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Roger Peyrefitte
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Le 17 août 1907 à Castres naît Roger Peyrefitte écrivain français,

auteur de romans, essais, biographies, souvenirs, d'une anthologie de textes grecs et de biographies historiques. Il reçoit le prix Renaudot en 1945, ses Œuvres principales sont Les Amitiés particulières en 1944, Les Ambassades en 1953, Les Clés de saint Pierre en 1955, Trilogie sur Alexandre le Grand 1977 - 1981. Il meurt, à 93 ans, à Paris le 5 novembre 2000
Citant Albert Dauzat, il indique que son patronyme signifierait pierre fichée, symbole de solidité, de rectitude. Il est un cousin éloigné du ministre de l'Information gaulliste et académicien Alain Peyrefitte.

En Bref

Inaugurée par le scandale des Amitiés particulières 1945, histoire d'amour entre deux adolescents dans un collège catholique, sa carrière se poursuit sous le signe de l'homosexualité Notre amour, 1967, autobiographique ; l'Enfant de cœur, 1978, ou par des enquêtes prétendant donner les clés de milieux sociaux ou politiques : le monde de la diplomatie, qu'il connaît pour avoir été secrétaire d'ambassade à Athènes en 1937-1938, puis chargé de mission en 1943 par le gouvernement de Vichy les Ambassades, 1951, les francs-maçons les Fils de la lumière, 1961, le Vatican les Clés de Saint-Pierre, 1955 ; la Soutane rouge, 1983. Viendront ensuite, entre autres titres, les Juifs 1965, les Américains 1968, Des Français, 1970. La satire du moraliste reste peu convaincante, n'évitant pas la pure provocation ou le règlement de compte. Il a aussi publié des souvenirs de voyages en Méditerranée, comme l'Oracle 1948 ou Du Vésuve à l'Etna 1952.
Roger Peyrefitte, l'écrivain “sulfureux”, intime d'Amanda Lear et de Sylvie Vartan
Antoine Deléry vient de publier aux éditions H&O la première biographie de l'écrivain Roger Peyrefitte 1907-2000, auteur du roman culte "Les amitiés particuliè
Pourquoi parler de cette excellente biographie sur un site consacré à la musique ? Tout simplement parce que le grand amour de l'écrivain Roger Peyrefitte fut le jeune Alain-Philippe Malagnac 1951-2000, producteur du premier show à l'américaine de Sylvie Vartan au Palais des Congrès, en 1975. L'écrivain iconoclaste vouera une admiration à la chanteuse qu'il évoquera longuement dans son récit "L'enfant de cœur" (1978). Alain-Philippe Malagnac, qui deviendra le fils adoptif de l'homme de lettres, se mariera en 1979 à Las Vegas avec Amanda Lear, qui sera ainsi la belle-fille adorée de l'écrivain. Retour sur un destin, une époque et surtout sur un écrivain inclassable : "Roger Peyrefitte - Le sulfureux ".

Sa vie

Après ses études secondaires dans différents collèges religieux jésuites et lazaristes du Sud-Ouest, puis à la Faculté des lettres de Toulouse, il entra à l'École libre des sciences politiques, dont il sortit major en 1930. Nommé secrétaire d'ambassade à Athènes en 1933, il quitta ce poste en 1938 à la suite d'un incident avec le jeune protégé d'un amiral grec épisode romancé ensuite dans Les Ambassades. Revenu à Paris, il donne sa démission en octobre 1940 pour raisons personnelles selon ses écrits, à la suite d'une suspicion de détournement d'un adolescent.
Réintégré en mai 1943, grâce selon lui Propos Secrets, tome 1 à l'intervention de madame de Barante, noble auvergnate, auprès de l'Auvergnat Pierre Laval, il est nommé à Paris, et travaille sous les ordres du Bourbonnais et très pro-allemand Fernand de Brinon, ambassadeur de France à Paris du 3 novembre 1943 à 1945.
En février 1945, il sera contraint de se retirer de la carrière diplomatique, victime selon lui de la rancune tenace de sa collègue Suzy Borel, devenue Mme Georges Bidault, surnommée dans Propos Secrets tome 1 la hyène du Quai d'Orsay . Finalement réintégré par décision du Conseil d'État, juge administratif suprême - décision qui fut annulée, chose exceptionnelle, par le gouvernement - il ne percevra pas pour autant les quelque 50 millions de centimes de dommages et intérêts accordés par cette juridiction pour le préjudice professionnel subi ; la même année marque le début de son activité d'écrivain et d'historien, dont il vivra désormais.
Après cette courte carrière de diplomate, Roger Peyrefitte se consacra entièrement à l'écriture et fut pendant la seconde moitié du XXe siècle l'un des écrivains français les plus brillants et les plus controversés.
Sa vaste culture classique, son érudition, sa connaissance des sujets qu'il abordait de façon très documentée, son style concis et percutant, au vocabulaire très riche, son ironie mordante, son abondante production, firent de lui un écrivain français de premier plan, dans la lignée de Voltaire, auquel son style doit tant, frisant souvent le pastiche, d'Anatole France et de Marcel Aymé.
Son côté commère mondaine le rapproche également d'Horace de Viel-Castel, amateur d'art, collectionneur et conservateur du Musée des Souverains Louvre, vipérin mémorialiste de la Cour et de la Ville sous le Second Empire, ce qui lui valut l'éloquent surnom de Fiel-Castel. Viel-Castel est un des chroniqueurs de l'homosexualité sous le Second Empire.
Atteint de la maladie de Parkinson, il vit retiré dans son appartement de l'avenue du Maréchal-Maunoury de 1993 à sa mort en 20004. Il est inhumé au cimetière d'Alet-les-Bains dans l'Aude.

Les Amitiés particulières

Les Amitiés particulières est un premier roman paru en 1943 chez Jean Vigneau, qui apporta d'emblée la notoriété à Peyrefitte en obtenant le prix Renaudot pour l'année 1944 du fait de la guerre, le prix ne sera décerné qu'en 1945. L'auteur y suscitait le scandale en révélant des tendances amoureuses peu orthodoxes : le livre décrit une amitié particulière, une passion amoureuse entre deux garçons de quatorze et douze ans, au sein d'un internat catholique à l'atmosphère étouffante.
Si la sexualité y est évoquée avec discrétion, elle est néanmoins bien présente, en filigrane, derrière les sentiments exacerbés des garçons – et parfois, aussi, ceux des adultes. Comme lorsque le jeune Alexandre pose à son ami cette question :
Georges, sais-tu les choses qu'il ne faut pas savoir ?
On peut lire cette histoire émouvante comme l'affrontement tragique, au sein d'une communauté exclusivement masculine, de deux religions : celle du Christ et celle, païenne, du Garçon.
Chacun des personnages principaux est peu ou prou traversé par cette lutte entre l'amour mystique et l'amour garçonnier, entre le christianisme officiel et un amour interdit mais secrètement triomphant. C'est ce caractère quasi mythique, joint à l'érudition de l'auteur, au classicisme du style et à une composition rigoureuse, qui a fait des Amitiés particulières un livre très remarqué.
Vingt ans après sa publication, l'œuvre a été portée à l'écran dans un film de Jean Delannoy 1964, qui reçut un accueil triomphal à la Biennale de Venise. Sans avoir la densité et la profondeur du roman, cette adaptation est remarquablement servie par le jeune Didier Haudepin Alexandre, Michel Bouquet, le père de Trennes et Louis Seigner le père Lauzon.
C'est au cours du tournage en l'abbaye de Royaumont que Roger Peyrefitte tombe amoureux d'Alain-Philippe Malagnac, qui avait alors douze ans et demi. Leur liaison passionnée dura plusieurs années et fut le sujet, entre autres, des récits Notre amour et L'Enfant de cœur.
C'est pour financer les diverses affaires entreprises par Alain-Philippe Malagnac dans les années 1980, et combler les grands déficits qu'ils engendrèrent, que Peyrefitte livra aux enchères publiques ses importantes collections de monnaies, de livres rares et de sculptures antiques, dont une série de rares objets érotiques, ce qui inspira à Guy Hocquenghem ce titre dans Libération : Peyrefitte brade ses vieux godemichés.
Par la suite, Alain-Philippe Malagnac épousa Amanda Lear et trouva une mort tragique avec un jeune ami dans l'incendie de leur maison provençale, six semaines seulement après la mort de l'écrivain, à qui le liait peut-être un pacte de disparition commune.

Historien et auteur satirique

Le soufre est mon élément naturel. RP
En 1953, Les Clés de saint Pierre, où Peyrefitte brocardait le pape Pie XII, fit scandale. Par des allusions voilées, il y prêtait au Souverain Pontife des tendances homosexuelles – par exemple dans le passage où il montre Pie XII en train de se dépouiller de ses vêtements à la manière d'une jolie femme : comme il commence par appeler le pape Sa Sainteté, cela lui permet d'en parler ensuite en disant toujours Elle ; puis il termine par cette phrase, dans laquelle Pie XII retrouve le genre grammatical masculin : Sans doute voulait-il mettre un terme à ce déshabillage qui pouvait ne plus avoir de limites.
François Mauriac menaça de quitter L'Express si cet hebdomadaire continuait à faire de la publicité pour le livre. L'affrontement entre les deux écrivains devait encore s'exacerber au moment du tournage du film Les Amitiés particulières, ce tournage ayant fait l'objet d'un reportage à la télévision ; il s'ensuivit une féroce lettre ouverte publiée par Roger Peyrefitte en mai 1964 dans l'hebdomadaire Arts ; Peyrefitte n'hésita pas à accuser Mauriac d'être un homosexuel caché, ce qui est parfaitement établi aujourd'hui, et à le traiter de Tartuffe.
Les Clés de saint Pierre faisait de nombreuses révélations sur le petit monde du Vatican. Dans Propos secrets, Peyrefitte livre le nom de son informateur, Mgr Léon Gromier, chanoine de Saint-Pierre, Consulteur à la Sacrée Congrégation des Rites et Protonotaire apostolique. Tel que le décrit Peyrefitte, ce prélat éclairé semble avoir été un homme plutôt austère, profondément croyant et de mœurs irréprochables ; mais il était scandalisé par ce qu'il voyait, et il était de ceux qui pensent que faire éclater les scandales est le seul moyen de les faire disparaître. Il pourrait avoir servi de modèle au personnage de Mgr Belloro, qui est justement Préfet de la Sacrée Congrégation des Rites.
Les romans très documentés de Roger Peyrefitte sont fondés sur des faits réels, historiques ou d'actualité par exemple la trilogie sur Alexandre.
Mais la plupart de ses ouvrages constituent essentiellement des satires, même s'ils sont parfois en deçà de la réalité.
Certains de ces ouvrages s'adressent aux spécialistes, Chevaliers de Malte, les Juifs, et même si l'humour de Peyrefitte reste attrayant, certaines de ses œuvres s'avèrent parfois un peu difficiles pour le profane Les Fils de la Lumière.
Dans la plupart de ses œuvres portant sur des sujets contemporains, il n'eut de cesse de mettre au jour l'homosexualité ou la pédérastie de certaines personnalités qui, selon lui, dissimulaient leurs mœurs, comme Henry de Montherlant, dépeint à plusieurs reprises sous le pseudonyme transparent de Lionel de Beauséant, le secrétaire général des Nations unies, ou même le Pape Jean XXIII, que les familiers du Vatican appelaient Giovanna, écrit-il dans Propos secrets. De plus, Roger Peyrefitte ne manquait pas d'amuser le lecteur en dénonçant diverses turpitudes des personnes qu'il mettait en scène, ce qui le rendait redoutable à fréquenter. Bien que plus rarement, il fit aussi l'éloge de nombreuses personnalités, comme son amie la chanteuse Sylvie Vartan.

Alexandre le Grand

Roger Peyrefitte a entrepris la biographie d'Alexandre III de Macédoine, La jeunesse d'Alexandre ; Les conquêtes d'Alexandre ; Alexandre le Grand, qui est, à n'en pas douter, l'œuvre de sa vie. Ce livre raconte, non sans humour, la vie fabuleuse du grand conquérant, non pas à la manière de toutes les biographies historiques précédentes rédigées sur le même sujet, mais en y mêlant des connaissances sociales, géographiques, et surtout mythologiques ; c'est que l'auteur avait pensé intituler initialement cette œuvre Alexandre ou le génie du Paganisme.
Au fil des pages, l'auteur a souhaité démontrer que l'amour était le fil conducteur de la vie d'Alexandre. De ce travail immense, foisonnant, Roger Peyrefitte a consacré une séance en Sorbonne, ayant en outre reçu le Prix de l'Acropole.

L'amour des garçons

Peyrefitte s'est toujours, comme André Gide, proclamé pédéraste plutôt qu'homosexuel : J'aime les agneaux, disait-il, pas les moutons.
Plus encore que Paul Verlaine, Gide et Jean Cocteau, et au contraire d'Henry de Montherlant dont il fut longtemps un ami, il conçoit sa carrière littéraire comme un engagement littéraire et assidu en faveur de l'amour des garçons. En 1954, il est une des rares personnalités littéraires, avec Jean Cocteau, à soutenir activement le lancement critiqué par Jouhandeau de la revue homosexuelle Arcadie dirigée par André Baudry.
Ce long combat pour la liberté amoureuse ne l'empêche d'ailleurs pas de manifester en diverses occasions de la sympathie pour la tradition catholique.

Peyrefitte et le show-biz

Sa rencontre avec le grand amour de sa vie, Alain-Philippe Malagnac, a lieu en 1964. Le garçon alors âgé de douze ans et demi est figurant sur le tournage du film "Les amitiés particulières" tiré du roman de Peyrefitte. Ils tombent mutuellement en admiration l'un de l'autre, cet épisode a été relaté par Peyrefitte dans son roman "Notre amour", en 1967. Bien que l'écart d'âge entre les deux amoureux soit impressionnant voire choquant, ce livre est un hymne, une déclaration enflammée, défiant la morale, plus touchant au bout du compte que dérangeant. Mais sous sa plume, cet amour entre un adolescent et un homme déjà âgé atteint une valeur universelle : notre amour est d'abord une magnifique histoire d'amour souligne Antoine Deléry.
En 1971, Roger Peyrefitte publie "La coloquinte", retraçant son idylle avec une femme car Peyrefitte aima aussi les femmes. Ce livre inspirera un texte de chanson au jeune auteur et chanteur Guy Bonnardot 1951-1990. Magali Noël chantera ce titre. C'est à cette occasion qu'Alain-Philippe Malagnac et Guy Bonnardot font connaissance. Les deux jeunes hommes s'aimeront sous l’œil approbateur du vieil écrivain. Grâce à Guy Bonnardot, Alain-Philippe Malagnac se trouve projeté dans le milieu du show-business qui le fascine et se met à fréquenter Sheila, Ringo, Claude Carrère, Claude François, Johnny Hallyday et… Sylvie Vartan. Une vraie complicité naît entre l'interprète de "La Maritza" et Alain-Philippe Malagnac qui décide de se lancer dans la production du premier grand show de Sylvie Vartan au Palais des Congrès en 1975. Sylvie voit grand. Le spectacle est mis en scène par Walter Painter, chorégraphe des shows d'Elvis Presley. Il réunit seize danseurs et vingt-cinq musiciens, pour lesquels la chanteuse a commandé cent cinquante uniformes. Elle-même doit changer douze fois de tenue. La première représentation, le 4 octobre, est saluée par une presse unanime … Ce triomphe place Alain-Philippe sous les projecteurs. La presse du cœur, brodant sur les relations tumultueuses de la chanteuse avec Johnny, n'hésite pas à le présenter comme son fiancé » écrit Antoine Deléry.
Sans expérience, mal conseillé, Alain-Philippe a vu fondre les millions comme neige au soleil. Formidable succès public, le show de Sylvie Vartan s'est soldé par un désastre financier dont le jeune producteur ne s'est jamais remis » poursuit Antoine Deléry. Le tout s'achèvera par une tentative de suicide d'Alain-Philippe Malagnac. Roger Peyrefitte, garant de tout ce qui concerne Alain-Philippe Malagnac et de surcroit père adoptif du jeune homme d'à peine 24 ans, devra éponger pour le restant de ses jours les dettes de son protégé. Le récit de ces déboires se trouve très précisément relaté dans "L'enfant de cœur" qui paraîtra en 1978 et dans lequel Peyrefitte dresse malgré tout un très joli portrait de la chanteuse, allant même jusqu'à chroniquer à sa manière le double 33 tours de l'enregistrement public du spectacle dans ce livre qui mérite largement sa place au chevet de tout fan de la chanteuse ! A l'occasion d'une interview pour Pure Charts en novembre 2010, l'interprète de "La drôle de fin" se souviendra de l'élégance de l'écrivain.

En 1978, "Paris Match" propose à Roger Peyrefitte de couvrir le show d'Amanda Lear au Palace. Peyrefitte ne connaît pas la reine du disco mais ses jeunes amis ont dansé tout l'été sur son tube : "Follow Me". Ils le pressent d'accepter. Roger Peyrefitte fera un clin d’œil à la Muse de Dali et a son hit dans son roman californien : "Roy" 1979. Commencée dans la voiture, l'interview se poursuit dans le réduit servant de loge à la chanteuse. Amanda Lear charme l'écrivain par son naturel … Après le spectacle, Peyrefitte revient la saluer avec Alain-Philippe, qu'il présente comme son fils adoptif. Séduite par le jeune homme, elle le revoit le lendemain … Quelques semaines plus tard, elle l'invitera à l'accompagner dans une tournée au Brésil et aux Etats-Unis nous informe Antoine Deléry.

Amanda Lear se confiera à ce sujet à nos confrères de Pure People. Je suis tombée amoureuse d'Alain-Philippe Malagnac, ce qui a bouleversé ma vie. Fabrice Emaer m'avait appelée pour que j'inaugure Le Palace. La peinture n'était pas sèche, il n'y avait pas de loge, mais c'était un événement, et "Paris Match" avait demandé à Roger Peyrefitte de m'interviewer. Le voilà qui débarque avec son fils adoptif, Alain-Philippe Malagnac - puisqu'à l'époque, lorsqu'on avait un petit ami, on l'adoptait. Et j'en tombe folle amoureuse ! D'ailleurs, je tombe souvent amoureuse de garçons homosexuels ... Dali faisait la gueule. Roger Peyrefitte était ravi, il est devenu mon beau-père et, dès lors, je l'ai reçu tous les étés à la maison. Concernant la relation entre Roger Peyrefitte et Alain-Philippe, c'était de la pédophilie. Alain-Philippe était un petit giton. Il a croisé Josée Dayan au café de Flore, qui s'occupait du casting pour "Les amitiés particulières", l'adaptation du livre de Roger Peyrefitte. Il leur fallait de beaux petits mecs habillés en enfants de chœur. Et Peyrefitte, qui était sur le tournage et avait presque 60 ans, a ressenti un coup de foudre pour Alain-Philippe, qui en avait 14, et l'emmena à Capri, le grand tralala. Sa famille n'a rien dit ? Un jeune garçon avec un vieux monsieur, on se disait qu'il l'éduquait, on ne voyait pas cela sur le plan sexuel. Quand Alain-Philippe m'a raconté, j'étais choquée.
Roger Peyrefitte est décédé en 2000, à 93 ans, atteint de la maladie de Parkinson. Alain-Philippe Malagnac est mort dans l'incendie de la maison en Provence qu'il partageait avec son épouse Amanda Lear retenue en Italie le jour du drame, quelques jours à peine après l'écrivain. Un double drame pour l'animatrice, comédienne, peintre et chanteuse qui montrera une grande classe et beaucoup de dignité face à cette lourde épreuve. Dans "Notre amour", Roger Peyrefitte parle d'un pacte d'amour passé entre Astolphe, nom donné à Malagnac dans le livre et lui. Ils se promettaient de ne jamais se quitter et que la mort de l'un entraînerait celle de l'autre… Ce fut le cas.
A travers sa biographie intitulée "Roger Peyrefitte - Le sulfureux -", Antoine Deléry dresse le portrait haut en couleurs d'un amoureux de la beauté, libre-penseur, irrévérencieux, élégant, drôle et provocateur. C'est aussi l'occasion de revenir sur presque un siècle d'histoire de l'homosexualité, avec ses combats, ses victoires, l'avant “Marais”… Roger Peyrefitte est incontestablement un homme qui a fait avancer la cause des gays et dont l’œuvre éclectique mérite largement d'être réhabilitée aujourd'hui. Retrouvez dans cette biographie la vie et l’œuvre d'un avant-gardiste tiré à quatre épingles et qui sur son chemin croisa aussi, entre autres, deux icônes : la furtive Sylvie et la fidèle Amanda. Bravo à Antoine Deléry pour cet ouvrage passionné et passionnant !

Il meurt à 93 ans, muni des sacrements de l'Église.

Accueil critique

André Gide fait un accueil laudatif aux Amitiés particulières, dont il déclare « Je ne sais pas si vous aurez demain le prix Goncourt, mais je puis vous dire que, dans cent ans, on lira encore les Amitiés particulières, et Peyrefitte connaît, dans l'après-guerre, une notoriété littéraire aux arrières-goûts de scandale.
Mais ses commérages, impliquant nombre de ses contemporains et insinuant l'homosexualité de plusieurs d'entre eux, ne lui attirent pas que des sympathies.
Pour Philippe Lançon, il y avait chez Peyrefitte un goût hâbleur, pervers, non dépourvu de vulgarité, pour la provocation publicitaire. Pris à parti par Peyrefitte, François Mauriac le qualifie d'assassin de lettres voué à l'oubli, et Pierre Brisson, directeur du Figaro exaspéré par ces dénonciations, commente alors en reprenant la phrase de Saint-Simon il est arrivé à un tel point d'abjection qu'on avait honte de l'insulter.

Bertrand Poirot-Delpech, devenu depuis Académicien, écrit dans Le Monde du 8 juillet 1977 : Dénoncer les hypocrisies relève, pour les minorités sexuelles, de la légitime défense. Du moins est-ce de bonne guerre, après ce qu'elles ont subi et qu'elles subissent encore.

Autre

Il a été grand maître de l'ordre pseudo-chevaleresque d'Alexandre pour le Mérite.

Œuvres

Ses œuvres ont été publiées dans de nombreuses langues, en particulier en italien, en anglais, et aussi en grec à la fin des années 1970, sous la forme de feuilleton dans un journal à grand tirage d'Athènes, Ta Nea, sous le nom de Rozé Perfit.

Œuvres principales

Les Amitiés particulières, roman, Jean Vigneau, 1943
Mademoiselle de Murville, roman, Jean Vigneau, 1947
Le Prince des Neiges : drame en trois actes, Jean Vigneau, 1947
L'Oracle, roman, Jean Vigneau, 1948 éd. définitive en 1974
Les Amours singulières, roman, Jean Vigneau, 1949
La Mort d'une mère, Éd. Flammarion, 1950
Les Ambassades, roman, Éd. Flammarion, 1951
Du Vésuve à l'Etna, récit, Éd. Flammarion, 1952
La Fin des ambassades, roman, Éd. Flammarion, 1953
Les Amours de Lucien de Samosate traduit du grec, Éd. Flammarion, 1954
Les Clés de saint Pierre, roman, Éd. Flammarion, 1955
Jeunes proies, Éd. Flammarion, 1956
Chevaliers de Malte, Éd. Flammarion, 1957
L'Exilé de Capri, Éd. Flammarion, 1959 que, Éd. Flammarion, 1960
Les Fils de la Lumière, Éd. Flammarion, 1961
La Nature du prince, Éd. Flammarion, 1963
Les Secrets des conclaves, Éd. Flammarion, 1964
Les Juifs, Éd. Flammarion, 1965
Notre amour, Éd. Flammarion, 1967
Les Américains, roman, Éd. Flammarion, 1968
Des Français, roman, Éd. Flammarion, 1970
La Coloquinte, roman, Éd. Flammarion, 1971
Manouche, récit, Éd. Flammarion, 1972
L'Enfant Amour, essai, Éd. Flammarion, 1972
Un Musée de l'amour, illustré de photographies de Marianne Haas, Éd. du Rocher, 1972
La Muse garçonnière, textes traduits du grec, Éd. Flammarion, 1973
Tableaux de chasse, ou La vie extraordinaire de Fernand Legros, Éd. Albin Michel, 1976
Propos secrets tome 1, Éd. Albin Michel, 1977.
Trilogie sur Alexandre le Grand, Éd. Albin Michel :
I. - La Jeunesse d'Alexandre, 1977
II. - Les Conquêtes d'Alexandre, 1979
III. - Alexandre le Grand, 1981
L'Enfant de cœur, Éd. Albin Michel, 1978
Roy, Éd. Albin Michel, 1979
Propos secrets 2, Éd. Albin Michel, 1980.
L'Illustre écrivain, Éd. Albin Michel, 1982
Correspondance Henry de Montherlant–Roger Peyrefitte , présentation et notes de R. Peyrefitte et Pierre Sipriot, Éd. Robert Laffont
La Soutane rouge, Éd. du Mercure de France, 1983
Voltaire, sa jeunesse et son temps, Éd. Albin Michel, 1985
L'Innominato : nouveaux propos secrets, Éd. Albin Michel, 1989
Réflexion sur De Gaulle, Paris, Éd. Régionales, 1991
Voltaire et Frédéric II, Éd. Albin Michel, 1992
Le Dernier des Sivry, Éd. du Rocher, Monaco, 1993
Retours en Sicile, Éd. du Rocher, Monaco, 1996

Œuvres secondaires

Les Œuvres libres / Roger Peyrefitte, etc. Éd. Arthème Fayard, 1951
« Le petit Arabe », in Arcadie, no 1, Paris, janvier 1954
« Les Clés de saint Pierre », in Arcadie, no 16, Paris, avril 1955
« Message de vœux », in Arcadie, no 25, Paris, janvier 1956
« Les Clés de saint Pierre, chapitre inédit, in Arcadie, no 25, Paris, janvier 1956 republié dans le no 130, octobre 1964
« Amour en Arcadie », in Arcadie, no 37, Paris, janvier 1957
« Les jeunes gens de Pompéi, in Arcadie, no 49, Paris, janvier 1958
« La Rome des papes », in Paese Sera, 1958
« Allocution prononcée au banquet du cinquième anniversaire, in Arcadie, no 61, Paris, janvier 1959
« L'enfant, poème de Gabriel d'Annunzio, présentation et traduction par Roger Peyrefitte, in Arcadie, no 64, Paris, avril 1959
« Pietro Fortini, in Arcadie, no 86, Paris, février 1961
« La confession d'un Arcadien sous la Renaissance italienne, in Arcadie, no 111, Paris, mars 1963
« Lettre ouverte à M. François Mauriac, Prix Nobel, membre de l'Académie française », in Arts, Paris, 1er mai 1964
« Arcadie et Les Amitiés particulières. Allocution de Roger Peyrefitte, in Arcadie, no 133, Paris, janvier 1965
Préface de Paris bleu-tendre, Jacques-Louis Delpal, avec la collaboration de Georges Debot, Paris, Éd. du Mont-Cenis, 1973, coll. Ultra-guide
Préface du catalogue de vente publique Collections Roger Peyrefitte, Paris, Jean Vinchon, avril 1974
« Roger Peyrefitte », interview par Jacques Chancel 8 mai 1970, in Radioscopie vol. 1, Paris, J'Ai Lu, 1975
« Peyrefitte descend Malraux », in Sortir, novembre 1976
Texte de présentation de La Grèce, notre mère, Yves Brayer, Paris, Éd. Michèle Trinckvel, 1982
Texte de présentation de Paris, raconté par Louis Doucet, photographié par Rosine Mazin, Paris, Sun, 1985
Les Trois roses, in La Nouvelle Revue Française, Paris, Gallimard
Quelques images pour la jeunesse d’Alexandre, textes de Roger Peyrefitte, dessins de Gilbert Garnon. Éditions La Vue, 1982, tirage 3000 ex.

Théâtre

1947 : Le Prince des Neiges, pièce en III actes, mise en scène Jean Vernier au Théâtre Hébertot
1960 : Les Ambassades, mise en scène André Barsacq au Théâtre des Bouffes-Parisiens
1960 : Le spectateur nocturne, pièce en IV actes

Roger Peyrefitte, mort d'un perfide

L'auteur des Amitiés particulières avait 93 ans.
On ignorait que l'écrivain Roger Peyrefitte fût encore vivant. Depuis hier, il est mort. Il était âgé de 93 ans. On trouve officiellement ses livres en librairie, 32 disponibles, mais en réalité, ils ne figurent plus sur les catalogues des ouvrages de poche disponibles. Le meilleur placard où le trouver est sans doute l'une de ces bibliothèques familiales constituées dans les années 50-60, époque pudibonde où le goût immodéré et narcissique que Peyrefitte avait du scandale lui donna une place brûlante, entre Hervé Bazin et Gilbert Cesbron.
Il ne faut pas confondre Roger avec Alain, mort l'an dernier, académicien et ancien ministre, de dix-huit ans son cadet, dont il était un lointain parent. Il y avait chez Peyrefitte l'aîné un goût hâbleur, pervers, non dépourvu de vulgarité, pour la provocation publicitaire. Il l'enrobait dans une écriture très classique, comme parodiée des auteurs du XVIIIe siècle qu'il aimait.

Simili-balzacien. Né en 1907 à Castres d'agriculteurs enrichis et devenus commerçants, il est élevé chez les Frères lazaristes. Elève assez brillant dans les humanités, il est viré de la classe de philosophie pour indiscipline. Dans le dictionnaire de Jérôme Garcin, il écrit de lui-même en jeune homme: «Il s'était rendu compte, dès ce temps-là, qu'il n'y avait que deux choses qui comptaient: l'argent et un nom, quand on ne l'avait pas de naissance.» Son itinéraire simili-balzacien se fait d'abord dans la diplomatie. Il entre au Quai d'Orsay en 1930, «le plus jeune de sa promotion, mais aussi le dernier».

Nommé secrétaire d'ambassade à Athènes, il y découvre la Grèce antique (il publiera, à la fin de sa vie, un Alexandre le Grand en trois tomes) et son homosexualité. Elle fera l'objet de son premier grand succès à scandale, en 1944: les Amitiés particulières. Il fréquente alors Henry de Montherlant, et leur correspondance sera publiée. Pendant la guerre, il démissionne, puis est réintégré en 1943. Son attitude? Laissons parler la pudeur du dictionnaire Robert: «Après une carrière diplomatique à laquelle mit fin la Libération, il fit ses débuts avec un roman.» Les Amitiés particulières racontent l'homosexualité dans un collège religieux. Ce bon livre marque l'époque. Gide lui aurait alors dit: «Je ne sais pas si vous aurez demain le prix Goncourt, mais je puis vous dire que, dans cent ans, on lira encore les Amitiés particulières.» Peyrefitte, dans sa notice biographique, conclut fièrement: «On les lit déjà depuis près de cinquante ans.»

Dans l'après-guerre, l'écrivain multiplie les réussites: les Ambassades (1951), la Fin des ambassades (1953), les Clefs de Saint-Pierre (1955), Manouche (1972). Mais il multiplie aussi les scandales, prostituant son talent, qui va s'amenuisant, à son goût pour la notoriété sale. Ce que l'on appellerait de nos jours l'outing devient son sport favori: soit la dénonciation par insinuation (des homosexuels), soit la liste (par exemple des juifs). En 1964, François Mauriac se scandalise d'une adaptation cinématographique des Amitiés particulières. Peyrefitte réplique, dans l'hebdomadaire Art, que Mauriac a été, dans sa jeunesse, «protégé» par de «nobles vieillards». Il insinue que ses relations avec Jean Cocteau furent elles aussi particulières. L'ayant sali sur le plan intime, il le calomnie ensuite politiquement. L'article provoque de vives réactions. Sollers dénonce «ce porc qui se roule dans son ordure». Pierre Brisson, directeur du Figaro, rappelle la phrase de Saint-Simon: «Il était tombé à un tel point d'abjection qu'on avait honte de l'insulter.» François Mauriac, blessé, décide de vouer à l'«oubli» cet «assassin de lettres».

Du bruit. Un an plus tard, Peyrefitte publie les Juifs, inventaire sociologique, folklorique et scandaleux des «Juifs». Un jeune chroniqueur de l'époque, Bernard Frank, le lit et y trouve son nom à la page 183, et arrête là. Et voilà ce qu'il en écrit: «Aussi, de lire mon nom qui m'avait semblé quelconque, dans ce musée de l'ennui et de la sottise où je m'étais laissé lâchement entraîner par un gardien à l'hilarité gâteuse, comme s'il avait été frappé d'hémiplégie alors qu'il aurait été en train de réparer une niche, ce fut comme si je retrouvais mon teckel disparu et qu'il jappât de joie à ma vue.» Puis il conclut: «En pariant sur la bêtise des gens, Peyrefitte a de bonnes chances de ne pas s'être trompé. La seule chose qui me console, c'est que ce n'est pas gai d'être antisémite [...] Je ne pense même pas que M. Peyrefitte soit ce que l'on appelle un antisémite viscéral. C'est une folle échevelée. Je me permets de le nommer ainsi, sachant qu'il ne s'en cache pas et qu'il n'aime pas que les autres s'en cachent et que, s'ils s'en cachaient, il s'arrangerait pour que cela soit su. Il prend pour du courage le bruit qu'il fait.»

Les années passent et il continue. Un jour, à Apostrophes, il souille, face à un Jean d'Ormesson exaspéré de mépris, la mémoire de Roger Caillois. Mais le scandale porte en lui son épuisement et, peu à peu, Roger Peyrefitte disparaît du paysage mental, tel un animateur oublié. Son dernier livre, le Dernier des Sivry, a paru en 1993. Paix aux cendres qu'il a tant jetées
Philippe Lançon

Liens

http://youtu.be/wDC0D0XoEHw Les amitiés particulières
http://youtu.be/NR276XiMAr8 Le petit rapporteur avec R. Peyrefitte
http://youtu.be/fVzSK3w6kOs?list=PL19746EBE144A032B 9 vidéos
http://youtu.be/qYoSWypN400 Bain de minuit chez Ardisson
http://youtu.be/B8QWEcc7Jlc Mariage homosexuel en 1982
http://youtu.be/Ia04ZDlv9NA, Avec Amanda Lear



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Posté le : 16/08/2014 17:17
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Joseph Bialot
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Le 10 août 1923, à Varsovie, naît Joseph Bialobroda, écrivain français

de romans policier et survivant de la Shoah. Il reçoit le Grand prix de littérature policière 1979
Prix Mystère de la Critique 1990, ses Œuvres principales sont : Le Salon du prêt-à-saigner, Babel-ville, C'est en hiver que les jours rallongent, À la vie ! Il meurt, à 89 ans, à Paris le 25 novembre 2012.



Écrivain abordant des genres aussi divers que le polar ou le roman historique, Joseph Bialot fut aussi un témoin de la Shoah. Sa vie fut une succession d'épreuves qu'il s'efforça de surmonter grâce à une énergie de tous les instants, une énorme capacité de travail et un humour permanent qui empruntait autant à la tradition yiddish qu'à l'almanach Vermot.

Joseph Bialot, de son vrai nom Bialobroda, est né à Varsovie le 10 août 1923 dans une famille juive. Juif polonais d'origine, sa famille s’installe en France en 1930 dans le quartier de Belleville.
Avec sa mère et sa sœur, il quitte la Pologne en juillet 1930 pour retrouver son père à Paris. Le 1er octobre, il intègre l'école communale, 77 boulevard de Belleville. Mais le petit Polack va vite la considérer comme un lieu d'injustice. Ne parlant pas encore le français, il se retrouve dernier de la classe et à ce titre collé en retenue. Il prendra sa revanche un jour de 1937 lorsqu'il sera reçu premier de l'arrondissement au concours d'entrée au cours complémentaire.
En 1940, il est victime de l'exode et se réfugie à Bordeaux, à Pau, puis dans la région lyonnaise où il est tour à tour paysan, apprenti ébéniste, puis étudiant à l'Institut commercial de Grenoble et employé à Roanne. Il deviendra résistant, mais piégé par un contrôle d'identité, il sera arrêté à Grenoble le 25 juillet 1944, déporté depuis la gare de Bobigny vers Auschwitz par le Convoi No. 78 en date 11 août 1944, puis libéré par l’Armée rouge en janvier 1945.
IL est tour à tour paysan, apprenti ébéniste, puis étudiant à l'Institut commercial de Grenoble et employé à Roanne. Il deviendra résistant, mais piégé par un contrôle d'identité, il sera arrêté à Grenoble le 25 juillet 1944, déporté depuis la gare de Bobigny vers Auschwitz par le Convoi No. 78 en date 11 août 1944, puis libéré par l’Armée rouge en janvier 1945.
c'est l'exode. Joseph Bialot se retrouve à Bordeaux, Pau puis Grenoble, où il est arrêté par la Milice en juin 1944, alors qu'il milite dans un mouvement de résistance. Il est incarcéré à la prison Saint-Paul, à Lyon, avant d'être déporté, le 11 août 1944, à Birkenau puis à Auschwitz, dans le dernier convoi en partance de France pour l'Allemagne. Libéré le 27 janvier 1945 par l'Armée rouge, il rejoint Paris et sa famille en mai.
Après avoir travaillé dans l'entreprise de prêt-à-porter de son père, il fréquente l'université de Vincennes en 1969, afin d'obtenir une licence de psychologie.

En 1969, il passe une licence de psychologie à l’Université de Paris VIII Vincennes. Son premier roman, il l’écrit à l’âge de 55 ans. Le Salon du prêt-à-saigner obtient le grand prix de littérature policière en 1979.
Ses récits respirent le vécu, ses personnages sont des êtres simples. Piéton de Paris, Joseph Bialot fait de la ville l'héroïne de ses romans avec le quartier du Sentier Le Salon du prêt-à-saigner ou Belleville Babel-ville. S’il est connu pour son humour noir et aussi dévastateur que la violence de certains de ses personnages, Bialot dépeint avec beaucoup de tendresse et d’émotion les petites gens dans leur vie quotidienne.

En 1978, il publie son premier roman, Le Salon du prêt-à-saigner qui reçoit le grand prix de littérature policière.
Son protagoniste, Josip, réfugié yougoslave trompé par son amie, rackette les ateliers de couture du quartier du Sentier, à Paris. Description réaliste et complexité des personnages d'un milieu jusqu'ici absent du polar sont les qualités qu'on retrouvera dans toute l'œuvre forte de trente-six ouvrages qui sont souvent aussi des peintures des quartiers de Paris : Belleville, bien sûr Babel-ville, 1979, mais aussi le marché aux puces de Saint-Ouen, Rue du chat crevé, 1983, ou le faubourg Saint-Martin, Le Manteau de Saint-Martin, 1985.
Après avoir attendu plus de cinquante ans pour le faire - Il m’a fallu plus de vingt-cinq ans et une psychanalyse pour réussir à sortir du camp, dit-il lui-même -, Joseph Bialot publie en 2002 le témoignage de sa déportation C'est en hiver que les jours rallongent, devenant ainsi l'un de ceux qui ont le mieux su rendre compte du traumatisme laissé par l'expérience concentrationnaire. Qui donc a écrit que les rescapés des camps hitlériens étaient des revenants, dans le sens du mot "spectres" ? Deux des livres qu'il a publiés, La station Saint-Martin est fermée au public et C'est en hiver que les jours rallongent, sont des textes écrits en hommage à ceux qui n'ont pas su "re-vivre", une fois revenus des camps de la mort.
Il se consacre également à deux sagas historiques Le Vent du Sud et surtout Le Semeur d'étincelles, vaste fresque sur les luttes ouvrières depuis la Commune jusqu'au début des années 1950.
En 1999, il inaugure une série policière ayant pour héros récurrent Jean-Loup Fresnel, surnommé Loup, un ancien policier qui porte un masque après avoir été défiguré au chalumeau par un tueur et dont les récits sont narrés par le capitaine Valentin Welsch, chef d'une brigade parisienne à laquelle l'homme masqué prête main-forte.

En 2005, il choisit de parler de son enfance dans Belleville Blues. Retour au roman historique quand paraît, en 2009, son ouvrage 186 marches vers les nuages qui évoque des événements peu connus de la Seconde Guerre mondiale, comme la mort de milliers de déportés des camps de Neuengamme et du Stuthof embarqués de force par les SS sur des navires qui seront coulés par la Royal Air Force. Il rappelle aussi les crimes de guerre nazis commis contre des prisonniers de guerre à Mauthausen, captifs assassinés sur les 186 marches de la carrière de granit du camp. Son personnage central, Bert Waldeck, fait partie des antinazis qui par leur attitude ont sauvegardé un peu d'humain dans l'Allemagne des années 1933-1945.
Son dernier roman historique À la vie ! est une saga se déroulant de 1871 à 1948, retraçant l'histoire d'une famille d'imprimeurs de Belleville, les Mongeon, au travers des grands événements de la fin du xixe - début du xxe siècle, des assauts versaillais contre la commune de Paris à la fin de la Seconde Guerre mondiale, en passant par les tranchées de la Première Guerre mondiale, la Révolution russe, les Années folles, la montée du nazisme et la Guerre d'Espagne.

En 2012, Joseph Bialot publia Le Puits de Moïse est achevé qui traite de Philippe le Bel s'attaquant au fabuleux trésor des Templiers. Passionné par l'Histoire, il savait la faire revivre en empruntant aux petites histoires personnelles de ses personnages, comme on le voit aussi avec le diptyque Le Vent du sud 1988 et 1990.
Une autre de ses réussites est une saga passionnante, À la vie 2010, qui se déroule de 1871 à 1948, de la Commune de Paris à la fin de la Seconde Guerre mondiale, à travers l'histoire d'une famille d'imprimeurs de Belleville dont les destins croiseront ceux de familles d'artistes et de marchands d'art.
Si la plus grande partie de ses romans relève du polar, Joseph Bialot a aussi témoigné sur l'ignominie nazie avec C'est en hiver que les jours rallongent 2002, récit de son calvaire vécu à Auschwitz, que François Maspero a comparé à Si c'est un homme de Primo Levi.

Cet incontournable témoignage a été réédité avec une quarantaine de pages supplémentaires sous le titre Votre fumée montera vers le ciel 2011.
Quant à Belleville Blues 2005, il s'agit d'un étonnant récit d'une centaine de pages à travers lesquelles le romancier raconte son enfance.
Tout au long de son œuvre protéiforme, s'il se montre impitoyable avec les bourreaux, Joseph Bialot exprime toujours une tendresse infinie pour les personnages humbles, souvent écrasés ou humiliés.

Œuvre

Romans policiers Série Loup

Nursery Rhyme, Seuil, Points no 640, 1999
Ô mort, vieux capitaine, Seuil, Points no 707, 2000
Le Sténopé, Seuil, Points no 756, 2000
Numéro 10, Seuil, Points no 883, 2001

Autres romans policiers

Le Salon du prêt-à-saigner, Gallimard, Super noire no 110, 1977 ;
L'annonce faite à Matcho, en collaboration avec Claude Courchay,
Matcho et les fourmis blanches, en collaboration avec Claude Courchay,
Sigmund Fred ne répond plus, Denoël, coll. Sueurs froides no 10, 1982.
Rue du Chat Crevé, Gallimard, Série noire no 1903, 1983.
Le Manteau de Saint-Martin, Gallimard, Série noire no 1994, 1985.
Un violon pour Mozart, Gallimard, Série noire no 2184, 1989.
La Nuit du souvenir, Gallimard, Série noire no 2215, 1990.
Le Royal Bougnat, Gallimard, Série noire no 2239, 1990.
Les Bagages d'Icare, Gallimard, Série noire no 2259, 1991.
La Main courante, Fleuve noir, coll. Crime no 47, 1994.
Vous prendrez bien une bière, Gallimard, Série noire no 2443, 1996.
Route Story, Gallimard, Gallimard, Série noire no 2503, 1998.
La Chronique de Montauk Point, Seuil, 2004.
Java des bouseux, Suite noire no 10 aux Éditions La Branche, 2006.
La Ménagerie, Rivages/Noir no 635, 2007.
Le jour où Albert Einstein s'est échappé, éditions Métailié, 2008.
L'Héritage de Guillemette Gâtinel, Rivages/Noir no 821, 2011.
Le puits de Moïse est achevé, Rivages/Noir no 888, 2012.

Romans historiques

Série Le Vent du Sud

Élisabeth ou le Vent du Sud, Belfond, 1988.
Judith, Belfond, 1990.

Série Le Semeur d'étincelles

Le Semeur d'étincelles, Seuil, 1996.
La Gare sans nom, Seuil, 1998.

Autres romans historiques

186 marches vers les nuages, éditions Métailié, 2009
À la vie !, éditions La Manufacture de Livres, 2010.

Textes hommages

C'est en hiver que les jours rallongent, Seuil, 2002.
La station Saint-Martin est fermée au public, Fayard, 2006.
Votre fumée montera vers le ciel (nouvelle édition de C'est en hiver que les jours rallongent

Recueil de nouvelles

8,20 g de cholestérol, éditions Fayard, 2006.

Mémoires

Belleville Blues, éditions Autrement, 2005.



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Posté le : 09/08/2014 19:07
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Jorge Amado
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Le 10 août 1912 à Itabuna état de Bahia au Brésil naît Jorge Amado de Faria,

écrivain brésilien de l'école moderniste il écrit des romans, nouvelles, contes, poésies, de la littérature d'enfance et de jeunesse, il reçoit le Prix Camões, le prix Lénine pour la paix, et le prix mondial Cino Del Duca il meurt à 88 ans le 6 août 2001 à Salvator dans l'État de Bahia au Brasil.

En bref

La littérature est pour lui l'expression de la lutte des classes, et, jusqu'aux années 1950, ses romans reflètent une pure orthodoxie stalinienne. Gabriela, girofle et cannelle 1958 marque alors un tournant dans son œuvre, où désormais l'emportent le lyrisme, l'humour et la sensualité les Vieux Marins, 1961 ; les Pâtres de la nuit, 1966 ; la Bataille du Petit Trianon, 1980 ; l'Enfant du cacao, 1982 ; Yansan des orages, 1988.
Pour d'innombrables lecteurs, l'œuvre de ce romancier, traduite en plus de quarante langues, est devenue synonyme de Brésil. Ce succès lui vient d'un talent de conteur incomparable, qui est la clef de l'unité d'une production dont les accents ont évolué durant un demi-siècle de création. Depuis les récits nerveux et lyriques, directement impliqués dans le débat politique des années trente, jusqu'aux histoires récentes, luxuriantes et débordantes d'humour et de sensualité, Amado donne la parole au peuple de Bahia. L'enracinement dans une terre de métissage racial et culturel, le foisonnement de personnages savoureux, la trame implacable ou fantaisiste de leurs combats ou de leurs aventures nourrissent une vision à la fois engagée, amusée et attendrie des passions humaines.

Sa vie

Un des plus grands auteurs brésiliens, Jorge Amado est né à Itabuna au sud de l'État de Bahia dans une fazenda. Fils de João Amado de Faria et de D. Eulália Leal, Jorge Amado arrive en 1931 à Rio de Janeiro pour y étudier le droit.
Son œuvre, traduite en 49 langues, se déroule le plus souvent dans les bas-fonds des communautés noires et mulâtres de la province de Bahia où il a presque toujours vécu, si ce n'est, au début des années 1950, pendant deux ou trois années d'exil politique à Paris, Prague et Dobříš, siège de l'Union des écrivains tchécoslovaques qui l'accueille pendant ce séjour forcé en Europe.
Athée, il devient membre du Parti communiste du Brésil PCB. Il commence comme militant communiste de 1941 à 1942, mais il doit s'exiler en Argentine et en Uruguay. Quand il revient au Brésil, il se sépare de sa première femme Matilde Garcia Rosa. Il est élu au nom de ce même parti à l'assemblée nationale constituante de 1945. La même année, il se remarie avec l'écrivaine Zélia Gattai.
En 1947, il a un fils, João Jorge. La même année, le parti communiste est déclaré illégal : ses membres sont arrêtés et persécutés. Amado choisit l'exil avec sa petite famille et se réfugie en France. Il demeure à Paris jusqu'en 1950, période durant laquelle, sa femme, Zélia Gattai obtient un diplôme de littérature à La Sorbonne. Puis il part en Tchécoslovaquie jusqu'en 1952.
Il voyage ensuite en Union soviétique. En Europe, il rencontre Picasso et Aragon.
À son retour au Brésil, en 1955, Amado abandonne l'activité politique et quitte le Parti communiste brésilien.
C'est l'auteur le plus adapté à la télévision brésilienne, et au cinéma, avec Tieta d'Agreste, Dona Flor et ses deux maris, et Gabriela, girofle et cannelle.
En 1984, il a été nommé commandeur de la Légion d'honneur par le président français Mitterand.
Il est lauréat du Prix Lénine pour la paix en 1951 et du prix Goncourt bresilien en 1994, ainsi que de nombreux autres prix.

Œuvre

La voix d'un peuple

Un père ensanglanté tombe de son cheval en protégeant son enfant : telle est la scène fondatrice de la vie du romancier Jorge Amado, né à Itabuna dans l'État de Bahia en 1912. En effet, la conquête violente des terres du cacao, cadre de sa petite enfance, traverse son œuvre depuis Le Pays du carnaval, passant par Tocaia Grande jusqu'à L'Invitation à Bahia. Cet enracinement va de pair avec la découverte de la littérature. Jeune homme, Amado part pour la ville de Salvador, l'ancienne capitale du pays alors en décadence par rapport à sa splendeur passée.
Là, il fait ses premières armes de journaliste ; militant communiste, il s'engage dans la voie du roman prolétarien. Dès 1931, Amado s'installe à Rio de Janeiro où son premier roman publié, País do carnaval, est bien reçu.
Tout en étudiant le droit, il continue à écrire, et son second roman, Cacau, saisi par la police de la dictature de Getulio Vargas, lui vaut un grand succès. Dorénavant, sa vie d'écrivain demeure indissociable de sa trajectoire politique. Membre actif de l'Aliança nacional libertadora à partir de 1935, il est mis en prison à diverses reprises en 1936 et en 1937 et doit s'exiler en Amérique du Sud à partir de 1941. En 1945, sous un nouveau régime, il est élu député fédéral communiste, mais son mandat sera interrompu en 1948 du fait de la dissolution du parti.
Jorge Amado, qui vit d'abord à Paris puis à Prague, reçoit en 1951 le prix Staline.
En 1952, il peut regagner définitivement le Brésil. Progressivement, il s'écarte du parti, et ses romans de plus en plus populaires lui valent d'être élu à l'Académie brésilienne en 1961. Depuis lors, il est devenu le symbole vivant de l'écrivain porteur de la voix de son peuple. Cela ne l'empêche pas de continuer à construire une œuvre régionaliste qui a su gagner une dimension universelle grâce au charme envoûtant des récits exotiques, à la vision politique qui la sous-tend, et à l'ouverture de son auteur sur le monde.

Le roman engagé

Roman encore immature, País do carnaval 1931 exprime les angoisses d'une génération qui s'est reconnue dans le jeune Paulo Rigger. Cet intellectuel d'éducation européenne renonce à transformer la réalité brésilienne après avoir dénoncé le carnaval comme une forme de fuite face à une situation sociale souvent insoutenable. Les deux œuvres suivantes, Cacao Cacau, 1933 et Suor 1934, qui ont pour protagonistes des petites gens exploités de l'État de Bahia, laissent prévoir quelles seront les deux faces de la fiction amadienne : le roman rural et le roman urbain. La vision manichéenne qui caractérise les personnages de ces documents, dans lesquels les militants généreux préparent la révolution prolétarienne, est compensée par le débordement de vitalité, la générosité des personnages, et par la saveur d'une langue nourrie d'oralité. La poésie habite ces romans chargés d'humanité.
Avec Bahia de tous les saints Jubiabá, 1935, journal d'un Noir en fuite, Amado met en valeur la présence africaine au cœur de la ville de Salvador. Le petit orphelin, Antônio Balduíno, qui errait librement sur le morne, ignorant encore la haine et l'amour, pur comme un animal, n'ayant d'autre foi que ses instincts, est fasciné par le sorcier Jubiabá. Un jour, il comprendra que ce dépositaire était le dernier gardien de la liberté du peuple.
Comment retrouver le chemin de la maison ? Telle est la quête lancinante de ce mauvais garçon très populaire qui découvre la solidarité du combat politique.
Amado oscille alors entre la valorisation de la matière sociale avec Capitaines de sable Capitães da areia, 1937, qui évoque le drame des enfants marginaux, et la manière poétique qui s'exprime avec le plus de lyrisme à propos des pêcheurs dans Mar morto 1937.
Ces deux tendances s'allieront avec efficacité dans Terre violente Terras do sem fim, 1942 qui complète le cycle inauguré par Cacau. Écrivant un véritable roman historique, Amado a su donner au récit de la conquête des terres nègres du cacao un souffle épique qui dépasse ainsi son projet d'enregistrer, avec impartialité et passion, le drame de l'économie du cacao.
Le diptyque que constituent Terre violente et La Terre aux fruits d'or São Jorge de Ilhéus, 1944 illustre le réalisme socialiste à la brésilienne.
Amado revient inlassablement sur la dénonciation politique et réinterprète le messianisme mystique des habitants du sertão dans Les Terres du bout du monde Seara Vermelha, 1946 qui montre le drame des travailleurs jetés hors de la terre par le latifundium et la sécheresse, expulsés de chez eux, sans travail, et qui descendent vers São Paulo, la terre promise du Sud industriel.
La trilogie Os Subterrâneos da liberdade 1951-1954 marque le paroxysme d'une littérature engagée devenue explicitement partisane.
L'ensemble de ces romans de dénonciation sociale s'inscrit dans un courant régionaliste du Nordeste, polygone de la sécheresse, dont les principaux représentants sont José Américo de Almeida, Graciliano Ramos, José Lins do Rêgo et Rachel de Queiroz. L'expérimentation esthétique de la génération des écrivains modernistes du Sud, qui les a précédés, leur a ouvert la voie de l'utilisation littéraire de la langue parlée afin de rendre compte de la culture même du peuple.
Amado crée avec liberté, les images fécondent sa prose souvent scandée selon le rythme de la littérature de colportage du Nordeste.
Avec la langue, Amado explore également l'imaginaire populaire et ses symboles syncrétistes afro-brésiliens. Ainsi dans Mar morto, la déesse de la mer, Yemanja, devient la figure emblématique des espérances politiques, tout comme le leader communiste Luis Carlos Prestes est assimilé à saint Georges, qui représente le dieu de la Guerre dans Le Chevalier de l'espérance, O Cavaleiro da esperança, 1942.

La saveur de l'humour

La critique a voulu distinguer deux phases de la fiction amadienne : avant et après Gabriela, girofle et cannelle Gabriela, cravo e canela, 1958, opposant ainsi le réalisme social et poétique du début à la kermesse bahianaise d'une seconde période. À vrai dire, l'unité prédomine dans l'œuvre, même si la préoccupation politique et le drame marquent les premiers romans, tandis que l'humour et la satire sociale colorent les ouvrages plus récents.
De fait, Gabriela incarne la joie de vivre, l'état d'innocence, la sensualité d'une mulâtresse qui a le parfum de l'œillet et le teint de la cannelle. Parce qu'elle est faite pour la liberté, elle ne sera pas la chose de Nacib, l'homme qui l'a recueillie et l'a prise pour femme. Dans ce roman, Amado n'abandonne pas pour autant l'argumentation politique : au contraire, il annonce le crépuscule des grands propriétaires terriens.
La capacité de création d'images de ce conteur d'histoires va s'amplifier avec le désir de dégager les aspects plaisants et insolites du réel.
Os Velhos Marinheiros 1961 accentue ce parti pris. Dans le premier récit Les Deux Morts de Quinquin-la-Flotte, Quincas, un fonctionnaire banal et père de famille conventionnel de la petite bourgeoisie, a choisi la vie de bohème.
Il est comme mort pour les siens. Lorsqu'il vient à mourir pour de bon, la famille essaye en vain de récupérer son cadavre, veillé par ses nouveaux compagnons qui l'entraînent dans des aventures fascinantes. La critique sociale s'est métamorphosée en satire malicieuse et picaresque. Le registre épique impliquait une vision tranchée des personnages bons et méchants, mais ce manichéisme est ici dépassé par la carnavalisation de la société.
Cette distance parodique et fantaisiste se retrouve dans le second récit du Vieux Marin, Toute la vérité sur les fameuses aventures du commandant Vasco Moscoso de Aragão, capitaine au long cours .
La magie de la vie quotidienne des Noirs et des Métis oriente le roman Les Pâtres de la nuit O Pastores da noite, 1964. Un bon vivant, Martim, est devenu l'esclave d'une femme fatale, Marialva. Ils se marient. Mais la ville de Salvador va rendre à Martim sa liberté. Dans une autre nouvelle vécue par les mêmes personnages, un baptême catholique devient le lieu de la manifestation des divinités venues d'Afrique, les orishas.
Dans la même veine, Amado écrit Dona Flor et ses deux maris Dona Flor e seus dois maridos, 1966. L'héroïne, devenue veuve prématurément, se marie avec un bourgeois profondément ennuyeux. Fort heureusement, son coquin de premier mari réapparaît dans sa vie trop rangée. Le peuple de Bahia demeure au centre de cet univers fictionnel dans lequel s'effacent peu à peu les aspérités de l'engagement partisan.
Désormais, Amado joue avec ses personnages : après les deux maris antagonistes de Dona Flor et les deux morts de Quinquin-la-Flotte, il nous raconte la double vie de Pedro Archanjo. Un érudit américain révèle l'importance des recherches de ce mulâtre, ancien bedeau aux mœurs dissolues, mort dans l'anonymat quelques années auparavant. Pour célébrer ce héros national, ses compatriotes se croient obligés de réécrire une biographie officielle respectant les convenances bourgeoises et masquant ses luttes pour la reconnaissance des cultes afro-brésiliens par la société de Bahia. Ce carcan ne saurait contenir un être aussi dérangeant ni sa Boutique aux miracles Tenda dos milagres, 1969.

Puis, Amado enrichit sa galerie de femmes-héros avec Tereza Batista, Tereza Batista cansada de guerra, 1972. Gabriela incarne la liberté joyeuse qui ne se laisse pas dominer par les hommes, tandis que Tereza Batista, orpheline vouée par sa condition à la prostitution, mobilise ses compagnes d'infortune pour soigner les victimes d'une épidémie de variole. Le corps de Tereza Batista est à la fois célébré et bafoué : Tereza des sept soupirs, Tereza aux mains de velours, Tereza chasse la peur. L'héroïne du roman suivant, Tiéta d'Agreste 1977, maîtrise davantage son sort. Cette femme éblouissante, à la fois tenancière d'un bordel de luxe à São Paulo et bienfaitrice de sa bourgade natale d'Agreste, prend la tête d'un mouvement contre l'installation d'industries chimiques sur la côte de Bahia. Ces mulâtresses provocantes donnent aux longs romans de cette période tout leur piquant.
La dimension politique redevient prioritaire dans une fable rocambolesque, La Bataille du Petit Trianon Farda, Fardão, Camisola de dormir, 1980. Dans Tocaia Grande 1984, Amado écrit la saga non officielle d'une ville, Irisopolis, depuis sa genèse anarchique jusqu'à son institutionnalisation. Le Libanais maronite, Fadul Abdala, personnage ambigu, représente l'un des éléments ethniques du melting pot brésilien qui brasse Indiens, Noirs et Blancs de multiples provenances. Après l'euphorie et les luttes des débuts utopiques, viennent les lois, l'armée et la religion, l'aventure s'achève : L'inondation et la peste, on a pu s'en tirer ; la loi, rien à faire : tout le monde y est passé.
Chez Amado, le pittoresque du quotidien est toujours vu de l'intérieur, avec le recul de l'humour qui permet au lecteur de devenir le complice d'un univers magique dominé par la présence des orishas. Le folklore et même la valorisation des mythes ne coupent pas les romans amadiens des problèmes contemporains. Ils disent les racines, ils chantent le peuple, ils prônent un combat qui ne se départit jamais de la joie et de la sagesse brésiliennes.

Romans

O país do carnaval, 1931 Publié en français sous le titre Le Pays du carnaval, traduit par Alice Raillard, Éditions Gallimard, Paris, coll. «Du monde entier; réédition, Paris, Gallimard, Folio no 4012, 2004
Cacau, 1933
Publié en français sous le titre Cacao, traduit par Jean Orecchioni, Paris, Nagel, coll. « Les Grands romans étrangers , 1955, puis sous le titre Cacao, nouvelle traduction par Jean Orecchioni, Paris, Stock, coll. Bibliothèque cosmopolite ; réédition, Paris, Flammarion, J'ai lu no 10089, 2012
Suor, 1934
Publié en français sous le titre Suor, traduit. par Alice Raillard, Paris, Temps Actuels, 1983, 160 p; réédition, Paris, Gallimard, Folio no 2314, 1991
Jubiabá, 1935 ou Bahia de todos os Santos, nouvelle version 1945
Publié en français sous le titre Bahia de tous les Saints, traduit par Michel Berveiller et Pierre Hourcade, Paris, Gallimard, 1938, 269 p. ; réédition, Paris, Gallimard, Folio no 1299, 1981
Mar Morto, 1936
Publié en français sous le titre Mar Morto, traduit par Noël-A. François, Paris, Nagel, coll. Les Grands romans étrangers 1949, 290 p. ; réédition, Paris, Garnier-Flammarion no 388, 1982
Capitães da areia, 1937
Publié en français sous le titre Capitaines des Sables, traduit par Vanina, Paris, Gallimard, coll. « La Croix du Sud », 1952, 255 p. ; réédition, Paris, Gallimard, L'Imaginaire no 141, 1984
Terras do sem fim, 1943
Publié en français sous le titre Terre violente, traduit par Claude Plessis, Paris, Nagel, coll. Les Grands romans étrangers, 1946, 355 p., puis sous le titre Les Terres du bout du monde, traduit par Isabel Meyrelles, Messidor-Temps actuels, Paris, 1985, 318 p, puis sous le titre Les Terres du bout du monde, traduit par Isabel Meyrelles, Paris, Messidor-Temps actuels, 1985, 318 p. ; réédition, Paris, Gallimard, Folio no 2313, 1991
São Jorge dos Ilhéus, 1944
Publié en français sous le titre La Terre aux fruits d'or, trad. par Violante do Canto, Paris, Nagel, coll. Les Grands romans étrangers 1951, 416 p, puis sous le titre La Terre aux fruits d'or, traduit par Isabel Meyrelles, Paris, Messidor, coll. Collection littéraire. Lettres étrangères, 1986, 457 p. réédition, Paris, Gallimard, Folio no 2726, 1995
Seara vermelha, 1946
Publié en français sous le titre Les Chemins de la faim, traduit par Violante do Canto, Paris, Les Éditeurs français réunis, 1951, 383 p. ; réédition, Paris, Gallimard, Folio no 2232, 1991
Os subterrâneos da liberdade, partie 1 : Os Aspros tempos ; partie 2 : Agonia da noite 1954
Publié en français sous le titre Les Souterrains de la liberté, traduit par Isabel Meyrelles, Paris, Temps actuels, 1984, 2 vol. (vol. 1 : Les Temps difficiles, 536 p. ; vol. 2 : L'Agonie de la nuit, 560 p.
Gabriela, Cravo e Canela, 1958
Publié en français sous le titre Gabriella, fille du Brésil, traduit par Violante Do Canto et Maurice Roche, Paris, Seghers-l'Inter, coll. Les Grands romans de l'Inter , 1959, 249 p. ; puis sous le titre Gabriela, girofle et cannelle : chronique d'une ville de l'État de Bahia, traduit par Georges Boisvert, Paris, Stock, coll. Le Nouveau Cabinet cosmopolite , 1983, 445 p.; réédition, Paris, Le Livre de poche no 5930, 1984
A morte e a morte de Quincas Berro d'Água, 1961
Publié en français sous le titre Les Deux Morts de Quinquin-la-Flotte, traduit par Georges Boisvert, Paris, Stock, 1971, 130 p.
Os velhos marinheiros : ou o Capitão de longo curso, 1961
Publié en français sous le titre Le Vieux marin : ou Toute la vérité sur les fameuses aventures du commandant Vasco Moscoso de Aragon, capitaine au long cours, traduit par Alice Raillard, Paris, Stock, coll. Le Cabinet cosmopolite , 1978, 349 p.
Os pastores da noite, 1964
Publié en français sous le titre Les Pâtres de la nuit, traduit par Conrad Detrez, Paris, Stock, 1970 ; réédition, Paris, Le Livre de poche no 5067, 1978 ; réédition, Paris, Le Livre de poche. Biblio no 3300, 1998
Dona Flor e seus dois maridos, 1966
Publié en français sous le titre Dona Flor et ses deux maris : histoire morale, histoire d'amour, traduit par Georgette Tavares-Bastos, Paris, ; réédition, Paris, Le Livre de poche no 6111, 1985
Tenda dos milagres, 1969
Publié en français sous le titre La Boutique aux miracles, traduit du brésilien par Alice Raillard,réédition, Paris, Le Livre de poche no 6201, 1986
Tereza Batista, cansada de guerra, 1972
Publié en français sous le titre Tereza Batista, traduit par Alice Raillard, Paris, Stock, coll. Le Cabinet cosmopolite, 1974, XIX-353 ; réédition, Paris, Le Livre de poche no 5738, 1983 ; réédition, Paris, Le Livre de poche. Biblio no 3301, 1998
Tieta do Agreste, pastora de cabras : ou a Volta da filha pródiga, 1977
Publié en français sous le titre Tieta d'Agreste, gardienne de chèvres ou le Retour de la fille prodigue, traduit par Alice Raillard, Paris, Stock, coll. Le Nouveau Cabinet cosmopolite , 1979, 660 p.
Farda, fardão : camisola de dormir, 1979
Publié en français sous le titre La Bataille du Petit Trianon : fable pour éveiller une espérance, traduit par Alice Raillard, Paris, Stock, coll. Le Nouveau Cabinet cosmopolite, 1980, 322 p.
Tocaia grande : a face obscura, 1984
Publié en français sous le titre Tocaia grande : la face cachée, traduit par Jean Orecchioni, Paris, Stock, coll. Le Nouveau Cabinet cosmopolite,; réédition, Paris, Le Livre de poche no 6771, 1990
O sumiço da santa : uma história de feitiçaria, 1988
Publié en français sous le titre Yansan des orages : une histoire de sorcellerie, traduit du portugais par Jean Orecchioni, Paris, Stock, coll. « Le Nouveau Cabinet cosmopolite », 1989, 479 p. ; réédition, Paris, Le Livre de poche no 6978, 1991
A descoberta da America pelos Turcos : ou De como o Arabe Jamil Bichara desbravador de florestas de visita a cidade de Itabuna para dar abasto ao corpo, ali lhe ofereceram fortuna e casamento ou ainda Os esponsais de Adma, 1994
Publié en français sous le titre La Découverte de l'Amérique par les Turcs : ou Comment l'Arabe Jamil Bichara, défricheur de terres vierges, venu en la bonne ville d'Itabuna pour satisfaire aux nécessités du corps, s'y vit offrir fortune et mariage ou encore Les fiançailles d'Adma, traduit par Jean Orecchioni, Paris, Stock, coll. Le Nouveau Cabinet cosmopolite , 1992, 115 p.
O milagre dos pássaros, 1997
Directement en français :
Recueils de nouvelles, nouvelles et contes

O mundo da paz, 1951
O gato Malhado e a andorinha Sinhá : uma historia de amor, 1976
Publié en français sous le titre Le Chat et l'hirondelle : une histoire d'amour, traduit par Alice Raillard, illustrations de Carybé, Paris, Stock, 1983, 71 p.
Do recente milagre dos pássaros, 1979
Publié en français sous le titre Du miracle des oiseaux survenu récemment en terre d'Alagoas sur les rives du rio São Francisco, traduit par Alice Raillard, illustré par Floriano Teixeira, Paris, Messidor, 1990, 59 p.

Livres pour enfants

A bola e o goleiro, littérature pour la jeunesse, 1984

Biographies

ABC de Castro Alves, biographie, 1941: Le Bateau négrier : la vie du poète Castro Alves, traduit par Isabel Meyrelles, Paris, Messidor, 1988, 321 p. (ISBN 2-209-06057-5)
O cavaleiro da esperança, biographie, 1942: Le Chevalier de l'espérance : Vie de Luis Carlos Prestes, traduit par Julia et Georges Soria, Paris, Les Éditeurs français réunis, 1949, 381 p.

Théâtre

O amor do soldado, théâtre, 1947

Poésies

A estrada do mar, poésie, 1938

Guides

Bahia de Todos os Santos, guide, 1945

Mémoires

O menino grapiúna, mémoires, 1982
Navegação de cabotagem : apontamentos para um livro de memórias que jamais escreverei, mémoires, 1992 : Navigation de cabotage : notes pour des mémoires que je n'écrirai jamais, traduit par Alice Raillard, Gallimard, coll. Du monde entier Paris, 1996, 616 p

Brève analyse de son œuvre

Ses romans unissent la critique sociale et l'inspiration folklorique1

Citation

Les pauvres sont si malheureux que, quand ce sera la mode de chier de l'argent, eh bien eux, ils seront constipés.

Liens
http://youtu.be/RcvApJ3zf5M Arquivo
http://youtu.be/zbfH7TZBbDU Sa vie 1 (en Portugais)
http://youtu.be/BBbvhg97fuA Sa vie 2 ( en Portugais)

http://youtu.be/lwg0412cPew Biographie en espagnol


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Posté le : 09/08/2014 17:01
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Françoise D'Eaubonne
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Le 3 août 2005 à Paris, à 85 ans, meurt Françoise d'Eaubonne

née le 12 mars 1920 à Paris, femme de lettres française et une militante radicale féministe. Elle était la sœur de Jehanne Jean-Charles.

En bref

Écrivain et militante féministe française. Après un cursus à la faculté des lettres et à l'école des Beaux-Arts de Toulouse, Françoise d'Eaubonne s'engage dans la Résistance. À la Libération, elle adhère au Parti communiste, qu'elle quittera à l'époque des grands procès staliniens.
En 1947, elle publie son premier roman, Comme un vol de gerfauts prix des lecteurs. Deux ans plus tard, la lecture du Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir lui révèle le féminisme. Dans les années 1950-1960, tout en étant lectrice dans de grandes maisons d'édition et en publiant romans, biographies et essais, elle milite contre la guerre d'Algérie et pour la défense des minorités. Cofondatrice du Mouvement de libération des femmes, elle participe, en 1972, à la création du Front homosexuel d'action révolutionnaire et lance, six ans après, le mouvement Écologie-Féminisme. Parmi ses titres à succès : Je voulais être une femme 1962, Le Féminisme 1972, Dossier S comme sectes 1982.

Sa vie

Troisième enfant du comte Étienne d'Eaubonne, un anarchiste chrétien originaire de Bretagne et membre du Sillon, et de Rosita Martinez Franco, une fille de révolutionnaire espagnol carliste, son enfance toulousaine est marquée par le déclin physique de son père, dû aux effets des gaz dans les tranchées de la Première Guerre mondiale. Elle a 16 ans quand éclate la guerre d'Espagne, 19 ans quand elle voit arriver les républicains en exil.
De 20 à 25 ans, elle subit les privations propres à l'époque et rencontre à la Libération, dans une grande gare parisienne, les rescapés juifs de retour des camps. Elle résumera plus tard son sentiment sur cette période de sa vie sous le titre évocateur de Chienne de Jeunesse.
Cette enfance plaquée sur une personnalité hypersensible la conduit à porter sur le monde un regard critique qui façonnera la militante radicale et féministe.
Un temps membre du Parti communiste français, elle milite activement contre la guerre d'Algérie et en septembre 1960, signe le Manifeste des 121. Cofondatrice du Mouvement de libération des femmes MLF dans les années 1960, signataire du Manifeste des 343 pour le droit à l'avortement, elle lance le FHAR, Front homosexuel d'action révolutionnaire avec l'écrivain et journaliste Guy Hocquenghem et Anne-Marie Grélois en 1972.
Au sein du MLF, elle anime également le groupe Écologie et féminisme.
À l'origine du mot phallocrate, du terme écoféminisme en 1974, elle fonde l'association Écologie-Féminisme en 1978. Cette vie littéraire et militante se croise avec celles de Colette, Jean Cocteau, Simone de Beauvoir dont elle fut une amie très proche, et de Jean-Paul Sartre.

Elle est mère de deux enfants, Indiana et Vincent. Elle meurt à Paris le 3 août 2005 au matin, et est incinérée au cimetière du Père-Lachaise, à Paris.

L'écrivaine


Pas un jour sans une ligne : c'est sous la férule de ce mot d'ordre que l'auteur a produit plus de 50 ouvrages, de Colonnes de l'âme poèmes, 1942 à L'Évangile de Véronique essai, 2003 en passant par quelques romans de science-fiction L'échiquier du temps, Rêve de feu, Le sous-marin de l'espace, Les sept fils de l'étoile….
Parmi ses ouvrages, on pourra distinguer :

Les romans, parmi lesquels :

Le cœur de Watteau, 1944
Comme un vol de gerfauts, prix des lecteurs 1947
Belle Humeur ou la Véridique Histoire de Mandrin, 1957
J'irai cracher sur vos tombes, 1959 d'après le film J'irai cracher sur vos tombes
Les Tricheurs, 1959 d'après le film Les Tricheurs
Jusqu'à la gauche, 1963
Les Bergères de l'Apocalypse, 1978
On vous appelait terroristes, 1979
Je ne suis pas née pour mourir, 1982
Terrorist's blues, 1987
Floralies du désert, 1995
Les biographies, parmi lesquelles :
La vie passionnée d'Arthur Rimbaud, 1957
La vie passionnée de Verlaine, 1959
Une femme témoin de son siècle, Germaine de Staël, 1966
La couronne de sable, vie d'Isabelle Eberhardt, 1967
L'éventail de fer ou la vie de Qiu Jin, 1977
Moi, Kristine, reine de Suède, 1979
L'impératrice rouge : moi, Jiang King, veuve Mao, 1981
L'Amazone Sombre : vie d'Antoinette Lix, 1983
Louise Michel la Canaque, 1985
Une femme nommée Castor, 1986
Les scandaleuses, 1990
L'évangile de Véronique, 2000
Les essais, parmi lesquels :
Le complexe de Diane, érotisme ou féminisme, 1951
Y a-t-il encore des hommes?, 1964
Eros minoritaire, 1970
Le féminisme ou la mort, 1974
Les femmes avant le patriarcat, 1976
Contre violence ou résistance à l'état, 1978
Histoire de l'art et lutte des sexes, 1978
Écologie, féminisme : révolution ou mutation ?, 1978
S comme Sectes, 1982
La femme russe, 1988
Féminin et philosophie : une allergie historique, 1997
La liseuse et la lyre, 1997
Le sexocide des sorcières, 1999
Les poèmes, parmi lesquels :
Colonnes de l'âme, 1942
Démons et merveilles, 1951
Ni lieu, ni mètre, 1981
Et quelques romans pour enfants édités dans la collection bibliothèque verte.

Les activités littéraires diverses, parmi lesquelles des pamphlets 20 ans de mensonges, contre Longo Maï), des traductions Poèmes d'Emily Brontë, une édition critique des lettres de Flaubert, de nombreuses préfaces, etc.
Elle aura laissé avant de mourir un impressionnant volume de souvenirs, sous le titre Mémoires irréductibles, qui regroupe Putain de jeunesse (antérieurement publié sous le titre plus correct que son éditeur avait voulu, "Chienne de jeunesse", Les Monstres de l'été, L'indicateur du réseau et Les feux du crépuscule, ce dernier inédit jusque-là.

Documentaire

Le documentaire de Alessandro Avellis, La révolution du désir 2006, lui rend un hommage tout en retraçant l’histoire du FHAR et ses liens avec Guy Hocquenghem.

Décoration

Chevalier de l'ordre des Arts et des Lettres


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Posté le : 02/08/2014 19:50

Edité par Loriane sur 03-08-2014 16:31:12
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Colette
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Le 3 août 1954 à Paris, meurt, à 81 ans, Colette, nom de plume de

Sidonie-Gabrielle Colette


née le 28 janvier 1873 à Saint-Sauveur-en-Puisaye, romancière française. Ses Œuvres principales sont Claudine à l'école en 1900, Chéri en 1920, La Maison de Claudine en 1922, Le Blé en herbe en 1923 Sido en 1929, Gigi en 1944
Après Judith Gautier en 1910, Colette est la deuxième femme élue membre de l’Académie Goncourt en 1945. Elle en est également la première femme présidente, entre 1949 et 1954.

En bref

" Une femme pour tout de bon, qui a osé être naturelle " : ainsi s'exprimait Francis Jammes à propos de Colette. Alliant indépendance d'esprit et sûreté de style, son œuvre traduisit son sens de l'émerveillement devant la vie et la nature, ainsi que sa compréhension des êtres.
Interroger Colette : d'autres s'y sont essayés avec un bonheur inégal. Quand il s'agit d'entreprise de cet ordre, on songe aux pages où l'écrivain elle-même raconte l'interview qu'elle accorda à un jeune reporter : celui-ci ne tira pas grand-chose de la rencontre, tandis que Colette se passionna et s'enrichit. Telle elle fut : aux aguets de tout ce qui vit, nature, bêtes et hommes ; prête à se faire à chaque découverte la même remarque que cette héroïne de Beckett : Ça, que je trouve si merveilleux ! Faculté d'accueil, d'émerveillement, de jeunesse, c'est Colette ou Claudine tout entière en ces mots définie. Pas tout à fait, cependant, car elle ne se confond pas totalement avec Claudine, la plus espiègle des enfants sorties de son imagination. Elle est diverse et souvent insaisissable : elle adore le masque. Au fait, ne fut-elle pas comédienne ? Si bien qu'en son œuvre elle est toujours elle-même et une autre. Ne fut-elle pas mime et danseuse ? Si bien que certaines figures reviennent de préférence à d'autres, révélant le plus profond de l'être et dessinant un itinéraire psychologique. La voici donc cette Colette si contradictoire : sage et révoltée, heureuse et souffrante, libre et liée, mais toujours humaine et poursuivant, à travers les hasards de la vie, l'expérience d'une longue sagesse. Il n'y a pas loin de la maison de Claudine au fanal bleu du Palais-Royal : le chemin qui va de l'une à l'autre est celui d'un apprentissage de l'humanisme, ou de l'apprentissage de la vie – c'est-à-dire, peut-être, de la mort.
Colette fut-elle égotiste ? entièrement tournée vers d'intimes sensations ? sourde aux évolutions de son temps ? Non. Tendue vers toute nouveauté, en bon journaliste qu'elle était, elle flaire des changements : au théâtre, ses chroniques de La Jumelle noire le prouvent ; dans le roman. Particulièrement avec La Naissance du jour, elle remet en question les règles du jeu : fiction, personnages, linéarité du récit. Elle renouvelle la notion d'espace en récusant la description au profit d'une géométrie interne de l'œuvre, jalon vers le roman dit nouveau.
Dans sa ruche aux souvenirs, au plus profond d'elle-même, l'écrivain Sidonie Gabrielle Colette retrouve toujours le pays où elle est née le 28 janvier 1873 et où elle a vécu ses vingt premières années, jusqu'à son mariage. Ce pays, c'est la Puisaye, dans l'Yonne, aux confins de la Bourgogne. Elle l'évoque dans son premier livre, Claudine à l'école 1900, et inclut dans l'un de ses derniers En pays connu,1950 un chapitre intitulé Ma Bourgogne pauvre. Le pays se réduit essentiellement à la maison natale de Saint-Sauveur, celle dont il est question dans La Maison de Claudine 1922 et Sido 1929. Ces romans nous éclairent sur le sens que Colette donne à la province dans son œuvre. Il importe peu qu'il s'agisse de la Bourgogne, ou du Morvan, ou de la Provence, des Monts-Boucons ou de la Treille-Muscate. Pour l'écrivain, la maison provinciale est l'arpent de pureté préservée, l'enfance retrouvée ; elle est le lieu privilégié où, comme Antée, elle reprend force. Comme elle le dit elle-même, elle y apprend à vivre.
La maison – au moins la seule qui compte : celle de Saint-Sauveur – ne vaut pas seulement parce qu'elle est le lieu privilégié où s'équilibrent les vents issus de tous les points cardinaux. Le fantôme d'êtres plus ou moins chers hante ce palais du souvenir. Colette n'aime guère sa demi-sœur ; en revanche, elle fait preuve de la plus vive affection pour ses frères : pour l'aîné sans rivaux, comme pour le cadet, le sylphe ; à leur suite, elle découvre les charmes du mystère et de l'inconnu.
Bien que plusieurs pages lui aient été consacrées, le père ne tient une place considérable ni dans l'œuvre ni dans la vie de Colette : elle fait la juste mesure de ce qu'elle lui doit et, plus encore, de ce qu'il ne pouvait lui donner, ne le possédant pas lui-même : le goût de la nature et l'amour des bêtes.
Au sommet du panthéon familial trône Sidonie Landoy, la mère, familièrement baptisée Sido. Colette tient d'elle une sorte d'innocence naturelle, un don d'émerveillement et une rare puissance de compréhension. Le visage de cette femme qui, à soixante-seize ans, refusait d'entreprendre le voyage de Paris pour aller voir sa fille, parce que son cactus rose allait fleurir et que cela n'arrivait que tous les quatre ans, domine les chefs-d'œuvre de Colette : La Maison de Claudine, Sido, La Naissance du jour 1928. Colette n'est ni romanesque ni révoltée, mais, très tôt, elle manifeste le goût de la réflexion personnelle, le sens de l'indépendance et de la découverte : les clôtures lui parlent de liberté, les bois lui révèlent la profondeur. Singulière jeune fille, à la fois timide et un peu garçonne, séduisante et bien venue à peindre, plus tard, toute une galerie d'adolescentes, ou, pour s'en tenir aux termes figés des emplois dramatiques, d'ingénues. Qu'elles sont femmes déjà ces jeunes filles encore fleurs ! Elles ont, telle Claudine, les perversités de leur époque Claudine à l'école, Claudine à Paris, Claudine s'en va, Claudine en ménage, 1900-1903. À la vérité, ces enfants qui n'ont l'air de rien triomphent du monde et de l'homme, le grand ennemi, L'Ingénue libertine, 1909 ; Gigi, 1943 ; et quelle délicatesse jusque dans les situations les plus hardies Le Blé en herbe, 1923. Belles, souples et féroces, les jeunes femmes sont toujours un peu de jeunes chattes : en quoi Colette est bien le plus grand de nos peintres animaliers. Et l'homme ?

Sa vie

Dernière des quatre enfants, deux filles et deux garçons de Sidonie Landoy dite Sido et du capitaine Jules-Joseph Colette saint-cyrien, zouave qui a perdu une jambe lors de la bataille de Melegnano et est fait percepteur à Saint-Sauveur en Puisaye, celle qui deviendra Colette a vécu une enfance heureuse à Saint-Sauveur-en-Puisaye, gros village de Bourgogne. Adorée par sa mère comme un joyau tout en or au sein d’une nature fraternelle, elle reçoit une éducation laïque.
Sido, féministe et athée convaincue qui ne craint pas de troubler le curé de Saint-Sauveur avec son chien ou de lire Corneille caché dans un missel, lui apprend l'art de l'observation notamment dans le jardin donnant sur la cour de la maison.
La jeune Colette lit très tôt les grands classiques et prend des leçons de français comme de style auprès de son père, grand lecteur de journaux.
Sido ayant des goûts de luxe que son mari ne sait lui refuser, la famille ruinée doit quitter Saint-Sauveur et s’installe en novembre 1891 à Châtillon-sur-Loing.

Mariage

Adolescente, Colette rencontre Henry Gauthier-Villars, séducteur compulsif surnommé Willy, avec qui elle se marie le 15 mai 1893 à Châtillon-sur-Loing.
Willy, critique musical très influent et auteur de romans populaires, est un viveur parisien qui fait également travailler à son profit une équipe de collaborateurs dans son atelier parisien de la maison d’édition Gauthier-Villars au 55 quai des Grands-Augustins, dans laquelle s'installe le couple au dernier étage.
Il introduit Colette dans les cercles littéraires et musicaux de la capitale où la jeune femme fait sensation avec l'accent rocailleux de sa Bourgogne natale.
Vite saisi par les dons d’écriture de sa jeune épouse, Willy l'utilise elle aussi comme nègre littéraire, le premier manuscrit de Colette date de 1893 puis dès 1895 l’engage à écrire ses souvenirs d’école, qu’il signe sans vergogne de son seul nom. Cela donne Claudine à l'école, bientôt suivi d’une série de Claudine La Maison de Claudine, Claudine à Paris, Claudine en ménage, etc., qui sont donc publiés sous le nom du seul Willy.
Willy est, entre autres, l'amant de la femme d'Émile Cohl, Marie-Louise Servat, avec laquelle il avait eu un fils, Jacques Henry Gauthier-Villars ce fils de Willy est né avant que celui-ci ne commence à fréquenter Colette, en 1889, et donc bien avant son mariage avec elle, c'est d'ailleurs en mettant cet enfant en nourrice à Châtillon-Coligny qu'il a commencé à fréquenter Colette.
Colette, jalouse et consternée de devoir être enfermée dans un rôle d’épouse bafouée, se libère de plus en plus de cette tutelle. En 1905, elle publie le premier livre sous son nom de Colette Willy, Dialogues de bêtes.

Dans les orages de la vie

Willy est un personnage de la vie parisienne. Salué mais discuté, il est répandu dans le monde des lettres et des théâtres. Il a un nom et une réputation que pourrait partager celle qui, durant plus de dix ans, sera Colette Willy. La jeune provinciale s'initie : à l'amour, d'abord, et ce n'est pas sans écœurement, ni rancune contre l'homme. Elle en restera marquée, semble-t-il, pour la vie. Elle fait aussi l'apprentissage du style : c'est l'époque des Claudine qui scandalisent et passionnent une société partagée entre le respect du can't et le désir de jeter les bonnets par-dessus les moulins. Les premiers romans de Colette gardent l'empreinte d'un moment du goût : dans leur style, moins net et nerveux que celui des œuvres postérieures ; dans leur fond parfois pimenté à dessein, mais sans nécessité. Il n'est pas sûr que Colette se soit toujours pliée de bon gré à la rédaction de ce genre d'ouvrages ; elle s'en est expliquée dans un bien curieux volume de souvenirs, Mes apprentissages 1936. En fait, elle découvre surtout la possibilité de conquérir, par la littérature, le bien le plus précieux : la liberté. Le bel animal sait, maintenant, par où il échappera au dompteur.
Il ne saurait être question, cependant, de tirer de la littérature les moyens de subsister : Willy traite pour Colette. Or, pour le couple, la rupture est proche. Elle sera sanctionnée par le divorce 1910.
Pour la femme de trente-trois ans, déjà riche d'expérience, une nouvelle vie commence. Durant six ans, comme actrice de mime, elle parcourt la province, en compagnie de Georges Wague. Le parfum du scandale flotte encore autour de sa personne : elle débute au Moulin-Rouge dans un spectacle qui soulève la réprobation.
Ce qu'elle découvre, en ces années, ce n'est pas la vie triste et passionnante des tournées ; à force de s'asseoir à la table de maquillage, elle apprend à juger, comme celui d'une étrangère, le visage qui est devant elle de l'autre côté du miroir. Avec La Vagabonde, Colette poursuit une lucide analyse de soi. Elle pèse les raisons d'un échec, et les moyens d'y parer. Marquée encore par un grave mécompte sentimental, désemparée, elle se connaît et se juge, mais tente de se forger des armes contre son désarroi. En ce sens, Colette continue à élaborer une sagesse.
Encouragée par le comédien et mime Georges Wague 1874-1965, elle commence alors une carrière au music-hall 1906-1912, où elle présente des pantomimes orientales, la première mime féminine de mon temps écrit-elle dans des tenues très légères, la Préfecture de Police interdit notamment son spectacle de pantomime nu sous une peau de panthère, puis se produit au théâtre Marigny, au Moulin Rouge, au Bataclan ou en province ces spectacles transparaîtront dans La Vagabonde ou L’envers du music-hall.

Années de scandale

Ce sont des années de scandale et de libération morale : après son divorce de Willy en 1910, elle connaît plusieurs aventures féminines, notamment avec Mathilde de Morny Missy, fille du duc de Morny et sa partenaire sur scène, en 1911, chez qui elle vit le plus souvent et qui lui a offert la villa Roz Ven à Saint-Coulomb en Bretagne, ou Natalie Clifford Barney dite l'Amazone. Durant toute cette période, Colette chemine aussi dans sa vocation d'écrivaine. Elle publie des ouvrages évoquant ces années, comme La Vagabonde, L'Envers du music-hall ou En tournée.
Le commis voyageur Willy bardé de jeux de mots et d'à peu près à rendre jaloux le plus exubérant rat de table d'hôtes. Près de lui Colette, plus Polaire que jamais, avec sa mine d'enfant gâté et méchant, de cancre femelle, insupportable et contente d'elle.
Après son divorce, Colette a une brève liaison avec Auguste-Olympe Hériot, rencontré à la fin de 1909. Puis elle fait la connaissance de Henry de Jouvenel, politicien et journaliste, qu'elle épouse en 1912 et qui l'engage à donner quelques billets et reportages au journal Le Matin, dont il est le rédacteur en chef. De lui, à Castel Novel de Varetz Corrèze, elle aura sa seule enfant, Colette Renée de Jouvenel, dite Bel-Gazou, beau gazouillis en provençal.
À plus de quarante ans, alors que son mari la trompe, elle joue un rôle d'initiatrice à l'amour auprès du fils de son époux, Bertrand de Jouvenel qui n'a pas encore dix-sept ans. Relation qui durera cinq années et nourrira les thèmes et les situations dans Le Blé en herbe. Pour ce qui concerne Chéri, c'est un fantasme devenu réalité, puisque le livre est publié en 1920 alors que sa conception remonte à 1912, soit quelques années avant sa liaison avec Bertrand de Jouvenel.
Le divorce d'avec Henry de Jouvenel sera prononcé en 1923. Comme elle le fera pour Willy dans Mes apprentissages, Colette se vengera de son ex-mari par un roman, Julie de Carneilhan.
En juin 1919, Colette, directrice littéraire du journal Le Matin, contacte Léopold Marchand, figure marquante du théâtre entre les deux guerres, pour contribuer à une nouvelle rubrique dénommée Mille et un Matins. C'est au Matin que Colette embauche Hélène Picard, qui devient par la suite son amie, comme secrétaire. Colette invite Léopold Marchand dans sa demeure bretonne de Roz Ven à Saint-Coulomb près de Saint-Malo. En 1921, Léopold Marchand collabore avec Colette à l’adaptation théâtrale de Chéri. Il s'occupe de la mise en scène de Chéri et joue même un rôle. En 1923, Léopold Marchand adapte pour le théâtre le roman de Colette La Vagabonde. Colette a publié dans La Jumelle noire l'ensemble des critiques littéraires qu'elle a écrites sur les pièces de Léopold Marchand.

Mélomane avertie, Colette collabore avec Maurice Ravel entre 1919 et 1925 pour la fantaisie lyrique L'Enfant et les Sortilèges. Elle a été l'amie de la reine Élisabeth de Belgique, de Marguerite Moreno, de Renée Vivien, et a eu quelques brouilles avec la célèbre demi-mondaine de la Belle Époque, Liane de Pougy.
Elle rencontre son troisième mari, Maurice Goudeket, en accompagnant son amie Marguerite Moreno, chez Madame Andrée Bloch-Levalois, au début de l'année 1925.
Colette fréquente assidûment la Côte d'Azur. Elle séjourne un temps dans sa villa de Guerrevieille, à Sainte-Maxime, puis elle s'installe plus longuement à La Treille-Muscate, à Saint-Tropez auquel elle consacre de nombreux essais ou romans comme La Naissance du jour, Bella Vista, Prisons et paradis ou Journal à rebours, qu'elle quitte en 1938 en se plaignant de l'affluence trop importante de touristes à la suite de la promotion de son maire Léon Volterra. Colette vend alors sa villa à Charles Vanel.

En 1932, Colette qui a besoin de gagner sa vie ouvre rue de Miromesnil à Paris un institut de beauté.

Pendant l'Occupation, Colette séjourne quelques mois chez sa fille en Corrèze dans le village de Curemonte puis revient à Paris, avec Maurice Goudeket qu'elle sauva de la Gestapo, passer toute la durée de la guerre dans son appartement du Palais-Royal au 9 de la rue de Beaujolais. Immobilisée dans sa solitude en hauteur dans son lit-radeau, offert par la Princesse de Polignac par une arthrite de la hanche, elle continue d'écrire à partir des fenêtres, véritables portes ouvertes sur le monde.
En 1945, Colette est élue à l'unanimité à l'Académie Goncourt, dont elle devient présidente en 1949. Ayant vite compris que la célébrité passe par la maîtrise de son image, elle devient l'écrivaine la plus photographiée du XXe siècle. Les Œuvres complètes de Colette sont publiées en quinze volumes par la maison d'édition Le Fleuron, créée par Maurice Goudeket. En 1952 elle interprète son propre personnage dans le documentaire que lui consacre Yannick Bellon intitulé simplement Colette et qui est devenu un classique du genre, puisqu'il s'agit du seul film que l'écrivaine interprète. En 1953, elle est élevée à la dignité de grand officier de la Légion d'honneur. Elle compte Jean Cocteau parmi ses voisins. Sur ses vieux jours, celui qu'elle surnomme son meilleur ami, c'est-à-dire Maurice Goudeket, l'aide à supporter son arthrose. Elle meurt le 3 août 1954.
En dépit de sa réputation sulfureuse et du refus par l'Église catholique d'un enterrement religieux, Colette est la première femme à laquelle la République ait accordé des obsèques nationales. Elle est enterrée au cimetière du Père-Lachaise à Paris. Sa fille repose à ses côtés.

Les enjeux de l'écriture

Colette arrive à se démarquer de ses contemporains André Gide, Romain Rolland ou encore Jean Giraudoux grâce aux sujets qu'elle aborde. Elle montre un style épuré mais élevé. Elle trouve sa place parmi les romanciers régionalistes qui se sont imposés durant l'entre-deux-guerres, à travers, entre autres, les descriptions de sa région natale, la Bourgogne.
Une attention croissante à la justesse des mots, notamment lorsqu’ils sont chargés d'exprimer l'effusion dans la nature, une sensualité librement épanouie pour revendiquer les droits de la chair sur l'esprit et ceux de la femme sur l’homme, voilà quelles sont les lignes de force de cette écriture.
Par ailleurs, l'écriture de Colette est plus complexe et moderne qu'elle ne semble le laisser supposer au premier abord.

Palais Royal, sa petite province et sa dernière demeure

En 1999, Serge Doubrovsky, inventeur du terme moderne d'autofiction qu'il appréhende en dernier ressort comme une variante de l'autobiographie, considère Colette comme une pionnière illustrant sa conception :
On découvre quand même chez Colette, un livre qui s'appelle La Naissance du jour qui a paru en 1928 et qui, à l'origine, portait sur son péritexte le sous-titre roman. Et dans le roman de Colette, La Naissance du Jour, on trouve un personnage de femme âgée qui s'appelle Colette. Ensuite, on apprend qu'elle a écrit les Claudine. Bref, elle s'est mise en scène comme le personnage d'un roman écrit par Colette sur Colette.

Colette et la Belgique

Les liens entre Colette et la Belgique sont étroits. Son grand-père combattit à la bataille de Waterloo, son oncle fut directeur des casinos d'Ostende et sa mère, Sidonie Landoy, dite Sido, au décès de ses parents, alla rejoindre ses frères journalistes à Bruxelles où elle vécut de longues années. À l'âge de six ans, elle a séjourné dans la commune de Saint-Josse-ten-Noode au numéro 25 de la rue Botanique.
Contre toute attente Sido découvrira et partagera la vie d'artistes en vue : peintres, écrivains et musiciens. Mais sans dot ni métier, elle se voit résignée au mariage et repart dans l'Yonne. Cependant elle n'oublia pas la Belgique et conta ses charmes à sa fille, Colette. Dans les Lettres à Missy, Colette fait plusieurs fois mention de ses passages à Liège ou à Bruxelles où elle se rendait lors de ses tournées et séjournait notamment à l’hôtel Métropole — qui existe toujours place de Brouckère.
Le 14 mai 1909, lors d'une étape de sa tournée Claudine à Liège, Colette se laisse séduire par la ville, la trouvant la plus française des villes belges — par allusion aux grands magasins qui s'y développaient, comme à Paris.

Elle séjournera aussi plusieurs fois à Bruxelles, notamment du 4 au 17 février 1910, où elle présente La Chair — pièce de Georges Wague — qui fera scandale car elle y paraissait dévêtue. Dans son édition du 6 février, le journal Le Soir relate cet événement avec un grand engouement pour les comédiens : La pantomime La Chair qui a eu un grand succès à Paris et sur laquelle M. Chantrier a écrit une musique charmante, a été interprétée avec conviction par Colette Willy, Christine Kerf et Georges Wague .
En 1922, Georges Simenon, alors rédacteur au journal liégeois La Gazette de Liège, se rend à Paris et rencontre Colette, directrice littéraire du journal Matin. Il travaille comme secrétaire chez l’écrivain Binet-Valmer et commence à lui envoyer des textes. Dans un premier temps, Colette les refusera tous. Pourtant, la petite idole retient enfin son attention malgré le scepticisme quant à son écriture. En effet, elle le jugera trop littéraire et lui conseillera de ne pas faire de la littérature. Simenon ne le comprit pas directement mais essaya une écriture plus simple. Le 27 septembre 1923, la romancière accepte finalement de le publier. Simenon rendra hommage plus tard aux précieux conseils reçus de l'écrivaine. Lorsque Colette fut primée à l’Académie Goncourt, le 2 mai 1944, elle reçut une lettre de Simenon la félicitant. Elle y répondit :
Cher Simenon, merci. Tout le monde est si gentil que je n’ai plus de papier à lettres ! Je viens de lire La Fuite de Monsieur Monde. Cette profonde tristesse de vos héros me frappe beaucoup. Une grande poignée de main.
A Bruxelles, L’académie royale de langue et littérature françaises élit Colette en remplacement de la comtesse de Noailles. L’honneur fut reçu par Colette et la décision approuvée par le roi Léopold III malgré les reproches de son commerce esthétique et sa relation avec Mathilde de Morny, dite Missy. Même la reine Élisabeth, son amie et mère de Léopold III, lui adressa une lettre de félicitations.
Colette rencontra la reine Élisabeth en novembre 1931. Elle rapportera cette rencontre dans Paris-Soir, le 13 octobre 1938. Elle décrivit la beauté de la jeunesse persistante de cette reine-artiste. Leur amitié durera jusqu’à la mort de la romancière. Colette accueillit la reine chez elle le 2 avril 1946, après son élection à l’Académie Goncourt. Alors qu’elle commençait à avoir certaines difficultés à marcher dues à son arthrite, la reine se rendit à plusieurs reprises à son chevet. Toutefois, si elle ne pouvait rendre visite à Colette, elle lui envoyait des lettres, des présents et des promesses de visite. Cette promesse fut tenue le 10 mars 1949. C’est lors de ces retrouvailles que Colette offrit son unique exemplaire de Pour un herbier. Quatre jours plus tard, elle décrivit la reine Élisabeth dans Les Lettres aux Petites Fermières : " C’est une des rares créatures qui inspirent le dévouement, tant elle est prodigue d’elle-même ". De même que pour la reine, l’écrivaine comptait parmi ses amis particuliers.
Le 14 novembre 1954 un hommage fut rendu à Colette au Palais des beaux-arts de Bruxelles, en présence de son mari et de la reine Élisabeth. La reine assista également à la réception de Jean Cocteau à l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, qui reçut la place de Colette.

Colette et la bisexualité

La bisexualité tient un rôle primordial dans la vie de Colette, autant dans son existence personnelle que dans son œuvre artistique.
Si son mari Henry Gauthier-Villars exige d'elle une fidélité hétérosexuelle que lui-même ne respecte pas, il n'a aucune objection à ce que Colette expérimente une vie extra-maritale avec des femmes. En 1906, Colette quitte son mari et s'engage plus ou moins publiquement dans une relation amoureuse avec la marquise de Belbeuf. Un soir, Colette et la Marquise choquent l'audience durant une représentation au Moulin Rouge aux tonalités ouvertement homoérotiques : une scène de baiser entre les deux femmes cause un énorme scandale, cette affaire déclenchant jusqu'à l'intervention du préfet de police de Paris. Après cet épisode lesbien, Colette se marie avec Henry de Jouvenel en 1912. Du côté de sa production littéraire, la bisexualité est également un élément récurrent de son œuvre, à commencer par sa série de romans Claudine, ses tous premiers romans, qui dépeignent, outre la protagoniste, de nombreuses femmes bisexuelles. Ainsi, une partie des thèmes abordés dans sa littérature est autobiographique. Colette est également l'auteure d'un ouvrage de réflexion sur l'Amour et la sexualité, Le Pur et l'Impur, qui puise dans des exemples d'expériences hétérosexuelles comme homosexuelles.
Pour toutes ces raisons, Colette a été étiquetée Reine de la bisexualité par Julia Kristeva.

Vers l'équilibre

Les quelques années qui précèdent la Première Guerre mondiale sont, pour la femme et l'écrivain, des années de crise, La Retraite sentimentale 1907 et Les Vrilles de la vigne 1908 en sont la preuve. Le premier chapitre de cette œuvre est essentiel : sous une forme symbolique, Colette exprime tout à la fois la crainte de retomber prisonnière et la joie d'avoir trouvé les moyens de sortir de captivité.
Elle trouve l'équilibre sentimental auprès d'Henry de Jouvenel. Aux côtés de son mari, elle collabore au Matin : contes, chroniques, comptes rendus dramatiques. C'est une nouvelle façon de saisir le temps et de voir les hommes. Les titres de ces recueils sont éloquents : Les Heures longues 1917, Dans la foule 1918, Aventures quotidiennes 1924. Colette s'adonne avec scrupule et passion à son métier de journaliste.
En 1913 naît l'enfant que l'œuvre immortalise sous le nom de Bel-Gazou. La maternité : encore une expérience. Colette est mère de la façon la plus animale : avec une sorte de joie entière et féroce dans la gestation, puis sans passion dès que le jeune animal – homme ou bête – peut se suffire à lui-même. La maternité est peut-être l'un des sujets où l'on saisit le mieux que Colette peintre des hommes est inséparable de Colette peintre des bêtes.
Plus tard, elle allait trouver un équilibre social définitif : célèbre, aimée, entourée de soins par son dernier mari, Maurice Goudeket, tout eût pu lui sourire si elle ne se fût progressivement trouvée amoindrie par une paralysie qui la tint clouée à son lit, une sorte de radeau, comme elle se plaisait à le dire non sans un humour cruel. Alors, tout l'intérêt se concentra dans la connaissance de soi, dans l'observation des autres et dans le perpétuel tête-à-tête avec la mort. Pour cette femme, qui se construisait depuis des années une sagesse à la Montaigne, mourir était une formalité sans importance, puisque sans ouverture sur un au-delà, sinon très vague, les problèmes religieux ne l'ayant jamais troublée.
Alors Colette fut enfin, et pour toujours, celle qu'elle avait voulu devenir : un simple humain à la recherche des secrets qui font que l'on sait vieillir. À ce propos, elle appliqua toute sa connaissance et ses forces ; aussi est-elle une observatrice unique de l'homme ; elle l'est également des bêtes : Dialogues de bêtes 1904. Il y a une sensualité certaine que ni l'auteur ni l'œuvre ne démentent. Un goût de la vie, très fort et très sain, caractérise Colette. En ce sens, elle est humaniste. Elle l'est aussi par son désir exacerbé d'analyse et de connaissance de l'homme, par son intuition et sa finesse qui la rapprochent de Proust qu'elle aimait. Aussi ses romans valent-ils moins par l'intrigue même que par l'analyse impitoyable des caractères et des passions, comme dans Chéri 1920 et La Fin de Chéri 1926. C'est ce don qui nous a valu les livres des dernières années L'Étoile Vesper, 1946 ; Le Fanal bleu, 1949 et l'admirable correspondance échangée avec Hélène Picard et Marguerite Moreno. Lucide et exigeante, envers elle-même comme envers les autres, rude mais sans reproche à l'égard d'une condition dont elle admet, avec scepticisme, qu'elle ne vaut que ce qu'elle vaut, mais dont elle exalte le meilleur, apologiste de valeurs strictement humaines, telle fut Colette, héritière d'une pure tradition française de l'humanisme.

Colette, la Maison de Claudine

En fait, l'œuvre de Colette trouve sa cohérence dans l'unité d'un projet existentiel qu'elle construit un demi-siècle durant. Cet être en quête de sa vérité et de sa liberté est une femme, dont toute la jeunesse appartient encore au XIXe s. : promesse de rudes apprentissages. L'entrée dans la vie, elle se marie une première fois avec le brillant journaliste et boulevardier Willy, en 1893, qui devient aussi son employeur coïncide presque avec les débuts d'écrivain : dans la série des quatre Claudine 1900-1903, elle raconte son itinéraire depuis l'époque de son enfance provinciale et de son passage à l'école communale, jusqu'à ses premiers émois amoureux, sa découverte du Paris mondain, ses déboires conjugaux ; Willy, qui la convainc d'écrire mais lui subtilise ses premières œuvres, saura y rajouter le petit zest de scandale destiné à assurer le succès de ces romans. En 1904, elle gagne enfin son nom-prénom d'écrivain en signant un premier ouvrage : Dialogues de bêtes, préfacé par Francis Jammes. d'autre part et surtout, elle ne poursuit pas le projet de se raconter. L'ordre nécessaire à l'autobiographie manque et plus encore son enjeu : mettre, par l'écriture, de l'ordre dans sa vie. Il semble que Colette fasse exactement le contraire et que son écriture lui serve à aller au-devant du monde. La jeune fille, sa sensualité, ses premiers émois l'intéressent autant quand elle a presque l'âge de ses héroïnes. La vraie Colette n'a pas atteint cet âge du renoncement en 1920. Mais avec Léa, son héroïne, elle a anticipé sur ce qui l'attend : l'écriture sert à voir clair et à vivre, elle a servi aussi à Colette à devenir elle-même, seule, ses deux autres mariages, avec Henry de Jouvenel en 1912, avec Maurice Goudeket en 1935 n'ayant été que des épisodes dans l'histoire de sa liberté. Colette utilise de la même façon son instrument – son écriture – quand elle regarde un chat et quand elle regarde une femme, quand elle construit le portrait imaginaire, puisque littéraire, de sa mère Sido, et quand elle invente le monologue intérieur de Léa. L'unité essentielle de son œuvre vient de l'amour qu'elle a pour les mots, sur le pouvoir desquels elle rêve passionnément : pour elle, comme pour quelques-uns de ses personnages – et surtout pour ses personnages d'enfants, Bel-Gazou dans la Maison de Claudine –, les mots sont des choses, qu'on peut emporter avec soi, avec lesquelles on peut jouer tant que les adultes, qui veulent toujours appeler les choses par leur nom, ne sont pas passés par là. L'écrivain en possesion de ces talismans et dans l'inlassable travail de l'écriture est alors en mesure de jeter son filet magique sur le réel, et de retenir dans ses mailles les trésors de la sensation, les vibrations de la vie, la beauté du monde.

Postérité

En 1956 est créée la Société des amis de Colette, association reconnue d'utilité publique qui publie depuis 1977 les Cahiers Colette, rassemblant des inédits de l'auteure, des témoignages et des études originales.
Un musée Colette a été créé dans le château dominant la maison natale de Colette, maison bourgeoise sise rue de l’Hospice - devenue rue Colette.
Le 29 septembre 2011, la Société des amis de Colette avec l'aide de l'État acquiert pour 300 000 euros la maison natale de Colette de Saint-Sauveur-en-Puisaye, en vente depuis 2007. Cette maison bourgeoise à la façade austère avec ses jardins du bas et du haut, rejoint l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques et est destinée à être réhabilitée pour obtenir le label des Maisons des Illustres.

Œuvres

Couverture de Claudine à l'école
1900 : Claudine à l'école
1901 : Claudine à Paris
1902 : Claudine en ménage
1903 : Claudine s'en va
1904 : Minne
1904 : Dialogues de bêtes
1907 : La Retraite sentimentale
1908 : Les Vrilles de la vigne nouvelles
1909 : L'Ingénue libertine
1910 : La Vagabonde
1913 : L'Entrave
1913 : L'Envers du music-hall
1916 : La Paix chez les bêtes
1917 : Les Heures longues
1918 : Dans la foule
1919 : Mitsou ou Comment l'esprit vient aux filles
1920 : Chéri
1922 : La Chambre éclairée recueil de textes publiés dans la presse à la fin de la Première Guerre mondiale
1922 : La Maison de Claudine
1923 : Le Blé en herbe
1924 : La Femme cachée nouvelles
1925 : L'Enfant et les Sortilèges fantaisie lyrique, musique de Maurice Ravel
1926 : La Fin de Chéri
1928 : La Naissance du jour
1929 : La Seconde
1930 : Sido
1932 : Le Pur et l'Impur
1933 : La Chatte
1934 : Duo
1936 : Mes apprentissages
1936 : Splendeur des papillons, Librairie Plon
1937 : Bella-Vista

Caricature de Sem

1938 : La Jumelle noire quatre tomes de recueil de critiques littéraires et cinématographiques : tome I 1934, tome II 1935, tome III 1937, tome IV 1938
1939 : Le Toutounier suite de Duo
1940 : Chambre d'hôtel
1943 : Le Képi
1943 : Nudité
1944 : Gigi
1946 : L'Étoile Vesper
1941 : Julie de Carneilhan
1941 : Journal à rebours
1944 : Paris de ma fenêtre
1949 : Le Fanal bleu
1953 : Paradis Terrestre

Posthume

1955 : Belles Saisons Flammarion.
1958 : Paysages et Portraits Flammarion
.
Correspondances

2003 : Lettres à sa fille 1916-1953, réunies, présentées et annotées par Anne de Jouvenel, Gallimard, collection Blanche. Réédition Gallimard, collection Folio (No 4309), 2006.
2009 : Lettres à Missy, édition présentée et annotée par Samia Bordji et Frédéric Maget, Paris, Flammarion.
2004 : Colette Lettres à Tonton 1942-1947 réunies par Robert D., édition établie par François Saint Hilaire, Édition Mille et Une Nuits Colette
2012 : Sido, Lettres à Colette, édition présentée et annotée par Gérard Bonal, éditions Phébus.
2014 : Un bien grand amour. Lettres de Colette à Musidora, présentées par Gérard Bonal, L'Herne.

Liens
http://youtu.be/lqEa9cVRGlk Colette à St Sauveur
http://youtu.be/jsMdgXgZk_8 Entretien avec Colette 1
http://youtu.be/5ieO2MlwB1w Entretien avec Colette 2
http://youtu.be/yRNZ5Mqmu60 Le chat persan lu par Colette
http://youtu.be/PUiS5vCWucU Colette avec ses chiens et ses chats
http://youtu.be/IOB-AyJe2jI Claudine à L'école


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Posté le : 02/08/2014 19:15
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Etienne Dolet
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Le 3 août 1546, naît à Orléans, Étienne Dolet


mort, à 37 ans, le 3 août 1509, écrivain, poète, traducteur, philologue, imprimeur, humaniste et philologue français, formé à l'université de Toulouse.

En bref

Après avoir fait à Paris des humanités classiques très soignées, Étienne Dolet entreprend le traditionnel tour des universités européennes, notamment à Padoue, qui est l'un des centres les plus réputés de l'humanisme italien avec une forte coloration épicurienne. Après un passage à Toulouse droit, où son éloquence fait des ravages dans les milieux estudiantins, il se fixe à Lyon auprès de l'un des plus grands imprimeurs du siècle, Gryphius Sébastien Gryphe. Dès lors, il mène conjointement un travail de philologue érudit et d'imprimeur, correcteur et lecteur d'épreuves. Il rédige les Commentaires de la langue latine, énorme compilation d'étymologies, de racines et d'élucubrations parfois saugrenues, constituant l'un des premiers lexiques étymologiques pour le latin. Bourré de notes et de digressions, c'est un livre de travail, à lire à loisir, et qui ne manque pas d'intérêt.
Cependant, la vie agitée de Dolet semble mal s'accorder avec le métier austère et calme qu'il s'est choisi : à Lyon, il commet notamment, de manière semble-t-il accidentelle, arrêté pour le meurtre d'un peintre qui l'avait attaqué dans la rue, meurtre qui inaugure la longue série de ses déboires avec l'autorité, il aurait tué un homme ; il s'enfuit à Paris, obtient sa grâce de François Ier lui-même, retourne à Lyon, où il n'en est pas moins jeté en prison, pour ne retrouver sa liberté qu'après nombre de requêtes auprès du cardinal de Tournon. Il s'installe alors imprimeur à son compte et publie, outre Galien, Rabelais et Marot ; ce qui ne manque pas d'attirer sur lui l'attention de la censure ecclésiastique : après la publication du Manuel du chevalier chrétien d'Érasme, livre convaincu d'hérésie, il est incarcéré à la demande de l'Inquisition. Il passe quatre années, de 1542 à 1546, à s'évader pour être repris ; enfin, il est conduit à la Conciergerie, où il écrit en vers le Cantique d'Estienne Dolet, l'an 1546, sur sa désolation et sa consolation ; le 3 août 1546, ce curieux homme est brûlé vif avec ses livres place Maubert à Paris. On raconte qu'en allant au bûcher Dolet aurait fait le jeu de mots suivant : Non dolet ipse Dolet, sed pro ratione dolet Dolet ne s'afflige pas sur lui-même, mais s'afflige pour la raison.
À côté des Carmina, recueil de vers latins contenant notamment de virulentes épigrammes sur les moines et les superstitions, l'un des textes les plus clairs et les plus courts que Dolet ait écrits s'intitule La Manière de bien traduire d'une langue en autre 1540, et constitue, avant la Défense et illustration de Du Bellay, un vibrant appel à tous les écrivains pour qu'ils utilisent leur langue maternelle plutôt que le latin, afin que les étrangers ne nous appellent plus barbares.

Sa vie

Une tradition douteuse fait de lui le fils illégitime de François Ier, mais il est certain qu'il est issu d'une famille de haut rang. Il vit à Orléans jusqu'à l'âge de douze ans, puis part en 1521 pour Paris où il étudie pendant cinq ans auprès de Nicolas Bérauld, professeur de Coligny.
En 1526, il se rend à Padoue. La mort de son maître et ami Simon de Villanova l’amène à accepter en 1530 le poste de secrétaire de Jean de Langeac, évêque de Limoges et ambassadeur de France à la République de Venise. Il s’est cependant arrangé pour assister aux conférences du maître vénitien Battista Egnazio et a trouvé le temps d'écrire des poèmes d’amour en latin à une Vénitienne du nom d’Elena.
À son retour en France, il étudie le droit et la jurisprudence à l’université de Toulouse, mais il est impliqué, par son humeur turbulente, dans de violentes disputes entre groupes d'étudiants. Il est emprisonné et, malgré la protection de Jean de Pins, finalement banni par un décret du parlement en 1534.
En 1535, il participe aux listes contre Érasme dans l'affaire de la controverse sur Cicéron et, grâce à l’imprimeur Sébastien Gryphe, publie le Dialogus de imitatione Ciceroniana, suivi des deux volumes du Commentariorum linguae Latinae. Cet ouvrage est dédié à François Ier, qui lui accorde pour dix ans le privilège d’imprimer tout ouvrage en latin, grec, italien ou français, de sa plume ou sous sa supervision. Il obtient aussi une grâce lors de l'homicide accidentel le 31 décembre 1536 d'un peintre nommé Compaing qui, dit-il, voulait l’assassiner. Il alla s'établir imprimeur à Lyon.
Il peut ainsi se mettre au travail et il édite Galien, Rabelais, Marot. Il n’ignore pas les dangers auxquels il s'expose. Cela se voit non seulement par le ton de ses textes, mais également par le fait qu’il a essayé d’abord de se concilier ses adversaires en éditant un Christianus de Caton, dans lequel il faisait sa profession de foi. Cette catholicité de façade, malgré son ultra-cicéronisme, transparaît dans les ouvrages sortis de ses presses, antiques et modernes, religieux ou laïcs, depuis le Nouveau Testament en latin jusqu'aux textes de Rabelais.
Mais avant que son autorisation d’imprimer n’expire, il s'attire à Lyon de nouvelles difficultés par son caractère satirique et par la publication d'ouvrages entachés d'hérésie. Son travail est interrompu par ses ennemis qui le font emprisonner en 1542 sous l’accusation d’athéisme.

Après un premier séjour en prison de quinze mois, il est relâché grâce à l’intervention de l'évêque de Tulle Pierre Duchatel. Emprisonné une seconde fois en 1544, il s’échappe par ses propres moyens et se réfugie dans le Piémont.
Mais il revient imprudemment en France en pensant qu’il pourrait imprimer à Lyon des lettres pour en appeler à la justice du roi de France, de la reine de Navarre et du Parlement de Paris. Il est à nouveau arrêté et jugé athée évadé par la faculté de théologie de la Sorbonne.
François Ier, qui l'avait d'abord protégé, l'ayant abandonné, il est amené de Lyon à Paris pour y subir le supplice. Puis il implore le pardon de Dieu, ce qui lui vaut de ne pas avoir la langue coupée avant la mise à feu du bûcher. Le 3 août 1546, il est étranglé puis brûlé avec ses livres sur la place Maubert. Cette place est réservée aux bûchers des imprimeurs : quatre y sont étranglés puis brûlés en 1546. Il aurait composé ce pentamètre sur le chemin du bûcher : Non dolet ipse Dolet, sed pia turba dolet, "Ce n’est pas Dolet lui-même qui s’afflige, mais la multitude vertueuse ".
Son crime était, selon les uns, d'avoir professé le matérialisme et l'athéisme, selon les autres, de s'être montré favorable aux opinions de Martin Luther.

Dolet et la religion

On ne sait si Dolet doit être classé parmi les représentants du protestantisme ou parmi les défenseurs d’un rationalisme antichrétien. Cependant, on sait qu’il n'était pas reconnu par les protestants de son temps et que Calvin l’avait formellement condamné, tout comme Théodore Agrippa d'Aubigné et son maître Simon de Villanova, pour blasphèmes à l’encontre du Fils de Dieu. Mais, à en juger par le caractère religieux de nombre de livres qu’il a publiés, une telle condamnation est certainement déplacée. Sa défense perpétuelle de la lecture des Écritures en langue vulgaire est particulièrement notable.

Étienne Dolet, symbole de la libre pensée

Statue d'Étienne Dolet, sur la place Maubert photographie prise en 1899 par Eugène Atget.
Une statue en bronze d’Étienne Dolet fut érigée sur la place Maubert à Paris, et inaugurée le dimanche 19 mai 1889 à 14 heures1. Elle représentait l'humaniste debout, les mains liées avec une presse d'imprimerie à ses pieds. Cette statue, lieu de ralliement des dreyfusards, anti-cléricaux et libre penseurs fut enlevée et fondue en 1942 pendant l'occupation et jamais remplacée malgré quelques tentatives. La veille de son inauguration, la Société de la Libre-Pensée du 5e arrondissement groupe Étienne Dolet avait organisé à la mairie du 5e arrondissement de Paris une conférence intitulée Étienne Dolet, sa vie, son œuvre son martyre, par le citoyen Bourneville, député de la Seine.
Un buste à son effigie fut inauguré dans le jardin Hardouineau à Orléans, en 1933, enlevé et fondu en 1942, et reconstitué en pierre par le sculpteur Van Den Noorgaete en 1955. Il se trouve dans les jardins de la Mairie d'Orléans. Il a été inauguré en présence de nombreuses associations laïques.

Œuvres

De re navali, Lyon, 1537
Ses principaux ouvrages sont :

Stephani Doleti orationes duæ in Tholosam. Eiusdem epistolarum libri II. Eiusdem carminum libri II. Ad eundem Epistolarum amicorum liber 1534
Stephani Doleti Dialogus de Imitatione Ciceroniana adversus Desid. Erasmus Roterdamum pro Christophoro Longolio 1535, où il combat Erasme.
Commentarius Linguæ latinæ, livre I 1536 ; livre II 1538, Lyon, 2 volumes in-folio.
De Re navali liber ad Lazarum Bayfium 1537
St. Doleti Gallii Aurelii Carminum libri quatuor 1538
Formulae latinarum locutionum, 1539
Manière de bien traduire d’une langue en l’autre 1540
Le Second Enfer 1544
Cantique d’Estienne Dolet, l’an 1546, sur sa désolation et sa consolation.
Dolet a aussi laissé des poésies latines et françaises, des traductions françaises de quelques écrits de Platon et de Cicéron, des pamphlets de circonstance, dont deux sur son emprisonnement, intitulés le Premier et le Second Enfer 1544, et un autre où il demande qu'il soit loisible de lire la Bible en langue vulgaire, et qui fut brûlé.

Hommages

Jeton Maçonnique de la Respectable Loge Etienne Dolet, Orient d'Orléans, Grand Orient de France - 110 ans de la Loge 1902-2012.
Médaillon représentant Étienne Dolet situé à l'entrée de la Bibliothèque d'étude et du patrimoine de Périgord, à Toulouse.
À Paris et en Île-de-France
Sur la place Maubert à Paris, une statue d'Étienne Dolet avait été érigée à l'endroit même de son bûcher. Elle a été immortalisée par André Breton dans son roman Nadja. Cette statue a été détruite pendant l'Occupation. À la fin de la guerre, il ne restait que le socle, aujourd'hui disparu.
La rue Étienne-Dolet se situe dans le 20e arrondissement, près de la station de métro Ménilmontant.
La station de métro Malakoff - Rue Étienne Dolet sur la ligne 13 du métro.
Outre Malakoff, d’autres communes de petite couronne parisienne ont une rue à son nom : Saint-Ouen, Issy-les-Moulineaux, Alfortville, Cachan, Montreuil et Rosny-sous-Bois notamment.
À Orléans
Étienne Dolet est le nom d'une des loges du Grand Orient de France.
À Orléans un buste d'Étienne Dolet se trouve dans les jardins de la mairie.

Liens

http://youtu.be/96mhcqDZ47U Martyr de la liberté



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Posté le : 01/08/2014 22:32
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Louise-Victorine Ackermann
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Le 3 août 1890, à 76 ans, meurt près de Nice, Louise-Victorine Ackermann,

de son nom, Louise-Victorine Choquet naît à Paris le 30 novembre 1813, poétesse française du mouvement Parnasse, ses oeuvres principales sont Contes, Garnier, Paris en 1855, Contes et Poésies en 1863, Poésies philosophiques, Caisson et Mignon, Nice en 1861. Poésies, Premières Poésies, Poésies philosophiques, Lemerre, Paris en 1874, ma vie, Premières Poésies, Poésies philosophiques. Paris: Lemerre en 1885 puis 1893.
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Sa vie

Louise-Victorine Choquet est née à Paris, de parents parisiens, d'origine picarde. Son père, voltairien et amoureux des lettres, lui fera donner une éducation éloignée de l'enseignement religieux. Il sera l'initiateur des premières lectures de sa fille. De tempérament indépendant, il quittera Paris à trente-trois ans pour la solitude de la campagne, emmenant avec lui sa femme et ses trois filles.

Louise vivra une enfance solitaire. Son tempérament studieux et méditatif se déclarera très tôt, la mettant à l'écart des enfants de son âge et de ses sœurs. Sa mère, qui se fait mal à la vie campagnarde, est rongée par l'ennui et sera peu conciliante envers sa fille aînée.
Elle exige que celle-ci fasse sa première communion, pour respecter les conventions mondaines. Louise découvre ainsi la religion en entrant en pension à Montdidier, et y porte tout d'abord une adhésion fervente, qui alarme son père. Ce dernier lui fait lire Voltaire, et l'esprit du philosophe créera le premier divorce entre Louise Choquet et le catholicisme.
De retour de pension, elle poursuit ses lectures et études dans la bibliothèque paternelle, et découvre Platon et Buffon.
C'est vers cette époque qu'elle commence à faire ses premiers vers. Sa mère s'en inquiète, ayant une prévention envers les gens de lettres. Elle demande conseil à une cousine parisienne, qui lui recommande au contraire de ne pas brider les élans de sa fille mais de les encourager.
Louise est alors mise en pension à Paris, dans une grande institution dirigée par la mère de l'abbé Saint-Léon Daubrée. Élève farouche, elle est surnommée l'« ourson » par ses camarades de classe, mais devient vite la favorite de son professeur de littérature, Félix Biscarrat ami intime de Victor Hugo.
Découvrant que Louise compose des vers, Félix Biscarrat porte même certaines de ses œuvres à Victor Hugo qui lui donne des conseils.
Félix Biscarrat nourrit les lectures de son élève en lui fournissant les productions des auteurs contemporains. Elle découvre également les auteurs anglais et allemands, Byron, Shakespeare, Goethe et Schiller.
La lecture parallèle de la théologie de l'abbé Daubrée la fait renoncer définitivement à la pensée religieuse, même si elle avoue dans ses mémoires avoir eu par la suite des rechutes de mysticisme.
Au terme de trois années de pension, elle regagne sa famille où elle poursuit l'étude et la composition en solitaire, faisant découvrir à ses proches les auteurs modernes, Hugo, Vigny, Musset, Sénancour.
Mais le décès de son père la privera bientôt du seul soutien familial qui valorisait ses compétences littéraires.
Sa mère lui interdit la fréquentation des auteurs, et Louise renonce pour un temps à la poésie. Elle obtient en 1838 qu'on la laisse partir à Berlin pour un an, dans une institution modèle de jeunes filles dirigée par Schubart. Ce dernier l'aidera à parfaire son allemand, et elle sera sous le charme de la ville de Berlin, qu'elle définit ainsi :
"La ville de mes rêves. À peu d'exceptions près, ses habitants ne vivaient que pour apprendre ou enseigner."
Elle y reviendra trois ans plus tard, après le décès de sa mère. Elle y rencontre le linguiste français Paul Ackermann, ami de Proudhon, qui en devient amoureux et qu'elle épouse sans réel enthousiasme :
Je me serais donc passée sans peine de tout amour dans ma vie ; mais rencontrant celui-là, si sincère et si profond, je n'eus pas le courage de le repousser. Je me mariai donc, mais sans entraînement aucun ; je faisais simplement un mariage de convenance morale.

À sa grande surprise, ce mariage sera parfaitement heureux, mais bref : Paul Ackermann décède de maladie le 26 juillet 1846, à l'âge de 34 ans.
Très éprouvée par son veuvage, Louise rejoint une de ses sœurs à Nice, où elle achète un petit domaine isolé. Elle consacre plusieurs années aux travaux agricoles, jusqu'à ce que lui revienne l'envie de faire de la poésie.
Ses premières publications ne suscitent que peu d'intérêt, mais retiennent tout de même l'attention de quelques critiques, qui en font la louange tout en blâmant son pessimisme qu'ils attribuent à l'influence de la littérature allemande.
Elle se défendra de cette influence, réclamant pour sienne la part de négativisme de ses pensées, et démontrant que celle-ci apparaissait déjà dans ses toutes premières poésies.
Son autobiographie révèle une pensée lucide, un amour de l'étude et de la solitude, ainsi que le souci de l'humanité qui transparaîtra dans ses textes.

Citations

Considéré de loin, à travers mes méditations solitaires, le genre humain m'apparaissait comme le héros d'un drame lamentable qui se joue dans un coin perdu de l'univers, en vertu de lois aveugles, devant une nature indifférente, avec le néant pour dénouement.
Mon enfance fut triste. Aussi haut que remontent mes souvenirs, je n'aperçois qu'un lointain sombre. Il me semble que le soleil n'a jamais lui dans ce temps-là. J'étais naturellement sauvage et concentrée. Les rares caresses auxquelles j'étais exposée m'étaient insupportables ; je leur préférais cent fois les rebuffades.
Ma paresse et mon indolence s'arrangeraient fort bien de garder mes Contes en portefeuille. Mon talent de fraîche date me fait l'effet de ces enfants survenus tard et sur lesquels on ne comptait pas. Ils dérangent terriblement les projets et menacent de troubler le repos des vieux jours.
Pour écrire en prose, il faut absolument avoir quelque chose à dire ; pour écrire en vers, ce n'est pas indispensable
La Nature sourit, mais elle est insensible : Que lui font vos bonheurs.

Œuvres

Louise-Victorine Ackermann, sur Wikimedia Commons Louise-Victorine Ackermann, sur Wikisource
Toute l'œuvre de Louise Ackermann, mise en lumière par Geruzez, Caro et Havet, se composait de trois volumes de contes et de poésies, plusieurs fois réimprimés et dont le mérite poétique était très loué par ceux-mêmes qui en blâmaient les tendances ou les prétentions philosophiques. Ils avaient pour titre :

Contes, Garnier, Paris, 1855. Réédités en 2011 avec un appareil critique de Victor Flori, aux éditions du Livre unique.
Contes et Poésies 1863
Poésies philosophiques, Caisson et Mignon, Nice, 1861.
Poésies. Premières Poésies. Poésies philosophiques, Lemerre, Paris, 1874.
Œuvres de Louise Ackermann : Ma vie, Premières Poésies, Poésies philosophiques. Paris: Lemerre, 1885 puis 1893.
Condensant en prose ses doctrines ou ses impressions pessimistes, elle a donné un recueil de poésie des Pensées d'une solitaire précédé d'une autobiographie (1883)
Pensées d'une solitaire, précédées de fragments inédits, Lemerre, Paris, 1903. Rééditées avec le Journal de Madame Ackermann par les éditions du Livre unique en 2008, avec un appareil critique de Victor Flori.

Bibliographie

Un poète positiviste, article de Elme-Marie Caro, dans l’édition du 15 mai 1874 de la Revue des deux mondes.
Pontmartin, Armand comte de, Madame Ackermann: la poésie athée , Nouveaux samedis
Madame Ackermann, Comte d'Haussonville, Paris, Alphonse Lemerre, 1892.
Préface de Louise Read à l’édition d’Alphonse Lemerre des Pensées d’une solitaire en 1903.

La Poésie philosophique au XIXe siècle, thèse de doctorat de Marc Citoleux, Paris, Plon, Nourrit et Compagnie, 1906.
Thérive, André, « À propos de Mme Ackermann », La Revue critique des idées et des œuvres, 24, janvier-mars 1914, p. 142-154.
Le Séjour de Madame Ackermann à Nice de Bernard Barbery, Toulouse, L’Archer, 1923.
La Conscience embrasée d’Aurel, Paris, Radot, 1927.
Préface de Marie Delcourt et Dorothée Costa à l’édition L’Harmattan des Œuvres en 2005.
Préface de Victor Flori à l’édition critique au Livre unique des Pensées d’une solitaire en 2008.
Préface de Victor Flori à l’édition critique au Livre unique des Contes en 2


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Posté le : 01/08/2014 22:05
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Alexandre Soljenitsine
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Le 3 août 2008 à Moscou à 89 ans, meurt Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne

en russe : Александр Исаевич Солженицын, ISO : Aleksandr Isajevič Solženicyn né le 11 décembre 1918 à Kislovodsk RSFS de Russie, écrivain et dissident russe, auteur notamment d'Une journée d'Ivan Denissovitch, de L'Archipel du Goulag et de La Roue rouge, autres Œuvres principales, Le Premier Cercle, Le Pavillon des cancéreux, il est distingué du Prix Nobel de littérature en 1970, le Prix Templeton en 1983, le Grand Prix de l'Académie des sciences morales et politiques en 2000, et le Prix d'État en Russie en 2007.

En Bref

" Tout passe, seule la vérité reste " proclame un proverbe russe. Pour Soljenitsyne, toute sa vie sera une tentative obstinée pour répondre à cette grande question : Cette vérité, comment contribuer à la faire triompher ?

Proscrit d'U.R.S.S. en février 1974, Alexandre Soljénitsyne est rentré en Russie en juillet 1994. Vingt ans d'exil, vingt ans d'écriture forcenée en sa retraite américaine du Vermont n'avaient pas entamé l'énergie du dissident, ni la force du prophète. Il choisit de rentrer lentement, étape par étape, d'est en ouest. Son avion fit escale à Magadan, cette porte de l'enfer concentrationnaire de la Kolyma ; tel un pape, Soljénitsyne baisa ce sol foulé par les martyrs anonymes auxquels son monumental Archipel du Goulag avait donné parole. À chaque gare les anciens zeks détenus venaient à sa rencontre. Chaque soir, le maître écoutait les doléances d'un public désorienté par la chute du communisme, les réformes économiques, la perte d'un empire. Humiliés et offensés avaient trouvé leur porte-parole attentif. Une fois de plus, Soljénitsyne disait non. Non à la liberté économique débridée, non à la confiscation de la démocratie par les anciens profiteurs. Soljénitsyne n'est pas un politicien, il ne présente pas un programme susceptible de rassembler des adhésions. Il est avant tout un rebelle, un prophète qui dit non. Une grande part du malentendu actuel entre lui et l'Occident vient de ce que l'Occident a toujours mal perçu la racine spirituelle du non de Soljénitsyne. Cette racine est religieuse : l'homme Soljénitsyne a trouvé la foi dans le dénuement absolu des camps ; son premier refus a été celui de l'avilissement, de l'homme matriculaire. De ce refus central sont venus les autres : refus de la parole serve l'idéologie, refus des pouvoirs qui annihilent les personnes, refus du progrès économique transformé en veau d'or, du libéralisme politique en tant que fauteur d'une jungle économique et sociale. Ces refus ont leur histoire, Soljénitsyne ne les a pas tous articulés d'un coup, mais l'un contenait l'autre.
Un poète de l'énergie
On a parfois accusé Soljénitsyne de passéisme artistique. Parce qu'il croit encore au personnage de roman. Et il est vrai que Soljénitsyne croit au réel, à l'autonomie humaine, à la révélation de l'homme dans l'épreuve. Du camp il garde et gardera à tout jamais la rapidité de réflexe du zek, l'ironie libératrice, la haine des fabriques industrielles du déchet humain. Mais à la Quête du Graal et au Parzifal d'Eschenbach il emprunte une lumière mystique qui baigne ses chevaliers du renoncement.
Cette quête de l'énergie et du vrai marque entièrement sa langue : la langue de Soljénitsyne est immédiatement reconnaissable à sa poétique propre. Elle vise à une détente énergétique maximale, comme dans la langue populaire, et dans le proverbe. Elle élimine du russe les européanismes, gallicismes ou germanismes, elle restitue la syntaxe syncopée du parler populaire. Elle renoue avec les recherches linguistiques qui avaient marqué l'avancée poétique du début du siècle : Biely, Khlebnikov, et surtout Marina Tsvetaeva. Son œuvre de publiciste est également chargée de cette densité du langage, de cette énergie des raccourcis populaires. Ingénieur d'une histoire lourde qu'il grée de documents, de collages de matériaux et ponctue de la sanction ironique des proverbes-sentences, Soljénitsyne est aussi un maître de la forme courte : division des longs romans et brefs chapitres lyriques, condensation de l'histoire en nœuds, intenses pauses poétiques, poèmes en prose, tant ses Miettes en prose que les poèmes insérés dans le roman ; par exemple, dans Le Pavillon des cancéreux, le chapitre sur l'abricotier en fleur. Contre la langue de bois de l'idéologie, dénationalisée, énucléée, Soljénitsyne mène avec fureur et verve une lutte acharnée. Le premier péché de Lénine, pour lui, c'est son style.
Ainsi, le publiciste Soljénitsyne ne peut être lu et compris qu'à la lumière du poète, de l'historien, du réformateur du langage. De la Lettre aux dirigeants 1973)à Comment réorganiser notre Russie 1990 et Le Problème russe au XXe siècle 1994, Soljénitsyne reste un disciple du grand révolté religieux du XVIIe siècle : Avvakum, qui déclarait : Je n'ai cure de beau parler et n'humilie pas ma langue russe. Le commun dénominateur de toutes ses prises de position est la quête du vrai visage de la Russie, un visage altéré par l'occidentalisation forcenée de Pierre le Grand, occulté par le libéralisme athée des Milioukov et autres leaders bourgeois du début du XXe siècle, définitivement mutilé par le totalitarisme idéologique. Qu'il y ait chez Soljénitsyne un héritage de la tradition russe antioccidentale est évident. Il a lu avec soin le Journal d'un écrivain de Dostoïevski et les articles de Constantin Leontiev. Sa condamnation virulente des « rapaces » le rapproche tantôt des écologistes, tantôt des réformateurs religieux. Son œuvre d'historien est inséparable de celle du romancier et de son souffle de prophète. Ses imprécations contre l'Occident repu, sa conviction que la liberté sans la foi religieuse ne peut que dégénérer viennent d'un patriote russe qui prêche le renoncement à l'empire, d'un sceptique de la démocratie prêt à lutter pour restaurer en Russie le self-government local, les zemstvo. Insaisissable avec nos instruments occidentaux, l'homme au visage de prophète tire sa force d'avoir su lutter seul contre le Léviathan soviétique, et d'avoir senti vaciller le géant sous ses coups. Son retour en Russie est comparable à celui de Hugo en France. Il a su et faire vaciller le géant, et saisir dans ses mains fortes la matière historique de deux décennies fatales dans l'histoire russe. Sa « roue rouge » dévale à jamais l'histoire catastrophique de la Russie au XXe siècle. Mais le poète Soljénitsyne sait encore tendre tout son être dans l'extase d'une odeur de pommier.

Sa vie

Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne naît le 28 novembre/11 décembre 19184 à Kislovodsk, dans le nord du Caucase. La famille de Soljenitsyne, de souche paysanne, était relativement aisée. Son père, Issaïe, est le premier à faire des études supérieure, Issaaki Sémionovitch Soljenitsyne, étudiant en philologie et en histoire à l'université de Moscou, s'engage volontairement dans l'armée russe dès l'été 1914 et sert en Prusse-Orientale. Au printemps 1918, devenu officier, de retour du front, il se blesse grièvement lors d'un accident de chasse et meurt d'une septicémie le 15 juin 1918 à l'hôpital de Gueorguievsk. La mère d'Alexandre, Taïssia Zakharovna Chtcherbak, d'origine ukrainienne, qui est fille d'un self-made man paysan de la région de la Kouma, est alors étudiante en agronomie à Moscou. Les parents d'Alexandre se sont connus à Moscou lors d'une permission d'Issaaki en avril 1917 et se sont mariés le 23 août 1917 dans la brigade d'Issaaki.

Jusqu'à l'âge de six ans, le jeune Alexandre est confié à la famille de sa mère tandis que celle-ci travaille comme sténodactylo à Rostov-sur-le-Don. Il reçoit des rudiments d'instruction religieuse, tout en étant admis parmi les Pionniers. L'origine sociale dite "malsaine" de sa famille maternelle lui vaut d'ailleurs une exclusion temporaire de l'organisation. À Rostov, il partage avec sa mère un petit logement de neuf mètres carrés situé à proximité de l'immeuble de la Guépéou.
Épris très jeune de littérature, ayant fait ses premiers essais littéraires alors qu'il était collégien, Alexandre Soljenitsyne choisit néanmoins de poursuivre des études universitaires de mathématiques et de physique. À la fois parce qu'il n'y avait pas de chaire de littérature à l'université de Rostov et pour des raisons alimentaires. Il suit des cours de philosophie et de littérature par correspondance ; il s'inscrit à un cours d'anglais et suit également des cours de latin. Comme il le reconnaissait volontiers, à l'époque il adhère encore à l’idéologie communiste dans laquelle il a grandi.
Le 27 avril 1940, il épouse Natalia Alexeïevna Rechetovskaïa, une étudiante en chimie et pianiste dont il fait la connaissance en septembre 1936. Il passe avec succès ses examens finaux de mathématiques le 16 juin 1941. Il est à Moscou pour ses examens de littérature le 22 juin 1941, quand éclate la guerre contre le Troisième Reich.

La guerre

Lors de l'invasion allemande en 1941, il manque d'abord de se faire réformer, puis, à l'automne 1941, il est engagé comme soldat dans une troupe hippomobile à l'arrière avant d'obtenir le 14 avril 1942 — à sa demande — une place à l'école d'artillerie. Fin 1942, il est nommé commandant d'une batterie de repérage par le son. Il combat comme officier de l'Armée rouge, et sera décoré en 1944 de l'Étoile rouge pour sa participation à la prise de Rogatchov.

Le Goulag

En 1945, il est condamné à huit ans de prison dans les camps de travail pour activité contre-révolutionnaire, après avoir critiqué dans sa correspondance privée la politique de Staline ainsi que ses compétences militaires. Dans une lettre interceptée par la censure militaire, Soljénitsyne reprochait au génialissime maréchal, meilleur ami de tous les soldats, selon les qualificatifs officiels d'avoir décapité l'Armée rouge lors des purges, d'avoir fait alliance avec Hitler et refusé d'écouter les voix qui le mettaient en garde contre l'attaque allemande, puis d'avoir mené la guerre sans aucun égard pour ses hommes et pour les souffrances de la Russie Nous étions deux qui échangions nos pensées en secret : c'est-à-dire un embryon d'organisation, c'est-à-dire une organisation !.
Au début 1952, Natalia Rechetovskaïa, qui a été renvoyée de l'université d'État de Moscou en tant qu'épouse d'un ennemi du peuple en 1948, demande et obtient le divorce. À sa sortie du camp en février 1953, quelques semaines avant la mort de Staline, Soljenitsyne – matricule CH-262, anciennement matricule CH-232 – est envoyé en exil perpétuel au Kazakhstan. Il est réhabilité le 9 avril 1956 et s'installe à Riazan, à 200 km au sud de Moscou, où il enseigne les sciences physiques. Il se remarie avec Natalia le 2 février 1957, divorce à nouveau en 1972 pour épouser, l'année suivante, Natalia Dmitrievna Svetlova, une mathématicienne.

Auteur en URSS

C'est Une journée d'Ivan Denissovitch publié en 1962 dans la revue soviétique Novy Mir grâce à l'autorisation de Nikita Khrouchtchev en personne, qui lui acquiert une renommée tant dans son pays que dans le monde. Le roman décrit les conditions de vie dans un camp de travail forcé soviétique du début des années 1950 à travers les yeux d'un zek, Ivan Denissovitch Choukhov.
Il est reçu au Kremlin par Khrouchtchev. Cependant, deux ans plus tard, sous Léonid Brejnev, il lui est de plus en plus difficile de publier ses textes en Union soviétique. En 1967, dans une lettre au Congrès des écrivains soviétiques, il exige la suppression de toute censure – ouverte ou cachée – sur la production artistique .
Ses romans Le Premier Cercle et Le Pavillon des Cancéreux, ainsi que le premier tome de son épopée historique La Roue rouge, paraissent en Occident et lui valent le prix Nobel de littérature en 1970, récompense qu'il ne pourra recevoir que quatre ans plus tard, après avoir été expulsé d'URSS. Il n'a en effet pas pu se rendre à Stockholm de peur d'être déchu de sa nationalité soviétique et de ne pouvoir rentrer en URSS, le gouvernement suédois ayant refusé de lui transmettre le prix à son ambassade de Moscou. Sa vie devient une conspiration permanente pour voler le droit d’écrire en dépit de la surveillance de plus en plus assidue du KGB.
Une partie de ses archives est saisie chez un de ses amis en septembre 1965. En 1969, alors qu'il est persécuté par les autorités et ne sait plus où vivre, il est hébergé par Mstislav Rostropovitch. Il manque d'être assassiné en août 1971, par un parapluie bulgare. Une de ses plus proches collaboratrices échappe de justesse à une tentative d'étranglement et à un accident de voiture.
En décembre 1973, la version russe de L'Archipel du Goulag parait à Paris, car le manuscrit avait pu être clandestinement sorti d'URSS et remis à l'imprimerie Beresniak, rue du Faubourg du Temple à Paris, une des rares imprimeries françaises à disposer des caractères typographiques cyrilliques.
Il y décrit le système concentrationnaire soviétique du Goulag, qu'il a vécu de l'intérieur, et la nature totalitaire du régime. L'ouvrage avait été écrit entre 1958 et 1967 sur de minuscules feuilles de papier enterrées une à une dans des jardins amis, une copie étant envoyée en Occident, par amis interposés qui risquaient gros pour échapper à la censure. Il décida sa publication après qu'une de ses aides, Élisabeth Voronianskaïa, fut retrouvée pendue : elle avait avoué au KGB la cachette où se trouvait un exemplaire de l’œuvre. L'ouvrage est, comme d'autres avant lui, un témoignage, mais contrairement à ceux qui l'ont précédé, il est extrêmement précis, sourcé, et cite de nombreuses lois et décrets soviétiques servant à la mise en œuvre de la politique carcérale, de sorte qu'il est beaucoup plus difficile aux négationnistes du Goulag de nier la véracité des faits décrits. Cette publication connaît une grande diffusion et le rend célèbre, ce qui lui vaut d'être déchu de sa citoyenneté soviétique et d'être arrêté. Mais, au lieu d'être condamné et incarcéré, il est expulsé d’Union soviétique en février 1974. En URSS, ses textes continuent cependant d’être diffusés clandestinement, sous forme de samizdats.

Auteur en exil

Grâce à l'aide de l'écrivain allemand Heinrich Böll, il s'installe d'abord à Zurich en Suisse, puis émigre aux États-Unis. Soljénitsyne devient alors la figure de proue des dissidents soviétiques, mais déjà apparaît, à travers ses interviews, un clivage avec certains de ses interlocuteurs qui le soupçonnent d'être réactionnaire ; il se montre en effet méfiant vis-à-vis du matérialisme occidental et attaché à l'identité russe traditionnelle, où la spiritualité orthodoxe joue un grand rôle.
Après une période agitée faite d'interviews et de discours, comme le fameux discours de Harvard prononcé en 1978 aux États-Unis, Soljenitsyne fut souvent invité à d’importantes conférences. Le 15 juillet 1975, il fut même invité à donner une conférence sur la situation mondiale au Sénat américain. L'Occident découvre alors un chrétien orthodoxe et slavophile très critique sur la société occidentale de consommation, et que les médias français classent dès lors parmi les conservateurs13. Comme Victor Serge ou Victor Kravtchenko avant lui, l'écrivain doit affronter une campagne supplémentaire de diffamation.
Il se retire avec sa famille à Cavendish, dans le Vermont, pour écrire l'œuvre dont il rêvait depuis sa jeunesse, La Roue rouge, une épopée historique comptant des milliers de pages, qui retrace la plongée de la Russie dans la violence révolutionnaire.

En 1983, il reçoit le prix Templeton.

Le 25 septembre 1993, à l'occasion de l'inauguration du Mémorial de la Vendée aux Lucs-sur-Boulogne, il prononce un célèbre discours sur les guerres de Vendée et la Révolution française, comparant ces événements, qu'il qualifie de génocide, aux soulèvements populaires anti-communistes en Russie. Il pose ainsi une réflexion sur l'idéalisme initial des révolutions, sur leur récupération par les plus violents des extrémistes, chaque fois que les conservateurs refusent de céder du terrain, et sur les bains de sang que cela représente pour les peuples. Aux yeux des révolutionnaires, il se classe ainsi parmi les réformistes qui visent à améliorer le capitalisme pour le rendre supportable.

Retour en Russie

Dans le cadre de la Glasnost menée par Mikhaïl Gorbatchev, sa citoyenneté soviétique lui est restituée, et L'Archipel du Goulag est publié en URSS à partir de 1989. Après la dislocation de l'Union soviétique, via la France où il participe à l'inauguration du Mémorial de la Vendée des Lucs-sur-Boulogne, en Vendée, le 25 septembre 1993, il rentre en Russie le 27 mai 1994, en arrivant par l'est, à Magadan, jadis grand centre de tri carcéral. Il met un mois à traverser son pays en train. Il résidera en Russie jusqu'à sa mort. Jusqu'en 1998, il conserve une activité sociale intense, il a sa propre émission de télévision, voyage à travers la Russie, rencontre une multitude de personnes et d'anciens déportés. La maladie interrompt cette activité.
Soljenitsyne vit ensuite retiré près de Moscou, au milieu de sa famille. Le Fonds Soljenitsyne aide les anciens zeks et leurs familles démunies en leur versant des pensions, en payant des médicaments. Après avoir pensé pouvoir jouer un rôle cathartique dans la Russie post-communiste, Soljenitsyne réalise que la nomenklatura a simplement changé d'idéologie, passant du communisme au nationalisme, mais qu'elle s'est maintenue aux affaires et que les démocrates, s'ils veulent convaincre, ne peuvent agir que sur les plans associatif et culturel, le plan politique étant entièrement verrouillé par Boris Eltsine, puis par Vladimir Poutine, seuls interlocuteurs agréés par l'Occident.
Déçus, les Russes, après l'avoir plus ou moins enterré, semblent ces derniers temps s'intéresser de nouveau à Soljenitsyne et redécouvrir la valeur de ses écrits politico-sociaux. Un colloque international a été consacré à son œuvre en décembre 2003 à Moscou. Le 12 juin 2007, le président Vladimir Poutine rend hommage à Soljenitsyne en lui décernant le prestigieux Prix d'État.
L'ancien dissident Viktor Erofeev estima que c'était vraiment un paradoxe douloureux de voir comment l'ancien prisonnier pouvait sympathiser avec l'ancien officier du KGB. Malgré plusieurs rencontres privées avec Poutine et des marques de sympathie réciproque, Soljenitsyne accusa la politique impérialiste du président russe d'épuiser à l'extérieur les forces vives de la nation et reprocha à son nationalisme de détourner les Russes des vrais enjeux de leur avenir. Ces positions sur la politique de la Russie sont expliquées dès 1990 dans son essai Comment réaménager notre Russie.

Il meurt à son domicile de Moscou à 89 ans dans la nuit du 3 au 4 août 2008 d'une insuffisance cardiaque aiguë. Il est enterré au cimetière du monastère de Donskoï. Ses funérailles sont retransmises en direct à la télévision russe.

Un engagement controversé, Œuvre et vision historique

Un des principaux symboles de la résistance intellectuelle à l'oppression soviétique, Alexandre Soljenitsyne a été régulièrement attaqué, ses ouvrages et interprétations historiques souvent dénoncés comme réactionnaires, principalement par la gauche occidentale. Les opérations de déstabilisation à son encontre n'ont pratiquement jamais cessé des années 1960 jusqu’aux années 1980, et au-delà jusqu'à sa mort.
Un zek détenu, manipulé par le KGB, l'a accusé d'être un informateur des autorités communistes, et a pour cela écrit une fausse dénonciation. Le KGB a fait écrire quelques livres contre lui par d'anciens amis, comme son ancien éditeur, Alec Flagon, et même par sa première femme.
Durant sa carrière littéraire, il aurait été successivement ou simultanément accusé d'être nationaliste, tsariste, ultra-orthodoxe, antisémite ou favorable à Israël, traître, complice objectif de la Gestapo, de la CIA, des francs-maçons, des services secrets français et même du KGB. Dans son autobiographie littéraire, Le grain tombé entre les meules, et plus récemment dans un article de la Litératournaïa Gazeta, Les barbouilleurs ne cherchent pas la lumière, Soljenitsyne a répondu à ces accusations en les juxtaposant pour montrer leur incohérence.
Soljenitsyne pense que si Staline n'avait pas décapité l'Armée rouge lors des Grandes Purges en 1937, s'il n'avait pas fait "aveuglément" confiance à Hitler, pacte germano-soviétique 1939-1941, s'il avait écouté les agents tels Richard Sorge qui le mettaient en garde contre l'attaque allemande du 22 juin 1941, l'invasion nazie aurait été moins désastreuse pour le pays. Soljenitsyne reproche aussi à Staline d'avoir envoyé au Goulag tous les soldats soviétiques prisonniers des Allemands se laisser capturer vivant étant considéré comme une trahison alors que la reconstruction du pays nécessitait la participation de tous.

Accusations d'antisémitisme

Soljenitsyne a fait régulièrement l'objet d'accusations d'antisémitisme, provenant d'auteurs juifs, en raison de ses travaux historiques sur la révolution bolchevique où il étudie l'implication des juifs au sommet de l'appareil d'État et de l'appareil répressif et, plus récemment, en raison de son opposition aux oligarques russes majoritairement juifs et de la publication de son ouvrage historique Deux siècles ensemble sur les relations entre Juifs et Russes de 1795 à 1995. L'écrivain et ancien dissident soviétique Vladimir Voïnovitch a ainsi voulu démontrer le caractère antisémite de ce livre dans une étude polémique.
En France, l'historien d'extrême gauche trotskiste Jean-Jacques Marie a consacré un article à chaque tome de Deux siècles ensemble, qu'il qualifie de bible antisémite. Selon lui, Soljenitsyne expose, dans Deux siècles ensemble, une conception de l'histoire des Juifs en Russie digne de figurer dans un manuel de falsification historique en écrivant une histoire des pogroms telle qu'elle a été vue par la police tsariste. L'historien britannique Robert Service a cependant défendu le livre de Soljenitsyne, arguant que les rapports de la police avaient intérêt à grossir, non à minimiser les faits et qu'une étude de la place des juifs dans le parti bolchevique n'était en rien antisémite par elle-même.
L'historien américain d'origine juive polonaise Richard Pipes, père du néoconservateur américain et ultrasioniste Daniel Pipes, dont les travaux sur l'histoire de la Russie soviétique avaient été qualifiés par Soljenitsyne de version polonaise de l'histoire russe a répondu à celui-ci en le taxant d'antisémitisme et d'ultra-nationalisme. En 1985, Pipes a développé son propos dans sa critique d'Août 14 : Chaque culture a une forme propre d'antisémitisme. Dans le cas de Soljenitsyne, celui-ci n'est pas racial. Cela n'a rien à voir avec le sang. Soljenitsyne n'est pas raciste, la question est fondamentalement religieuse et culturelle. Il présente de nombreuses ressemblances avec Dostoïevski, qui était un chrétien fervent, un patriote et un antisémite farouche. Soljenitsyne se place incontestablement dans la vision de la Révolution défendue par l'extrême droite russe, comme une création des Juifs.
Une comparaison avec Dostoïevski, reprise de manière plus flatteuse par le président français, Nicolas Sarkozy, qui déclara en 2008:
" Son intransigeance, son idéal et sa vie longue et mouvementée font d’Alexandre Soljenitsyne une figure romanesque, héritière de Dostoïevski. Il appartient au panthéon de la littérature mondiale. Je rends hommage à sa mémoire, l’une des plus grandes consciences de la Russie du XXe siècle. "
Les critiques apparaissent largement partisanes, provenant soit de l'extrême gauche soit des néoconservateurs, rien de proprement antisémite ne pouvant être relevé dans l'oeuvre de l'auteur et sa seconde épouse étant à moitié juive.
On peut rapprocher ces critiques de la campagne de presse menée en 1947 contre un des premiers dissidents Kravtchenko: la publication de son livre en France sous le titre J'ai choisi la liberté : La vie publique et privée d'un haut fonctionnaire soviétique donna lieu à une polémique retentissante et à de nombreuses attaques des milieux communistes. Le 13 novembre 1947, dans un article signé Sim Thomas, rédigé par le journaliste André Ullmann, l'hebdomadaire Les Lettres françaises, journal proche du Parti communiste français, l'accuse de désinformation et d'être un agent des États-Unis.

Positions politiques sur l'avenir de la Russie

Ses prises de position pour une période autoritaire de transition lui valurent de sévères critiques de la part de dissidents comme Andreï Siniavski et Andreï Sakharov, pour lesquels la Russie ne saurait se régénérer sans démocratie. En fait, Soljenitsyne n'est pas hostile à la démocratie en général, mais il ne croit pas que la Russie puisse passer du jour au lendemain d'un régime totalitaire à un régime de type occidental.
À la démocratie représentative à l'occidentale, qu'il perçoit comme génératrice d'une classe politique corrompue, coupée du peuple et soucieuse avant tout de ses propres intérêts, il oppose son souhait, pour la Russie, d'un pouvoir présidentiel fort, et d'une forme de démocratie locale constituée par un tissu d'associations gérant les affaires indépendamment du pouvoir qui, lui, ne devrait s'occuper que des affaires nationales, armée, politique étrangère, etc..
Il affirme dans son livre sur le réaménagement de la Russie que celle-ci peut emprunter à la Suisse le référendum d'initiative populaire.S’affirmant comme un fervent patriote, notion qu'il oppose au nationalisme du pouvoir, Soljenitsyne a désapprouvé la Première guerre de Tchétchénie, qui visait à empêcher l'indépendance tchétchène et luttait contre des patriotes, mais a approuvé la seconde alors que les indépendantistes étaient devenus islamistes, et selon lui, mafieux. Il a eu un commentaire favorable au président Poutine lors de son arrivée au pouvoir, espérant de lui des changements significatifs.
Alexandre Soljenitsyne n'a jamais démenti les accusations de royalisme portées contre lui par le pouvoir soviétique : pour lui, le bilan du tsarisme est supérieur à celui du communisme, en termes de satisfaction des besoins et d'élévation morale du peuple russe.
Ses convictions religieuses orthodoxes suscitent également de la méfiance dans les milieux républicains. Il fut également accusé d'être favorable aux dictatures militaires menées par Francisco Franco en Espagne et Augusto Pinochet au Chili : en fait, il déplorait surtout que l'occident s'émeuve beaucoup des crimes de ces dictateurs, et fort peu de ceux du régime soviétique, et il déclara en 1976 que l'on entendait plus parler du Chili que du mur de Berlin et que si le Chili n'existait pas, il faudrait l'inventer, ajoutant après la mort de Franco que les Espagnols vivaient dans la liberté la plus absolue de son vivant, soulignant la victoire du concept de vie chrétienne durant la guerre d'Espagne.
Toutefois, Alexandre Soljenitstyne admirait au moins deux formes de démocratie occidentale : celle des États-Unis, qu'il qualifia de « pays le plus magnanime et le plus généreux de la Terre. Il admirait aussi la démocratie suisse et dans son livre Le Grain tombé entre les meules, il écrit : Ah si l'Europe pouvait écouter son demi canton d'Appenzell. En revanche, il a parfois critiqué la politique menée par le gouvernement américain, par exemple sur la paix négociée au Vietnam, qu'il qualifie d' armistice stupide, incompréhensible, sans garantie aucune.

La Russie sous le fléau de Dieu

Août 14 est centré sur les dix jours d'août 1914 où se joua le sort de la IIe armée russe, commandée par le général Samsonov, qui se suicida à l'issue du désastre militaire. Le roman saisit les protagonistes en gros plan au moment mathématique où toutes les lignes du faisceau historique passent par eux. Contrairement à Tolstoï qui figure dans son roman, Soljénitsyne croit que l'histoire est faite par les individus ; il traque l'instant de vérité, où l'homme, seul, opte pour le bien ou le mal, le vrai ou le faux. En un sens, Soljénitsyne est existentialiste : l'homme est ce qu'il décide d'être. Les pages militaires de ce roman sont d'une grandiose poésie. La décision militaire, que ce soit celle du général en chef ou du simple fantassin, est un moment qui fascine Soljénitsyne : le moment de l'abnégation où l'homme, mystérieusement mû, se libère des lois de la pesanteur biologique et cesse de se protéger lui-même. Portraits de capitaines nés, dialogues de guerriers dans la nuit étoilée, complicité émouvante du simple soldat et de son chef, égaux dans le sacrifice de soi, violente satire des Q.G. de généraux incapables et couards : tout s'organise autour d'intenses moments poétiques : la métaphore de l'aire de battage et du fléau de Dieu, empruntée au poète paysan Essenine et celle de la forêt originelle, berceau d'innocence, de pureté, d'émotion liturgique. Dans le chaos de la défaite, des soldats épars regroupés en pleine forêt par le colonel Vorotyntsev reconstituent dans une symbolique clairière l'antique assemblée villageoise russe, le mir.
Cependant la deuxième partie d'Août 14, parue en 1983, apporte à l'économie du livre une retouche gigantesque, un flash-back de trois cents pages, intitulé « Extrait des nœuds précédents. Ce retour va de 1899 à 1914, mais se concentre sur l'assassinat du Premier ministre Stolypine, à Kiev, le 1er septembre 1911. Déséquilibrant le livre, lui conférant un véritable suspens policier, écrit dans un halètement de courtes séquences, cet épisode révèle les difficultés que rencontra Soljénitsyne dans l'élaboration de son œuvre : il introduit, en contrepoint, d'immenses chapitres didactiques, très enlevés, l'un sur Nicolas II – hésitant quoique bien intentionné – l'autre sur Stolypine, le réformateur national cher à Soljénitsyne. Le symbolisme même se modifie. Au duel des regards, moment de la relation interpersonnelle, se substitue la fascination de tous par un seul : l'image du terroriste-funambule montant vertigineusement au mât du cirque. Le funambule Bogrov, l'assassin de Stolypine, est un dandy terroriste qui berne une police corrompue et bureaucratique devant la Russie, changée en arène de cirque.
Dans cette fresque historique, chaque nœud a son rythme propre. Celui d'Octobre 16 est ralenti, à l'image du front où règne l'accalmie. Celui de Mars 17 est haletant, atomisé, le récit dédoublé à l'infini semble une quête unanimiste d'instants éphémères dans la vie des rues de Petrograd en révolte, instants de peur, de lâcheté, de cabotinage sur fond de houle sauvage. Les grands protagonistes de l'histoire, Milioukov ou Kerenski, deviennent des poupées gonflées de mots et vides d'énergie. La trame de la fiction se raréfie, le didactisme grandit. L'auteur, désespérément, cherche les restes de ce qui fut l'homme russe, bon, courageux, tempérant...

Un dialogue libérateur

Ce prophète qui dit non a connu la joie intense que procure précisément le refus. La jubilation de la révolte, le rire de l'esclave affranchi, la mordante ironie de l'imprécateur marquent son œuvre. La première de ses œuvres majeures, dans l'ordre de leur genèse, c'est Le Premier Cercle : transposition à peine romancée du séjour du zek Soljénitsyne dans une des nombreuses prisons-laboratoires où Staline tenait sous clé presque tous les savants de son pays. Cette prison, c'est le premier cercle, celui où Dante situe les sages de l'Antiquité, qui n'ont pas connu le Christ. Le Premier Cercle est un dialogue libérateur entre bagnards-savants. Revenus au point zéro de la condition humaine, ces zeks se libèrent mutuellement par le rire, par le débat philosophique et par le sacrifice de soi. Ils créent une sorte de fraternité les nouveaux rosicruciens et, détachés de la vie réelle, placés par leurs bourreaux dans une situation d'ascèse totale, ils recréent la valeur, la culture, l'égalité humaine. Les chapitres extérieurs à la prison, ceux du monde libre, sont, au contraire, entièrement plongés dans les ténèbres de la peur, de la délation, du mensonge. Le despote suprême, Staline, enfermé dans son caveau du Kremlin, soupçonneux de tous, se condamne lui-même à une existence nocturne, solitaire et apeurée. Le Premier Cercle a été la thérapeutique que Soljénitsyne s'est appliquée à lui-même : un transfert de la peur des victimes sur les bourreaux. Dans l'édition russe corrigée de 1978, cette symbolique est encore plus marquée : en acceptant l'enfermement dans le cercle des purs, le diplomate innocent Volodine échappe aux épouvantes du monde totalitaire. Le cercle des savants-bagnards devient une Arche, semblable à celle de Noé. En ce refuge qu'est la prison acceptée, l'homme se libère intérieurement, tel Épictète ou Marc Aurèle. Et ces nouveaux stoïciens aperçoivent fugitivement le futur Graal chrétien.

Le Dante du goulag

Une journée d'Ivan Denissovitch, dont la parution en 1962 dans le numéro 11 de la revue Novy Mir dirigée alors par Tvardovski révéla le nom de Soljénitsyne à l'univers entier, est une chute du grand roman dialogué et philosophique. Nous sommes au cinquième ou sixième cercle de l'enfer du goulag. Spiridon, l'homme de peine du Premier Cercle, s'appelle ici Ivan Denissovitch. Mais le thème central reste l'affranchissement intérieur de l'homme. Ce n'est plus un intellectuel qui est au centre de la quête de vérité, c'est un simple moujik russe, paysan et maçon. Du lever très tôt au coucher très tard, dans les affres du froid sibérien, la lutte de la brigade pour remplir la norme, la dure compétition pour le maigre brouet alloué, nous voyons Ivan Denissovitch survivre sans déshonneur et même connaître des instants d'une joie intense que procurent la solidarité avec d'autres hommes et la victoire sur soi, sur le froid et la faim dans la célèbre scène du mur que construit le vaillant petit maçon. Débrouillard mais jamais tricheur, serviable, digne, se découvrant majestueusement pour avaler son bol au réfectoire, comme s'il présidait à un repas familial chez lui, Ivan Denissovitch, par le seul fait que la brigade le nomme ainsi, respectueusement, par son prénom et son patronymique – et non par le matricule que les bourreaux font marquer sur ses habits –, représente la victoire de la dignité. Pierre Daix et Jorge Semprun, rescapés des camps nazis, ont dit comme tous les détails de cette journée leur étaient familiers : c'est que la civilisation concentrationnaire est partout la même. Sur son châlit, le soir, Ivan a pour voisin le baptiste Aliocha, et quand Ivan dit à son voisin : Tu as beau prier, c'est pas ça qui te raccourcira ta peine, le baptiste répond par le mot de saint Paul : Réjouis-toi d'être en prison ! car ici, au moins, les ronces ont moins de chance de pousser sur ton cœur.
La publication de ce récit, deux ans avant la chute de Nikita Khrouchtchev, marqua en U.R.S.S. l'apogée de la déstalinisation. Soljénitsyne, ex-bagnard circonspect, avait jusqu'alors soigneusement caché ses écrits. Le voici partiellement dévoilé. Il profite de la brèche pour publier La Maison de Matriona, centrée sur une inoubliable figure de vieille femme fruste qui est une vraie sainte. Mais en 1964 Khrouchtchev est limogé ; commence le long duel entre Soljénitsyne et le pouvoir soviétique.

L'opposition qui consruit

Un duel qui dure dix ans, passe par le refus de publier Le Pavillon des cancéreux, par l'attribution du prix Nobel de littérature 1970 et le bannissement 1974. Ce duel étonnant a marqué notre époque, comme autrefois ceux d'un Voltaire ou d'un Tolstoï avec les pouvoirs de leur temps. Ancien zek, Soljénitsyne a l'obstination d'un homme qui revient de l'Enfer, mais il a aussi la célébrité que le pouvoir lui a lui-même conférée en 1962 en publiant son fameux récit, aveu définitif de l'existence des camps au pays du socialisme. Le pouvoir soviétique est pris de court par un individu dont les faits et gestes ne sont pas calculés en fonction du principe de prudence.
En outre, le phénomène Soljénitsyne s'inscrit dans le phénomène plus vaste de la dissidence, qui ne sera liquidée, grosso modo, que vers 1975. Dans cette lutte, Soljénitsyne se révèle un extraordinaire tacticien : il sait choisir lui-même le moment pour asséner les coups. De plus, infatigable, il rédige alors, dans une retraite clandestine, L'Archipel du Goulag, qu'il envoie clandestinement en Occident et donne ordre de publier en 1973.
La chronique de cette lutte, il l'a écrite dans un livre dont le titre fait allusion à un proverbe russe : Le Chêne et le Veau. Écrit au fur et à mesure des rebondissements de la lutte mortelle entre un écrivain et un pouvoir, Le Chêne et le Veau a la respiration haletante du danger et de l'audace. L'auteur lui a ajouté en 1992 une belle galerie de portraits : Les Invisibles, ceux et surtout celles qui l'aidèrent dans sa lutte. Jamais combat littéraire n'a été aussi instantanément traduit en œuvre littéraire. Chronique de la décennie du « dégel », magistral et émouvant portrait de Tvardovski – lutteur enchaîné, comparable au Samsonov d'Août 14 –, tour à tour invocation de Dieu, prière ou déploration à l'instant d'abandonner le sol et la beauté russes, Le Chêne et le Veau, en marge du reste de l'œuvre de Soljénitsyne, est la meilleure introduction à cette œuvre ; comme Passé et méditation de Herzen, il est l'écriture faite combat.

L'Archipael du goulag

L'Archipel du Goulag, lui, est un gigantesque édifice qui se veut chronique, description historique, géographique, ethnographique du monde concentrationnaire, engendré par la révolution russe. Aidé par les témoignages secrets de nombreux rescapés des camps, Soljénitsyne s'est senti le porte-parole de millions de morts, de toute une humanité engloutie. Mais son livre est néanmoins l'œuvre d'un auteur bien présent. Elle a pour sous-titre : Essai d'investigation artistique », titre que Soljénitsyne a en quelque sorte explicité dans son Discours du Nobel. Et ce sens est double : d'une part, seul l'art – avec son ordonnancement émotionnel, poétique, ironique – peut pallier l'absence de documents, déjouer le systématique engloutissement d'une part énorme de la vérité humaine ; d'autre part, cet immense drainage de souffrances, cet archipel de l'inhumain sécrète, en définitive, une sorte de beauté. Et, en effet, Soljénitsyne, au terme d'une enquête aussi minutieuse que grondante de colère, nous montre une floraison de martyrs et de saints, preuve que le camp ne produit pas que de l'inhumain. Là, il polémique implicitement avec les autres grands chroniqueurs des camps : un Élie Wiesel pour les camps nazis, un Chalamov pour les camps soviétiques. Le camp, cette ascèse absolue, débroussaille définitivement l'âme. Un des chapitres les plus grandioses de cette Odyssée est celui qui décrit les révoltes dans les camps, en particulier les quarante jours de Kenguir. Porté par un souffle épique, cachant l'émotion sous la gouaille et l'ironie, Soljénitsyne y célèbre la naissance authentique d'un non au nouvel asservissement, un non naïf, primitif, quasi enfantin, originel.

Le pavillon des cancéreux

Ainsi, le monde entier lisait Le Pavillon des cancéreux, récit poétique sur la convalescence de l'homme, tandis que son auteur achevait les sept livres de L'Archipel et, cette besogne finie, enchaînait sur un gigantesque roman historique, entrevu dès l'âge de dix-huit ans, intitulé La Roue rouge et dont le premier nœud, Août 14, parut en 1971, suivi de chapitres tirés des nœuds suivants, encore inédits, groupés autour de Lénine à Zurich. Cette fresque historique, primitivement conçue en vingt nœuds, n'en comporte en définitive que quatre Août 14, Octobre 16, Mars 17, Avril 17, qui totalisent néanmoins six mille six cents pages. Le récit s'arrête en avril 1917 (allant jusqu'au retour de Lénine à Petrograd car, nous dit l'auteur, le poids spécifique s'est déplacé vers la révolution de Février 1917, à un moment où tout est déjà joué, c'est-à-dire perdu : Le putsch d'Octobre, déjà en avril, se dessine comme inéluctable. Néanmoins, en appendice, l'auteur fournit au lecteur un synopsis de la suite à laquelle il a renoncé, et qui conduisait jusqu'en 1945. Ainsi cet énorme vaisseau d'écriture est-il lesté d'une quille inachevée, virtuelle si l'on ose dire, ce qui en fait une sorte d'hapax dans la longue histoire du roman européen...

Une journée d'Ivan Denissovitch, livre de Alexandre Soljénitsyne


En 1962 Alexandre Soljénitsyne, un inconnu, envoie le manuscrit d'un récit écrit trois ans plus tôt à la revue soviétique réputée libérale, Novy Mir, Monde nouveau. Son directeur, Alexandre Tvardovski, obtient l'imprimatur de Nikita Khrouchtchev lui-même, qui, s'il est loin d'être un libéral, entend utiliser le livre contre ses adversaires conservateurs. Les lecteurs russes s'arrachent Une journée d'Ivan Denissovitch.
En France, les communistes organisent aussitôt la traduction et le lancement du livre qui, préfacé par Pierre Daix, connaît un grand succès. L'opération, supervisée par Aragon et Elsa Triolet, vise à faire croire que l'U.R.S.S. a changé, que le stalinisme fut une déviation ou une erreur mais que le régime fondé par Lénine est foncièrement sain. En fait, les communistes ne vont pas pouvoir longtemps contrôler la réception du récit. Un fait est désormais acquis : il a existé un système concentrationnaire de masse au pays des soviets.
C'est la vérité qui compte, écrit Soljénitsyne, il faut écrire pour que tout cela ne soit pas oublié, pour qu'un jour nos descendants l'apprennent. Rescapé de huit saisons en enfer, huit années au Goulag, l'écrivain sait quelles limites il lui est interdit de franchir : il a consenti à toutes les coupes que le pouvoir lui demandait. L'essentiel était que le livre paraisse et fasse son chemin. Il faudra attendre 1973 pour que le texte original soit connu et fasse l'objet d'une traduction plus fidèle que la première

Le quotidien concentrationnaire

Une journée d'Ivan Denissovitch est un récit semi-autobiographique, linéaire et laconique dont le titre indique clairement le contenu. Il ne se passe rien d'extraordinaire dans les quelque dix-huit heures de cette journée d'Ivan Choukhov : réveil, soupe à la cantine, appels et contre-appels, travail dans le froid, retour à la baraque. Des journées comme ça – conclut le narrateur – dans sa peine, il y en avait, d'un bout à l'autre, trois mille six cent cinquante-trois.
Le personnage focal du récit est un paysan russe qui fut soldat de deuxième classe. Du moujik tolstoïen, Ivan Choukhov a gardé quelques traits caractéristiques. Il est fruste, superstitieux mais roublard. Il aime la belle ouvrage et respecte son chef de brigade, mais il chaparde des suppléments. Ce n'est pas un révolté, il ne comprend pas ce qui lui est arrivé. Ce n'est pas non plus un héros soviétique : il reste complètement étranger à l'idéologie officielle. Coupé des siens, il vit au présent et économise ses forces. L'essentiel est qu'il a su garder sa dignité. C'est pourquoi il a des chances de survivre.
D'autres figures traversent le récit, l'ex-commandant Bouynovski châtié pour s'être rebellé, César le planqué, Aliocha le baptiste. L'échantillon de la population concentrationnaire ruine le mensonge de la propagande officielle. Il n'y a là que des anciens prisonniers de guerre, des croyants, des paysans, des Baltes, des Ukrainiens. Leur culpabilité est sociologique ou ethnologique. Le seul délinquant de droit commun avéré se retrouve, comme par hasard, chef de baraque. Quand les Choukhov se comptent par millions, le pouvoir est contre le peuple, suggère Soljénitsyne.

Un regard sociologique

Le narrateur porte un regard sociologique sur le camp. Il dépeint au quotidien des mécanismes de domination et d'exploitation, une bureaucratie parasitaire, quelques brutes mais pas de tortionnaires. Les détenus les zeks ont perdu leur identité. Ce sont de simples matricules, taillables et corvéables à merci. Quelques-uns, en échange de menus privilèges, se font les auxiliaires zélés de l'administration ; les plus nombreux triment, mal nourris, dans le cadre d'une brigade. Au-delà du camp, Soljénitsyne donne de la société soviétique une image impitoyable : le mensonge, la gabegie, l'irresponsabilité et la corruption y règnent sans partage.
Le romancier livre une tranche de vie et s'interdit tout commentaire inutile. Il donne la priorité à la transmission de son expérience. Ignorant les recherches modernistes de ses contemporains occidentaux comme les médiocres platitudes du réalisme socialiste, le mémorialiste du Goulag s'inscrit dans la tradition du XIXe siècle, marquée notamment par les Récits de la maison des morts 1861-1862 de Dostoïevski. Il choisit une focalisation interne et restreinte. L'économie du récit est d'une rigueur extrême. Le récit n'est pas découpé en chapitres, l'espace-temps est resserré. Des détails concrets restituent l'univers oppressant d'un camp que Soljénitsyne transforme en métaphore de la société totalitaire.
Les traductions rendent malaisément le travail stylistique de l'auteur. S'étant dégagé de l'idiome idéologico-politique officiel, de la langue de bois , Soljénitsyne a forgé une langue populaire mi-écrite mi-orale, truffée de mots anciens, d'argotismes et de dialectalismes. Les ellipses et les discontinuités font éclater le moule de la syntaxe classique. Aux slogans officiels, le narrateur sarcastique oppose des dictons anciens ou fabriqués et des énoncés à l'humour ravageur.

Œuvres

L'œuvre d'Alexandre Soljenitsyne entend révéler la double injustice faite aux millions de Russes victimes d'un État traître à son propre peuple : celle de l'exil et des camps du Goulag et souvent de la mort, sans justice ni culpabilité, mais aussi l'injustice du silence et de l'oubli. Ainsi, L'Archipel du Goulag rapporte le témoignage de quelque 220 victimes, part infime du flot des déportés. La datation des œuvres d'Alexandre Soljenitsyne est difficile à établir avec précision, la plupart d'entre elles ayant connu une gestation très longue et plusieurs versions y compris parfois une réécriture quasi complète. En ce sens, l'exergue placé au début du Premier Cercle est significatif : Écrit de 1955 à 1958. Défiguré en 1964. Réécrit en 1968.

Une journée d'Ivan Denissovitch 1962
La Maison de Matriona 1963, qui contient aussi L'Inconnu de Krétchétovka et Pour le bien et la cause recueil de nouvelles
Le Pavillon des cancéreux 1968
Les Droits de l'écrivain 1969
Le Premier cercle commencé en 1955, version finale en 1968
La fille d'amour et l'innocent pièce en 4 actes et 11 tableaux 1971
Zacharie l'escarcelle 1971 nouvelles
Août quatorze, premier nœud (série de livres nœuds en plusieurs volumes tomes)réédités en 1983 sous le titre commun La Roue rouge 1972
L'Archipel du Goulag tomes I et II 1974
Le chêne et le Veau 1975
Discours américains 1975
Des voix sous les décombres 1975
Lénine à Zurich 1975
L'Archipel du Goulag tome III 1976
Flamme au vent, théâtre 1977
Le Déclin du courage 1978
Message d'exil 1979
L'Erreur de l'Occident 1980
Les Tanks connaissent la vérité 1982
Nos pluralistes 1983
La Roue rouge, tome 2 : Deuxième nœud - Novembre seize 1985
Comment réaménager notre Russie ? 1990
Les Invisibles 1992
La Roue rouge, tome 3 : Troisième nœud - Mars dix-sept 4 tomes 1993-1998
Le Problème russe à la fin du XXe siècle 1994
Ego, suivi de Sur le fil récits 1995
Nos jeunes récits 1997
Le Grain tombé entre les meules 1998, éd. Fayard, 500 pages.
La Russie sous l'avalanche 1998
Deux récits de guerre 000
Deux siècles ensemble, 1795-1995, tome 1 : Juifs et Russes avant la révolution 2002
Deux siècles ensemble, 1917-1972, tome 2 : Juifs et Russes pendant la période soviétique 2003
Esquisses d'exil – Le grain tombé entre les meules, tome 2, 1979-1994, traduit du russe par Françoise Lesourd, 2005
Aime la révolution !, roman inachevé 2007
Réflexions sur la révolution de février, 2007
Une minute par jour, entretiens 2007
La Roue rouge : Quatrième nœud : Avril dix-sept 2009

Récompenses, distinctions, Prix

Prix Nobel de littérature, 1970
Prix Templeton, 1983
Ordre de Saint-André, 199841
Grand Prix de l'Académie des sciences morales et politiques, 2000
Docteur Honoris Causa de l'Université d'État de Moscou
Ordre de l'Étoile de Roumanie, 2008 à titre posthume

Liens

http://youtu.be/WH0zW5rBtJo Une journée d'Ivan Denissovitch H. Guillemin
http://youtu.be/X6FJM-Ncb44 Prophète ou réactionnaire
http://youtu.be/q5ZBKIpxn3o A propos de l'occident
http://youtu.be/s5jjU8YCqRc Et l'occident apostat
http://youtu.be/MQrL7jDEfc4 Dialogue
http://youtu.be/ot281lb91_8 Chez Pivot
http://youtu.be/1EuCtcBHsL4 Le courage d'écrire
http://youtu.be/t6pULYct-OA A propos de sa méthode de travail
http://youtu.be/7Vqf5zYzxvo Dans sa maison de Cavendish
http://youtu.be/WypcADANOXw a propos de sa célébrité
http://youtu.be/U6Kp3yoyAEI A propos de son écriture en occident
http://youtu.be/pN9t8q0ypJU interview


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Posté le : 01/08/2014 16:53
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Alexandre Soljenitsine
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Le 3 août 2008 à Moscou à 89 ans, meurt Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne

en russe : Александр Исаевич Солженицын, ISO : Aleksandr Isajevič Solženicyn né le 11 décembre 1918 à Kislovodsk RSFS de Russie, écrivain et dissident russe, auteur notamment d'Une journée d'Ivan Denissovitch, de L'Archipel du Goulag et de La Roue rouge, autres Œuvres principales, Le Premier Cercle, Le Pavillon des cancéreux, il est distingué du Prix Nobel de littérature en 1970, le Prix Templeton en 1983, le Grand Prix de l'Académie des sciences morales et politiques en 2000, et le Prix d'État en Russie en 2007.

En Bref

" Tout passe, seule la vérité reste " proclame un proverbe russe. Pour Soljenitsyne, toute sa vie sera une tentative obstinée pour répondre à cette grande question : Cette vérité, comment contribuer à la faire triompher ?

Proscrit d'U.R.S.S. en février 1974, Alexandre Soljénitsyne est rentré en Russie en juillet 1994. Vingt ans d'exil, vingt ans d'écriture forcenée en sa retraite américaine du Vermont n'avaient pas entamé l'énergie du dissident, ni la force du prophète. Il choisit de rentrer lentement, étape par étape, d'est en ouest. Son avion fit escale à Magadan, cette porte de l'enfer concentrationnaire de la Kolyma ; tel un pape, Soljénitsyne baisa ce sol foulé par les martyrs anonymes auxquels son monumental Archipel du Goulag avait donné parole. À chaque gare les anciens zeks détenus venaient à sa rencontre. Chaque soir, le maître écoutait les doléances d'un public désorienté par la chute du communisme, les réformes économiques, la perte d'un empire. Humiliés et offensés avaient trouvé leur porte-parole attentif. Une fois de plus, Soljénitsyne disait non. Non à la liberté économique débridée, non à la confiscation de la démocratie par les anciens profiteurs. Soljénitsyne n'est pas un politicien, il ne présente pas un programme susceptible de rassembler des adhésions. Il est avant tout un rebelle, un prophète qui dit non. Une grande part du malentendu actuel entre lui et l'Occident vient de ce que l'Occident a toujours mal perçu la racine spirituelle du non de Soljénitsyne. Cette racine est religieuse : l'homme Soljénitsyne a trouvé la foi dans le dénuement absolu des camps ; son premier refus a été celui de l'avilissement, de l'homme matriculaire. De ce refus central sont venus les autres : refus de la parole serve l'idéologie, refus des pouvoirs qui annihilent les personnes, refus du progrès économique transformé en veau d'or, du libéralisme politique en tant que fauteur d'une jungle économique et sociale. Ces refus ont leur histoire, Soljénitsyne ne les a pas tous articulés d'un coup, mais l'un contenait l'autre.
Un poète de l'énergie
On a parfois accusé Soljénitsyne de passéisme artistique. Parce qu'il croit encore au personnage de roman. Et il est vrai que Soljénitsyne croit au réel, à l'autonomie humaine, à la révélation de l'homme dans l'épreuve. Du camp il garde et gardera à tout jamais la rapidité de réflexe du zek, l'ironie libératrice, la haine des fabriques industrielles du déchet humain. Mais à la Quête du Graal et au Parzifal d'Eschenbach il emprunte une lumière mystique qui baigne ses chevaliers du renoncement.
Cette quête de l'énergie et du vrai marque entièrement sa langue : la langue de Soljénitsyne est immédiatement reconnaissable à sa poétique propre. Elle vise à une détente énergétique maximale, comme dans la langue populaire, et dans le proverbe. Elle élimine du russe les européanismes, gallicismes ou germanismes, elle restitue la syntaxe syncopée du parler populaire. Elle renoue avec les recherches linguistiques qui avaient marqué l'avancée poétique du début du siècle : Biely, Khlebnikov, et surtout Marina Tsvetaeva. Son œuvre de publiciste est également chargée de cette densité du langage, de cette énergie des raccourcis populaires. Ingénieur d'une histoire lourde qu'il grée de documents, de collages de matériaux et ponctue de la sanction ironique des proverbes-sentences, Soljénitsyne est aussi un maître de la forme courte : division des longs romans et brefs chapitres lyriques, condensation de l'histoire en nœuds, intenses pauses poétiques, poèmes en prose, tant ses Miettes en prose que les poèmes insérés dans le roman ; par exemple, dans Le Pavillon des cancéreux, le chapitre sur l'abricotier en fleur. Contre la langue de bois de l'idéologie, dénationalisée, énucléée, Soljénitsyne mène avec fureur et verve une lutte acharnée. Le premier péché de Lénine, pour lui, c'est son style.
Ainsi, le publiciste Soljénitsyne ne peut être lu et compris qu'à la lumière du poète, de l'historien, du réformateur du langage. De la Lettre aux dirigeants 1973)à Comment réorganiser notre Russie 1990 et Le Problème russe au XXe siècle 1994, Soljénitsyne reste un disciple du grand révolté religieux du XVIIe siècle : Avvakum, qui déclarait : Je n'ai cure de beau parler et n'humilie pas ma langue russe. Le commun dénominateur de toutes ses prises de position est la quête du vrai visage de la Russie, un visage altéré par l'occidentalisation forcenée de Pierre le Grand, occulté par le libéralisme athée des Milioukov et autres leaders bourgeois du début du XXe siècle, définitivement mutilé par le totalitarisme idéologique. Qu'il y ait chez Soljénitsyne un héritage de la tradition russe antioccidentale est évident. Il a lu avec soin le Journal d'un écrivain de Dostoïevski et les articles de Constantin Leontiev. Sa condamnation virulente des « rapaces » le rapproche tantôt des écologistes, tantôt des réformateurs religieux. Son œuvre d'historien est inséparable de celle du romancier et de son souffle de prophète. Ses imprécations contre l'Occident repu, sa conviction que la liberté sans la foi religieuse ne peut que dégénérer viennent d'un patriote russe qui prêche le renoncement à l'empire, d'un sceptique de la démocratie prêt à lutter pour restaurer en Russie le self-government local, les zemstvo. Insaisissable avec nos instruments occidentaux, l'homme au visage de prophète tire sa force d'avoir su lutter seul contre le Léviathan soviétique, et d'avoir senti vaciller le géant sous ses coups. Son retour en Russie est comparable à celui de Hugo en France. Il a su et faire vaciller le géant, et saisir dans ses mains fortes la matière historique de deux décennies fatales dans l'histoire russe. Sa « roue rouge » dévale à jamais l'histoire catastrophique de la Russie au XXe siècle. Mais le poète Soljénitsyne sait encore tendre tout son être dans l'extase d'une odeur de pommier.

Sa vie

Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne naît le 28 novembre/11 décembre 19184 à Kislovodsk, dans le nord du Caucase. La famille de Soljenitsyne, de souche paysanne, était relativement aisée. Son père, Issaïe, est le premier à faire des études supérieure, Issaaki Sémionovitch Soljenitsyne, étudiant en philologie et en histoire à l'université de Moscou, s'engage volontairement dans l'armée russe dès l'été 1914 et sert en Prusse-Orientale. Au printemps 1918, devenu officier, de retour du front, il se blesse grièvement lors d'un accident de chasse et meurt d'une septicémie le 15 juin 1918 à l'hôpital de Gueorguievsk. La mère d'Alexandre, Taïssia Zakharovna Chtcherbak, d'origine ukrainienne, qui est fille d'un self-made man paysan de la région de la Kouma, est alors étudiante en agronomie à Moscou. Les parents d'Alexandre se sont connus à Moscou lors d'une permission d'Issaaki en avril 1917 et se sont mariés le 23 août 1917 dans la brigade d'Issaaki.

Jusqu'à l'âge de six ans, le jeune Alexandre est confié à la famille de sa mère tandis que celle-ci travaille comme sténodactylo à Rostov-sur-le-Don. Il reçoit des rudiments d'instruction religieuse, tout en étant admis parmi les Pionniers. L'origine sociale dite "malsaine" de sa famille maternelle lui vaut d'ailleurs une exclusion temporaire de l'organisation. À Rostov, il partage avec sa mère un petit logement de neuf mètres carrés situé à proximité de l'immeuble de la Guépéou.
Épris très jeune de littérature, ayant fait ses premiers essais littéraires alors qu'il était collégien, Alexandre Soljenitsyne choisit néanmoins de poursuivre des études universitaires de mathématiques et de physique. À la fois parce qu'il n'y avait pas de chaire de littérature à l'université de Rostov et pour des raisons alimentaires. Il suit des cours de philosophie et de littérature par correspondance ; il s'inscrit à un cours d'anglais et suit également des cours de latin. Comme il le reconnaissait volontiers, à l'époque il adhère encore à l’idéologie communiste dans laquelle il a grandi.
Le 27 avril 1940, il épouse Natalia Alexeïevna Rechetovskaïa, une étudiante en chimie et pianiste dont il fait la connaissance en septembre 1936. Il passe avec succès ses examens finaux de mathématiques le 16 juin 1941. Il est à Moscou pour ses examens de littérature le 22 juin 1941, quand éclate la guerre contre le Troisième Reich.

La guerre

Lors de l'invasion allemande en 1941, il manque d'abord de se faire réformer, puis, à l'automne 1941, il est engagé comme soldat dans une troupe hippomobile à l'arrière avant d'obtenir le 14 avril 1942 — à sa demande — une place à l'école d'artillerie. Fin 1942, il est nommé commandant d'une batterie de repérage par le son. Il combat comme officier de l'Armée rouge, et sera décoré en 1944 de l'Étoile rouge pour sa participation à la prise de Rogatchov.

Le Goulag

En 1945, il est condamné à huit ans de prison dans les camps de travail pour activité contre-révolutionnaire, après avoir critiqué dans sa correspondance privée la politique de Staline ainsi que ses compétences militaires. Dans une lettre interceptée par la censure militaire, Soljénitsyne reprochait au génialissime maréchal, meilleur ami de tous les soldats, selon les qualificatifs officiels d'avoir décapité l'Armée rouge lors des purges, d'avoir fait alliance avec Hitler et refusé d'écouter les voix qui le mettaient en garde contre l'attaque allemande, puis d'avoir mené la guerre sans aucun égard pour ses hommes et pour les souffrances de la Russie Nous étions deux qui échangions nos pensées en secret : c'est-à-dire un embryon d'organisation, c'est-à-dire une organisation !.
Au début 1952, Natalia Rechetovskaïa, qui a été renvoyée de l'université d'État de Moscou en tant qu'épouse d'un ennemi du peuple en 1948, demande et obtient le divorce. À sa sortie du camp en février 1953, quelques semaines avant la mort de Staline, Soljenitsyne – matricule CH-262, anciennement matricule CH-232 – est envoyé en exil perpétuel au Kazakhstan. Il est réhabilité le 9 avril 1956 et s'installe à Riazan, à 200 km au sud de Moscou, où il enseigne les sciences physiques. Il se remarie avec Natalia le 2 février 1957, divorce à nouveau en 1972 pour épouser, l'année suivante, Natalia Dmitrievna Svetlova, une mathématicienne.

Auteur en URSS

C'est Une journée d'Ivan Denissovitch publié en 1962 dans la revue soviétique Novy Mir grâce à l'autorisation de Nikita Khrouchtchev en personne, qui lui acquiert une renommée tant dans son pays que dans le monde. Le roman décrit les conditions de vie dans un camp de travail forcé soviétique du début des années 1950 à travers les yeux d'un zek, Ivan Denissovitch Choukhov.
Il est reçu au Kremlin par Khrouchtchev. Cependant, deux ans plus tard, sous Léonid Brejnev, il lui est de plus en plus difficile de publier ses textes en Union soviétique. En 1967, dans une lettre au Congrès des écrivains soviétiques, il exige la suppression de toute censure – ouverte ou cachée – sur la production artistique .
Ses romans Le Premier Cercle et Le Pavillon des Cancéreux, ainsi que le premier tome de son épopée historique La Roue rouge, paraissent en Occident et lui valent le prix Nobel de littérature en 1970, récompense qu'il ne pourra recevoir que quatre ans plus tard, après avoir été expulsé d'URSS. Il n'a en effet pas pu se rendre à Stockholm de peur d'être déchu de sa nationalité soviétique et de ne pouvoir rentrer en URSS, le gouvernement suédois ayant refusé de lui transmettre le prix à son ambassade de Moscou. Sa vie devient une conspiration permanente pour voler le droit d’écrire en dépit de la surveillance de plus en plus assidue du KGB.
Une partie de ses archives est saisie chez un de ses amis en septembre 1965. En 1969, alors qu'il est persécuté par les autorités et ne sait plus où vivre, il est hébergé par Mstislav Rostropovitch. Il manque d'être assassiné en août 1971, par un parapluie bulgare. Une de ses plus proches collaboratrices échappe de justesse à une tentative d'étranglement et à un accident de voiture.
En décembre 1973, la version russe de L'Archipel du Goulag parait à Paris, car le manuscrit avait pu être clandestinement sorti d'URSS et remis à l'imprimerie Beresniak, rue du Faubourg du Temple à Paris, une des rares imprimeries françaises à disposer des caractères typographiques cyrilliques.
Il y décrit le système concentrationnaire soviétique du Goulag, qu'il a vécu de l'intérieur, et la nature totalitaire du régime. L'ouvrage avait été écrit entre 1958 et 1967 sur de minuscules feuilles de papier enterrées une à une dans des jardins amis, une copie étant envoyée en Occident, par amis interposés qui risquaient gros pour échapper à la censure. Il décida sa publication après qu'une de ses aides, Élisabeth Voronianskaïa, fut retrouvée pendue : elle avait avoué au KGB la cachette où se trouvait un exemplaire de l’œuvre. L'ouvrage est, comme d'autres avant lui, un témoignage, mais contrairement à ceux qui l'ont précédé, il est extrêmement précis, sourcé, et cite de nombreuses lois et décrets soviétiques servant à la mise en œuvre de la politique carcérale, de sorte qu'il est beaucoup plus difficile aux négationnistes du Goulag de nier la véracité des faits décrits. Cette publication connaît une grande diffusion et le rend célèbre, ce qui lui vaut d'être déchu de sa citoyenneté soviétique et d'être arrêté. Mais, au lieu d'être condamné et incarcéré, il est expulsé d’Union soviétique en février 1974. En URSS, ses textes continuent cependant d’être diffusés clandestinement, sous forme de samizdats.

Auteur en exil

Grâce à l'aide de l'écrivain allemand Heinrich Böll, il s'installe d'abord à Zurich en Suisse, puis émigre aux États-Unis. Soljénitsyne devient alors la figure de proue des dissidents soviétiques, mais déjà apparaît, à travers ses interviews, un clivage avec certains de ses interlocuteurs qui le soupçonnent d'être réactionnaire ; il se montre en effet méfiant vis-à-vis du matérialisme occidental et attaché à l'identité russe traditionnelle, où la spiritualité orthodoxe joue un grand rôle.
Après une période agitée faite d'interviews et de discours, comme le fameux discours de Harvard prononcé en 1978 aux États-Unis, Soljenitsyne fut souvent invité à d’importantes conférences. Le 15 juillet 1975, il fut même invité à donner une conférence sur la situation mondiale au Sénat américain. L'Occident découvre alors un chrétien orthodoxe et slavophile très critique sur la société occidentale de consommation, et que les médias français classent dès lors parmi les conservateurs13. Comme Victor Serge ou Victor Kravtchenko avant lui, l'écrivain doit affronter une campagne supplémentaire de diffamation.
Il se retire avec sa famille à Cavendish, dans le Vermont, pour écrire l'œuvre dont il rêvait depuis sa jeunesse, La Roue rouge, une épopée historique comptant des milliers de pages, qui retrace la plongée de la Russie dans la violence révolutionnaire.

En 1983, il reçoit le prix Templeton.

Le 25 septembre 1993, à l'occasion de l'inauguration du Mémorial de la Vendée aux Lucs-sur-Boulogne, il prononce un célèbre discours sur les guerres de Vendée et la Révolution française, comparant ces événements, qu'il qualifie de génocide, aux soulèvements populaires anti-communistes en Russie. Il pose ainsi une réflexion sur l'idéalisme initial des révolutions, sur leur récupération par les plus violents des extrémistes, chaque fois que les conservateurs refusent de céder du terrain, et sur les bains de sang que cela représente pour les peuples. Aux yeux des révolutionnaires, il se classe ainsi parmi les réformistes qui visent à améliorer le capitalisme pour le rendre supportable.

Retour en Russie

Dans le cadre de la Glasnost menée par Mikhaïl Gorbatchev, sa citoyenneté soviétique lui est restituée, et L'Archipel du Goulag est publié en URSS à partir de 1989. Après la dislocation de l'Union soviétique, via la France où il participe à l'inauguration du Mémorial de la Vendée des Lucs-sur-Boulogne, en Vendée, le 25 septembre 1993, il rentre en Russie le 27 mai 1994, en arrivant par l'est, à Magadan, jadis grand centre de tri carcéral. Il met un mois à traverser son pays en train. Il résidera en Russie jusqu'à sa mort. Jusqu'en 1998, il conserve une activité sociale intense, il a sa propre émission de télévision, voyage à travers la Russie, rencontre une multitude de personnes et d'anciens déportés. La maladie interrompt cette activité.
Soljenitsyne vit ensuite retiré près de Moscou, au milieu de sa famille. Le Fonds Soljenitsyne aide les anciens zeks et leurs familles démunies en leur versant des pensions, en payant des médicaments. Après avoir pensé pouvoir jouer un rôle cathartique dans la Russie post-communiste, Soljenitsyne réalise que la nomenklatura a simplement changé d'idéologie, passant du communisme au nationalisme, mais qu'elle s'est maintenue aux affaires et que les démocrates, s'ils veulent convaincre, ne peuvent agir que sur les plans associatif et culturel, le plan politique étant entièrement verrouillé par Boris Eltsine, puis par Vladimir Poutine, seuls interlocuteurs agréés par l'Occident.
Déçus, les Russes, après l'avoir plus ou moins enterré, semblent ces derniers temps s'intéresser de nouveau à Soljenitsyne et redécouvrir la valeur de ses écrits politico-sociaux. Un colloque international a été consacré à son œuvre en décembre 2003 à Moscou. Le 12 juin 2007, le président Vladimir Poutine rend hommage à Soljenitsyne en lui décernant le prestigieux Prix d'État.
L'ancien dissident Viktor Erofeev estima que c'était vraiment un paradoxe douloureux de voir comment l'ancien prisonnier pouvait sympathiser avec l'ancien officier du KGB. Malgré plusieurs rencontres privées avec Poutine et des marques de sympathie réciproque, Soljenitsyne accusa la politique impérialiste du président russe d'épuiser à l'extérieur les forces vives de la nation et reprocha à son nationalisme de détourner les Russes des vrais enjeux de leur avenir. Ces positions sur la politique de la Russie sont expliquées dès 1990 dans son essai Comment réaménager notre Russie.

Il meurt à son domicile de Moscou à 89 ans dans la nuit du 3 au 4 août 2008 d'une insuffisance cardiaque aiguë. Il est enterré au cimetière du monastère de Donskoï. Ses funérailles sont retransmises en direct à la télévision russe.

Un engagement controversé, Œuvre et vision historique

Un des principaux symboles de la résistance intellectuelle à l'oppression soviétique, Alexandre Soljenitsyne a été régulièrement attaqué, ses ouvrages et interprétations historiques souvent dénoncés comme réactionnaires, principalement par la gauche occidentale. Les opérations de déstabilisation à son encontre n'ont pratiquement jamais cessé des années 1960 jusqu’aux années 1980, et au-delà jusqu'à sa mort.
Un zek détenu, manipulé par le KGB, l'a accusé d'être un informateur des autorités communistes, et a pour cela écrit une fausse dénonciation. Le KGB a fait écrire quelques livres contre lui par d'anciens amis, comme son ancien éditeur, Alec Flagon, et même par sa première femme.
Durant sa carrière littéraire, il aurait été successivement ou simultanément accusé d'être nationaliste, tsariste, ultra-orthodoxe, antisémite ou favorable à Israël, traître, complice objectif de la Gestapo, de la CIA, des francs-maçons, des services secrets français et même du KGB. Dans son autobiographie littéraire, Le grain tombé entre les meules, et plus récemment dans un article de la Litératournaïa Gazeta, Les barbouilleurs ne cherchent pas la lumière, Soljenitsyne a répondu à ces accusations en les juxtaposant pour montrer leur incohérence.
Soljenitsyne pense que si Staline n'avait pas décapité l'Armée rouge lors des Grandes Purges en 1937, s'il n'avait pas fait "aveuglément" confiance à Hitler, pacte germano-soviétique 1939-1941, s'il avait écouté les agents tels Richard Sorge qui le mettaient en garde contre l'attaque allemande du 22 juin 1941, l'invasion nazie aurait été moins désastreuse pour le pays. Soljenitsyne reproche aussi à Staline d'avoir envoyé au Goulag tous les soldats soviétiques prisonniers des Allemands se laisser capturer vivant étant considéré comme une trahison alors que la reconstruction du pays nécessitait la participation de tous.

Accusations d'antisémitisme

Soljenitsyne a fait régulièrement l'objet d'accusations d'antisémitisme, provenant d'auteurs juifs, en raison de ses travaux historiques sur la révolution bolchevique où il étudie l'implication des juifs au sommet de l'appareil d'État et de l'appareil répressif et, plus récemment, en raison de son opposition aux oligarques russes majoritairement juifs et de la publication de son ouvrage historique Deux siècles ensemble sur les relations entre Juifs et Russes de 1795 à 1995. L'écrivain et ancien dissident soviétique Vladimir Voïnovitch a ainsi voulu démontrer le caractère antisémite de ce livre dans une étude polémique.
En France, l'historien d'extrême gauche trotskiste Jean-Jacques Marie a consacré un article à chaque tome de Deux siècles ensemble, qu'il qualifie de bible antisémite. Selon lui, Soljenitsyne expose, dans Deux siècles ensemble, une conception de l'histoire des Juifs en Russie digne de figurer dans un manuel de falsification historique en écrivant une histoire des pogroms telle qu'elle a été vue par la police tsariste. L'historien britannique Robert Service a cependant défendu le livre de Soljenitsyne, arguant que les rapports de la police avaient intérêt à grossir, non à minimiser les faits et qu'une étude de la place des juifs dans le parti bolchevique n'était en rien antisémite par elle-même.
L'historien américain d'origine juive polonaise Richard Pipes, père du néoconservateur américain et ultrasioniste Daniel Pipes, dont les travaux sur l'histoire de la Russie soviétique avaient été qualifiés par Soljenitsyne de version polonaise de l'histoire russe a répondu à celui-ci en le taxant d'antisémitisme et d'ultra-nationalisme. En 1985, Pipes a développé son propos dans sa critique d'Août 14 : Chaque culture a une forme propre d'antisémitisme. Dans le cas de Soljenitsyne, celui-ci n'est pas racial. Cela n'a rien à voir avec le sang. Soljenitsyne n'est pas raciste, la question est fondamentalement religieuse et culturelle. Il présente de nombreuses ressemblances avec Dostoïevski, qui était un chrétien fervent, un patriote et un antisémite farouche. Soljenitsyne se place incontestablement dans la vision de la Révolution défendue par l'extrême droite russe, comme une création des Juifs.
Une comparaison avec Dostoïevski, reprise de manière plus flatteuse par le président français, Nicolas Sarkozy, qui déclara en 2008:
" Son intransigeance, son idéal et sa vie longue et mouvementée font d’Alexandre Soljenitsyne une figure romanesque, héritière de Dostoïevski. Il appartient au panthéon de la littérature mondiale. Je rends hommage à sa mémoire, l’une des plus grandes consciences de la Russie du XXe siècle. "
Les critiques apparaissent largement partisanes, provenant soit de l'extrême gauche soit des néoconservateurs, rien de proprement antisémite ne pouvant être relevé dans l'oeuvre de l'auteur et sa seconde épouse étant à moitié juive.
On peut rapprocher ces critiques de la campagne de presse menée en 1947 contre un des premiers dissidents Kravtchenko: la publication de son livre en France sous le titre J'ai choisi la liberté : La vie publique et privée d'un haut fonctionnaire soviétique donna lieu à une polémique retentissante et à de nombreuses attaques des milieux communistes. Le 13 novembre 1947, dans un article signé Sim Thomas, rédigé par le journaliste André Ullmann, l'hebdomadaire Les Lettres françaises, journal proche du Parti communiste français, l'accuse de désinformation et d'être un agent des États-Unis.

Positions politiques sur l'avenir de la Russie

Ses prises de position pour une période autoritaire de transition lui valurent de sévères critiques de la part de dissidents comme Andreï Siniavski et Andreï Sakharov, pour lesquels la Russie ne saurait se régénérer sans démocratie. En fait, Soljenitsyne n'est pas hostile à la démocratie en général, mais il ne croit pas que la Russie puisse passer du jour au lendemain d'un régime totalitaire à un régime de type occidental.
À la démocratie représentative à l'occidentale, qu'il perçoit comme génératrice d'une classe politique corrompue, coupée du peuple et soucieuse avant tout de ses propres intérêts, il oppose son souhait, pour la Russie, d'un pouvoir présidentiel fort, et d'une forme de démocratie locale constituée par un tissu d'associations gérant les affaires indépendamment du pouvoir qui, lui, ne devrait s'occuper que des affaires nationales, armée, politique étrangère, etc..
Il affirme dans son livre sur le réaménagement de la Russie que celle-ci peut emprunter à la Suisse le référendum d'initiative populaire.S’affirmant comme un fervent patriote, notion qu'il oppose au nationalisme du pouvoir, Soljenitsyne a désapprouvé la Première guerre de Tchétchénie, qui visait à empêcher l'indépendance tchétchène et luttait contre des patriotes, mais a approuvé la seconde alors que les indépendantistes étaient devenus islamistes, et selon lui, mafieux. Il a eu un commentaire favorable au président Poutine lors de son arrivée au pouvoir, espérant de lui des changements significatifs.
Alexandre Soljenitsyne n'a jamais démenti les accusations de royalisme portées contre lui par le pouvoir soviétique : pour lui, le bilan du tsarisme est supérieur à celui du communisme, en termes de satisfaction des besoins et d'élévation morale du peuple russe.
Ses convictions religieuses orthodoxes suscitent également de la méfiance dans les milieux républicains. Il fut également accusé d'être favorable aux dictatures militaires menées par Francisco Franco en Espagne et Augusto Pinochet au Chili : en fait, il déplorait surtout que l'occident s'émeuve beaucoup des crimes de ces dictateurs, et fort peu de ceux du régime soviétique, et il déclara en 1976 que l'on entendait plus parler du Chili que du mur de Berlin et que si le Chili n'existait pas, il faudrait l'inventer, ajoutant après la mort de Franco que les Espagnols vivaient dans la liberté la plus absolue de son vivant, soulignant la victoire du concept de vie chrétienne durant la guerre d'Espagne.
Toutefois, Alexandre Soljenitstyne admirait au moins deux formes de démocratie occidentale : celle des États-Unis, qu'il qualifia de « pays le plus magnanime et le plus généreux de la Terre. Il admirait aussi la démocratie suisse et dans son livre Le Grain tombé entre les meules, il écrit : Ah si l'Europe pouvait écouter son demi canton d'Appenzell. En revanche, il a parfois critiqué la politique menée par le gouvernement américain, par exemple sur la paix négociée au Vietnam, qu'il qualifie d' armistice stupide, incompréhensible, sans garantie aucune.

La Russie sous le fléau de Dieu

Août 14 est centré sur les dix jours d'août 1914 où se joua le sort de la IIe armée russe, commandée par le général Samsonov, qui se suicida à l'issue du désastre militaire. Le roman saisit les protagonistes en gros plan au moment mathématique où toutes les lignes du faisceau historique passent par eux. Contrairement à Tolstoï qui figure dans son roman, Soljénitsyne croit que l'histoire est faite par les individus ; il traque l'instant de vérité, où l'homme, seul, opte pour le bien ou le mal, le vrai ou le faux. En un sens, Soljénitsyne est existentialiste : l'homme est ce qu'il décide d'être. Les pages militaires de ce roman sont d'une grandiose poésie. La décision militaire, que ce soit celle du général en chef ou du simple fantassin, est un moment qui fascine Soljénitsyne : le moment de l'abnégation où l'homme, mystérieusement mû, se libère des lois de la pesanteur biologique et cesse de se protéger lui-même. Portraits de capitaines nés, dialogues de guerriers dans la nuit étoilée, complicité émouvante du simple soldat et de son chef, égaux dans le sacrifice de soi, violente satire des Q.G. de généraux incapables et couards : tout s'organise autour d'intenses moments poétiques : la métaphore de l'aire de battage et du fléau de Dieu, empruntée au poète paysan Essenine et celle de la forêt originelle, berceau d'innocence, de pureté, d'émotion liturgique. Dans le chaos de la défaite, des soldats épars regroupés en pleine forêt par le colonel Vorotyntsev reconstituent dans une symbolique clairière l'antique assemblée villageoise russe, le mir.
Cependant la deuxième partie d'Août 14, parue en 1983, apporte à l'économie du livre une retouche gigantesque, un flash-back de trois cents pages, intitulé « Extrait des nœuds précédents. Ce retour va de 1899 à 1914, mais se concentre sur l'assassinat du Premier ministre Stolypine, à Kiev, le 1er septembre 1911. Déséquilibrant le livre, lui conférant un véritable suspens policier, écrit dans un halètement de courtes séquences, cet épisode révèle les difficultés que rencontra Soljénitsyne dans l'élaboration de son œuvre : il introduit, en contrepoint, d'immenses chapitres didactiques, très enlevés, l'un sur Nicolas II – hésitant quoique bien intentionné – l'autre sur Stolypine, le réformateur national cher à Soljénitsyne. Le symbolisme même se modifie. Au duel des regards, moment de la relation interpersonnelle, se substitue la fascination de tous par un seul : l'image du terroriste-funambule montant vertigineusement au mât du cirque. Le funambule Bogrov, l'assassin de Stolypine, est un dandy terroriste qui berne une police corrompue et bureaucratique devant la Russie, changée en arène de cirque.
Dans cette fresque historique, chaque nœud a son rythme propre. Celui d'Octobre 16 est ralenti, à l'image du front où règne l'accalmie. Celui de Mars 17 est haletant, atomisé, le récit dédoublé à l'infini semble une quête unanimiste d'instants éphémères dans la vie des rues de Petrograd en révolte, instants de peur, de lâcheté, de cabotinage sur fond de houle sauvage. Les grands protagonistes de l'histoire, Milioukov ou Kerenski, deviennent des poupées gonflées de mots et vides d'énergie. La trame de la fiction se raréfie, le didactisme grandit. L'auteur, désespérément, cherche les restes de ce qui fut l'homme russe, bon, courageux, tempérant...

Un dialogue libérateur

Ce prophète qui dit non a connu la joie intense que procure précisément le refus. La jubilation de la révolte, le rire de l'esclave affranchi, la mordante ironie de l'imprécateur marquent son œuvre. La première de ses œuvres majeures, dans l'ordre de leur genèse, c'est Le Premier Cercle : transposition à peine romancée du séjour du zek Soljénitsyne dans une des nombreuses prisons-laboratoires où Staline tenait sous clé presque tous les savants de son pays. Cette prison, c'est le premier cercle, celui où Dante situe les sages de l'Antiquité, qui n'ont pas connu le Christ. Le Premier Cercle est un dialogue libérateur entre bagnards-savants. Revenus au point zéro de la condition humaine, ces zeks se libèrent mutuellement par le rire, par le débat philosophique et par le sacrifice de soi. Ils créent une sorte de fraternité les nouveaux rosicruciens et, détachés de la vie réelle, placés par leurs bourreaux dans une situation d'ascèse totale, ils recréent la valeur, la culture, l'égalité humaine. Les chapitres extérieurs à la prison, ceux du monde libre, sont, au contraire, entièrement plongés dans les ténèbres de la peur, de la délation, du mensonge. Le despote suprême, Staline, enfermé dans son caveau du Kremlin, soupçonneux de tous, se condamne lui-même à une existence nocturne, solitaire et apeurée. Le Premier Cercle a été la thérapeutique que Soljénitsyne s'est appliquée à lui-même : un transfert de la peur des victimes sur les bourreaux. Dans l'édition russe corrigée de 1978, cette symbolique est encore plus marquée : en acceptant l'enfermement dans le cercle des purs, le diplomate innocent Volodine échappe aux épouvantes du monde totalitaire. Le cercle des savants-bagnards devient une Arche, semblable à celle de Noé. En ce refuge qu'est la prison acceptée, l'homme se libère intérieurement, tel Épictète ou Marc Aurèle. Et ces nouveaux stoïciens aperçoivent fugitivement le futur Graal chrétien.

Le Dante du goulag

Une journée d'Ivan Denissovitch, dont la parution en 1962 dans le numéro 11 de la revue Novy Mir dirigée alors par Tvardovski révéla le nom de Soljénitsyne à l'univers entier, est une chute du grand roman dialogué et philosophique. Nous sommes au cinquième ou sixième cercle de l'enfer du goulag. Spiridon, l'homme de peine du Premier Cercle, s'appelle ici Ivan Denissovitch. Mais le thème central reste l'affranchissement intérieur de l'homme. Ce n'est plus un intellectuel qui est au centre de la quête de vérité, c'est un simple moujik russe, paysan et maçon. Du lever très tôt au coucher très tard, dans les affres du froid sibérien, la lutte de la brigade pour remplir la norme, la dure compétition pour le maigre brouet alloué, nous voyons Ivan Denissovitch survivre sans déshonneur et même connaître des instants d'une joie intense que procurent la solidarité avec d'autres hommes et la victoire sur soi, sur le froid et la faim dans la célèbre scène du mur que construit le vaillant petit maçon. Débrouillard mais jamais tricheur, serviable, digne, se découvrant majestueusement pour avaler son bol au réfectoire, comme s'il présidait à un repas familial chez lui, Ivan Denissovitch, par le seul fait que la brigade le nomme ainsi, respectueusement, par son prénom et son patronymique – et non par le matricule que les bourreaux font marquer sur ses habits –, représente la victoire de la dignité. Pierre Daix et Jorge Semprun, rescapés des camps nazis, ont dit comme tous les détails de cette journée leur étaient familiers : c'est que la civilisation concentrationnaire est partout la même. Sur son châlit, le soir, Ivan a pour voisin le baptiste Aliocha, et quand Ivan dit à son voisin : Tu as beau prier, c'est pas ça qui te raccourcira ta peine, le baptiste répond par le mot de saint Paul : Réjouis-toi d'être en prison ! car ici, au moins, les ronces ont moins de chance de pousser sur ton cœur.
La publication de ce récit, deux ans avant la chute de Nikita Khrouchtchev, marqua en U.R.S.S. l'apogée de la déstalinisation. Soljénitsyne, ex-bagnard circonspect, avait jusqu'alors soigneusement caché ses écrits. Le voici partiellement dévoilé. Il profite de la brèche pour publier La Maison de Matriona, centrée sur une inoubliable figure de vieille femme fruste qui est une vraie sainte. Mais en 1964 Khrouchtchev est limogé ; commence le long duel entre Soljénitsyne et le pouvoir soviétique.

L'opposition qui consruit

Un duel qui dure dix ans, passe par le refus de publier Le Pavillon des cancéreux, par l'attribution du prix Nobel de littérature 1970 et le bannissement 1974. Ce duel étonnant a marqué notre époque, comme autrefois ceux d'un Voltaire ou d'un Tolstoï avec les pouvoirs de leur temps. Ancien zek, Soljénitsyne a l'obstination d'un homme qui revient de l'Enfer, mais il a aussi la célébrité que le pouvoir lui a lui-même conférée en 1962 en publiant son fameux récit, aveu définitif de l'existence des camps au pays du socialisme. Le pouvoir soviétique est pris de court par un individu dont les faits et gestes ne sont pas calculés en fonction du principe de prudence.
En outre, le phénomène Soljénitsyne s'inscrit dans le phénomène plus vaste de la dissidence, qui ne sera liquidée, grosso modo, que vers 1975. Dans cette lutte, Soljénitsyne se révèle un extraordinaire tacticien : il sait choisir lui-même le moment pour asséner les coups. De plus, infatigable, il rédige alors, dans une retraite clandestine, L'Archipel du Goulag, qu'il envoie clandestinement en Occident et donne ordre de publier en 1973.
La chronique de cette lutte, il l'a écrite dans un livre dont le titre fait allusion à un proverbe russe : Le Chêne et le Veau. Écrit au fur et à mesure des rebondissements de la lutte mortelle entre un écrivain et un pouvoir, Le Chêne et le Veau a la respiration haletante du danger et de l'audace. L'auteur lui a ajouté en 1992 une belle galerie de portraits : Les Invisibles, ceux et surtout celles qui l'aidèrent dans sa lutte. Jamais combat littéraire n'a été aussi instantanément traduit en œuvre littéraire. Chronique de la décennie du « dégel », magistral et émouvant portrait de Tvardovski – lutteur enchaîné, comparable au Samsonov d'Août 14 –, tour à tour invocation de Dieu, prière ou déploration à l'instant d'abandonner le sol et la beauté russes, Le Chêne et le Veau, en marge du reste de l'œuvre de Soljénitsyne, est la meilleure introduction à cette œuvre ; comme Passé et méditation de Herzen, il est l'écriture faite combat.

L'Archipael du goulag

L'Archipel du Goulag, lui, est un gigantesque édifice qui se veut chronique, description historique, géographique, ethnographique du monde concentrationnaire, engendré par la révolution russe. Aidé par les témoignages secrets de nombreux rescapés des camps, Soljénitsyne s'est senti le porte-parole de millions de morts, de toute une humanité engloutie. Mais son livre est néanmoins l'œuvre d'un auteur bien présent. Elle a pour sous-titre : Essai d'investigation artistique », titre que Soljénitsyne a en quelque sorte explicité dans son Discours du Nobel. Et ce sens est double : d'une part, seul l'art – avec son ordonnancement émotionnel, poétique, ironique – peut pallier l'absence de documents, déjouer le systématique engloutissement d'une part énorme de la vérité humaine ; d'autre part, cet immense drainage de souffrances, cet archipel de l'inhumain sécrète, en définitive, une sorte de beauté. Et, en effet, Soljénitsyne, au terme d'une enquête aussi minutieuse que grondante de colère, nous montre une floraison de martyrs et de saints, preuve que le camp ne produit pas que de l'inhumain. Là, il polémique implicitement avec les autres grands chroniqueurs des camps : un Élie Wiesel pour les camps nazis, un Chalamov pour les camps soviétiques. Le camp, cette ascèse absolue, débroussaille définitivement l'âme. Un des chapitres les plus grandioses de cette Odyssée est celui qui décrit les révoltes dans les camps, en particulier les quarante jours de Kenguir. Porté par un souffle épique, cachant l'émotion sous la gouaille et l'ironie, Soljénitsyne y célèbre la naissance authentique d'un non au nouvel asservissement, un non naïf, primitif, quasi enfantin, originel.

Le pavillon des cancéreux

Ainsi, le monde entier lisait Le Pavillon des cancéreux, récit poétique sur la convalescence de l'homme, tandis que son auteur achevait les sept livres de L'Archipel et, cette besogne finie, enchaînait sur un gigantesque roman historique, entrevu dès l'âge de dix-huit ans, intitulé La Roue rouge et dont le premier nœud, Août 14, parut en 1971, suivi de chapitres tirés des nœuds suivants, encore inédits, groupés autour de Lénine à Zurich. Cette fresque historique, primitivement conçue en vingt nœuds, n'en comporte en définitive que quatre Août 14, Octobre 16, Mars 17, Avril 17, qui totalisent néanmoins six mille six cents pages. Le récit s'arrête en avril 1917 (allant jusqu'au retour de Lénine à Petrograd car, nous dit l'auteur, le poids spécifique s'est déplacé vers la révolution de Février 1917, à un moment où tout est déjà joué, c'est-à-dire perdu : Le putsch d'Octobre, déjà en avril, se dessine comme inéluctable. Néanmoins, en appendice, l'auteur fournit au lecteur un synopsis de la suite à laquelle il a renoncé, et qui conduisait jusqu'en 1945. Ainsi cet énorme vaisseau d'écriture est-il lesté d'une quille inachevée, virtuelle si l'on ose dire, ce qui en fait une sorte d'hapax dans la longue histoire du roman européen...

Une journée d'Ivan Denissovitch, livre de Alexandre Soljénitsyne


En 1962 Alexandre Soljénitsyne, un inconnu, envoie le manuscrit d'un récit écrit trois ans plus tôt à la revue soviétique réputée libérale, Novy Mir, Monde nouveau. Son directeur, Alexandre Tvardovski, obtient l'imprimatur de Nikita Khrouchtchev lui-même, qui, s'il est loin d'être un libéral, entend utiliser le livre contre ses adversaires conservateurs. Les lecteurs russes s'arrachent Une journée d'Ivan Denissovitch.
En France, les communistes organisent aussitôt la traduction et le lancement du livre qui, préfacé par Pierre Daix, connaît un grand succès. L'opération, supervisée par Aragon et Elsa Triolet, vise à faire croire que l'U.R.S.S. a changé, que le stalinisme fut une déviation ou une erreur mais que le régime fondé par Lénine est foncièrement sain. En fait, les communistes ne vont pas pouvoir longtemps contrôler la réception du récit. Un fait est désormais acquis : il a existé un système concentrationnaire de masse au pays des soviets.
C'est la vérité qui compte, écrit Soljénitsyne, il faut écrire pour que tout cela ne soit pas oublié, pour qu'un jour nos descendants l'apprennent. Rescapé de huit saisons en enfer, huit années au Goulag, l'écrivain sait quelles limites il lui est interdit de franchir : il a consenti à toutes les coupes que le pouvoir lui demandait. L'essentiel était que le livre paraisse et fasse son chemin. Il faudra attendre 1973 pour que le texte original soit connu et fasse l'objet d'une traduction plus fidèle que la première

Le quotidien concentrationnaire

Une journée d'Ivan Denissovitch est un récit semi-autobiographique, linéaire et laconique dont le titre indique clairement le contenu. Il ne se passe rien d'extraordinaire dans les quelque dix-huit heures de cette journée d'Ivan Choukhov : réveil, soupe à la cantine, appels et contre-appels, travail dans le froid, retour à la baraque. Des journées comme ça – conclut le narrateur – dans sa peine, il y en avait, d'un bout à l'autre, trois mille six cent cinquante-trois.
Le personnage focal du récit est un paysan russe qui fut soldat de deuxième classe. Du moujik tolstoïen, Ivan Choukhov a gardé quelques traits caractéristiques. Il est fruste, superstitieux mais roublard. Il aime la belle ouvrage et respecte son chef de brigade, mais il chaparde des suppléments. Ce n'est pas un révolté, il ne comprend pas ce qui lui est arrivé. Ce n'est pas non plus un héros soviétique : il reste complètement étranger à l'idéologie officielle. Coupé des siens, il vit au présent et économise ses forces. L'essentiel est qu'il a su garder sa dignité. C'est pourquoi il a des chances de survivre.
D'autres figures traversent le récit, l'ex-commandant Bouynovski châtié pour s'être rebellé, César le planqué, Aliocha le baptiste. L'échantillon de la population concentrationnaire ruine le mensonge de la propagande officielle. Il n'y a là que des anciens prisonniers de guerre, des croyants, des paysans, des Baltes, des Ukrainiens. Leur culpabilité est sociologique ou ethnologique. Le seul délinquant de droit commun avéré se retrouve, comme par hasard, chef de baraque. Quand les Choukhov se comptent par millions, le pouvoir est contre le peuple, suggère Soljénitsyne.

Un regard sociologique

Le narrateur porte un regard sociologique sur le camp. Il dépeint au quotidien des mécanismes de domination et d'exploitation, une bureaucratie parasitaire, quelques brutes mais pas de tortionnaires. Les détenus les zeks ont perdu leur identité. Ce sont de simples matricules, taillables et corvéables à merci. Quelques-uns, en échange de menus privilèges, se font les auxiliaires zélés de l'administration ; les plus nombreux triment, mal nourris, dans le cadre d'une brigade. Au-delà du camp, Soljénitsyne donne de la société soviétique une image impitoyable : le mensonge, la gabegie, l'irresponsabilité et la corruption y règnent sans partage.
Le romancier livre une tranche de vie et s'interdit tout commentaire inutile. Il donne la priorité à la transmission de son expérience. Ignorant les recherches modernistes de ses contemporains occidentaux comme les médiocres platitudes du réalisme socialiste, le mémorialiste du Goulag s'inscrit dans la tradition du XIXe siècle, marquée notamment par les Récits de la maison des morts 1861-1862 de Dostoïevski. Il choisit une focalisation interne et restreinte. L'économie du récit est d'une rigueur extrême. Le récit n'est pas découpé en chapitres, l'espace-temps est resserré. Des détails concrets restituent l'univers oppressant d'un camp que Soljénitsyne transforme en métaphore de la société totalitaire.
Les traductions rendent malaisément le travail stylistique de l'auteur. S'étant dégagé de l'idiome idéologico-politique officiel, de la langue de bois , Soljénitsyne a forgé une langue populaire mi-écrite mi-orale, truffée de mots anciens, d'argotismes et de dialectalismes. Les ellipses et les discontinuités font éclater le moule de la syntaxe classique. Aux slogans officiels, le narrateur sarcastique oppose des dictons anciens ou fabriqués et des énoncés à l'humour ravageur.

Œuvres

L'œuvre d'Alexandre Soljenitsyne entend révéler la double injustice faite aux millions de Russes victimes d'un État traître à son propre peuple : celle de l'exil et des camps du Goulag et souvent de la mort, sans justice ni culpabilité, mais aussi l'injustice du silence et de l'oubli. Ainsi, L'Archipel du Goulag rapporte le témoignage de quelque 220 victimes, part infime du flot des déportés. La datation des œuvres d'Alexandre Soljenitsyne est difficile à établir avec précision, la plupart d'entre elles ayant connu une gestation très longue et plusieurs versions y compris parfois une réécriture quasi complète. En ce sens, l'exergue placé au début du Premier Cercle est significatif : Écrit de 1955 à 1958. Défiguré en 1964. Réécrit en 1968.

Une journée d'Ivan Denissovitch 1962
La Maison de Matriona 1963, qui contient aussi L'Inconnu de Krétchétovka et Pour le bien et la cause recueil de nouvelles
Le Pavillon des cancéreux 1968
Les Droits de l'écrivain 1969
Le Premier cercle commencé en 1955, version finale en 1968
La fille d'amour et l'innocent pièce en 4 actes et 11 tableaux 1971
Zacharie l'escarcelle 1971 nouvelles
Août quatorze, premier nœud (série de livres nœuds en plusieurs volumes tomes)réédités en 1983 sous le titre commun La Roue rouge 1972
L'Archipel du Goulag tomes I et II 1974
Le chêne et le Veau 1975
Discours américains 1975
Des voix sous les décombres 1975
Lénine à Zurich 1975
L'Archipel du Goulag tome III 1976
Flamme au vent, théâtre 1977
Le Déclin du courage 1978
Message d'exil 1979
L'Erreur de l'Occident 1980
Les Tanks connaissent la vérité 1982
Nos pluralistes 1983
La Roue rouge, tome 2 : Deuxième nœud - Novembre seize 1985
Comment réaménager notre Russie ? 1990
Les Invisibles 1992
La Roue rouge, tome 3 : Troisième nœud - Mars dix-sept 4 tomes 1993-1998
Le Problème russe à la fin du XXe siècle 1994
Ego, suivi de Sur le fil récits 1995
Nos jeunes récits 1997
Le Grain tombé entre les meules 1998, éd. Fayard, 500 pages.
La Russie sous l'avalanche 1998
Deux récits de guerre 000
Deux siècles ensemble, 1795-1995, tome 1 : Juifs et Russes avant la révolution 2002
Deux siècles ensemble, 1917-1972, tome 2 : Juifs et Russes pendant la période soviétique 2003
Esquisses d'exil – Le grain tombé entre les meules, tome 2, 1979-1994, traduit du russe par Françoise Lesourd, 2005
Aime la révolution !, roman inachevé 2007
Réflexions sur la révolution de février, 2007
Une minute par jour, entretiens 2007
La Roue rouge : Quatrième nœud : Avril dix-sept 2009

Récompenses, distinctions, Prix

Prix Nobel de littérature, 1970
Prix Templeton, 1983
Ordre de Saint-André, 199841
Grand Prix de l'Académie des sciences morales et politiques, 2000
Docteur Honoris Causa de l'Université d'État de Moscou
Ordre de l'Étoile de Roumanie, 2008 à titre posthume

Liens

http://youtu.be/WH0zW5rBtJo Une journée d'Ivan Denissovitch H. Guillemin
http://youtu.be/X6FJM-Ncb44 Prophète ou réactionnaire
http://youtu.be/q5ZBKIpxn3o A propos de l'occident
http://youtu.be/s5jjU8YCqRc Et l'occident apostat
http://youtu.be/MQrL7jDEfc4 Dialogue
http://youtu.be/ot281lb91_8 Chez Pivot
http://youtu.be/1EuCtcBHsL4 Le courage d'écrire
http://youtu.be/t6pULYct-OA A propos de sa méthode de travail
http://youtu.be/7Vqf5zYzxvo Dans sa maison de Cavendish
http://youtu.be/WypcADANOXw a propos de sa célébrité
http://youtu.be/U6Kp3yoyAEI A propos de son écriture en occident
http://youtu.be/pN9t8q0ypJU interview


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Posté le : 01/08/2014 16:53
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Le 27 juillet 1824 à Paris naît Alexandre Dumas fils

romancier et auteur dramatique français, mort à 71 ans, le 27 novembre 1895 à Marly-le-Roi, Il fut comme son père un auteur à grand succès. Il est connu principalement pour son roman La Dame aux camélias, ainsi que pour ses deux pièces Le Fils naturel et Un père prodigue.

En bref

Un des fondateurs de la pièce à thèse, c'est-à-dire d'un drame bourgeois réaliste mettant en scène quelque problème social et suggérant des solutions, Dumas fils, enfant illégitime d'Alexandre Dumas père, avait hérité de ce dernier, mais dans un genre totalement différent, une grande fécondité littéraire. Son premier succès fut un roman, La Dame aux camélias 1848, adapté pour la scène en 1852 ; Verdi en tira La Traviata 1853. Dumas fils se détourna des passions exacerbées du drame romantique pour créer, avec La Dame aux camélias, la comédie de mœurs. Le succès de cette pièce tient à la fusion entre un romantisme passionnel lyrique et l'observation déjà réaliste des modes de vie et des problèmes de la société contemporaine. L'héroïne, Marguerite Gautier, quittant sa vie de demi-mondaine entretenue pour vivre un amour difficile et pathétique qui se clôt sur une mort soudaine, acquiert, d'emblée, une force d'émotion dramatique supérieure à celle de nombre d'héroïnes romantiques, qu'elle éclipsa. Influencé par Diderot, Dumas fils, partisan d'un théâtre utile, introduisit dans ses pièces de longs discours moralisateurs sur le caractère sacré de la famille et du mariage : Le Demi-Monde joué en 1855, par exemple, traite de la menace que constituent les prostituées pour l'institution du mariage. Il attira aussi l'attention sur la triste situation des enfants illégitimes et des filles perdues, et provoqua souvent de la sorte un certain scandale. Parmi ses pièces les plus intéressantes figurent Le Fils naturel 1858 et Un père prodigue 1859.
Si le public moderne ne goûte plus guère l'aspect sentencieux et prolixe de son théâtre, les critiques de la fin du XIXe siècle en vantaient précisément le côté sérieux et moralisateur.

Sa vie

Fils d'Alexandre Dumas et de sa voisine de palier, Catherine Laure Labay 1793-1868, il fut placé très tôt en pension. Il fut déclaré enfant naturel, de père et de mère inconnus. Son père le reconnut en mars 1831, alors qu'il est âgé de sept ans. Il garda toute sa vie un profond ressentiment envers lui, lequel se manifesta dans ses œuvres, marquées par le thème de la désagrégation de la famille et inspirées par un certain moralisme et une certaine ténacité. Il parvint tout de même à surmonter sa détresse.
Il souffre d'être un fils naturel en butte aux quolibets de ses camarades de pension et lamentablement ballotté jusqu'au sein des tribunaux, entre père et mère.
À 18 ans, il se jette à corps perdu dans une existence désordonnée et voluptueuse qu'il partage avec nombre de courtisanes brillantes. De bacchanales en plaisirs d'alcôve, il évolue dans un monde interlope où il fait la seule chose que son père lui avait enseignée : des dettes. Il y parvient si bien qu'il est contraint de suivre jusqu'au bout la voie tracée : après un volume de vers Péchés de jeunesse, 1847, il se tourne vers le roman avec Aventure de quatre femmes et d'un perroquet 1847, bientôt suivi de la Dame aux camélias 1848, qui, inspiré de la vie de Marie Duplessis, développe le thème romantique de la bayadère à laquelle de nombreux amants n'ont su faire connaître l'amour.Mais l'adaptation à la scène la Dame aux camélias en 1852 sera l'un des triomphes les plus éclatants du siècle. Désormais, hormis quelques brochures exposant les théories mises en situation dans ses drames l'Homme-femme, 1872 ; la Question du divorce, en 1880, Dumas fils n'écrira pratiquement plus que pour la scène : quand, après quelques modifications, la Dame aux camélias devient la Traviata, il est mondialement connu ; son œuvre est la première à s'imposer depuis le coup d'État et l'on veut voir en lui le fondateur d'une nouvelle dramaturgie. La comédie de mœurs est née et la vogue de cette fusion, difficilement supportable, du romantisme passionnel et de l'observation sociale à fins édifiantes durera le temps d'un régime.
Dumas fils est certainement parmi ses contemporains celui qui croit le plus en la puissance du théâtre, et c'est pour les prémunir contre les attraits dangereux d'un demi-monde où se côtoient verts galants quinquagénaires et femmes aux conjoints invisibles qu'il leur peint dans ses moindres détails cette société où les hâbleries les plus machiavéliques se dissimulent avec grâce dans les dentelles des belles dames et où, parfois, se fourvoient l'innocence et la naïveté. Apôtre de la réhabilitation de la jeune fille séduite et de l'enfant né des amours illégales, il travaille la formule le Demi-monde, 1855 ; Un père prodigue, 1859 ; l'Ami des femmes, 1864 ; Une visite de noces, 1871 ; la Femme de Claude, 1873 et complète son œuvre dramatique par de longues préfaces. Dans celle du Fils naturel 1858, il déclare : Par la comédie, par la tragédie, par le drame, par la bouffonnerie, dans la forme qui nous conviendra le mieux, inaugurons le théâtre utile, au risque d'entendre crier les apôtres de l'art pour l'art, trois mots absolument vides de sens.
Admirateur de George Sand, qu'il appelait sa chère maman, il fit de nombreux séjours dans sa propriété de Nohant et adapta pour la scène son roman Le Marquis de Villemer. Il vécut avec la princesse Narychkine, née Nadejda von Knorring 1826-1895 dite Nadine dont il eut une fille née hors mariage : Marie-Alexandrine-Henriette 1860-1934 reconnue en 1864 ; et une fille après son mariage : Olga-Marie-Jeanne, dite Jeannine 1867-1943, future épouse du polytechnicien Ernest Lecourt d'Hauterive 1864-1957. Alexandre Dumas et Nadine ne purent se marier que le 31 décembre 1864, après la mort du prince Narychkine. Cette liaison était désapprouvée par la société bien pensante. Deux mois après la mort de Nadine Dumas, il épouse Henriette Escalier, née Régnier, et meurt peu après. Il se lie d'amitié avec Jules Verne qui lui dédicace en 1885 son roman Mathias Sandorf, transposition balkanique du Comte de Monte-Cristo. À cette occasion, Dumas fils lui répond qu'il l'a toujours considéré comme le véritable fils de son père, Alexandre Dumas. Les deux lettres figurent en introduction du roman de Jules Verne.

Il fut élu à l'Académie française en 1874. Sa mort survint le 27 novembre 1895 dans sa propriété des Yvelines, à Marly-le-Roi, et il fut inhumé au cimetière de Montmartre à Paris.
Porte-parole des causes singulières
Très marqué par son enfance douloureuse et son illégitimité, il se fera le porte-parole des causes singulières et dénoncera les faits de société choquants.
Dans Le Fils naturel1 ou Un Père prodigue, il critique vivement le sort réservé par la société aux femmes délaissées et aux enfants illégitimes. C'est pourquoi il fut catalogué comme auteur à scandales. Pour autant, l'écrivain se fera promoteur de la contestable Loterie des lingots d'or organisée par le pouvoir en 1851.
Il écrit en 1872 La Question de la femme pour l'association de L'Émancipation progressive de la femme, créée par Arlès-Dufour et Julie-Victoire Daubié.
Ce texte, préfacé par la journaliste Julie-Victoire Daubié, sera interdit au colportage en 1873. Cet engagement n'empêcha pas Dumas fils d'écrire à propos des femmes révolutionnaires de la Commune les "Pétroleuses " : " Nous ne dirons rien de ces femelles, par respect pour les femmes à qui elles ressemblent quand elles sont mortes"

Distinction

Chevalier de la Légion d'honneur le 14/8/1857, officier le 7/8/1867, commandeur le 13/7/1888, grand officier le 29/12/1894

Jugements

Venu après l’affreux théâtre pharmaceutique et procédurier d’Alexandre Dumas, ce Cyrano fut un rafraîchissement, un délicieux verre de vin parfumé et glacé après une longue course dans la poussière des chemins.
Remy de Gourmont dans Le Bonheur littéraire : M. Edmond Rostand, Promenades littéraires, 1re série.
Je n'aime guère le talent de M. Alexandre Dumas fils. C'est un écrivain extrêmement surfait, de style médiocre et de conception rapetissée par les plus étranges théories. J'estime que la postérité lui sera dure. 1876
Émile Zola (Œuvres complètes, Vol. X11, p. 627).
Il a été un des ouvriers les plus puissants du naturalisme contemporain. Puis, il s'est déclaré en lui une sorte d'accès philosophique, qui a empoisonné et détraqué ses œuvres. 1879
Émile Zola

Œuvres

Alexandre Dumas se distingue avec l'écriture de La Dame aux camélias, dont le théâtre réaliste, pour ne pas dire vériste, s'empara.
« La Dame aux camélias »,
Principaux romans
Aventures de quatre femmes et d’un perroquet (1847)
Césarine (1848)
La Dame aux camélias (1848) (ISBN 2-87714-205-1) (Texte en ligne (Gallica)), dont une version illustrée par Albert Besnard
Le Docteur Servan (1849)
Antonine (1849)
Le Roman d’une femme (1849)
Les Quatre Restaurations. Série de romans historiques parue en feuilletons dans La Gazette de France sous les titres Tristan le Roux, Henri de Navarre, Les Deux Frondes (1849-1851)
Tristan le Roux (1850)
Trois Hommes forts (1850)
Histoire de la loterie du lingot d'or (1851)
Diane de Lys (1851)
Le Régent Mustel (1852)
Contes et Nouvelles (1853)
La Dame aux perles (1854)
L'Affaire Clemenceau, Mémoire de l'accusé (1866), dont une version illustrée par Albert Besnard
L'Homme-femme (1872)

Principales pièces et adaptations théâtrales

Le Bijou de la reine, comédie en vers en un acte (1845)
Le Verrou de la reine, Paris, Théâtre-Historique, 1848, puis théâtre du Gymnase, 1873.
Atala, scène lyrique, musique de Varney, Paris, Théâtre-Historique, 1848.
La Dame aux camélias, Paris, Le Vaudeville, 2 février 1852.
Diane de Lys, Paris, théâtre du Gymnase, 15 novembre 1853.
Le Demi-Monde, Paris, théâtre du Gymnase, 20 mars 1855.
La Question d’argent, Paris, théâtre du Gymnase, 31 janvier 1857.
Le Fils naturel, Paris, théâtre du Gymnase, 16 janvier 1858. Texte en ligne (Gallica) : visualiseur.bnf.fr
Un père prodigue, Paris, théâtre du Gymnase, 30 novembre 1859.
L’Ami des femmes, Paris, théâtre du Gymnase, 5 mars 1864. Texte en ligne (Gallica) : visualiseur.bnf.fr
Les Idées de Mme Aubray, Paris, théâtre du Gymnase, 16 mars 1867.
Une visite de noces, Paris, théâtre du Gymnase, 16 octobre 1871.
La Princesse Georges, Paris, théâtre du Gymnase, 2 décembre 1871.
La Femme de Claude, Paris, théâtre du Gymnase, 16 janvier 1873. Texte en ligne : epelorient.free.fr
Monsieur Alphonse, Paris, théâtre du Gymnase, 26 novembre 1873.
L’Étrangère, comédie en quatre actes, Paris, Théâtre-Français, 14 février 1876.
La Princesse de Bagdad, pièce en trois actes, Paris, Théâtre-Français, février 1881.
Denise, pièce en quatre actes, Paris, Théâtre-Français, 19 janvier 1885.
Francillon, pièce en trois actes Paris, Théâtre-Français, 17 janvier 1887.

Principales collaborations théâtrales

Avec George Sand : Le Marquis de Villemer, Paris, théâtre de l'Odéon, février 1864.
Avec Émile de Girardin : Le Supplice d’une femme, Paris, Théâtre-Français, 29 avril 1865.
Avec Armand Durantin : Héloïse Paranquet, Paris, théâtre du Gymnase, 20 janvier 1866.
Avec H. Lefrançois : Le Filleul de Pompignac, comédie en quatre actes, Paris, théâtre du Gymnase, 1869.
Avec Pierre de Corvin : Les Danicheff, drame en cinq actes, Paris, théâtre de l'Odéon, février 1876.
Avec Gustave-Eugène Fould: La Comtesse Romani, comédie en trois actes, Paris, théâtre du Gymnase, novembre 1876.
Avec Alexandre Dumas : La Jeunesse de Louis XIV, Paris, théâtre de l'Odéon, 1874.
Avec Alexandre Dumas : Joseph Balsamo, drame inédit en cinq actes, Paris, théâtre de l'Odéon, mars 1878.
Essais
La Question du divorce, éditeur Calmann Lévy, 1880, 417 pages : Réfutation de Famille et Divorce de l'Abbé Vidieu (édit. E. Dentu, 1879)
Les femmes qui tuent et les femmes qui votent, éditeur Calmann Lévy, 1880, 216 pages. Texte en ligne (Gallica) : permalien

Œuvres réunies

Théâtre complet avec préfaces inédites (1868-1879) (6 vol.). Édition augmentée, dite des Comédiens (1882-1886) (6 vol.).
Entr’actes (1878-1879) (3 vol.) Écrits de jeunesse.


Liens
http://www.ina.fr/video/CPF86634887/a ... dre-dumas-fils-video.html Alexandre Dumas jils par André Roussin
http://youtu.be/5lgYic3cdEQ La dame aux camélias film Polonais
http://youtu.be/J91tw_80LVg La dame aux camélias en Espagnol

http://youtu.be/49UZa0TO2zQ La traviata version musical de la Dame aux camélias




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Posté le : 25/07/2014 22:57

Edité par Loriane sur 26-07-2014 19:35:27
Edité par Loriane sur 27-07-2014 13:35:28
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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