| A + A -
Connexion     
 + Créer un compte ?
Rejoignez notre cercle de poetes et d'auteurs anonymes. Lisez ou publiez en ligne
Afficher/Cacher la colonne
Accueil >> newbb >> Les Forums - Tous les messages

 Bas   Précédent   Suivant

« 1 ... 29 30 31 (32) 33 34 35 ... 60 »


Daniel Rops
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57687
Hors Ligne
Le 27 juillet 1965, à Chambéry, meurt à 64 ans Henri Petiot, dit Daniel-Rops

écrivain et historien français, né à Épinal le 19 janvier 1901


Le jeune Henri Petiot naît à Épinal où son père, officier, est en garnison. Étudiant des facultés de droit et de lettres de Grenoble, il travaille sous la direction de Raoul Blanchard, le père de la géographie alpine, et son mémoire sur «Briançon, esquisse de géographie urbaine est publié en 1921. Il prépare ensuite l'agrégation d'histoire et de géographie, à laquelle il est reçu à l'âge de 21 ans.

Il est successivement professeur à Chambéry, Amiens et Paris, puis au lycée Pasteur de Neuilly. Dès les années 1920, il débute dans la carrière littéraire : en 1923, il fonde avec Georges Gimel la revue littéraire trimestrielle Tentatives, qui paraîtra de 1923 à 1924. Outre des synthèses sur de grands écrivains, un numéro spécial est consacré à Stendhal. La revue se fait le relais des publications de la NRF et propose des passages traduits de livres en langue étrangère.

En 1924, il épouse Madeleine Bouvier et le couple adopte Francis. Il publie un essai, Notre inquiétude 1927, et un roman, l'Âme obscure 1929, et de nombreux articles dans diverses publications périodiques, dont Le Correspondant, Notre Temps, La Revue des vivants.

À partir de 1931, alors qu'il vient de se rapprocher du catholicisme, il participe, sur le conseil de Gabriel Marcel, aux activités de l'Ordre nouveau, dont il partage les orientations personnalistes. Il contribue activement à en diffuser les idées, dans des livres dont il est parfois difficile de dire ce qu'ils doivent à sa réflexion personnelle ou à la doctrine du mouvement auquel il se rattache et qui font de lui un des représentants de l'effervescence intellectuelle des non-conformistes des années 30 : le Monde sans âme, les Années tournantes, Éléments de notre destin.

Après 1935, ses liens avec l'Ordre Nouveau se distendent quelque peu et il collabore aux hebdomadaires catholiques Sept puis Temps présent. Jusqu'en 1940, il publie plusieurs romans l’Âme obscure en 1929, Mort, où est ta victoire ? en 1934, l’Épée de feu en 1939, biographies et essais Psichari 1922, Notre inquiétude en 1927, le Monde sans âme en 1930, Rimbaud, le drame spirituel en 1935, Pascal et notre cœur, Par-delà notre nuit, Réflexions sur la volonté, dirigeant chez Plon la collection Présences, dans laquelle il édite l'ouvrage la France et son armée du général de Gaulle, dont il devient l'ami.

Entre 1941 et 1944, il écrit le Peuple de la Bible et Jésus en son temps, début d'une œuvre d'histoire religieuse qui se poursuivra avec la monumentale Histoire de l'Église du Christ interrompue par son décès en 1965 14 volumes publiés. Après la Libération, il abandonne l'enseignement pour se consacrer à son travail d'historien et d'écrivain chrétien, assurant la direction de la revue Ecclésia et de la collection encyclopédique Je sais, je crois, chez Fayard.
Parallèlement, retrouvant dans cet engagement certains de ses anciens compagnons d'Ordre Nouveau, il participe aux travaux de plusieurs mouvements fédéralistes européens, adhérant au groupe La Fédération, puis au Mouvement fédéraliste français. Il est, de 1957 à 1963, l'un des cinquante gouverneurs de la Fondation européenne de la Culture fondée par Denis de Rougemont.
Il est élu membre de l'Académie française le 3 mars 1955 au fauteuil d’Édouard Le Roy, le même jour que Jean Cocteau et François Albert-Buisson.

En 1962, accompagné de Gaston Monnerville président du Sénat, il procède en août à l'inauguration du buste de Lamartine réalisé par David d’Angers dans le village de Tresserve situé sur les hauteurs du lac du Bourget, cher à Lamartine, à côté d'Aix-les-Bains. Son épouse est décédée en 1975.
Daniel-Rops était sans doute l'écrivain le plus lu dans les milieux catholiques de la France d'après-guerre, ayant écrit une vingtaine d'ouvrages centrés sur l'histoire du catholicisme. Son choix de pseudonyme serait inspiré par Félicien Rops, graveur et illustrateur belge.

Œuvres

1926 : Notre inquiétude
1926 : Sur le théâtre de H. R. Lenormand
1927 : Le vent dans la nuit
1928 : Le prince menteur
1928 : Carte d’Europe
1929 : L’âme obscure
1930 : Deux hommes en moi
1931 : Fauteuil 24 : Édouard Estaunié
1932 : Les années tournantes
1932 : Le monde sans âme
1933 : Péguy
1933 : Severa
1934 : Mort, où est ta victoire ?
1934 : Éléments de notre destin
1935 : Le Cœur complice
1935 : La Misère et nous
1936 : La Pureté trahie
1936 : Rimbaud, le drame spirituel
1937 : Le Communisme et les Chrétiens
1937 : Ce qui meurt et ce qui naît
1937 : Tournant de la France
1938 : Présence et poésie
1938 : Le Courtinaire
1938 : La Maladie des sentiments
1938 : La Main d’un juste
1938 : La France veut la liberté
1939 : L’Épée de feu
1939 : Le Mystère animal : l’animal cet inconnu
1939 : Une campagne de “Temps présent” : la paix par le Christ
1941 : L’Avenir de la science
1941 : La Femme et sa mission
1941 : Mystiques de France
1941 : L’Ombre de la douleur
1941 : La signification héroïque de Péguy et de Psichari
1941 : Vouloir
1942 : Où passent les anges
1942 : Psichari
1943 : L’Œuvre grandissante de Patrice de La Tour du Pin
1943 : Par-delà notre nuit
1943 : Le Peuple de la Bible
1943 : Comment connaissons-nous Jésus ?
1944 : Trois images de la grandeur
1944 : Péguy et la vraie France
1945 : Jésus en son temps
1946 : Quêtes de Dieu. Trois tombes, trois visages
1946 : Notre histoire. I, Des origines à 1610
1946 : Histoire sainte de mes filleuls
1946 : Un héraut de l’Esprit : Saint Paul
1946 : Boquen, témoignage d’espérance
1946 : Deux études sur William Blake
1947 : Notre histoire. II, De 1610 à nos jours
1947 : Aux silences du cœur
1947 : Ce visage qui nous regarde
1947 : L’Évangile de mes filleuls. Lourdes
1947 : Marges de la prière
1947 : La Nuit du cœur flambant
1947 : Sept portraits de femmes
1947 : Terre fidèle
1948 : Diane blessée
1948 : Histoire de l’Église du Christ. I, L’Église des apôtres et des martyrs
1948 : Pascal et notre cœur
1948 : Le Sang des martyrs
1948 : Les Évangiles de la Vierge
1949 : De l’amour humain dans la Bible
1949 : La Vie du Christ dans la culture française
1949 : Rencontre avec Charles Du Bos
1949 : Histoire sainte illustrée
1949 : Chants pour les abîmes
1949 : Orphiques
1950 : Histoire de l’Église du Christ. II, L’Église des temps barbares
1950 : Le Christ, thème éternel
1950 : L’Histoire sainte des petits enfants
1950 : Légende dorée de mes filleuls
1950 : Toi aussi, Nathanaël
1951 : Le Roi ivre de Dieu
1951 : Noé et son grand bateau
1951 : ABC du petit chrétien
1951 : Les Aventuriers de Dieu. Bartolomé de Las Casas
1951 : Histoire de Jonas. Missa est
1952 : Le Drame des Templiers
1952 : Le Pèlerin à la coquille
1952 : Rome
1952 : La Thérapeutique dans l’Ancien Testament
1952 : Saint Paul, conquérant du Christ
1952 : Histoire de l’Église du Christ. III, L’Église de la cathédrales et de la croisade
1953 : Chemin de Croix. Claire dans la clarté
1953 : Diptyque pour le temps de Pâques
1953 : Jésus disait à ses amis
1953 : Les Miracles du Fils de Dieu
1953 : Le Porche de Dieu fait homme
1953 : Quand un saint arbitrait l’Europe : saint Bernard
1954 : Être des saints
1954 : La Vie du Christ dans les chefs-d’œuvre de la peinture
1954 : Histoire sainte
1954 : L’Évangile de la pierre
1954 : La Passion
1955 : Saint Paul, aventurier de Dieu
1955 : Qu’est-ce que la Bible ?
1955 : Histoire de l’Église du Christ. IV, L’Église de la Renaissance et de la Réforme
1955 : Aux lions, les Chrétiens !
1955 : Comment on bâtissait les cathédrales
1956 : Apôtres et martyrs
1957 : Claudel tel que je l’ai connu
1958 : Histoire de l’Église du Christ. V, L’Église des temps classiques
1959 : Monsieur Vincent
1960 : Histoire de l’Église du Christ. VI, L’Église des révolutions 1 : En face de nouveaux destins (1789-1870)
1961 : La Vie quotidienne en Palestine au temps de Jésus
1962 : Saint Bernard et ses fils
1962 : Vatican II, le concile de S. S. Jean XXIII
1963 : Histoire de l’Église du Christ. VII, L’Église des révolutions 2 : Un combat pour Dieu (1870-1939)
1964 : Chant pour un roi lépreux
1965 : Histoire de l’Église du Christ. VIII, L’Église des révolutions 3 : Les Chrétiens nos frères

Adaptation filmographique

En 1964, sort le film Mort, où est ta victoire ?, adapté de son roman. Réalisé par Hervé Bromberger, le film est joué par Philippe Noiret, Laurent Terzieff, Michel Auclair, Gabriele Ferzetti, Alfred Adam, Jacques Monod, Madeleine Cheminat, Jean-Paul Moulinot et Arlette Balkis.

Toujours dans le domaine du cinéma, dans le film Le Tonnerre de Dieu le personnage du curé, joué par Daniel Ceccaldi, évoque brièvement le nom de Daniel-Rops dans un échange avec le vétérinaire, incarné par Jean Gabin.

Liens Daniel Rops Et Claudel en séance de signature de vente de charité de livres religieux


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l

Posté le : 25/07/2014 19:41

Edité par Loriane sur 26-07-2014 18:43:27
Edité par Loriane sur 27-07-2014 13:21:04
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Pétraque 3 anecdotes et les sonnets
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57687
Hors Ligne
Pétraque anectodes et Les sonnets


Il est incontestable que la plupart des lecteurs, soit en France, soit même en Italie, ne connaissent de Pétrarque que les poésies consacrées, soit du vivant de Laure, soit après sa mort, à l'amour qu'elle lui avait inspiré, et cependant il est bien certain aussi que Pétrarque fut en outre un des hommes les plus érudits de son temps, ainsi que le prouvent les nombreux écrits qu'il a laissés en langue latine, les seuls qui, suivant lui, devaient lui assurer les regards et l'admiration de la postérité. J'ajoute qu'il fut chargé de missions politiques fort importantes et fit preuve dans plusieurs circonstances du plus pur et du plus fervent patriotisme, comme je me propose de le démontrer dans l'article qui va suivre.

Francesco Pétrarque naquit le 13 juillet 1304 à Arezzo, où s'étaient réfugiés ses parents, Petracco et Eletta Canigiani, exilés de Florence par suite des factions et des guerres civiles qui désolaient cette ville. Il était l'aîné de quatre enfants dont le troisième, Gérard, se livra d'abord au libertinage et plus tard se consacra à la vie religieuse. Francesco Pétrarque était jeune encore lorsque son père se décida à chercher meilleure fortune à la cour pontificale, laquelle alors résidait à Avignon. Dans cette ville ainsi que dans la cité voisine, Carpentras, comme il le raconte lui-même, il fit des progrès rapides dans la grammaire, la dialectique, la rhétorique. Il alla ensuite étudier les lois à Montpellier, puis à Bologne. Le dégoût que lui inspirait la langue barbare des jurisconsultes s'accrut encore quand il eut le loisir de lire les chefs-d'oeuvre de la Grèce et de Rome; aussi, sans négliger la science du droit, considérée alors comme très importante, il se sentait de plus en plus attiré vers les lettres, sa véritable vocation.

Une nuit, son père, l'ayant surpris au milieu de ses livres préférés, en fit un véritable autodafé; puis, touché du profond désespoir que son fils en manifesta, il retira des flammes un Virgile et un Cicéron, à la condition que le droit serait et demeurerait à jamais sa principale occupation.

Devenu libre par la mort de son père, il renonça au droit, pour lequel il avait toujours une grande répugnance, et retourna à Avignon à l'âge de 22 ans.

Ce séjour lui étant devenu doublement triste par la mort de sa mère, dont il a fait l'éloge dans une poésie latine, et par la malversation des exécuteurs du testament paternel, il espéra réparer sa mauvaise fortune en s'engageant dans la milice ecclésiastique, et il s'y distingua autant par sa science que par la pureté de ses mœurs. S'il ne parvint jamais à un grade plus élevé que celui de Chanoine, il faut l'attribuer à sa répulsion pour toutes sortes d'emplois et de dignités,

Après la mort de ses parents, il fut recueilli dans la famille des Colonna, qui le traitèrent avec la plus grande bienveillance et, dès ce moment, il put sf livrer librement aux rêves irrésistibles de sa brillante imagination.

Il avait reçu de la nature un esprit juste et pénétrant, une logique claire et précise, une heureuse mémoire, une grande délicatesse de sentiments et une grande affabilité.

Il souffrait de voir son frère Gérard s'abandonner au plaisir et désirait ardemment le faire changer dé vie. Il s'attristait aussi des malheurs du temps en voyant que le séjour de la papauté était livré à tous les désordres et à tous les genres de séductions: « O ! fabrique de tromperies, » s'écrie-t-il dans ses églogues, O ! prison de colère, enfer d'envie, où vas-tu avec tés adultères, avec tes immenses richesses mal acquises? Nid de trahisons où se couve tout le mal qui se répand dans le monde ; esclave dis vins et des victuailles, chez toi la luxure est arrivée à son comble, tu vis de telle sorte qu'il est à désirer que Dieu n'en tire pas vengeance. »

Ce fut dans l'année 1327, dans l'église Sainte-Claire, pendant les jours consacrés à la passion du Rédempteur, qu'il vit une belle et noble dame. La voir et s’en éprendre fut l'effet d'un seul moment. Son nom était Laure, sa patrie Avignon, le nom de sa famille Noves, et celui de son mari Hugues de Sade ; elle avait 20 ans et était mariée depuis deux ans. Elle exerça sur Pétrarque une grande influence pendant les 18 années qui s'écoulèrent entre le jour où il la rencontra et celui où la mort vint les séparer.

Les vers par lesquels il la pleura témoignent de son désir de la suivre au ciel et contiennent la promesse de lui rester à jamais fidèle ; les sentiments qu'ils expriment sont encore plus ardents et plus tendres que ceux qu'il lui avait consacrés pendant sa vie. Nous reviendrons du reste sur cet amour, qui a donné lieu à bien des interprétations, quand nous passerons en revue les œuvres complètes de Pétrarque.

Pour se distraire de sa passion, il projeta d'abord un voyage en Asie, qui n'eut pas lieu ; il se rendit en France, visita Paris, puis le Brabant et les provinces rhénanes. En retournant à Avignon, il fit un court séjour à Rome. Plus tard, il s'embarqua de nouveau, visita l'Espagne et alla jusqu'en Angleterre. En 1337, pour se procurer une paix qui le fuyait toujours, il alla s'établir à Vaucluse dans une petite habitation qu'il a rendue à jamais célèbre, et qu'il a décrite lui-même en ces termes : « Ce n'est pas un palais, mais une retraite égayée par un hêtre, un pin, l'herbe verte et la vue d'une belle montagne.» Là il cultiva avec délices les muses latines; il écrivit dans cette langue trois livres d'épîtres, douze églogues et un grand poème dont il sera question plus tard.

Pétrarque acquit bientôt par ses œuvres une telle célébrité, que le chancelier de l'Université de Paris et le Sénat romain lui offrirent la couronne poétique. Avant de prendre une décision, il se rendit à la cour de Robert, roi de Naples, qui comptait parmi les plus beaux esprits de son temps; il y reçut le meilleur accueil; mais, préférant à toute autre l'invitation de Rome, il se dirigea vers cette ville et le jour de Pâques de l'année 1341, le couronnement solennel eut lieu au milieu d'un grand concours de peuple et de la joie générale.

Les seigneurs de Correggio, qui demeuraient alors à Parme, l'appelèrent auprès d'eux; il n'y resta qu'une année, pendant laquelle il fut nommé archidiacre du chapitre de la ville. Le titre de citoyen romain lui ayant été conféré, il se crut obligé de retourner à Rome et accepta la mission d'aller complimenter le pape Clément VI, nouvellement élu, en compagnie de Nicolas Rienzi qui, après lui avoir fait espérer l'affranchissement de Rome, devait finir par lui causer une si cruelle déception.

Nous croyons devoir donner ici quelques extraits d'une lettre très volumineuse adressée à Rienzi par Pétrarque, car elle prouve qu'il y avait chez ce dernier non seulement le génie d'un grand poète, mais aussi le cœur et la haute raison d'un grand citoyen.

« Je ne sais, citoyen magnanime, si je dois d'abord me réjouir de tes glorieuses entreprises ou de l'affranchissement des peuples, de tes mérites ou du triomphe de la liberté. De quelles paroles me servirai-je pour exprimer une joie aussi inattendue et, dans mon enthousiasme, par quels vœux traduirai-je les émotions que j'éprouve?

Au milieu de vous est la liberté si douce et si désirable, qu'on n'apprécie jamais mieux que lorsqu'on l'a perdue. Maintenant vous jouissez allègrement, sobrement et tranquillement de ce bien connu par l'expérience de tant d'années, et vous rendez grâces à Dieu auquel vous êtes redevables de ce bienfait, à Dieu qui n'a pas encore oublié la très sainte cité à Lui consacrée et qui n'a pas voulu voir plus longtemps dans la servitude celle qu'Il avait faite reine du monde !

Pourtant vous, hommes forts et successeurs des forts, si avec la liberté les pensées viriles vous sont revenues, il faut que chacun soit prêt, avant de l'abandonner, à faire le sacrifice de sa vie, sans quoi elle serait une honte. Ayez toujours devant les yeux votre servitude passée, et alors vous serez plus que jamais convaincus que rien n'est plus précieux que la liberté. Il n'est pas un seul parmi vous qui ne préférât donner la dernière goutte de sang romain plutôt que de vivre esclave. Le poisson échappé à l'hameçon redoute tout ce qui nage sur les ondes ; la brebis délivrée de la gueule du loup a horreur de voir, même de loin, les chiens gris; l'oiseau dégagé de la glu ne se fie pas aux arbrisseaux les plus sûrs. Vous, croyez-moi, vous êtes attirés par l'appât des illusions et des fausses espérances, menacés par la glu, d'un fléau auquel vous êtes habitués et entourés par des bandes de loups faméliques. Regardez autour de vous avec vigilance et ayez bien soin que toutes vos pensées et toutes vos actions soient consacrées à la liberté, qu'elle seule soit l'objet de toutes vos préoccupations; tout ce qu'on peut faire d'étranger à ce but est une perte de temps irréparable et un appât insidieux. L'amour immérité que vous avez peut-être conçu par une longue habitude et l'attachement indigne à vos tyrans doivent être déracinés de votre mémoire et de votre cœur. Le serf respecte pour un temps un maître orgueilleux, et l'oiseau captif fait fête à celui qui le possède, mais le serf, dès qu'il le peut, rompt ses chaînes, et l'oiseau, dès qu'il trouve une issue, s'envole rapidement. Vous avez servi, ô citoyens illustres, ceux auxquels toutes les nations étaient assujetties, ceux qui tenaient les rois eux-mêmes sous leurs pieds.

Ce qui m'indigne le plus, ce n'est pas leur manque d'humanité, mais la folie à laquelle ils sont promptement arrivés de vouloir être considérés non comme des hommes, mais comme des maîtres. Oh crime ! Dans la ville où le divin législateur de toutes les nations défendit à qui que ce fût de se donner le nom de maître, aujourd'hui des larrons et des mendiants se croient gravement offensés si on ne leur donne pas ce titre.

Certainement, ils n'étaient pas romains ceux qui, jaloux d'un vain titre de noblesse, de quelque lieu qu'ils vinssent, quel que fût le vent contraire qui les poussât, quel que fût le peuple barbare dont ils sortirent, nous furent envoyés. Bien que depuis ils aient foulé de leurs pieds superbes les cendres de nos illustres aïeux, on peut leur appliquer ce que dit le satirique:

« Celui qui vint un jour tout chargé de poussière

Dans Rome rencontra la fin de ses malheurs.»

Le dire d'un autre poète s'est aussi vérifié:

« Point de roi parmi nous

Mais nous voulons servir seulement la patrie. »

La fortune, bonne ou mauvaise, doit avoir une fin : un défenseur inespéré s'est présenté et même on en célèbre trois qui ont paru à diverses époques: le premier Brutus chassa Tarquin le superbe; le second Brutus fut le meurtrier de Jules César; le troisième, Nicolas Rienzi, qui, de notre temps, punit les oppresseurs par l'exil et par la mort, fut semblable en cela aux deux premiers et digne d'une double louange, réunissant en lui la gloire que les deux autres s'étaient acquise.

Faites disparaître, je vous prie, toute trace de discorde entre vous; que l'incendie, allumé parmi vous par le souffle des tyrans, s'éteigne sagement dans les conseils de votre libérateur. Luttez avec le tribun à qui, de lui ou de vous, remplira le mieux ses devoirs civiques : lui en commandant honnêtement, vous en obéissant promptement.

Si l'amour, le lien le plus puissant qui puisse unir les esprits, ne suffit pas, unissez-vous dans l'intérêt commun. Si vous suivez les exemples que vos pères vous ont laissés, vous ne tournerez les armes que contre les ennemis de la République, et, en leur infligeant l'exil, la pauvreté et les supplices, vous réjouirez dans leurs tombés les mânes de vos aïeux.

...Mais je commence à avoir honte de vous entretenir si longuement, surtout en ce temps où il faut plutôt des actes que des paroles. Je dois vous déclarer qu'ému par la renommée de faits aussi remarquables, je me suis souvent attristé de ma condition qui m'empêche d'aller prendre ma part d'une si grande joie.

Peut-être arrivera bientôt le jour où je pourrai m'adresser à vous dans un stylé différent si toutefois, comme je l'espère et comme je vous y exhorte, vous ne manquez pas de persévérance après un si glorieux commencement. Le front orné de la couronne d'Apollon, je m'élèverai sur l'Hélicon solitaire à la fontaine Castalie et, après avoir rappelé de l'exil les Muses, avec une voix plus puissante je chanterai quelque chose qui s'entendra de plus loin.

« Adieu, Rienzi, homme valeureux, adieu à vous tous, excellents citoyens, adieu, très glorieuse cité des sept collines.»

A la suite de cette ambassade, le Pape nomma Pétrarque prieur de Saint-Nicolas de Migliarino dans le diocèse de Pise. Après la mort du roi Robert, Clément VI le chargea d'une mission à la cour de Naples pour y traiter d'affaires importantes. La reine Jeanne, qui gouvernait alors, était entourée de perfides conseillers; aussi Pétrarque ne reconnut-il plus la ville qu'il avait visitée deux ans auparavant et qui était en proie à toutes sortes de vices et d'abus. Il ne tarda pas à retourner dans sa chère retraite de Vaucluse, impatient de jouir du repos loin des intrigues des cours et des luttes de l'ambition.

Dans le courant de l'année 1348, une peste terrible désola l'Europe et compta parmi ses victimes celle qui avait inspiré à Pétrarque ses plus beaux chants et son plus constant amour et de laquelle il dit :

Morte bella parea nel suo bel viso

Il était à Parme lorsqu'il reçut la fatale nouvelle que devait rendre plus triste encore la mort de son protecteur, le cardinal Colonna. Pour se soustraire à sa douleur, il se rendit successivement à Carpi, à Mantoue, à Vérone, à Padoue, partout accueilli avec honneur par les seigneurs de ces divers lieux. Les habitants de Carrare, pour se l'attacher d'une manière permanente, le nommèrent chanoine de leur cathédrale.

Lorsque les Florentins songèrent enfin à se montrer plus cléments envers les exilés, ils accordèrent à Boccace et à Pétrarque la restitution de leurs biens ; ils offrirent même à ce dernier un poste honorable dans leur gymnase public nouvellement fondé, mais il préféra se rendre à Padoue, où il trouva dans Francesco Carrara un Mécène encore plus bienveillant. Il alla ensuite à Venise, où il se lia d'amitié avec le célèbre doge Andrea Dandolo, auquel il donna le salutaire, mais inutile conseil de se réconcilier avec les Génois et d'unir leurs forces pour le salut de l'Italie.

En 1351, il retourna à Vaucluse et partagea son temps entre cette solitude et la cité d'Avignon. En 1352, Clément VI mourut; son successeur Innocent VI, n'ayant pas craint de soupçonner Pétrarque de magie, celui-ci quitta Avignon et se rendit à Milan auprès de l'archevêque Giovanni Visconti, qui l'accueillit très gracieusement et l'envoya comme ambassadeur à Venise pour tâcher de rétablir la paix, mais il échoua dans cette entreprise.

L'arrivée de l'empereur Charles IV à Mantoue lui fit concevoir de grandes espérances pour le bonheur de l'Italie, mais ces espérances furent bientôt déçues par la lâcheté de ce prince qui abandonna la province. C'est à cette occasion que Pétrarque écrivit une lettre remarquable dans laquelle il déplore la situation de l'Italie et le manque total de patriotisme dans ce beau pays.

En 1360, il fut envoyé à Paris par Galeazzo Visconti, pour féliciter le roi Jean de sa délivrance d'une longue captivité en Angleterre. Malgré la bienveillance de ce monarque, il ne fit qu'un court séjour à Paris et retourna à Milan, dont il fut bientôt chassé par la peste et la guerre civile qui désolaient cette ville.

Il éprouva une grande joie lorsque le pape Grégoire XI se décida à transférer le siège pontifical à Rome; il refusa cependant les offres de ce pontife, préférant aux honneurs ses études littéraires et les douceurs de la solitude.

Il passa les quatre dernières années de sa vie dans une petite maison qu'il s'était fait construire sur les collines enganéennes. Dans cette retraite, il consacra plus que jamais sa Muse à décrire les beautés de la nature. Il entretenait une correspondance avec ses amis absents et surtout avec Boccace. Ce dernier s'étant excusé de ne pas lui avoir encore remboursé une somme qu'il lui devait, Pétrarque lui répondit qu'il ne lui devait autre chose que beaucoup d'amitié, et il ajoutait ailleurs: «Ah! si je pouvais t'enrichir, mais pour deux amis qui n'ont qu'un seul cœur, une seule maison est bien suffisante. »

Comme il le dit lui-même, Pétrarque n'aimait à converser qu'avec ses amis ou des hommes suffisamment éclairés, il trouvait que rien n'est plus ennuyeux que de causer avec des gens dont l'esprit n'est pas aussi cultivé que le vôtre. Du reste, sa voix était faible et il s'exprimait assez difficilement, ce qu'il attribuait au peu d'efforts qu'il avait faits pour se rendre éloquent. Bien qu'il eût acquis quelque fortune à la fin de sa vie, sa sobriété fut toujours la même; il s'abstenait de vin et vivait presque entièrement de légumes. Son principal luxe consistait à augmenter le nombre de ses serviteurs et de ses copistes. Pétrarque laissa plusieurs enfants naturels qui attristèrent sa vie. Son fils Jean ne répondit nullement à ses soins, et sa fille, mariée à Franceschino di Brossano, perdit un enfant aussi adoré de son aïeul qu'il l'était de sa mère.

Dans les derniers temps de sa vie, il dormait à côté d'une lampe allumée et se relevait au milieu de la nuit; il écrivait jusqu'au lever du soleil, et se comparait à un voyageur fatigué et pressé de profiter des dernières forces qui lui restent pour arriver au but de son Voyage. Parfois il tombait dans une léthargie d'où il ne sortait qu'au bout de 30 heures, sans avoir éprouvé, disait-il, ni souffrance, ni terreur.

La mort le surprit le 18 juillet 1374 dans sa villa d'Acqua près de Padoue, où il vivait depuis quatre ans. Il fut trouvé mort dans sa bibliothèque, la tête appuyée sur un livre ouvert; il avait 70 ans.

Par son testament, il légua à un de ses amis son luth, afin qu'il pût chanter les louanges du Très-Haut; à un serviteur, une somme d'argent, à la condition qu'il ne jouerait plus comme il en avait l'habitude; à son copiste, un vase d'argent, en lui prescrivant d'y boire de l'eau plutôt que du vin, et à Boccace une pelisse d'hiver pour ses études nocturnes.

Son corps fut déposé dans un sépulcre de marbre rouge élevé devant l'église de la ville avec cette inscription :

Frigida Francesci lapis hic tegit ossa Petrarcae,

Suscipe Virgo parens animam: Sate Virgine parce

Fessaque, jam terris, coeli requiescat in arce.

De ses oeuvres et principalement de ses poésies amoureuses

Comme nous l'avons dit plus haut, Pétrarque fut un des hommes les plus érudits de son temps ; il coopéra grandement à la renaissance des belles-lettres en Europe par la recherche qu'il fit des auteurs grecs et latins dispersés à l'époque de l'invasion des barbares. Ses premiers ouvrages, et ceux auxquels il attacha d'abord une réelle importance, furent écrits en latin, la seule langue qui fût alors en usage parmi les savants et les jurisconsultes de cette époque.

On a de lui dans cette langue douze églogues et trois livres d'épîtres en vers (dont le principal intérêt est de nous faire connaître les opinions et les personnages contemporains), les traités de Remediis utriusque fortunae, De contemptu Mundi, De vera sapienta, De sui ipsius et aliorum ignorantia. Il composa en outre un grand poème, l'Africa, ayant pour sujet la seconde guerre punique, lequel, comme il le dit lui-même en réponse à une lettre où Boccace l'avait placé au troisième rang, devait lui assurer la première place parmi tous les poètes, et qu'il laissait inachevé parce que son époque n'était pas digne d'en apprécier la sublimité. Il avait communiqué une partie de son travail, qu'il ne se lassait pas de polir et de repolir, au roi Robert qui lui fit don d'un manteau de pourpre pour lui servir à son couronnement poétique. Pétrarque, pour lui témoigner sa reconnaissance, non seulement lui promit de lui dédier son œuvre, mais lui prodigua de telles adulations qu'on ne tarda pas à lui reprocher d'avoir fait litière de sa dignité et de son indépendance pour se réduire au rôle de courtisan. Il en conçut, disent ses biographes, un tel chagrin qu'il livra au feu son poème commencé. Dans sa vieillesse, il avoua à son ami Boccace qu'il se reprochait de ne s'être pas adonné entièrement à la langue vulgaire, ce qui lui aurait valu les suffrages non seulement de ses contemporains, mais ceux de la postérité; l'avenir devait bientôt justifier ses regrets, car ses poésies écrites en italien, qu'il considérait comme de simples jeux d'esprit, sont seules lues et admirées aujourd'hui par ses compatriotes eux-mêmes. Elles se divisent en trois parties : la première embrasse celles écrites in vita di Laura, la seconde dopo la morte di lei et la troisième, les poésies mêlées, parmi lesquelles il y en a plusieurs ayant trait à la politique.

Les commentateurs ont jugé diversement l'amour qui inspira les chants du poète, et plusieurs ont vu avec étonnement Laure, mariée depuis deux ans au chevalier Ugo de Sade, encourager les élans passionnés que lui prodiguait son poète favori, qui ne cessa cependant d'exalter sa pureté; mais on répond avec raison qu'à cette époque le lien qui unissait indissolublement une femme à son mari ne mettait point d'obstacle à l'amour qu'elle pouvait éprouver pour un autre, et elle était en cela approuvée par la cour d'amour, qui admettait fort bien qu'une femme, tout en restant fidèle à son mari, reçût les hommages d'un amant.

Pétrarque, du reste, a pris soin de dissiper tous les doutes à cet égard. « Dans mon amour », dit-il, «rien ne fut honteux, rien ne fut obscène, rien ne fut coupable, si ce n'est sa véhémence. C'étaient des mortelles que Taedia et Livia. Il n'en était point ainsi de celle que j'aimais, laquelle dépouillée de tout sentiment terrestre, brûlait de désirs célestes. Sur son visage brille un rayon divin, ses mœurs sont le miroir de la plus parfaite honnêteté ; sa voix, le mouvement de ses yeux et sa démarche sont d'une créature immortelle. Tout ce que je suis, c'est à elle que je le dois, et je ne serais pas parvenu à obtenir le nom et le peu de gloire que je possède si, par sa très noble affection, elle n'avait pas alimenté et fait germer la petite semence de bien que la nature avait déposée dans mon sein. Je n'ai jamais rien rencontré de répréhensible soit dans ses actes, soit dans ses paroles, et les hommes les plus médisants furent contraints de l'admirer et de la révérer. Qu'y a-t-il donc d'étonnant si une femme d'une aussi belle réputation m'enflamma du désir de m'élever à la plus grande renommée, et me rendit moins dures les fatigues que je dus subir pour y atteindre? et, lors même qu'elle me précéderait dans la tombe, je vivrai toujours amoureux de sa vertu, qui ne saurait s'éteindre avec elle. » De Contemptu Mundi,

Néanmoins si, durant la vie de Laure, Pétrarque l'aima de toute la puissance de son âme et prouva dans ses Trionfi, publiés après sa mort, qu'il lui demeura toujours fidèle, il est certain qu'il chercha des consolations dans les bras d'une autre femme puisque, comme on a pu le voir dans la première partie de ce travail, il laissa deux enfants, une fille qui réjouit sa vieillesse et lui ferma les yeux, et un fils dont il n'eut pas lieu de s'enorgueillir.

Les Trionfi, série de visions allégoriques sur la force de l'amour, sur la chasteté, sur la mort, sur le génie, sur la renommée, sur le temps et sur l'éternité, ont été composés en imitation de Dante. Si l'on n'y trouve pas toute l'énergie et la sublimité de l'Alighieri, ces vers se distinguent par la grâce, la noblesse et la clarté. Il est impossible de lire sans émotion la pièce qui commence ainsi:

La notte chi segui l'orribil caso

Elle est pleine de sentiment et elle résume tout ce qu'avait précédemment écrit le poète.

On admire, dans ses sonnets et dans ses canzoni, peut-être supérieurs, les figures gracieuses et la variété dans l'expression d'un sentiment qui est toujours le même. Il est seulement à regretter qu'on y rencontre des concetti et des pensées plus ingénieuses que vraies. Dans les derniers temps de sa vie, Pétrarque écrivit un très grand nombre de lettres qu'il recueillit lui-même sous le titre : Epistolae seniles, espérant bien, en conversant avec ses amis, se faire entendre d'un bout à l'autre de l'univers. Ces lettres, pleines de citations, ont perdu aujourd'hui beaucoup de leur intérêt, et malheureusement, si l'on y trouve de l'érudition, de l'éloquence et de l'abnégation chrétienne, on y rencontre aussi le pathos, la pédanterie et une complaisance puérile pour soi-même.

On regrette que dans les siècles suivants les poètes, imitant la grâce de Pétrarque de préférence à l'énergie de Dante, aient énervé la littérature en abusant des métaphores, des jeux de mots et des subtilités.

Nous croyons devoir emprunter à Ugo Foscolo, auquel nous consacrons plus loin une partie de notre travail, plusieurs extraits du parallèle qu'il a publié sur ces deux grands poètes :

« Au siècle de Léon X, une érudition extravagante se répandit partout et poussa les raffinements de la critique si loin, qu'on préféra la grâce et l'élégance aux hardiesses du génie. Pétrarque, considéré alors comme supérieur à Dante, fut pris comme modèle et cela dura jusqu'au XVIIIe siècle.

Ces deux fondateurs de la littérature italienne furent doués d'un génie bien différent; ne tendant pas au même but, ils formèrent deux écoles, ils créèrent deux langues et exercèrent jusqu'à nos jours une influence diversement fructueuse.

Dante met à profit tous les dialectes de l'Italie pour composer une langue nouvelle qui lui permette non seulement d'exprimer les idées les plus sublimes, mais aussi de retracer les scènes les plus communes de la nature, les plus étranges conceptions de sa fantaisie et les problèmes les plus abstraits de la philosophie et de la religion, tandis que Pétrarque ne songe qu'à choisir les idées les plus gracieuses, les expressions les plus élégantes et les plus mélodieuses.

Le chantre de Vaucluse s'adonne principalement à la Muse érotique, laquelle a pour but de peindre la plus douce des passions humaines; le vers de Dante, construit avec plus d'art et de hardiesse, atteint les plus grands effets de l'harmonie imitative.

Les images de Pétrarque semblent produites par un pinceau plus délicat; elles charment l'œil plus par le coloris que par la forme. Pétrarque souvent couvre la réalité d'un tel luxe d'ornements, que ses images se noient dans un océan de lumière éblouissante, tandis que le poète doit en général se contenter de moyens très simples pour arriver à de grands effets.

Dante donne de la vie à tout ce qu'il touche ; il mêle les réalités de la nature avec l'idéal au point qu'il crée des illusions que rien ne peut dissiper; telle est la description qu'il fait de Béatrice dans le paradis.

Dante et Pétrarque adoptèrent chacun un style en rapport avec leur génie, d'où résultèrent deux genres de poésie qui produisirent des effets bien différents : Pétrarque, en regardant toutes choses à travers le voile d'une passion dominante, tend à énerver les caractères et à détourner de la vie active. Dante, comme tous les poètes primitifs, est l'historien de son temps, le prophète de la patrie et le peintre de l'humanité. Il met en mouvement toutes les facultés de l'âme et nous communique sa propre énergie en traçant d'une main ferme les scènes les plus émouvantes et les plus terribles. Dans quelque lieu qu'il nous entraîne, soit dans l'enfer, soit dans le purgatoire, soit dans le paradis, il donne à chaque chose et à chaque personnage la couleur et le caractère qui leur sont propres.»


Choix de sonnets de Pétrarque traduits

Que de fois, tout en pleurs, fuyant le genre humain,
Et me fuyant moi-même en mon charmant asile,
J'inonde ma poitrine et l'herbe du chemin !
Que de fois mes soupirs troublent l'air immobile!
Que de fois, seul, en proie à mes rêves d'amour,
Au fond d'un bois épais et d'une grotte obscure,
Je cherche autour de moi cette femme si pure
Que me ravit la tombe où j'aspire à mon tour!
Tantôt elle s'élance en nymphe vaporeuse
Sur les flots argentés de la Sorgue écumeuse,
Et s'assied près de moi sur ses bords enchanteurs;
Tantôt, d'un pied léger, son image chérie
Agite doucement les fleurs de la prairie,
Et semble à mon aspect prendre part à mes pleurs.
20
Lorsque du sein de l'air, si plein de mon amour,
Je vois du haut des monts ce plateau solitaire
Où naquit l'ange aimé qui, prenant sans retour
Mon cœur prêt à verser ses parfums sur la terre,
Est parti pour le ciel et, gagnant les hauteurs,
M'a sitôt devancé par des routes lointaines
Que mes yeux, fatigués de leurs recherches vaines,
Ne voient plus un seul lieu qu'ils n'aient baigné de pleurs ;
Il n'est pas un rocher au flanc de nos collines,
Une branche, une feuille au bord des eaux voisines,
Une fleur, un brin d'herbe en ce vallon charmant,
Il n'est pas une goutte au lit de ces fontaines,
De louves en ces bois tellement inhumaines
Qui n'aient vu les effets de mon cruel tourment !

M'élevant en esprit dans ces lieux inconnus
Où vit celle qu'en vain ici-bas je rappelle,
Parmi les bienheureux du cercle de Vénus
Je la vis apparaître et plus tendre et plus belle.
Elle me prit la main: « Si j'en crois mon espoir, »
Dit-elle, « tu vivras parmi ces âmes pures ;
C'est par moi que ton cœur reçut tant de blessures,
C'est moi qui vis la mort descendre avant le soir.
Mon bonheur désormais échappe au sens des hommes,
C'est toi seul que j'attends; loin du monde où nous sommes
J'ai laissé ces trésors qui ravissaient tes yeux. »
Mais sa main s'entrouvrit, je cessai de l'entendre...
Hélas! aux doux accents de sa voix chaste et tendre
Mon âme était si près de se fixer aux cieux !

Zéphir en nos climats ramène les beaux jours
Et son aimable cour de fleurs et de verdure;
Philomèle et Progné redisent leurs amours
Et le printemps sourit à toute la nature ;
Le ciel reprend ses feux et les prés leur fraîcheur.
Jupiter enivré voit sa fille et l'admire,
Et l'amour, triomphant de tout ce qui respire,
Remplit la terre, l'onde et les airs de bonheur;
Mais pour moi, je succombe à cette ardeur profonde
Que laisse désormais sans objet en ce monde
Celle qui dans le ciel tient les clefs de mon cœur;
Le doux chant des oiseaux, l'éclat des fleurs nouvelles
Et les charmes naissants des vierges les plus belles
N'offrent plus à mes yeux que déserts et qu'horreur.

La mort vient de ravir au monde son flambeau,
A l'amour son regard, ses feux et sa puissance,
A la beauté son charme, aux grâces leur réseau,
A mon cœur déchiré sa dernière espérance;
L'urbanité n'est plus et la pudeur a fui.
Oh ! pourquoi pleurer seul quand tous devraient se plaindre?
Le foyer des vertus par toi vient de s'éteindre,
O Mort! en peut-il naître un second aujourd'hui?
L'air, la terre et les eaux devraient verser des larmes,
Et vous aussi, mortels qui, privés de ses charmes,
Semblez un pré sans fleurs, un anneau sans rubis.
Le monde où je l'aimais ignora mon idole.
Mais nous la connaissions, moi, que rien ne console,
Et le ciel ravisseur qui lui doit tout son prix !

De longs cheveux brillant à rendre l'or jaloux,
Le regard le plus pur, le plus charmant visage
Qui jamais aient fait mettre un mortel à genoux,
Un sourire ineffable, un gracieux langage,
Une main, de beaux bras noblement arrondis
A faire implorer grâce au cœur le plus rebelle,
Un pied fait par l'amour, une femme si belle,
En un mot, qu'il n'est rien de tel au paradis,
Me faisaient d'heureux jours; mais Dieu l'a rappelée,
Empressé de la voir parmi sa cour ailée,
Et moi, je reste seul, les yeux morts au bonheur.
Pourtant une espérance ici-bas m'est laissée :
Peut-être l'ange heureux, qui lit dans ma pensée,
De nous voir réunis obtiendra la faveur.

Sans doute en ce moment tu pleures tes beaux jours,
Joli petit oiseau qui vas à l'aventure,
Car l'hiver et la nuit, attristant la nature,
Ont chassé la lumière et le temps des amours.
Ah ! si tu connaissais le mal qui me dévore
Ainsi que tu connais tes cruelles douleurs,
Tu viendrais sur mon cœur, que rien n'apaise encore,
Et nous souffririons moins en confondant nos pleurs.
Mais c'est trop demander : celle qui t'est ravie
Peut-être maintenant n'a pas quitté la vie,
Et moi, j'implore en vain et le ciel et la mort.
Cependant la saison et cette heure avancée,
Et mes doux souvenirs et ma peine passée,
Tout m'invite à donner une larme à ton sort.

A la fontaine de Vaucluse Canzone

Eau claire, fraîche et bienfaisante
Où la dame, unique à mes yeux,
Baignait ses membres gracieux;
Gentil rameau sur qui sa main charmante,
Je tressaille à ce souvenir,
Se plaisait à se soutenir;
Gazon fleuri sur lequel s'étendirent
Sa jupe et son beau sein ; air pur où sans retour
Ses yeux adorables ouvrirent
L'accès de mon cœur à l'amour;
Soyez tous attentifs à ma plainte dernière.
Si tel doit être mon destin
Et si le ciel exauce ma prière
C'est en ces lieux, qu'à mes pleurs mettant fin
L'amour fermera ma paupière.
Si quelque honneur doit recouvrir encor
Parmi vous mon corps périssable,
Et si mon âme doit prendre l'essor
Vers sa demeure véritable,
Avec un tel espoir la mort
Dans ce pas incertain me sera moins pénible,
Car mon esprit lassé n'a pas de meilleur port
Et ma chair et mes os de fosse plus paisible.
Peut-être reverrai-je encore en ce séjour,
Comme autrefois dans un bienheureux jour,
Cette beauté cruelle et pourtant si charmante,
Elle tourne vers moi joyeuse et séduisante
Ses yeux en me cherchant; elle voit se creuser
La terre et, n'écoutant que l'amour qui l'inspire,
Elle semble oublier le ciel et s'accuser,
Tant son cœur tristement soupire,
Et de son voile elle étanche ses pleurs.
Des beaux rameaux incessamment des fleurs
Pleuvaient sur son beau corps; assise et bienheureuse
On la voyait pourtant jouir modestement
De sa gloire et déjà cette pluie amoureuse
La recouvrait complètement;
Telle fleur se posait au bord du vêtement,
Telle autre sur ses tresses blondes,
Comme des perles sur de l'or;
Telle atteignait la terre et telle autre les ondes;
Et, plus audacieuse encor,
Telle autre, tournoyant lentement, semblait dire :
De l'amour c'est ici l'empire.
Combien de fois effrayé je me dis :
« Elle naquit sans doute au paradis. »
Son port divin, sa voix, ses traits et son sourire
M'avaient troublé l'esprit, tout m'était devenu
Incertain et confus, et j'en vins à me dire :
Comment suis-je en ces lieux, quand y suis-je venu ?
Me croyant dans le ciel; aussi dans mon délire
Sur ces gazons je me plais désormais
Et c'est là seulement que je trouve la paix.

Liens
http://youtu.be/PahEi9ybE0Y Après la mort de Laure (poème)
http://youtu.be/g_5X0BmbJEU Liszt Sonnet de Pétrarque


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l

Cliquez pour afficher l

Cliquez pour afficher l

Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


[img width=600]http://1.bp.blogspot.com/_ZcPpr_F27jw/S_zjH8M7bCI/AAAAAAAANuk/mPKk5wRhfVs/s1600/Fig+5+l'Africa+.JPG[/img]
Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


[/img] width=600]http://decitre.di-static.com/media/catalog/product/cache/1/image/9df78eab33525d08d6e5fb8d27136e95/9/7/8/2/8/4/2/0/9782842055738FS.gif[/img]

[img width=600]
[img width=600]http://1.bp.blogspot.com/_ZcPpr_F27jw/S_zjH8M7bCI/AAAAAAAANuk/mPKk5wRhfVs/s1600/Fig+5+l'Africa+.JPG[/img][/img]

Posté le : 20/07/2014 14:20

Edité par Loriane sur 21-07-2014 22:54:09
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


René Bazin
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57687
Hors Ligne
Le 20 juillet 1932 à Paris meurt René Bazin,

né à Angers le 26 décembre 1853 écrivain français, à la fois juriste et professeur de droit, romancier, journaliste, historien, essayiste et auteur de récits de voyages. René Bazin est le grand oncle de Hervé Bazin écrivain connu


Après une licence de droit à Paris, René Bazin suit les cours de la Faculté catholique d’Angers et obtient un doctorat en droit 1877.
En 1882, il tient la chaire de droit criminel.
En 1876, il se marie avec mademoiselle Aline Bricard ; le couple aura deux fils, dont le romancier et traducteur Louis-René Bazin, et six filles. Toute sa vie, il est porté par les valeurs que représentent la Monarchie et que l'Église continue à défendre.
En 1915, il est élu président de la Corporation des Publicistes Chrétiens, qui se fait appeler aussi Syndicat des journalistes français, et en 1917, il fonde le Bureau Catholique de la Presse.

En bref

Après avoir suivi des études à Paris et à Angers, René François Nicolas Marie Bazin devient professeur de droit à l'Université catholique d'Angers. Tout au long de sa vie, il a su rester proche des gens de sa campagne et des activités rurales. Ses œuvres de jeunesse décrivent la vie paysanne sous un jour extrêmement idéaliste. Ses voyages en Espagne et en Italie, commencés en 1893, lui ouvrent de nouveaux horizons, et il acquiert un sens de l'universalité des thèmes paysans qui donne davantage de force à ses romans plus tardifs. La Terre qui meurt en 1899 traite ainsi de façon poignante du thème de l'abandon de la terre et de l'émigration, à travers une famille dont les jeunes fuient l'un après l'autre la misère de leur Vendée natale pour tenter leur chance à la ville ou même en Amérique. Les Oberlé en 1901 aborde l'annexion de l'Alsace-Lorraine par l'Allemagne en peignant les conflits de loyauté qui divisent la famille Oberlé. Le livre est un succès, et vaut à René Bazin d'être élu à l'Académie française en 1903. Donatienne en 1903 raconte les pérégrinations d'un jeune couple de Bretons. Pour subvenir aux besoins de sa famille, la jeune maman, Donatienne, va travailler à la ville, et sera happée par la débauche de la vie urbaine. Après avoir perdu sa ferme, le mari en est réduit à la vie misérable d'un travailleur itinérant, qui va de ferme en ferme en traînant ses enfants derrière lui. Des années plus tard, une Donatienne souillée retrouve sa famille et reprend comme si de rien n'était son rôle d'épouse de fermier. Le Blé qui lève en 1907 décrit la corruption de bûcherons sous l'influence du syndicalisme.
René Bazin dépeint ainsi dans ses romans la vie rurale de la France profonde et exprime dans une langue simple mais élégante son amour de la nature et des valeurs authentiques, comme le travail, surtout celui de la terre. Même si son œuvre est aujourd'hui tombée en désuétude, il demeure au nombre des grands auteurs traditionalistes de son époque, dans la mouvance spirituelle des auteurs catholiques, dont font notamment partie Maurice Barrès, Georges Bernanos ou François Mauriac.

Sa vie, son œuvre

" Si loin que je remonte dans mes souvenirs, je me trouve écrivant des vers, soit au collège, soit, plus tard, entre deux cours de droit, sur un banc du jardin du Luxembourg. Je tenais aussi un journal de mes impressions et de ce qu'on croit être des pensées quand on est jeune."

René Bazin devient rédacteur en second au journal L'Étoile et commence à rédiger Stéphanette son premier roman, qui est publié, en 1883, en feuilleton, par L'Union, journal local. Ce roman, ainsi que le suivant, Ma tante Giron, 1885 paraît, en un seul volume, en 1884, à la maison d'édition Retaux-Bray, à Paris.
À partir de 1885, le succès de son roman Ma tante Giron lui ouvre les portes du milieu littéraire parisien. Il rencontre Léon Lavedan, directeur du Correspondant et père d’Henri Lavedan, ainsi que Georges Patinot, directeur du Journal des débats, qui accepte de publier, en feuilleton, le roman Une tache d'encre.
Dès 1885, des lectures publiques de ses romans ont lieu à la conférence Saint-Louis, cercle d'étudiants de la faculté catholique d'Angers.

En novembre 1887, il rencontre Ludovic Halévy, membre de l’Académie française, qui l’oriente vers Calmann-Lévy, éditeur célèbre dont la diffusion permet à René Bazin d'élargir son public. Calmann rachète les droits du roman Ma tante Giron, puis publie en mai 1888, en un seul volume, Une tache d'encre, roman qui, grâce à l'influence de Ludovic Halévy, est couronné par l'Académie française.
Plusieurs fois lauréat de l’Académie française, il publie des livres de voyages et collabore à La Revue des Deux Mondes ainsi qu’à divers autres journaux.
Après 1870, il est l'un des écrivains de la Revanche avec Les Oberlé et Le Guide de l'Empereur. Il est élu membre de l'Académie française en 1903, après le succès des Oberlé 1901. Il est aussi membre de l'Académie de Stanislas.
En 1909 un séjour à Hostel sur la commune de Belmont-Luthézieu, chez le beau-père de Paul Claudel, lui inspire le roman Le mariage de Mademoiselle Gimel se déroulant à Linod sur la commune voisine de Vieu.
Le roman est librement adapté de faits réels.
En 1919, après la guerre, dans Les Nouveaux Oberlé, il écrit un tableau, tout en nuances, de la découverte de la France par un jeune Alsacien qui a choisi de combattre dans l'armée française.
À l'exception notable des deux Oberlé, les romans de René Bazin ont le plus souvent pour cadre le milieu rural et paysan de l'ouest de la France qu'il évoque avec une grande richesse de vocabulaire.
Il y décrit, le plus souvent, la lutte du catholicisme et des valeurs traditionnelles contre la ville, le progrès, l'athéisme, la contagion révolutionnaire, s'inscrivant ainsi dans la mouvance agrarienne, dont une des dérives a été, 50 ans plus tard, le régime de Vichy.
Aujourd'hui certains aspects de l'écologie ne sont pas loin de la vision de René Bazin. Avec Paul Bourget, Henry Bordeaux et Maurice Barrès, il fait partie des 4 B, auteurs de référence des milieux traditionalistes de l'époque.
Ainsi La Terre qui meurt, publié en 18984, évoque le drame d'un domaine agricole doublement abandonné : d'une part, par le grand propriétaire qui va à Paris, et qui, ruiné, doit vendre jusqu'à ses meubles, et d'autre part par les fils du métayer chargé de l'exploitation agricole.
L'un émigre en Amérique, l'autre devient cheminot. Cependant, la terre finalement ne meurt pas, puisque le valet Jean Nesmy, accepté comme gendre par le métayer après quelques réticences, reprend finalement l'exploitation.
Ce livre a connu un très grand succès et en 1936 a été un des tout premiers à être filmé en couleurs.
René Bazin rédigea la plupart de ses livres dans sa propriété des Rangeardières, près d'Angers, sur la commune de Saint-Barthélemy-d'Anjou où il fut élu au conseil municipal en 1904.

Œuvres

Stéphanette 1884
Ma tante Giron 1885
Une tache d’encre 1888
Les Noellet 1890
Le guide de l'Empereur 1890
À l’aventure : croquis italiens 1891
Contes en vers 1891
La Sarcelle bleue 1892
La Légende de sainte Béga 1892
Madame Corentine 1893
Sicile : cro1893
Les Italiens d'Aujourd'hui 1894
Humble Amour 1894
Terre d’Espagne 1895
En province 1896
Contes de bonne Perrette 1897
De toute son âme 1897
Histoire de vingt-quatre sonnettes 1898
La Terre qui meurt 1898
Les Personnages de roman 1899
Croquis de France et de l'Orient 1899
Le Guide de l'Empereur : histoire de pauvres gens 1901
Les Oberlé 1901
L'Enseigne de vaisseau Paul Henry, défenseur de la mission de Pékin 1902
Donatienne 1903
Récits de la plaine et de la montagne 1904
Le Duc de Nemours 1905
L'Isolée 1905
Questions littéraires et sociales 1906
Le Blé qui lève 1907
Mémoires d'une vieille fille 1908
Le Mariage de Mademoiselle Gimel, dactylographe 1909
La Barrière 1910
Douce France 1911
Davidée Birot 1912
Nord-Sud, Amérique, Angleterre, Corse, Spitzberg, notes de voyage 1913
Gingolph l'abandonné 1914
Pages religieuses, temps de paix, temps de guerre 1915
Aujourd'hui et demain, pensées du temps de la guerre 1916
La Campagne française et la guerre 1917
Notes d'un amateur de couleur 1917
La Closerie de Champdolent 1917
Les Nouveaux Oberlé 1919
Charles de Foucauld, explorateur du Maroc, ermite au Sahara 1921
Il était quatre petits enfants : histoire d'une famille française 1922
Contes et Paysages en province 1923
Le Conte du triolet 1924
Baltus le Lorrain 1926
Paysages et pays d'Anjou 1926
Fils de l'Église 1927
Les Trois Peines d'un rossignol 1927
Pie X 1928
Le Roi des archers 1929
Magnificat 1931
Champdolent 1931
La Faneuse endormie et autres nouvelles 1949

Adaptations

La Terre qui meurt fut adapté une première fois au cinéma muet par Jean Choux en 19266, puis au parlant par Jean Vallée dix ans plus tard.


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


[img width=-00]http://www.le-livre.fr/photos/R26/R260123314.jpg[/img]

Cliquez pour afficher l



Posté le : 19/07/2014 23:45

Edité par Loriane sur 20-07-2014 09:49:13
Edité par Loriane sur 20-07-2014 09:49:22
Edité par Loriane sur 20-07-2014 09:49:30
Edité par Loriane sur 20-07-2014 09:49:39
Edité par Loriane sur 20-07-2014 09:50:47
Edité par Loriane sur 20-07-2014 09:51:55
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


François Pétraque 1 début
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57687
Hors Ligne
Le 20 juillet 1304 à Arezzo Italie naît Francesco Petrarca, en français

François Pétrarque


érudit, poète et humaniste italien. Avec Dante Alighieri et Boccace, il compte parmi les premiers grands auteurs de la littérature italienne, il meurt à Arquà le 19 juillet 1374
Plus que Dante avec Béatrice, Pétrarque est passé à la postérité pour la perfection de sa poésie qui met en vers son amour pour Laure. Pour beaucoup, l'ensemble de sa gloire, l'essentiel de sa renommée, la portée de son influence, tant stylistique que linguistique, tiennent uniquement à un volume, son immortel Canzoniere dans lequel il rénova la manière des écrivains du dolce stil novo.
C'est dans cette œuvre majeure qu'il se présente comme une sorte de Janus regardant à la fois vers le passé et l'avenir, l'antiquité et la chrétienté, la frivolité et le recueillement, le lyrisme et l'érudition, l'intérieur et l'extérieur.
Il est également l'homme qui, durant ses nombreux voyages, a retrouvé les Correspondances de Cicéron jusqu'alors perdues. Ces dernières sont à l'origine de la volonté de Pétrarque de publier ses propres lettres.

En bref

Premier des grands humanistes de la Renaissance, il est passé à la postérité pour la perfection de sa poésie en langue vulgaire (le toscan) devenue au cours des siècles, en alternative au réalisme de Dante, le modèle de tous les classicismes occidentaux.
Père de la poésie moderne et de la culture humaniste, auteur en langue vulgaire de cet immortel Canzoniere, Rerum vulgarium fragmenta, qui a suscité des foules d'imitateurs en Italie et dans toute l'Europe et qui a marqué la poésie amoureuse en Occident jusqu'au romantisme et au-delà, et d'une œuvre en latin, impressionnante par sa masse et qui, de son temps, lui valut la couronne de laurier et la gloire, Pétrarque se présente comme une sorte de Janus regardant à la fois vers le passé et vers l'avenir, l'Antiquité et la chrétienté, la frivolité et le recueillement, le lyrisme et l'érudition, la turbulence et le repos, l'intérieur et l'extérieur.
Avide des biens et des plaisirs de ce monde, follement ambitieux, actif, entouré d'une légion d'amis, de disciples, d'adulateurs, flatté et sollicité par les puissants – princes, papes et rois –, tenté et très souvent séduit par la politique – il accepta d'innombrables missions –, il est aussi ce méditatif épris de la solitude dans laquelle il s'est enfermé pendant longtemps et qu'il a élevée au rang d'un mythe. Voyageur infatigable, curieux des mœurs et des choses, amant intrépide de la nature et en même temps érudit, archéologue, philologue, lecteur subtil et passionné des auteurs latins, promoteur de l'étude du grec, même lorsqu'il est tourné vers les Anciens, il est plongé dans l'actualité : conformément à son double rôle de précurseur et de médiateur, il cherche moins, dans les œuvres du passé qu'il admire, des modèles à copier qu'un moyen, en renouant avec les traditions, en retournant aux origines, d'aller de l'avant, de créer ce monde moderne où la morale et la philosophie de l'Antiquité et la foi chrétienne se fondraient, réconciliées.

Sa vie

Le lundi 22 juillet de l’an 1304, au lever de l’aurore, dans un faubourg d’Arezzo appelé l’Horto, je naquis, en exil, de parents honnêtes, Florentins de naissance et d’une fortune qui touchait à la pauvreté.
(Pétrarque, Epistola ad Posteros, Épître à la Postérité)
Fils du notaire ser Pietro, Petrarco di Ser Parenzo, il passa son enfance dans le village de Incisa in Val d'Arno, proche de Florence car son père avait été banni de la cité florentine par les Guelfes noirs en 1302 en raison de ses liens politiques avec Dante. Le notaire et sa famille rejoignirent ensuite Pise puis Marseille et le Comtat Venaissin.

Études à Carpentras

Les exilés arrivèrent à Avignon en 1312 puis François s’installa à Carpentras où il fit ses humanités sous la férule de l’excellent maître toscan Convenole de la Prata. La tradition veut que celui-ci ait reçu de son élève un livre de Cicéron contenant, entre autres, le De Gloria aujourd’hui perdu. Toujours gêné pécuniairement, le maître avait engagé ce livre et, malgré les offres de Pétrarque pour le lui racheter, il refusa toujours par fierté. À sa mort, le poète gémit d’avoir perdu à la fois son livre et son maître. Ce fut pourtant de lui que le jeune homme acquit le goût des belles lettres. Dans une lettre à son ami d’enfance, Guido Settimo, archevêque de Gênes, qui étudia avec lui chez le maître toscan, il rappelle :
" Je séjournais quatre ans à Carpentras, petite ville voisine d’Avignon, du côté du levant, et dans cette ville j’appris un peu de grammaire, de dialectique et de rhétorique, autant que l’on peut en apprendre à cet âge et qu’on peut en enseigner à l’école."
Pour payer ses études, son père donnait chaque année au recteur du collège quatorze éminées de blé et le futur poète devait apporter son vase à vin et son gobelet pour boire au cours des repas.
À Carpentras, le jeune Pétrarque vécut un moment important. Il assista, le 1er mai 1314, à l’arrivée du Sacré Collège venu élire un nouveau pape. Les vingt-trois cardinaux – dont quinze cisalpins et huit transalpins – entrèrent en conclave puis durent se disperser face à l’attaque armée des Gascons de la famille de Clément V, le pape défunt.

Universités

Cloître de la faculté de droit de Montpellier
François, qui avait terminé ses études, quitta Carpentras pour suivre des cours de droit à l'Université. C'est lui-même qui nous indique son cursus :
"Je me rendis à Montpellier, où je consacrai quatre années à l'étude des lois ; puis à Bologne, où pendant trois ans, j'entendis expliquer tout le corps du droit civil."
Il y arriva à Montpellier au cours de l'automne 1316 et y apprécia son séjour estudiantin si l'on en croit cette confidence épistolaire :
"Là-bas aussi, quelle tranquillité avions-nous, quelle paix, quelle abondance, quelle affluence d'étudiants, quels maîtres ! "
En 1318 ou en 1319, Pétrarque perdit - en tant qu'adolescent - sa propre mère, Eletta, qui était alors âgée de 38 ans.
Détail véridique ou inventé, c'est cette disparition qui lui fit écrire ses premiers vers, une élégie de trente-huit hexamètres latins en hommage à cette mère morte à trente-huit ans.
Pourtant, ce fut dans cette cité universitaire qu'à peine un ou deux ans plus tard, se déroula un autre drame. En 1320, son père brûla ses livres. Lui et son cadet Gérard partirent alors continuer leurs études à Bologne, le plus grand centre européen d'études juridiques.
Ils étaient accompagnés de Guido Settimo, rencontrèrent les trois fils de l'influente et puissante famille Colonna, Agapito, Giordano et Giacomo et se lièrent avec ce dernier. Ce fut là, dès l'automne 1320, que le jeune homme prit conscience de la naissance d'une nouvelle forme de poésie écrite, non plus en latin, mais en langue vulgaire, le plus souvent le toscan.
La famille Colonna aura une importance considérable pour Pétrarque; il entrera en 1325 au service de celle -ci à travers Giacomo et son père, Stefano le Vieux, et jusqu'en 1347. Il vouera à la figure parentale de Stefano une affection et une admiration considérable, ayant trouvé en devenant orphelin des deux parents - le père de Pétrarque mourut en avril 1326 - un père modèle qui lui permettra de faire face aux aléas de la vie. Dans les Correspondances, il témoignera de reconnaissance pour ce lien néo-parenta.
Les deux frères ne revinrent à Avignon qu’à la mort de leur père, abandonnant leurs études de droit. François, âgé de 22 ans, attiré par la Cour pontificale, s’y installa en avril 1326. L'héritage paternel, bien écorné, permit aux deux frères de mener pendant quelques mois une vie insouciante et mondaine.

Séjour et imprécations contre Avignon

"Là, je commençai à être connu et mon amitié fut recherchée par de grands personnages. Pourquoi ? J'avoue maintenant que je l'ignore et que cela m'étonne ; il est vrai qu'alors cela ne m'étonnait pas car, selon la coutume de la jeunesse, je me croyais très digne de tous les honneurs."
François, flanqué de son ami Giacomo Colonna, s'est effectivement fait remarquer par son élégance, sa prestance et son éloquence avant de se faire admirer par ses talents poétiques. En effet, le jeune homme, qui avait définitivement abandonné le droit, s'adonna dès lors à une activité littéraire.
"Le talent qu'il va démontrer dans ces exercices poétiques et le raffinement de sa personne lui permettent d'acquérir rapidement, dans cette société courtoise, une réputation prometteuse".
Mais, pour continuer à satisfaire autant leurs besoins que leurs ambitions, les deux frères durent s'assurer des revenus réguliers. C'est sans nul doute ce qui les amena à recevoir les ordres mineurs, seule possibilité de percevoir des revenus ecclésiastiques.
En 1330, François rejoignit son ami Giacomo, évêque de Lombez où il retrouva son frère Gherardo, devenu chanoine, ainsi que deux autres de ses amis, Lello et Luigi di Campina. Son séjour estival dans la cité a été idyllique :
"Ce fut un été quasi divin grâce à la franche allégresse du maître de céans et de ses compagnons."
De retour dans la cité papale, il entra au service du cardinal Giovanni Colonna. Mais il ne se plaisait point à Avignon, la cité des papes lui semblant être une nouvelle Babylone. Il déversait sur elle les pires calomnies et médisances. La cité papale avait droit à ce type d'invective :
" Ô Avignon, est-ce ainsi que tu vénères Rome, ta souveraine ? Malheur à toi si cette infortunée commence à se réveiller ! ".
Pour lui, Avignon était l’enfer des vivants, l’égout de la terre, la plus puante des villes, la patrie des larves et des lémures, la ville la plus ennuyeuse du monde ou bien le triste foyer de tous les vices, de toutes les calamités et de toutes les misères ». Il ajouta même que La Cour d’Avignon était un gouffre dévorant que rien ne peut combler. Enfin, il eut cette formule qui fit florès Avignon, sentine de tous les vices .
Attaques contre les cardinaux français d'Avignon
Mais plus que sa haine d'Avignon, c'est celle contre les cardinaux du Sacré et Antique Collège qui éclate dans ses lettres. Les affublant du nom de boucs, il leur réservait ses traits les plus acérés.
Il cloua au pilori un de ceux-ci qui pesait de tout son poids sur les malheureuses chèvres et ne dédaignait aucun accouplement, dénonça son alter ego qui troublait tous les enclos et ne laissait aucune chèvre dormir tranquillement pendant la nuit somnifère, fustigea un autre qui n'épargnait pas les tendres chevreaux .
Dans son Invective contre le cardinal Jean de Caraman , il s'attaquait en particulier à un petit vieillard capable de féconder tous les animaux. Il avait la lascivité d'un bouc ou s'il y a quelque chose de plus lascif et de plus puant qu'un bouc. Pour que ses contemporains l'identifient avec précision, Pétrarque indiqua qu'il avait dépassé sa soixante-dixième année, qu'il ne lui restait plus que sept dents, qu'il avait la tête blanche et chauve et qu'il était si bègue qu'on ne pouvait le comprendre.
Puis il narra à son sujet un épisode tragicomique. Le barbon dut, alors qu'il était dans le plus simple appareil, coiffer son chapeau de cardinal pour convaincre une jeune prostituée effarouchée qu'il était membre du Sacré Collège.
Et le poète de conclure :
"Ainsi ce vétéran de Cupidon, consacré à Bacchus et à Vénus, triompha de ses amours, non en armes, mais en robe et en chapeau. Applaudissez, la farce est jouée."

Rencontre avec Laure

Pourtant, en 1327, en dépit de la mort de sa mère Eletta Cangiani, la cité pontificale d’Avignon lui sembla parée de tous les charmes un certain 6 avril. Ce jour-là, pour la première fois, le poète rencontra Laure. Sur son manuscrit de Virgile, il nota :
"Laure, célèbre par sa vertu et longuement chantée par mes poèmes, apparut à mes regards pour la première fois au temps de ma jeunesse en fleurs, l’an du Seigneur 1327, le 6 avril, à l’église de Sainte-Claire d’Avignon, dans la matinée."
Laure de Sade, épouse du marquis Hugo de Sade, venait d'avoir dix-sept ans et Pétrarque eut un coup de foudre. Un événement banal qui allait pourtant, par la grâce du génie d’un poète, entrer dans l’histoire de la littérature mondiale. Il allait, en effet, la chanter et la célébrer comme jamais aucun poète ne l’avait fait depuis le temps des troubadours.
Fidèle aux règles de l'Amour Courtois, le poète a peu donné de renseignements sur Laure. Il précisa seulement que sa démarche n'avait rien de mortel, que sa bien-aimée avait la forme d'un ange et que ses paroles avaient un autre son que la voix humaine .
Il en conclut : Moi qui avais au cœur l'étincelle amoureuse, quoi d'étonnant si je m'enflammais tout à coup.
Depuis quelques années, une nouvelle campagne négationniste a été développée par certains pétrarquistes. Pour eux, il faut que Laure n'ait point existé charnellement et qu'elle soit réduite, si l'on en croit leurs subtiles analyses, à un simple mythe poétique. Le plus acharné est Nicholas Mann qui nie en bloc et l'existence même de Laure et la véracité, nous le verrons plus loin, de l'ascension du Ventoux par le poète. Une dernière et récente hypothèse suggère que le personnage de Laure ait été celui d'une chanteuse rencontrée en Vénétie vers la moitié du XIVe siècle.
Ces hypothèses d'école sont battues en brèche par une lettre du poète à Giacomo Colonna, parue dans ses Epistolæ metricæ, I, 6, et qui a été écrite à Vaucluse, vers l'été ou l'automne 1338 Il est dans mon passé une femme à l'âme remarquable, connue des siens par sa vertu et sa lignée ancienne et dont l'éclat fut souligné et le nom colporté au loin par mes vers. Sa séduction naturelle dépourvue d'artifices et le charme de sa rare beauté lui avaient jadis livré mon âme. Dix années durant j'avais supporté le poids harassant de ses chaînes sur ma nuque, trouvant indigne qu'un joug féminin ait pu m'imposer si longtemps une telle contrainte.

Le 6 avril 1327 en l'église de Sainte-Claire à Avignon, Pétrarque aperçoit Laure, la femme qui inspirera sa poésie, mais non son œuvre entière, encore moins sa vie comme l'ont voulu les romantiques. Tout un courant de pensée marqué par le positivisme s'est obstiné à donner un nom et un visage à la dame du Canzoniere. On a tour à tour évoqué Laure de Noves, épouse de Hugues de Sade, Laure de Sabran, Laure de Chiabau, Laure Colonna... Cette recherche maniaque a, par réaction, produit la tendance contraire, déjà fort répandue chez les pétrarquistes de la Renaissance qui ne voulaient voir en elle qu'un pur symbole ou senhal, pour parler le langage de la poésie provençale, une personnification de la Beauté, de l'Intelligence et de la Vérité. Or, ni les images très précises qui tissent la matière lyrique, ni les transfigurations et les règles imposées par la tradition littéraire – sans compter les déclarations explicites de l'auteur lui-même, Familiares, II, IX – ne permettent de réduire Laure à un symbole ou à une allégorie. Toutefois, il semble vain de rechercher l'identité d'un être que Pétrarque, si bavard par ailleurs sur tant de détails de sa vie, tait avec une remarquable obstination, comme si son état civil et sa condition importaient peu : Laure ne vit que dans ses rimes et par ses rimes, elle est création du poète, même s'il n'est pas permis de douter qu'à l'origine de ce motif poétique il y eut une créature de chair et de sang que Pétrarque a vraiment connue et aimée. En outre, il convient de remarquer que sa divine inspiratrice ne paraît pour ainsi dire pas en dehors du Canzoniere où du reste transparaissent d'autres amours et qu'elle n'occupe qu'une place fort modeste dans une œuvre immense, caractérisée en réalité par des intérêts moraux, religieux, culturels, littéraires, historiques, civiques et politiques, lesquels, comme le prouvent amplement les documents et les textes que nous possédons, ont dominé et orienté sa vie.
Entre Terre et Ciel

Invité en 1330 par son ami de Bologne, Giacomo Colonna, alors évêque de Lombez, Pétrarque passe dans la petite ville gasconne un été quasi divin grâce à la franche allégresse du maître de céans et de ses compagnons. Il entre ensuite chez le frère de Giacomo, le cardinal Giovanni Colonna, au service duquel il restera jusqu'en 1347, non comme sous l'autorité d'un maître, mais plutôt comme sous la protection d'un père ou mieux d'un très tendre frère. Ce sont des années fécondes jalonnées par des voyages studieux et des périodes d'austère retraite, où alternent les rêves de gloire et les travaux humbles et acharnés de la création littéraire. En 1333, en homme de science avide de connaître gens et choses, il parcourt la France, le Brabant, la Rhénanie. Un an plus tard, le poète accompagna le dauphin Humbert II lors de son pèlerinage à la Sainte-Baume. En cette année 1337, à Avignon, naquit Giovanni, son fils naturel; l'événement suscita un scandale. Dans la chapelle napolitaine de Sancta Maria dell’Incoronata de Naples, lieu de culte voulu par la souveraine et édifié entre 1360 et 1373, les fresques des voûtes représentent les sept Sacrements et le Triomphe de l’Église. Dans le Mariage, les spécialistes ont pu identifier les portraits de Robert d’Anjou et de la reine Jeanne, et on suppose que dans le Baptême on a représenté Pétrarque et Laure.
À Paris, c'est la révélation des Confessions de saint Augustin, lues pour la première fois avec passion. À Liège, il sent le Pro Archia de Cicéron comme le grand manifeste de l'essence de la poésie. Sa vocation lui apparaît alors déjà clairement : avec la mise en chantier de ses deux plus vastes et plus significatives œuvres en latin, le De viris illustribus 1338-1353 et Africa 1338-1342, s'affirme son rôle de médiateur entre la culture classique et le message chrétien, se précise sa figure de précurseur et de héros de l'humanisme occidental. Au début de 1337, il réalise un de ses rêves les plus chers ; il se rend à Rome pour la première fois et admire, confondu par tant de choses grandes et belles, les vestiges de l'Antiquité et les saintes reliques.

Son cadet le rejoignit dans le Comtat Venaissin en 1336. Là, le 26 avril, François et Gérard firent l’ascension du mont Ventoux. Le poète décrivit sa randonnée de Malaucène jusqu’au sommet à François Denis de Borgo San Sepolcro. Certains auteurs ont mis en doute la date de cette montée. Pour étayer leur thèse, les adversaires de la réalité de la montée du Ventoux, en 1336, ont été obligés de déplacer la date de l'ascension après 1350, période où effectivement, pendant un demi-siècle, les accidents climatiques se succédèrent. Cet artifice leur permet d'expliquer que, dans de telles conditions, ce périple était impossible à réaliser au printemps 135313 et parle donc d’une recherche uniquement mystique.
Personne aujourd'hui ne nie que la lettre relatant la montée du Ventoux n'est pas la relation primitive que Pétrarque fit à son confesseur. Si elle a été réécrite par le poète pour mieux passer à la postérité, cela ne peut servir d'argument pour expliquer que cette ascension n'eut pas lieu.
C'est bien pourtant la voie dans laquelle s'est lancé Nicholas Mann, un professeur d'histoire de la tradition antique au Warburg Institute de l'Université de Londres. Indiquant que la lettre ne prit sa forme définitive qu'en 1353, il glose :
"Dix-sept ans plus tard, l'excursion d'une journée était devenue un programme pour la vie. Même, si au bout du compte, Pétrarque n'escalada jamais le mont Ventoux, la chaleur du récit qu'il en tira est autant littéraire que morale : la difficulté d'adopter le chemin le plus escarpé qui mène au bien ".
Des arguments bien différents en faveur de la réalité de cette montée ont été apportés dès 1937, année où Pierre Julian a fait paraître une traduction du texte latin de François Pétrarque sur L'ascension du Mont Ventoux suivie d'un essai de reconstitution de l'itinéraire du poète par Pierre de Champeville. En dépit du peu d'indications géographiques données, il en existe une essentielle. Le poète signale s'être reposé au pied de la Filiole.
Cette dénomination désigne toujours un ensemble toponymique qui comprend un piton dominant la combe la plus haute et la plus importante du Ventoux qui part du Col des Tempêtes et descend jusqu'au Jas de la Couinche. Cette combe est aujourd'hui dite Combe Fiole. Sa désignation a été, à l'évidence, faite par le berger qui guidait les deux frères. Elle est largement suffisante, à moins de traiter le poète de menteur, pour prouver qu'il a atteint dans son ascension au moins ce point précis situé à quelques centaines de mètres du sommet.
Dans son essai de reconstitution de l'itinéraire des frères Pétrarque, l'alpiniste Pierre de Champeville suppose qu'après Les Ramayettes, à la différence de la route qui emprunte à partir de là le flanc nord, ils ont parcouru la face méridionale moins boisée et plus accessible de l'ubac.

Le projet humaniste

Mais Avignon, objet de tant d'amour et de haine, permit surtout à Pétrarque de mener à bien un grand dessein qui occupa toute sa vie, « retrouver le très riche enseignement des auteurs classiques dans toutes les disciplines et, à partir de cette somme de connaissances le plus souvent dispersées et oubliées, de relancer et de poursuivre la recherche que ces auteurs avaient engagée.
Il a eu non seulement la volonté mais aussi l'opportunité et les moyens de mettre en œuvre cette révolution culturelle.
Sa notoriété de poète et d'homme de lettres désormais reconnue, ses contacts avec la Curie qui lui ouvre ses portes, le soutien efficace de la famille Colonna, lui permirent de rencontrer tous les érudits, lettrés et savants qui se rendaient dans la cité papale. À titre d'exemple, sous le pontificat de Benoît XII, Pétrarque apprit les rudiments de la langue grecque grâce à un grec calabrais, le basilien Barlaam, évêque de Saint-Sauveur, venu à Avignon avec le Vénitien Étienne Pandolo en tant qu'ambassadeurs du basileus Andronic III Paléologue afin de tenter de mettre un terme au schisme entre les Églises orthodoxe et catholique. La condition était que les armées «franques » vinssent soutenir l’empire byzantin contre la poussée turque, les arguties réciproques firent capoter cette ambassade. L’évêque Barlaam, de retour à Constantinople, en butte aux persécutions quiétistes, préféra revenir en Avignon où il se lia d’amitié avec Pétrarque.
Il créa, au cours de ces rencontres, un réseau culturel qui couvrait l'Europe et se prolongeait même en Orient. Pétrarque demanda à ses relations et amis qui partageaient le même idéal humaniste que lui de l'aider à retrouver dans leur pays, leur provinces, les textes latins des anciens que pouvaient posséder les bibliothèques des abbayes, des particuliers ou des villes.
Ses voyages lui permirent de retrouver quelques textes majeurs tombés dans l'oubli. C'est à Liège qu'il découvrit le Pro Archia de Cicéron et à Vérone, Ad Atticum, Ad Quintum et Ad Brutum du même. Un séjour à Paris lui permit de retrouver les poèmes élégiaques de Properce. En 1350, la révélation de Quintilien marqua, aux dires du poète, son renoncement définitif aux plaisirs des sens.
Dans un souci constant de restituer le texte le plus authentique, il soumit ces manuscrits à un minutieux travail philologique et leur apporta des corrections par rapprochements avec d'autres manuscrits.
C'est ainsi qu'il recomposa la première et la quatrième décade de l'Histoire Romaine de Tite-Live à partir de fragments et qu'il restaura certains textes de Virgile.
Ces manuscrits, qu'il accumula dans sa propre bibliothèque, en sortirent par la suite sous forme de copies et devinrent ainsi accessibles au plus grand nombreN 32. Un de ses biographes, Pier Giorgio Ricci, a expliqué à propos de la quête humaniste de Pétrarque :
L'aspiration à un monde idéal, soustrait à l'insuffisance de la réalité concrète, se trouve à la base de l'humanisme pétrarquiste : étudier l'antiquité par haine du présent et rechercher une perfection spirituelle que Pétrarque n'aperçoit ni en lui ni autour de lui.
Abordant la question d'une possible dichotomie entre humanisme et christianisme, il affirme :
Il n'existe aucun conflit entre son humanisme et son christianisme. La vrai foi manqua aux Anciens, c'est vrai, mais lorsqu'on parle vertu, le vieux et le nouveau monde ne sont pas en lutte.
L'admiration de Pétrarque envers les auteurs classiques n'est pas simplement la marque de son humanisme mais révèle une prise de conscience nationale, un nationalisme romain qui, à l'instar de Dante, juge les autres cultures barbares toujours imprégnées de scolastique, ce qui entraîne en retour un réveil du nationalisme français17.

Les séjours du poète à la fontaine de Vaucluse

Le site enchanteur de la Fontaine de Vaucluse
Pétrarque, parce qu’il n’aimait point Avignon ou parce que Laure ne l’aimait pas, se réfugia sur les berges de la Sorgue à la fontaine de Vaucluse à partir de 1338. Décidé de mettre un terme à ses obligations mondaines et à mener une vie consacrée à la solitude, la poésie et la réflexion, il y fit installer sa bibliothèque18. C'est ce qu'il explique dans son Épître à la Postérité : Je rencontrai une vallée très étroite mais solitaire et agréable, nommé Vaucluse, à quelques milles d'Avignon, où la reine de toutes les fontaines, la Sorgue, prend sa source. Séduit par l'agrément du lieu, j'y transportai mes livres et ma personne.
Il va y séjourner épisodiquement mais régulièrement jusqu'en 1353 faisant de ce lieu le centre de sa vie émotive et intellectuelle. Philippe de Cabassolle, l’évêque de Cavaillon, qui y possédait son château épiscopal, devint dès lors son ami le plus cher. Ses amours ne l’empêchèrent point d’avoir le sens de la formule puisqu’il déplora ce bien petit évêché pour un si grand homme.
Il resta en tout quinze années à Vaucluse. Le poète dit lui-même : Ici j’ai fait ma Rome, mon Athènes, ma patrie. Dans l'une de ses lettres à l'évêque de Cavaillon, Pétrarque explique les raisons de son amour pour la Vallis Clausa : Exilé d'Italie par les fureurs civiles, je suis venu ici, moitié libre, moitié contraint. Que d'autres aiment les richesses, moi j'aspire à une vie tranquille, il me suffit d'être poète. Que la fortune me conserve, si elle peut, mon petit champ, mon humble toit et mes livres chéris ; qu'elle garde le reste. Les muses, revenues de l'exil, habitent avec moi dans cet asile chéri.
Dans ses Familiarum rerum, il nota : Aucun endroit ne convient mieux à mes études. Enfant, j'ai visité Vaucluse, jeune homme j'y revins et cette vallée charmante me réchauffa le cœur dans son sein exposé au soleil ; homme fait, j'ai passé doucement à Vaucluse mes meilleures années et les instants les plus heureux de ma vie. Vieillard, c'est à Vaucluse que je veux mourir dans vos bras.
La Sorgue, reine de toutes les fontaines
Au cours d’un premier séjour de deux ans, il rédigea De Viris Illustribus et le monumental poème latin Africa dont les neuf livres inachevés ont pour héros Scipion l’Africain. Son second séjour, d'un an, eut lieu en 1342, après la naissance de Tullia Francesca, sa fille naturelle. Jules Courtet, le premier historiographe du Vaucluse, se permit de commenter Pétrarque n’aima que Laure. C’est possible, sauf la distraction .
En 1346, il retourna à nouveau à Vaucluse. Il y écrivit De Vita Solitaria et Psalmi Penitentiales où il implorait la rédemption. Un an plus tard, il se rendit à Montrieux rencontrer son frère Gherardo. De retour de la Chartreuse, il composa De Ocio Religiosorum.
L’année 1351 marqua le commencement des trois séjours consécutifs du poète à Vaucluse. Au cours de ces trois années, où il fustigeait les mœurs de la Cour pontificale d’Avignon, il composa ses traités Secretum meum et De otio religioso.
La somme de travail qu'il accumula est impressionnante, car c'est dans le Vaucluse que prirent corps toutes ses œuvres poétiques et littéraires, le poète le reconnaît lui-même : En résumé, presque tous les opuscules qui sont sortis de ma plume et le nombre est si grand qu'ils m'occupent et me fatiguent encore jusqu'à cet âge ont été faits, commencés et conçus ici.
Ce qui est certain, c’est que François, rêvant et travaillant sur les rives de la Sorgue, cultivait autant ses amours platoniques pour Laure que sa réputation (bien établie de poète. La solitude de la Vallis closa lui servit à faire revenir la mémoire en arrière et à vagabonder par l'esprit à travers tous les siècles et tous les lieux. En dépit de sa gloire, il revenait toujours à son séjour de prédilection. Il y organisait sa vie et écrivit à Francesco Nelli, prieur de l'église des Saints-Apôtres à Florence : J'ai acquis là deux jardins qui conviennent on ne peut mieux à mes goûts et à mon plan de vie. J'appelle ordinairement l'un de ces jardins mon Hélicon transalpin, garni d'ombrages, il n'est propre qu'à l'étude et il est consacré à notre Apollon. L'autre jardin, plus voisin de la maison et plus cultivé, est cher à Bacchus.
Pétrarque, comblé d’honneurs, cultivait donc conjointement sa muse et ses vignes. Comme il le nota lui-même la fontaine de la Sorgue aurait été un lieu parfait de résidence si l'Italie avait été plus proche et Avignon plus lointaine. C'est de plus à sa plume qu'est dû le plus ancien croquis de la Fontaine. Il dessina en marge de son Histoire Naturelle de Pline la Sorgue jaillissante du rocher sommé d'une chapelle avec en premier plan un échassier. Il légenda transalpina solitudo mea jocundissimo

Vaucluse : solitude et fécondité

De retour en Provence, cherchant à fuir la vie agitée et corrompue d'Avignon toute bruissante des souvenirs de ses années les plus frivoles, il élit domicile à quelques lieues vers l'est, dans la solitude de Vaucluse, aux sources de la Sorgue, lieu qui restera longtemps son refuge sacré, son Hélicon. C'est dans cette retraite qu'en 1340 lui parvient, à la fois de Paris et de Rome, l'invitation à recevoir la couronne de poète qu'il avait sollicitée, certes par ambition, mais aussi pour célébrer finalement, après mille ans d'injurieux oubli, le retour au culte des études littéraires et de la poésie. C'est pourquoi, du reste, il accorde sans hésiter la préférence au Capitole sur la Sorbonne et c'est là que, le 8 avril 1341, après un examen solennel à Naples où il est reconnu digne de ce suprême honneur par ce roi ami des lettres qu'était Robert d'Anjou, il reçoit des mains du sénateur romain, Orso dell'Anguillara, la couronne de laurier qu'il va déposer en un geste symbolique sur la tombe de saint Pierre.

Ce que l'on a appelé la crise de Pétrarque suit de peu cet événement : après une nouvelle période de mondanités et de plaisirs en Avignon en 1343 naît sa fille naturelle Francesca, il s'engage avec fermeté vers une voie plus recueillie et plus ascétique. Il paraît excessif de parler de conversion ou de crise, alors que tant de vers, parmi les plus anciens, portent la trace de ses angoisses morales et religieuses. Le tourment intérieur qui s'aggrava au cours des années – peut-être en partie à la suite de la décision de son frère, compagnon joyeux de ses anciennes débauches, de se retirer à la chartreuse de Montrieux en Provence – se réduit au fond à une lutte entre une foi religieuse sincère et l'impossibilité d'y adapter sa conduite, en refusant les séductions et les honneurs terrestres : situation qu'il analyse lui-même avec une impitoyable lucidité dans le Secretum meum, Mon Secret, 1342-1343 : Plus d'une fois j'ai songé à secouer le joug ancien, mais il est fiché dans mes os... je mourrai au milieu de mes péchés, si le secours ne me vient pas du Ciel. Plus que de crise, il serait donc juste de parler d'une évolution au sens moral et culturel du terme ; cette évolution l'amène à considérer comme coupable son amour pour Laure, fût-il chaste et uniquement tendu vers la conquête du Bien, parce qu'il l'incite à aimer le Créateur à travers sa créature et non l'inverse, et que par là il témoigne de son attachement à la Terre. Cette même évolution le conduit à dépasser les limites d'une admiration trop exclusive pour l'Antiquité et à prêter l'oreille à de nouveaux et plus convaincants accents. Dans le De vita solitaria 1346-1371, l'antinomie entre culture classique et culture chrétienne paraît presque entièrement résolue ; la solitude, ce grand mythe littéraire que Pétrarque a légué au monde humaniste et moderne, est pour lui le point de rencontre de l'otium litterarum des Anciens et de l'ascétisme chrétien, théorie qu'il développe dans le De otio religioso Le Repos des religieux, 1347, où héros et maîtres à penser de l'Antiquité coudoient les prophètes, les saints et les Pères de l'Église. Ainsi le projet initial de De viris s'élargit-il, empruntant sa matière aussi bien à l'histoire sainte qu'à la profane.

Ces années voient se produire des événements qui ont joué un rôle primordial dans la vie et l'œuvre de Pétrarque : son enthousiasme désintéressé pour les rêves et les tentatives de Cola de Rienzo 1313 ou 1314-1354 pour instaurer un gouvernement populaire à Rome, attitude qui l'éloigne progressivement de la cure d'Avignon et l'amène en 1347 à rompre définitivement avec le cardinal Giovanni Colonna, la terrible peste de 1348 où périssent tant d'amis et Laure elle-même, la rencontre avec Boccace, la révélation de Quintilien en 1350, date que Pétrarque indique comme celle où il a renoncé pour toujours aux plaisirs des sens

Entre ces pôles décisifs, la vie de Pétrarque se déroule, alternant les missions diplomatiques innombrables avec les haltes méditatives et créatrices. L'automne 1343 le trouve à Rome et à Naples, envoyé par les Colonna en ambassade auprès de la reine Jeanne ; en décembre 1345, il est chez Azzo da Correggio, à Parme, où il complète le Rerum memorandarum libri, Des choses mémorables, 1343-1345, puis à Bologne et à Vérone, où – découverte capitale – il exhume les lettres de Cicéron Ad Atticum, Ad Quintum, Ad Brutum qui lui donnent l'idée de ses propres recueils de lettres ; à la fin de 1345, il retourne en Avignon, mais, presque immédiatement, il se réfugie dans son Vaucluse bien-aimé pour deux années d'intense ferveur spirituelle et d'activité littéraire Bucolicum carmen, 1346-1364 ; De vita solitaria, De otio religioso. En novembre 1347, il repart de l'Italie, sans doute en mission pour le compte de Cola, que la révolution de mai a porté à la tête de l'État romain, mais la chute du tribun le contraint à bifurquer vers Vérone et Parme où – à part quelques déplacements – il reste une année avant de s'installer à Padoue, où le prince Giacomo Novello da Carrara lui avait obtenu un fort avantageux canonicat ; dans cette ville, peuplée d'amis et de fidèles, il espérait mettre un terme aux vagabondages et aux voyages, mais le seigneur de Padoue est assassiné et le désir prend Pétrarque « de revoir les collines et les eaux et les bois et le fameux pont de la Sorgue... et de mettre la dernière main à certaines petites œuvres, de manière à achever là-bas, avec l'aide de Dieu, l'ouvrage commencé avec la même aide, Familiares, XI, XII. Rien, ni la visite de Boccace à Padoue, ni les entretiens intimes et graves avec son illustre contemporain, qui au nom de la Signoria vient lui offrir une chaire à l'université nouvellement créée de Florence, rien ne le retient. Il part en mai 1351 pour Vaucluse. À Vaucluse je fus enfant, et lorsque j'y suis retourné adolescent, l'amène vallée, par sa position riante m'a apporté réconfort. Homme, j'ai passé doucement à Vaucluse mes meilleures années, tissant de fils candides la trame de ma vie. À Vaucluse, je désire finir mes jours et il me plaît mourir, Familiares, XI, IV. En dépit de fréquentes apparitions en Avignon surtout pour intervenir en faveur d'amis, dont Cola, cette quatrième retraite est particulièrement féconde : il refond et remanie le Canzoniere, commence avec les Familiarum rerum libri env. 1349-1366 à donner vie à son projet de former un corpus de ses lettres, poursuit régulièrement la rédaction des Epistolae metricae 1348-1363, entame avec vigueur sa polémique contre les médecins, ennemis acharnés des Humanae Litterae, reprend et corrige nombre de ses précédents ouvrages. La visite à son frère, leurs saintes méditations dans la paix de la chartreuse semblent couronner idéalement, en 1353, cette période de profond recueillement.

La période italienne

La mort de ses amis les plus chers, " nous étions une foule, nous voici presque seuls ", Familiares, VIII, VII, l'hostilité du pape Innocent VI qui avait succédé en décembre 1352 au bienveillant Clément VI, les conflits de plus en plus âpres qui l'opposent à la curie d'Avignon à cause de Cola, de Rome et de sa polémique contre les médecins décident Pétrarque à quitter à jamais la Provence pour rentrer dans sa patrie ; en mai, du haut du Mont-Genèvre, il salue l'Italie avec une éloquence émue : " Salut terre très sainte, terre chérie de Dieu, terre douce aux bons, aux superbes redoutable ! "Epistolae metricae, III, XXIV.

Les lauriers d'Apollon

Sa notoriété était telle qu’en 1340, son maître et confesseur, le moine augustin François Denis de Borgo San Sepolchro, lui proposa de recevoir la couronne de lauriers à la Sorbonne où il professait. Les docteurs de Paris lui offraient cette distinction pour remercier celui qui permettait la renaissance des lettres, la redécouverte des textes anciens oubliés et ouvrait la voie aux humanistes.
Le Sénat romain lui fit la même proposition. Pétrarque eut donc le choix entre Paris et Rome. S’il opta pour la Ville Éternelle, ce fut avant tout pour être honoré par Robert d’Anjou, roi de Naples et comte de Provence. Car, expliqua-t-il, Le roi de Sicile est le seul que j’accepterai volontiers parmi les mortels comme juge de mes talents .
Au cours de l’année 1341, Pétrarque quitta momentanément sa retraite de Vaucluse et sa chère fontaine pour se rendre en Italie. Le Vauclusien fut d’abord accueilli, en mars, par le roi Robert à Naples qui allait juger s’il était digne d’être couronné des lauriers d’Apollon comme prince des poètes.
Durant trois jours, Pétrarque se soumit publiquement à son jugement. Le premier jour, il discourut longuement sur l’utilité de la poésie ; le second, le roi l’interrogea sur des sujets allant de la métaphysique aux phénomènes naturels, de la vie des grands hommes à ses voyages à Paris ; le troisième, après lecture de quelques extraits de l'Africa, le souverain le déclara digne des lauriers et proclama Nous l’engageons dans notre maison pour qu’il soit possesseur et jouisse des honneurs et privilèges que possèdent les autres familiers, après avoir prononcé le serment d’usage. Ce que Pétrarque fit avec joie. Et le poète vauclusien proclama haut et fort :
"Heureuse Naples, à qui il est échu, par un singulier don de la Fortune, de posséder l’ornement unique de notre siècle ! Heureuse Naples, et digne d’envie, siège très auguste des Lettres ; toi qui parus déjà douce à Virgile, combien dois-tu le sembler davantage maintenant que réside en tes murs un juge si sage des études et des talents . "
Robert d’Anjou lui ayant proposé de le couronner à Naples, le poète insista pour l’être à Rome. Il partit donc en compagnie de Giovanni Barrili, chambellan royal et fin lettré, après avoir reçu des mains du roi l’anneau et le manteau pourpre aux fleurs de lys. Le 8 avril 1341, jour de Pâques, au cours d’une cérémonie qui se déroula au Capitole dans une pompe et une solennité extraordinaires, Pétrarque se vit remettre, par le sénateur Orso dell’Anguillara, la Couronne de laurier d’Apollon.
Dès lors, il fut porté aux nues par tout ce que l’Occident comptait de lettrés.
Mais ces lauriers si désirés déçurent rapidement le poète vauclusien. Cette couronne n’a servi qu’à me faire connaître et me faire persécuter écrivit-il à l’un de ses amis. Il confia à un autre Le laurier ne m’a porté aucune lumière, mais m’a attiré beaucoup d’envie. François Pétrarque adorait égratigner mais ne supportait pas de l’être.
Il quitta Rome et ses lauriers à l'invitation d'Azzo di Correggio, seigneur de Parme qui lui offrit l'hospitalité pour un an. Là, il découvrit et chérit sa seconde solitude à Selvapina.

Pétrarque et l’idéalisation de Rome

Rome, où le poète avait été couronné, devint dès lors pour lui une obsession. Vénérant et idolâtrant cette ville plus que toute autre, il écrivit à son propos :
Rome, la capitale du monde, la reine de toutes les villes, le siège de l'empire, le rocher de la foi catholique, la source de tout exemple mémorable.
Cette glorieuse cité ruinée, capitale d’un empire, devait retrouver tout son lustre. Pétrarque, partisan des gouvernements populaires, vit d’un bon œil la politique qu’y menait Nicola Gabrino, dit Cola di Rienzo. Mais, pour que Rome redevienne Rome, il fallait surtout que la papauté délaissât les berges du Rhône pour retourner sur celles du Tibre.
En 1342, travaillé par une profonde crise spirituelle due à sa lecture des textes de Saint Augustin, il quitta Vaucluse pour revenir à Avignon. Là, il demanda à Clément VI de retourner à Rome qui bouillonnait de révolte sous la férule du jeune et brillant de Cola di Rienzo. Ce fut une fin de non-recevoir.
Un an plus tard, il arriva à Avignon à la tête d’une ambassade italienne. Le tribun et le poète ne purent que sympathiser. Ne venait-il pas demander au Souverain Pontife de quitter Avignon pour Rome ? Lors de sa réponse, le pape ne daigna pas aborder ce sujet mais accorda aux Romains un jubilé pour l’année 1350. Déçu, le poète retourna à sa chère maison de Vallis Closa ruminer contre Clément quelques acerbes clémentines.
Le pape le sortit rapidement de sa réserve et le chargea d’une ambassade à Naples au cours de ce mois de septembre 1343. Arrivé sur place, il constata que le Royaume était comme un navire que ses pilotes conduisaient au naufrage, un édifice ruiné soutenu par le seul évêque de Cavaillon. Pétrarque dénonça à Clément VI la camarilla qui entourait Jeanne et mit particulièrement en cause un certain fra Roberto qu’il accusa d’être responsable de la décrépitude de la Cour napolitaine.
Un an plus tard, le poète vauclusien, retourné à ses chères études, commença la rédaction des quatre livres de Rerum Memorandorum. Il reprit foi dans le devenir de Rome quand, en 1347, Rienzo se fit élire Tribun. Pétrarque rompit alors avec le cardinal Giovanni Colonna et partit rejoindre la Ville Éternelle pour le soutenir.
La déception fut à la hauteur de l’espoir. Chassé de Rome le 15 décembre 1347 aux cris de Mort au tyran, Rienzo fut contraint de se réfugier chez les franciscains spirituels puis à Prague auprès de l'empereur Charles IV de Luxembourg. Celui-ci le fit incarcérer puis l'envoya à Avignon, où il fut emmuré pendant un an au Palais des Papes dans la Tour du Trouillas.
Pétrarque commença à se poser des questions sur celui en qui il voyait l'homme providentiel capable de faire renaître la splendeur de la Rome antique. Il écrivit à son ami Francesco Nelli :
Nicolas Rienzi est venu dernièrement à la Curie, pour mieux dire, il n'est pas venu, il y a été amené prisonnier. Jadis tribun redouté de la ville de Rome, il est maintenant le plus malheureux de tous les hommes. Et pour comble d'infortune, je ne sais s'il n'est pas aussi peu digne de pitié qu'il est malheureux, lui qui, ayant pu mourir avec tant de gloire au Capitole, a à supporter à sa grande honte et à celle de la République romaine d'être enfermé dans la prison d'un Bohème puis dans celle d'un Limousin.
Un an plus tard, il envoya une lettre à Rienzo dans laquelle il put lire : Vous me ferez dire ce que Cicéron disait à Brutus : Je rougis de vous .
Incarcéré à Avignon, Rienzo est resté prisonnier jusqu’au 3 août 1353. Rappelé à Rome par le cardinal Gil Álvarez Carrillo de Albornoz, il n'échappa pas à son destin et mourut lors d'une nouvelle émeute du peuple romain.

retour aux sources

Grâce à l'intervention de l'archevêque Giovanni Visconti, il s'installe à Milan, où, à part quelques rares parenthèses, il reste huit ans 1353-1361, bien que ses amis, surtout florentins, ne lui ménagent pas les reproches pour être devenu, lui naguère le défenseur de la liberté et de la solitude, le thuriféraire des tyrans ennemis de sa patrie, installé dans une ville bruyante, collaborateur actif d'une ambitieuse politique de conquête. Pourtant cette époque milanaise est une des plus heureuses et des plus fécondes de sa vie. Il termine la première véritable édition de ses Rime, se consacre aux Familiares, achève de composer le De remediis utriusque fortunae 1354-1360, travaille aux Triomphes Trionfi, 1351-1374, compose l'Invectiva 1355 contre le cardinal Jean de Caraman et l'Itinerarium syriacum, revoit et ordonne ses écrits précédents. C'est au cours de cette période d'intense activité littéraire qu'il accueille dans sa maison Boccace et, comme pour symboliser leur parfaite entente spirituelle, il plante dans son jardin des lauriers fatidiques. Cette entente se maintiendra et se renouvellera jusqu'à sa mort par un constant échange de correspondance, de nouvelles, de livres, d'amis et surtout par d'autres rencontres toujours stimulantes et riches. Cette amitié exaltante, la plus féconde des lettres italiennes, prend la forme d'une action commune pour le renouvellement, à la fois chrétien et classique, de la culture italienne, voire européenne. En 1361, fuyant la peste qui ravageait la plaine du Pô, il se réfugie à Venise, " ville auguste, seul réceptacle à notre époque de liberté, de paix et de justice, dernier refuge des bons, port unique où peuvent trouver abri les vaisseaux de ceux qui aspirent à la tranquillité" Seniles, IV, III. La Signoria fait don d'une maison sur la Riva degli Schiavoni à l'homme " dont la renommée est telle dans le monde entier qu'aussi loin qu'on remonte dans le temps il n'y eut jamais, parmi les chrétiens, poète qui puisse lui être comparé", et Pétrarque promet de léguer à sa mort tous ses livres à la République de Venise. Sa fille Francesca, son mari et leur petite fille Eletta viennent le rejoindre et leur bonheur réjouit ce père affectueux, en 1361, son fils Giovanni, natus ad laborem ac dolorem meum ", était mort de la peste. Il prend une part active à la vie et à la politique de la cité, ce qui ne l'empêche pas de poursuivre son œuvre littéraire dans la sérénité.

Mais l'affront qu'il subit, sans que la ville de Venise s'en émeuve de la part de quatre jeunes disciples d'Averroès qui, tout en reconnaissant qu'il est bon homme, voire excellent, le taxent d'illettré, tout à fait ignare parce qu'il croit plus au Christ et à l'Église qu'aux doctrines attribuées à Aristote, le détermine, après avoir répondu à ses détracteurs par le De sui ipsius et multorum ignorantia 1371, à changer une fois de plus de résidence et à se fixer à Padoue où il demeure jusqu'à sa mort, faisant la navette entre son domicile padouan et la maison qu'il avait acquise à Arquà, son dernier refuge.
Après le départ de sa fille pour Pavie, sa solitude spirituelle s'accentue, en dépit de l'amitié et de la dévotion dont il est entouré. On le pressent encore pour des missions politiques : en avril 1368, il va, en compagnie du seigneur et de l'évêque de Padoue, à la rencontre de l'empereur Charles IV qui, allié de la ligue contre les Visconti, descend en Italie ; puis il se rend à Pavie et à Milan à l'occasion des noces de Lionel, puîné du roi d'Angleterre, et passe, objet de vénération, entre les armées ennemies.
En 1370, heureux de voir enfin réalisé son grand rêve du retour de la papauté à Rome, il s'achemine vers la Ville éternelle sur l'invitation d'Urbain V, mais une syncope lui interdit de poursuivre sa route. En 1372, il accompagne pourtant le fils du seigneur de Padoue Francesco Novello, battu par Venise, pour aller implorer son pardon à la Sérénissime ; à cette occasion, il prononce un discours.
Toutefois, il ne cesse de travailler, remaniant encore et toujours ses œuvres anciennes dont l'édition définitive de ses poésies, mais entreprenant également des ouvrages nouveaux : De gestis Caesaris, l'Invectiva contra eum qui maledixit 1373, contre Jean Hesdin, les dernières parties des Triomphes ; enfin il traduit en latin la centième nouvelle du chef-d'œuvre de son ami Boccace, celle de Griselda. Quand la mort le surprend, il travaillait seul dans le bureau de sa résidence d'Arquà : on le découvre le lendemain matin, le front incliné, d'après une pieuse légende, sur un manuscrit de son Virgile bien-aimé.

La mort de Laure et le Canzoniere

Laure, le 6 avril 1348, vingt et un ans jour pour jour après sa rencontre avec Pétrarque, Laure, le parangon de toutes les vertus, trépassa, sans doute atteinte de la Peste Noire. Pétrarque était alors en ambassade auprès du roi Louis de Hongrie. Ce fut son ami Louis Sanctus de Beeringen qui, le 27 avril, lui envoya un courrier d’Avignon pour l’informer. Pétrarque reçut la missive le 19 mai. Outre la mort de l’aimée, elle l’informait qu’Avignon était vidé de ses habitants les plus notables, réfugiés dans les campagnes avoisinantes et que sept mille demeures étaient fermées.
De plus, le 3 juillet, son ami et protecteur, le cardinal Giovanni Colonna, décédait à son tour du mal contagieux. C'est à lui qu'en 1338, il avait confessé son amour pour Laure, cette dame de rang élevé, dont l'image le poursuivait dans ses pérégrinations et dans sa solitude de Vaucluse. Effondré, le poète ne put qu’écrire La postérité pourra-t-elle croire à tant de malheurs ?. Mais, son naturel reprenant le dessus, il composa un sonnet où il explique que la mort paraissait belle sur son beau visage. Celui-ci reste un des sommets de la poésie de Pétrarque, l'une des images les plus parfaites du concept idéal incarné par Laure.
Il ne lui restait plus qu’à compiler ses différents sonnets pour composer le Canzoniere dit encore Rime Sparse ou Rerum Vulgarum Fragmenta. Dans sa première partie, In Vita di Madonna Laura, le poète apparaît tourmenté par sa passion amoureuse, l'humaniste épris de vie et de gloire se heurte au chrétien cherchant à renier toutes ses faiblesses. Dans la seconde, In Morte di Madonna Laura, les tourments du poète se sont apaisés et Laure, transfigurée par la mort, devient plus tendre et plus accessible pour un François dont l'amertume a laissé place à la mélancolie.
Des poèmes qui allaient faire pendant des siècles le tour de l’Europe entière. Grâce à eux, Laure et Pétrarque entrèrent dans l'imaginaire amoureux au même titre que Tristan et Iseut ou Roméo et Juliette. L’impossible amour de Messer Francesco pour Madonna Laura avait, de toute éternité, trouvé son cadre sur les rives de la Sorgue. Il avait suffi de la magie d’une rencontre pour que le génie d’un des plus grands poètes puisse le magnifier. Car si Vaucluse est le lieu où germèrent les Épitres, c'est aussi et surtout la vallée dans laquelle l'amant de Laure vagabonda de pensée en pensée, de monts en monts.

Le départ pour l'Italie...

Si les rapports de Pétrarque avec Clément VI avaient été quelquefois tendus, une estime réciproque unissait les deux hommes. Mais sentant venir la fin de ce pontife, le 16 novembre 1352, le poète voulut quitter définitivement sa retraite de Vaucluse. Surpris par une pluie torrentielle, il dut s'arrêter à Cavaillon. Là, il apprit que les routes vers l'Italie étaient bloquées soit par la neige, soit par des soldats débandés. Il préféra faire demi-tour.
Ses relations avec le nouveau pape Innocent VI furent peu amènes. Il faut dire que le poète avait pris en grippe non seulement la Curie mais aussi les physiciens de la Cour pontificale dont l'illustre Guy de Chaulhac et que son soutien affiché à Rienzo et ses partisans, contre lesquels luttait le cardinal Albornoz en Italie, lui avait valu l'hostilité du nouveau Souverain Pontife.
Il préféra quitter Vaucluse et le Comtat Venaissin pour aller se faire oublier en Italie. Avant son départ, il s’arrêta à la Chartreuse de Montrieux pour y rencontrer son frère Gérard. Pétrarque passa la frontière au Montgenèvre en mai 1353. La vue de son pays d'origine du sommet du col souleva son émotion littéraire et il versifia :
"Salut terre très sainte, terre chérie de Dieu, terre douce aux bons, aux superbes redoutable."
Il avait quitté le village de Vaucluse au bon moment. En effet, le jour de Noël de cette même année, une bande de pillards pénétra dans la Vallis Clausa et la maison du poète fut brûlée.

... et l’impossible retour à Florence

En route à Padoue, Pétrarque se vit remettre une lettre du Sénat de Florence par l’intermédiaire de son ami Boccace. Elle lui proposait de venir enseigner à l’Université florentine qui venait d'ouvrir et de rentrer en possession des biens paternels. Dans leur missive, les sénateurs florentins le couvraient de louanges :
Illustre rejeton de notre patrie, il y a longtemps que votre renommée a frappé nos oreilles et remué nos âmes. Le succès de vos études et cet art admirable dans lequel vous excellez vous ont valu le laurier qui ceint votre front et vous rendent digne de servir de modèle et d’encouragement à la postérité. Vous trouverez dans les cœurs de vos compatriotes tous les sentiments de respect et d’affection auxquels vous avez tant de droit. Mais, afin qu’il n’y ait rien dans votre patrie qui désormais puisse encore vous blesser, nous vous accordons, de notre propre libéralité et par un mouvement de tendresse paternelle, les champs jadis ravis à vos ancêtres, qui viennent d’être rachetés des domaines publics. Le don est faible en lui-même, sans doute, et peu proportionné à ceux que vous méritez, mais vous l’apprécierez davantage si vous avez égard à nos lois, à nos usages, et si vous vous rappelez tous ceux qui n’ont pu obtenir une semblable faveur. Vous pouvez donc, à l’avenir, habiter dans cette ville qui est votre patrie. Nous nous flattons que vous n’irez pas chercher ailleurs les applaudissements que le monde vous donne et la tranquillité que vous aimez. Vous ne rencontrerez pas parmi nous des César et des Mécène. Ces titres nous sont inconnus. Mais vous rencontrerez des compatriotes zélés pour votre gloire, empressés à publier vos louanges et à étendre votre renommée, sensibles à l’honneur d’avoir pour concitoyen celui qui n’a pas d’égal dans le monde. Nous avons résolu, après mûre délibération, de relever notre ville en y faisant fleurir les sciences et les arts ; c’est par là que Rome, notre mère, acquit l’empire de toute l’Italie. Or il n’y a que vous qui puissiez remplir nos vœux. Votre patrie vous conjure, par tout ce qu’il y a de plus saint, par tous les droits qu’elle a sur vous, de lui consacrer votre temps, de présider à ses études et de concourir à lui donner ainsi un éclat qu’enviera le reste de l’Italie. Les magistrats, le peuple et les grands vous appellent ; vos dieux pénates et votre champ recouvré vous attendent. S’il y a dans notre style quelque chose qui vous blesse, ce doit être un motif de plus pour vous porter à vous rendre à nos vœux : vos leçons nous seront nécessaires. Vous faites la gloire de votre patrie, et c’est à ce titre que vous lui êtes si cher ; c’est à ce titre qu’elle vous chérira davantage si vous cédez à ses instances.

Pétrarque répondit négativement :

"J’ai assez vécu, mes chers compatriotes, suivant l’axiome du sage, qu’il faut mourir quand on n’a plus rien à désirer… Hommes illustres et généreux, si j’avais été auprès de vous, aurais-je pu solliciter rien de plus que ce que vous m’avez accordé en mon absence, et lorsque je ne le sollicitais pas ! Comblé de vos faveurs, j’oserais m’approprier la réponse que fit Auguste au Sénat, en versant des larmes : Arrivé au comble de mes vœux, que puis-je demander aux dieux si ce n’est que votre bonne volonté dure autant que ma vie ! Jean Boccace, interprète de votre volonté et porteur de vos ordres, vous dira combien je désire vous obéir et quels sont mes projets pour mon retour. Je les lui ai confiés. En vous remettant cette lettre, il vous fera connaître mes sentiments ; je vous prie de croire à ses paroles comme si je vous parlais moi-même. Fasse le ciel que votre république soit toujours florissante".
Et il ne retourna jamais à Florence.

L’ambassadeur des Visconti

À l'invitation de l'archevêque Giovanni Visconti, il se fixa à Milan d'abord dans une petite maison près de Saint-Ambroise puis au monastère de Saint-Simplicien-hors-les-murs. Au cours des neuf années de son séjour lombard, il exerça à nouveau sa verve contre Guy de Chaulhac en publiant Invective contre un médecin.
En 1356, Barnabò et Galeazzo Visconti, potentats de Milan qui venaient de succéder à leur oncle Giovanni, le chargèrent de se rendre à Prague auprès de l’empereur Charles IV de Luxembourg. Sa présence en Lombardie n’empêcha point Innocent VI d’utiliser ses talents d’ambassadeur auprès du doge Giovanni Dolfin en 1357.
Le 13 janvier 1361, à Villeneuve-lès-Avignon, arriva l’ambassadeur de Galeazzo Visconti en l’Hôtel du Dauphin. C’était François Pétrarque. Après un discours d’une rare éloquence, il remit au roi de France, de la part du Milanais, la bague sertie d’un diamant perdu par Jean II à Maupertuis. Puis il offrit au Dauphin Charles une autre bague montée d’un rubis. Ravi, le roi voulut retenir le poète à sa Cour mais Pétrarque préféra rejoindre Milan.
À son retour, son fils Giovanni venait de mourir de la peste. Fuyant l'épidémie qui ravageait la plaine du Pô, il quitta les Visconti et se réfugia à Padoue à l'invitation de Francesco da Carrara. Il se rendit ensuite à Venise, en 1362, où il fut accueilli par le doge Lorenzo Celsi. Dithyrambique, le poète proclama :
"Ville auguste, seul réceptacle à notre époque de liberté, de paix et de justice, dernier refuge des bons, port unique où peuvent trouver abri les vaisseaux de ceux qui aspirent à la tranquillité"
Il allait y rester cinq ans et fut rejoint par sa fille et son gendre. Le couple venait d'avoir une petite fille, Eletta. Au cours de ce séjour, il termina De Remediis et Familiari ainsi que son recueil Senili. Pour répondre aux attaques de jeunes vénitiens averroïstes, il composa De sui ipsius et multorum ignorantia, dégoûté d'avoir été traité d'ignorant par ce groupe.

Lire la suite -> http://www.loree-des-reves.com/module ... ost_id=6237#forumpost6237



Posté le : 19/07/2014 18:59
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


François. Pétraque 2 suite
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57687
Hors Ligne

L’installation à Arqua

En 1367, Pétrarque quitta la Sérénissime République avec sa fille Francesca et son gendre Francescuolo da Brossano pour se rendre à l’invitation de Francesco de Carrare, seigneur de Padoue. Le poète acheta alors une maison à Arqua, dans les Monts Euganéens.
Là, il apprit l’entrée triomphale d’Urbain V dans Rome le 16 octobre 1367. Pétrarque afficha une joie sans retenue. Il en fit part à son ami Francisco Bruni : "Jamais mes paroles n’ont égalé ce que je pense de ce pontife. Je lui ai fait des reproches que je croyais justes, mais je ne l’ai pas loué comme je voulais. Mon style a été vaincu par ses mérites. Ce n’est point l’homme que je célèbre, c’est cette vertu que j’aime et que j’admire avec étonnement.
Le 30 mai 1368, Urbain V décréta Barnabò Visconti coupable de révolte contre l’Église et prêcha la croisade contre lui. Le pape désirait que Charles de Luxembourg en prenne la tête. Pétrarque quitta Arqua pour se rendre à Udine auprès de l’empereur et participer à la guerre contre les Visconti.
Deux ans plus tard, alors qu’il se rendait à Rome auprès d’Urbain V, une syncope frappa le poète. Le 4 avril 1370, il dut rédiger son testament.
Quand, en 1373, Grégoire XI annonça à son tour son intention de retourner à Rome, Pétrarque en fut comblé d’aise. Un an auparavant, désespéré, il avait rédigé son Apologia contra Gallum, où il réfutait la thèse favorable au maintien de la papauté en Avignon.
Cette année-là, le poète, fatigué par l’âge, accepta quand même de reprendre sa toge d’ambassadeur pour aider son ami Francesco de Carrare. Battu par les Vénitiens, ce dernier devait non seulement verser une forte rançon mais aussi livrer son fils en otage. Ce fut Pétrarque qui l’accompagna à Venise afin de le recommander au doge Andrea Contarini.
Pétrarque mourut à Arqua, le 19 juillet 1374, terrassé par une crise d’apoplexie. Sa fille le retrouva la tête reposant sur un livre. Francesca lui fit élever un mausolée et son gendre fut son exécuteur testamentaire.

Laure et la poésie Du Canzoniere...

Épouse de Hugues de Sade ou personnage anonyme idéalisé ? La représentation réaliste de Laure dans ses poèmes contraste avec les clichés des troubadours et de l'amour courtois. Sa présence lui causait une joie inexplicable mais son amour non partagé lui fit endurer un désir insoutenable. Plus que Laure, c'est le poète lui-même qui est le personnage central. Au fil de chaque poème, il déroule l'inquiétude de celui qui n'est plus très sûr des valeurs morales de son époque .
Partagé entre l'amour profane - il confesse son vil penchant pour les femmes - et la conception médiévale de l'amour - Laure, comme Béatrice, devant lui montrer la voie qui conduit au salut - Pétrarque se réfugie dans le rêve et magnifie dans ses vers ce qui pourrait être la réalité.
Marc Maynègre résume en deux phrases cette philosophie du poète : Cette mise en scène, cette contemplation de lui-même, vont devenir contemplation esthétique, œuvre d'art. La Beauté devient alors l'Idéal du Poète.
Maria Cecilia Bertolami constate : Dès le premier sonnet, le Canzoniere se présente comme l'histoire exemplaire d'un échec. L'amour pour Laure, tel qu'il est décrit dans le premier sonnet du recueil, est un giovenile errore qui a conduit le poète à osciller constamment fra le vane speranze e il van dolore .
Pétrarque a canalisé ses sentiments en poèmes d'amour exclamatifs plutôt que persuasifs et son œuvre montre son dédain envers les hommes qui harcelaient les femmes. À l'époque de la mort de Laura en 1348, le poète considérait son chagrin aussi difficile à vivre que l'était son précédent désespoir :
Dans mon jeune âge, j'ai lutté constamment contre une passion amoureuse débordante mais pure - mon seul amour, et j'aurais lutté encore si la mort prématurée, amère mais salutaire pour moi, n'avait éteint les flammes de la passion. J'aimerais certainement pouvoir dire que j'ai toujours été entièrement libre des désirs de la chair mais je mentirais en le disant.
Ève Dupperay, éminente pétrarquienne, commente : Pétrarque reprend le thème néoplatonicien de l'amour comme médiateur entre le profane et le sacré. La poésie de Pétrarque est essentiellement une anagogie car elle se veut à la fois l'expression de l'extériorité des sentiments et de l'intériorité de la conversion .
Et ce durant toute sa vie, c'est l'analyse que fait Pier Giorgio Ricci à partir du Canzioniere et des Triomphes, ses deux œuvres majeures en langue vulgaire : « Les désirs, les espérances, les angoisses, les tristesses de Pétrarque furent toujours les mêmes, à trente ans comme à soixante ans. C'est une remarque importante parce qu'elle révèle que le climat spirituel de Pétrarque n'eut point de développements quand bien même la disposition des poèmes du Canzioniere voudrait démontrer une ascension progressive de l'humain au divin, fait confirmé par les Triomphes qui manifestent également l'intention de considérer comme atteint ce port tranquille toujours convoité par le poète.

... au Triomphe de l'Amour

Si, dans le Canzionere, Laure n'existe qu'à travers les effets qu'elle provoque dans l'âme du poète, il en va tout autrement dans les Trionfi. Commencé en 1354, ce poème allégorique est un testament spirituel où triomphent, tour à tour, le Désir et la Chasteté, la Mort et la Gloire, le Temps et l'Éternité. Ève Dupperay commente ainsi cette œuvre : Ce poème en langue italienne, en tercets d'hendécasyllabes à la manière dantesque, participe à l'œuvre la plus expérimentale de Pétrarque. Il s'inscrit dans une structure emboîtante de six Triomphes distribués en douze chapitres selon le schéma combatif et homicide du vaincu-vainqueur-vaincu où les abstractions personnifiées terrestres Amour, Chasteté, Mort, Renommée et célestes Temps, Éternité s'affrontent et s'efforcent crescendo sous un pouvoir plus irréductible dans un mécanisme qui s'accélère en degrés ascendants avec une unique triomphatrice : Laure.
Dans cette épopée amoureuse, le poète adresse à sa muse provençale cette question qu'il avait laissée sans réponse dans le Canzoniere :
L'amour fit-il jamais naître dans votre esprit la pensée d'avoir pitié de mon long tourment ?
Quittant enfin sa froideur habituelle, Laure déclare son amour à Francesco :
Jamais loin de toi ne fut mon cœur, jamais ne le sera.
Et le poète lui fait préciser :
En nous l'ardeur amoureuse était égale, avec toi était mon cœur, mais je n'osai porter mes yeux sur toi.
Alors que le Canzoniere se clôt avec une invocation au nom de la Vierge Marie, les Triomphes se terminent sur celui de Laure, son éternel amour.
Une Laure qui renvoie à quelque chose de plus haut, à une splendeur qui n'est plus humaine mais qui, cependant, garde et exalte cette humanité, explique Maria Cecilia Bertolami. Ce que confirme Pierre Dubrunquez pour qui Pétrarque, toujours hésitant entre attrait et retrait du monde, développe dans son œuvre : Une sensibilité si neuve qu'elle ne sait pas encore ce qu'elle perçoit, et une conscience qui cherche dans son patrimoine spirituel une règle de conduite pour en user.
C'est ce que laisse entrevoir Pétrarque dans une lettre adressée à l'un de ses amis :
La part la plus considérable de la vie se passe à mal faire, une large part à ne rien faire, toute la vie à ne pas être à ce que l'on fait. Me citeras-tu un homme qui attribue une valeur réelle au temps, qui pèse le prix d'une journée, qui comprenne qu'il meurt un peu chaque jour ?
Sénèque, Lettre à Luciliu
Dans ce conflit entre l'humain et le divin, Pier Giorgio Ricci souligne que, dans chacune des œuvres du poète, il est possible de trouver des allusions au temps qui s'envole, à notre vie qui n'est qu'une course rapide vers la mort, au monde qui va, lui aussi, vers une fin inéluctable.

Modernité de Pétrarque

Pétrarque a occupé dans l'histoire de la poésie et de la culture de l'Europe chrétienne et moderne une place exceptionnelle : jamais peut-être écrivain n'exerça influence aussi décisive ni aussi prolongée ; cette influence ne se limite pas en effet au champ de la littérature, elle embrasse la vie morale et politique. Si cette présence a pu être à ce point efficace, c'est qu'elle n'a cessé de rayonner, par la parole comme par la plume, qu'elle s'est imposée par le truchement d'un enseignement rigoureux et éloquent, par une œuvre prodigieuse ainsi que par une inlassable activité d' inventeur des trésors de la science et de l'art antiques ; des textes que l'on croyait perdus ont été retrouvés par ses soins ; philologue rigoureux autant que délicat, il en a illuminé d'autres par une lecture pénétrante et originale.
Sa poésie sublime, ses Nugellae vulgares, bagatelles auxquelles il tenait, à preuve le zèle amoureux avec lequel il les a tout au long de sa carrière polies et repolies, ses profondes réflexions morales et spirituelles, sa connaissance à la fois analytique et synthétique de l'histoire, sa croisade passionnée en faveur des humanités, toute son œuvre gigantesque tend à un même but et l'atteint : apporter en le dépassant une solution au problème séculaire de la conciliation du monde antique et de la culture païenne avec le monde chrétien et la foi ; l'identité fondamentale des âmes humaines – découverte qu'il proclame avec force – lui est occasion constante à des retours au passé, à des rencontres, à des rapprochements, à des affirmations de vérités semblables, à des époques et sous des cieux divers. Les paroles de saint Augustin qui, au cours de l'ascension du mont Ventoux, flamboyèrent devant les yeux de son âme, Les hommes s'en vont admirer les cimes des montagnes, l'immensité de l'océan, les révolutions des astres et ils se détournent d'eux-mêmes pourraient servir de devise à sa vie et à son art.
Depuis les grands moralistes de l'Antiquité, depuis les Pères de l'Église, personne peut-être n'avait témoigné pareille connaissance de l'homme, de ses misères et de ses grandeurs, personne ne s'était montré un champion aussi ardent de sa dignité et de sa vérité, un interprète aussi pathétique et subtil de son éternelle inquiétude, hors du sein de Dieu. Je sens toujours quelque chose d'inassouvi en mon cœur, écrivait-il dans le Secretum, fidèle à la doctrine de saint Augustin. Aussi la figure de Pétrarque n'a-t-elle cessé de dominer de très haut cette école de pensée à qui l'homme a emprunté son nom, l'humanisme. C'est pourquoi également l'art qui exprime avec le plus de rigueur et de perfection les sentiments et les aspirations les plus constants et les plus élevés de l'homme passe nécessairement par Pétrarque, de Bembo à Michel-Ange et à Ronsard, de Góngora et Milton à Klopstock, de Shelley et Heine à Leopardi, Heredia et D'Annunzio.

La diffusion du pétrarquisme en France

Phénomène européen, le pétrarquisme fait montre en Italie, en France ou en Angleterre d'une même complexité. Il se caractérise d'un côté par un succès qui en fait une mode, et qui impose un renouvellement constant – le pétrarquisme assagi des Rime 1530 de Bembo différant par exemple des recherches sophistiquées des quattrocentistes –, et d'un autre côté par des crises d'antipétrarquisme, dont témoignent les parodies italiennes de Berni, le poème de Du Bellay Contre les pétrarquistes, ou les réticences de Jodelle.
En France, la fortune de Pétrarque n'attend pas la Pléiade, comme l'attestent les adaptations de certains sonnets : six chez Marot, douze dans les Œuvres poétiques de Peletier du Mans 1547, et surtout la version de 196 sonnets du Canzoniere publiée en 1548 par Vasquin Philieul. Mais lorsqu'ils imitent, les prédécesseurs de Ronsard préfèrent la subtilité mignarde des pétrarquistes du Quattrocento. D'Antonio Tebaldeo proviennent des épigrammes de Marot sur l'incendie d'amour ou sur les effets du feu et de la neige. Serafino dall'Anquila inspire à Jean Lemaire de Belges le premier Conte de Cupido et d'Atropos, et dicte à Maurice Scève des variations sur le feu et les pleurs, le miroir et le regard. L'apport de la Pléiade est de puiser aussi dans le texte même de Pétrarque, ou chez ses imitateurs moins infidèles, Bembo et ses disciples, que nos poètes connaissent grâce aux Rime di diversi publiées à Ferrare 1545-1547. Elle aura également le mérite de composer des cycles d'une certaine ampleur, qui se succèdent à partir de 1549, date du premier canzoniere français, l'Olive de Du Bellay, et des Erreurs amoureuses de Pontus de Tyard. L'année 1552 voit paraître les Amours de Ronsard et les Amours de Méline de Jean-Antoine de Baïf, l'année 1553 les Amours d'Olivier de Magny, et la suite ininterrompue des recueils va répondre à l'engouement du public. Enfin la Pléiade a fixé les formes genres et mètre de cette imitation. Après la diversité des premiers essais, Ronsard impose sa prédilection pour le sonnet dit marotique, dont les tercets sont construits sur trois rimes, CCDEED à la façon de Marot, et non pas sur deux à la mode italienne. Les sonnets de la Pléiade sont d'abord en décasyllabes, mais l'alexandrin domine à partir de 1555. La Pléiade intronise d'autres genres pétrarquistes : la chanson, cette suite de strophes passée de Provence en Italie, la sextine, six strophes de six vers, introduite par Tyard, ou le madrigal. Compositions musicales, qui montrent bien que le pétrarquisme contribue à l'essor d'une poésie lyrique.
L'évolution postérieure correspond à une recréation incessante. À partir de 1570, le néo-pétrarquisme d'un Philippe Desportes, Premières Œuvres, 1573 est un jeu littéraire, dont les inventions galantes et les codes sont déterminés par le milieu fermé des salons aristocratiques, par exemple l'hôtel de Dampierre. Ronsard lui-même doit suivre ces goûts, et dans les Sonnets pour Hélène en 1578 il traite parfois de menus sujets, envoi de fleurs ou premier jour du Carême. Mais dans le même temps apparaît un pétrarquisme noir, au décor funèbre et aux visions sanglantes, dans le Printemps d'Agrippa d'Aubigné ou dans les poèmes d'Hesteau de Nuysement. Il préfigure le pétrarquisme baroque des années 1585-1600. Jean de Sponde ou S. G. de La Roque sont soumis au flux des métamorphoses, des apparences ou des songes, et les procédés stylistiques s'exaspèrent dans ce vertige de la mouvance.
Ces poètes n'ont cessé de réinventer le pétrarquisme, parce que Pétrarque lui-même les y invitait en valorisant l'acte de l'écriture. Certes le pétrarquisme est d'abord une façon de vivre l'amour, du coup de foudre aux serments de fidélité. Passion impossible pour un être idéal, qui a hérité par l'intermédiaire de Laure des vertus et de la courtoisie chantées par la lyrique provençale, et pour une inhumaine, aussi insensible qu'un rocher ou que Méduse : la froide Hélène en est aux yeux de Ronsard l'irritante incarnation. Le poète est dépossédé de son moi, dissocié par le jeu des contraires, entre l'espoir et la douleur, au fil d'une durée perturbée. Cette tension proche de la folie est rendue par le cliquetis des antithèses et par les images de violence et de mort, que renforce le contexte de la guerre de Troie dans les Amours de Ronsard. Mais cet échec est indispensable pour que l'expérience devienne poésie. C'est pourquoi Pétrarque et ses imitateurs français ont juxtaposé au cycle de l'amour des poèmes sur la mort de la dame : Ronsard compose en 1578 un « Tombeau » de Marie. La mort achève de dérober l'amie, qui est d'ailleurs stylisée au point qu'on ignore son individualité physique et mentale. Ainsi Pétrarque apprend aux poètes de la Renaissance à chanter l'amour en le centrant sur le personnage et sur la parole du poète, dont la Pléiade affirme le pouvoir. C'est par la contemplation poétique que l'amant possède la beauté de la dame. Lyrisme au-delà de la sincérité, puisqu'il compense précisément les manques du vécu.

Cette transposition littéraire explique que le pétrarquisme soit d'abord un système d'écriture, une grille d'images où l'amour est poison, feu, flèche, et un réseau de synecdoques, le tout étant désigné par la partie, le corps par la main ou par le regard. L'hyperbole et la périphrase dépassent le réel, jusqu'à la pointe finale, qui dégage l'essence de la beauté ou nous projette dans l'étrange. Car ces recherches aboutissent souvent à la surprise ou même au bizarre, une tentation commune au courant littéraire du pétrarquisme et à l'esthétique maniériste, qui cultivent l'un et l'autre les contrastes inattendus et l'expression indirecte. Cette écriture est difficile, au point que la Délie de Scève frôle l'hermétisme, et que les Amours de Ronsard nécessitent dès 1553 un commentaire.
Poésie d'imitation, comme le lui reproche du Bellay. Moins qu'il ne semble à première lecture, car ce système d'écriture est remodelé par la manière individuelle, imagination et travail stylistique. Ainsi la voix de Desportes est unique, qui chante l'inconstance, et l'inconsistance du monde extérieur. L'évolution de Ronsard n'est pas moins significative. Dès les Amours de 1552, inspirés par Cassandre, un tempérament voluptueux transforme les thèmes pétrarquistes : le combat allégorique devient combat amoureux, la métamorphose exprime le désir. Cette sensualité s'affirme à partir de 1555 dans la Continuation des Amours, où l'amant frustré dit sa révolte avec cynisme, mais se révèle un esthète heureux, comblé par les aubes et les printemps de l'Anjou, dans les paysages du fantasme. Parallèlement, il opte pour un style un peu plus simple. D'autres poètes au contraire ont préféré un pétrarquisme plus abstrait, en particulier les écrivains de l'école lyonnaise, Scève et Tyard. Les Erreurs amoureuses sont parsemées de termes platoniciens, idée ou exemplaire. D'autres enfin transposent les thèmes et les procédés pétrarquistes dans un registre grave, la méditation philosophique dans les Antiquités de Du Bellay, ou les visions apocalyptiques dans Les Tragiques d'Agrippa d'Aubigné. Ainsi le pétrarquisme est le détour nécessaire – détour stylistique et passage par un autre texte – pour que chacun devienne soi-même, et pour que le poète se crée un langage à part, selon le dessein de la Pléiade.

Les sonnets

Le sonnet de Pétrarque, dit sonnet italien, comprend un huitain suivi d’un sizain. Le huitain est composé de deux quatrains, le sizain de deux tercets. Il comporte une volta qui consiste en un changement majeur du sujet entre le huitain et le sixain. Le poète, dans la première moitié du poème, rime sur un thème, la seconde lui permettant de présenter, grâce à la ‘’volta’’, une réflexion personnelle à propos de ce même sujet.

Œuvres

Avec son premier gros ouvrage, Africa - une épopée en latin qui fait le récit de la seconde guerre punique - Pétrarque devint une célébrité européenne. En effet, c'est cet ouvrage qui lui valut la couronne de lauriers des poètes et la reconnaissance de ses pairs.
Cependant, si ses œuvres en latin ont consacré sa célébrité de son vivant, c'est surtout son Canzoniere, rédigé en toscan, qui passa à la postérité. À partir du xvie et jusqu'au XVIIIe siècle, nombreux furent les imitateurs de son style pur et harmonieux. Ses imitations furent si nombreuses qu'elles ont donné naissance à un courant : le pétrarquisme. Il est caractérisé par les dialogues avec les modèles antiques, le recours aux antithèses, aux symétries et aux images.

Sa mort en 1374 empêcha Pétrarque d'achever ce qui aurait dû constituer sa troisième œuvre majeure : les Trionfi. Corrado Belluomo Anello, dans le catalogue de l'exposition Le Triomphe de l'Amour : Éros en guerre, souligne que le Carros de Raimbaut de Vacqueyras est parmi les sources possibles des Triomphes du poèteN 48. Le troubadour provençal l'a inspiré au même titre que la Divine Comédie de Dante et l'Amoroso Visione de Boccace, la Bible ou les auteurs latins, Virgile, Ovide, Properce.
En dehors de l'Africa, du Canzoniere et des Trionfi, Pétrarque a laissé un très grand nombre de textes en latin : églogues invectives, biographies héroïques, récits exemplaires et plusieurs traités. Il faut ajouter à cela un Epistolario riche de plus de six-cents lettres adressées à ses parents, amis et même à certains grands penseurs de l'antiquité.
Parmi les œuvres latines de Pétrarque, on trouve De Viris Illustribus, le dialogue Secretum dans lequel il fait le récit de ses pensées et de ses combats intérieurs et qui n'était pas destiné à la publication, un débat avec saint Augustin, un Rerum Memorandarum Libri, un traité incomplet sur les vertus cardinales, De Remediis Utriusque Fortunae, son œuvre en prose latine la plus populaire, Itinerarium, un guide sur la Terre promise et De Sui Ipsius Et Multorum Ignorantia, contre les Aristotéliciens. Il a écrit ses œuvres culturelles et son épopée poétique en latin, ses sonnets et chants en toscan, idiome qui allait dès lors fixer la langue littéraire italienne.

Un texte apocryphe de Pétrarque

La Cronica delle vite de Pontefici et Imperatori Romani est généralement attribuée sans preuve à PétrarqueN 49. Ce texte, qui fut pour la première fois imprimé à Florence en 1478 puis à Venise en 1534, est surtout célèbre car il élève la papesse Jeanne au rang de personnage historique.
En Italie, une tradition vivace voulait qu’une femme d'origine anglaise, mais née à Mayence, se fût travestie en homme pour poursuivre des études avec son amant. Ils se rendirent à Athènes puis à Rome. Anna ou Agnès, tel aurait été son prénom, dissimulant toujours son sexe, fut reçue dans les milieux ecclésiastiques et en particulier par la Curie. Son savoir et son charisme furent tels que le conclave l’éleva sur le trône de saint Pierre. Mais ce qui devait arriver arriva : la papesse se retrouva enceinte. Au cours d'une procession qui se déroulait entre Saint-Pierre du Vatican et Saint-Jean de Latran, elle fut prise de contractions et fut contrainte d’accoucher publiquement, ce qui lui valut d’être condamnée à mort.

Manuscrits et incunables

Dès le XIVe siècle commence la diffusion des œuvres du poète par des traductions.
En France, ce fut en 1378 que Jean Daudin rédigea De Remediis en français pour le Dauphin à la demande du roi Charles V.
Il fut suivi par Philippe de Mézières qui, entre 1384 et 1389, traduisit Griseldi .
À la Bibliothèque Inguembertine de Carpentras se trouve l’un des plus anciens manuscrits du Canzoniere milieu XVe siècle avec, sur deux médaillons, les portraits de Pétrarque et de Laure de Sade. Ce recueil des sonnets à la louange de Madonna Laura débute ainsi :In comincia la cantilena di Messer Francesco Petrarco famossimo poeta fiorentina chiamato il canzioneri... .
Le Canzoniere et les Trionfi figure dans le manuscrit vénitien du cardinal Mazarin dont les enluminures furent réalisées par Cristoforo Cortese en 1420. Ce manuscrit se trouve à la Bibliothèque nationale de Paris
Un manuscrit des Trionfi, calligraphié à Florence par Besse Ardinghelli en 1442 et illustré par Apollonio di Giovanni, fait partie des collections de la Bibliothèque Laurentienne. Un autre manuscrit florentin des Trionfi, provenant du studio de Francesco d'Antonio del Ghierico et réalisé vers 1456-1457, est déposé à la Bibliothèque nationale.
La bibliothèque de l'Université de Manchester possède seize éditions incunables des Rime de Pétrarque, depuis l'édition princeps de 1470, imprimée à Venise par Vindelinus de Spira, jusqu'à l'édition de 1486 avec sa typographie à la mode différenciant les vers imprimés en gros caractères et les commentaires en petits caractères.
Une attention toute particulière doit être portée à la merveilleuse et rarissime édition Lauer de 1471 ainsi qu'à trois éditions vénitiennes différentes de 1473.
En 1476, la ville de Florence offrit à Charles VIII, roi de France, un manuscrit des Triomphes somptueusement illustré. Quant à celui de la Walter Art Gallery de Baltimore, il a été composé à la fin des années 1480 par Sanvito.
Deux manuscrits vénitiens des Trionfi, datés de la fin du XVe siècle se trouvent l'un au Musée Jacquemart-André et son jumeau à la Bibliothèque Apostolique du Vatican . Au cours de la même période, à Paris, fut enluminé un livre des Triomphes de l'Amour par un artiste inconnu dénommé le Maître des Triomphes de Pétrarque.
Manchester détient également deux éditions des Rime qui ne se trouvent pas dans l'incomparable Willard Fiske Collection de la bibliothèque de l'université Cornell : l'édition napolitaine de 1477 par Arnold de Bruxelles et une édition vénitienne de 1480 due à un imprimeur inconnu. Elle possède en outre quatre-vingt des approximativement cent-cinquante éditions publiées au cours du XVI siècle, dont la totalité des éditions Aldine, les fameuses éditions lyonnaises contrefaites, ainsi que deux des dix exemplaires sur vélin de l'édition de 1501.
Enfin, la Bibliothèque nationale, le Musée Condé à Chantilly et le British Museum possèdent les éditions du Laure d'Avignon : au nom et adveu de la Royne Catharine de Médicis, Royne de France, extraict du poete florentin François Petrarque ; mis en françois par Vaisquin Philieul à Carpentras. La première fut imprimée à Paris en 1548, la seconde à Avignon.

Éditions des œuvres Pétrarquisme et anti-pétrarquisme

Italie

Une Accademia degli Umidi fut fondée par un groupe de jeunes marchands florentins en novembre 1540. Son but était d'offrir une seconde chance à ces marchands qui n’ont pas eu accès à la culture classique. Elle était consacrée à la poésie, à la philosophie puis aux sciences. Ses principaux fondateurs furent Niccolò Martelli, Luigi Tansillo, Annibal Caro et le Bronzino. Réunis autour de Giovanni Mazzuoli da Strada par une même admiration pour Dante et Pétrarque, une commune passion pour les lettres, leur but était de défendre l'utilisation de la langue florentine.
Placée au départ sous le simple patronage de Cosme Ier, elle passa sous sa coupe. Le grand-duc imposa statuts et membres, lieux de réunions et productions littéraires3. Le 23 février 1541, elle changea son nom en Accademia Fiorentina o Società di Eloquenza38, mais elle fut le plus souvent désignée sous celui de l'Accademia Fiorentina. Son premier secrétaire fut Anton Francesco Doni.

France

À la suite d'une rencontre entre Jacques Peletier du Mans et Joachim du Bellay puis avec Pierre de Ronsard, l'idée d'un renouveau littéraire germa et prit tout d'abord le nom de La Brigade. Il allait donner naissance à la Pléiade, réunissant sept poètes très influencés par Pétrarque qui allaient se retrouver dans une même démarche celle de La Défense et Illustration de la Langue Française.

Au même moment, dans tous les pays de langue d'oc, une renaissance littéraire se fit aussi sous l'influence du pétrarquisme avec le gascon Pey de Garros (1525-1583), le provençal Bellaud de la Bellaudière (1543-1588) et le languedocien Auger Galhard (1540-1593)40. Il faut également compter parmi les adeptes du pétrarquisme le lyonnais Maurice Scève (1501-1564), à qui l'on a attribué de son temps la découverte du Tombeau de Laure41.

Jugements sur Pétrarque et sur son œuvre

Vittore Branco, dans sa biographie consacrée au poète, affirme que :"Pétrarque a occupé dans l'histoire de la poésie et de la culture de l'Europe chrétienne et moderne une place exceptionnelle : jamais, peut-être, un écrivain n'eut une influence aussi décisive ni aussi prolongée".

Au XIVe siècle

Quand il apprit la mort de Pétrarque, Grégoire XI salua en lui une lumière éclatante de la sagesse morale et demanda à Philippe de Cabassolle, son Vicaire en Italie de lui procurer ou de lui faire copier, De Africa, ses Invectives et De Vita Solitaria.

Au XVe siècle

"Au grand Pétrarque, nous sommes redevables en premier lieu d'avoir fait surgir du caveau des Goths les lettres depuis longtemps ensevelies."
Jean Pic de la Mirandole 1463-1494

Au XVIe siècle

"J'allèguerai Pétrarque, duquel j'ose bien dire que, si Homère et Virgile avaient entrepris de le traduire, ils ne pourraient le rendre avec la même grâce et naïveté." Joachim du Bellay 1522-1560

Au XVIIe siècle

La reine Christine de Suède 1626-1686 qui lui portait une admiration sans borne eut ce mot à son sujet : Grandissimo filosofo, grandissimo innamorato, grandissimo poeta ! .
Madeleine de Scudéry, qui tenait le poète vauclusien en grande estime, lui rend hommage dans Clélie puis dans Mathilde où elle narre le récit de ses amours avec Laure. Dans cette dernière nouvelle, la Grande Précieuse fait quatorze fois référence à des sonnets du Canzionere.

Au XVIIIe siècle

Le poète vauclusien a perdu toute son aura et est même dénigré. C'est ce que fait Voltaire en 1764 :
"Pétrarque, après tout, n'a peut-être d'autre mérite que d'avoir écrit des bagatelles sans génie dans un temps où ces amusements étaient fort estimés parce qu'ils étaient rares. "
Seul l'Abbé de Sade 1705-1778 s'intéressa au poète auquel il consacra trois tomes intitulés Mémoires pour la vie de François Pétrarque, tirés de ses œuvres et des auteurs contemporains avec les notes ou dissertations et les pièces justificatives.

Au XIXe siècle

Chateaubriand et Victor Hugo, les deux géants de la littérature française, lui rendirent hommage en des termes tout à fait différents :
" Siècle fécond, jeune, sensible, dont l'admiration remuait les entrailles ; siècle qui obéissait à la lyre d'un grand poète, comme à la loi d'un législateur. C'est à Pétrarque que nous devons le retour du souverain pontife au Vatican ; c'est sa voix qui a fait naître Raphaël et sortir de terre le dôme de Michel-Ange "

— François-René de Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, partie 2, livre 14, chapitre 2 Voyage dans le midi de la France, 1802
"Pétrarque est une lumière dans son temps, et c’est une belle chose qu’une lumière qui vient de l’amour. Il aima une femme et il charma le monde. Pétrarque est une sorte de Platon de la poésie ; il a ce qu'on pourrait appeler la subtilité du cœur, et en même temps la profondeur de l’esprit ; cet amant est un penseur, ce poète est un philosophe. Pétrarque en somme est une âme éclatante. Pétrarque est un des rares exemples du poète heureux. Il fut compris de son vivant, privilège que n’eurent ni Homère, ni Eschyle, ni Shakespeare. Il n'a été ni calomnié, ni hué, ni lapidé. Pétrarque a eu sur cette terre toutes les splendeurs, le respect des papes, l’enthousiasme des peuples, les pluies de fleurs sur son passage dans les rues, le laurier d'or au front comme un empereur, le Capitole comme un dieu.

Verlaine a écrit un sonnet intitulé :

À la louange de Laure et de Pétrarque

Chose italienne où Shakspeare a passé
Mais que Ronsard fit superbement française,
Fine basilique au large diocèse,
Saint-Pierre-des-Vers, immense et condensé,

Elle, ta marraine, et Lui qui t’a pensé,
Dogme entier toujours debout sous l’exégèse
Même edmondschéresque ou francisquesarceyse,
Sonnet, force acquise et trésor amassé,

Ceux-là sont très bons et toujours vénérables,
Ayant procuré leur luxe aux misérables
Et l’or fou qui sied aux pauvres glorieux,

Aux poètes fiers comme les gueux d’Espagne,
Aux vierges qu’exalte un rythme exact, aux yeux
Épris d’ordre, aux cœurs qu’un vœu chaste accompagne.
Paul Verlaine Jadis et naguère

Au XXe siècle

Pierre de Nolhac 1869-1936, qui fut conservateur du musée de Versailles et l'un des meilleurs spécialistes de Pétrarque et de son école, écrivit :
" Pétrarque est donc du petit nombre des esprits auxquels, sans le savoir, nous devons tous quelque chose de notre vie intellectuelle. Il faut juger sa grandeur à celle des idées qu'il a fait revivre et dont l'Europe n'a pas encore, après des siècles, cessé de nourrir sa pensée. "
En 1947, Aragon et Picasso unirent leurs talents pour faire éditer à 110 exemplaires Cinq sonnets de Pétrarque. Aragon, pour cet hommage, a finement pétrarquisé en plaçant en exergue They said Laura was somebody else , jeu de mot bien dans la veine du poète vauclusien où le texte anglais qui affirme : Ils disent que Laure était une autre, laisse à entendre et à lire le nom d'Elsa.

Héritage

En novembre 2003, des anatomistes ont annoncé vouloir exhumer le corps de Pétrarque à Arquà Petrarca dans le but de vérifier les rapports établis au XIXe siècle indiquant qu'il avait une taille de 1,83 m, ce qui l'aurait rendu très grand pour cette période. Le groupe de scientifiques souhaitait aussi reconstruire son crâne pour obtenir une image numérisée de ses caractéristiques faciales. Malheureusement, les tests d'ADN effectués en 2004 ont révélé que le crâne trouvé dans son cercueil n'était pas le sien, ce qui entraîna l'annulation de toute l'opération.


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l

Cliquez pour afficher l

Cliquez pour afficher l

Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


[img width=600]http://1.bp.blogspot.com/_ZcPpr_F27jw/S_zjH8M7bCI/AAAAAAAANuk/mPKk5wRhfVs/s1600/Fig+5+l'Africa+.JPG[/img]
Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


[/img] width=600]http://decitre.di-static.com/media/catalog/product/cache/1/image/9df78eab33525d08d6e5fb8d27136e95/9/7/8/2/8/4/2/0/9782842055738FS.gif[/img]

[img width=600]
[img width=600]http://1.bp.blogspot.com/_ZcPpr_F27jw/S_zjH8M7bCI/AAAAAAAANuk/mPKk5wRhfVs/s1600/Fig+5+l'Africa+.JPG[/img][/img]

Posté le : 19/07/2014 18:56

Edité par Loriane sur 20-07-2014 10:25:13
Edité par Loriane sur 20-07-2014 10:27:57
Edité par Loriane sur 20-07-2014 10:32:03
Edité par Loriane sur 20-07-2014 14:22:27
Edité par Loriane sur 20-07-2014 14:31:09
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Paul Valéry
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57687
Hors Ligne
Le 20 juillet 1945 à Paris, meurt à 73 ans Ambroise Paul Valéry

Né Paul Toussaint Jules Valéry


écrivain, poète et philosophe français symboliste, né à Sète dans l'Hérault le 30 octobre 1871

En Bref

Le 30 octobre 1871 naissait à Cette devenu Sète Ambroise Paul Toussaint Jules Valéry, fils de Barthélemy Valéry, vérificateur principal des douanes, et de Fanny Grassi, issue de la noblesse italienne. Le jeune Paul entre d'abord chez les frères dominicains 1876, puis au collège de Cette Sète octobre 1878.
Ce collège avait des charmes sans pareils. Les cours dominaient la ville et la mer. L'enfant se construit déjà un univers : J'ai dû commencer vers l'âge de neuf ou dix ans à me faire une sorte d'île de mon esprit, et, quoique d'un naturel assez sociable et communicatif, je me réservais de plus en plus un jardin très secret où je cultivais les images qui me semblaient tout à fait miennes, ne pouvaient être que miennes …. En 1884, il renonce à entrer à l'École navale et tente de dériver cette passion marine malheureuse vers les lettres et la peinture. Il écrit ses premiers vers. Cette activité est plutôt un refuge pour échapper au lycée de Montpellier, où il entre en 1884. Les horaires tambourinés, les exercices lui semblent absurdes. Dès cette époque et malgré la pression de l'école, Valéry se forge sa propre culture. Il lit le Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe s. au XVIe s. de Viollet-le-Duc, la Grammaire de l'ornement The Grammar of Ornament, 1856 d'Owen Jones. Il écrit des notes, des vers, et il peint. Il étudie les arts savants du Moyen Âge, de Byzance et quelque peu la Grèce. Malgré cette érudition peu scolaire, il obtient son baccalauréat en 1887 et commence en 1888 son droit à Montpellier. Sous l'instigation de son ami Pierre Féline, il s'intéresse aux mathématiques. En 1889, il publie sa première œuvre, Rêve, dans la Revue maritime. Mais le monde littéraire lui est encore fermé.
C'est en 1890, au cours d'un banquet à Palavas, que Valéry fait la connaissance de Pierre Louÿs 1870-1925, qui le met en relation avec André Gide, qu'il rencontrera au mois de décembre de la même année. Une amitié, dont témoigne une correspondance, se noue entre les deux hommes. Louÿs met également Valéry en relation épistolaire avec Mallarmé, le maître de l'heure, à qui il demande conseil : Seule en donne la solitude, répond le poète.
Valéry est alors lancé dans le monde des lettres. En 1891, il publie dans la Conque le premier état de Narcisse parle, l'Ermitage, le Paradoxe de l'architecte. Le Journal des débats prophétise : Son nom voltigera sur les lèvres des hommes. Vers la fin de cette année, Valéry séjourne à Paris, où il rencontre enfin Mallarmé et Huysmans, l'auteur d'À rebours, qu'il considère comme sa bible et son livre de chevet. Pendant ce temps, il termine sa licence en droit, qu'il obtiendra en 1892.
Une ascèse géométrique

Sa vie

Né d'un père d'origine corse et d'une mère génoise, Paul Valéry entame ses études à Sète alors orthographiée Cette chez les dominicains, puis au collège de Sète et enfin au lycée de Montpellier. Il commence en 1889 des études de droit. Cette même année, il publie ses premiers vers dans la Revue maritime de Marseille. Sa poésie de cette époque s'inscrit dans la mouvance symboliste. En 1890, sa rencontre avec Pierre Louÿs sera déterminante pour l'orientation de sa vie de poète. Ce dernier lui présentera André Gide et l'introduira dans le cercle étroit de Stéphane Mallarmé. Paul Valéry lui restera fidèle jusqu'à sa mort solitaire.
Nuit de Gênes :
Dans la nuit du 4 au 5 octobre 1892, il connaît à Gênes ce qu'il décrit comme une grave crise existentielle. Il sort résolu à "répudier les idoles" de la littérature, de l'amour, de l'imprécision, pour consacrer l'essentiel de son existence à ce qu'il nomme "la vie de l'esprit". En témoignent les Cahiers dans lesquels il s'astreint à noter toutes ses réflexions au petit matin. Après quoi, ajoute-t-il en manière de boutade, ayant consacré ces heures à la vie de l'esprit, je me sens le droit d'être bête le reste de la journée .
La poésie n'est pas pour autant exclue de sa vie, car justement, selon Valéry, tout poème n'ayant pas la précision exacte de la prose ne vaut rien. Tout au plus a-t-il vis-à-vis d'elle la même distance que Malherbe affirmant sérieusement qu'un bon poète n'est pas plus utile à l'État qu'un bon joueur de quilles.
Quoi qu'il en soit, Paul Valéry indique à plusieurs reprises qu'il considère cette nuit passée à Gênes comme sa véritable origine, le début de sa vie mentale.

1892 : une année déterminante ; une passion platonique tourne à l'idée fixe. Et, au cours de vacances passées à Gênes, dans une nuit orageuse d'octobre, Valéry prend la décision de renoncer à toute vie sentimentale et littéraire. Il se consacrera désormais à la connaissance pure et désintéressée. Il est alors entre moi et moi, entre ce moi ancien soudain pulvérisé, de jeune homme promis à un brillant avenir littéraire, et ce moi nouveau qu'il va se forger par la force de l'esprit pour correspondre à une image idéale à laquelle il s'efforcera d'adhérer parfaitement, image dénuée de tout sentiment, de toute sensation. Ceux-ci agressent, dérivent et détériorent le Moi pur vers lequel il s'achemine, dans lequel le hasard, auquel les surréalistes attacheront une importance fondamentale, ne doit intervenir en aucune manière. Refusant la passion, il se livre passionnément à la conscience. Sublimation ? Cela semble peu probable. Mais Valéry s'interdit d'être gouverné par l'ingouvernable. Il entend garder en permanence le contrôle de soi, une distance respectable entre ses idées et ses gestes. Il guillotine l'amour et la littérature pour se délivrer des faux-semblants. La question se pose : ne s'est-il pas guillotiné lui-même en parlant de l'autre comme d'un ennemi qui entame et appauvrit le Moi divin, s'il ne le fait disparaître ? Quoi qu'il en soit, l'amour lui apparaîtra comme un besoin, analogue au manger et au boire. Tout le reste est littérature, comblement du vide pour rendre attrayante une existence animée par l'ennui. L'acte sexuel est une violence dont chacun pâtit. L'amour ? il ne permet aucun dépassement. C'est un passage sournois vers la mort, un suicide pour le moins.
Dès lors, les idoles, littéraires et amoureuses sont jetées à bas, Mallarmé y compris. De retour à Montpellier, Valéry se débarrasse de tous ses livres. Il ne s'intéresse plus qu'aux lectures ayant un rapport direct avec ses propres préoccupations, repoussant le bizarre, l'énorme, le brutal, qui lui font toujours un peu hausser les épaules. Il se livre à la seule réflexion et explique ce dépouillement systématique, au jour le jour, dans ses Cahiers il en produira 251, où il note scrupuleusement les moindres variations de son intellect préoccupé de lui-même.

En 1894, il s'installe à Paris, où il commence à travailler comme rédacteur au ministère de la Guerre, et où il se lie avec Paul Léautaud. En 1900, il devient le secrétaire particulier d'Édouard Lebey, le directeur de l'agence Havas, auquel il restera attaché pendant vingt-deux ans. Cette occupation lui réserve de nombreux loisirs pour se livrer à ses recherches. Il ne publie que des essais desquels semble bannie toute préoccupation poétique : Introduction à la méthode de Léonard de Vinci 1895, la Soirée avec Monsieur Teste 1896, la Conquête allemande 1897.
Il reste distant de l'écriture poétique pour se consacrer à la connaissance de soi et du monde. Depuis 1900 jusqu'en 1922, secrétaire particulier d'Édouard Lebey, administrateur de l'agence Havas, il s'affaire chaque matin aux petites heures à la rédaction de ses Cahiers, journal intellectuel et psychologique dont l'essentiel n'est publié qu'après sa mort.
En 1900, il épouse Jeannie Gobillard, cousine germaine de Julie Manet fille de Berthe Morisot et d'Eugène Manet, frère d'Edouard Manet, cette dernière épousant ce même jour Ernest Rouart. Le double mariage est célébré en l'église Saint-Honoré d'Eylau, dans le quartier de Passy, à Paris. Le couple Valéry est logé dans l'immeuble construit par les parents de Julie Manet, dans la rue de Villejust, aujourd'hui, rue Paul-Valéry dont a hérité la jeune fille, alors qu'elle n'avait pas dix-huit ans 1895. Le couple Valéry-Gobillard aura trois enfants et demeurera lié au couple Rouart-Manet qui aura trois fils, au point que les deux familles partageront aussi leurs vacances dans la propriété Le Mesnil, achetée par Berthe Morisot et Eugène Manet sur les bords de Seine, en aval de Meulan, peu avant la mort d'Eugène en 1893. Julie, unique héritière après le décès de Berthe Morisot en 1895, laissera les portes du Mesnil ouvertes au couple Valéry-Gobillard jusqu'à ce que la mort les sépare.
Paul Valéry se rend régulièrement Rue de Rome aux mardis de Stéphane Mallarmé, rencontres littéraires qui ont lieu au domicile du poète dont il sera l'un des fidèles disciples.

Le poète officiel

Valéry ne fera sa rentrée en poésie qu'en 1917 avec la Jeune Parque. Encore a-t-il fallu les pressions amicales de Gide et de Gaston Gallimard pour le convaincre de ne pas renoncer définitivement à la littérature. Depuis 1912, ils lui avaient demandé de publier ses vers de jeunesse.
Durant ces années de silence, Valéry n'a pas rompu avec les milieux littéraires et artistiques. Il s'est lié avec les grands peintres de l'époque, et son mariage 1900 avec Jeannie Gobillard, nièce de Berthe Morisot, n'a fait que resserrer ses liens avec le monde des arts.
Le succès de la Jeune Parque est considérable. Valéry devient l'auteur à la mode. Il est invité dans les salons de la haute société, et la parution du Cimetière marin dans la Nouvelle Revue française en 1920 et de l'Album de vers anciens la même année ne font que consolider sa réputation. Charmes, en 1922, n'ajoute rien à sa gloire. Valéry a été désigné l'année précédente comme le plus grand des poètes contemporains.
À la même époque, son patron, M. Lebey, étant décédé, il décide de se consacrer uniquement à la littérature. Il est constamment sollicité pour écrire des préfaces, des essais, pour faire des tournées de conférences à travers la France et toute l'Europe, articles et conférences qui seront rassemblés dans la série de Variétés (Variété, 1924 ; Variété II, 1929 ; Variété III, 1936 ; Variété IV, 1938 ; Variété V, 1944, Tel quel Tel quel I, 1941 ; Tel quel II, 1943, Regards sur le monde actuel (1931). Il est regardé comme une espèce de poète d'État, et tous les honneurs lui sont donnés. En 1925, Valéry est élu à l'Académie française au fauteuil d'Anatole France. Il cumule les fonctions honorifiques : président du Pen Club de 1924 à 1934, membre du Conseil des musées nationaux, président de la cinquième session des arts et lettres à la Société des Nations 1935, titulaire de la chaire de poétique au Collège de France 1937. Il poursuit jusqu'à la fin de sa vie cette activité littéraire et mondaine, glorieuse. Les funérailles nationales en 1945 ne feront rien pour arranger cette image factice qu'on s'est faite de lui et qui met au second plan le poète qu'il fut dans toute l'acception de ce terme, le chercheur quotidien, le créateur incontesté.

La poésie

En 1917, sous l'influence de Gide notamment, il revient à la poésie avec La Jeune Parque, publiée chez Gallimard. Il brise un 'long silence' avec ce poème de 500 vers auquel il a consacré quelque quatre années. Initialement, il devait écrire - à la demande de son éditeur Gallimard et de son ami André Gide - une préface poétique d'une trentaine de lignes pour accompagner une réédition de ses premiers poèmes. Mais il fut dépassé par le projet initial et écrivit alors ce que d'aucuns considèrent comme son chef-d'œuvre : le monologue intérieur d'une jeune femme en proie à un combat entre le corps et l'esprit, écrit dans un formalisme digne de son maître Mallarmé.

Un autre grand poème suit quelques années plus tard : Le Cimetière marin, 920, puis un recueil, Charmes 1922. Toujours influencé par Stéphane Mallarmé, Paul Valéry privilégia toujours dans sa poésie la maîtrise formelle sur le sens et l'inspiration : Mes vers ont le sens qu'on leur prête. En particulier dans le tercet de la page 96 :

Cette main, sur mes traits qu'elle rêve effleurer
Distraitement docile à quelque fin profonde,
Attend de ma faiblesse une larme qui fonde

existe une controverse sur le fait que le verbe utilisé soit fondre ou fonder.
Après la Première Guerre mondiale, Paul Valéry devient une sorte de poète officiel, immensément célèbre — peu dupe, il s'en amuse — et comblé d'honneurs. En 1924, il devient président du Pen Club français, puis est élu membre de l'Académie française l'année suivante. Dans le discours de réception qu'il prononce le 23 juin 1927, Paul Valéry fait l’éloge d'Anatole France, son prédécesseur, sans prononcer son nom une seule fois2. En effet il ne pardonnait pas à Anatole France de s'être autrefois opposé à la publication de poèmes de Mallarmé.

En 1931, il est promu au grade de commandeur de la Légion d'honneur ; en 1932, il entre au conseil des musées nationaux ; en 1933, il est nommé administrateur du Centre universitaire méditerranéen de Nice ; en 1936, il est nommé président de la Commission de synthèse de la coopération culturelle pour l'exposition universelle ; en 1937, on crée pour lui la chaire de poétique au Collège de France ; en 1938, il est élevé à la dignité de grand officier de la Légion d'honneur ; en 1939, enfin, il devient président d'honneur de la SACEM. Il fut par ailleurs membre du Comité d'honneur de l'Association du Foyer de l’Abbaye de Royaumont.
Son œuvre véritable, pendant ce temps, continue toujours dans l'ombre. La profondeur des réflexions qu'il a émises dans des ouvrages exigeants, Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, La Soirée avec monsieur Teste, ses réflexions sur le devenir de la civilisation Regards sur le monde actuel et sa vive curiosité intellectuelle en ont fait un interlocuteur de Raymond Poincaré, Louis de Broglie, Henri Bergson et Albert Einstein.

Occupation allemande

Sous l'Occupation, Paul Valéry, refusant de collaborer, prononce en sa qualité de secrétaire de l'Académie française l'éloge funèbre du juif Henri Bergson. Cette prise de position lui vaut de perdre ce poste, comme celui d’administrateur du Centre universitaire de Nice Centre universitaire méditerranéen.

Il meurt le 20 juillet 1945, quelques semaines après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Après des funérailles nationales à la demande de Charles de Gaulle, il est inhumé à Sète, au cimetière marin qu'il avait célébré dans son poème :

Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes…

Engagement associatif

Paul Valéry a également été président de l'Union française pour le sauvetage de l'enfance de 1941 à 1945.

Un délire de lucidité

Le travail de Valéry s'est étendu sur une cinquantaine d'années ; années de labeur incessant. Les vingt années durant lesquelles l'écrivain afficha un refus de littérature n'ont jamais été qu'un silence peuplé, pour reprendre l'heureuse expression d'André Nadal. Durant ces années silencieuses, Valéry s'est encore davantage fondé en lui-même ; il a aiguisé ce pouvoir de faire des œuvres qui l'intéresse, en fait, plus que l'œuvre elle-même. Est-ce à dire que l'œuvre est inutile ? Elle n'est qu'un moyen pour avancer dans cette quête de soi-même, un mécanisme choisi pour aider à découvrir le mécanisme de l'être humain, qui le passionne, et dont il sera le spécimen favori.
Narcissisme ? Cette obsession de soi, de son moi exclusivement, unique, autonome, inaltérable, parfois triomphant, pourrait le laisser accroire. En vérité, il ne s'agit pas d'un moi psychologique, inséré dans une histoire spécifique qui serait, en l'occurrence, la sienne, mais d'un moi pur de toute incursion étrangère, indifférent à l'événementiel, un moi impersonnel, dirait Rimbaud. Le moi est un pronom universel, appellation de ceci qui n'a pas de rapport avec un visage. Ce moi édulcoré s'assume dans sa totalité après avoir écarté l'autre, le différent. Ma vie est ce qu'elle est mais elle n'est pas celle des autres : elle est MA vie et ce possessif lui donne son prix, et ce moi, cette vie qui est la sienne et qui ne peut être assimilée à aucune autre ne deviennent ce qu'ils sont qu'à force d'attente et de patience et de volonté de les vouloir tels. Ils sont une lente et longue conquête dont la fin est sans lieu et le processus infini, incessant : Pas de changement, pas de révolution mais une évolution jusqu'au bout de moi-même. Le fond n'est jamais atteint. La fin donne à plonger encore davantage : Écoute ce que l'on entend lorsque rien ne se fait entendre ?.
Valéry réduit son univers au Moi, à son moi, qui lui est le plus proche, un objet privilégié dont il faut déjouer les faux-fuyants, dénoncer les contorsions, dénouer les entrelacs mystificateurs pour mettre à nu le mécanisme. Cet affrontement de soi, ce délire de lucidité, ne peut être en partie épongé que par la toute-puissance de l'intellect appliquée sur la matière première de la poésie, du langage. Notre poésie ignore et même redoute tout, l'époque et le pathétique de l'intellect. À la suite de Rimbaud, en même temps que Mallarmé, Valéry déplore : Nous n'avons pas chez nous de poète de la connaissance. Qu'à cela ne tienne ! Il sera le premier. Cette quête passionnée de l'intellect épuré est le problème de Monsieur Teste, tout à la fois Tête et Texte imbriqués l'un dans l'autre sans séparation. Monsieur Teste possède la froide et parfaite clarté, la lucidité meurtrière et inexorable. Il voit les choses comme elles sont, telles quelles, et s'efforce de découvrir les lois qui les régissent. Qui es-tu et comment connais-tu ? Telles sont les questions fondamentales de l'œuvre de Valéry.
L'intellect combat sans relâche les débordements trompeurs des passions, des sentiments : L'intellect est une tentative de s'éduquer en vue d'empêcher les effets de déborder infiniment des causes.Tous nos orages affectifs font une énorme dissipation d'énergie et s'accompagnent d'une confusion extrême des valeurs et des fonctions. Il s'agit de se rendre maître de cette confusion qui régit le cheminement de la conscience, de dominer non point l'esprit des autres mais le sien propre ; en connaître le fonctionnement, s'en rendre maître afin d'en disposer à son gré, Gide. Mais ne pas se laisser aller au flux des sentiments ou des passions ne signifie pas nécessairement qu'il faille imposer une autorité, qui, elle aussi, peut être trompeuse. Valéry propose une conduite qui n'est ni celle du relâchement, ni celle de l'autorité systématique, mais celle de l'attention, de la patience aux choses et à soi, de l'écoute permanente et lucide. Il prône le temps de la maturation, de la classification, de l'ordre, de la perfection, qui se découvrent nécessairement si l'on écarte les faux-semblants, à partir d'ailleurs d'une contrainte justement dosée : Il faut se soumettre à une certaine contrainte : pouvoir la supporter ; durer dans une attitude forcée pour donner aux éléments de pensée qui sont en présence ou en charge, la liberté d'obéir à leurs affinités, le temps de se joindre, de se construire et de s'imposer à la conscience et de lui imposer je ne sais quelle certitude. Contrainte et liberté, Apollon et Dionysos s'affrontent sans que jamais l'un cède à l'autre. Avec cette rigueur de tout instant, Valéry ne risque pas de s'égarer dans l'enthousiasme et quand bien même serait-il celui de l'intellect. Quant à la passion amoureuse, elle est, par excellence, l'accident désastreux de l'esprit : Aimer : disposer intérieurement – donc entièrement – de quelqu'un pour satisfaire un besoin imaginaire et, par conséquent, pour exciter un besoin généralisé. Valéry ne fut jamais dupe de cette folie qui le guette, et, si folie il y a, c'est encore celle de l'intellect : Je sens ma folie à travers ma raison …. Mais c'est non ma folie mais celle des choses, de la réalité … dans toute sa puissante inexplicabilité essentielle. Il s'agit d'en rendre compte sans la dénaturer, de doser sa part de rêve et sa part de réalité, que les hommes insatisfaits y ont placées sans même s'en rendre compte. Non content de tenter de dire en permanence la prise de conscience de la conscience, Valéry fut en même temps un constructeur, plus précisément un architecte d'une méthode et non pas d'un système comme moyen d'investigation. En cette matière, Léonard de Vinci fut son modèle. N'a-t-il pas le premier allié d'une manière remarquable l'esprit scientifique et l'esprit artistique, l'un étant inséparable de l'autre ?

L'écriture comme architecture infinie

L'un et l'autre sont en effet un moyen pour parvenir à un objet dans la plus haute perfection. Dans Eupalinos ou l'Architecte, il retrouve le problème déjà posé dans l'Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, qu'il examina. Il lui importe de saisir le chemin de labyrinthe aussi bien extérieur qu'intérieur, des méandres de la conscience, de saisir le cheminement qui va de l'observation à l'expression. Comment connais-tu est le problème essentiel qu'il se pose. Eupalinos est l'architecte parfait qui n'oublie aucun détail et qui, en plus de la connaissance universelle, est doué d'une lucidité à toute épreuve. Du flot de l'inspiration, Valéry saisit le purement poétique, le diamant qu'il sort de la gangue, pour parvenir à l'expression pure, à un classicisme, somme toute, où se trouve formulé essentiellement ce qui est à dire, qui a surmonté, non sans peine et sans mal, le flux tumultueux de la conscience brute. Tout classicisme suppose un romantisme intérieur. Le poète, obsédé par la pureté de la forme, opère un choix allant se raréfiant, mais ce choix, si strict soit-il, n'est jamais unique et définitif. L'œuvre sera donc toujours inachevée et perfectible, ce qui explique peut-être le long silence de Valéry, durant lequel il affirma non seulement sa conscience, mais sa maîtrise de la forme, sa méthode. Ce perfectionnisme incessant qui cherche à s'approprier la chose allant s'édulcorant a pu faire dire de Valéry qu'il était obscur. Valéry n'a fait que vouloir exprimer des états infiniment complexes ; d'où la complexité de la composition de ses poèmes.
À côté de Valéry poète et prosateur, il ne faut pas négliger l'essayiste qui n'a cessé de s'interroger, d'interroger les problèmes posés par le monde dans lequel il vivait, les civilisations qui l'entouraient. Humaniste, il le fut au plus haut point, recherchant l'homme autour de lui et en lui-même.
Valéry a traversé immuable la première moitié du XXe s., poursuivant son œuvre sans relâche, presque indifférent au grand courant littéraire et artistique qui l'a bouleversé, le surréalisme. Son indépendance totale, faisant fi des modes et des engouements, lui a permis de mener à bien une expérience qui, même si elle resta inachevée, témoigne d'une authenticité réelle, dont l'exemple demeure un modèle.

Son œuvre

Les essais de Valéry traduisent ses inquiétudes sur la pérennité de la civilisation, Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles , l'avenir des droits de l'esprit , le rôle de la littérature dans la formation, et la rétroaction du progrès sur l'homme.
Sa série Variété I, II, III, IV, V se compose d'un autre type d'écrits : ceux qui lui ont été commandés et qu'il n'eût sans doute, de son aveu, jamais écrits de lui-même. Ils n'en témoignent pas moins d'une profondeur d'analyse impressionnante que l'on retrouve aussi dans la série de courts essais sur divers sujets d'actualité du XXe siècle publiée sous le titre : Regards sur le monde actuel (Voir par exemple Notre destin et les lettres.
Sa correspondance avec André Gide a été plusieurs fois publiée à la NRF, la dernière édition à ce jour 2013 datant de 2009. On y découvre tant un Gide impressionné par la puissance intellectuelle de Valéry, que des aspects humains peu connus du second dont un flirt "poussé", et surtout un témoignage sur la façon dont ces deux écrivains assistaient inquiets à la montée des périls des années 1930.
On retrouve dans ses Cahiers des passages de Tel quel ainsi que des indications probablement destinées à faciliter leur regroupement en un seul ouvrage ou en des ouvrages ultérieurs : Nombres plus subtils, Robinson, etc.
Il a aussi publié L'Idée fixe.
Paul Valéry est également connu comme traducteur en vers Les Bucoliques de Virgile) et apprécié pour ses préfaces critiques "Lucien Leuwen" de Stendhal, "Les Chimères" de Nerval.

Philosophie

La portée philosophique et épistémologique de l'œuvre de Valéry est souvent méconnue, peut-être en raison de la publication tardive de ses cahiers. Pourtant Valéry est l'un des penseurs éminents du constructivisme3.

Le rapport que Valéry entretient avec la philosophie est singulier. Dans ses Cahiers il écrit : Je lis mal et avec ennui les philosophes, qui sont trop longs et dont la langue m'est antipathique.En effet, s'il s'inspire librement de Descartes en ce qui concerne une certaine méthode du penser il est en revanche très critique sur le discours philosophique lui-même. Pour Valéry, le philosophe est plus un habile sophiste, manieur de concepts, qu'un artisan au service du Savoir comme l'est le scientifique.
En revanche, son désir de comprendre le monde dans sa généralité et jusqu'au processus de la pensée lui-même — caractéristique du philosophe — oriente fortement son travail, ce qui se manifeste en particulier dans :

La Crise de l’esprit Variété I Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles
Petite Lettre sur les mythes Variété II
La Politique de l’esprit, Le bilan de l'intelligence (Variété III) Nous entrons dans l'avenir à reculons
Discours de réception à l’Académie française
Discours de l’histoire Variété IV
Discours aux chirurgiens, L’Homme et la coquille Variété V
Notre destin et les lettres Regards sur le monde actuel
et tout au long de ses Cahiers.

Bibliographie Œuvres

Introduction à la méthode de Léonard de Vinci 1895
La Soirée avec monsieur Teste 1896
Essai d'une conquête méthodique 1897
La Jeune Parque 1917
La Crise de l’esprit 1919
Le Cimetière marin 1920
Album de vers anciens 1920
Charmes 1922
Eupalinos ou l'Architecte 1923
L'Âme et la danse 1923
Variété I 1924
Propos sur l'intelligence 1925
Monsieur Teste 1926
Variété II 1930
Regards sur le monde actuel 1931
Amphion 1931
Pièces sur l'art 1931
L'idée fixe ou Deux Hommes à la mer 1932
Discours en l'honneur de Goethe 1932
Sémiramis 1934
Notion générale de l’art 1935)en ligne
Variété III 1936
Degas, danse, dessin 1938
Discours aux chirurgiens 1938
Variété IV 1938
Mauvaises pensées et autres 1942
Tel quel 1941, puis 1943 Cahier B 1910; Moralités; Littérature et Choses tues
Dialogue de l'arbre 1943
Variété V 1944

Posthumes :

Mon Faust 1946
L'Ange 1947
Histoires brisées 1950
Lettres à quelques uns 1952 Correspondance de Paul Valéry s'étageant tout au long de sa vie.
Vues 1948
Œuvres I 1957
Les Principes d'anarchie pure et appliquée 1984
Corona et Coronilla 2008
La totalité des Cahiers est consultable en fac-similé à la bibliothèque du Centre Georges-Pompidou de Paris. Réédition, Gallimard, 2009.

Liens

http://youtu.be/mxAEsFa7FRg Opinion dez Valéry sur la guerre et Hitler
http://youtu.be/O5Hv5C3JGNw Le cimetière marin
http://youtu.be/anS-bJHFg2Q Valéry lu par F. Lucchini
http://youtu.be/POElbxmuFKE Fragment de Narcisse.




Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l

Posté le : 19/07/2014 14:46

Edité par Loriane sur 20-07-2014 12:53:18
Edité par Loriane sur 22-07-2014 17:33:31
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Erik Axel Karlsfeldt
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57687
Hors Ligne
Le 20 juillet 1864 à Karlsbo sv Folkärna, Dalécarlienaît naît Erik Axel Karlfeldt

mort le 8 avril 1931 à Stockholm, poète suédois dont la poésie fut extrêmement populaire et qui reçut de manière posthume le Prix Nobel de littérature en 1931, bien qu'il l'eût précédemment refusé en 1918.
Il a transposé avec réalisme et humour les traditions et les peintures naïves des paysans à travers ses poèmes dalécarliens Chansons de Fridolin, 1898. Prix Nobel 1931


Sa vie

Karlfeldt est né dans une famille de fermiers, à Karlsbo sv, dans la province de Dalécarlie. Né Erik Axel Eriksson, il choisit son nouveau nom en 1889, souhaitant ainsi marquer sa distance avec son père déshonoré par une condamnation dans une affaire criminelle. Il a étudié à l'Université d'Uppsala, obligé de payer ses études en donnant des cours à plusieurs endroits, dont Djursholm, une banlieue de Stockholm et dans une école pour adultes.
Après ses études, il obtint un poste à la Bibliothèque royale de Suède, à Stockholm, pendant cinq ans.
Son enfance et sa jeunesse sont sans histoire si ce n'est que, par la force des choses, les paysages de Dalécarlie — lacs, forêts, villages et fermes aux couleurs vives — et leurs habitants en constituent la toile de fond. Ses examens passés, en 1898, il enseigne puis devient bibliothécaire.
En 1904, Karlfeldt fut élu membre de l'Académie suédoise et occupa le fauteuil 11. En 1905; il fut élu membre de l'Institut Nobel de l'Académie, et, en 1907, du Comité Nobel. En 1912 il fut élu secrétaire perpétuel de l'Académie, fonction qu'il occupa jusqu'à sa mort.
L'Université d'Uppsala, où Karlfeldt a été étudiant, lui a décerné le titre de Docteur honoris causa en 1917.

Aborder l'œuvre extrêmement originale de ce poète suédois implique deux présupposés : d'abord, que l'on connaisse bien les fameuses peintures murales de Dalécarlie, province du centre de la Suède, naïves et colorées à souhait, qui illustrent avec ingénuité quelque passage de la Bible ; ensuite, que l'on se rappelle que Linné était suédois et qu'en ce pays tout homme bien né vit en symbiose étroite avec la flore et la faune. Musique, nature et petit peuple d'une des plus pittoresques provinces du Nord, telles sont les composantes d'une inspiration dont la fraîcheur et la sympathie font le prix.

Dès son premier recueil de poèmes, Chansons du désert et chansons d'amour 1895, tous ses thèmes sont en place : dans une forme d'une extrême simplicité, qui s'entend admirablement à faire chanter les sonorités du suédois, il exalte, non sans réminiscences romantiques, la grande nature à demi sauvage du Nord, sans trop d'idéalisation, avec un sens aigu de la réalité et, surtout, une sorte de fascination pour les motifs qui, depuis le Moyen Âge, sous-tendent un folklore d'une belle richesse. Mais c'est à dater de 1898 qu'il conçoit son principal personnage poétique, appelé à connaître dans son pays une belle popularité, ce Fridolin qu'il définit comme un homme instruit, d'origine paysanne, qui est revenu au monde de ses pères quand il lui a paru séduisant de creuser la terre après avoir perdu tout son temps à ne fouiller que dans les livres.
Les Chansons de Fridolin 1898 forment un curieux recueil poétique où joie de vivre, voire jovialité populaire, et mélancolie se mêlent. La bonne humeur vient de ce fond de vieille culture populaire doré par le romantisme du souvenir, les touches plus graves sont dictées par le sentiment de tout ce que nous avons perdu en passant au modernisme. Le Jardin d'Éden de Fridolin, 1901 introduit un élément nouveau qui a, plus que tout, contribué à la gloire du poète. Un certain nombre de pièces s'attachent à y décrire les célèbres peintures murales dalmålningar de Dalécarlie ou, plutôt, à en restituer, en vers libres, l'atmosphère et la tendresse.
Les peintres populaires qui ont décoré dessus de portes et voûtes d'églises de scènes bibliques adaptées à leur goût — on y voit le jardin d'Éden, Élie sur son char, Jonas dans la bouche de la baleine, mais tous en costumes suédois modernes avec bicornes et parapluie au bras — ont voulu parler simplement, candidement à leurs semblables, et c'est cela que Karlfeldt sait merveilleusement retrouver.
Devenu célèbre, il compose deux recueils encore à la gloire de la sagesse populaire : Flore et Pomone 1906 et Flore et Bellone 1918. Restent les Pensées et propos publication posthume, 1932 et ce Cor d'automne 1927 où l'inspiration religieuse a définitivement pris le dessus. À quoi bon déplorer ?
La vie et la mort sont de l'homme, résignons-nous à nous réconcilier avec celle-ci comme nous avons spontanément tant aimé celle-là. Nous avons aimé, bu, chanté, vécu sub luna — sub luna morior.

Ce dernier recueil avait décidé les augures à décerner à Erik Axel Karlfeldt le prix Nobel : il refusa par modestie ; ce n'est qu'après sa mort, en 1931, qu'il lui fut acquis. À juste titre, s'il faut le dire : il reste un artiste qui sut faire chanter le vers suédois comme bien peu de ses compatriotes, un homme du Nord, dont l'inspiration ne se pouvait concevoir sans la grande nature, ses sons, ses parfums et ses couleurs.

Œuvres

Erik-Axel Karfeldt était considéré comme le chantre de fridolin. Ce surnom lui fut attribué en l'honneur d'un personnage qui revenait souvent dans ses poèmes, Fridolin. Ce jeune étudiant d'origine paysanne, compose tantôt des poèmes des seigneurs, et par d'autres moments des chants populaires. Mais, si Karfeldt était de l'avis unanime, considéré comme le chantre de Fridolin, il n'en demeure pas moins que sa poésie ne se résume pas à cela.

En 1895, il publie son premier recueil de poèmes, Vildmarks - och kärleksvisor Chansons de la lande et Chansons d'amour. Hélas, ce livre ne lui rapportera pas la renommée qu'il espérait.
En 1898, il écrit Fridolins visor Chansons de Fridolin. C'est le début de l'univers de Fridolin.
C'est en 1901 qu'il publie Fridolins lustgard och Dalmalningar pa rim L'Eden de Fridolin et Peintures dalécarliennes.
En 1906, paraît le fin recueil de poèmes, Flora och Pomona Flore et Pomone.
Ce fut en 1918 que le cinquième recueil poétique de Karfeldt sortit, sous le nom de Flora och Bellona Flore et Bellone. Mais pendant que E.-A. s'était consacré à des travaux d'érudition, seul, le monde avait beaucoup changé. Les écrivains des années 1910 introduisaient le réalisme dans la description de la société et la nouvelle génération se désintéressa du monde sentiment des années 1890. Karfeldt eut donc à supporter divers critiques pour son manque de conformisme et son indifférence à l'égard des évènements politiques. Les critiques étaient justifiées jusqu'à un certain point. Karfeldt s'était plongé dans la peinture paisible de la vie paysanne ; son vocabulaire, sa langue imagée avaient emprunté leurs couleurs au monde bucolique de la Dalécarlie.
Dans le dernier recueil de Karfeldt, paru en 1927, la préciosité et le ton de prédication ont tous deux disparu. Ce livre prend le nom de Höstorn Cor d'automne.

Prix Nobel de littérature

Le 8 octobre 1931, six mois après son décès, Erik-Axel Karlfeldt, secrétaire perpétuel de l'académie suédoise, reçoit le Prix Nobel, sur la proposition de l'un de ses confrères, Monseigneur Nathan Söderblom, archevêque d'Uppsala.

Poèmes en chansons

Le compositeur suédois Wilhelm Peterson-Berger a composé de nombreux chants populaires basés sur des poèmes d'Erik Axel Karlfeldt, dont Aspåkerspolska.

Liens
http://youtu.be/oaRgQK9QKAg Chez Erik Axel Karlsfeldt
http://youtu.be/2HAJY60z9AM Poème chanté en suedois



Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Posté le : 19/07/2014 13:37

Edité par Loriane sur 20-07-2014 13:33:15
Edité par Loriane sur 20-07-2014 19:47:19
Edité par Loriane sur 21-07-2014 23:12:35
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


William Faulkner
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57687
Hors Ligne
Le 6 juillet 1962 à 64 ans meurt à Byhalia dans le Mississippi William

Faulkner
,

William Cuthbert Falkner de son nom de naissance romancier, scénariste américain, appartenant au Mouvement Littérature moderniste Courant de conscience, né le 25 septembre 1897 à New Albany dans l'État du Mississippi. Il écrit de nombreux romans, nouvelles, scénario et poésie, il reçoit le prix Prix Pulitzer, Prix Nobel de littérature, National Book Award. Ses Œuvres principales sont : Le Bruit et la Fureur en 1929, Tandis que j'agonise en 1930, Sanctuaire en 1931, Lumière d'août en 1932, Absalon, Absalon! en 1936, souvent considéré comme l'un des plus grand chef-d'oeuvre de la littérature universelle.
Il est essentiellement connu pour ses romans et ses nouvelles, mais il a aussi publié des poèmes et a travaillé occasionnellement comme scénariste pour le cinéma. Publié à partir des années 1920, il reçoit le Prix Nobel de littérature en 1949, alors qu'il est encore relativement peu connu.
Faulkner, qui a situé la plupart de ses récits dans son état natal du Mississippi, est l'un des écrivains du Sud les plus marquants, aux côtés de Mark Twain, Robert Penn Warren, Flannery O'Connor, Truman Capote et Tennessee Williams. Mais au-delà de cette appartenance à la culture sudiste, il est considéré comme un des plus grands écrivains américains de tous les temps et un écrivain majeur du XXe siècle, qui a exercé une grande influence sur les générations suivantes de par son apport novateur.
La vie et l'œuvre de Faulkner semblent vouées au recueillement, à l'ensevelissement dans un passé sudiste minutieusement reconstitué. En fait, Faulkner est moins un réaliste qu'un créateur épique. Les personnages se retrouvent d'un roman à l'autre, membres d'un même univers, unis par les liens du sang, de la haine et de l'imagination de l'auteur. Faulkner est le fondateur d'un territoire américain, le Yoknapatawpha, comté imaginaire de l'État du Mississippi, pays plat et fertile, dont le nom assemble deux mots indiens et signifie le pays où l'eau coule lentement à travers les terres plates. Au centre, la ville de Jefferson, avec la place et le palais de justice au milieu. Plus loin, la banlieue, où se forge la fortune des Snopes, où se ruine l'aristocratie de planteurs. Champs, maisons, routes poussiéreuses du Sud, tout est agencé avec une telle minutie qu'on a adressé des cartes du Yoknapatawpha, des annuaires et des arbres généalogiques de ces 15 611 personnages, dont 6 298 Blancs et 9 313 Noirs.
L'œuvre de Faulkner, qu'on associe généralement, quoiqu'elle n'y soit pas réductible, à son comté mythique du Yoknapatawpha, est peut-être de tous les monuments littéraires du XXe siècle l'un des plus forts et des plus originaux – tant par le nombre quelque vingt-cinq romans et sept à huit douzaines de nouvelles que par le sceau d'une vision profondément personnelle de l'expérience humaine.
De Sartoris aux Larrons, l'œuvre constitue une immense chronique des comportements humains dans leurs avatars les plus divers, les plus extrêmes et les plus violents : tantôt tragiques Le Bruit et la fureur, Lumière d'août, Absalon ! Absalon !, Parabole, tantôt comiques Tandis que j'agonise, et surtout Le Hameau, le meilleur livre d'humour américain depuis Mark Twain. Mais cette diversité, qui situe l'œuvre du côté des grands créateurs de mondes romanesques (Balzac, Dickens, Hardy, ne doit pas faire illusion : Faulkner est aussi un étonnant poète au langage intense, d'un livre à l'autre immédiatement reconnaissable, signe indiscutable d'une ambition : Tout dire en une phrase.En ce sens, il est proche de Flaubert, de Joyce, de Proust.
Dans l'œuvre achevée, il y a donc la qualité d'un discours perpétuel sur le moi, sur le monde, sur leurs conflits – et sur le discours du moi et du monde : cette œuvre immédiate est aussi réflexive. Si le discours est verbal, c'est qu'il ne peut être gestuel : chez Faulkner, le verbe est porté à sa plus haute puissance dans un effort tendant à faire sursignifier le langage. L'impression est d'une écriture totale, à la fois enivrante et engouffrante, où toute notion du réel le Sud s'abolit au profit d'une fiction onirique le Sud faulknérien aussi contraignante qu'un grand mythe.
Mais l'œuvre-action de Faulkner est constituée d'œuvres indépendantes, construites de façon autonome malgré les nombreux passages et les personnages qui y circulent, telle Temple Drake de Sanctuaire à Requiem pour une nonne. On aurait tort de songer à un vaste édifice érigé pierre à pierre et à dessein. Il s'agit plutôt d'une série de plongées verticales, plus ou moins profondes, vers les racines de toute expérience. Or, chaque plongée prend sa forme propre et celle-ci signifie autant que le discours. Inlassable expérimentateur, Faulkner n'a jamais démissionné de son métier d'artiste : c'est le principal témoignage que l'œuvre porte au-delà des contenus particuliers des romans.
Et c'est dans la somme de ses quelque douze cents personnages, de son prodigieux bestiaire et de son étonnante nature que s'établit la responsabilité de Faulkner, laquelle renvoie en dernière analyse à son écriture. Celle-ci, véritable création, laisse loin derrière elle le réalisme ainsi que la morale et la psychologie traditionnelles, pour ouvrir la voie à cet art à la fois moderne et ancien qu'on peut dire anthropologique.

sa vie

Fils de Murry Cuthbert Falkner et Maud Butlet, il est issu d'une famille d'hommes d'affaire et de loi, d'anciens riches déchus et désargentés à New Albany dans le comté de Union Mississippi. La famille Falkner, originaire de Caroline, émigre d'abord au Tennessee, où l'arrière-grand-père du romancier devient une personnalité haute en couleur, Colonel, banquier, homme de loi, entrepreneur de chemin de fer, deux fois accusé de meurtre et finalement assassiné sur la grand-place d'Oxford, c'était aussi un journaliste et un romancier, auteur d'un best-seller américain, The White Rose of Memphis. Ce fabuleux ancêtre hante l'œuvre de Faulkner, dont les parents, après avoir vendu le chemin de fer familial, mènent une vie plus modeste dans la quincaillerie. Établi à Oxford Mississippi, William Falkner est un élève distrait, volontiers mystificateur. Profondément influencé par la vie des États du sud américain, le Mississippi marque son sens de l'humour, du tragique par le clivage social entre race Noire et race Blanche de l'époque, sa capacité à forger des personnages typiques du sud. Il prend le nom de Faulkner pour, dit-il, se singulariser, principalement vis-à-vis de son père qu'il n'aimait guère ; ce fut aussi pour lui une façon de s'affirmer comme écrivain. Il s'engage dans l'aviation canadienne durant la Première Guerre mondiale, mais l'armistice de 1918 est signé avant qu'il n'ait pu faire son premier vol, ce qui ne l'empêche pas à son retour d'affecter un boitillement dû à une blessure qu'il aurait reçue au combat. Expliquant entre autres qu'il avait une plaque de fer à la suite de ses batailles ; il continuera longtemps à mentir à ses proches sur ses exploits. Affabulateur, alcoolique, Faulkner est vendeur en librairie, puis postier, mais passe l'essentiel de son temps à écrire et lire. Parmi ses auteurs favoris, on trouve Melville et Honoré de Balzac. Les biographes font d'ailleurs un rapprochement entre la Yoknapatawpha saga de l'auteur américain et la Comédie humaine dont on a retrouvé une traduction complète dans sa bibliothèque de Rowan Oak, maison qu'il achète en 1930 à Oxford Mississippi 4et où il s'installe peu après son mariage avec Estelle Oldham Franklin 1897-1972, qu'il connaît depuis 1907. Le couple donne naissance à une fille, Jill, mais le mariage avec Estelle est un désastre : les époux sont alcooliques. Estelle fait une cure par la suite. Dans les années 1940 et 1950, William Faulkner multiplie les liaisons avec des jeunes femmes.

Si dans sa jeunesse, il n'écrit que des poèmes, c'est par ses nouvelles et romans qu'il devient célèbre. En 1925, il publie son premier roman : Monnaie de singe. Faulkner visite ensuite l'Europe, s'arrêtant en Italie du Nord, et à Paris, où il entreprend l'écriture de Moustiques, son deuxième roman. Il commence une tournée des champs de bataille français Rouen, Amiens, Compiègne, Dieppe et se rend à Londres, qu'il n'apprécie pas. Il rentre à Oxford, où il rédige Étendards dans la poussière 1927 dont il est très fier. C'est dans ce roman que ses personnages évoluent pour la première fois dans le comté de Yoknapatawpha, cadre de la plupart de ses romans futurs. Alors qu'il n'arrive toujours pas à vivre de sa plume, il continue d'alterner petits travaux et écriture, publiant quatre de ses romans majeurs le Bruit et la Fureur, Tandis que j'agonise, Sanctuaire, Lumière d'août en seulement quatre ans 1929-1932. Sanctuaire "l'intrusion de la tragédie grecque dans le roman policier" selon la formule célèbre de Malraux fait scandale, mais apporte à l'auteur argent et notoriété. Son premier recueil Treize Histoires 1931 réunit ses nouvelles les plus connues, parmi lesquelles Une rose pour Emily. C'est également l'époque où il rencontre l'écrivain de romans noirs Dashiell Hammet, grand buveur comme lui : les deux hommes deviennent amis. Plus tard dans sa carrière 1932-1937, Faulkner commence une longue série d'allers-retours entre Oxford et Hollywood où il devient scénariste. Le cinéma ne l'intéresse pas particulièrement, mais l'argent qu'il lui procure le fait persévérer ; surtout il se lie d'amitié avec Howard Hawks : les deux hommes ont en commun un goût prononcé pour l'alcool, l'aviation et la chasse. Lors de son premier séjour à Hollywood, Faulkner travaille successivement pour la MGM, puis pour la Twentieth Century Fox. À cette époque, il a une liaison avec la secrétaire de Howard Hawks, Meta Carpenter qui sera le grand amour plus tard trahi de sa vie. Son travail de scénariste ne l'empêche pas de publier romans et nouvelles et non des moindres puisque l'année 1936 voit notamment la publication d'Absalon, Absalon ! et l'année 1940 celle du roman Le Hameau premier tome de ce qui deviendra, avec La Ville 1954 et Le Domaine 1959 : La Trilogie des Snopes.

Lorsque les États-Unis rentrent dans la Seconde Guerre mondiale, Faulkner s'engage dans la défense passive. Toujours pour l'argent, il retourne alors à Hollywood écrivant entre autres pour Howard Hawks et en collaboration avec Francis Scott Fitzgerald le scénario du film Le Grand Sommeil, tiré du livre de Raymond Chandler, ainsi que celui du film Le Port de l'angoisse, tiré du livre d'Ernest Hemingway En avoir ou pas. Le Port de l'angoisse, en anglais To Have and Have Not, est la première rencontre à l'écran du couple Humphrey Bogart-Lauren Bacall, et contient des répliques restées célèbres : You know how to whistle don't ya? Just put your lips together and blow Lauren Bacall et Have you ever been bitten by a dead bee? Walter Brennan.

Il collabore au film de Jean Renoir L'Homme du sud et écrit un scénario fleuve pour un film retraçant la carrière du Général de Gaulle, mais qui ne se fera jamais.

En 1946, de retour à Oxford, il rencontre une de ses jeunes admiratrices, Joan Williams qu'il prend sous son aile. En 1948 paraît L'Intrus, roman dans lequel un fermier noir est accusé à tort d'avoir tué un Blanc. Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1949 cinq ans avant Hemingway. Il boit peu de temps avant de partir chercher la récompense à Stockholm où il donne un discours, déclarant refuser d'accepter la fin de l'Hommme.... L'Homme ne fera pas que subir, il prévaudra ....
Faulkner donne la somme reçue afin d'établir un fonds de soutien aux nouveaux romanciers, qui devint le PEN/Faulkner Award for Fiction. Passant par Paris à son retour, une interview de lui est publiée par le journal Le Monde où il a cette formule quand il est interrogé sur le problème noir dans le sud de l'Amérique : Dans trois cents ans, ils seront à notre niveau, et la guerre des races sera terminée, pas avant
En 1953, il retrouve Howard Hawks pour travailler au scénario de ce qui deviendra La Terre des pharaons.
Il devient écrivain-résident à l'Université de Virginie, de 1957 à 1958. Il y passe l'essentiel de son temps, se consacrant à ses passions pour l'équitation qui lui vaudra de nombreuses chutes et l'écriture, ne sortant que peu. Il refuse même une invitation à diner à la Maison blanche parce qu'un dîner ne vaut pas 200 kilomètres.
Son alcoolisme est source de nombreuses hospitalisations.

Faulkner meurt dans la nuit du 5 au 6 juillet 1962, après une dernière chute de cheval survenue quelques jours plus tôt.

Il a reçu le prix Pulitzer de la Fiction pour Parabole A Fable, puis le National Book Award à titre posthume pour l'ensemble de son œuvre.

L'œuvre

William Faulkner écrivit des romans relevant du drame psychologique, dans un grand souci des émotions, et faits d'une prose tortueuse et subtile et d'une prosodie très travaillée. Comme la plupart des auteurs prolifiques, il souffrit de la jalousie et du mépris des autres, et fut considéré comme le rival stylistique d'Ernest Hemingway ses longues phrases s'opposant au style incisif et minimaliste de Hemingway. Il est aussi vu de nos jours comme un représentant majeur du modernisme littéraire américain des années 1930, suivant la tradition expérimentale d'auteurs européens tels que James Joyce, Virginia Woolf, et Marcel Proust, connus pour leur usage de la narration multiple, du point de vue multiple, de la focalisation interne, et des ellipses narratives. Faulkner élabora quant à lui ce qu'il convient d'appeler le courant de conscience, style donnant une apparence erratique et spontanée, et pourtant très travaillé.

Plus encore on peut lire son œuvre comme une longue interrogation sur les raisons du naufrage sudiste ; la population du Sud se survivait après l'événement que constitue la défaite lors de la guerre de Sécession ; Faulkner lui-même insistait sur le poids de celle-ci et disait être né en 1898, mais mort en 1865. Cette insistance à tourner autour de cette matrice de ses romans se retrouve dans Absalon ! Absalon ! qui refuse un Sud victime du Nord et de ses Carpet Baggers, mais insiste - et c'est la fonction de tous les anormaux de ses romans, à commencer par celui du Bruit et de la fureur - sur la pourriture intérieure et antérieure du Sud avant même l'événement de la défaite. Il peut se lire alors comme un anti-Margaret Mitchell ; Autant en emporte le vent est d'ailleurs publié la même année qu'Absalon, Absalon ! et en est le complet contrepoids à succès qui plus est car ce roman flattait l'héroïsme du Sud là où Faulkner l'enterrait. Il y a donc chez Faulkner une haine de soi autant qu'une proclamation d'amour pour le Sud qui conclut le roman ; celle-ci reste étrange car son auteur Mitchell meurt - sans raison apparente - l'année suivante. La longue narration, quasi psychanalytique, qui ouvre le texte n'est là que pour dire l'immense colère et la frustration de ce Sud qui se sent bafoué - comme l'héroïne - à la fois abusée et reniée et qui rumine sa colère dans sa pudeur outragée alors qu'elle porte autant les causes de la défaite en elle que les événements extérieurs. Le héros Sutpen n'apparaît alors que comme un ferment antérieur, un signe du pourrissement du Sud, car son irruption est celle de toutes les corruptions, celle du sang et de l'argent ; la reconnaissance qui fait suite à celle-ci, bien qu'elle fût tardive et le fait d'hommes à l'esprit trop ouvert, montre que le Sud, même s'il se voulait encore aristocratique, acceptait déjà ce qu'il reniera plus tard la place de l'argent : ce que décrira plus tard la trilogie des Snopes, Le Hameau, La Ville, Le Domaine et dont il prétendra que c'est une valeur venue du Nord à laquelle il serait resté étranger sans cela. La quête éperdue du fils caché et noir plus précisément octavon dans le langage épris de précision de l'époque - mais cela fait quand même de lui un Noir pour les Blancs – n'est que le signe que Sutpen, qui cherche une respectabilité faite de préjugés, érigés d'abord contre lui, tente lui même d'effacer sa propre vie pour obtenir cette reconnaissance et tente de construire un mythe sudiste de pureté. La participation de ses deux fils qui s'entretueront à la fin du conflit à la guerre sonne comme une adhésion à un système de valeurs aristocratiques et racistes que le fils caché - en réalité l'aîné - veut pousser son père à renier - en reconnaissant sa faute antérieure il a eu un enfant avec une métis et l'a reconnu un temps en lui demandant en mariage sa fille et donc sa propre sœur ; c'est pour cela - taire l'inceste possible ou la mixité du sang - que le fils cadet celui qui pense être le seul et légitime enfant tue son frère. Difficile après cela de proclamer que Faulkner aime ou n'aime pas le Sud, il est du Sud et, à ce titre, porte sa défaite comme il porte le fardeau d'avoir été mobilisé en 1918 sans avoir pu combattre.

Sa littérature peut tenir en cette idée qu'il développe à propos de son personnage quasi éponyme - le colonel Sartoris qui "s'était fixé un idéal assez grand pour ne jamais le perdre de vue, on pourrait ajouter même en lui tournant le dos. Ce personnage meurt d'une façon loufoque, abattu pour être allé récupérer une boite d'anchois qu'il ne voulait pas laisser aux mains des Nordistes. Il y a de la grandeur et de la dérision dans l'œuvre de Faulkner, comme une sorte de grand écart entre une vie - et une mort - rêvées et une destinée qu'il n'arrivait pas à accomplir ; pas plus et pas moins que le Sud. La haine rancie - puisqu'elle est celle d'une morte, et le loufoque - son cercueil manque de descendre un rapide et son jeune fils la prend pour un poisson - se retrouvent d'ailleurs dans Tandis que j'agonise ; ils sont comme le cœur de l'œuvre, laquelle semble toujours plus complexe au fur et à mesure qu'on l'analyse ; la comparaison avec la psychanalyse n'est donc pas fortuite : des événements mineurs acquièrent une résonance quasi mythologique et semblent autant de traumatismes fondateurs ; ceux du Sud se confondant d'ailleurs avec les traumatismes intimes dans un chassé-croisé permanent et vertigineux. Une telle œuvre explique à elle seule pourquoi Faulkner passe pour être le père de la littérature contemporaine ; c'est pourquoi tant de grands et de petits maitres se réclament de lui et disent ne pouvoir écrire qu'à l'ombre de ses romans.

Mais le plus abordable et le plus représentatif de son style est L'Intrus ; une histoire digne d'un western de John Ford. Une enquête policière, menée par des gamins avant tout, une dame âgée, et des adultes dont le fameux oncle Gavin Stevens que l'on retrouvera dans d'autres romans. Une histoire grave et truculente dans laquelle il s'agit de sauver la vie d'un Noir, ce qui n'est alors pas très bien vu dans le Sud. On sent Faulkner à son aise dans ce type d'histoire, sombre et pleine d'humour.

Faulkner est aussi un prolifique auteur de nouvelles. Quelques-unes, notamment L'Arbre aux souhaits, sont des textes de littérature d'enfance et de jeunesse. Mais le gros de la production se consacre au genre policier. Auteur apprécié pour ses histoires policières, il publie en 1949 cinq nouvelles noires sous le titre Le Gambit du cavalier dont le héros commun, Gavin Stevens, est le procureur d'une petite ville du Mississippi dans le comté de Yoknapatawpha. Plusieurs de ses autres nouvelles et romans se déroulent dans ce comté, avatar littéraire du comté de Lafayette où se situe Oxford. Yoknapatawpha prend ensuite une telle place dans l'œuvre de Faulkner que ce lieu imaginaire est devenu une des créations monumentales de l'histoire de la littérature.

William Faulkner est entré dans la Bibliothèque de la Pléiade Paris, Gallimard en 1977 : quatre tomes ont été consacrés à son œuvre romanesque, dans des traductions révisées et avec un important apparat critique, l'ensemble ayant été placé sous la direction successive de Michel Gresset, André Bleikasten, François Pitavy et Jacques Pothier, et un Album Faulkner de la Pléiade a été édité en 1995 sous la direction de Michel Mohrt ; un cinquième tome est attendu, ainsi qu'un sixième qui devrait réunir toutes ses nouvelles. La collection Quarto, du même éditeur, a publié la trilogie des Snopes en 2007.

Le style faulknérien

Comme l'enquête d'un policier, le romancier remonte le temps, marchant à rebours vers le passé, en quête de la faute qui sera réparée par un outrage plus grand. Ainsi, le drame de chacun se fond dans le drame collectif du Sud, la psychanalyse dans l'histoire, et le présent, qui est le temps du microcosme, dans le passé, qui est le temps du macrocosme.
À ce point, le réalisme faulknérien, comme chez Bruegel ou Bosch, n'est plus que la surface d'une œuvre de visionnaire. Ce réalisme se fond dans une vision plus vaste, qui, par-delà le temps et l'espace, révèle des mystères plus profonds. Cette vision transforme en mythe une réalité : le Sud, ce Mezzogiorno des États-Unis, avec sa pauvreté et son racisme, devient un symbole de la chute originelle. Comme l'Écosse pour Walter Scott ou l'Irlande pour Joyce, il nourrit le mythe faulknérien. Il devient le décor d'une représentation de la Passion, un lieu claudélien ou shakespearien, où l'auto sacramental se déroule implacablement sous les feux d'un soleil figé au zénith. Car tout est figé dans le Sud faulknérien depuis la guerre de Sécession. Frappé de malédiction par la spoliation, puis par l'esclavage, enfin par la défaite de 1865, le Sud devient, chez Faulkner, le symbole de la condition humaine après la chute et avant la rédemption. C'est la patrie des damnés, dont Sartre écrit : L'homme de Dostoïevski, ce grand animal divin et sans dieu, perdu dès sa naissance et acharné à se perdre.
En ce sens, Faulkner est un écrivain romantique. Ce monde de malédictions, de meurtres, de viols, de castrations, d'incestes est celui du roman gothique, dans la tradition poesque de la rhétorique et l'agonie. Dans ces mystères du Sud, il ne faut pas chercher trop d'intentions philosophiques, mais une tradition romantique, que Faulkner avoue : je n'ai aucune instruction. Mon grand-père avait une bibliothèque moyenne. C'est là que j'ai reçu la plus grande part de ma première éducation. Et son goût allait aux choses franchement romantiques comme les romans de Walter Scott et de Dumas.
Ce romantisme est sensible dans le sentiment ambigu de l'écrivain pour le Sud. Faulkner est à la fois fasciné et horrifié par la décadence du Sud, ses tares, ses monstres, cette malédiction, dont les Noirs sont le symbole. Car en marge de la famille blanche vit la famille noire, qui en est comme l'ombre. Faulkner ne pose pas le problème noir en termes politiques, moraux ou sociaux. Noirs et Blancs sont enchaînés dans une malédiction réciproque, dont ils sont à la fois instruments et victimes. Vous ne comprenez pas, écrit-il. Ce pays tout entier, le Sud, est maudit, et nous tous qui en sommes issus, Blancs et Noirs, gisons sous sa malédiction. » Cri romantique de damné, qui, n'ayant que sa malédiction pour identité, l'assume, comme le Christmas de Lumière d'août. Les personnages de Faulkner, comme ceux de Dostoïevski, sont des damnés. Ils n'ont pas de vie, mais un destin. Ils ne relèvent pas de la psychologie ou de la morale, mais de l'épopée. Ce trouble sentiment d'amour-haine pour le Sud s'exprime dans le cri de Quentin, quand on lui demande : « Pourquoi haïssez-vous le Sud ? et qu'il hurle : Je ne le hais pas. Je ne le hais pas. Non. Non. Non, je ne le hais pas. Peut-être l'obscurité de l'écriture et des structures romanesques de Faulkner tient-elle moins aux règles du roman gothique qu'à une volonté de ne pas avouer des sentiments dissimulés sous l'opacité de la rhétorique.
Le vrai destin des personnages de Faulkner, c'est cette rhétorique de l'opacité, qui n'éclaire pas, mais aveugle des héros œdipiens. Le style de Faulkner, avec ses longueurs, ses métaphores, ses phrases contournées, est une sorte de lave où tous s'engluent. La phrase faulknérienne engloutit la création, la fige. Cette rhétorique pétrifiante ne décrit ni ne raconte, mais mêle le passé et le présent dans ce temps de la vision simultanée, qui est le temps faulknérien par excellence et qu'il faudrait appeler le perpétuel. Comme Quentin brise sa montre, Faulkner renonce au temps des horloges et rejoint cet anarchisme chronologique dont Proust, Joyce et Virginia Woolf ont fait la révolution du roman moderne. Pris dans le perpétuel, chacun est défini non par sa liberté d'être et de faire, mais par son avoir fait et avoir été. Un seul trait, le soupçon de métissage chez Christmas, le souvenir du grand-père Hightower, le culte des martyrs Burden, suffit à déterminer les trois principaux personnages de Lumière d'août.
Ce passé, qui obsède le présent et lui chuchote son destin, est très proche de celui de l'Ancien Testament. La répétition des noms propres de génération en génération, comme dans les généalogies bibliques, exprime une filiation de la culpabilité. Dans ce monde pas encore racheté, tous sont des intrus, et tous cherchent l'outrage qui les tuera, le sacrifice rituel qui leur donnera un sens en les anéantissant, en les rendant au temps éternel. En ce sens, l'œuvre de Faulkner apparaît comme une sorte de théologie romanesque. L'auteur lui-même se donne le spectacle liturgique de sa création et l'englobe de son œil divin : Vous vous retournez, écrit Faulkner, et, abaissant vos regards, vous embrassez tout le Yoknapatawpha, qui s'étend à vos pieds aux derniers feux du jour. Et vous demeurez là, maître solitaire, dominant la somme entière de votre vie qui se déroule sous ce vol incessant d'éphémères étincelles. Comme le Seigneur au-dessus de Bethléem, vous planez en cet instant au-dessus de votre berceau, des hommes et des femmes qui vous ont fait ce que vous êtes, de ces archives, de ces chroniques de votre terre natale offertes à votre examen en mille cercles concentriques pareils à ceux qui rident l'eau vive sous laquelle votre passé dort d'un sommeil sans rêves ; vous trônez alors, inaccessible et serein au-dessus de ce microcosme des passions, des espoirs et des malheurs de l'homme, ambitions, terreurs, appétits, courage, abnégation, pitié, honneur, orgueil et péchés, tout cela lié pêle-mêle en un faisceau précaire, retenu par la trame et par la chaîne du frêle réseau de fer de sa rapacité, mais tout cela voué aussi à la réalisation de ses rêves.À la dernière page de son dernier livre, le Domaine, le dernier personnage s'engloutit à son tour dans les cercles infiniment concentriques de cette création, tous mélangés, pêle-mêle, les beaux, les splendides, les orgueilleux, les braves, jusqu'au faîte même parmi les fantômes et les rêves étincelants, bornes militaires de la longue histoire des hommes : Hélène et les évêques, les rois et les anges apatrides, les séraphins méprisants et damnés.
À la fois comédie humaine et cosmogonie, l'œuvre de ce solitaire est l'un des plus étonnants mélanges de réalisme et d'imaginaire de la littérature.

Les cheminements de la création

Qui fut Faulkner ? À cette question, qui hante l'esprit de ses lecteurs depuis que Sartre la posa, en février 1938, il faut, même après la publication de l'énorme biographie de l'écrivain par J. Blotner, substituer la seule interrogation pour le moment pertinente et utile : qu'a fait Faulkner ?
La vérité de Faulkner est dans ses manuscrits. La proposition peut paraître facile, mais elle ne l'est pas, car, en s'y ralliant, on admet ipso facto que la critique de son œuvre, pourtant devenue pléthorique plusieurs centaines de livres et plusieurs milliers d'articles, ne fait encore que balbutier. Qu'on pense au temps qu'il a fallu, depuis sa redécouverte en 1921, pour qu'on commence à connaître Melville.
Les cheminements de la création de Faulkner, dans laquelle il a engagé toute sa liberté, sont ceux d'une conquête dont les finalités successives se révélèrent à lui seulement peu à peu, en mouvement, et qui tire sa motivation initiale d'une frustration telle que l'activité littéraire apparaît, plus clairement chez lui que chez tout autre, comme une fabuleuse compensation.
William Faulkner est né à l'imaginaire vers 1919, dans la douloureuse lenteur d'une révélation bouleversante pour un jeune homme nourri d'idéalisme, l'échec sur tous les plans où il avait rêvé un accomplissement : l'action, l'amour, la gloire. Pendant les dix années qui suivirent, il ne fit guère autre chose qu'essayer, comme des costumes, des modes d'existence et de littérature. Il se changea en Faulkner le nom signifie fauconnier : à plusieurs reprises, dans son œuvre, il utilise l'oiseau de proie comme image du moi idéal. Il se regarda prendre des poses et se figer lui-même dans des écrits partiellement inédits qui sont vraiment des écrits de jeunesse, on pourrait presque dire de puberté littéraire. On peut y ranger à peu près toute sa poésie, ses deux premiers romans, Monnaie de singe Soldiers' Pay, 1926 et Moustiques
Mais Faulkner, un temps nommé le vicomte Vaurien, se mit à utiliser l'imaginaire pour penser le rêve enfui de son prestige. C'est ainsi qu'il retrouva une figure qui fut une clé des songes : celle de l'arrière-grand-père, le prestigieux Colonel. Mais, pas plus qu'imaginaire n'est littérature, fascination n'est religion. On ne saurait parler de culte. Il n'en est pas moins certain que le bouleversement du temps dans le roman, une des causes de la célébrité de Faulkner, a son origine dans le fait que présent et passé cohabitèrent dans un seul vécu d'autant plus organique qu'il était soumis à la tyrannie de l'imaginaire.
Cependant, Faulkner, vers 1926, entrait en littérature. Il lut beaucoup. Il observa, à Oxford, les gens qu'il allait faire siens. Et puis, à la question : Qu'est-il arrivé à Faulkner entre Moustiques et Le Bruit et la fureur ? son mentor, Phil Stone, fit la meilleure réponse : Il écrivait tout le temps. » Sartoris, ou plutôt Étendards dans la poussière Faulkner paya un ami cinquante dollars pour réduire ce livre d'un cinquième environ, aux dimensions exigées par l'éditeur, c'est Faulkner découvrant tout le parti à tirer d'un parallélisme entre les lendemains de la guerre de Sécession et ceux de la Première Guerre mondiale. Les premiers avaient marqué la fin de l'innocence du Sud ; les seconds consacrent objectivement la fin de l'innocence américaine. Le titre original de l'œuvre n'implique donc pas seulement un passé collectif, mais une conscience individuelle qui ne se voit pas d'avenir. En outre, il y a déjà dans ce livre la polarité d'un monde peuplé de Sartoris et de Snopes ou : vivre avec ou sans code de l'honneur. L'œuvre intégrale surprend par la richesse des promesses qu'elle recèle. C'est la matrice des romans à venir.
Sartoris paraît en janvier 1929. La même année, celle du krach de Wall Street, c'est aussi, pour Faulkner, Le Bruit et la fureur (octobre), son mariage avec une amie d'enfance divorcée et mère de deux enfants, et, bientôt, l'acquisition de Rowan Oak, la belle demeure sudiste bâtie sur un terrain acheté aux Indiens en 1836, et qu'il faudra beaucoup de séjours à Hollywood pour restaurer. Avec Le Bruit et la fureur, Faulkner ferme la porte au monde extérieur pour oser enfin la brusque plongée en lui-même, dans l'espace et le temps de sa conscience. L'intériorité du roman en fait la puissance et la difficulté, véritable descente dans l'enfer du moi où se conjuguent pour la première fois, dans la longue plainte de Quentin, les interdits et les désirs inavoués, les désillusions et les refus. C'est une œuvre d'une sincérité poignante, la confession d'un idéaliste meurtri qui dramatise en un suicide son impossible projet. Mais Faulkner, puisqu'il choisit alors de surmonter, après l'errance, le désespoir, a tout appris de ces années fécondes.
D'abord, il a réglé son compte à la tentation esthétique, laquelle, sans attaquer son « innocence », perpétuait et la fuite et l'impasse ; et, en l'exorcisant par la création, il a aboli l'hiatus intolérable où résonnait le discours imaginaire du moi réel sur un moi idéal exalté. Il a fait, aussi, l'expérience du plaisir de l'écrivain majeur : après Le Bruit et la fureur, il peut tout faire. Ulysse, qui est aussi un règlement de comptes, mais démesuré, a dû jouer le même rôle pour Joyce. Faulkner, en 1929, sait l'essentiel : Le Bruit et la fureur l'a initié à la signification des structures et à la responsabilité qu'y prend l'auteur. Ainsi la partie où Dilsey, héroïne et non narratrice, évolue comme de tout temps, n'est pas par hasard la dernière cependant, le fameux commentaire sur les Noirs, They Endured..., ne fut écrit que quinze ans plus tard, cinq ans avant l'attribution du prix Nobel en 1949.

Le projet faulknérien

L'œuvre de Faulkner, ni saga du Sud, ni poème réitéré de la chute et de l'irrémédiable on avait trop coutume, en France notamment, de voir tout l'œuvre de Faulkner comme celui d'un poète maudit, est avant tout la représentation d'un prodigieux effort, qu'elle dit dramatiquement, par l'action de ses héros, mais qu'elle exprime aussi, structurellement, par ses formes toujours renouvelées. C'est d'ailleurs en cela qu'elle diffère radicalement de celle de Hemingway, qui tend à cacher l'effort.
Faulkner s'est constitué une éthique qui fut d'abord professionnelle dont sa vie est la preuve et son œuvre la figure. Cette éthique est l'âme, non de ce que Sartre a appelé sa métaphysique, et Butor sa théologie, mais de ce qu'il faudrait appeler bien plutôt, en pensant que Faulkner s'est porté aux autres en s'arrachant au solipsisme romantique, son anthropologie. Celle-ci, née du désir de recenser les attitudes immémoriales de l'homme en son imaginaire comté du Yoknapatawpha, aboutit à la vision d'une sorte de chronique des comportements, qui est précisément celle que revendiqua Faulkner comme un droit acquis à l'âge d'homme de sa création. En détachant l'œuvre de l'homme, on doit enfin pouvoir parler de l'amoralisme impersonnel de Faulkner le romancier.

Cela exclut l'assimilation du point de vue moral des personnages avec celui de l'auteur – en tant qu'homme. Gavin Stevens qui, d'ailleurs, évolue n'est pas plus Faulkner vieux que Quentin Compson n'est, à lui seul, Faulkner jeune, et que les Noirs ne sont le Faulkner de toujours. Il n'y a pas de Faulkner « essentiel » – notamment le chrétien de la faute, du châtiment et de la rédemption par la souffrance, qui succéderait à l'existentialiste et au désespéré – sauf pour ceux qui, en arrêtant son œuvre à l'une de ses phases, choisissent un Faulkner qui « est » contre un Faulkner qui est devenu, ou pour ceux qui voient dans ses références judéo-chrétiennes un recours en conscience et non une symbolique parmi d'autres. Le Hameau est construit sur un système d'échos ironiques renvoyant à la pastorale ancienne ; Descends, Moïse, malgré son titre, n'a besoin d'aucun support pour exister superbement.
L'œuvre, au contraire, donne une succession qui représente un changement constant. Du double tableau d'Étendards, on passe aux trois points de vue successifs du Bruit et la fureur, auxquels s'ajoute enfin celui de l'auteur dans la quatrième section, puis aux quinze narrateurs de Tandis que j'agonise ; avec Lumière d'août, Faulkner trouve la structure en spirale qu'il fait triompher dans Absalon ! Absalon ! où elle est conjuguée avec une multiplicité des points de vue finalement fondus en un seul, impersonnel. Dans Les Palmiers sauvages, deux sujets, deux formes de récit, un seul thème : l'aventure de l'innocence masculine dans l'océan de l'expérience. Avec Les Invaincus 1938, qui marque le début de la seconde phase, beaucoup plus « distanciée, de sa création, Faulkner tentait la composition d'une œuvre originale à partir de nouvelles, méthode qui trouve la perfection dans Le Hameau 1940, puis dans Descends, Moïse. Toute la dernière période est placée sous l'exergue : La vie est le mouvement, la stase est la mort, qu'incarne l'inoubliable Ratliff et qui tire sa force d'avoir été vécu comme une expérience à l'époque des tentations. Dès lors, et notamment dans Parabole, Faulkner élabore un théâtre chanté de l'expérience où l'on perçoit les poignants rappels de l'innocence perdue. Même dans Requiem pour une nonne œuvre qui prépare Parabole plus qu'elle ne suit Sanctuaire, la partie dramatique et tragique est équilibrée par des sections narratives et épiques. Depuis le choix de Wilbourne dans sa prison, les héros de Faulkner survivent. On passe progressivement d'une technique qui ne connaît que la série de points de vue individuels à une autre, celle de l'âge mûr, qui fait primer le point de vue d'une conscience élargie, celle de la communauté.

Sujets et thèmes de Faulkner

On s'aperçoit que l'œuvre de Faullner, au fond, s'inspire de quatre sujets : la guerre surtout les deux siennes, c'est-à-dire celles qu'il n'a pas pu faire, celles de Sartoris ; le Sud géographie, histoire, légende, mythe ; les Noirs données immédiates de la conscience pour tout sudiste, comme le dit William Styron, mais surtout, pour Faulkner, supports privilégiés d'un jeu de valeurs et, dans le mélange des sangs, d'un certain héroïsme tragique ; et, peut-être, la civilisation américaine qu'il a vue naître et triompher du fond de sa retraite, en pays vaincu, donc en pays d'expérience.
Ce ne sont pas là ses thèmes ; manifestement, ceux-ci croissent aux intersections de trois ou quatre ensembles rares sont les œuvres pures de toute intersection : sauf Pylône, peut-être, et, souvent, les nouvelles. À l'intersection des thèmes du Sud et des Noirs, par exemple, naît la trilogie sur la question des races Lumière d'août ; Absalon ! Absalon ! ; Descends, Moïse que l'Intrus prolonge : le seul corpus littéraire qu'un Américain blanc ou noir ait consacré au problème. À l'intersection de la guerre et du Sud naît d'abord Sartoris, puis nombre de nouvelles et enfin, différemment, cette étrange fleur à Faulkner exotique et dont personne sinon peut-être le Suisse Heinrich Straumann n'a encore saisi la portée, Parabole. À l'intersection du Sud et de l'American way of life naît une autre fleur, du mal, celle-là, Sanctuaire dont la première version a immédiatement suivi Le Bruit et la fureur, mais aussi la monumentale trilogie des Snopes. A-t-on assez remarqué qu'il est des œuvres où n'interviennent point les Noirs, et d'autres sans sexualité ? Mais il n'en est pas sans nature : la Terre, peuplée ou non des femmes qui en sont comme l'émanation, est la grande constante des romans de Faulkner, dont l'exil dans son propre arrière-pays fut bien un enracinement, et dont la vision du monde et de l'homme reste celle d'un terrien.
Le plus important, dans la lecture de Faulkner, est d'admettre que tout lui a été prétexte à décollage et à fabulation romanesque : le Sud autant que les Noirs, l'histoire du Christ autant que la vision puritaine de l'éternel féminin. On le voit incorporer son discours imaginaire dans un fait divers Sanctuaire, dans des sujets policiers Le Gambit du cavalier, dans l'aura que fait la légende à un pionnier, Absalon ! Absalon !, ou même, audacieusement, dans l'histoire du Christ Parabole. Ou bien il invente sa propre matière, laquelle, jointe au discours sur le moi et le monde, l'innocence et l'expérience, produit ses plus beaux mythes : la pastorale du Hameau, l'opéra Descends, Moïse, la grande fresque des Snopes.
Cependant, Faulkner, en symboliste formé à l'école anglo-saxonne et par la Bible, rend signifiants les supports de son discours ; l'amour et la guerre signifient toute expérience ; les Noirs, toute endurance : ils incarnent, tirée de l'injustice, la valeur enclose dans la dignité arrachée au quotidien, si bien qu'ils deviennent les paradigmes héroïques de l'éthique de l'effort ; le Sud, le Sud même, est seulement la terre privilégiée parmi toutes les terres humaines, sur laquelle Faulkner, de ses quelque douze cents personnages, a construit son anthropologie romanesque, à laquelle Les Larrons disent un très privé mais foisonnant adieu.

L'œuvre parabole

"Mon ambition, écrit-il en 1949 à Cowley, est d'être aboli, de disparaître de l'histoire en tant qu'individu ; de la laisser intacte, sans restes sinon les livres imprimés ; il y a trente ans, j'aurais dû être assez clairvoyant pour ne pas les signer, comme le firent certains élisabéthains. Mon but, et tous mes efforts y concourent, est que la somme et l'histoire de ma vie figurent dans la même phrase qui sera tout à la fois mon acte de décès et mon épitaphe : il a fait des livres et il est mort."
Cette farouche volonté de disparaître au seul profit de l'œuvre dépasse le cadre d'une résistance, au demeurant têtue, à tout viol de la vie privée. Elle s'inscrit au terme d'une véritable recréation de soi, qui fut le moyen de la création romanesque et, peut-être, la raison de vivre.
Mais se recréer, c'est aussi créer un univers. La langue de Faulkner, pense Jean-Jacques Mayoux, est la clé d'un monde. Pour Faulkner, l'écriture est un acte total, une tentative irrationnelle en ce qu'elle vise ni plus ni moins à exister, au même titre qu'un organisme. La phrase qu'on relise la première d'Absalon, aussi vivante et autonome qu'une substance, tire sa dynamique de l'inaltérable détermination de n'être jamais, jamais tout à fait satisfait de ce qu'on écrit – c'est-à-dire de l'effort.
Et de fait : les trois sommets de l'œuvre, qui est elle-même la parabole de ce qu'elle annonce, Le Bruit et la fureur 1929, Absalon ! Absalon ! (1936), et Descends, Moïse 1942 se présentent, en manuscrits, sous une forme extraordinairement travaillée, plusieurs fois réagencés dans leur structure et remaniés dans l'écriture. C'est ce Faulkner-là qu'on commence à peine à connaître. C'est celui qui, fort de son œuvre et s'adressant à ses successeurs et non à l'humanité entière, en porte-parole mandaté de l'humanisme occidental, a pu se permettre, à Stockholm, de dire : Je refuse d'accepter la fin de l'homme.Parce que, pour lui, tout rempart contre l'oubli témoigne pour l'homme, il n'est pas de plus haute mission pour l'écrivain que de faire de l'œuvre littéraire la mémoire de l'humanité.

Publications

La liste des romans ne donne que la première publication en français.

Romans

Soldiers Pay (1926)
Publié en français sous le titre Monnaie de singe, traduit par Maxime Gaucher, Grenoble, B. Arthaud, 1948
Mosquitoes (1927)
Publié en français sous le titre Moustiques, Paris, Éditions de Minuit, « Collection étrangère », 1948
Sartoris (1929)
Publié en français sous le titre Sartoris, traduit par René-Noël Raimbault et Henri Delgove, Paris, Gallimard,Du monde entier
The Sound and the Fury (1929)
Publié en français sous le titre Le Bruit et la Fureur, traduit par Maurice-Edgar Coindreau, Paris, Gallimard, 1938
As I Lay Dying (1930)
Publié en français sous le titre Tandis que j'agonise, traduit par Maurice-Edgar Coindreau, Paris, Gallimard, 1934
Sanctuary (1931)
Publié en français sous le titre Sanctuaire, traduit par René-Noël Raimbault et Henri Delgove, Paris, Gallimard, 1933
Light in August (1932)
Publié en français sous le titre Lumière d'août, traduit par Maurice-Edgar Coindreau, Paris, Gallimard, 1935
Pylon (1935)
Publié en français sous le titre Pylône, traduit par René-Noël Raimbault et G. Louis-Rousselet, Paris, Gallimard, 1946
Absalom, Absalom! (1936)
Publié en français sous le titre Absalon, Absalon !, traduit par René-Noël Raimbault et Charles P. Vorce, Paris, Gallimard,Du monde entier, 1953
The Unvanquished (1938)
Publié en français sous le titre L'Invaincu, traduit par René-Noël Raimbault et Charles P. Vorce, Paris, Gallimard, 1949
The Hamlet (1940)
Publié en français sous le titre Le Hameau, traduit par René Hilleret, Paris, Gallimard, 1959
Intruder in the Dust (1948)
Publié en français sous le titre L'Intrus, traduit par René-Noël Raimbault, Gallimard, « Du monde entier », 1952
Requiem for a Nun (1951)
Publié en français sous le titre Requiem pour une nonne10, traduit par Maurice-Edgar Coindreau, Paris, Gallimard, « Du monde entier », 1957
A Fable (1954)
Publié en français sous le titre Parabole, traduit par René-Noël Raimbault, Gallimard, « Du monde entier », 1958
The Town (1957)
Publié en français sous le titre La Ville, traduit par J. et L. Bréant, Gallimard, « Du monde entier », 1962
The Mansion (1959)
Publié en français sous le titre Le Domaine, traduit par René Hilleret, Paris, Gallimard, « Du monde entier », 1962
The Reivers (1962)
Publié en français sous le titre Les Larrons, traduit par Maurice-Edgar Coindreau et Raymond Girard, Paris, Gallimard, « Du monde entier », 1964
Flags in the Dust (1973), version longue du roman Sartoris

Recueils de nouvelles

These Thirteen (1931)
Publié en français sous le titre Treize histoires, traduit par René-Noël Raimbault et Charles P. Vorce, avec la collaboration de Maurice-Edgar Coindreau, Paris, Gallimard, Du monde entier, 1939
Doctor Martino and Other Stories 1934
Publié en français sous le titre Le Docteur Martino et autres histoires, traduit par René-Noël Raimbault et Charles P. Vorce, Paris, Gallimard, « Du monde entier, 1948
The Wild Palms 1939, deux longues nouvelles
Publié en français sous le titre Les Palmiers sauvages – Si je t'oublie, Jérusalem, traduit par Maurice-Edgar Coindreau, Paris, Gallimard, « Du monde entier, 1952
Go Down, Moses 1942
Publié en français sous le titre Descends, Moïse, traduit par René-Noël Raimbault, Gallimard, Du monde entier, 1955
Knight's Gambit (1949)
Publié en français sous le titre Le Gambit du cavalier, traduit par André Du Bouchet, Gallimard, Du monde entier, 1951
Collected Stories of William Faulkner 1950
Publié en français sous le titre Histoires diverses, traduit par René-Noël Raimbault et Céline Zins, Gallimard, « Du monde entier », 1967
New Orleans Sketches 1958
Publié en français sous le titre Croquis de La Nouvelle-Orléans, traduit par Michel Gresset, Gallimard, « Du monde entier », 1988
Uncollected Stories of William Faulkner (1979)
Publié en français sous le titre Idylle au désert et autres nouvelles, traduit par Maurice Edgar Coindreau, Didier Coupaye, Michel Gresset, François Pitavy, Paris, Gallimard, Du monde entier, 1985

Nouvelles

Landing in Luck (1919)
The Hill (1922)
New Orleans (1925)
Mirrors of Chartres Street (1925)
Damon and Pythias Unlimited (1925)
Jealousy (1925)
Cheest (1925)
Out of Nazareth (1925)
The Kingdom of God (1925) Titre français : Le Royaume des cieux
The Rosary (1925)
The Cobbler (1925)
Chance (1925)
Sunset (1925) [Titre français : Coucher de soleil ]
The Kid Learns (1925)
The Liar (1925)
Home (1925)
Episode (1925)
Country Mice (1925)
Yo Ho and Two Bottles of Rum (1925)
Music - Sweeter than the Angels Sing (1928)
A Rose for Emily (1930) [Titre français : Une rose pour Emily ]
Honor (1930) [Titre français : Honneur ]
Thrift (1930)
Red Leaves (1930) [Titre français : Feuilles rouges ]
Ad Astra (1931) [Titre français : Ad astra ]
Dry September (1931) [Titre français : Septembre ardent ]
That Evening Sun (1931) [Titre français : Soleil couchant ]
Hair (1931) [Titre français : Chevelure ]
Spotted Horses (1931)
The Hound (1931) [Titre français : Le Chien ]
Fox Hunt (1931) [Titre français : Chasse au renard ]
Carcassonne (1931) [Titre français : Carcassonne ]
Divorce in Naples (1931) [Titre français : Divorce à Naples ]
Victory (1931) [Titre français : Victoire ]
All the Dead Pilots (1931) [Titre français : Tous les pilotes morts ]
Crevasse (1931) [Titre français : Crevasse ]
Mistral (1931) [Titre français : Mistral ]
A Justice (1931) [Titre français : Un juste ]
Dr. Martino (1931) [Titre français : Le Docteur Martino ]
Idyll in the Desert (1931) [Titre français : Idylle au désert ]
Miss Zilphia Gant (1932) [Titre français : Miss Zilphia Gant ]
Death Drag (1932) [Titre français : La Course à la mort ]
Centaur in Brass (1932) [Titre français : Centaure de bronze ]
Once Aboard the Lugger (I) (1032)
Lizards in Jamshyd's Courtyard (1932)
Turn About (1932) [Titre français : Chacun son tour ]
Smoke (1932) [Titre français : Fumée ]
Mountain Victory (1932) [Titre français : Victoire dans la montagne ]
There Was a Queen (1933) [Titre français : Il était une reine ]
Artist at Home (1933) [Titre français : Maison d'artiste ]
Beyond (1933) [Titre français : Au-delà ]
Elly (1934) [Titre français : Elly ]
Pennsylvania Station (1934) [Titre français : La Gare de Pennsylvanie ]
Wash (1934) [Titre français : Wash ]
A Bear Hunt (1934) [Titre français : Chasse à l'ours ]
The Leg (1934) [Titre français : La Jambe ]
Black Music (1934) Titre français : Musique noire
Mule in the Yard (1934) Titre français : Mulet dans la cour
Ambuscade (1934)
Retreat (1934)
Lo! (1934)
Raid (1934)
Skirmish at Sartoris (1935)
Golden Land (1935) [Titre français : Pays de cocagne ]
That Will Be Fine (1935) [Titre français : C'est ça qui serait chic ! ]
Uncle Willy (1935) [Titre français : Oncle Willy ]
Lion (1935)
The Brooch (1936) [Titre français : La Broche ]
Two Dollar Wife (1936)
Fool About a Horse (1936)
The Unvanquished (1936)
Vendee (1936)
Monk (1937) [Titre français : Monk ]
Barn Burning (1939) [Titre français : L'Incendiaire ]
Hand Upon the Waters (1939) [Titre français : Une main sur les eaux ]
A Point of Law (1940)
The Old People (1940) [Titre français : Gens de jadis ]
Pantaloon in Black (1940)
Gold Is Not Always (1940)
Tomorrow (1940)
Go Down, Moses (1941) [Titre français : Descends, Moïse ]
The Tall Men (1941) [Titre français : Les Montagnards ]
Two Soldiers (1942) [Titre français : Deux soldats ]
Delta Autumn (1942) [Titre français : Automne dans le delta ]
The Bear (1942) [Titre français : L'Ours ]
Afternoon of a Cow (1943) [Titre français : L'Après-midi d'une vache ]
Shingles for the Lord (1943) [Titre français : Bardeaux pour le Bon Dieu ]
My Grandmother Millard and General Bedford Forrest and the Battle of Harrykin Creek (1943) [Titre français : Ma grand-mère Millard... ]
Shall Not Perish (1943) [Titre français : Morts au champ d'honneur ]
Appendix, Compson, 1699-1945 (1946)
An Error in Chemistry (1946) [Titre français : Une erreur de chimie ]
A Courtship (1948) [Titre français : Prétendants ]
Knight's Gambit (1949) [Titre français : Le Gambit du cavalier ]
A Name for the City (1950)
Notes on a Horsethief (1951)
Mississippi (1954)
Sepulture South: Gaslight (1954)
Race at Morning (1955) [Titre français : Chasse matinale ]
Big Woods (1955) [Titre français : Les Grands Bois ]
By the People (1955)
Hell Creek Crossing (1962)
Mr. Acarius (1965) [Titre français : Mr. Acarius ]
The Wishing Tree (1967) [Titre français : L'Arbre aux souhaits ]
Al Jackson (1971)
And Now What's To Do (1973)
Nympholepsy (1973)
The Priest (1976) [Titre français : Le Prêtre ]
Mayday (1977) [Titre français : Mayday ]
Frankie and Johnny (1978) [Titre français : Frankie et Johnny ]
Don Giovanni (1979)
Peter (1979)
A Portrait of Elmer (1979) [Titre français : Portrait d'Elmer ]
Adolescence (1979)
Snow (1979) [Titre français : Neige ]
Moonlight (1979)
With Caution and Dispatch (1979) Titre français : L'Esprit d'économie
Hog Pawn (1979)
A Dangerous Man (1979)
A Return (1979)
The Big Shot (1979) Titre français : Le Caïd
Once Aboard the Lugger (II) (1979)
Dull Tale (1979)
Evangeline (1979) [Titre français : Évangeline
Love (1988)
Christmas Tree (1995) Titre français : L'Arbre de Noël
Rose of Lebanon (1995)
Lucas Beauchamp (1999)

Poésies

Vision in Spring (1921)
The Marble Faun (1924)
Publié en français sous le titre Le Faune de marbre, suivi de Le Rameau vert, traduit par Alain Suied, Gallimard, « Poésie » no 259, 1992
This Earth, a Poem (1932)
A Green Bough (1965)
Publié en français sous le titre Le Rameau vert, précédé de Le Faune de marbre, traduit par René-Noël Raimbault et Alain Suied, Gallimard, « Poésie no 259, 1992
Mississippi Poems (1979)
Helen, a Courtship and Mississippi Poems (1981)
Publié en français sous le titre Hélène : Ma cour, suivi de Poèmes du Mississippi, traduit par Michèle Plâa et Philippe Blanchon, La Nerthe, 2014

Essais, discours et lettres

Faulkner à l'Université, Paris, Gallimard, 1964.
Essais, discours et lettres ouvertes, Paris, Gallimard, 1969.
Lettres choisies, Paris, Gallimard, 1981.
Croquis de La Nouvelle-Orléans, suivi de Mayday, Paris, Gallimard, 1988.

Scénarios publiés en français

De Gaulle : scénario, Paris, Gallimard, 1989.
Stallion Road, suivi de L'Avocat de province et autres histoires pour l'écran, Paris, Gallimard, 1994.

Filmographie

1932 : Une femme survint (Flesh) de John Ford (non-crédité)
1933 : Après nous le déluge (Today We Live) d'Howard Hawks (dialogue)
1933 : La Déchéance de miss Drake (The Story of Temple Drake) (d'après son roman Sanctuary)
1936 : Les Chemins de la gloire (The Road to Glory) d'Howard Hawks
1937 : Le Dernier négrier (Slave Ship) de Tay Garnett
1938 : Quatre hommes et une prière (Four Men and a Prayer) de John Ford (non-crédité)
1938 : Patrouille en mer (Submarine Patrol)
1939 : Gunga Din de George Stevens (non-crédité)
1939 : Sur la piste des Mohawks (Drums Along the Mohawk) de John Ford (non-crédité)
1943 : Air Force d'Howard Hawks (non-crédité)
1943 : Intrigues en Orient (Background to Danger) de Raoul Walsh (non-crédité)
1943 : Northern Pursuit (non-crédité)
1944 : Le Port de l'angoisse (To Have and Have Not) d'Howard Hawks (scénario)
1945 : God Is My Co-Pilot (non-crédité)
1945 : L'Homme du sud (The Southerner) de Jean Renoir (non-crédité)
1945 : Le Roman de Mildred Pierce (Mildred Pierce) de Michael Curtiz (non-crédité)
1946 : Le Grand sommeil (The Big Sleep) d'Howard Hawks (scénario)
1947 : Deep Valley (non-crédité)
1948 : Les Aventures de Don Juan (Adventures of Don Juan) de Vincent Sherman (non-crédité)
1949 : L'Intrus (Intruder in the Dust) (d'après son roman éponyme)
1955 : La Terre des pharaons (Land of the Pharaohs) d'Howard Hawks
1958 : La Ronde de l'aube (The Tarnished Angels) de Douglas Sirk (d'après son roman Pylône)
1958 : Les Feux de l'été (The Long, Hot Summer) de Martin Ritt (d'après son roman The Hamlet)
1959 : Le Bruit et la fureur (The Sound and the Fury) de Martin Ritt (d'après son roman éponyme)
1961 : Sanctuaire (Sanctuary) de Tony Richardson (d'après son roman éponyme)
1969 : Reivers (The Reivers) de Mark Rydell (d'après son roman éponyme)
1972 : Tomorrow de Joseph Anthony (histoire)
1982 : Rose for Emily, court métrage de Lyndon Chubbuck (d'après la nouvelle éponyme)
1985 : Two Soldiers, court métrage de Christopher Lapalm (d'après la nouvelle éponyme)
2003 : Two Soldiers, court métrage de Aaron Schneider (d'après la nouvelle éponyme)
2009 : Red Leaves de James Franco (nouvelle)
2013 : As I Lay Dying de James Franco (d'après le roman éponyme)
En tournage
2014 : The Sound and the Fury de James Franco (d'après le roman éponyme)

Liens

http://youtu.be/0tSKvDQlMT4 Faulkner Prix Nobel de la littérature 1949
http://www.ina.fr/video/I10105499/chr ... lliam-faulkner-video.html Max-Pol Fouchet parle de Faulkner
http://www.ina.fr/video/CPC95004018/a ... es-romanesques-video.html I jour I livre, album Faulkner
http://www.ina.fr/video/CPF86631409/fumees-video.html Fumée Nouvelle de Faulkner
http://www.ina.fr/video/VDD09016268/estampes-japonaises-video.html Estampes japonaise par W. Faulkner


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Posté le : 05/07/2014 23:28

Edité par Loriane sur 06-07-2014 14:01:19
Edité par Loriane sur 06-07-2014 14:01:44
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Guy de Maupassant 1
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57687
Hors Ligne
Le 6 juillet 1893 à Paris, à 42 ans meurt Henry-René-Albert-Guy de

Maupassant


écrivain réaliste français mais aussi auteur de nouvelles et romans, naturaliste et fantastique, ses Œuvres principales sont ses romans : Une vie en 1883, Bel-Ami en 1885, Pierre et Jean en 1888, Près de 300 contes et nouvelles, dont : Boule de suif en 1880, Le Horla en 1887, Le Rosier de madame Husson en 1887, La Parure en 1884, il est né le 5 août 1850 au château de Miromesnil à Tourville-sur-Arques en Seine-Inférieure, il prendra aussi pour nom de plume : Joseph Prunier, Guy de Valmont, Chaudrons-du-diable, Maufrigneuse

Maître consacré de l'art de la nouvelle, Maupassant jouit d'une singulière fortune littéraire : s'il est considéré à l'étranger comme le conteur français par excellence, et, en même temps, comme le fondateur d'une école internationale – de Joseph Conrad à Isaac Babel, de nombreux écrivains se réclament de son exemple –, la France, pendant longtemps, ne l'a pas assez apprécié pour se reconnaître en lui, et lui découvre seulement depuis les années 1970 des qualités autres que celles d'un naturaliste écrivant à l'ombre de Flaubert et de Zola.
Écrivain fécond, disciple de Flaubert, Guy de Maupassant est l'auteur de contes, de nouvelles et de romans. Observateur privilégié de la paysannerie normande, de ses malices et de sa dureté, l’écrivain élargit son domaine à la société moderne tout entière, vue à travers la vie médiocre de la petite bourgeoisie des villes, mais aussi le vice qui triomphe dans les classes élevées. Le déclin de sa santé mentale, avant même l’âge de trente ans, le porte à s’intéresser aux thèmes de l'angoisse et de la folie.
Passant du réalisme au fantastique, Maupassant refuse les doctrines littéraires. Comptant parmi les écrivains majeurs du xixe siècle, il se rattache à une tradition classique de mesure et d’équilibre et s'exprime dans un style limpide, sobre et moderne.
Observations fines, pensées peu profondes, style clair et amène, composition bien équilibrée, telles sont les caractéristiques qu'une tradition séculaire attribue à son œuvre. Mais cette écriture, dont l'aisance voisine avec la facilité, est mue par un sentiment tragique qui n'est plus le mal du siècle, et cette production trop abondante pour que le reproche de la prolixité puisse lui être épargné témoigne, par son importance quantitative même, d'un changement historique : celui qui a écrit en une douzaine d'années plus de trois cents nouvelles où, malgré la richesse de l'invention romanesque, les personnages, victimes d'un même destin, semblent être interchangeables, signe la fin du grand courant individualiste du XIXe siècle. Avec Maupassant, c'est la série, désolante et tyrannique, qui apparaît dans la littérature française.
Il veut que le nom, légué par un père méprisé, devienne un autre, le sien, celui d'un écrivain célèbre ; il veut de l'argent, pour sortir de la pauvreté, puis pour le dépenser en plaisirs luxueux ; il veut gagner la faveur de toutes les femmes pour ne pas se marier ; il veut créer pour ne pas procréer. Il s'acharnera donc à écrire : en une douzaine d'années, quinze recueils de nouvelles, six romans, trois volumes de récits de voyage, deux pièces de théâtre et des centaines de chroniques. Tout cela au milieu d'une vie mondaine souvent tapageuse, au cours de voyages fréquents. Peut-être cette activité fiévreuse a-t-elle aussi pour cause le pressentiment d'une fin précoce : en janvier 1892, la puissante machine à vivre et à produire s'arrête, et, au terme d'une agonie de seize mois dans la maison de santé du Dr Blanche à Auteuil, Maupassant meurt de paralysie générale.

Lié à Gustave Flaubert et à Émile Zola, Guy de Maupassant a marqué la littérature française par ses six romans, dont Une vie en 1883, Bel-Ami en 1885, Pierre et Jean en 1887-1888, et surtout par ses nouvelles parfois intitulées contes comme Boule de suif en 1880, les Contes de la bécasse 1883 ou Le Horla 1887. Ces œuvres retiennent l’attention par leur force réaliste, la présence importante du fantastique et par le pessimisme qui s’en dégage le plus souvent, mais aussi par la maîtrise stylistique. La carrière littéraire de Maupassant se limite à une décennie — de 1880 à 1890 — avant qu’il ne sombre peu à peu dans la folie et ne meure peu avant ses quarante-trois ans. Reconnu de son vivant, il conserve un renom de premier plan, renouvelé encore par les nombreuses adaptations filmées de ses œuvres.


Sa vie

Son père est un agent de change anobli d’origine lorraine ; sa mère, très cultivée et amie d'enfance de Flaubert – qui sera pour le jeune Guy comme un maître et deviendra son ami –, est issue de la bourgeoisie normande.
Le père de Maupassant, hobereau galant préférant la vie parisienne au paisible manoir normand, se sépare de sa femme en 1859. Resté à Étretat avec sa mère, le jeune Guy joue avec les petits paysans : son premier contact avec la nature est heureux et il ne l'oubliera jamais.
La famille Maupassant, venue de Lorraine, s’est installée en Seine-Inférieure, aujourd'hui Seine-Maritime au milieu du XIXe siècle. Le père de Guy, Gustave de Maupassant né Maupassant. Il a obtenu par décision du tribunal civil de Rouen, le 9 juillet 1846 le droit à la particule, homme volage, a épousé en 1846 Laure Le Poittevin, une demoiselle de la bonne bourgeoisie. Avec son frère Alfred, elle est l’amie de Gustave Flaubert, le fils d’un chirurgien de Rouen, qui devait exercer une certaine influence sur la vie de son fils. Elle fut une femme d’une culture littéraire peu commune, aimant beaucoup les classiques, particulièrement Shakespeare.
En 1854, la famille s’installe au château Blanc de Grainville-Ymauville, près du Havre. En 1856 naît Hervé, le frère cadet de Guy. En 1859, Gustave de Maupassant trouve un emploi à la banque Stolz à Paris, Guy est scolarisé au lycée impérial Napoléon lycée Henri-IV. Séparée de son mari volage en décembre 1860, Laure s'installe avec ses deux fils à Étretat elle survivra à ses deux fils, comme leur père.
Guy passe le reste de son enfance dans la maison Les Verguies, une grande bâtisse du XVIIIe siècle à Étretat - que Laure sur les conseils de son frère, Alfred Le Poittevin, a acquise avant son mariage - où, entre mer et campagne, il grandit dans l’amour de la nature et des sports en plein air ; il va pêcher avec les pêcheurs de la côte et parle patois avec les paysans. Il est profondément attaché à sa mère.

À treize ans, il est pensionnaire de l'Institution ecclésiastique d'Yvetot, selon le souhait de sa mère. C’est en ces lieux qu’il commence à versifier. De sa première éducation catholique, il conservera une hostilité marquée envers la religion ; il finira par se faire renvoyer. Il est alors inscrit au lycée de Rouen, où il se montre bon élève, s’adonnant à la poésie et participant beaucoup aux pièces de théâtre. À cette époque, il côtoie Louis Bouilhet et surtout Gustave Flaubert, dont il devient le disciple.
En 1868 en vacances à Étretat, il sauve de la noyade le poète anglais décadent Charles Algernon Swinburne qui l'invite à dîner en remerciement pour son courage. Il voit à cette occasion une main coupée il en tirera la nouvelle La Main d'écorché. Bachelier des lettres en 1869, il part étudier le droit à Paris sur le conseil de sa mère et de Flaubert. La guerre qui s'annonce va contrarier ces plans.
En 1870, il s’enrôle comme volontaire lors de la guerre franco-prussienne. Affecté d’abord dans les services d’intendance puis dans l’artillerie, il participe à la retraite des armées normandes devant l’avancée allemande.
Après la guerre, il paie un remplaçant pour achever à sa place son service militaire5 et quitte la Normandie pour s'installer durablement à Paris.

À Paris, Guy de Maupassant passe dix années comme commis d’abord au ministère de la Marine puis au ministère de l’Instruction publique où il est transféré en 1878 grâce à Flaubert ; il y restera jusqu'en 1882. Le soir, il travaille d'arrache-pied à ses travaux littéraires. En février 1875, il publie son premier conte, La Main écorchée, sous le pseudonyme de Joseph Prunier, dans L'Almanach lorrain de Pont-à-Mousson et Le Bulletin Français publie le 10 mars 1876, sous la signature de Guy de Valmont son conte En canot. En octobre 1876, à Catulle Mendès qui l'approche pour devenir franc-maçon, Maupassant répond :
" ... Je veux n'être jamais lié à aucun parti politique, quel qu'il soit, à aucune religion, à aucune secte, à aucune école ; ne jamais entrer dans aucune association professant certaines doctrines, ne m'incliner devant aucun dogme, devant aucune prime et aucun principe, et cela uniquement pour conserver le droit d'en dire du mal.. "
Fin janvier 1877, le romancier russe Tourgueniev le rencontre et le trouve tout décati. Le diagnostic tombe : syphilis.
Cette maladie — il en mourra — ne cessera d'empoisonner l'existence du jeune homme, même s'il s'en gausse alors :

" J'ai la vérole ! enfin la vraie, pas la misérable chaude-pisse, pas l'ecclésiastique christalline, pas les bourgeoises crêtes de coq, les légumineux choux-fleurs, non, non, la grande vérole, celle dont est mort François Ier. Et j'en suis fier, malheur, et je méprise par-dessus tout les bourgeois. Alléluia, j'ai la vérole, par conséquent, je n'ai plus peur de l'attraper ! ... "

Pendant huit ans, de 1872 à 1880, sa distraction fut le canotage sur la Seine, toujours en galante compagnie, le dimanche, et pendant les vacances. Il va à Bezons, Argenteuil, Sartrouville, Chatou, Bougival et le plus souvent se rend à l’auberge Poulin à Bezons, à la Maison Fournaise à Chatou et à La Grenouillère, un radeau-établissement de bains située face à Croissy-sur-Seine. En compagnie de ses amis, Tomahawk, Henri Brainne, Petit Bleu, Léon Fontaine, Hadji, Albert de Joinville, et La Tôque, Robert Pinchon, Maupassant forme une joyeuse confrérie, et emmène en promenade des filles dociles sur la yole achetée en commun et baptisée Feuille de rose. Lui se fait appeler « Maistre Joseph Prunier, canoteur ès eaux de Bezons et lieux circonvoisins »13. Une autre activité physique de Maupassant est la chasse : il ne manquera que rarement l'ouvertur, dosant la poudre de ses cartouches et sélectionnant ses chiens d'arrêt.
L'activité cynégétique de l'auteur est surtout présente dans l'imaginaire des contes, et les métaphores relatives au beau sexe tenant le rôle de gibier abondent.

Flaubert le prend sous sa protection et devient pour lui une sorte de mentor littéraire, guidant ses débuts dans le journalisme et la littérature. Le 31 mai 1877, dans l'atelier du peintre Becker, dans le VIe arrondissement, en présence de Flaubert, de Valtesse de La Bigne, de Suzanne Lagier - la princesse Mathilde voulait venir à tout prix, masquée... L'ermite de Croisset l'en dissuada - et d'Edmond de Goncourt, Maupassant et ses amis organisent une seconde représentation de la pièce À la feuille de rose, maison turque. Au mois d'août de la même année, le jeune Maupassant suit une cure à Loèche dans le Valais suisse : Flaubert à cette occasion rapporte à Tourgueniev :
" Aucune nouvelle des amis, sauf le jeune Guy. Il m'a écrit récemment qu'en trois jours il avait tiré dix-neuf coups ! C'est beau ! Mais j'ai peur qu'il ne finisse par s'en aller en sperme..."
Flaubert cependant ne craint pas de le rappeler à l'ordre, comme en témoigne cette lettre du 15 août 1878 :
" Il faut, entendez-vous, jeune homme, il faut travailler plus que cela. J'arrive à vous soupçonner d'être légèrement caleux. Trop de putains ! trop de canotage ! trop d'exercice ! oui, monsieur ! Le civilisé n'a pas tant besoin de locomotion que prétendent les médecins. Vous êtes né pour faire des vers, faites-en ! "Tout le reste est vain" à commencer par vos plaisirs et votre santé ; foutez-vous cela dans la boule". Chez Flaubert, outre Tourgueniev, il rencontre Émile Zola, ainsi que de nombreux écrivains appartenant aux écoles naturalistes et réalistes.
Il écrit beaucoup de vers et de courtes pièces. Il commence aussi à fournir des articles à plusieurs journaux importants comme Le Figaro, Gil Blas, Le Gaulois et L'Écho de Paris, puis consacre ses loisirs à l’écriture de romans et de nouvelles. Toujours encouragé par Flaubert, le vieil ami de sa famille, il publie en 1879 son premier livre, un fascicule d’une centaine de pages, Histoire du vieux temps. Celui-ci est représenté le 19 février 1879 chez Ballande, au Troisième Théâtre Français, sous la forme d'une comédie en un acte et en vers ; c'est un honnête succès20.

S'étant lié avec Zola, il participe en 1880 au recueil collectif des écrivains naturalistes Les Soirées de Médan avec sa première nouvelle, Boule de suif, qui remporte d'emblée un grand succès et que Flaubert qualifie de chef d'œuvre qui restera. Maupassant a décrit dans sa nouvelle l'Auberge du cygne à Tôtes, il y a également séjourné comme Flaubert qui y écrivit en partie Madame Bovary. La même année, la disparition subite de Flaubert, le 8 mai 1880, laisse le nouvel écrivain seul face à son destin C'est à l'auberge Poulin de Bezons que Guy de Maupassant apprend par un télégramme, la mort de son maître
À cette occasion, il écrit un peu plus tard :
"Ces coups-là nous meurtrissent l'esprit et y laissent une souffrance continue qui demeure en toutes nos pensées. Je sens en ce moment d'une façon aiguë l'inutilité de vivre, la stérilité de tout effort, la hideuse monotonie des évènements et des choses et cet isolement moral dans lequel nous vivons tous, mais dont je souffrais moins quand je pouvais causer avec lui".

Maupassant à la fin de sa vie.

La décennie de 1880 à 1890 est la période la plus féconde de la vie de Maupassant : il publie six romans, plus de trois cents nouvelles et quelques récits de voyage. Rendu célèbre par sa première nouvelle, il travaille méthodiquement, et produit annuellement deux et parfois quatre volumes. Le sens des affaires joint à son talent lui apporte la richesse.

En mai 1881, il publie son premier volume de nouvelles sous le titre de La Maison Tellier, qui atteint en deux ans sa douzième édition. Le 6 juillet 1881 il quitte Paris pour l'Afrique du Nord comme envoyé spécial du journal Le Gaulois, il a tout juste le temps d'écrire à sa maîtresse Gisèle d'Estoc :
"Je suis parti pour le Sahara !!! ... Ne m'en veuillez point ma belle amie de cette prompte résolution. Vous savez que je suis un vagabond et un désordonné. Dites-moi où adresser mes lettres et envoyez les vôtres à Alger poste restante. Tous mes baisers partout...".
Il revient à Paris vers la mi-septembre après un bref séjour en Corse. Engagé par contrat vis-à-vis du Gaulois, Maupassant se choisit un pseudonyme : Maufrigneuse, sous lequel il se permettra ses articles les plus polémiques. 1883, Maupassant termine son premier roman, qui lui aura coûté depuis 1877 six années : c'est Une vie, dont vingt-cinq mille exemplaires sont vendus en moins d’un an - l'ouvrage, vu sa tonalité, sera un premier temps censuré dans les gares, cependant l'interdiction sera vite levée Léon Tolstoï en personne, dira à propos de ce roman :
"C'est le plus grand chef-d'œuvre de la littérature française, après Les Misérables"
Avec les droits d’auteur de La Maison Tellier, Maupassant se fait construire sa maison, La Guillette, ou maison de Guy, à Étretat La maison est envahie chaque été par Maupassant et ses amis.
Le 27 février 1883 naît son premier enfant, Lucien, un garçon qu'il ne reconnaît pas, fils de Joséphine Litzelmann couturière modiste. Une fille naît l'année suivante, puis un troisième en 1887, non reconnus. En novembre 1883, sur les recommandations de son tailleur et afin de se libérer des obligations matérielles, Guy de Maupassant embauche à son service un valet, le belge François Tassart.
En 1884, il vit une liaison avec la comtesse Immanuela Potocka, une mondaine riche, belle et spirituelle.Cette comtesse italienne et polonaise était la fondatrice du diner des Macchabées ou morts d'amour pour elle. Le parfumeur Guerlain créa pour elle, le parfum Shaw's Caprice. En octobre de la même année, il achève l'écriture de Bel-Ami à la Guillette.
Dans ses romans, Guy de Maupassant concentre toutes ses observations dispersées dans ses nouvelles.
Son second roman, Bel-Ami, paru en 1885, connaît trente-sept tirages en quatre mois. Et si l'on ajoute à la littérature son sens bien normand des affaires, Maupassant dira en riant :
Bel-Ami c'est moi !. Ayant réglé les détails de la parution de Bel-Ami en feuilleton, Maupassant quitte Paris pour l'Italie, le 4 avril 1885 en compagnie de quelques amis : Paul Bourget, Henri Amic et les peintres Henri Gervex et Louis Legrand, tous ayant le point commun d'être Macchabées chez la comtesse Potocka.
À Rome dès le 23 mai, le Taureau normand presse son hôte, le comte Primoli, de le conduire dans une maison close à proximité du Palais Farnèse via di Tor di Nona. Des ouvrages marquants par le style, la description, la conception et la pénétration s’échappent de sa plume féconde. Cependant, à quoi songe t-il, ce 2 juillet 1885, longeant avec nostalgie, les berges de la Seine à Chatou, cinq ans après la mort de Flaubert... À l'auberge Fournaise, reconnu, on lui offre un copieux déjeuner, et rassasié, l'écrivain inscrit sur un mur, sous une gueule de chien peinte : Ami, prend garde à l'eau qui noie,/ Sois prudent, reste sur le bord,/ Fuis le vin qui donne l'ivresse;/ On souffre trop le lendemain./ Prend surtout garde à la caresse/ Des filles qu'on trouve en chemin.... Trois ans plus tard, Maupassant écrit ce que, d'aucuns considèrent comme le plus abouti de ses romans, Pierre et Jean, en 1887-1888.
Son aversion naturelle pour la société ainsi que sa santé fragile le portent vers la retraite, la solitude et la méditation.
Il voyage longuement en Algérie, en Italie, en Angleterre, en Bretagne, en Sicile, en Auvergne, et chaque voyage est pour lui synonyme de volumes nouveaux et de reportages pour la presse.
Il fait une croisière sur son yacht privé, nommé Bel-Ami, d’après son roman de 1885. Cette croisière, où il passe par Cannes, Agay et Saint-Tropez lui inspire Sur l'eau. Il y aura un Bel-Ami II. De ses voyages, il garde une préférence pour la Corse ; il place même le paysan corse au-dessus du paysan normand, car hospitalier.
Quoi qu'il en soit, cette vie fiévreuse, ce besoin d'espaces, et souvent pour oublier la maladie qui l'accapare, ne l’empêchent pas de nouer des amitiés parmi les célébrités littéraires de son temps : Alexandre Dumas fils lui voue une affection paternelle. Guy tombe également sous le charme de l’historien-philosophe Taine rencontré à Aix-les-Bains.

S'il reste ami avec Zola et Tourguéniev, en revanche l’amitié de Maupassant avec les Goncourt dure peu : sa franchise et son regard acéré sur la comédie humaine s’accommodent mal de l’ambiance de commérage, de scandale, de duplicité et de critique envieuse que les deux frères ont créée autour d’eux sous l’apparence d’un salon littéraire à la manière du XVIIIe siècle… La brouille avec les Goncourt commence à propos d'une souscription pour un monument à la gloire de Flaubert.

En 1887, récit de ses pérégrinations thermales en Auvergne, parait Mont-Oriol, roman sur le monde des affaires et les médecins, dans lequel Guy de Maupassant déploie ce qui était une science neuve à l'époque : la psychologie. De même est abordé un antisémitisme de salon, à travers le personnage de William Andermatt dans une œuvre teintée de pessismisme. En février 1887, Maupassant signe avec d'autres artistes la pétition publiée dans Le Temps contre l’érection … de l’inutile et monstrueuse Tour Eiffel.
Puis sollicité, il finance la construction d'un aéronef qui doit se nommer Le Horla. Le départ a lieu le 8 juillet 1887 à l'usine à gaz de La Villette jusqu'en Belgique à l'embouchure de l'Escaut à Heist - puis il voyage en Algérie et en Tunisie. En janvier 1888 Maupassant s'arrête à Marseille et achète le côtre de course Le Zingara, puis il rejoint Cannes à son bord. Bien qu'il soit loin de Paris, Edmond de Goncourt ressasse à son sujet.
La même année, son frère Hervé est interné une première fois; il retombe malade en fin d'année. L'écrivain jette alors ses dernières forces dans l'écriture.
En mars 1888, il entame la rédaction de Fort comme la mort qui sera publié en 1889. Le titre de l'œuvre est tiré du Cantique des cantiques : L’amour est fort comme la mort, et la jalousie est dure comme le sépulcre. Le soir du 6 mars 1889 Maupassant dine chez la princesse Mathilde. Il y croise le docteur Blanche ainsi qu'Edmond de Goncourt, leurs rapports restent distants. En août 1889, Hervé de Maupassant est de nouveau interné à l'asile de Lyon-Bron. Le 18 août 1889 à Étretat, cherchant à conjurer le sort, Guy donne une fête : Hermine Lecomte du Nouÿ et Blanche Roosevelt figurent parmi les invités qui se font tirer les cartes par une mauresque, puis après une pièce de théâtre, la fête s'achève par une bataille de lances à incendie.
Les derniers lampions s'éteignent. Le 20 août, l'écrivain et son valet se mettent en route. Le lendemain, Guy visite Hervé. Celui-ci meurt le 13 novembre 1889 à l'âge de trente-trois ans.
Durant les dernières années de Maupassant, se développent en lui un amour exagéré pour la solitude, un instinct de conservation maladif, une crainte constante de la mort, et une certaine paranoïa, dus à une probable prédisposition familiale, sa mère étant dépressive et son frère mort fou, mais surtout à la syphilis, contractée pendant ses jeunes années.
Maupassant se porte de plus en plus mal, son état physique et mental ne cesse de se dégrader, et ses nombreuses consultations et cures à Plombières-les-Bains, Aix-les-Bains ou Gérardmer n'y changent rien. En mai 1889, Guy de Maupassant commence ce qui restera comme son dernier roman publié : Notre cœur ; racontant les amours contrariés de Michèle de Burne et André Mariolle, cette peinture de mœurs mondaines sans dénouement est d'abord publiée dans la Revue des Deux-Mondes en mai et juin 1890, puis en volume ce même mois de juin chez Ollendorff et reçoit un accueil favorable. À la mi-juillet Maupassant se rend à Plombières-les-Bains sur les conseils de ses médecins, puis le 29 juillet fait une courte croisière à bord de Bel-Ami II.
Un mois plus tard en août 1890, Guy de Maupassant commence L'Âme étrangère, qu'il ne finira jamais. Le 23 novembre 1890 il se rend à Rouen pour l'inauguration du monument Flaubert, aux côtés d'Émile Zola, José-Maria de Heredia et Edmond de Goncourt ; le soir Goncourt note dans son Journal :
"... Je suis frappé, ce matin, de la mauvaise mine de Maupassant, du décharnement de sa figure, de son teint briqueté, du caractère marqué, ainsi qu'on dit au théâtre, qu'a pris sa personne, et même de la fixité maladive de son regard. Il ne semble pas destiné à faire de vieux os ". En 1891, il commence un roman, L'Angélus, qu'il n'achève pas non plus. Le 31 décembre, il envoie une lettre d'adieu au docteur Cazalis, ce sont ses dernières lignes :
"... Je suis absolument perdu. Je suis même à l'agonie. J'ai un ramollissement du cerveau venu des lavages que j'ai faits avec de l'eau salée dans mes fosses nasales. Il s'est produit dans le cerveau une fermentation de sel et toutes les nuits mon cerveau me coule par le nez et la bouche en une pâte gluante.
C'est la mort imminente et je suis fou ! Ma tête bat la campagne. Adieu ami vous ne me reverrez pas !...."

Dans la nuit du 1er janvier au 2 janvier 1892, il fait une tentative de suicide au pistolet son domestique, François Tassart, avait enlevé les vraies balles.
Il casse alors une vitre et tente de s’ouvrir la gorge. On l'interne à Paris le 8 janvier dans la clinique du docteur Émile Blanche, où il meurt de paralysie générale un mois avant son quarante-troisième anniversaire, après dix-huit mois d’inconscience presque totale, le 6 juillet 1893, à onze heures quarante-cinq du matin. Sur l’acte de décès figure la mention né à Sotteville, près d’Yvetot, ce qui ouvre la polémique sur son lieu de naissance.

Le 8 juillet 1893 les obsèques ont lieu à l'église Saint-Pierre-de-Chaillot à Paris. Il est enterré au cimetière du Sud à Paris 26e division. Émile Zola prononce l'oraison funèbre :

" ... Je ne veux pas dire que sa gloire avait besoin de cette fin tragique, d'un retentissement profond dans les intelligences, mais son souvenir, depuis qu'il a souffert de cette passion affreuse de la douleur et de la mort, a pris en nous je ne sais quelle majesté souverainement triste qui le hausse à la légende des martyrs de la pensée. En dehors de sa gloire d'écrivain, il restera comme un des hommes qui ont été les plus heureux et les plus malheureux de la terre, celui où nous sentons le mieux notre humanité espérer et se briser, le frère adoré, gâté, puis disparu au milieu des larmes... "

Quelques jours après l'enterrement, Émile Zola propose à la Société des gens de lettres d'élever un monument à sa mémoire. Le monument fut inauguré le 25 octobre 1897 au parc Monceau, Zola prononçant une courte allocution.

En 1891, Guy de Maupassant avait confié à José Maria de Heredia :
"Je suis entré dans la littérature comme un météore, j’en sortirai comme un coup de foudre."

Analyse de l'œuvre

Principes esthétiques

Maupassant a défini ses conceptions de l’art narratif en particulier dans la Préface de Pierre et Jean intitulée Le Roman en 1887-1888.

Pour lui, le romancier qui doit tout mettre en œuvre pour produire l’effet qu’il poursuit c’est-à-dire l’émotion de la simple réalité, et pour dégager l’enseignement artistique qu’il en veut tirer, c’est-à-dire la révélation de ce qu’est véritablement l’homme contemporain devant ses yeux, pour lui en effet les grands artistes sont ceux qui imposent à l’humanité leurs illusions particulières.

Rejetant le roman romantique et sa « vision déformée, surhumaine, poétique » comme le roman symboliste marqué par les excès du psychologisme et de l’écriture artiste, Maupassant adhère à l’idéal d’un roman objectif à la recherche du réalisme, mais conscient des limites de ce dernier. Pour lui, le réalisme est une vision personnelle du monde qu’il le romancier cherche à nous communiquer en la reproduisant dans un livre et pour ce faire le romancier effectue, à partir de sa personnalité, un choix dans le réel.
C’est toujours nous que nous montrons , déclare-t-il comme il affirme que le roman est une composition artistique, un groupement adroit de petits faits constants d’où se dégagera le sens définitif de l’œuvre. Maupassant rejette donc également le naturalisme avec sa lourde documentation et avec son ambition démonstratrice d’un réalisme total à la Zola, mais il pratique un réalisme sans exclusive morale vis-à-vis de la réalité sordide comme lors de la mort de Forestier dans Bel-Ami ou la chienne en gésine au chapitre X dans Une vie.

Maupassant recherche la sobriété des faits et gestes plutôt que l’explication psychologique, car la psychologie doit être cachée dans le livre comme elle est cachée en réalité sous les faits dans l’existence . Cette sobriété s’applique aussi aux descriptions, rompant ainsi fortement avec l’écriture balzacienne. Ce goût pour la densité conduit d’ailleurs Maupassant à privilégier l’art de la nouvelle : il en écrit plus de trois cents et seulement cinq romans, en une décennie il est vrai.
Enfin Maupassant rendant hommage à Flaubert reprend la formule de Buffon selon laquelle le talent est une longue patience et revendique une langue claire, logique et nerveuse , opposée à l’écriture artiste des années 1880-1890 qu’illustrent par exemple les frères Goncourt.

Ils sont liés à la vie quotidienne de son époque et aux différentes expériences de la vie de l’auteur, et bien sûr se combinent les uns aux autres :
La Normandie, région natale de Maupassant, tient une place importante dans son œuvre avec ses paysages campagne, mer ou villes comme Rouen dans Une vie ou Le Havre dans Pierre et Jean et ses habitants, qu’ils soient paysans Aux champs – Toine…, hobereaux ou petits bourgeois Pierre et Jean. Elle ne constitue cependant pas un cadre spatial unique puisque Paris sert de toile de fond au grand roman Bel-Ami qui en montre différents quartiers socialement définis, en particulier pour les milieux mondains et affairistes qu’on retrouve ailleurs dans Fort comme la mort ou Mont Oriol. Le milieu des petits employés de bureau parisiens et des classes populaires est lui plutôt présent dans des nouvelles comme L’Héritage ou La Parure pour les premiers, Une partie de campagne ou Deux amis pour les secondes.
La guerre de 1870 et l’occupation allemande constitue un autre thème important, Maupassant se souvenant des événements vécus dix ou quinze ans plus tôt : Boule de suif, Mademoiselle Fifi, Deux amis, Le Père Milon, La Folle, etc.
Sur le plan humain, Maupassant s’attache particulièrement aux femmes, souvent victimes Jeanne dans Une vie, Histoire d'une fille de ferme, La Petite Roque, Miss Harriet, etc. avec une place notable faite à la figure de la prostituée (Boule de suif, Mademoiselle Fifi, La Maison Tellier, etc.. Le thème de la famille et de l’enfant lui est également cher avec souvent la question de la paternité (Pierre et Jean, Boitelle, Aux champs, L’Enfant , En famille, etc..
Son pessimisme : Dans Le Désespoir philosophique, Maupassant va plus loin encore que Flaubert qui, lui, gardait la foi dans son art. Disciple de Schopenhauer, le plus grand saccageur de rêves qui ait passé sur terre, il s'en prend à tout ce qui peut inspirer quelque confiance dans la vie. Il nie la Providence, considère Dieu comme « ignorant de ce qu'il fait , attaque la religion comme une duperie ; l'homme est une bête à peine supérieure aux autres ; le progrès n'est qu'une chimère. Le spectacle de la bêtise, loin de l'amuser, finira par lui faire horreur. Même l'amitié lui semblera une odieuse tromperie, puisque les hommes sont impénétrables les uns aux autres et voués à la solitude.
Parmi les autres axes majeurs de l’œuvre de Maupassant se trouvent la folie, la dépression et la paranoïa Le Horla, Lui ?, La Chevelure , Mademoiselle Hermet qui commence par ces mots révélateurs Les fous m’attirent et aussi la mort et la destruction Une vie, Bel-Ami , La Petite Roque, Fort comme la mort. L’orientation pessimiste de ces thèmes où l’amour heureux a peu de place trouve cependant parfois un contrepoint dans le thème de l’eau, que ce soit la mer Une vie , Pierre et Jean, les rivières Sur l’eau, Mouche, Une partie de Campagne ou les marais Amour.

La course à la production

Il veut que le nom, légué par un père méprisé, devienne un autre, le sien, celui d'un écrivain célèbre ; il veut de l'argent, pour sortir de la pauvreté, puis pour le dépenser en plaisirs luxueux ; il veut gagner la faveur de toutes les femmes pour ne pas se marier ; il veut créer pour ne pas procréer. Il s'acharnera donc à écrire : en une douzaine d'années, quinze recueils de nouvelles, six romans, trois volumes de récits de voyage, deux pièces de théâtre et des centaines de chroniques. Tout cela au milieu d'une vie mondaine souvent tapageuse, au cours de voyages fréquents. Peut-être cette activité fiévreuse a-t-elle aussi pour cause le pressentiment d'une fin précoce : en janvier 1892, la puissante machine à vivre et à produire s'arrête, et, au terme d'une agonie de seize mois dans la maison de santé du Dr Blanche à Auteuil, Maupassant meurt de paralysie générale.

L'œuvre est marquée par les conditions de sa genèse. Elle se compose, pour sa plus grande partie, de morceaux de courte haleine qui, se ressemblant tous, forment une suite où il est difficile de percevoir une évolution. L'expression ne change guère et, malgré la richesse des matériaux anecdotiques, ce sont les mêmes thèmes qui reviennent toujours : l'impossibilité de la communication entre les hommes, l'amour malheureux d'êtres épris d'idéal et d'autres, prisonniers de leurs sens ; la désagrégation de la famille, la guerre, la folie, la mort et la critique impitoyable d'une humanité égoïste, bornée et hypocrite.
Les milieux sont aussi presque toujours les mêmes : la campagne normande, habitée par des paysans et des hobereaux, et Paris où se côtoient, sans se connaître, de petits fonctionnaires, de grandes dames et des prostituées. Les personnages ne diffèrent que selon leur appartenance à une catégorie – riches, pauvres, nobles, bourgeois, paysans, mères de famille asexuées, femmes faciles, maris trompés, amants parasites... – et leurs tragédies banales ne suffisent pas pour les individualiser. Les récits s'accumulent ainsi en une série qui peut se prolonger à l'infini : la preuve en est le manque d'unité des recueils dont chacun contient la production des mois qui viennent de s'écouler.
Au cours des dernières années, surviennent, toutefois, de légers changements.
Le mépris s'efface devant une compréhension mélancolique, la critique sociale perd de son importance pour laisser plus de place aux drames intérieurs de personnages situés, de préférence, dans les milieux mondains, et, conséquence probable de ces modifications, le roman tend à évincer la nouvelle. Le premier roman de Maupassant, Une vie 1883, biographie d'une femme mal mariée, est conçu encore sous l'influence immédiate de l'auteur de Madame Bovary. Dans Bel-Ami 1885 1887, Pierre et Jean 1888, Fort comme la mort 1889, Notre Cœur 1890, ce sont des cœurs ravagés que le romancier étudie avec une minutie qui semble vouloir rivaliser avec le psychologisme de Bourget.
Ces déplacements d'accent ou d'intérêt ne sont, cependant, que des changements de manière. Le fond reste le même parce que, dans chacune de ses œuvres, Maupassant montre une des innombrables et peu différentes facettes d'un univers déterminé par une puissance unique qui – argent, amour ou nature – met fin à chaque histoire avec la même cruauté absolue et marque ainsi chacun du sceau d'un même désespoir. S'acharner à produire, c'est donc aussi vouloir accumuler des preuves contre un ennemi surhumain et gigantesque.

Lire la suite ->http://www.loree-des-reves.com/module ... ost_id=6144#forumpost6144

Posté le : 05/07/2014 23:24
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Guide de Maupassant suite 2
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57687
Hors Ligne
Les contes du désespoir

Comme toute sa génération, marquée par l'expérience de la guerre et désenchantée par le spectacle d'une époque où le pouvoir financier se stabilise, Maupassant ne peut échapper au pessimisme. C'est ce sentiment qui le pousse, à ses débuts, vers les naturalistes – Boule de suif paraît dans Les Soirées de Médan –, mais, hostile à toute tendance, il voudra rester fidèle à l' esthétique d'observation de Flaubert, et s'obligera, au nom de cette fidélité, à ne militer en faveur d'aucun espoir.
Il est convaincu que l'espoir est un piège. C'est la thèse qu'il s'obstine à répéter dans ses récits fondés, pour la plupart, sur le même schéma : on espère se libérer, sortir d'un espace clos ou d'une situation étouffante, si ce n'est pour toujours, au moins pour un dimanche, puis, lorsqu'on croit respirer enfin, l'étau se resserre brutalement, et, si l'on n'en meurt pas, on sera ligoté par un engagement, étranglé de dettes, noyé dans le chagrin. D'un récit à l'autre, l'histoire varie : dans La Maison Tellier, des prostituées passent une journée à la campagne où elles sont traitées en grandes dames, mais le soir elles doivent retourner dans la maison close ; dans La Parure, la femme d'un petit fonctionnaire brille un soir au bal du ministère, elle y perd un collier de diamants emprunté pour cette occasion, et, pour le racheter, elle devra passer le reste de sa vie confinée dans la pauvreté... Mais c'est partout le même piège, symbolisé, si sa présence n'est pas explicitée dans l'anecdote, par des objets – eaux noires, tourbillons, trappes, trous, cordages, filets, colliers, bouts de ficelle, liens, lianes – qui renvoient à une clôture perfide. Les acteurs de cette farce sinistre sont nécessairement interchangeables parce qu'ils sont tous issus de la même espèce, d'une humanité qu'une fatalité universelle a condamnée à l'asphyxie ou à la strangulation.

Omniprésente dans l'œuvre de Maupassant, cette fatalité, qui supprime le statut d'individu, reste indéfinie : elle est incompréhensible comme le pouvoir de l'argent, et elle est impénétrable comme la puissance des pulsions qui agissent par des voies inconscientes. Car le pessimisme de Guy de Maupassant ne résulte pas seulement de l'observation d'une société où l'homme, ayant perdu toute prise sur une réalité économique qui n'est plus à sa mesure, doit se contenter de la satisfaction d'appétits momentanés ou d'une cupidité sordide. Si le désespoir dépasse ici le mal du siècle, c'est qu'il fait résonner aussi les angoisses d'une personnalité prépsychotique la prédisposition à la psychose et la syphilis semblent s'entraider chez Maupassant pour le conduire à la paralysie générale. D'où ce fantasme du piège terrifiant, qui accuse une fixation à une période précoce de l'édification de la personnalité, où prédomine l'attachement à une figure maternelle archaïque – Maupassant l'appellera la femme sans tête – dont la matrice toute-puissante ne laisse sortir ses créatures que pour les reprendre dans sa clôture meurtrière. Personne n'échappe, parce que nous sommes tous enfants de cette mère-nature, tous, comme elle, sans identité, et tous, par elle, voués au même destin. C'est elle qui commande, de concert avec le grand capital, également sans visage, la production en série.
Irrationnelle par définition, cette fatalité sera, cependant, rationalisée par un écrivain qui se veut réaliste. Elle apparaît comme inhérente à un réel inconnaissable pour nos sens entrouverts et cadenassés – chez Maupassant, les idées de Schopenhauer renforcent les doutes empiristes –, et, sur le plan idéologique, comme la conséquence des incertitudes relativistes, de la pluralité des systèmes de valeurs, caractéristiques d'une société en voie de désagrégation. Elle devient de la sorte la source d'une pensée agnostique, et ouvre le domaine intellectuel au désespoir qui, envahissant le récit à tous ses niveaux, en déterminera aussi les cadres formels.

L'art de la nouvelle comme remède au désespoir et la série comme substitut de synthèse

La grande thèse de l'œuvre de Maupassant – l'espoir est un piège – se double d'une thèse intellectuelle – la logique est un piège – dont la démonstration exigera des récits comparables à des traités de désespoir raisonné. Au centre de chacun se trouve une contradiction – entre intention et résultat Le Rosier de Madame Husson, Yvette, morale idéale et morale courante, L'Héritage, Les Bijoux, volonté et instincts, La Petite Roque, Le Horla, etc. –, autrement dit une structure logique qui, tout en accusant la fragilité des rapports de cause à effet, garantit, par sa symétrie, la solidité de la composition. Le genre que cette structure appelle est la nouvelle, non seulement parce que la logique y joue un rôle important, mais aussi parce que ce sont des rapports à deux termes – dont la contradiction – qui la fondent en tant que genre défini par son unité. Afin que l'effondrement de la logique apparaisse comme inévitable, la contradiction doit être poussée à l'absurde, d'où l'importance, dans la nouvelle de Maupassant, de la pointe, de l'effet de surprise provoqué par la confrontation de deux vérités qui s'annulent.
Argument majeur du pessimisme intellectuel, cette absurdité, cependant, se révèle être un remède contre le désespoir. Elle s'accompagne souvent d'un humour sceptique : Il faut se hâter de rire des choses pour n'être pas forcé d'en pleurer; et, surtout, comme elle est liée à un cas d'espèce, elle permet de réintroduire l'élément individuel dans un système de catégories générales, et de ressusciter ainsi l'individu, ne serait-ce que pour la durée d'une nouvelle. Celle-ci, genre d'élection du doute, a, elle aussi, paradoxalement un effet rassurant : la rigueur de sa composition devient un moyen de maîtriser les désordres monstrueux causés par la fatalité aveugle qui gouverne l'univers de Maupassant et son unité, fondée sur la conscience des limites, s'oppose à la démesure de cette fatalité omniprésente.
Produire des nouvelles en série infinie équivaut donc à triompher, pour un instant, répété, du mal intérieur et du malheur universel. Éphémères victoires qui resteront cependant inscrites dans l'histoire littéraire : Maupassant a créé, par la production en série, un substitut de synthèse dans lequel se reconnaissent les époques qui ne peuvent se donner qu'une unité artificielle, celle de fragments juxtaposés, celle de phénomènes accumulés.
Registres dominants

Mademoiselle Fifi 1882

Le registre réaliste est constant avec le choix des détails de la vie quotidienne, le comportement des personnages et les effets de langue pittoresque, mais le registre fantastique marque fortement certaines œuvres lorsque l’irréel est présenté comme un réel possible en exploitant souvent le thème de la folie La Chevelure, La Tombe, Le Horla….
Parallèlement le registre dramatique l’emporte souvent avec la présence de la menace la folie dans Le Horla, les angoisses devant la mort de Bel-Ami…ou de la disparition le viol et l’assassinat de la petite Roque, la séparation dans Boitelle, morts accumulées dans Une vie, suicide de Miss Harriet…. Ce regard pessimiste et angoissé sur les hommes et sur la vie, comme une vision souvent noire des rapports sociaux et personnels, permet même de parler de registre tragique dans certains cas comme La Folle ou Le Père Amable.
Néanmoins le registre comique n’est pas absent même s’il est souvent grinçant. Il concerne aussi bien le comique de mots de gestes que de caractères avec les caricatures paysannes La ficelle, La Bête à Maît’ Belhomme ou le personnage du mari trompé et ignorant sa situation dans Pierre et Jean, et en atteignant aussi au comique de mœurs à propos du monde des employés L’Héritage ou des arrivistes bourgeois comme dans Bel-Ami où se confondent par exemple jeux amoureux et trafics financiers.
L’association de ces différents registres donne une coloration repérable à l’œuvre de Maupassant qu’accroît encore un style propre marqué par la densité que reflète la place prépondérante des nouvelles dans la production de l’auteur.

Procédés stylistiques et narratifs

Pierre et Jean

L’art de Maupassant est fait d’équilibre entre le récit des péripéties, les descriptions limitées et fonctionnelles, et le jeu entre discours direct / discours indirect / discours indirect libre. Il est aussi marqué par l’utilisation de phrases plutôt courtes avec une ponctuation expressive et de paragraphes eux aussi plutôt courts, voire très courts, qui donnent une mise en page aérée. La langue, quant à elle, est soutenue dans le récit et dynamique dans le discours direct, recherchant même le pittoresque en transcrivant les paroles des personnages populaires. Illustration – extrait au dialogue abrégé de Pierre et Jean :

« Alors il s’étendit tout habillé sur son lit et rêvassa jusqu’au jour.
Vers neuf heures il sortit pour s’assurer si l’exécution de son projet était possible. Puis, après quelques démarches et quelques visites, il se rendit à la maison de ses parents. Sa mère l’attendait enfermée dans sa chambre. …
La voix de la bonne sortit des profondeurs du sous-sol :
— V’la, M’sieu, qué qui faut ?
— Où est Madame ?
— Madame est en haut avec M’sieu Jean ! ...
— Tiens, te voilà, toi ! Tu t’embêtes déjà dans ton logis.
— Non, père, mais j’avais à causer avec maman ce matin.
Jean s’avança, la main ouverte, et quand il sentit se refermer sur ses doigts l’étreinte paternelle du vieillard, une émotion bizarre et imprévue le crispa, l’émotion des séparations et des adieux sans espoir de retour.

En ce qui concerne l’organisation du récit, Maupassant utilise le plus souvent une narration linéaire avec éventuellement quelques retours en arrière explicatifs limités dans Bel-Ami par exemple.

Si les romans sont classiquement à la troisième personne avec un point de vue omniscient dominant, les nouvelles présentent une grande diversité narrative qui joue avec les différentes focalisations et les différents narrateurs. On peut repérer en effet des récits à la troisième personne destinés directement au lecteur (Une partie de campagne, Aux champs, Deux amis, Mademoiselle Fifi, Boule de suif) et des récits à la première personne dans lesquels le narrateur, témoin, acteur principal ou secondaire, raconte un souvenir présenté comme personnel Un réveillon – Mon oncle Sosthène, Qui sait ?. Il peut aussi s’adresser à un auditoire collectif ou individualisé et raconter un événement de sa vie Conte de Noël, Apparition , La Main, ce qui justifie l’appellation de conte parfois utilisée par Maupassant, comme pour les récits à la première personne enchâssés dans un récit plus vaste où un personnage raconte au narrateur principal souvent quasi implicite ou en prenant la parole devant un auditoire, une histoire qui lui a été racontée précédemment La Rempailleuse ou à laquelle il a pris part la Main, La Petite Roque ; ce récit se présentant parfois sous l’aspect d’un manuscrit La Chevelure ou d’une lettre Lui ?.

Ainsi la richesse des thèmes abordés, la vision personnelle du monde qui s’en dégage et la maîtrise de l’art d’écrire placent Guy de Maupassant aux premiers rangs des prosateurs du XIXe siècle ; il demeure en particulier le plus marquant des auteurs de nouvelles de la littérature française.

Œuvre

Maupassant a publié certains textes sous pseudonymes :

Joseph Prunier, pour son premier conte, La Main d’écorché en 1875 ;
Guy de Valmont pour Gustave Flaubert en 1876. Il utilisa ce pseudonyme jusqu’en 1878 ;
Chaudrons-du-diable, qu'il utilisa pour signer en 1880 la chronique Étretat dans la revue Gil Blas du 20 août 1880.
Maufrigneuse, qu’il utilisa de 1881 à 1885 pour signer ses chroniques ou nouvelles dans Gil Blas, étant sous contrat avec la revue Le Gaulois. Le choix de ce pseudonyme vient du personnage de Diane de Maufrigneuse, dans La Comédie humaine de Balzac.
Romans
Une vie 1883
Bel-Ami 1885
Pierre et Jean 1887
Mont-Oriol 1887
Fort comme la mort 1889
Notre cœur 1890
Nouvelles et contes
Maupassant a écrit chaque semaine pendant presque dix ans dans les journaux Le Gaulois et Gil Blas ; on peut donc estimer le nombre de chroniques, nouvelles ou contes à près de mille

Liste des nouvelles de Guy de Maupassant.

Recueils de nouvelles
La Maison Tellier 1881
Mademoiselle Fifi 1882
Contes de la bécasse 1883
Clair de lune 1883
Miss Harriet 1884
Les Sœurs Rondoli 1884
Yvette 1884
Contes du jour et de la nuit 1885
Toine 1885
Monsieur Parent 1886
La Petite Roque 1886
Le Horla 1887
Le Rosier de Mme Husson 1888
La Main gauche 1889
L'Inutile Beauté 1890

Posthumes

Le Père Milon 1899
Le Colporteur 1900
Les éditions Lucien Souny ont édité en 2008 un recueil de nouvelles, Coquineries, dans lequel se trouvent quelques textes inédits provenant des collections d'une université américaine, de Claude Seignolle et d'un amateur anonyme.

Théâtre

Jean Béraud, Les Grands Boulevards : Le Théâtre des Variétés années 1880-
Histoire du vieux temps 1879
Une répétition 1880
Musotte 1891
La Paix du ménage 1893
À la feuille de rose, maison turque, comédie représentée en 1875

Poèmes

Des vers 1880
Des vers et autres poèmes, Publication Univ Rouen Havre,‎ 2001, 474 p.
Récits de voyage
Au soleil 1884
Sur l’eau 1888
La Vie errante 1890
Fragments de voyages, Arvensa éditions,‎ 2014, 900 p.

Éditions


Œuvres complètes, éd. Ollendorff, 1898-1904 ;
Œuvres complètes, 29 vol., éd. Conard de 1907-1910 ;
Œuvres complètes, 15 vol., Librairie de France, 1934-1938 ;
Contes et nouvelles, 2 vol., textes présentés, corrigés, classés et augmentés de pages inédites par Albert-Marie Schmidt, avec la collaboration de Gérard Delaisement, Albin-Michel, 1964-1967 ;
Maupassant, contes et nouvelles, 2 vol., texte établi et annoté par Louis Forestier, Bibliothèque de la Pléiade, éditions Gallimard, 1974 et 1979.
Maupassant, romans, 1 vol., texte établi et annoté par Louis Forestier, Bibliothèque de la Pléiade, éditions Gallimard, 1987.
Chroniques, Paris, UGE, 10/18, 1980 ; rééd. 1993, 3 vol. ;
Choses et Autres, Paris, Le Livre de Poche, Garnier-Flammarion, 1993 ;
Chroniques, éd. Henri Mitterand, Paris, La Pochothèque, 2008 ;
Guy de Maupassant, Théâtre, texte présenté, établi et annoté par Noëlle Benhamou, Paris, Éditions du Sandre, janvier 2012, 506 p. ;
Mes voyages en Algérie, éd. Lumières libres, Aït Saâda Kabylie, 2012
recueil des textes de Maupassant publiés dans Le Gaulois.

Adaptations

Maupassant est l’un des romanciers français les plus adaptés dans le monde, aussi bien au cinéma qu’à la télévision.

Depuis The Son’s Return, réalisé en 1909 par D. W. Griffith avec Mary Pickford, jusqu’à la série de huit téléfilms intitulée Chez Maupassant et diffusée sur France 2 en 2007, on compte ainsi plus de 130 adaptations des œuvres de l’écrivain pour le petit comme pour le grand écran.
On peut notamment citer :

À la feuille de rose, maison turque adapté pour la télévision par Michel Boisrond 1986 ;
Aux champs adapté pour la télévision par Hervé Baslé pour la série L’Ami Maupassant 1986 ;
Bel-Ami, adapté par Augusto Genina (1919), Albert Lewin (1947), Louis Daquin (1957), Helmut Käutner 1968, John Davies 1971
Berthe adapté pour la télévision par Claude Santelli pour la série L’Ami Maupassant (1986) ;
Boule de suif (parfois assimilé à Mademoiselle Fifi), adapté par Henry King (1928), Mikaël Rohm (1934), Kenji Mizoguchi (1935), Willy Forst (1938), John Ford (sous le titre Stage Coach en 1939), Norman Foster (sous le titre La Fuga en 1944), Robert Wise (sous le titre Mademoiselle Fifi en 1944), Christian-Jaque (1945) et Shiling Zhu (1951) ;
Ce cochon de Morin adapté par Viktor Tourjansky (1924), Georges Lacombe (1932) et Jean Boyer (sous le titre La Terreur des Dames en 1956) ;
Le Horla adapté par Jean-Daniel Pollet (1969]66
L’Enfant adapté pour la télévision par Claude Santelli pour la série L’Ami Maupassant (1986) ;
La Femme de Paul et Le Signe adaptés par Jean-Luc Godard (sous le titre Masculin-Féminin en 1966 ;
Hautot père et fils adapté pour la télévision par Jacques Tréfouel pour la série L’Ami Maupassant (1986) et pour l’anthologie Chez Maupassant (2007) ;
L’Héritage adapté pour la télévision par Alain Dhenault pour la série L’Ami Maupassant(1986) et par Laurent Heynemann pour l’anthologie Chez Maupassant (2007);
Madame Baptiste adapté par Claude Santelli (1974) ;
La Maison Tellier, Le Masque, Le Modèle adaptés par Max Ophüls (sous le titre Le Plaisir en 1952) ;
Mont Oriol adapté par Claudio Fino (1958) et Serge Moati (1980) ;
L’Ordonnance adapté par Viktor Tourjansky (en 1921 et 1933) ;
La Parure adapté par D. W. Griffith (1909), Denison Clift (1921), Claudine Cerf et Jacqueline Margueritte (1993) et Claude Chabrol pour l’anthologie Chez Maupassant (2007) ;
Le Parapluie adapté par Claudine Cerf et Jacqueline Margueritte (1989) ;
Le Père Amable adapté pour la télévision par Claude Santelli (1975) et Olivier Schatzky pour l’anthologie Chez Maupassant (2007) ;
La Petite Roque adapté pour la télévision par Claude Santelli pour la série L’Ami Maupassant (1986) ;
Pierre et Jean adapté par Donatien (1924), André Cayatte (1943), Luis Buñuel (sous le titre Una Mujer sin amor en 1952) et pour la télévision Michel Favart (1973) et Daniel Janneau (2004) ;
Le Port adapté par Arcady Boytler (sous le titre La Mujer del Puerto en 1934 et Claude Santelli 1974 ;
Qui sait ? adapté par Claudine Cerf et Jacqueline Margueritte 1987 ;
Le Rosier de Madame Husson adapté par Bernard-Deschamp 1933, Jean Boyer 1950 et pour l’anthologie Chez Maupassant 2008 ;
Le Signe (adapté sous le titre Une femme coquette en 1955 ;
Toine adapté par René Gaveau 1932, Edmond Séchan 1980 et Jacques Santamaria pour l’anthologie Chez Maupassant 2007 ;
Une partie de campagne adapté par Jean Renoir 1936 ;
Une vie adapté par Alexandre Astruc 1958 et pour la télévision par Élisabeth Rappeneau 2005 ;
Yvette adapté par Alberto Cavalcanti 1928, Wolgang Liebenner 1968 et pour la télévision par Jean-Pierre Marchand 1971.
Note : Pour plus de renseignements

Il existe aussi des adaptations en bandes dessinées telles que :
The Diamond Pendant, adaptation de la nouvelle La Parure par Graham Ingels publiée dans le premier numéro d'Impact, édité par EC Comics en mars 1955.

Bel-ami, livre de Guy de Maupassant

Publié chez Havard en 1885 après avoir paru quelques mois plus tôt en feuilleton dans la revue Gil Blas, Bel-Ami est le deuxième des six romans de Guy de Maupassant 1850-1893. Le premier, Une vie 1883, était le récit d'un lente et inexorable déchéance ; Bel-Ami est celui d'une réussite fulgurante. Mais quelle réussite ! Celle d'un aventurier affamé d'argent, corrompu à l'image de la société qu'il sert et dont il se sert. Si le livre fut un succès public, la presse l'accueillit plutôt froidement – il est vrai que la cible principale en était précisément le milieu journalistique –, reprochant sa noirceur excessive à ce roman peuplé de crapules et hanté par la mort.

Naissance d'un arriviste

Georges Duroy, jeune provincial d'origine modeste, ancien sous-officier des hussards monté à Paris pour y chercher fortune, erre sur les grands boulevards, avec trois francs quarante en poche. Il rencontre Charles Forestier, un ancien camarade de régiment, rédacteur à La Vie française, le journal du banquier Walter. Présenté à celui-ci, Duroy reçoit la commande de plusieurs articles, que lui rédige Madeleine Forestier, la femme de son ami. Grâce à la protection du couple, et à son pouvoir de séduction sur les femmes, le jeune homme fait rapidement carrière. Entretenu un temps par Mme de Marelle, sa maîtresse, conseillé par Madeleine, qu'il tente en vain de séduire, introduit par Mme Walter, que flattent ses avances, Bel-Ami, ainsi que l'a surnommé Laurine, la fille de Mme de Marelle, ne tarde pas à gravir les échelons au journal, où il obtient la place de chef des échos.
À la mort de Forestier, Duroy, devenu le baron Du Roy de Cantel, épouse Madeleine, avec qui il conclut un pacte d'alliance, ce qui ne l'empêche pas de lui extorquer la moitié d'un héritage. Grâce aux indiscrétions de Mme Walter, il gagne une somme considérable à la Bourse. Mais c'est la fortune de son patron qu'il vise désormais. Après avoir contraint Madeleine au divorce, il séduit Suzanne, la plus jeune fille du banquier, qu'il enlève, et finit par obtenir de force le consentement de son père. Le mariage triomphal, qui clôt le roman, laisse présager une brillante carrière politique.
Linéaire, le récit n'en révèle pas moins une structure signifiante forte. Dans une première partie, Duroy fait son apprentissage, et découvre la sordide réalité de la haute société parisienne. La seconde période s'ouvre après la mort de Forestier : au constat passif et aux entreprises désordonnées, succèdent l'ambition active et la stratégie réfléchie. Quelles qu'aient pu être les dispositions naturelles du héros, c'est donc bien la prise de conscience de la corruption des milieux journalistiques, politiques et financiers qui a transformé le petit provincial ignorant, mais séduisant et opportuniste, en un arriviste forcené, machiavélique et sans scrupules.

La mort seule est certaine

Les thèmes traités dans Bel-Ami ne sont pas nouveaux. Le monde de la presse, par exemple, avait déjà été épinglé par Balzac Illusions perdues, 1837-1843 ; Splendeurs et misères des courtisanes, 1838-1847, Flaubert L'Éducation sentimentale, 1869 ou encore Zola La Curée, 1872 ; Nana, 1880. Et, dans Le Père Goriot 1835 Vautrin conseillait à Rastignac de réussir par les femmes : Une jeune femme ne refuse pas sa bourse à celui qui lui prend le cœur. Mais précisément, Georges Duroy n'est pas Rastignac. Le héros de Balzac, encore empreint de romantisme, conservait jusqu'au bout un reste de pureté, et son fameux défi final lancé à la société parisienne pouvait s'entendre comme l'annonce d'une vengeance sinon morale du moins légitime. Rien de cela chez Duroy, qui se voue corps et âme, et sans arrière-pensée, à une ambition personnelle illimitée. Quoique assez éloigné du Zola de Germinal, paru la même année, et par le style – froid et précis, sans souffle ni pathos –, et par le milieu évoqué les hautes sphères , Maupassant s'inscrit bien ici dans le courant naturaliste : il s'agit de démonter les rouages de la mécanique sociale, de montrer l'envers du décor, sans craindre de se salir les mains.
L'ambition du roman ne se limite pas cependant à cette observation clinique. S'y ajoute une dimension à la fois métaphysique et morale. Car si la marche triomphale de Bel-Ami nous paraît tellement sinistre, c'est que, comme dans un tableau de vanité du XVIIe siècle, la mort ne cesse de rôder, au cœur même du plaisir et de la réussite. Le thème du double, récurrent dans l'œuvre de Maupassant Le Horla, 1887, illustre entre autres cette obsession : à la disparition de son ami Forestier, Duroy prend littéralement sa place, auprès de sa femme, dans sa maison et jusque dans ses vêtements. Hallucinations morbides, reflets troublants dans les miroirs, visions spectrales..., le personnage ne cesse de repousser les signes annonciateurs de sa propre fin. Là est sans doute le sens profond du roman, tel qu'il est délivré par le vieux poète Norbert de Varenne : "Il arrive un jour, voyez-vous, et il arrive de bonne heure pour beaucoup, où c'est fini de rire, comme on dit, parce que derrière tout ce qu'on regarde c'est la mort qu'on aperçoit. "

Contes de la Bécasse, livre de Guy de Maupassant

Les Contes de la bécasse 1883 sont le troisième recueil de nouvelles de Guy de Maupassant 1850-1893, succédant à La Maison Tellier 1881 et Mademoiselle Fifi 1882. Alors âgé de trente-trois ans, Maupassant est un auteur célébré, dont les nouvelles paraissent régulièrement dans les journaux. À l'exception de deux contes Saint Antoine et L'Aventure de Walter Schnaffs, écrits et ajoutés in extremis afin de grossir le volume), les quinze autres ont tous déjà paru, du 19 avril 1882 au 11 avril 1883, dans des quotidiens, Le Gaulois et le Gil Blas. Un contrat est signé avec les éditeurs Rouveyre et Blond en 1883 – la même année où l'éditeur Havard met sous presse le roman Une vie, paru lui aussi déjà en feuilleton dans le Gil Blas. Pour Maupassant, il s'agit tout d'abord d'une opération commerciale. C'est d'ailleurs lui-même qui dresse la liste des personnes auxquelles il faut envoyer les Contes de la bécasse – chaque conte étant dédicacé à une personnalité différente l'écrivain Joris-Karl Huysmans, le critique Paul Bourget.... Est-ce à cause du titre lui-même, qui, contrairement aux précédents volumes, ne reprend pas directement celui d'une nouvelle ? Est-ce le prière d'insérer qu'il écrit de sa main, précisant notamment :
"Ce qui distingue particulièrement ce dernier ouvrage de l'auteur de La Maison Tellier et d'Une vie, c'est la gaieté, l'ironie amusante "? Toujours est-il que l'accueil de la critique n'est guère enthousiaste deux articles dans Le Gaulois et dans Le Siècle, puis un autre, mitigé, de Jules Lemaître dans La Revue bleue, en novembre 1884. Le public, lui, ne s'y trompe pas, qui fait un vrai succès au livre : on compte sept réimpressions dès la première année. En 1887, Rouveyre et Blond ayant fait faillite, Havard réédite les Contes de la bécasse. Le titre lui déplaisant, il voulut le changer. Maupassant s'y opposa :
"C'est une supercherie peu digne qui sent la réclame de mauvais aloi."

Traquer les mesquineries et les ridicules

A priori, l'œuvre peut sembler n'être qu'un assemblage sans cohérence de textes. De chasse, il est peu question. On songe pourtant aux Mémoires d'un chasseur de Tourguéniev que Maupassant connaissait et admirait. Surtout, le récit liminaire met en scène un vieux chasseur auquel ses amis viennent raconter différentes histoires. La Normandie – pays de Caux et pays d'Auge – en constituera le cadre essentiel. Ainsi, d'un récit à l'autre, une ligne se dessine. Celle des peurs et des obsessions de Maupassant – angoisses de la mort et de la folie, de la sexualité et d'un monde âpre, dur, difficile aux humbles, à ceux qui méritent compassion ou pitié même lorsqu'ils se révèlent insupportables ou ridicules. C'est vrai pour ce pauvre « cochon de Morin » dont l'existence sera brisée parce qu'il a cru, stupidement, au sourire d'une jeune fille moins innocente qu'elle ne le paraît. En le menaçant d'un procès, elle le perdra aux yeux de tous, lui retirant toute considération et dignité au point que le pauvre homme en décédera bientôt : Je retournai chez Morin. Je le trouvai dans son lit, malade d'émotion et de chagrin. Sa femme, une grande gaillarde osseuse et barbue, le maltraitant sans repos. Elle m'introduisit dans la chambre en me criant par la figure : „Vous venez voir ce cochon de Morin ? Tenez, le voilà, le coco !“ C'est vrai pour le maître de ballet suranné d'un Menuet que l'on ne danse plus depuis que les rois ne sont plus. C'est vrai, encore, de la brave fille des Sabots, vendue comme servante par des parents avides d'argent qui, lorsqu'elle est enceinte de son maître, n'ont en tête que les profits attendus d'un mariage obligé.

Une écriture de la cruauté

Sans doute la trivialité et la paillardise sont-elles de mise avec Farce normande. Mais le rire est souvent tragique. Il est celui de la grimace, celui – comme le note Louis Forestier, du Hugo dans L'Homme qui rit. Le regard est aigu, sans complaisance. D'une cruauté – qui signifie plus douleur que méchanceté – dérivant parfois vers la folie comme en témoignent les images terribles de Pierrot un chien qui jappe jeté dans son puits ou de La Peur– un vieil homme hanté par le spectre du braconnier qu'il a tué jadis. Des images, encore, nées de l'horreur de la guerre et du traumatisme de l'invasion prussienne en 1870, comme le suggèrent La Folle, abandonnée en pleine forêt par la soldatesque ennemie où elle se laisse dévorer par les loups, ou l'Antoine halluciné de Saint Antoine contraint de tuer deux fois un soldat allemand, cadavre resurgi du fumier...

De là à dire que les critiques du temps n'aient pas su lire les Contes de la bécasse, il y a un pas que l'on ne peut que franchir. C'est que Maupassant, digne héritier de Flaubert, cultive un style direct, âpre, parfois vulgaire, mais toujours d'une précision extrême, recherchant inlassablement le mot, l'adjectif justes un travail d'écriture qu'ignorera la critique, en l'accusant d'effets et de grivoiserie. À un tournant de son œuvre, Maupassant prend une voie qui le conduira, miné par la maladie et la drogue, jusqu'au Horla, puis à la mort, à quarante-trois ans tout juste. Dès lors, ce qui peut n'apparaître que recueil d'anecdotes se révèle beaucoup plus : un regard sur le monde et la vie qui inscrit Maupassant, comme le rappelle Hubert Juin, dans le cercle des poètes maudits.

Pierre et Jean, livre de Guy de Maupassant

Pierre et Jean, quatrième roman de Guy de Maupassant 1850-1893, a été publié en trois fois dans la Nouvelle Revue, entre le 1er décembre 1887 et le 1er janvier 1888, avant de paraître en volume chez Ollendorf, qui venait d'éditer Le Horla. Trop souvent occulté par le célèbre texte théorique intitulé Le Roman qui le précède sans en constituer à proprement parler la Préface, ce bref récit – longue nouvelle ou petit roman , comme le qualifiait lui-même l'auteur – constitue cependant, sur le plan formel comme dans le traitement de thèmes obsédants et la vision du monde qu'il suppose, l'une des œuvres les plus fortes de Maupassant.

Enquête sur un secret de famille

Monsieur Roland, ancien bijoutier parisien passionné de navigation, s'est retiré au Havre avec sa femme et ses deux fils : Pierre, l'aîné, jeune diplômé de médecine, et Jean, son cadet de cinq ans, qui vient de terminer son droit. Au cours d'une partie de pêche familiale en compagnie d'une jeune veuve, Mme Rosémilly, les deux frères, pour plaire à la jeune femme, se livrent à une frénétique compétition à la rame qui révèle, sous une apparence d'union et d'affection, la rivalité qui les oppose. Le soir même, ils apprennent que Maréchal, un ancien ami de la famille, vient de mourir à Paris et qu'il lègue toute sa fortune à Jean. Pierre sent alors s'insinuer en lui un irrépressible sentiment de jalousie, auquel vient bientôt se superposer un terrible soupçon – Jean serait en réalité le fils de Maréchal –, éveillé par les insinuations du pharmacien Marowsko, à qui il vient d'apprendre la nouvelle ça ne fera pas bon effet, et d'une servante de brasserie ça n'est pas étonnant qu'il te ressemble si peu. À partir de ce moment, le doute va faire son chemin dans l'esprit du jeune docteur, jusqu'à devenir une intolérable certitude. Au fur et à mesure de son enquête, au cours de laquelle la remontée des souvenirs enfouis et l'interprétation des signes le confortent peu à peu dans ses suppositions, Pierre commence à harceler sa mère, tout en laissant de plus en plus libre cours à sa jalousie envers son frère – devenue en quelque sorte légitime à ses yeux. Car Jean semble devoir obtenir tout ce que lui convoite : fortune, femme il va épouser Mme Rosémilly, appartement... Pierre finit par lui révéler le secret de sa naissance : Je dis ce que tout le monde chuchote, ce que tout le monde colporte, que tu es le fils de l'homme qui t'a laissé sa fortune. Eh bien, un garçon propre n'accepte pas l'argent qui déshonore sa mère. Interrogée, celle-ci avoue la vérité à Jean, qui lui pardonne. Tous deux décident d'écarter Pierre, le fils légitime. Celui-ci s'engage comme médecin naval et s'embarque sur la Lorraine.

Pour un réalisme mythique

Comme souvent chez Maupassant, le récit obéit, on le voit, à la stricte linéarité d'un enchaînement tragique implacable. Implacable aussi pour le lecteur, qui peut croire jusqu'au bout ou presque au délire jaloux de Pierre, et que vient surprendre et désespérer, en un sens, l'absence de rebondissement : comme le paranoïaque finalement toujours victime de la persécution qu'il fantasme, le jeune médecin qui ne manque pas d'étudier en clinicien l'évolution de sa propre pathologie, alternant, à propos de son cas, entre clairvoyance et aveuglement, mû par sa jalousie maladive, en vient à imaginer une trahison... qui se révélera avoir bien eu lieu. Rien n'échappe ainsi au pessimisme radical de Maupassant : car la folie de l'enquêteur n'exclut pas la réalité du crime, et réciproquement. Quant à la morale de l'histoire, elle s'accomplit avec l'éviction du fils légitime au profit du bâtard, comme une ultime démystification de la famille bourgeoise.

Trahison et adultère, fils illégitime, transmission du bien, rivalité entre frères, hantise du double, quête de l'identité... Bien qu'ancré dans la réalité sociale de son temps, Pierre et Jean aborde des thèmes archétypaux qui renvoient aux mythes et aux tragédies antiques ou bibliques on songe, entre autres, à l'enquête d'Œdipe, à la vengeance d'Oreste, à la rivalité d'Abel et de Caïn.... Et il le fait sur le double mode d'un récit à la fois subjectif – le point de vue adopté étant, presque d'un bout à l'autre du roman, celui de Pierre, dont nous suivons les pensées – et objectif – la psychologie classique laissant ici la place à une auto-analyse quasi scientifique d'une lucidité effrayante. Au total, si, comme dans nombre de récits fondateurs, la révélation du secret de famille est bien l'objet de cette quête morbide et masochiste, la vérité ne se laisse jamais vraiment circonscrire. Elle reste toujours indiscernable du fantasme, enveloppante et insaisissable comme une brume – le dernier mot du livre.

Ajouté à la demande de l'éditeur qui jugeait le volume un peu trop maigre, le texte intitulé Le Roman qui précède Pierre et Jean s'inscrit dans le mouvement des critiques du naturalisme entreprises par Flaubert, en réaction aux théories radicales de Zola. Maupassant y réclame un réalisme visionnaire, illusionniste, les Réalistes devraient s'appeler plutôt des Illusionnistes. Le réaliste, s'il est un artiste, cherchera non pas à nous montrer la photographie banale de la vie, mais à nous en donner une vision plus complète, plus saisissante, plus probante que la réalité même. Quant au plaidoyer pour une réconciliation du roman d'analyse et du roman objectif, il trouve sa réalisation dans le récit qui suit, où Maupassant, on l'a vu, conjugue les deux approches.

Boule de suif

Parue en 1880, l’œuvre Boule de Suif est l’une des œuvres de Guy de Maupassant qui contribua le plus à sa célébrité. Adaptée de nombreuses fois au théâtre, à la télévision et au cinéma, cette œuvre de l’écrivain français a inspiré de nombreuses autres œuvres littéraires.

Contexte de l’œuvre

Bien qu’elle ne soit pas la première œuvre de Guy de Maupassant, elle est toutefois celle qui l’a imposé comme un maître de la Littérature Française. Marqué par la guerre, Guy de Maupassant relate dans son œuvre qu’il rédigea en 1879, l’histoire de plusieurs compagnons fuyant la ville de Rouen envahie par les prussiens dont le personnage central, est une prostituée surnommée Boule de Suif à cause de son embonpoint naissant. Dans cette petite société, cette intimité forcée, l’auteur révèle au grand jour la petitesse de ceux qui sont grands dans la société, l’hypocrisie de la bourgeoisie et du clergé. Plusieurs thèmes sont abordés dans cette œuvre, la guerre, trame de fond principale, la liberté ainsi que la nourriture. Salué et ovationné par de nombreux autres écrivains, l’œuvre Boule de Suif est un véritable modèle de récit court, un chef d’œuvre magnifiquement écrit, construit, à la fois, cocasse et triste.
L’œuvre relate l’aventure de 10 personnes qui lors de leur fuite de Rouen occupée par l’envahisseur Prusse se retrouvent dans une diligence en direction de Dieppe. Cela se déroule durant la guerre franco-prussienne de 1870 à 1871, en plein froid hivernal, alors que les troupes françaises se replient et que les prussiens envahissent la ville de Rouen en Normandie. Pour les 10 voyageurs, deux couples de bourgeois, le couple Breville et le couple Carre-Lamadon, un démocrate, Cornudet, un couple de commerçants, le couple Loiseau, deux religieuses et une prostituée, une femme galante qui indigne autant qu’elle éveille curiosité et méfiance, Elisabeth Rousset surnommée Boule de Suif.

Tout au long de la route qui mène à Dieppe, le voyage est difficile, la neige ralentit la diligence, le froid est incisif et la famine prend de court les voyageurs qui peuvent bénéficier de la générosité et de la prévoyance de Boule de Suif. En effet, celle-ci partage ses provisions avec les 9 autres passagers, provisions qu’elle est la seule à avoir pensé à emporter avec elle pour le voyage et qui font oublier à ses compagnons de voyage, du moins temporairement, leurs préjugés vis-à-vis d’elle.

Durant leur périple, les voyageurs font une halte dans une auberge à Tôtes et se rendent compte que celle-ci est occupée par l’ennemi prussien. Leur officier supérieur remarque Boule de Suif, lui fait des avances et lui demande de le rejoindre avant le souper. La jeune femme qui est certes une prostituée est également une Bonapartiste loyale et refuse de coucher avec l’ennemi, avec le soutien de ses compagnons de voyage. Devant son refus, l’officier prussien empêche leur diligence de repartir de l’auberge et exerce un chantage sur eux, s’ils veulent repartir, Boule de Suif doit coucher avec lui, mais la jeune femme continue de refuser.
Au début, révoltés par le comportement de l’officier prussien, les voyageurs réalisent, au fur et à mesure que les jours passent et que l’ennui s’installe, qu’ils sont prisonniers dans l’auberge et que l’officier prussien ne les laissera s’en aller qu’à condition que Boule de Suif se donne à lui. Chacun des passagers commence alors à user d’arguments, à faire pression sur la jeune femme pour l’inciter à accepter les avances de l’officier, en somme, à se sacrifier pour leur salut à tous. Boule de Suif accepte ainsi de se sacrifier et passe la nuit avec l’officier prussien.
Au petit matin, ils peuvent enfin repartir, mais cette fois-ci, Boule de Suif n’a pas le temps de se faire des provisions pour le voyage contrairement à ses compagnons de voyage qui ont eu tout le temps de se faire préparer des petits plats. C’est ainsi qu’à l’heure du repas aucun des autres voyageurs avec lesquels elle avait eu à partager ses provisions et pour lesquels elle s’est sacrifiée, ne partage son repas avec elle. Tout ce qu’elle reçoit de cette petite société bien pensante, c’est dédain et mépris. Tous l’ignorent et lui tournent le dos alors qu’elle s’effondre en larmes.

Liens
http://youtu.be/legvfqgkHwA Aux champs
http://youtu.be/pg4GnABUfkc En Famille
http://youtu.be/PXL_6bzH3UI La parure
http://youtu.be/2zCbeFvVbNw Partie de Campagne
http://youtu.be/WX2bEBy5Rzg Le petit fût
http://youtu.be/GN2wEuhi2Rs Le Horla
http://youtu.be/ZzCL6mg0R10 Bel Ami Part 1
http://youtu.be/LNSQ3D67mKQ Bel Ami Part 2
http://youtu.be/wlMK_b5RRm8 Bel Ami Part 3
http://youtu.be/YxwtHigS0Fk Bel ami Part 4
http://youtu.be/GMlc5MeG3x4 Bel ami Part 5
http://youtu.be/sDck_FHR2qI Bel Ami part 6
http://youtu.be/OJtU8bxNzmw Bel Ami Part 7
http://youtu.be/IWmTCg4CAYo Bel ami


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


[img width=600]https://encrypted-tbn2.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcQ6773QcKMK1YVbkKOhgu17jBFLWeuQErn7iHeITxtgxndW8kv1[/img]

[img width=600]http://covers.feedbooks.net/book/16.jpg?size=large&t=1376742988[/img]

Cliquez pour afficher l



Posté le : 05/07/2014 23:22

Edité par Loriane sur 06-07-2014 12:27:00
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer



 Haut
« 1 ... 29 30 31 (32) 33 34 35 ... 60 »




Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

Connexion
Identifiant :

Mot de passe :

Se souvenir de moi



Mot de passe perdu ?

Inscrivez-vous !
Partenaires
Sont en ligne
46 Personne(s) en ligne (27 Personne(s) connectée(s) sur Les Forums)

Utilisateur(s): 0
Invité(s): 46

Plus ...