de l’allemand sur la troisième édition, 1789. Enfin, la troisième période de gloire des Malheurs de l’amour se situe pendant les trente premières années du XIXe siècle où l’on recense en moyenne une réédition tous les cinq ans : les post-classiques en apprécièrent le style naturel et de bon goût et la génération romantique, la mélancolie et la passion dominatrice qui caractérisent, par ailleurs, tous les romans de Mme de Tencin. Dès les années 1880, le roman sombre peu à peu dans l’oubli et ce n’est qu’à l’aube de ce siècle qu’il a été redécouvert, Desjonquères, 2001.
Ce n’est pas tant à l’intrigue assez commune, que notre roman dut ses premiers succès, mais bien à la discipline classique à laquelle s’astreignit Mme de Tencin. La critique de l’époque fut une nouvelle fois unanime à admirer les qualités littéraires de l’ouvrage, à savoir la vivacité, l’élégance et la pureté de son style et, pour le public, ce roman et les autres, passaient tout d’une voix pour des livres fort bien écrits Abbé Prévost, Le Pour et contre, 1739. Quant aux lectrices, sous le vernis classique, elles durent apprécier tout particulièrement certains épisodes très subversifs pour l’époque ainsi que les revendications féminines qui s’en dégageaient.
Le genre utilisé est le roman-mémoires qui est la forme canonique de la fiction en France entre 1728 et 1750. Issu des pseudo-mémoires du dernier quart du XVIIe siècle, il s’en distingue par le fait que le je-narrateur ne vise plus désormais à donner sa version particulière de faits historiques, mais bien à s’interroger sur lui-même, et plus particulièrement sur sa vie sentimentale qui va primer sur sa carrière politique. C’est de plus un des premiers romans bâti autour des souvenirs d’une bourgeoise. Ce changement de perspective qui vise avant tout à la découverte de l’être et finalement du bonheur est tout à fait évident dans les Malheurs de l’amour où l’analyse psychologique occupe le devant de la scène. C’est le moi qui est le centre du récit, et non plus les aventures singulières empruntées au roman baroque. La narration y est ainsi assez homogène. Mme de Tencin s’est efforcée de maîtriser le principal problème lié à la narration autodiégétique, celui de la retranscription d’événements, de discours auxquels le je n’a pas assisté, en ayant recours par deux fois au récit écrit d’un autre personnage. Ainsi, Pauline, la narratrice et rédactrice, de sa retraite à l’abbaye Saint-Antoine à Paris, rapporte à la première personne vers 1680, les malheurs qui lui sont survenus quarante ans auparavant. Tout passe par son point de vue, ce qui ne l’empêche nullement de déléguer parfois sa voix à d’autres personnages : elle cède ainsi la parole pendant une trentaine de pages à sa rivale Hypolite Tome II 151-181, en supprimant tout marqueur discursif, ou au marquis de La Valette II70-87, autrefois amant de son amie, la religieuse Eugénie. Ces deux récits, s’ils blessent un peu la vraisemblance, sont justifiés par une certaine esthétique du pathétique qui gouverne le roman, car la confession d’une mourante ou les plaintes d’un amant éconduit sont autrement émouvantes au style direct.
Si Mme de Tencin a donc été confrontée au même vertige qu’éprouvèrent tant d’écrivains de l’époque, à savoir les problèmes engendrés par le rapport fiction-réalité, elle n’en a pas fait sa préoccupation première. Le réel ne l’intéresse que dans la mesure où il est vécu par l’homme. Si son roman, à l’instar de beaucoup d’autres, se charge de réalités sociales, c’est uniquement parce qu’elles permettent de s’interroger indéfiniment sur les chances qu’elles offrent à l’accomplissement de soi ainsi que sur les antinomies de la vertu et du bonheur. Ainsi, si Les Malheurs de l’amour se veut, par son titre et sa forme empruntée au roman-mémoires d’une part, un juste équilibre entre l’imagination et l’observation de l’autre, pour obtenir du lecteur l’adhésion lucide et critique à un faux plus vrai que le vrai, ce roman permet néanmoins à l’irréalisme d’éclater en irruptions incontrôlées à la faveur d’un cliché romanesque la tentative d’enlèvement de l’héroïne, l’apparition d’un couple de jumeaux, des quiproquos qui s’ensuivent… ou même, et c’est extraordinaire, d’auto-parodies qui constituent une sorte de mise en abyme du roman; que l’on considère seulement la réplique suivante d’Eugénie à Pauline :
"Voulez-vous faire l’héroïne de roman, et vous enfermer dans un cloître, parce qu’on ne vous donne pas l’amant que vous voulez ?"
ou cette autre :
" Le cœur me dit que le Président est destiné pour mettre fin à votre roman. "
L’engouement de la narratrice pour l’auto-analyse n’est pas sans influence sur le traitement de l’espace. Il implique non seulement un resserrement spatial maximal, mais également l’observation du seul champ qui intéresse véritablement : le Moi amoureux. Ainsi, le roman, à l’instar de la plupart des romans-mémoires de l’époque, donne peu à voir : la nature extérieure, qu’elle soit campagnarde, urbaine ou exotique, tend à ne plus être qu’un simple décor. Cependant, si Mme de Tencin ne recherche pas le pittoresque, elle ne bannit point de son roman toute couleur locale. Elle est même une sorte de précurseur du décor noir qui fera florès plus tard dans le siècle, pour autant qu’il ajoute au côté pathétique d’une scène qui suit entre les deux amants. Ainsi par exemple la description suivante, qui survient peu avant la visite de Pauline au Châtelet :
"Je parvins, bien cachée dans mes coëffes, jusqu’à une chambre ou plutôt un cachot qui ne recevoit qu’une foible lumière d’une petite fenêtre très haute et grillée avec des barreaux de fer qui achevoient d’intercepter le jour. Barbasan étoit couché dans un mauvais lit, et avoit la tête tournée du côté du mur …, une chaise de paille .. composoit tous les meubles de cette affreuse demeure. "
À cette description qui semble fondée sur le souvenir de son propre séjour à la Bastille, ajoutons cette autre résultant de la sensibilité exacerbée de l’héroïne, qui lui fait porter un regard nouveau sur le monde environnant :
" J’allois porter cette nouvelle douleur la mort possible de son amant, peut-être la plus accablante de toutes, dans un bois de haute futaye qui faisoit ma promenade ordinaire. La solitude et le silence qui y régnoient, y répandoient une certaine horreur conforme à l’étât de mon âme : je m’accoutumai insensiblement à y passer les journées presque entières : mes gens m’avoient vainement représenté qu’il étoit rempli de sangliers ; qu’il pourroit m’y arriver quelque accident "
Les personnages évoluent donc dans un univers étrange, presque abstrait, se resserrant peu à peu vers les mêmes lieux clos : chambres mortuaires, sombres châteaux retirés à la campagne, abbayes isolées, champs de bataille, couvents ou forêts inquiétantes, décor qui annonce déjà les mélodrames du siècle suivant. Pour Chantal Thomas, cette représentation du monde se révèle être en définitive une métaphore amoureuse qui traduit à la perfection le conflit latent existant entre les deux amants. Car il faut bien parler de conflit, leur rencontre étant à l’origine d’une lutte à mort à la fois contre ses propres défauts, contre soi-même -tous mes sentimens sont contraints, je n’ose ni me permettre de haïr, ni me permettre d’aimer confie Mlle d’Essei- et contre le partenaire amoureux. La souffrance même, calculée dans ses effets sur l’autre, devient une arme :
" Le comte de Blanchefort est mon mari ; la raison, et peut-être encore plus le dépit dont j’étois animée contre vous, m’ont déterminée à lui donner ma main. "
C’est donc bien cette lutte, nécessaire au triomphe de l’amour véritable, qu’évoquent les différents lieux oppressants du roman et qui lui confèrent ce ton soutenu d’abstraction; le métaphorique y primant toujours sur le littéral. Et c’est sur cette lutte, ou plutôt sur cette série de cas sentimentaux extrêmes, reliés par une intrigue commune, que Mme de Tencin a porté tous ses efforts. Elle les résout non en moraliste, comme pourrait le faire un romancier à thèse, mais préfère les décrire et les analyser avec justesse et précision pour y trouver des nuances nouvelles, inaperçues jusque-là. Si l’accent est mis sur la personnalité psychologique des personnages, elle n’est pas traitée dans sa globalité, mais bien par rapport aux épreuves engendrées par l’expérience amoureuse.
Une morale du cœur et de l’instinct
"Si vous détruisez l’amour, Éros, le monde retombera dans le chaos."
Du roman sentimental alors en vogue dans le deuxième quart du XVIIIe siècle, Mme de Tencin emprunte les principaux traits : un récit à tiroir, des intrigues plus vraisemblables que romanesques, chargées des réalités sociales permettant au lecteur de s’interroger sur les possibilités qu’elles offrent à l’accomplissement de soi, un cadre moderne, parfois même bourgeois, la prédominance des états affectifs du cœur et la finesse de la psychologie qui prend le devant de la scène, puisque désormais la vérité ne se trouve plus dans les faits racontés, mais bien dans l’ordre des réalités morales. Ses quatre romans s’en distinguent cependant par toute une série de subversions touchant tant aux structures romanesques qu’aux conventions sociales de l’époque.
Ces subversions visent principalement à émanciper la femme de la tutelle sociale et parentale et surtout de cette « Vertu » castratrice qui la prévient d’être véritablement. Et c’est bien là que se situe l’originalité de ses écrits, car là où la plupart des romanciers du temps se contentent de dénoncer les hypocrisies du rationalisme moral ambiant, en peignant les épreuves de la vertu ou les malheurs de l’amour, Mme de Tencin, précédant Sade de quelque quarante ans, rejette catégoriquement cette dernière au profit de l’instinct qui devient le guide suprême. Elle prône ainsi une philosophie du cœur qui a tôt fait de déboucher sur une morale du sentiment, sans le céder au didactisme toutefois ! C’est le royaume de la morale implicite, suggérée par le fort contraste entre une existence malheureuse vouée à la raison opinion publique et à la vertu refoulement du cœur dans une histoire enchâssée et l’existence de l’héroïne principale tournée tout entière vers le cœur, qui seul permet d’accéder au bonheur véritable : l’accomplissement de l’être dans l’acceptation de l’amour.
L’être humain, pour citer Paul van Tieghem, ne vit donc pour faire son salut, ni pour agir, ni pour connaître ou créer ; son idéal n’est ni d’être saint, ni l’homme d’action, ni le savant ou l’inventeur. Il vit pour sentir, pour aimer.La morale naturelle que Mme de Tencin nous propose est en ce sens assez proche de celle des auteurs sensibles de la deuxième moitié du siècle qui réagissent contre le culte de la raison gouvernant la volonté, idéal de l’âge classique, en privilégiant le sentiment et en revendiquant les droits de la passion. Celle-ci n’est plus considérée comme une faiblesse, un égarement ou un malheur, mais comme un privilège des âmes sensibles. Elle devient un titre suffisant à justifier une conduite opposée à celle que dictaient les usages et les lois.
Morale similaire, mais non identique, car pour la plupart des romanciers lorsque la passion se heurte à la vieille morale, à celle de toutes les sociétés depuis la Bible, c’est la passion qui renonce ou qui lutte pour renoncer : la Nouvelle Héloïse qui fut au XVIIIe siècle comme la bible du sentiment -on allait jusqu’à la louer pour quelques sous- en est le meilleur témoin. Elle serait plus proche de la morale romantique où aimer avec fureur, avec désespoir devient le comble de la félicité, malgré les lois divines et humaines, lorsque l’amour est le don total de soi et l’ardeur du sacrifice.
Les romans de Mme de Tencin des œuvres préromantiques ? Certes, à l’instar de bon nombre de romans du XVIIIe. Il n’est donc pas nécessaire d’insister sur ce point, mais plutôt sur la philosophie de vie qu’ils mettent en scène, philosophie assez étrangère à la mentalité du temps pour qui la notion de pari, en matière de bonheur, n’entrait que très rarement en ligne de compte. Car c’est bien à un pari, un peu comme Pascal à propos de l’existence de Dieu, que Mme de Tencin nous invite, lorsqu’au travers d’histoires d’amour, elle s’efforce de nous faire comprendre que pour être heureux, il faut prendre le risque d’aimer, qu’il faut oser aimer, et ce en dépit des obstacles qui ne manqueront pas de survenir.
D’aucuns pourraient rétorquer qu’un tel pari sur l’amour ne réussit pas aux héroïnes, puisqu’à la fin de leurs aventures elles perdent l’objet aimé. Il convient de dire tout d’abord que si elles ont connu le bonheur en société, c’est uniquement durant leur liaison amoureuse et que si l’on assiste à un échec du sentiment, les héroïnes doivent non seulement s’en prendre à la société qui ne veut pas entendre parler des lois du cœur, mais surtout – c’est là un point original – à elles-mêmes et à leur amour-propre ainsi qu’à la légèreté de l’amant. Car il ne suffit pas d’oser aimer, encore convient-il de défendre son amour contre tout ce qui vient attenter à sa pureté. Pour Mme de Tencin l’amour ne vise donc qu’à la pleine réalisation de l’être, il n’est nullement responsable des malheurs qui surgissent : elle envisage la vie de manière positive et du rationalisme moral du temps, elle retient au moins l’optimisme, laissant de côté l’utopie. Elle insiste sur la difficulté d’aimer dans un siècle où le sentiment reste suspect. Cependant, si elle ne se prive pas ainsi de mettre en scène les nombreux obstacles qui visent à séparer définitivement les amants, il convient de noter toutefois qu’elle propose également des substituts à l’impossibilité de l’amour in praesentia ou physique, telles que la lettre ou, à un niveau supérieur, l’écriture.
En effet, les problèmes du couple romanesque ne se séparent point de ceux de la communication : éloignés la plupart du temps l’un de l’autre, les amants ne peuvent combler la distance qui les sépare qu’à l’aide d’une correspondance épistolaire. Les romans mentionnent ainsi de nombreuses lettres ou billets qui bien souvent, en plus de rapporter les mots de l’être aimé, semblent se substituer, de façon métonymique, à sa présence physique :
"La joie succéda à tant de douleurs, quand j’appris à sept heures du matin, par un billet, que tout avoit réussi, et que Barbasan étoit en sûreté. Je baisois ce cher billet …." Les Malheurs de l’amour
Si la lettre est donc essentiellement communicative et dramatique, elle reste cependant avant tout le signe et le substitut d’une passion qui ne peut s’assouvir. En ce sens, elle ne fait que transposer dans l’histoire cet espace d’écriture et d’évasion qu’offre lui-même le roman à l’amour, ce sentiment qui n’avait lieu à l’époque, si ce n’est la clandestinité, pour s’épanouir. L’acte d’écriture, voire l’acte de narration, justifiés explicitement dans les romans, procède donc d’un refus d’être, ou du moins d’être sans l’être aimé. Il trahit un désir du nous de l’unité qui ne peut ête résolu que dans l’écriture ou, paradoxalement, dans l’absence, car l’on sait depuis Proust que cette dernière, pour qui aime, est la plus certaine, la plus vivace, la plus indestructible, la plus fidèle des présences ….
Ainsi, en rédigeant des mémoires, le héros ou l’héroïne atteint finalement au bonheur. Il peut désormais, même si l’être aimé est perdu, se consacrer tout entier au seul domaine qui interpelle véritablement l’être sensible : l’amour; car être sensible ce n’est pas tant se borner à ressentir, c’est avant tout prendre conscience que l’on ressent.
L’image d’une femme – ou d’un homme – qui se réalise dans l’amour ou, par procuration, dans l’écriture ne manque pas d’étonner de la part d’un écrivain dont la vie fut caractérisée essentiellement par la tutelle de la raison sur le cœur. Du moins, c’est là le portrait que se sont plu à dresser la totalité de ses biographes. Mais ont-ils vraiment vu juste, eux qui se sont efforcés de recréer la personne intime à partir du personnage public ? Laissons le mot de conclusion à Stendhal qui la proposait comme modèle à sa sœur Pauline et qui avait deviné son grand secret Lettre à Pauline Beyle, 8 mars 1805:
" Plais à tous ceux qui ne te plaisent pas et qui t’entourent ; c’est le moyen de sortir de ton trou. Mme de Tencin était bien plus loin des sociétés aimables que toi, et elle y parvint. Comment ? En se faisant adorer de tout le monde, depuis le savetier qui chaussait Montfleury jusqu’au lieutenant général qui commandait la province. "

Madame de Tencin épistolière

De l’abondante correspondance de Mme de Tencin, il ne reste que peu de choses accessibles en édition. Huitante lettres dans une vieille compilation lacunaire de Soulavie, écrites entre novembre 1742 et juillet 1744, deux petits recueils de Stuart Johnston et de Joël Pittet, de nombreuses lettres inédites citées ici et là, notamment chez P.-M. Masson, Jean Sareil ou M. Bollmann. Des originaux également, qui apparaissent de temps en temps dans les ventes aux enchères. Aucun critique n’a jugé bon pourtant à l’heure actuelle de consacrer une étude sérieuse à la totalité de sa correspondance retrouvée, soit cent cinquante lettres environ. Il serait souhaitable que cela se fît, tant Mme de Tencin y apparaît tout entière : vive, malicieuse, caustique, méchante parfois, elle traite de ses affaires avec une verve que l’on n'eût jamais soupçonnée et analyse la société de son temps avec une acuité quasi-prophétique. Voici par exemple son avis sur le ministre Maurepas dans une lettre au duc de Richelieu du 1er août 1743 :
"C’est un homme faux, jaloux de tout, qui, n’ayant que de très petits moyens pour être en place, veut miner tout ce qui est autour de lui, pour n’avoir pas de rivaux à craindre. Il voudrait que ses collègues fussent encore plus ineptes que lui, pour paraître quelque chose. C’est un poltron, qui croit qu’il va toujours tout tuer, et qui s’enfuit en voyant l’ombre d’un homme qui veut résister. Il ne fait peur qu’à de petits enfants. De même Maurepas ne sera un grand homme qu’avec des nains, et croit qu’un bon mot ou qu’une épigramme ridicule vaut mieux qu’un plan de guerre ou de pacification. Dieu veuille qu’il ne reste plus longtemps en place pour nos intérêts et ceux de la France."
Pour Alexandrine, avec de tels serviteurs, " à moins que Dieu n’y mette visiblement la main, il est physiquement impossible que l’État ne culbute " Lettre au duc d’Orléans du 2 juin 1743. Les ministres ont le ton plus haut actuellement que les ministres de Louis XIV, et ils gouvernent despotiquement .... Tandis que les affaires actuelles occuperaient quarante-huit heures -si les journées en avaient autant-, les meilleures têtes du royaume passent leur temps à l’Opéra idem ! Mais le grand coupable, c’est le roi, comme elle ne se prive pas de le démontrer dans différentes lettres des 22 juin, 24 juillet, 1er août et 30 septembre 1743 au duc de Richelieu :
" C’est un étrange homme que ce monarque .... Rien dans ce monde ne ressemble au Roi : ce qui se passe dans son royaume paraît ne pas le regarder ; il n’est affecté de rien ; dans le conseil, il est d’une indifférence absolue : il souscrit à tout ce qui lui est présenté. En vérité, il y a de quoi se désespérer d’avoir affaire à un tel homme ; on voit que, dans une chose quelconque, son goût apathique le porte du côté où il y a le moins d’embarras, dût-il être le plus mauvais .... Il est comme un écolier qui a besoin de son précepteur, il n’a pas la force de décider .... On prétend qu’il évite même d’être instruit de ce qui se passe, et qu’il dit qu’il vaut mieux encore ne savoir rien. C’est un beau sang-froid; je n’en aurai jamais autant .... Il met les choses les plus importantes pour ainsi dire à croix ou à pile dans son conseil, où il va pour la forme, comme il fait tout le reste, et qu’il en sort soulagé d’un fardeau qu’il est las de porter. ... Voilà pourquoi les Maurepas, les d’Argenson, sont plus maîtres que lui. Je ne le puis comparer dans son conseil qu’à M. votre fils, qui se dépêche de faire son thème pour en être plus tôt quitte. Encore une fois je sens malgré moi un profond mépris pour celui qui laisse tout aller selon la volonté de chacun."
Et de terminer par une de ses maximes grivoises dont elle a le secret et qui n’est pas à l’avantage du roi :
" Tout sert en ménage, quand on a en soi de quoi mettre les outils en œuvre."
On le voit les lettres de Mme de Tencin offrent donc le spectacle, qui n’est ni sans rareté ni sans beauté d’une volonté féminine pure, servie par un esprit lucide et très libre, tendue sans défaillance vers la défense de ses intérêts certes, mais également vers ceux de la France, qu’elle aimait plus que tout.

La Ménagerie

Quelques grands noms des Lettres, des Arts et des Sciences fréquentèrent durablement ou occasionnellement le salon de Madame de Tencin et formèrent sa Ménagerie. Voici quelques-unes de ses Bêtes : l’abbé Prévost, Marivaux, l’abbé de Saint-Pierre, l’académicien de Mairan, Louis La Vergne, comte de Tressan, le docteur et amant Jean Astruc, le poète janséniste Louis Racine, Jean-Baptiste de Mirabaud, l’abbé Le Blanc, son neveu d’Argental, Mme Dupin qu'elle appelait ma chère friponne, Duclos, l’académicien de Boze, Émilie du Châtelet, Houdar de la Motte, Mme Geoffrin, Réaumur, Montesquieu qu’elle appelait le petit romain, Helvétius, les écrivains Piron et Marmontel, la marquise de Belvo, Mme de La Popelinière, Bernard-Joseph Saurin, Sir Luke Schaub qu’elle surnommait le Petit ou mon mari, l’abbé Trublet, Charles-Henry comte de Hoym qu’elle surnommait le Grand ou le Dégoûté, Fontenelle, Françoise de Graffigny, l’abbé de Mably, son neveu Pont-de-Veyle, le médecin suisse Théodore Tronchin, Chesterfield, Bolingbroke ou le peintre François Boucher dont elle possédait un tableau Le Foyer enchanté. On peut à cette liste rajouter Collé et Gallet qui formaient à cette epoque avec Piron un trio inséparable de trois joyeux compagnons fondateurs du celebre "Caveau" comme nous le rapellent Rigoley de Juvigny dans les mémoires de Piron et J. Bouché dans " Gallet et le Caveau" à travers une anecdote qui a eu lieu chez Mme de Tencin et qui se termine dans les rues de Paris après cette soirée bien colorée. Ils avaient en commun avec Mme de Tencin la même opinion sur Voltaire qui craignait de se trouver face à Piron. Gallet ayant de son côté fait le pamphlet "Voltaire Ane, jadis poète "

Adaptation scénique

Au XIXe siècle, l'histoire de sa vie servit de canevas pour une pièce de théâtre :

Fournier et de Mirecourt, Mme de Tencin, drame en quatre actes, J.-A. Lelong, Bruxelles, 1846.




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Posté le : 26/04/2014 10:26
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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