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Claude Tillier
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Le 12 octobre 1844, à 43 ans, à Nevers dans la Nièvre meurt Claude Tillier

né à Clamecy Nièvre le 11 avril 1801, instituteur, pamphlétaire et romancier français, principalement connu comme auteur du roman Mon oncle Benjamin.

En bref

Ses pamphlets sont ancrés dans le Nivernais où, pour sa verve incisive, son style libre et truculent, ce Rabelais moderne jouit d'une grande notoriété. Il donne son chef-d'œuvre avec Mon oncle Benjamin 1841. À travers quelques épisodes tantôt vifs et amusants, tantôt émouvants, cette chronique de la vie de province au XVIIIe s., hardie et narquoise, mais tendre parfois, a le charme désuet des fabliaux.

Sa vie

Fils d'un serrurier, il réussit à faire des études au lycée de Bourges grâce à une bourse accordée par la ville de Clamecy. Après le baccalauréat, il travaille comme maître d'études, d'abord à Soissons, puis à Paris. Il raconte dans ses mémoires comment son bouquet de rhétorique au côté, comme un domestique à la Saint-Jean, il alla offrir ses services aux revendeurs de grec et de latin de la capitale.
Il finit par être renvoyé. En 1821, il est tiré au sort et effectue un service militaire de cinq-six ans où il est en Espagne.
À son retour à Clamecy, il se marie et est nommé instituteur. Il comptera parmi ses élèves un certain Amédée Jullien.
Il est directeur d'une école publique mais les méthodes d'enseignement ne lui conviennent pas alors il ouvre une école privée.
Parallèlement, il fonde avec d'autres le journal L’Indépendant en 1831, puis participera à L’Association, un journal démocratique de Nevers pour lequel il écrit ses premiers pamphlets et aussi des feuilletons. Ses prises de position contre les notables locaux lui coûtent son poste de directeur d'école.

Il meurt d'une maladie de poitrine et est inhumé à Nevers.

Publications

Des écrits de Claude Tillier, certains sont parus de son vivant seulement dans des journaux et n'ont été édités qu'après sa mort.

Éditions anciennes

De choses et d'autres. Vingt-quatre pamphlets, C. Sionest, Nevers, 1843
Belle-Plante et Cornélius, 1841
Mon Oncle Benjamin, 1843
Œuvres, C. Sionest, Nevers, 1846, préface de Félix Pyat.
Mon oncle Benjamin
Belle-Plante et Cornelius ; Comment le chanoine eut peur, comment le capitaine eut peur
. Pamphlets
Éditions récentes
Œuvres complètes en trois volumes, Slatkine éditeur, Genève et Paris, 1985. Présentées de Roger Martin.
I. Mon oncle Benjamin ; De l'Espagne. 414 p
II. Belle-Plante et Cornélius ; Comment le Chanoine eut peur, comment le Capitaine eut peur ; Poésie. 388 p.
III. Pamphlets. 668 p.

Citations

Les valets applaudissent toujours aux orgies des maîtres, quand ceux-ci laissent du vin dans les bouteilles.
Pamphlets.
Je ne sais pas, en vérité, pourquoi l'homme tient tant à la vie. Que trouve-t-il donc de si agréable dans cette insipide succession des nuits et des jours, de l'hiver et du printemps ? Mon oncle Benjamin, chapitre I. Ces phrases émanent du narrateur, le neveu6 de Benjamin.
Quiconque a semé des privilèges doit recueillir des révolutions.
Mon oncle Benjamin, chapitre III. La phrase est prononcée par Benjamin au terme d'une longue tirade contre la noblesse
" Pourquoi donc, en effet, le riche serait-il plus heureux que le pauvre ? Il ne travaille point ; eh bien ! il n'a pas le plaisir de se reposer." Mon oncle Benjamin, chapitre III.

Hommages publics

Monument avec le buste en bronze de Claude Tillier à Clamecy, rue du Grand-Marché, inauguré le 17 septembre 1905 en présence de Jules Renard qui prononce le discours d'inauguration et de Jean-Baptiste Bienvenu-Martin, ministre de l'Instruction publique. Le monument est l'œuvre du sculpteur Emile Boisseau.
En avril 1941, le buste, menacé de destruction par l'occupant, est caché par des résistants ; il est remis en place le 12 septembre 1944.
Rue Claude Tillier à Paris 12ème arrondissement, Nevers, Clamecy, Grenois Nièvre
Collège Claude Tillier à Cosne-sur-Loire Nièvre
École Claude Tillier à Nevers, Clamecy

Autres

Georges Brassens disait : Quiconque n'a pas lu Mon Oncle Benjamin ne peut se dire de mes amis.

En 1969, Édouard Molinaro réalise une adaptation cinématographique de Mon oncle Benjamin avec Jacques Brel dans le rôle principal, Claude Jade et Bernard Blier.

Liens
http://www.ina.fr/video/CPF86626070/mon-oncle-benjamin-video.html Théatre de la jeunesse
http://youtu.be/fyaiSe7rVQI Mon oncle Benjamin extrait
http://youtu.be/z0x9vZ6cF8o Mon oncle Benjamin


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Posté le : 11/10/2014 00:35

Edité par Loriane sur 12-10-2014 15:56:54
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Louis Hémon
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Le 12 octobre 1880, à Brest, naît Louis Hémon,

écrivain français, mort à Chapleau dans l'ontarion le 8 Juillet 1913. Il doit sa célébrité à son principal roman Maria Chapdelaine écrit en 1912-1913 au Québec et publié après sa mort accidentelle à 32 ans, d'abord en feuilleton au début de 1914 à Paris, puis en volume au Québec en 1916 avant la version définitive qui parut aux éditions Grasset en 1921. Le roman connut un immense succès commercial et Louis Hémon reste l'écrivain emblématique du Canada francophone par son évocation mythique des humbles paysans défricheurs du début du XXe siècle et de la terre québécoise. Il est d'ailleurs très régulièrement intégré aux listes des écrivains canadiens français, mais un peu abusivement puisque Louis Hémon a vécu moins de deux ans au Canada, d'octobre 1911 à juillet 1913.

En Bref

Journaliste sportif publiant aussi des nouvelles, il se rend en 1911 au Canada, où il meurt accidentellement. Il venait d'envoyer en France le manuscrit de Maria Chapdelaine, publié en feuilleton en 1914, avant de l'être en volume, à Montréal en 1916, à Paris en 1921. La célébrité de ce roman, qui exprime la communion profonde de l'homme et de la nature, occultera ses autres récits : la Belle que voilà 1923, Colin-maillard 1924, Monsieur Ripois et la Némésis, 1950 et Battling Malone, pugiliste 1925.

Sa vie

Né en Bretagne dans une famille de l'élite républicaine, Louis Hémon est le dernier enfant, après Félix et Marie, de Louise, née Le Breton, et de Félix Hémon. Le père, ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de lettres classiques, est un ardent républicain qui a distribué sous le manteau des poèmes des Châtiments et correspondu avec Victor Hugo. Le professeur Hémon se fait remarquer par l'Académie française qui lui décerne en 1878 son Prix annuel d'éloquence pour son Éloge de Buffon. En 1882, Félix Hémon, muté à Paris, quitte sa Bretagne natale ; Louis est alors âgé de deux ans, il va donc passer son enfance et sa jeunesse à Paris.
De son père, professeur devenu pendant un an chef de cabinet d'Armand Fallières au ministère de l'Instruction publique, puis inspecteur général, qui écrit un Cours de littérature, le fils hérite d'un goût littéraire certain. Le jeune Louis apprécie et lit Hugo, comme son père, mais également des auteurs moins classiques, Verlaine, Maupassant, Kipling. Il aime aussi le sport, pratique la course à pied, le rugby, le canoë, la natation et la boxe.
Ses études ne le passionnent pas, il les subit : jeunesse terne - dix ans d'externat dans un lycée noir - études sans éclat - toute combativité disparaît devant la lente oppression du thème grec » écrit-il dans un auto-portrait publié à la une du quotidien sportif Le Vélo. Tout en menant ses études en droit à la Sorbonne, il apprend l'annamite, vietnamien avec l'espoir de partir un jour en Extrême-Orient. Après l'obtention de sa licence, il s'acquitte de son service militaire qui lui déplaît tout autant que ses études. Il ne suit pas les traces de son frère aîné, officier de marine, qui meurt subitement en 1902 d'une typhoïde foudroyante à son retour de campagne en Cochinchine. Admis au concours de l'administration coloniale mais affecté en Algérie, Louis Hémon décide de partir... pour Londres, renonçant ainsi à son concours et à une carrière diplomatique au grand dam de sa famille.

Chroniqueur sportif à Londres puis écrivain

Dans la capitale britannique, Louis Hémon se découvre écrivain grâce au sport. En effet, son entrée en littérature se fait par les journaux sportifs, en particulier Le Vélo dans lequel est publié, le 1er janvier 1904 son texte La Rivière, classé premier au concours de nouvelles organisé par le quotidien.
Dès cette date, Louis Hémon devient correspondant du Vélo à Londres et publie régulièrement des chroniques sportives mais aussi des récits. Sous le chroniqueur sportif perce l'écrivain. Pour assurer sa subsistance, il exerce divers travaux alimentaires qui ne l'intéressent pas spécialement mais qui lui permettent d'observer les êtres croisés au cours de ses déambulations lorsqu'il est représentant de commerce, ou les collègues fréquentés dans les bureaux. Ce qui compte désormais pour lui, c'est écrire.

L'écrivain de Londres

Rapidement, Louis Hémon déborde du cadre sportif et ses nouvelles s'ancrent dans la capitale anglaise dont il donne à voir la misère en observateur sensible du quartier pauvre, l'East End. Une nouvelle plus longue, publiée en feuilleton du 3 au 8 mars 1908 dans le journal parisien Le Temps, Lizzie Blakeston, suggère l'évolution de l'écrivain, mûr désormais pour le long cours.
Son premier roman, Colin-Maillard date de 1908-1909 d'après les évènements politiques relevés ; le suivent deux autres romans, l'un consacré à la boxe Battling Malone, pugiliste et un autre, très marqué par Bel-Ami de Maupassant, Monsieur Ripois et la Némésis. Certains affirment que ce dernier roman, très différent, pourrait évoquer la vie amoureuse de Louis Hémon à travers les rencontres que lui permettent divers emplois.
L'auteur y raconte l'existence d'Amédée Ripois, minable employé français d'une banque londonienne, qui n'a en tête que le désir de vivre le plus possible d'expériences amoureuses. Ces expériences sont toujours menées avec cynisme, jusqu'à ce que sa rencontre avec Ella lui fasse connaître une vibration nouvelle. Quand Ella lui annonce qu'elle est enceinte de lui, il recourt à sa technique habituelle : il disparait dans le vaste Londres.
Un nouvel échec amoureux, mais professionnel aussi, le renvoie à la vérité d'Ella; mais il apprend alors qu'elle est morte dans un accident. Ripois sera dès lors voué à l'amertume de vivre son premier vrai amour pour une morte. D'où le titre du livre, dont René Clément fera un de ses meilleurs films, sur des dialogues de Raymond Queneau.

Amour et départ pour le Canada

Louis Hémon a une liaison avec une jeune femme d'origine irlandaise, Lydia O'Kelly qui a tout fait pour le séduire, selon la sœur de cette dernière. Le jeune homme est resté très discret sur sa vie avec Lydia au point de ne pas annoncer la naissance de sa fille Lydia Kathleen, le 12 avril 1909, à sa famille incapable de comprendre une relation aussi peu convenable. Il choisit, lorsqu'il déclare l'enfant, de faire une fausse déclaration de mariage pour protéger Lydia. Louis Hémon, comme Maupassant, son écrivain français de référence, ne veut pas se marier. Son refus du mariage a été si fort qu'après sa mort, sa sœur Marie prend pour un texte de son frère une nouvelle de Kipling, son écrivain anglais préféré, en fait traduite par lui : In the Pride of youth qui raconte un mariage désastreux.
La nouvelle a bien failli être publiée dans La Belle que voilà, elle est parue dans la revue de France sous le titre Dans l'orgueil de son âge en 1923, à titre posthume. Lydia O'Kelly manifeste des troubles mentaux graves et elle est internée peu après la naissance de sa fille. Louis Hémon confie l'enfant à la sœur de sa compagne, madame Phillips. Mais Lydia ne guérit pas, elle reste à l'asile de Hanwell et le sera jusqu'à la fin de sa vie. Après huit années passées à Londres où il a le sentiment de n'arriver à rien, Louis Hémon décide de partir pour le Canada. Il quitte l'Angleterre en 1911, sa fille est alors âgée de deux ans. Il ignore qu'il ne reverra plus ni la mère, ni l'enfant.

Années québécoises

Après un séjour à Québec, il débarque à Montréal et gagne sa vie comme commis dans une compagnie d'assurance, tout en écrivant quelques articles sur le Canada à l'intention des Européens. Le 15 juin 1912, il quitte Montréal pour la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, région de pionniers, encore assez sauvage dont lui avait parlé un prêtre lors de la traversée. Il séjourne d'abord à La Tuque, puis à Roberval sur le lac Saint-Jean dont il projette de faire le tour à pied, plus de 100 km mais à Péribonka il rencontre Samuel Bédard qui l'engage comme ouvrier agricole. Il travaille sur la ferme jusqu'au mois d'août, puis comme chaîneur pour une société d'arpenteurs au nord du lac Saint-Jean. Il apparait comme un être étrange aux yeux de la population de cette petite localité, acceptant de travailler pour rien, parlant peu, toujours un carnet à la main, n'assistant pas à la messe comme tout le village mais attendant la sortie des paroissiens devant l'église.
Il quitte Péribonka et les Bédard le 28 décembre 1912 et s'installe sur l'autre côté du lac, à Saint-Gédéon, pour rédiger une première version de Maria Chapdelaine dont il a fixé sur son carnet les grandes lignes.
Au début d'avril, de retour à Montréal, il travaille comme traducteur, tout en dactylographiant son roman sur la machine de son employeur en arrivant tôt le matin au bureau. Le 26 juin, il expédie celui-ci au journal Le Temps, qui le publiera l'année suivante.

Entre-temps, il quitte Montréal en direction de l'Ouest canadien où il souhaite participer aux moissons.
À Chapleau, où il s'est arrêté,

il meurt à 32 ans, happé par un train avec un compagnon d'équipée australien le 8 juillet 1913. L'accident reste encore difficilement explicable.

Le succès posthume

Son roman est publié entre le 27 janvier et le 23 février 1914, en feuilleton, dans Le Temps. Il n'attire guère l'attention. En 1916, une version légèrement expurgée fut publiée à Montréal, grâce à Louvigny de Montigny, au père de Hémon et à une subvention du gouvernement du Québec. En 1921, une nouvelle édition du jeune éditeur Grasset fait connaître le roman du public. Il obtint un succès commercial considérable. Les autres romans de Hémon seront enfin publiés. Colin-Maillard, 1924 met en scène un révolté irlandais. Battling Malone, 1926 présente l'ascension et le déclin d'un boxeur irlandais. Monsieur Ripois et la Némésis, 1950 décrit un Français qui se sert des femmes pour se hisser socialement. Ces trois romans, très différents de Maria Chapdelaine, sont bâtis sur des conflits sociaux et témoignent de la sympathie de l'auteur pour les déclassés, pour les petites gens.
On retarda la publication de Monsieur Ripois et la Némésis pour préserver l'image de jeune homme de bonne famille qu'on avait faite à Louis Hémon. De manière générale, son image fut récupérée pour ne pas dire détournée par sa famille avec la création d'un Louis Hémon officiel, à l'opposé du Louis Hémon réel.
Il est ainsi présenté comme le symbole des bonnes traditions alors qu'il était en rupture avec ses origines bourgeoises ; catholique alors qu'il ne pratiquait pas ; amoureux de la terre bretonne qu'il ne connaît quasiment pas et d'une France qu'il a fui. Il fut aussi associé à son père, une des figures dominantes de la culture officielle française de cette époque. Sa fille Lydie-Kathleen fut adoptée par la sœur de Louis Hémon, gardienne de la mémoire officielle de son frère.
La réalité de sa petite enfance, l'abandon par son père et l'internement de sa mère lui sera cachée.

Son roman Maria Chapdelaine, après un premier accueil plutôt froid par les institutionnels, fut récupéré ensuite par ces derniers dont l'église catholique et les élites bien pensantes québécoises.
Maria Chapdelaine connut de multiples éditions, 250 à ce jour, fut traduit dans plusieurs langues, illustré abondamment, Suzor-Côté, Clarence Gagnon, Thoreau MacDonald, Jean Lébédeff, Fernand Labelle..., tourné en film trois fois, Julien Duvivier en 1934 avec Jean Gabin et Madeleine Renaud, Marc Allégret en 1950 dans une libre interprétation de l'œuvre et Gilles Carle en 1983 avec Carole Laure, transformé en BD, en pièce de théâtre, en roman illustré, en radio-roman, en série télévisée. On publiera des suites au roman. Le village de Péribonka sera doté d'un musée à la mémoire de l'auteur en 1938.
Bref, Maria Chapdelaine est devenu un mythe littéraire : pour les Canadiens français, il illustre leur lutte pour la survivance nationale ; pour les Français, il symbolise l'ancienne France, celle fondée sur la famille et la religion.
Le succès du roman a sans doute relégué dans l'ombre ses nouvelles, les seuls textes publiés de son vivant. Hémon en tira une certaine reconnaissance mais la postérité lui refusa la gloire. Pierre-Marc Orlan plaçait pourtant Lizzie Blakeston "parmi les meilleures nouvelles de la littérature française." Paru seulement en 2013, le recueil intitulé Le Dernier Soir sort heureusement de l'oubli des textes d'une belle tenue littéraire. Hémon puise aux mêmes thèmes que Maupassant : l'eau, La Rivière, la nuit, Le Dernier Soir, l'angoisse La Peur, et s'il s'intéresse comme lui aux miséreux, aux exclus de la société en France comme à Londres, c'est avec plus de compassion. Surtout, il invente un genre : la nouvelle sportive, et prend le parti des perdants, La Défaite, des malchanceux, des ratés.
Sa prose élégante, si elle se ressent aussi de l'influence de ses devanciers, est pourtant celle d'un vrai tempérament qui oscille entre réalisme et lyrisme, entre indignation et humour. On peut légitimement s'interroger sur le désintérêt du public pour une telle oeuvre et s'en étonner.

Œuvres de Louis Hémon

Maria Chapdelaine, 1914, feuilleton dans le quotidien Le Temps; ouvrage de librairie en 1916, édition montréalaise, en 1921 édition parisienne. Maria Chapdelaine
La Belle que voilà, 1923.
Colin-Maillard, 1924.
Battling Malone, pugiliste, 1926.
Monsieur Ripois et la Némésis, 1950.
Lettres à sa famille, préface de Nicole Deschamps, 1968.
Récits sportifs, préface d'Aurélien Boivin, 1982.
Itinéraire de Liverpool à Québec, préface de Lydia-Louis Hémon et Gilbert Lévesque,1985.
Nouvelles londoniennes, préface de Chantal Bouchard, 1991.
Écrits sur le Québec, préface de Chantal Bouchard, 1993.
Oeuvres complètes tome I 1990, tome II 1993, tome III 1995, préface d'Aurélien Boivin.
Au pied de la Lettre Louis Hémon, chroniqueur sportif, 2003, préface de Geneviève Chovrelat.
"Cartes et lettres inédites", recueillies et présentées par Pierre E. Richard. Nîmes 2013
Le Dernier Soir, 2013, recueil de nouvelles, préface de Geneviève Chovrelat.
Ouvrages critiques sur l'œuvre de Louis Hémon
Alfred Ayotte, Victor Tremblay, L'Aventure Louis Hémon, Montréal, 1974.
Nicole Deschamps, Raymonde Héroux, Normand Villeneuve, Le mythe de Maria Chapdelaine, Montréal, 1980.
Gilbert Lévesque, Louis Hémon, aventurier ou philosophe? Montréal, 1980.
Colloque Louis Hémon, Quimper,1986.
Vigh Àrpàd, L'Écriture Maria Chapelaine Le style de Louis Hémon et l'explication des québécismes, Québec, 2002.
Geneviève Chovrelat, Louis Hémon La Vie à écrire, Louvain et Paris, 2003.
Paul Bleton et Mario Poirier, Le vagabond stoïque, Montréal, 2004.

Hommage

Un musée érigé à Péribonka depuis 1938 lui est dédié.
Louis Hémon a donné son nom à un établissement scolaire de Bretagne, le collège public de Pleyben, 29.
Depuis 1996, une commission scolaire régionale son nom dans le nord de la région du Lac-Saint-Jean.
Le ministère de la Culture et des Communications du Québec a désigné Louis Hémon personnage historique le 4 juillet 2013.

Maria Chapdelaine


Drame de Julien Duvivier, d'après le roman de Louis Hémon, avec Madeleine Renaud, Jean Gabin, Jean-Pierre Aumont, Suzanne Després, André Bacqué, Alexandre Rignault.
Pays : France
Date de sortie : 1934
Son : noir et blanc
Durée : 1 h 15
Prix : Grand Prix du cinéma français 1934

Résumé

Au début du xxe siècle, une jeune Canadienne hésite entre un trappeur et un citadin. Mais lorsque le premier meurt de froid et que sa mère suit bientôt le même chemin, elle abandonne tous ses rêves de bonheur pour rester auprès de son père après avoir épousé un bûcheron.
Autres versions réalisées par :

Marc Allégret, avec Michèle Morgan, Kieron Moore, Françoise Rosay, Philippe Lemaire.
Pays : France
Date de sortie : 1950
Durée : 1 h 36
Gilles Carle, avec Carole Laure, Nick Mancuso, Claude Rich.
Pays : Canada et France
Date de sortie : 1983
Son : couleurs
Durée : 1 h 45

Liens

http://youtu.be/ic7aANNahc8 Commémoration du décès de Louis Hémon
http://youtu.be/Fd7UcLToFbA Musée Louis Hémon
http://youtu.be/GBa2RE69RD8 Maria Chapdelaine
http://youtu.be/r1y8Wwd526g


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Posté le : 10/10/2014 19:10

Edité par Loriane sur 11-10-2014 23:26:18
Edité par Loriane sur 12-10-2014 15:31:52
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Roberto Juarroz
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Le 5 octobre 1925 naît, Roberto Juarroz

à Coronel Dorrego dans la province de Buenos Aires, Argentine Roberto Juarroz, mort le 31 mars 1995 à Buenos Aires, poète argentin, considéré comme un des poètes majeurs de ce temps, dont l'œuvre est rassemblée sous le titre unique de " Poesía vertical ". Seul varie le numéro d’ordre, de recueil à recueil : Segunda, Tercera, Cuarta… Poesía Vertical. Nul titre non plus à aucun des poèmes qui composent chaque recueil.

Par ce titre unique et chargé de sens de Poésie Verticale qu'il a donnée à toute son œuvre depuis son premier livre, Roberto Juarroz a cherché à traduire la verticalité de la transcendance, « bien entendu incodifiable », précise-t-il dans un entretien. Sa poésie est une poésie différente, un langage de débuts et de fins, mais en chaque moment, en chaque chose. La verticalité s'exprime vers le bas et vers le haut, chaque poème se convertissant en une présence qui représente ce double mouvement, cette polarité qui définit la parole de l'homme lorsque cette parole ne se situe pas dans des limites conventionnelles.
Juarroz, en choisissant de donner ce titre unique à chacun de ses recueils, et en ne donnant pas de titre à ses poèmes, a voulu d'une certaine façon tendre vers l’anonymat des couplets ou des refrains populaires que l’on répète sans en connaître l’auteur, depuis longtemps disparu et oublié. Il explique qu'il a fait ce choix, parce que, selon lui chaque titre, surtout en poésie, est une espèce d’interruption, un motif de distraction qui n’a pas de vraie nécessité. Sans titre, le recueil s’ouvre directement sur les poèmes, un peu comme ces tableaux dont l’absence de titre vous épargne les détours de l’interprétation.
Dans l'un de ses derniers recueils, Treizième poésie verticale, publié en 1993, Roberto Juarroz forme le vœu de parvenir à dessiner les pensées comme une branche se dessine sur le ciel.

Sa vie

Roberto Juarroz était le fils du chef de gare de la petite ville de Coronel Dorrego, dans la Pampa Húmeda proche de Buenos Aires. Il a d'abord suivi des études de lettres et de philosophie à l’Université de Buenos Aires, où il s’est spécialisé dans les sciences de l’information et de la bibliothécologie. Il s'est ensuite rendu en France pour poursuivre ses études à la Sorbonne à Paris, où il obtient des diplômes en philosophie et en littérature.
Après avoir publié son premier recueil de « Poesia vertical à compte d’auteur en 1958, il a dirigé, avec le poète Mario Morales, la revue Poesia=Poesia , 20 numéros de 1958 à 1965, diffusée dans toute l'Amérique latine, tout en collaborant à de nombreux journaux, revues et périodiques. Il sera notamment critique littéraire du quotidien La Gaceta et critique cinématographique de la revue Esto Es. Dans un entretien avec Jacques Meunier, publié en avril 1993 dans Les Lettres françaises, Juarroz précise, à propos de la revue de poésie qu'il a dirigée : Nous voulions défendre, avec ce titre-manifeste, l’idée que la poésie n’est égale qu’à elle-même, qu’elle ne peut être politique, sociologique ou philosophique. Dans cette revue, il a publié de nombreux auteurs sud-américains, d’Octavio Paz à Antonio Porchia, ainsi que des traductions. Il s’y est révélé fin découvreur et subtil traducteur de poètes étrangers, notamment Paul Éluard ou Antonin Artaud.

En dehors de son œuvre poétique, Roberto Juarroz a publié divers essais sur la poésie, parmi lesquels on peut citer : Poésie et création, Dialogue avec Guillermo Boido ; Poésie et Réalité ; Poésie, littérature et herméneutique Conversations avec Teresita Saguí. Ses reflexions sur la poésie étaient d'une telle cohérence qu'il semblait parfois difficile de l'écarter de son discours.
Entre 1971 et 1984, il a été directeur du Département de Bibliothécologie et de Documentation à l’Université de Buenos Aires.
Contraint à l’exil sous le régime de Perón, il fut pendant quelques années expert de l’Unesco dans une dizaine de pays de l’Amérique latine.
En janvier 1991, les Rencontres des Écritures Croisées, organisées chaque année à Aix-en-Provence, ont rendu hommage à Roberto Juarroz, qui a profité de sa venue en France pour faire des lectures de ses poèmes au Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou à Paris, et à la Villa Gillet à Lyon.

Son œuvre

La poésie de Roberto Juarroz constitue une experience créatrice unique dans le domaine de la poésie moderne en langue espagnole.
Pour saisir la vision poétique particulière de Roberto Juarroz, il faut avoir à l’esprit une démarche proche de celle du poète romantique allemand Novalis 1772-1801, dont l'éducation religieuse stricte traverse l'œuvre et pour lequel la poésie est l’absolu réel, qui existe indépendamment de toutes conditions. Novalis unit le mysticisme à une explication allégorique de la nature. Chez Roberto Juarroz il n’y a pas d’approche théologique mais plutôt une démarche métaphysique, c’est-à-dire une approche transpoétique de l’être en tant qu’être placé dans un infini sans nom.

L'œuvre de Roberto Juarroz répond à « une sorte de loi de la gravité paradoxale », selon sa propre expression. Il explique que très tôt dans sa vie, il a eu le sentiment qu’il y avait en l’homme une tendance inévitable vers la chute. L’homme doit tomber. Et l’on doit accepter cette idée presque insupportable, l’idée de l’échec, dans un monde voué au culte du succès. Mais, symétriquement de la chute, il y a dans l’homme un élan vers le haut. La pensée, le langage, l’amour, toute création participent de cet élan. Il y a donc un double mouvement de chute et d’élévation dans l’homme. Entre ces deux mouvements, fait-il remarquer, il y a une dimension verticale. La poésie qui l’intéresse possède l'audace pour atteindre ce lieu où se produit le double mouvement vertical de chute et d’élévation. Parfois on oublie l’une des deux dimensions. Ses poèmes tentent de rendre compte de cette contradiction vitale. Le poème agit comme un temps d'une autre dimension, un temps vertical. C’est pourquoi, ajoute-t-il, Gaston Bachelard a écrit que le temps de la poésie est un temps vertical.

Silvia Baron Supervielle, à propos du style de Roberto Juarroz, fait remarquer, dans un article de la La Quinzaine littéraire 1er-15 avril 1993, publié après la parution des Douzième poésie verticale et Treizième poésie verticale, que chez Juarroz « de même qu’ils s’énoncent lentement, avec force, comme si les syllabes qui les composent s’eussent prolongées à l’intérieur d’elles-mêmes pas à pas, comme ceux du pèlerin rythmés de son bâton, les mots montrent le haut et le bas, le recto et le verso, la lumière et l’obscurité de chaque chose.
Roberto Juarroz précise que la poésie est une méditation transcendantale du langage, une vie non fossilisée ou défossilisée du langage.
La poésie, affirmait-il, est une tentative risquée et visionnaire d’accéder à un espace qui a toujours préoccupé et angoissé l’homme : l’espace de l’impossible qui parfois semble aussi l’espace de l’indicible.

Roberto Juarroz était un poète qui aura été salué par les plus importants de ses pairs : René Char, Vicente Aleixandre, Octavio Paz, Julio Cortázar, Philippe Jaccottet, entre autres… Pour Octavio Paz, « chaque poème de Roberto Juarroz est une surprenante cristallisation verbale : le langage réduit à une goutte de lumière, et il ajoute que Juarroz est un grand poète des instants absolus. Et Julio Cortázar affirme que les poèmes de Juarroz lui paraissent les plus hauts et les plus profonds l'un pour l'autre évidemment qui aient été écrits en espagnol ces dernières années. Et Antonio Porchia conclut, avec sa vision pénétrante que « dans ces poèmes chaque mot pourrait être le dernier, depuis le premier. Et cependant le dernier suit.

Traducteur de plusieurs poètes et écrivains français, et notamment d'Antonin Artaud, Roberto Juarroz dirige la revue Poesía-Poesía entre 1958 et 1965. À partir de 1958, il attribue à toutes ses œuvres un titre unique et énigmatique, Poésie verticale, les volumes se distinguant par leur seul numéro d'ordre. Nul titre non plus à ses poèmes, où la parole poétique prend naissance dans le sans-nom. De son œuvre, aujourd'hui largement traduite en français, principalement par Roger Munier et Fernand Verbesen, on se souviendra de Poésie verticale, Quinze Poèmes, Nouvelle Poésie verticale, Neuvième Poésie verticale, Fragments verticaux
Reconnu comme une des grandes voix poétiques de ce siècle par des écrivains de l'envergure de René Char, Julio Cortázar ou Octavio Paz, l'Argentin Roberto Juarroz, né à Coronel Dorrego province de Buenos Aires, a professé, tout au long de sa vie, une modestie et une discrétion qui ont parfois nui à la diffusion et à la reconnaissance de son œuvre. Sur le plan personnel, il y a très peu à dire d'un homme qui s'est toujours retranché derrière ses poèmes. Dans une interview de 1980, il déclarait que, ce qui est intéressant, c'est beaucoup moins les liens entre la poésie et la biographie que ceux qui unissent poésie et vie intérieure
En 1958, Juarroz publie son premier livre, intitulé Poésie verticale. Douze autres volumes suivront le dernier est paru en 1994, portant tous le même titre, avec pour seule variante un adjectif ordinal. Cette verticalité constamment affirmée illustre la volonté du poète de descendre au fond des choses ou de se hisser au cœur de la transcendance. Cette démarche, comme celle de Paz, est destinée à faire tomber les masques de nos habitudes les plus routinières, de nos mensonges les plus mesquins ou d'un langage dévoyé, afin de nous confronter à certaines réalités inéluctables : la mort, le doute sur le sens de l'existence, le vertige du vide, l'appel du sacré, la tenaille du souvenir et de l'oubli. D'où l'extrême dépouillement de l'expression poétique de Juarroz et aussi les multiples occurrences, dans ses poèmes, de néologismes précédés du préfixe dé : dénaître ,démourir, dévivre , se dénéantiser .

Une autre grande préoccupation est la double recherche des limites. Je me consacre aux marges de l'homme, Treizième Poésie verticale, 1994, mais aussi d'un centre, défini dès le premier livre comme ce lieu où commence l'autre côté . C'est dans la perte de lui-même que le poète se découvre et finit par percevoir un rythme secret et solitaire : J'ai atteint mes incertitudes définitives. Ici commence ce territoire où il est possible de brûler toutes les issues et de créer son propre abîme, afin d'y disparaître.
Inlassablement, Juarroz reprend sa quête et le redoublement, la réitération, l'anaphore sont au cœur même de sa création. Ici, toute chose renvoie à autre chose .... Peut-être tout renvoie-t-il à un centre ? ... Mais tout centre renvoie vers son extérieur Sixième Poésie verticale.
Juarroz, comme l'a noté Roger Munier, élabore de recueil en recueil une odyssée de l'absence , où la poésie apparaît comme génératrice, sinon de vérité, du moins de présence . Ses poèmes sont parcourus par une sorte de frisson, d'angoisse sourde, mais aussi d'émotion la poésie sera toujours proche de l'amour, qui en bannissent la froideur qu'on a parfois cru y déceler : Il n'y a pas de poésie sans silence et sans solitude. Mais la poésie est également la forme la plus pure pour dépasser le silence et la solitude.
L'œuvre de Roberto Juarroz été traduite en une vingtaine de langues étrangères.

Œuvres Poésies

Poesía Vertical, Buenos Aires, Equis, 1958.
Segunda Poesía Vertical, Buenos Aires, Equis, 1963.
Tercera Poesía Vertical, Préface de Julio Cortázar, Buenos Aires, Equis, 1965.
Cuarta Poesía Vertical, Buenos Aires, Aditor, 1969.
Quinta Poesía Vertical, Buenos Aires, Equis, 1974.
Poesía Vertical anthologie, Barcelona, Barral, 1974.
Poesía Vertical 1958-1975, incluant Sexta Poesía Vertical, Caracas, Monte Avila, 1976.
Poesía Vertical, Anthologie, Préface de Roger Munier, Buenos Aires, Carlos Lohlé, 1978.
Poesía Vertical : Nuevos poemas, Buenos Aires, Mano de obra, 1981.
Séptima Poesía Vertical, Caracas, Monte Avila, 1982.
Octava Poesía Vertical, Buenos Aires, Carlos Lohlé, 1984.
Novena Poesía Vertical - Décima Poesía Vertical, Buenos Aires, Carlos Lholé, 1987.
Novena Poesía Vertical, Mexico, Papeles Privados, 1987.
Poesía Vertical : Antología incompleta. Préface de Louis Bourne, Madrid, Playor, 1987.
Undécima Poesía Vertical, Buenos Aires, Carlos Lohlé, 1988.
Undécima Poesía Vertical, Valencia, Pretextos, 1988.
Poesía Vertical, 1958-1975, Mexico, Universidad Nacional Autónoma, 1988.
Duodécima Poesía Vertical, Buenos Aires, Carlos Lohlé, 1991.
Poesía Vertical Anthologie, Préface et choix de Francisco J. Cruz Pérez. Madrid, Visor, 1991.
Poesía Vertical 1958-1982, Buenos Aires, Emecé, 1993.
Poesía Vertical 1983-1993, Buenos Aires, Emecé, 1993.

Essais

Poesía y creación, Conversations avec Guillermo Boido, Buenos Aires, Carlos Lohlé, 1980.
Poesía y realidad, Discurso de incorporación, Buenos Aires, Academia Argentina de Letras, 1987.
Poesía y Iiteratura y hermenéutica, Conversaciones con Teresa Sagui, Mendoza, CADEI, 1987.
Poesía y realidad, Valencia, Pre-Textos, 1992.

Quelques poèmes

Y aura-t-il un rythme dans la mort,
au moins un rythme ?
Peut-il y avoir quelque chose sans rythme ?
Toute l’énigme, sans doute,
consiste à le trouver.
Nous pouvons commencer
par le silence .
Roberto Juarroz, Quinzième poésie verticale, traduction de Jacques Ancet, José Corti 2002

On frappe à la porte.
Mais les coups résonnent au revers,
Comme si quelqu’un frappait de l’intérieur.
Serait-ce moi qui frappe ?
Peut-être les coups de l’intérieur
Veulent-ils couvrir ceux de l’extérieur ?
Ou bien la porte elle-même
a-t-elle appris à être le coup
pour abolir les différences ?
Ce qui importe est que l’on ne distingue plus
frapper d’un côté
et frapper de l’autre .
Roberto Juarroz, Onzième Poésie Verticale, éditions Lettres vives, collection Terre de poésie, page 6.

Ils étaient pour un autre monde
Tout dialogue, rompu.
Tout amour, rapiécé.
Tout jeu, marqué.
Toute beauté, tronquée.
Comment sont-ils arrivés jusqu’ici ?
Tout dialogue, verbe.
Tout amour, sans pronoms.
Tout jeu, sans règles
Toute beauté, offrande.
Il y a sans doute une faille
dans l’administration de l’univers
Des créatures erronées ?
Des mondes égarés ?
Des dieux irresponsables ?
Ils étaient pour un autre monde .
Roberto Juarroz, Quatorzième poésie verticale, édition bilingue, traduction de Silvia Baron Supervielle, José Corti 1997, p. 35

Citations

-La nudité est antérieure au corps, et le corps quelquefois s'en souvient .Roberto Juarroz.
-Le sommeil est un amour perdu. Roberto Juarroz
-Le rêve possède en son fond une bobine encapsulée où il conserve avec une étrange précaution un repli avec le fil qui l'unit à la veille ». (Roberto Juarroz, 11e poème vertical.
"Tout communique avec quelque chose ... Absolument isolé, / un zéro n'existerait même pas."

Anthologies

On trouve des poèmes de Roberto Juarroz dans les revues et ouvrages :
Les Cahiers du Sud, no 356, 1960 ;
Le Journal des poètes no 3, trois poèmes extraits de Poesía Vertical 1958, traduction de Fernand Verhesen, Bruxelles, mars 1962./ no 4, 1966 / no 5, 1970 / no 8, 1972 / no 5-6, 1989 ;
Tel Quel, no 10, (huit poèmes, traduction de Roger Caillois, Paris, Été 1962 ;
Poésie vivante en Argentine, Le Cormier, 1962 ;
Rencontre, no 160, 1967 ;
Asphalte, no 3, 1967 ;
Dire, no 6, 1968 ;
Clefs pour le spectacle, no 9, 1971 ;
Marginales, no 144-145, Bruxelles, 1972 ;
America libre, Seghers, 1976 ;
Anthologie de la poésie latino-américaine contemporaine, Publisud, 1983 ;
Question de, « Poésie-L'alphabet de lumière », traduction de Roger Munier, Paris, 1984 ;
Nulle part, no 5, La poésie, la poésie, la réalité, traduction de Fernand Verhesen, éditions Les Cahiers des Brisants, Mont-de-Marsan, 1985 ;
Poésie 85, no 6, 1985
Poésie 90, no 35, 1990 ;
Poésie, no 34, dix poèmes extraits de Neuvième Poésie Verticale, traduction de Roger Munier, Paris, 1985, en bilingue ;
Recueil, cinq poèmes, traduction de Roger Munier, Paris, 1986, en bilingue;
Europe, no 690, 1986 ;
Nouvelle revue française, no 420, douze poèmes, traduction de Roger Munier, 1988 / no 460, 1991 ;
Phréatique, langage et création, deux poèmes manuscrites et entretien avec Ilke Angela Maréchal: Roberto Juarroz ou la vision du troisième terme, no 58-59, 1991;
L'Autre, no 1, 1990 / no 4, « Culture, poésie et écologie ». Traduction par l'auteur et Michel Camus, Paris, 1992 ;
Sud, onze poèmes, traduction de Roger Munier, présentation de Salah Stétié, Marseille, 1992 ;
Poésie argentine du xxe siècle, Patiño, 1996.

Bibliographie

Spirale Inkari no 7, s.d. : Roberto Juarroz Entretiens et poèmes de Roberto Juarroz, textes de Michel Camus, Jean-Louis Giovannoni et Roger Munier.
Michel Camus, Roberto Juarroz - Mais au centre du vide il y a une autre fête. Critique et interprétation , suivi d'un choix de textes de Roberto Juarroz, et d'une bibliographie. Paris, Éditions Jean-Michel Place, Poésie , 2001, 128 p.,
Martine Broda, Pour Roberto Juarroz. Paris, Éditions José Corti, En lisant, en écrivant, 2002, 112 p.
Ilke Angela Maréchal, La vision qui crée ce qu'elle voit , entretien, in Sciences et imaginaire, Albin Michel/Cité de la Science et de l'Industrie, 1994,
Ilke Angela Maréchal Une dernière heure avec Roberto Juarroz, entretien, in Revue Phréatique no 73

Prix

1984 Prix de la Fondation Argentina para la Poesía
1984 Premio Esteban Echeverría
1992 Prix Jean Malrieu, Marseille
1992 Prix de la Biennale Internationale de Poesie, Liège
1994 Grand Prix d'honneur de l'union des écrivains argentin

Vertige vertical
Vertige Vertical est un spectacle conçu d'après des textes de Roberto Juarroz, créé en France, qui a reçu le Label « Sélection Printemps des Poètes

Il s'agit de poèmes choisis dans la Poésie verticale de Roberto Juarroz, interprétés par deux comédiennes, Pascale Chemin et Cécile Magnet. Nicolas Judéléwicz a composé une musique originale à couleur électronique. C'est un voyage au cœur d'une réflexion poétique sur l'homme et l'univers.

Ce voyage électro-poétique dure une heure. Il mélange les voix en direct des comédiennes en français et celle pré-enregistrée de Roberto Juarroz, en espagnol et en français retrouvée dans les archives de la phonothèque de l’INA.

Vertige Vertical a été joué à plusieurs reprises en 2004 à Paris et a été diffusé sur France Culture pendant tout le mois d'août 2004, par petits modules, dans le cadre de la grille de programme de l'été.

En 2005, L'Orangerie de Cachan a organisé quatre concerts de Vertige Vertical, autour de l'exposition du plasticien argentin Julio Le Parc

Liens

http://youtu.be/_FjVNkZjQMM La Sibéria
http://youtu.be/9P6g_0BVeoY Présentation de Juarroz (espagnol)
.


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Posté le : 04/10/2014 14:31

Edité par Loriane sur 05-10-2014 21:59:09
Edité par Loriane sur 05-10-2014 22:01:29
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Bernard Clavel
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Le 5 octobre 2010, à La Motte-Servolex à 87 ans meurt Bernard Clavel,

inhumé à Fontenay, né le 29 mai 1923 à Lons-le-Saunier, écrivain français principalement connu pour ses romans, mais qui s'est aussi adonné à l'écriture d'essais, de poèmes et de nombreux contes pour la jeunesse. Genres, romans, sagas,
poèmes et de nombreux contes pour la jeunesse. Genres, romans, sagas,
livres pour la jeunesse, il reçoit pour distinctions, le Prix Goncourt en 1968 Académie Goncourt 1971-1977, ses Œuvres principales sont Pirates du Rhône, Malataverne, Le Seigneur du fleuve, Cargo pour l'enfer, Les Roses dine Verdun, Le Carcajou, Le Soleil des morts, Le Cavalier du Baïkal, ses Contes et nouvelles, Les Légendes
Récits et essais, et Droits de l'homme, il s'engagement dans la Résistance, il est membre d'associations de non-violence, de La Coordination française pour la Décennie Non-Violence XXI.

Son premier roman L'Ouvrier de la nuit, publié en 1956, marque le début d'une production importante de près d'une centaine de titres avec des œuvres pour la jeunesse et de très nombreux romans, parfois constitués en sagas qui ont rencontré un vaste public comme La Grande Patience 4 volumes – 1962/1968, Les Colonnes du ciel, 5 volumes - 1976/1981 et Le Royaume du Nord, 6 volumes 1983/1989.
Associant l'enracinement régional, la Franche-Comté, Lyon et le Rhône, le Québec… et l'évocation historique conquête de la Franche-Comté au XVIIe siècle, la vie des canuts et des mariniers du Rhône au XIX e siècle, la guerre de 1914-1918, l'implantation française au Canada…, Bernard Clavel montre une constante attention aux humbles et défend des valeurs humanistes en contant des destins individuels et collectifs, souvent confrontés au malheur. Son sens de la nature et de l'humain, sa mise en question de la violence et de la guerre et son souci de réalisme ont fait de lui un écrivain récompensé par de nombreux prix dont le prix Goncourt pour Les Fruits de l'hiver en 1968.

En bref


Plus de vingt romans, de nombreux contes pour enfants et une quinzaine d'essais, récits, nouvelles, constituent aujourd'hui, l'œuvre de Bernard Clavel, sans nul doute l'un de nos écrivains les plus prolixes.
Sa vie, belle et mouvementée, il l'a racontée avec émotion dans La Grande Patience, série autobiographique de quatre volumes, La Maison des autres, 1962 ; Celui qui voulait voir la mer, 1963 ; Le Cœur des vivants, 1964 ; Les Fruits de l'hiver, 1968. Bernard Clavel naît à Lons-le-Saunier en 1923. Jusqu'en 1956, date où il publie son premier roman, L'Ouvrier de la nuit, que suivront bientôt Pirates du Rhône 1957 ou Malataverne 1960, il touche à divers métiers manuels, dont la pâtisserie. Treize années plus tard, Clavel se voit couronné par l'Académie Goncourt pour Les Fruits de l'hiver. En 1971, les Goncourt l'accueillent à leurs côtés. Mais il quitte l'Académie en 1976, arguant qu'il ne parvenait pas à lire chaque année les quelque deux cents romans publiés et pour dénoncer des procédés qu'il réprouve.
Jamais rien d'affecté ni d'artificiel dans la littérature clavélienne, qu'elle célèbre la Franche-Comté, Lyon et le Rhône, ou qu'elle se tourne vers l'évocation historique. Écrivain populaire – dans la meilleure acception du terme –, l'auteur du Silence des armes 1974 bannit les fioritures inutiles, combat l'égocentrisme intellectuel, pour se donner à corps perdu dans des livres simples, réalistes, fraternels. Dans Le Tambour du bief 1970, il dépeint la souffrance humaine, dans Le Seigneur du fleuve 1972, il s'irrite contre l'invasion terrifiante du modernisme, dans Qui m'emporte 1958, il se fait le chantre du retour justifié à la nature, aux sources vraies. Dans les cinq romans des Colonnes du ciel de La Saison des loups, 1976, aux Compagnons du Nouveau Monde, 1981, il transpose ses thèmes favoris au XVIIe siècle et ajoute à l'évocation des paysages francs-comtois et vaudois celle des forêts du Québec, un pays où il s'installera un temps et qui lui inspirera une autre suite romanesque, Le Royaume du Nord 1983-1989. Obstinément, Bernard Clavel dénonce les tueries et la haine. Il s'affirme chrétien en actes au même titre qu'écrivain. Peu d'hommes ont défendu avec autant de vigueur le pacifisme et la non-violence, décrié la peine de mort et les fascismes Le Massacre des innocents, 1970. Et son action concrète à Terre des Hommes fut un engagement sincère et lucide, tout comme le soutien qu'il apporta à Non-Violence XXI.
Dans Écrit sur la neige 1977, entretiens qu'il a réalisés avec Maurice Chavardès, Bernard Clavel évoque son enfance à Lons-le-Saulnier, son amour pour la peinture, la naissance de son pacifisme. Et il donne cette définition du roman : C'est une histoire qu'on raconte. C'est-à-dire une tranche de vie recréée et mise en forme. En un mot, c'est une œuvre d'art. Définition somme toute traditionnelle, mais qui montre pourtant à quel point ses livres sont faits pour être lus à haute voix, contes de veillées, histoires de jours et de nuits... Le cinéma et surtout la télévision ont puisé dans son œuvre maints sujets de films

Sa vie


Né dans une famille modeste, il devient apprenti pâtissier à 14 ans et se forme en autodidacte en exerçant différents métiers avant de devenir journaliste dans les années 1950.

Bernard Clavel, s'il est surtout connu comme romancier, a aussi écrit des Contes et nouvelles pour la jeunesse ainsi que de nombreux articles, préfaces et témoignages. Il passe aussi pour être un représentant de ce qu'on appelle le roman du terroir et tire son inspiration de sa vie et d'une observation aiguë du monde qui l'entoure. Il aime décrire les existences rudes et ses personnages évoluent souvent dans des milieux ruraux ou sauvages.
La Grande Patience est une fresque autobiographique dans laquelle il retrace son apprentissage sous la houlette d’un patron tyrannique et injuste. La Seconde Guerre mondiale bouleversera son existence. Dans le dernier ouvrage de cette série, il évoque de manière poignante la mort de ses parents.
La fresque Le Royaume du Nord est née d’une double passion : sa seconde femme Josette Pratte, écrivaine québécoise et le Québec, dont le climat et la géographie tourmentée servent à merveille son besoin de décors rudes et grandioses. Cette série relate la vie de pionniers canadiens qui peu à peu, tentent de s’approprier la terre du grand Nord canadien. Les Colonnes du ciel est une série dans laquelle il raconte la Franche-Comté aux prises avec la peste et la guerre. C'est un écrivain prolifique qui a écrit plus d’une centaine d’ouvrages pas tous disponibles malheureusement. Si ces grandes fresques ont marqué les esprits, il est aussi connu pour des romans tels que : L’Espagnol, Malataverne… ou des œuvres plus récentes comme Brutus ou La Retraite aux flambeaux.
Bernard Clavel est l'homme des émotions : celles qui réveillent les images de Dole, la dure réalité de l'apprenti-pâtissier, puis ses pérégrinations à travers la France pendant la guerre qu'il retrace dans La Grande Patience ; celles qui l'assaillent à Salins-les-Bains quand il prend conscience des horreurs de la guerre de Dix Ans dans son pays de Franche-Comté dont il raconte l'histoire dans Les Colonnes du ciel ; puis celles du Canada dans Le Royaume du Nord et ses pionniers aventureux dont il écrira dans la préface d'Harricana : Empruntant pour la première fois la route du nord au cours de l'hiver 1977-78, j'étais loin d'imaginer la place que ces terres allaient occuper en moi. Celles aussi que suscite sa rencontre avec l'homme de Terre des hommes qui lui fit si forte impression qu'il apparaît dans Les Colonnes du ciel à trois reprises sous les traits du père Boissy, d'Alexandre Blondel, le sauveur des enfants, et du père Delorimière. Il ressemble aussi à son personnage de L'Homme du Labrador qui vit ses rêves jusqu'à les faire partager par les autres et nous livre ainsi quelques clés sur la création romanesque.
Il s'inscrit dans les terroirs qui l'ont marqué, le Québecnotes 1 bien sûr et sa région natale de Franche-Comté mais aussi les pays du Rhône où il résida longtemps et écrivit ses premiers romans et y revint plus tard autour des années 2000 avec des romans comme La Table du roi ou Les Grands Malheurs.
Ses éléments, il le dit lui-même, ce sont la terre et l'eau : Je suis un homme de la terre, mais peut-être encore davantage un homme de l'eau. Le Saint-Laurent, l'Harricana après le Doubs, l'Ain et la Vallière m'ont marqué. À cette géographie sentimentale correspond une histoire sentimentale, d'abord l'histoire épique et romantique de la guerre racontée par les Anciens qui ont laissé en moi une trace profonde puis il eut cette chance de rencontrer d'autres hommes qui lui ont ouvert les yeux, car, écrit-il, nous avons besoin de bonté autant que de beauté. À ceux qui lui reprochaient de trop écrire, il répondait par cette citation de François Mauriac : Notre vie vaut ce qu’elle nous a coûté d’efforts.
Le fonds d'archives personnelles de Bernard Clavel et Josette Pratte est déposé et conservé auprès de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne, BCU, en Suisse.

Bernard Clavel, qui êtes-vous ?


Il y a une résonance, une connivence entre ces deux ouvrages où Bernard Clavel égrène ses souvenirs et nous livre une partie de lui-même dans Les Petits Bonheurs et Bernard Clavel, qui êtes-vous, qui font l'objet de cette présentation. Évoquant des souvenirs, Bernard Clavel nous confie que ce sont des choses que l'on croit avoir oubliées, mais qui sommeillent en vous et ressortent quand quelqu'un s'avise de les aiguillonner.
Sa vocation d'écrivain transparaît, se dévoile quelque peu avec cette citation de Jean Guéhenno : Les impressions d'enfance marquent la couleur de l'âme, et son passé entre une mère conteuse-née et un père ressassant des souvenirs comme Henri Gueldry dans son roman Quand j'étais capitaine qu'on retrouve dans les tranchées creusées avec ses copains près du hangar. C'est lors d'un voyage à Lyon qu'il découvre le Rhône, qui va tant compter pour lui, certain que dès ce jour-là, le Rhône est entré en lui. Au cours de ses tournées, son père lui enseignait ce que Bernard Clavel nommera plus tard sa géographie sentimentale.
Son enfance est un pays de rêves, il plane en haut de l'arbre du jardin, suit avec passion les préparatifs de départ d'un voisin, Paul-Émile Victor, faisant des tours du monde imaginaires.
Mais le rêve de l'enfance s'éloigne brusquement avec La Maison des autres, roman largement autobiographique sur son apprentissage de pâtissier, dur apprentissage de la vie aussi pour cet adolescent pour qui la ville de Dole avait été liée au bonheur des repas de famille. Vision contrastée de cette ville qu'il décrira dans Le Tambour du bief avec le canal Charles-Quint et ses écluses. À travers une question sur le message que peut véhiculer un roman, c’est l’ouvrier de la nuit qui répond, celui qui déplore que les intellectuels ne soient pas considérés comme des travailleurs.
Après La Maison des autres, c’est le début de la guerre, chapitre qui commence par cette histoire de Voltaire : Le soldat tire à genoux, sans doute pour demander pardon de son crime. La guerre, vieille compagne, qui le hante dira-t-il en 2005, avec qui il a des comptes à régler : toujours la conviction que la guerre est dans le cœur de l’homme et qu’il faut opérer pour l’éradiquer, en passant comme il l’a fait, par une prise de conscience longue et douloureuse. De l’occupation, il retiendra surtout un grand amour malheureux et, dit-il, « j’ai passé l’essentiel de mon temps à poursuivre des chimères. C’est je crois, ce qui a rendu la vie si difficile à mes proches.
Il travaille d’arrache-pied et, comme un artisan têtu, remet constamment l’ouvrage sur son chevalet. Ainsi a-t-il traversé le temps de la guerre celui qui voulait voir la mer, part loin de chez lui, loin de ses parents, à la découverte de la France puis c’est à Castres que le cœur de vivants va vivre un grand amour. À l’héroïsme du soldat, il préfère le courage, celui qui consiste à savoir dire non au pouvoir lorsque ce pouvoir nous oblige à des actes condamnables. Credo pacifiste de celui qui a écrit Lettre à un képi blanc. Ses 'affinités électives' vont vers des pacifismes Romain Rolland, Jean Giono, Jean Guéhenno et Gilbert Cesbron, un frère pour moi. Puis ce fut Les Fruits de l’hiver, la disparition de ses parents, lui qui a été le déchirement de leurs dernières années.

Après la guerre, il se marie, vit le long du Rhône à Vernaison au sud de Lyon et peint plus qu’il écrit. Il côtoie les gens simples qui lui inspirent plusieurs romans comme Pirates du Rhône, ou La Guinguette et le Rhône, ce fleuve qui est aussi pour lui un 'personnage' qui peut être calme ou traitre, mais qui pique aussi de terribles colères comme dans La Révolte à deux sous ou Le Seigneur du fleuve. Peu à peu, il a délaissé la toile pour les mots.
Vernaison, la vie de famille, la société de sauvetage, son travail de salarié, la charge est énorme : le piège pour un écrivain. Bernard Clavel se qualifie lui-même de menteur-né, ne sachant vraiment plus la part de biographie dans son œuvre et cite Albert Camus : Les œuvres d’un homme retracent souvent l’histoire de ses nostalgies ou de ses tentations, presque jamais sa propre histoire.
Quand on lui parle du Rhône, le défenseur de la nature s’insurge contre les massacreurs de la nature qui, prédit-il, seront à long terme vaincus. Bernard Clavel connaissait bien 'le prix du temps', écrivant, une pièce radiophonique par semaine, un roman par an, des émissions sur les disques et les livres, des articles pour des revues comme Résonances… Telles sont ses 'années lyonnaises' de 1957 à 1964, quai Romain Rolland puis cours de la Liberté. Sa culture s’est forgée pendant ces années : Tout est dans le tempérament mais tout vient aussi des rencontres, de ce que la pratique des métiers et le côtoiement des êtres vous apportent.Être romancier, dit-il, c’est porter en soi un monde, et c’est vivre en ce monde beaucoup plus qu’en celui qui vous entoure. Malgré sa puissance de travail, Bernard Clavel plonge dans la dépression et il faudra l’intervention de son éditeur Robert Laffont pour qu’il arrive à tourner la page.

Le parc Bernard Clavel a été inauguré en octobre 2011 en bordure de Rhône sur la commune de Vernaison.

Rupture, l’éternel vagabond s’installe dans la région parisienne à Chelles de 1964 à 1969, puis à Brunoy. S’il reste fidèle au stylo plume et au papier, le cinéma s’intéresse à lui et achète les droits de Qui m’importe et de Le Voyage du père. Terrible déception. Il ne reconnaît rien de ses romans et préférera désormais les adaptations télévisées auxquelles il participe, et la première, L’Espagnol, réalisé en deux parties par Jean Prat et diffusé en 1967, est un gros succès. Parfois même, ses romans rejoignent la réalité, une réalité qu’il apprend bien sûr après coup : il en donne quelques exemples à propos de L’Hercule sur la place ou Le Voyage du père. Sans doute écrit-il d’abord pour exorciser la mort. Il confesse : Finalement, je me demande si l’on ne crée pas avant tout pour se survivre. Et puis, il y eut 1968, pas mai 68, mais la consécration : prix Goncourt surtout, mais aussi grand prix de la ville de Paris et prix Jean Macé. À la question classique, pourquoi écrivez-vous, il répond : Écrit-on jamais pour autre chose que pour aller au fond de soi ?
Retour au bercail : il s’installe dans la maison des abbesses à Château-Chalon près de Lons-le-Saunier où se déroule l’action de Le Silence des armes. voir Terre des écrivains : Bernard Clavel à Château-Chalon C’est l’époque où il écrit Le Seigneur du fleuve, Tiennot, Le Silence des armes et Lettre à un képi blanc. Avec ses deux derniers livres, c’est l’époque de la polémique, au côté des objecteurs de conscience, j’estime, dit-il, que je n’ai pas le droit de cesser de me battre pour que la justice et la paix s’imposent. S’il n’a aucun message à transmettre, il ne peut non plus écrire une œuvre dégagée. Il se veut comme son ami Roland Dorgelès anarchiste chrétien.
Sa nouvelle vie laisse augurer une grande stabilité, mais c’est le contraire qui se produit : début 1978, il s’installe au Québec avec Josette Pratte, Montréal, puis Saint-Télesphore, je suis un homme d’hiver dit-il, saison à laquelle il consacrera un album en 2005. Il revient en France à Paris, puis chez un ami à Bruxelles, le Portugal où il écrit Marie bon pain, Paris de nouveau chez des amis pour écrire La Bourrelle. Le périple se poursuit en 1979 dans une ferme du Doubs qu’il quitte en 1981 pour s’installer à Morges en Suisse sur les bords du lac Léman, renouer avec La lumière du lac, là où en 1985 ce deuxième volume du cycle romanesque Les Colonnes du ciel a été élaboré, avant de partir en Irlande.
Bernard Clavel se défend d’écrire des romans historiques - Les Colonnes du ciel sont faits de héros 'modernes' et l’histoire aurait pu se dérouler à notre époque, ou de mélanger réalité et fiction. Il précise : J’ai fini par acquérir la conviction profonde qu’il y a pour l’artiste un droit absolu d’adhérer de plus près à son œuvre qu’aux êtres qui l’entourent. Cette fois, il ne s’agit plus d’une simple rupture, c’est un second souffle, un homme résolument tourné vers l’avenir ; il a rencontré Josette Pratte, un grand amour avec qui j’ai des échanges constants. Quand on lui reproche un certain égoïsme, il répond que le métier d’écrivain est fatalement une longue solitude. Il parle de Harricana, cette rivière du Québec qui coule dans Le Royaume du Nord, des gens qu’il a rencontrés, qui sont devenus personnages, recomposés par son imaginaire. Et il conclut : Vous voyez : une fois de plus, je n’ai rien inventé et j’ai tout inventé.
Et s’il ne pouvait plus écrire, si on lui interdisait d’écrire, question cruciale : Je ne vous ai pas attendu pour me la poser, répond-il à Adeline Rivard, il y a près d’un demi-siècle qu’elle me poursuit…

Les petits bonheurs


À travers ce récit6, Bernard Clavel part à la rencontre de son enfance, de son passé. Il revoit ses terreurs d'enfant quand la lampe Pigeon de la salle à manger n'éclairait jamais certains recoins d'où pouvaient bondir des ogres, des loups ou des monstres. Frayeurs d'enfant qu'amplifie son imagination, visions d'animaux qui peupleront ses livres pour la jeunesse. Sa mère renforce cette tendance, elle qui appartenait au temps des veillées de contes populaires, née près de Dole dans le Jura où Marcel Aymé devait rencontrer La Vouivre. C'était leur univers, des personnages de contes… qui vivaient pour elle aussi bien que pour moi, un monde qu'il fera revivre dans ses livres sur les contes et légendes.Je sais, écrit-il, que c’est dans ces moments-là que sourd ce qui m’a nourri et m’a permis d’écrire.
Il y décrit le travail de ces humbles artisans aux mains d’or, Vincendon le luthier dont le père de Bernard Clavel conservera religieusement les outils, le père Seguin, cordonnier à l’échoppe qui exhalait des odeurs enivrantes de colle qui chauffait au bain-marie et des cuirs qui trempaient. Le jour où Nini la fille des Seguin, leur parle du Groenland, Bernard Clavel se souvient : Dès ce jour, ce fut comme si j’avais commencé à préparer mon sac à dos. Les souvenirs comme le départ sur le Pourquoi pas ? du commandant Charcot du fils Victor, se recomposent et se combinent pour déboucher un jour sur L'Homme du Labrador. Par nature, par instinct, nous confie-t-il, je me sentais déjà du nord. Bien sûr, dans ses souvenirs, on retrouve la tante Léa et l’oncle Charles, ce vieux baroudeur qui avait connu les campagnes d’Afrique et d’Extrême-Orient, héros de son roman Quand j'étais capitaine.
Tous ces récits, la fin tragique de la mère Magnin, les balades dans la vieille auto de la mère Broquin, les amis cheminots de son père, vont s’imprégner dans la mémoire du jeune homme, ‘oubliés’, endormis mais qui alimenteront peu à peu son imaginaire. Bernard Clavel profitait de leurs propos. Il vivait avec eux leur vie simple, parfois leurs aventures, c’est ainsi que je devais me rendre jusqu’à Istanbul dès l’âge de cinq ans à travers les récits d’un autre cheminot : le père Tonin. Il lui suffisait d’un chêne étêté qui devenait navire de haute mer et il était tour à tour Christophe Colomb, Vasco de Gama ou Charcot, Robinson Crusoé parfois quand mon bateau se muait en île.
Ce vieux chêne qu’il ne soumet à un sévère élagage que sur injonction de son père, a des airs de famille avec L’Arbre qui chante. C’est aussi cette absence de livres chez lui qui l’a marqué, et il se demande si tous les enfants qui ont vécu leurs jeunes années dans une maison sans livres sont, comme je l’ai été, fascinés par la chose imprimée. Il gardera des impressions profondes, rémanentes, des impressions de peintre avec ces reproductions de Bosch et de Pieter Bruegel dont ils retrouvent certains traits dans le visage de cette folle entrevue un jour en gare de Chaussin. En peinture, c’est sa tante Léa qui fut son initiatrice, l’aidant à développer ses dons naturels pour le dessin, lui présentant Delbosco, un voisin peintre.
À travers les menues distractions qui étaient autant de petits bonheurs, la joie de la retraite aux flambeaux, titre d’un de ses romans, se dessine L’Hercule sur la place qui doit ressembler à son oncle Paul, coiffeur à Dole. Dole, la ville de sa mère où il allait voir la maison natale de Pasteur et, sur le belvédère, admirer le panorama. Un jour de balade, il découvre, béat, le lac Léman dont il écrira Les Légendes. Nostalgie de l’almanach, nostalgie des textes de Roland Dorgelès, des bonheurs d’enfants qui peuvent déboucher sur de belles joies d’homme », des extraits de Maria Chapdelaine, de la neige, de la glace… nous parlions du Canada comme d’un paradis, avant-goût du Royaume du Nord. Des quelques livres entrés parcimonieusement chez lui, il dira c’est d’eux que me vient l’essentiel de ce qui a nourri mes romans.
Les souvenirs plus récents, c’est le temps de La Grande Patience, l’apprentissage à Dole chez un pâtissier « qui était une brute, c’est le temps des années noires que son ami Jean Guéhenno a si bien décrit dans son Journal, la montée du nazisme et la guerre. Les hommes sérieux murmuraient, écrit-il. Tout ça ne sent pas bon. Ces nazis sont en train de nous préparer de grands malheurs. Les Grands Malheurs, titre de son dernier roman.
Les Petits Bonheurs, c’est tout ça, les histoires, la vie quotidienne, les émotions qui l’ont marqué où l’on retrouve toute son iconographie, c’est d’abord une incursion dans ce qu’il appelait sa géographie sentimentale.

Écrit sur la neige

Ce livre où Bernard Clavel égrène ses souvenirs, ce qui a fait sa vie et nourri son œuvre, est né d’une série d’interviews recueillis par le journaliste Maurice Chavardès. Il y développe ses conceptions, disant qu'il écrit pour communiquer mes émotions à mes semblables et pour en provoquer le renouvellement, que ce métier requiert de la patience pour l'apprendre mais que ne deviendra romancier que celui qui est né romancier : c'est-à-dire celui qui porte en lui un monde et le désir profond de l'animer.
Il y évoque son enfance, son univers à Lons-le-Saunier avec ses parents, tout ce qui a disparu depuis, démoli, le jardin bétonné, saccageant ses souvenirs, qu’il ressent comme une blessure. Il revoit ces petits riens qui affleurent à sa mémoire comme la lampe pigeon de sa mère. Il voudrait retrouver les crépuscules d’hiver, le silence qui accompagne cette fuite de la lumière, il imprégnait les âmes et ce qui pénètre ainsi une âme d’enfant peut à jamais colorer l’existence d’un homme. Il était alors un rêveur invétéré.
Il y eut d’abord la peinture, cadeau de la tante Léa qui sera son initiatrice. Puis il rencontra à Lons-le-Saunier près de chez lui Roland Delbosco, un peintre-poète qui lui inocule le virus, lui fit découvrir le Rhône à Vernaison où il s’établit pour plusieurs années. Le Rhône, ce fleuve qui hante nombre de ses romans, de Pirates du Rhône jusqu’à La Table du roi. Vernaison est une étape essentielle, il s’y est marié, ses enfants y sont nés, là-bas il s’est colleté à la peinture puis à l’écriture. Là-bas, il fait la connaissance d’un amateur d’art Louis Mouterde chez qui il découvre la peinture de l’école lyonnaise. Ses goûts le portent aussi vers les impressionnistes et la peinture hollandaise, pays où il aime se rendre pour visiter les musées, surtout Rembrandt et Bruegel, le peintre qui l'a le plus marqué dans sa jeunesse.

Bernard Clavel n’aime pas évoquer le contexte de ses romans et des aspects biographiques qu’ils contiennent, tout vient de la vie, de ce que l’écrivain engrange de 'matière première', expériences faites d’événements et de sensations. L’art est fait d’impulsions mises en forme.
Généralement, ses œuvres il les porte longtemps, les laisse mûrir puis s’y invertit totalement jusqu’à oublier le présent et délaisser ses proches. Même s’il y répugne, il évoque la genèse de La Saison des loups, sa visite à Salins-les-Bains et le choc quand il découvre cette guerre oubliée quand la Franche-Comté, humiliée et dévastée, devient française, comment ses personnages l’ont amené à donner une suite à ce premier volume dans La Lumière du lac.
À la question de savoir s’il est un intellectuel, Bernard Clavel répond qu’un homme doit pouvoir changer de métier, lui se verrait plutôt menuisier ou charpentier. Sa vocation, même s’il n’aime guère ce mot, il l’a considère comme un 'bouillon de culture' : Je suis né sensible, j’ai été élevé par une mère qui l’était, par un père secret… notre entourage d’artisans raconteurs d’histoires m’a impressionné. Petit, on l’accusait de mentir alors que, dit-il, il ne faisait que raconter des histoires.
Son engagement s’est fait peu à peu, de façon naturelle, l’amenant à défendre un humanisme basé sur la sauvegarde de l’homme et de la nature, le recours à la non-violence. Pour lui, un fleuve, une terre, un vignoble, des forêts sont tellement liés à l’existence de l’homme qu’il me paraît impossible que l’humanité oublie ce lien sans courir à sa perte. Engagement pour l’écologie et les enfants martyrs, engagement contre l’État guerrier et marchand d’armes. Engagement aussi dans l’affaire Jean-Marie Deveaux ou l’affaire Buffet-Bontemps contre la peine de mort, contre les pratiques policières, l’impéritie de la justice et du système pénitentiaire. C’est un homme en colère qui fustige policiers et magistrats indifférents ou trop répressifs.

Tant que l’injustice sévira jusqu’aux plus hauts degrés de l’État, le problème de la délinquance restera entier. Mais il continuera malgré tout à se battre contre la violence et la haine. Ma vie est plantée de jalons en forme de clefs, confie-t-il à son interlocuteur. Sa rencontre avec Louis Lecoin en est un. Il écrit dans ses revues Liberté et Défense de l’homme, il participe avec lui à son combat pour le statut d’objecteur de conscience. Son pacifisme remonte à cette nuit d’août 1944, nuit de torture d’un pauvre type qui lui laisse dans la bouche un goût de fiel. C’est le souvenir de cette nuit qu’il utilisera dans L’Espagnol pour peindre une scène semblable. Mais le petit garçon jouait à la guerre et creusait une tranchée dans le jardin de son père : épisode qu’il rappelle à plusieurs reprises et reprend dans son roman Quand j'étais capitaine. Sa rencontre avec le père Maurice Lelong devait aussi l’influencer, évoquant ensemble Romain Rolland, défendant les insoumis et luttant contre la guerre d’Algérie.
Son rejet de la guerre l’amène à publier Le Silence des armes, puis sa Lettre à un képi blanc. Il aura d’ailleurs l’occasion de rencontrer son contradicteur le caporal Mac Seale, ouvert au dialogue, intelligent, et qui avait fort bien compris mon livre. Hasard de la vie, il retrouve en Allemagne Hans Balzer, soldat allemand qui pendant l’hiver 1942-43 se trouvait comme lui à la prison de Carcassonne. Immense émotion, surtout quand ils visitent Buchenwald et parlent de leur admiration pour Romain Rolland.
Son engagement, c’est aussi sauver les enfants à travers l’association Terre des Hommes et du livre Le Massacre des innocents qu’il écrit à son profit. Avec Claude Mossé et les medias suisses, il se bat pour les enfants du Bengale, se rend sur place et se bat pour acheminer le maximum de vivres. Il y a certes la violence individuelle, Bernard Clavel sait combien il est facile d’y succomber, combien aussi des jeunes comme les héros de son roman Malataverne peuvent en être victimes, mais la violence d’État est encore la plus pernicieuse. Pour lui, l’arme absolue est la non-violence, la seule utilisable sans enfreindre aucune loi morale.
Sur le plan littéraire, il reconnaît lire peu de romans et, en matière d’influence note son ami et biographe Michel Ragon, le rapprochement de tant d’auteurs, une dizaine, signifie qu’en réalité, il ne ressemble à personne. Le jour où il démissionne de l’Académie Goncourt, il skie dans le Jura avec des amis, la vraie vie, entre partage et amitié, nous écrivons toujours sur la neige, note-t-il, le tout est de savoir à quelle heure se lèvera la tempête.
Les décorations et les prix littéraires ne l’ont jamais intéressé, même s’il a obtenu le prix Goncourt dans des conditions assez rocambolesques auxquelles il est resté totalement étranger. Même s’il a obtenu de nombreux prix, il les juge plus néfastes qu’utiles. Ce qui l’a le plus marqué – et beaucoup aidé – ce sont les rencontres, ses premiers amis avec Delbosco qui, de fil en aiguille, vont lui permettre de devenir l’ami d’écrivains comme Hervé Bazin, Armand Lanoux, Roland Dorgelès, puis Jean Giono et Marcel Aymé. Ses livres lui valent l’amitié de philosophes comme Gaston Bachelard et Gabriel Marcel. Il se montre très critique envers les critiques, dénonçant le côté élitiste ou réactionnel de beaucoup d’entre eux. Mais il pense surtout à d’autres rencontres comme celle de Frédéric Ditis des Éditions J’ai lu ou avec le peintre Jean-François Reymond qui débouchera sur la publication du livre Bonlieu ou le silence des Nymphes.
Lors de ses débuts, Bernard Clavel a beaucoup travaillé pour la radio, excellent apprentissage pour lui à Radio-Lyon. S’il est déçu par les deux adaptations au cinéma Le Tonnerre de Dieu et Le Voyage du père, il s’enthousiasme pour la télévision et participe à l’adaptation de plusieurs de ses œuvres.
Il a également beaucoup écrit pour la jeunesse car dit-il, quel bonheur de retrouver un moment de sa propre enfance, rechercher ses propres sources d’émerveillement. Mais il est difficile de traiter de la réalité en édulcorant les côtés les plus négatifs, en évitant toute violence, à promouvoir de nobles sentiments tels que la droiture et l’honnêteté sans pour autant bêtifier.

Si l’attitude de l’Église l’a souvent agacé, si sa recherche de Dieu a toujours été difficile, il a réussi à retrouver la foi. Avec l’âge, il lui semble peu à peu apprivoiser la mort, vouloir une mort plutôt lente avec laquelle il puisse se confronter mais, dans les cas extrêmes, être favorable à l’euthanasie.

Á propos de la Franche-Comté et de ses nombreux déménagements, il admet être un déraciné et que c’est un constat très démoralisant. Ceci l’amène à développer l’un de ses thèmes favoris : l’écologie, la culture biologique, la défense de la planète et de la biodiversité. C’est aussi le cas précise-t-il pour le Jura où il s’était installé un moment dans le village de Château-Chalon près de Lons-le-Saunier, pollué par l’urbanisation et le tourisme. Pourtant, il pense déjà à l’époque, en 1977, à revenir près de ses racines, l’essentiel serait seulement que je puisse m’en rapprocher le plus possible.
Il le réalisera en 2002 lorsqu’il s’installera dans la commune de Courmangoux dans le Revermont bressan, avant que tout soit remis en cause par la maladie.

Œuvre

Bernard Clavel a écrit près de 40 romans, ainsi que des essais, des recueils de nouvelles et des livres pour enfants :

Romans

Série La Grande Patience
La Maison des autres , 1962
Celui qui voulait voir la mer, 1963
Le Cœur des vivants, 1964
Les Fruits de l'hiver, 1968
Série Les Colonnes du ciel 9
La Saison des loups, 1976, Robert Laffont
La Lumière du lac, 1977, Robert Laffont, dernière édition 1985
La Femme de guerre, 1978, Robert Laffont
Marie Bon pain, 1980, Robert Laffont, dernière édition 1985
Compagnons du Nouveau Monde, 1981, Robert Laffont, dernière édition 1985
Série Le Royaume du Nord
Harricana 1983
L’Or de la terre 1984, Albin Michel
Miséréré 1985
Amarok 1987
L’Angélus du soir 1988, Albin Michel
Maudits sauvages 1989, Albin Michel

Autres romans

Bernard Clavel a écrit de nombreux romans à partir de 1956 jusqu'aux années 2000 :
L'Ouvrier de la nuit, Julliard, 1956 ou Jura Robert Laffont, 1971
Pirates du Rhône, André Bonne, 1957 — Réédition chez Robert Laffont, 1974
Qui m'emporte, 1958, Robert Laffont, — Réédité à plusieurs reprises sous le titre Le Tonnerre de Dieu.
L'Espagnol, 195910
Malataverne, 1960, Robert Laffont
Le Voyage du père, 1965, Robert Laffont
L'Hercule sur la place, 1966, Robert Laffont
Le Tambour du bief, 1970 Robert Laffont
Le Seigneur du fleuve, 1972 Robert Laffont
Le Silence des armes, 1974 Robert Laffont
Tiennot ou l'île aux Biard, 1977
L'homme du Labrador, 1982, Balland
Quand j'étais capitaine, 1990 Albin Michel
Meurtre sur le Grandvaux, 1991 Albin Michel
La Révolte à deux sous, 1992 Albin Michel
Cargo pour l'enfer, 1993, Albin Michel
Les Roses de Verdun, 1994, Albin Michel
Le Carcajou, 1995 Robert Laffont
La Guinguette, 1997, Albin Michel
Le Soleil des morts, Albin Michel, 1998
Le Cavalier du Baïkal, Albin Michel, 2000
Brutus, 2001, Albin Michel
La Retraite aux flambeaux, Albin Michel, 2002
La Table du roi, 2003, Albin Michel
Les Grands Malheurs, 2004, Albin Michel

Contes, nouvelles et divers Récits et essais Clavel.

Image de conte

Bernard Clavel a écrit plusieurs livres concernant les légendes (Légendes des lacs et des rivières, des montagnes et des forêts, de la mer, du Léman) qui sont plutôt des œuvres pour la jeunesse, ainsi que deux autres ouvrages les Contes et légendes du bordelais et les Contes espagnols.
1969 L'espion aux yeux verts, Robert Laffont,
1978 L’ami Pierre, texte de Bernard Clavel, photos de Jean-Philippe Jourdrin, 78 pages, Duculot,
1979 L'iroquoise, L'instant romanesque, Éditions Balland,
1980 La Bourrelle, Éditions Balland,
1983 Georges Brassens, auprès de mon arbre, André Tillieu, préface de Bernard Clavel,
1992 Contes espagnols, Le pont du Llobregat - le pêcheur et le sabbat-la perle de la forêt, illustrations de August Puig, Le Choucas, 77 pages, Voir aussi et Clavel-Puig
1997 Contes et légendes du bordelais, éditions Mollat, 06/06/1997, 90 pages,
1997 Gandhi l'insurgé : l'épopée de la marche du sel, Jean-Marie Muller, préface de Bernard Clavel, Éditions Albin Michel,
2002 Rondes et Comptines, sur CD audio, chantées par Clémentine et ses amis, De Plein Vent - Frémeaux & Associés
2005 Le chien du brigadier, Sélection Du Reader's Digest, collection 50 Ans Sélection du Livre, 61 pages, 04/2005,

Essais et récits

Pour plus de détails, voir : Récits et essais Clavel.
1958 Paul Gauguin, Éditions du Sud-Est,
1962 Célébration du bois, Éditions Robert Morel,
1967 Léonard de Vinci, Éditions Club d’Art Bordas,
1968 Victoire au Mans, Éditions Robert Laffont,
1970 Le massacre des innocents, Éditions Robert Laffont,
1973 Bonlieu ou le Silence des nymphes, dessins de J.-F. Reymond, Éditions H.-R. Dufour, Lausanne,
1975 Lettre à un képi blanc, Éditions Robert Laffont
1977 Écrit sur la neige, Éditions Stock, interviews recueillies par Maurice Chavardès : voir présentation dans le chapitre III du sommaire.
1977 Fleur de sel, les marais salants de Guérande, texte de Bernard Clavel, photos de Paul Morin, Éditions Le Chêne, 1977 et 1985
1979 Le Rhône ou les métamorphoses d’un Dieu, Éditions Hachette Littérature, photos Yves-André David,
1984 repris sous le titre Je te cherche vieux Rhône, Éditions Actes Sud, 02/1984, couverture Christine Le Bœuf, réédité en avril 2000
1981 Arbres, par Bernard Clavel et Grégoire Curien, Éditions Berger-Levrault, réédition 1995,
1981 Terres de mémoire, le Jura, de Bernard Clavel, Georges Renoy, et Jean-Marie Curien, Éditions Jean-Pierre Delarge,
1999 les petits bonheurs, Éditions Albin Michel, 1999, Pocket 04/2000 : récit autobiographique, voir présentation dans le chapitre III du sommaire.
2000 Les Vendanges, texte de Bernard Clavel, photos de Janine Niepce, Éditions Hoebeke, 09/2000, 104 pages
2003 L'Hiver, Éditions Nathan, collection Voyages et nature, 10/2003, 192 pages
2003 Paroles de paix, texte de Bernard Clavel, illustrations de Michele Ferri, Éditions Albin Michel, 01/2003, 64 pages
2005 J'avais six ans à Hiroshima. Le 6 août 1945, 8h15, Nakazawa Keiji, précédé de La peur et la honte de Bernard Clavel, Éditions Le Cherche-Midi, 2005, 169 pages, voir Présentation du livre

Revues et collaborations diverses

Le Vieux Lyon est-il menacé ? par Bernard Clavel, revue Le Jardin des arts no 86, janvier 1962
Vienne par Bernard Clavel, revue Le Jardin des arts no 90, mai 1962
Les croix des mariniers du musée de Serrières par Bernard Clavel, revue Le Jardin des arts nos 97-98, déc. 1962 - janv. 1963
L'école lyonnaise de peinture par Bernard Clavel, revue Le Jardin des arts no 100, mars 1963
Cœur vivant de la maison par Bernard Clavel, revue Le Jardin des arts no 109, décembre 1963
Le grand art de la soierie, revue Le Jardin des arts no 112, Jules Tallandier, mars 1964
Castres par Bernard Clavel, revue Le Jardin des arts no 115, juin 1964
Lyon à la pointe du progrès, par Bernard Clavel, revue Plaisirs de France, avril 1963
Un musée tibétain dans le Vieux-Lyon, par Bernard Clavel, revue Plaisirs de France, février 1965
Le talon de fer, de Jack London, Club Diderot, Paris, 1967
L'Affaire Deveaux, article de Bernard Clavel, Édition Publication Première, collection Édition Spéciale, 265 pages, 1969
Jacquou le croquant, Eugène Le Roy, préface de Bernard Clavel, Calmann-Levy, 360 pages, 1969
Les Cerdan, Passevant Roland, préface de Bernard Clavel, Dargaud, in-8 broché, 170 pages, 1970
La chiropractie, de Jean Gallet, Hachette, Paris, 1970
Mourir pour Dacca, Claude MOSSE, préface de Bernard Clavel, Paris, Robert Laffont, in-8 broché, 220 pages, 1972
Écrits, Louis Lecoin, extraits de 'Liberté' et de 'Défense de l'homme', préfaces de Bernard Clavel et de Robert Proix, Union pacifiste de France UPF, Boulogne, 255 pages, 1974
Revue Liberté de Louis Lecoin, articles de Bernard Clavel sur le pacifisme et l’objection de conscience
Aux confins de la médecine, Gaston Baissette, Préface de Bernard Clavel, In 218 pages, Julliard, 1977
La gerbe d'or, Henry Béraud, préface de Bernard Clavel, Édition Horvath, Roanne, 207 pages, l'histoire de la boulangerie Lyonnaise 'la gerbe d'or' au début du siècle, 1979
Autour de Marcel Aymé, article de Bernard Clavel, Cahiers Dolois, 1980
Le Lycée de mon père, Maurice Toesca avec une préface de Bernard Clavel, Mémoires de ma mémoire - Éditions Clancier -Guénaud - collection Mémoire pour Demain, 209 pages, 1981
Magazine littéraire no 298, Entretien avec Bernard Clavel
Ils ont semé nos libertés, Michel Ragon, avant-propos de Bernard Clavel, Éditions Syros, 1984
Truphémus et les cafés de Lyon par Bernard Clavel et René Déroudille, revue L'œil 360-361, juillet-août 1985
La table au pays d 'Henri Maire, M R Bazin, préface de Bernard Clavel
Fleur de sel, les marais salais de Guérande, texte de Bernard Clavel, photos de Paul Morin, Éditions Le Chêne, 1985
Morges sept siècles d'histoire vivante 1286-1986, Robert Curtat, préface de Bernard Clavel, Au Verseau, 193 pages, 1986
La littérature au risque de la psychanalyse, article de Bernard Clavel, Le Croquant, Saint-Étienne du Bois, 1989
Les Travailleurs Face à L'armée, Jean Authier, postface de Bernard Clavel, Moisan Union pacifiste de France, 80 paqges
L'Irlande, Pat Coogan, Jean-Pierre Duval, Préface de Bernard Clavel et Josette Pratte, Romain Pages Éditions, 1993, 96 pages
Franche-Comté Champagne Ardenne, La France et ses Trésors, préface de Bernard Clavel, Larousse-sélection Du Reader Digest, 1994, 138 pages
Brassens, le mécréant de Dieu, Jean Claude Lamy, témoignage de Bernard Clavel, Albin Michel 2004, 310 Pages
Il y a 100 ans La France d'autrefois, présenté par Bernard Clavel, Reader's Digest, 2005, 287 pages

Œuvres pour la jeunesse

L’Arbre qui chante, 1967, illustrations de Christian Heinrich, La Farandole, Album, réédité en 2005 chez Hatier et en 1997 avec La maison des canards bleus et Le chien des Laurentides
La Maison du canard bleu, Casterman, 1972, Le Chien des Laurentides, Casterman, 1979,
Ces trois titres sont regroupés désormais sous le titre L’Arbre qui chante, 1997, Albin Michel Jeunesse,
Victoire au Mans, Robert Laffont, 1968
Légendes des lacs et des rivières, illustrations Jacques Poirier, notes de Nicole Sinaud, Hachette Jeunesse, 1974 et 1986, réédition chez Hachette Jeunesse, 2002,
Légendes de la mer, Hachette Jeunesse, 1975, LGF en 1981 et Le Livre de poche jeunesse, 10/2008, illustrations Rosiers-Gaudriault, commentaires Nicole Sinaud, 189 pages,
Légendes des montagnes et des forêts, illustrations Mette Ivers, commentaires Nicole Sinaud, Hachette Jeunesse, 1975, LGF en 1983 et Le Livre de poche jeunesse, 08/2008, 184 pages,
Le voyage de la boule de neige, Robert Laffont, 1975
Félicien le fantôme, de Bernard Clavel et Josette Pratte, illustrations Jean Garonnaire, Éditions Jean-Pierre Delarge, 1980
Poèmes et comptines, L'École des Loisirs, 1981
Le hibou qui avait avalé la lune, Clancier-Guénaud, 1981
Odile et le vent du large, G. P. Rouge et Or, 1981
Rouge pomme, L'École des Loisirs, 1982
Le roi des poissons, illustrations Christophe Durual et de François Crozat, Albin Michel Jeunesse, 1994, réédition en 2000
Les trois titres suivants sont regroupés désormais sous le titre Le mouton noir et le loup blanc, 1998, Flammarion :
Le Mouton noir et le loup blanc, Flammarion, 1984, L’Oie qui avait perdu le nord, illustrations Véronique Arendt, Flammarion, 1985, Au cochon qui danse, Flammarion, 1986,
Le grand voyage de Quick Beaver, Nathan, 1988
À kénogami, poèmes, images de Gilles Tibo, Messidor/La Farandole, 1989
Les portraits de Guillaume, illustrations Dominique Ehrhard, Nathan, 1991
Ces deux titres, ainsi que La Maison en bois de lune sont regroupés désormais sous le titre Achille le singe, Albin Michel :
L’autobus des écoliers, illustrations de Christophe Besse, La Farandole, 1991, Le rallye du désert, illustrations Christophe Besse, La Farandole, 1993
Rondes et comptines, disque, textes de bernard Clavel, musique de Thierry Fervant, Éditions Frémeaux, 1991
La cane de barbarie, dessins de Anne Romby, Le Seuil, 1992

Liens

http://youtu.be/KOQDPfOiJjw Goncourt 1968 Clavel
http://youtu.be/g-B3iaXhEGA Bernard Clavel
http://youtu.be/9rQVRbFUm7o PPDA Hommage à Clavel
http://youtu.be/v0qzOtI_B7A Bernard Clavel l'anti grand canal
http://youtu.be/tTgN3t7ZcOg Le carcajou de Clavel



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Diderot 1
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Le 5 octobre 1713 à Langres naît Denis Diderot

mort, à 70 ans le 31 juillet 1784 à Paris écrivain, philosophe, encyclopédiste, Écrivain, Romancier, Dramaturge, Conteur, Essayiste, Dialoguiste, Critique d'art, Critique littéraire, Traducteur français des Lumières
Avec d'Alembert, Diderot fut fondateur et rédacteur de l'Encyclopédie, 1751-1772. Grand amateur de musique, il se donna la tâche de traiter des instruments et des questions d'ordre esthétique concernant cet art. D'autres ouvrages de Diderot réservent une place à la musique, comme ses Mémoires sur différents sujets de mathématiques Paris, 1748, en quatre parties, où il traite des problèmes d'acoustique et d'un projet pour la construction d'un orgue mécanique. Dans le Neveu de Rameau inédit à sa mort, le philosophe attaque le célèbre compositeur en affirmant : Il n'est pas décidé que ce soit un génie …, qu'il soit question de ses ouvrages dans dix ans. En 1771, Diderot fit paraître un livre intitulé Leçons de clavecin et principes d'harmonie par M. Bemetzrieden, sous forme de dialogue, dans lequel l'auteur donne des leçons à un élève, son fils. Comme J.-J. Rousseau, Diderot se prononça en faveur de la musique italienne lors de la Querelle des bouffons en 1752, et contre les partisans de l'ancien opéra à la manière de Rameau.


Diderot est reconnu pour son érudition, son esprit critique et un certain génie. Il laisse son empreinte dans l'histoire de tous les genres littéraires auxquels il s'est essayé : il pose les bases du drame bourgeois au théâtre, révolutionne le roman avec Jacques le Fataliste, invente la critique à travers ses Salons et supervise la rédaction d'un des ouvrages les plus marquants de son siècle, la célèbre Encyclopédie. En philosophie également, Diderot se démarque en proposant plus de matière à un raisonnement autonome du lecteur plutôt qu'un système complet, fermé et rigide. Rien en fait ne représente mieux le sens de son travail et son originalité que les premiers mots de ses Pensées sur l'interprétation de la nature 2e éd., 1754:
"Jeune homme, prends et lis. Si tu peux aller jusqu'à la fin de cet ouvrage, tu ne seras pas incapable d'en entendre un meilleur. Comme je me suis moins proposé de t'instruire que de t'exercer, il m'importe peu que tu adoptes mes idées ou que tu les rejettes, pourvu qu'elles emploient toute ton attention. Un plus habile t'apprendra à connaître les forces de la nature ; il me suffira de t'avoir fait essayer les tiennes."
Mal connu de ses contemporains, tenu éloigné des polémiques de son temps, peu enclin à la vie des salons et mal reçu par la Révolution, Diderot devra attendre la fin du XIXe siècle pour recevoir enfin tout l'intérêt et la reconnaissance de la postérité dans laquelle il avait placé une partie de ses espoirs.

En Bref

Il est vrai que toute grande œuvre se suffit : mais plus l'auteur a été engagé dans l'action, plus il a procédé par allusions, avouées ou secrètes, à son expérience, plus il s'est exprimé et trahi par son style, plus, alors, sa vie nous éclaire. Or, toutes ces raisons valent pour Diderot : il faut tenter de le connaître. Pour commencer par les dehors, on lira des biographies. On ira plus avant en ouvrant la Correspondance, où, comme a dit Paul Vernière, on a déjà le véritable Diderot, naïf mais madré, enthousiaste mais rationnel, simple et pontifiant, jovial et mélancolique, généreux et intéressé, indiscret et fidèle, impudique et secret. Un troisième visage – sans parler de ceux que procurerait l'enquête psychanalytique – apparaîtrait en décryptant, ce travail est loin d'être fait les souvenirs et allusions parfois énigmatiques que l'auteur, surtout vieillissant, a multipliés dans ses œuvres. Parmi d'autres énigmes, pourquoi, dans Jacques le Fataliste, avoir situé rue Traversière, où il a habité, une maison de passe ? Pourquoi mettre dans la bouche de d'Alembert et de Julie de Lespinasse une doctrine qui ne pouvait être la leur ?
On s'en tiendra ici au cadre biographique. Dans ce cadre, en arrière-fond, on aurait à peindre le siècle de Louis XV tel qu'il pouvait apparaître à un Parisien averti, avec ses guerres, ses voyages, ses colonisations, ses théories économiques, avec, plus proches du modèle, les luttes qui opposent le Parlement janséniste à la Cour acquise aux jésuites, avec, enfin, en avant-plan, dans l'éclairage des Lumières, tous les événements philosophiques qui alimentaient journaux, pamphlets, traités, essais. Quant au modèle même, Diderot, il faudrait, par un système de miroirs, en montrer les divers visages simultanés ou successifs : ici, le philosophe qui médite sur la nature de la matière, du mouvement, de la vie ou de l' âme ; là, le critique d'art ; ailleurs, le directeur de l'Encyclopédie, qui improvise, qui compile, s'instruit de toutes sortes de métiers ; dans un autre miroir, le dramaturge qui théorise ou qui sermonne ; à moins que ce ne soit le conteur ou le satiriste ; ou encore l'épistolier. Auteur innombrable, l'un des plus représentatifs de son temps, et l'un de ceux qui lui survivent.

Sa vie Naissance d'un philosophe

Denis Diderot naît à Langres, dans une famille bourgeoise le 5 octobre 1713 et est baptisé le lendemain en l'église Saint-Pierre-Saint-Paul de Langres, la cathédrale étant réservée aux baptêmes de nobles.
Ses parents mariés en 1712 eurent six enfants dont seulement quatre atteignirent l'âge adulte. Son père Didier Diderot, maître coutelier, était réputé pour ses instruments chirurgicaux, scalpels et lancettes notamment. Son grand-père Denis Diderot, coutelier et fils de coutelier, s'était marié en 1679 à Nicole Beligné, de la célèbre maison de coutellerie Beligné. Sa mère Angélique Vigneron était la fille d'un maître tanneur.
Diderot était l'aîné de cette fratrie dont chaque membre tint un rôle important dans la vie de l'écrivain. Angélique, ursuline, mourut jeune au couvent et inspira La Religieuse; Didier-Pierre embrassera la carrière ecclésiastique et sera chanoine de la cathédrale de Langres. Les relations entre les deux frères seront toujours conflictuelles, au-delà même du décès de Denis. Denise, enfin, également restée au pays, sera le lien permanent et discret entre Diderot et sa région natale.
De 1723 à 1728, Denis suit les cours du collège jésuite, proche de sa maison natale. À douze ans 725, ses parents envisagent pour lui la prêtrise et, le 22 août 1726, il reçoit la tonsure de l'évêque de Langres et prend le titre d'abbé dont il a la tenue. Il doit succéder à son oncle chanoine à Langres, mais sa mort prématurée sans testament ne peut faire bénéficier son neveu de sa prébende.
De sa mère, il ne parlera que par occasions. En revanche, son père, un petit industriel coutelier, garde sur lui une influence décisive : Un des moments les plus doux de ma vie, ce fut ... lorsque mon père me vit arriver du collège les bras chargés de prix. Du plus loin qu'il m'aperçut, il laissa son ouvrage, il s'avança sur sa porte et se mit à pleurer. C'est une belle chose qu'un homme de bien et sévère qui pleure. Voilà le ton. Sans cette image paternelle on ne comprendrait ni que le fils ait tenu à écrire dans l'Encyclopédie l'article Coutelier, ni, d'une façon générale, le moralisme dont les Entretiens d'un père avec ses enfants, pris sur le vif, à Langres, proposent le modèle, que l'on retrouve sous la plume du dramaturge, Le Père de famille, 1758 ; Le Fils naturel, 1757, du critique d'art, sur Greuze ou littéraire, sur Richardson, etc. Ce moralisme, souvent trop bavard – rien de tel chez un La Mettrie ou un Helvétius – n'en apparaît pas moins, dans l'œuvre, en permanent conflit avec l'amoralisme, comme si la nature et la société ne cessaient de se quereller en un dialogue semblable à celui du Philosophe et du neveu de Rameau. Denis va avoir quatre sœurs. L'aînée l'étonnera : Socrate femme. La plus jeune, Angélique, finira folle dans un couvent d'ursulines ; il s'en souviendra en composant La Religieuse. Un frère enfin 1722, qui, devenu prêtre, sera le prototype de l'intolérance butée. Diderot reprendra dans l'Encyclopédie, Intolérance une lettre qu'il lui avait adressée en 1760.
Après d'excellentes études au collège des jésuites, en vue de la prêtrise – on le tonsure abbé le 22 août 1726 –, cet adolescens multiplici nomine commendatus vient à Paris en 1728 ou 1729, et l'on dispute encore pour savoir s'il entre au collège d'Harcourt, chez les jansénistes, ou à Louis-le-Grand, chez les jésuites, à moins qu'il ne soit passé de l'un à l'autre établissement. Puis sa trace se perd à peu près jusqu'en 1742. Quelques détails : maître ès arts en septembre 1732, on le devine tour à tour gratte-papier chez un avoué, précepteur chez un banquier ; il s'instruit, il mathématise, il apprend de l'anglais, il hésite entre la Sorbonne et la comédie ; en 1741 il rencontre Antoinette Champion : en bref, il mène une vie de bohème, et c'est là qu'il importerait de dépister, dans l'œuvre, toutes les allusions à ces années d'apprentissage, entre seize et vingt-neuf ans, sans la connaissance desquelles Diderot gardera toujours pour nous un secret.

Premières années

Peu intéressé par la carrière ecclésiastique, ni davantage par l'entreprise familiale et les perspectives de la province, il part étudier à Paris en 1728. Il ne reviendra plus guère à Langres que quatre fois, en 1742, à l'automne 1754, en 1759 et en 1770 et essentiellement pour régler des affaires familiales.
Ses premières années parisiennes sont mal connues. De 1728 à 1732, il suit sans doute des cours au collège d'Harcourt puis étudie la théologie à la Sorbonne. En tous cas, le 6 août 1735, il reçoit une attestation de l'université de Paris qui confirme qu'il a étudié avec succès la philosophie pendant deux ans et la théologie durant trois ans.
Les années 1737-1740 sont difficiles. Diderot donne des cours, compose des sermons, se fait clerc auprès d'un procureur d'origine langroise, invente des stratagèmes pour obtenir de l'argent de ses parents, au désespoir de son père.
Ses préoccupations prennent progressivement une tournure plus littéraire. Il fréquente les théâtres, apprend l'anglais dans un dictionnaire latin-anglais, et donne quelques articles au Mercure de France — le premier serait une épître à M. Basset, en janvier 1739. À la fin des années 1730, il annote une traduction d'Étienne de Silhouette de l'Essay on man d'Alexander Pope et se tourne vers la traduction.
Diderot rencontre Jean-Jacques Rousseau à la fin de 1742. Une forte amitié naît entre les deux hommes. C'est sur la route du Château de Vincennes, où est enfermé Diderot, que Rousseau a la fameuse illumination qui lui inspirera le Discours sur les sciences et les arts. Diderot lui-même n'est d'ailleurs pas étranger à certaines idées du texte. Par l'intermédiaire de Rousseau, Diderot rencontre Condillac en 1745. Ils forment à trois une petite compagnie qui se réunira souvent.
En 1742, il a traduit l'Histoire de la Grèce par Temple Stanyan – et il se lie avec Rousseau : le voici engagé dans la carrière, assez nouvelle au XVIIIe siècle, d'écrivain non pensionné et sans mécène, qui ne devra rien qu'à sa plume. Contre le vœu de son père, auquel il n'avouera son mariage qu'en 1749, il épouse, le 6 novembre 1743, Antoinette Champion ; trois enfants mourront en bas âge avant Marie-Angélique 1753, la future Mme de Vandeul, qui écrira la vie de son père. En 1744, Rousseau lui présente Condillac. L'année suivante, son adaptation annotée de l'Essai sur le mérite et la vertu, de Shaftesbury, laisse admettre qu'il croit encore à un Dieu providentiel. Mais, avec les Pensées philosophiques 1746, il a déjà évolué vers le déisme et la religion naturelle. Il n'ose produire la Promenade du sceptique 1747, qui ne verra le jour qu'en 1830. En 1748, quelques mois avant les Mémoires sur différents sujets de mathématique, il publie, pour satisfaire dit-on aux dépenses de sa maîtresse, Mme de Puisieux, les fameux Bijoux indiscrets. Sa mère meurt. L'Esprit des lois paraît : Diderot sera le seul homme de lettres à suivre le convoi funèbre de Montesquieu.

L'Encyclopédie

Ces années 1748-1749 inaugurent, avec L'Esprit des lois et les œuvres de La Mettrie, de Maillet, Condillac, Buffon, la nouvelle vogue des Lumières qui durera jusque vers 1765. Depuis octobre 1747, d'Alembert et Diderot sont chargés de mener à bien le projet de l'Encyclopédie, dont le Prospectus, probablement de notre auteur, sera lancé dans le public en 1750. La grande aventure commence : J'arrive à Paris. J'allais prendre la fourrure et m'installer parmi les docteurs en Sorbonne. Je rencontre sur mon chemin une femme belle comme un ange ; je veux coucher avec elle, j'y couche, j'en ai quatre enfants ; et me voilà forcé d'abandonner les mathématiques que j'aimais, Homère et Virgile que je portais toujours dans ma poche, le théâtre pour lequel j'avais du goût ; trop heureux d'entreprendre l'Encyclopédie, à laquelle j'aurai sacrifié vingt-cinq ans de ma vie. Une existence ne se faisant pas avec des si , comment apprécier ce que, dans cette aventure, Diderot aura gagné une information de style moderne, journalistique et perdu l'abandon ou la remise à plus tard – à trop tard ? – de l'œuvre personnelle ?
En avril ou juin 1749, il commet d'ailleurs l'imprudence de publier sa Lettre sur les aveugles où, du déisme, un pas de plus l'a conduit à l'athéisme et au matérialisme. Le 24 juillet, il est jeté en prison à Vincennes, où Rousseau lui fait la visite qui prête encore à polémiques : la thèse du Discours sur les sciences et les arts a-t-elle été suggérée en boutade par le prisonnier, ou est-elle apparue, en une illumination, à Rousseau dans le bois de Vincennes ? En tout cas, Diderot résiste mal à la prison : il flanche, il trahit ; quand il en sort, le 3 novembre, peut-être est-il voué comme le veut Michel Butor ou André Billy – contre l'opinion de Dieckmann – à n'écrire et surtout à ne publier qu'avec les ruses d'un Jacques fataliste devant ses maîtres. Tout en travaillant pour l'Encyclopédie, dont le tome premier sera distribué aux souscripteurs le 28 juin 1751, il se lie avec Grimm, avec d'Holbach, il donne la Lettre sur les sourds et muets 18 févr. 1751, polémique en faveur de l'abbé de Prades dont la thèse nov. 1751 pouvait passer pour une défense de la religion naturelle, prend parti pour les Italiens dans la querelle des Bouffons d'août 1752 à mars 1754, fait imprimer ses Pensées sur l'interprétation de la nature en novembre 1753 et – peut-être parce qu'au même mois sort le tome III de l'Encyclopédie déjà condamnée par un Conseil du roi – les diffuse si peu qu'il en procurera en 1754 une nouvelle édition que l'on croira longtemps être la première. Il rencontre Sophie Volland. En 1756 commence la guerre de Sept Ans. Les défaites, l'attentat de Damiens 5 janv. 1757 vont accroître les résistances contre l'Encyclopédie dont le tome VII mi-nov. contient l'article « Genève » de d'Alembert auquel Rousseau répliquera l'année suivante fin sept.. Désormais, le citoyen de Genève va s'éloigner de ses anciens amis. D'Alembert lui-même prend peur et déserte – alors que se déclenche la guerre des cacouacs contre les « philosophes » –, Diderot reste seul à la tête de la grande et périlleuse entreprise. Il tient bon pour ne pas ruiner les libraires.
Mieux, il trouve le temps de poursuivre son œuvre propre : au Fils naturel de 1757 qui ne sera joué à Paris qu'en 1771, il adjoindra en novembre 1758 le Discours sur la poésie dramatique, un mois après Le Père de famille, la première parisienne n'aura lieu qu'en 1761. Pour comble, le scandale provoqué l'été 1758 par le livre d'Helvétius, De l'esprit, alourdit l'atmosphère et brise, pour sept ans, l'essor de l'Encyclopédie, interdite dès mars 1759. En juin, à Langres, mort du père, dans son fauteuil, sans souffrance apparente. En septembre, Diderot rédige son premier Salon pour la Correspondance littéraire de Grimm, mais, en 1753, il avait déjà réfléchi, pour l'Encyclopédie, à la « Composition en peinture » : les Salons, on le sait, feront de notre philosophe un des créateurs de la critique d'art ; on sait beaucoup moins qu'ils ont servi à transformer, dans sa technique, le portrait romanesque. L'année suivante, au départ pour mystifier un marquis crédule, il ébauche La Religieuse. Il se consacre aux dix derniers tomes de l'Encyclopédie – ils ne seront distribués qu'en janvier 1766 – et, en grande partie pour répliquer à l'infamie de Palissot, burine 1762 les premiers traits du Neveu de Rameau. Les Salons se succèdent : 1761, 1763, 1765, 1767... En 1765, Catherine II lui achète sa bibliothèque, dont elle lui laisse à vie la jouissance. Enfin, le voici libéré de l'Encyclopédie, après avoir découvert en 1764 que son libraire, Le Breton, avait osé le censurer : Vous m'avez lâchement trompé deux ans de suite. Vous avez massacré ou fait massacrer par une bête brute le travail de vingt honnêtes gens.

L'œuvre individuelle

Désormais, Diderot peut reprendre ses œuvres inachevées ou en entreprendre de nouvelles : Le Rêve de d'Alembert août 1769, le Supplément au voyage de Bougainville 1772, en même temps qu'il collabore à l'Histoire des deux Indes de l'abbé Raynal. De juin 1773 à avril 1775, il voyage : il séjourne deux fois à La Haye où il annote la Lettre sur l'homme de François Hemsterhuis, et, pour le réfuter, le livre De l'homme d'Helvétius ; surtout, il passe cinq mois auprès de Catherine II, qu'il est venu remercier, et pour laquelle il dresse des plans de gouvernement et d'université. Rentré à Paris, il écrit l'Entretien avec la maréchale ** en 1776, l'Essai sur les règnes de Claude et de Néron en 1778. Il vieillit. Il ne publie pas. Il a renoncé, en 1774 puis en 1777, au projet d'une édition complète de ses œuvres. Ses grands chefs-d'œuvre sont d'abord connus en Allemagne et en allemand : les Essais sur la peinture, Le Neveu de Rameau, traduits par Goethe ; le plus long épisode de Jacques le Fataliste, traduit par Schiller ; Les Deux Amis de Bourbonne dont Schiller s'inspirera pour écrire Les Brigands et l'Entretien d'un père avec ses enfants, traduits par Gessner – est-il besoin de rappeler combien, après Lessing, Diderot retiendra, par ces traductions, l'attention de Hegel ? En 1784, Sophie Volland s'éteint en février ; et, le 30 juillet, comme s'il répétait la mort de son père, Diderot s'éteint à son tour, sans souffrance, dans son fauteuil.

La philosophie

Le monde
On l'appelait le Philosophe. On traduirait mal par « honnête homme » un encyclopédiste se piquant de tout. Mais il garde de l'honnête homme le dédain de la scolastique, l'amour des idées claires, le goût des lettres, la méfiance à l'égard de toute proposition que ne garantit pas l'expérience. Pas de systèmes, donc. Et, du même coup, le modèle mathématique dont se réclamaient ces systèmes more geometrico perd son privilège. Autres modèles : la philosophie de Newton, la psychologie de Locke, l'Histoire naturelle de Buffon, l'économie des physiocrates, la chimie de Rouelle. L'expérience ! toujours l'expérience ! et son corrélatif : la nature. À l'esprit de système du XVIIe siècle succède l'esprit de l'Encyclopédie, qui cherche à dresser l'inventaire de nos connaissances, à réaliser notre avoir afin de le mieux exploiter.
À l'évidence cartésienne, jugée trop subjective, on préférera la certitude expérimentale. Il en résulte que le philosophe doit s'inspirer de la science ou, mieux, des sciences. Or les sciences ne s'éclairent que par des théories qui dépassent les sens. Ces théories ne sont pas celles qu'imaginent les savants pour faire progresser leurs disciplines. Elles sont pour le philosophe une recherche de principes. C'est revenir à la métaphysique. Cependant, l'observable témoignant, assure-t-on, contre le dualisme, il n'y a plus ni Dieu ni âme – donc, non plus, de pourquoi –, toute transcendance est chassée, et cette métaphysique ne peut plus se reconnaître dans la métaphysique traditionnelle : elle est recherche – précritique, menée à partir de l'objet et non pas du sujet – des principes constitutifs du monde et de la nature et, par là, de l'expérience.
Le monde est un tout matériel : le tout. Dans l'espace absolu, la matière se distribue, sans vide, en molécules. Elle ne se réduit pas à l'étendue homogène et uniforme de Descartes : ses molécules sont hétérogènes et il n'en est pas deux d'identiques. Le mouvement lui est essentiel, et non pas inhérent comme le voudrait le déisme. Cela veut dire qu'elle se meut d'elle-même, sans avoir besoin d'impulsion ou de chiquenaude divine, et qu'il n'y a de repos nulle part ni jamais. La seule force d'impulsion n'explique pas ce mouvement : le mécanisme cartésien n'exprime que le plus superficiel des phénomènes. La force d'attraction ne suffit pas non plus, bien que son dynamisme pénètre à l'intérieur des masses homogènes que considère le système du monde. Sans doute, pour passer du monde à la nature, faut-il invoquer la force des chimistes capable, elle, de combiner des substances hétérogènes. Du reste, la chimie prélavoisienne fonctionne comme médium entre la dynamique du physicien et le dynamisme vital.
De la pierre à l'homme, du ver à l'étoile, l'univers reste un parce qu'il est un tout. Comment s'y engendre la vie ? Elle ne saurait naître d'une substance qui l'exclurait par hypothèse : mieux vaut, par conséquent, supposer vivantes les molécules hétérogènes de la matière, c'est-à-dire douées, chacune selon son proprium, d'une irritabilité ou réactivité sensible comparable à un toucher obtus. Ensuite, pourquoi ne pas admettre que ces molécules s'organisent selon les combinaisons de leurs affinités chimiques et selon la combinatoire lucrétienne de leur brassement au hasard, durant l'infinité des siècles ? Ainsi se formeraient les organismes où chaque organe se construirait par la fonction que lui imposerait le monde extérieur et s'organiserait intérieurement par les affinités qui combineraient sa sensibilité particulière.
Voilà des organismes. L'espèce de toucher obtus ou sensibilité morte impliquée dans les molécules s'y éploie, par les connexions qui lèvent l'obstacle de la limitation de l'individualité, en sensibilité vive. Sur fond d'inconscient, quelque conscience s'éclaire. Elle est corrélative de l'organisation et de ses états : entièrement obscure dans le minéral, moins opaque dans les plantes, elle devient confuse ou claire chez les animaux, parfois distincte chez l'homme, l'animal au cerveau le plus développé ; elle conserve en chacun tout ce qu'il a vécu ; elle varie du normal au pathologique ; spontanée chez la bête, elle est chez nous susceptible de réflexion. Une infinité de petites expériences qui se répètent passent en habitudes, elles aussi soumises aux particularités de l'organisation, qui se fondent dans l'inconscient et s'héritent avec la structure de l'organisme. Alors, on les appelle instincts. Chaque espèce a les siens. La raison est un instinct de l'homme.
Si l'une des sources de la raison est physiologique, l'autre est sociale. La raison ne se développe que dans et par la société qui lui en offre les loisirs. Toujours en quête de sa nourriture, toujours soumis à ses besoins, l'animal, bien que doué de connaissance, ne saurait accéder à une connaissance réfléchie : son langage naturel, d'action, réponse immédiate de l'émotion et du besoin, ne s'élève jamais au langage de convention. Libérée par la société, l'intelligence humaine n'est plus une simple faculté d'adaptation directe à la nature, elle se change en faculté d'adaptation indirecte, réfléchie, plus large, plus prévoyante.

La morale

D'origine biologique et sociale, la raison n'a de stable que la stabilité de l'organisation et de la nature ; elle change selon les progrès du milieu social. De même qu'un tout organique est un consensus de tendances où chaque organe a son intérêt propre – ce qui est la leçon de Bordeu –, de même la société, harmonisant les tendances individuelles qui cherchent leur satisfaction dans le bonheur, devrait subordonner les intérêts privés à l'intérêt général. Il faudrait donc que l'intérêt général commandât le droit civil, politique et pénal. Par malheur, trop de conventions nées de l'ignorance ont perverti les règles naturelles de la société. D'où le fanatisme religieux, l'esclavage de la pensée, l'inégalité par la loi, les injustices de l'impôt, la mauvaise organisation du commerce, l'absurdité d'un enseignement sans rapports avec les exigences techniques du monde moderne. Cependant, comme toutes les Lumières – inspirées par les physiocrates –, Diderot ne croit pas que l'institution de la propriété soit injuste : il la fonde sur le travail, de l'agriculteur, au départ ; il l'étend même du foncier à la possession de nos enfants, des disciples, des œuvres de la pensée. Mais il ne l'étend pas aux femmes : il s'indigne, au contraire, de l'état de sujétion en lequel on les maintient ; et le mariage qui veut unir par un serment indestructible deux êtres toujours changeants lui paraît contre nature ; il faut le compléter par le droit de divorce. Et c'est encore contre les vocations forcées que milite La Religieuse. Ainsi, le droit des parents à disposer de leurs enfants devient illégitime, dès qu'il devient contre nature. Comment remédier à l'injustice sociale ? D'abord, en rappelant que la souveraineté véritable est le consensus omnium, le contrat ; et, ensuite, en instituant le droit positif sur un libéralisme éclairé.
Rien d'absolu dans la morale, de quelque point de vue qu'on l'envisage. Elle dépend de notre organisation spécifique : dans un monde d'aveugles, le vol serait puni plus sévèrement que dans un monde de clairvoyants. Elle se diversifie selon les organisations individuelles, la fameuse molécule du Neveu de Rameau. Et chaque nation, chaque culte se fait la sienne. En définitive, nous vivons entre deux morales : l'une générale et commune à toutes les nations, à tous les cultes, et qu'on suit à peu près... ; c'est la morale spécifique, respectée « à peu près » en fait, mais respectable en droit ; l'autre morale est propre à chaque nation, chaque culte ; on la prêche, mais on ne la suit pas du tout. Et qu'enseigne l'expérience au philosophe ? un naturalisme utilitaire. Égoïsme et cruauté, tel est, semble-t-il, le fond primitif : c'est que le bon et le mauvais se définissent primitivement par l'utile à l'espèce et à l'individu ; l'égoïsme est principe de conservation, la cruauté exprime l'énergie, principe d'expansion. Si les méchants n'avaient pas cette énergie dans le crime, les bons n'auraient pas la même énergie dans la vertu. Si l'homme affaibli ne peut plus se porter aux grands maux, il ne pourra plus se porter aux grands biens. Aussi, les grands génies se couvent dans les temps difficiles ; il faut, pour les produire, une époque d'« actions atroces. Plaisir, douleur règlent nos premières démarches. Par la société le bon et le mauvais sont changés en bien et en mal. Grâce à je ne sais quelle singerie des organes – sous la dépendance du diaphragme –, la sympathie élève l'amour-propre à l'intérêt général et fait de l'énergie vitale un facteur de progrès. Ce n'est pas un Dieu, c'est la société qui donne l'idéal d'une morale universelle. Cette morale, le philosophe sait qu'elle est sans transcendance, sans innéité spirituelle, qu'elle est patiemment conquise et apprise dans le mouvement même de l'évolution sociale, qui n'est pas fatale, mais soumise à un déterminisme que le législateur doit utiliser. Mais le libre arbitre ? Chimère. Ce qui nous trompe est la prodigieuse variété de nos actions, jointe à l'habitude que nous avons prise tout en naissant de confondre le volontaire avec le libre. Diderot se souvient de Locke. Et de poursuivre : Mais quoique l'homme bon ou malfaisant ne soit pas libre, l'homme n'en est pas moins un être qu'on modifie ; c'est pour cette raison qu'il faut détruire le malfaisant sur une place publique. La sanction se justifie moralement, comme l'éducation, par l'emploi du déterminisme en vue de quelque bien social. Supprimer le libre arbitre, c'est couper à sa racine la superstition du péché et de l'intolérance. La liberté consiste donc à découvrir et à utiliser les lois de la nature et de notre nature pour promouvoir, par la science et par la politique, le progrès moral.

L'esthétique

En ce que nous appelons l'esthétique, Diderot développe une théorie, et l'applique à ses œuvres ou à la critique des écrivains et des artistes.
Quoique infléchie vers le matérialisme, la théorie, fidèle aux Anciens, recommande l' imitation des classiques et de la nature, mais annonce, par sa doctrine du génie, le passage du classicisme au romantisme.
L'imitation présuppose un modèle. Un modèle idéal. D'abord au sens où nous disons d'une figure mathématique ou d'une loi de la physique qu'elle est idéale. La nature étant une, nous agissons et nous pouvons créer selon ses lois : un charpentier incline les étais pour soutenir un mur suivant l'angle qu'aurait calculé un d'Alembert ou un Clairaut ; Michel-Ange donne au dôme de Saint-Pierre la courbe de plus grande résistance, telle que la retrouvera le géomètre de La Hire ; bref, l'instinct – résultat d'une infinité d'expériences ancestrales et individuelles – applique dans l'expérience la figure ou la loi que la réflexion découvre dans la pensée. Pourtant l'artiste n'est pas le savant, il imite les apparences, et l'œuvre qui paraît la plus parfaite serait une ébauche grossière au jugement de la nature. En art, le modèle n'est pas le vrai, mais il doit être au vrai semblable. Cette fois, passant de l'idéalité de la loi à l'idée ou image, le modèle idéal devient le modèle en idée avant sa mise en œuvre. Ce n'est pas tout. Nous n'observons que des individus qui, s'il s'agit des hommes, sont modelés par leur milieu : chaque âge, chaque état, chaque système politique a ses fonctions, ses expressions. En comparant, les déformations fonctionnelles nous renseignent sur la fonction pure, comme le pathologique sur le normal. Nous remontons à l'homme idéal, naturel. Par exemple, l'Apollon du Belvédère représente la beauté naturelle ; l'Hercule Farnèse, la beauté de l'homme laborieux. L'homme d'avant l'action, l'homme d'avant la société, naturel, voilà par conséquent l'homme idéal.
En définitive, la notion de modèle idéal s'organise autour de deux thèmes : l'idéalité des lois physiques ou de l'homme naturel, dont tous les membres bien proportionnés conspirent de la façon la plus avantageuse à l'accomplissement des fonctions animales ; et, au niveau de l'apparence, l'imaginé. Selon le premier thème, l'idéal se présente comme un archétype immuable de la nature – dans la mesure, au moins, où la nature ne change pas : ce modèle est un type dans le style de l'Apollon du Belvédère, ce n'est pas un individu pittoresque, un original ainsi que le Neveu de Rameau. Selon le second thème, l'idéal suit les vicissitudes des croyances sociales, surtout, à l'origine, religieuses : à l'utilité fonctionnelle, biologique, qui définit le beau selon le premier thème s'ajoute derechef le critère d'utilité sociale.
Comment réaliser le modèle idéal ? Tantôt Diderot ne réclame de l'écrivain ou de l'artiste que l'habitude de l'observation directe et la familiarité avec les grandes œuvres : cette habitude ou familiarité engendre une sorte d'instinct qui nous fait sentir la liaison des choses ; animez cet instinct, qu'il prenne verve, voici le beau. Tantôt Diderot invoque le génie : c'est un ressort de la nature ; ses calculs sont inconscients ; il est spécialisé ; il se rattache, sans qu'on sache comment, à une certaine conformation physiologique ; il jouit d'un esprit d'observation singulier qui voit sans regarder, s'instruit sans étudier, s'exerce sans contention. Cet instinct, au sens fort, exige de l'enthousiasme. Médium entre les forces naturelles et les hommes, il ne s'élève que dans les temps difficiles, de cruauté, d'actions atroces ; alors, par-delà la beauté, il rejoint le sublime : La poésie veut quelque chose d'énorme, de barbare et de sauvage.
De toute façon, il appartient à la raison de critiquer les produits de l'enthousiasme. Exécuter une œuvre veut une tête froide, la maîtrise. D'où le paradoxe, si mal compris, du comédien. En deux traits : l'émotion vraie est celle que provoque un événement vrai ; elle se caractérise par la surprise, l'immédiateté de la réponse, le désordre, la croyance en la réalité de l'objet émouvant : or, l'émotion du comédien est répétée, perfectionnée, ordonnée, et son objet est imaginaire. Si donc le comédien est un artiste, lorsqu'il monte sur scène, il doit déjà avoir créé son rôle et n'être qu'un exécutant qui conserve la tête froide.
Le Paradoxe fait comprendre que l'effet du beau artistique n'est pas le plaisir spontané que l'on éprouverait dans la vie quotidienne devant ce qu'il imite : il est le plaisir réfléchi de l'imitation. De même que l'objet artistique n'est pas vrai, mais semblable au vrai, de même le plaisir qu'il procure n'est pas vrai, mais semblable au vrai. Son utilité, on l'a vu, est à la fois vitale et sociale. Loin d'accepter la maxime de l'art pour l'art, Diderot estime, au contraire, que l'art doit imiter le vrai et servir. De là, le réalisme et le moralisme, trop souvent admis ou condamné sans en démêler ni les raisons ni les nuances.

La littérature Le critique

S'il faut imiter la nature, ce qui se manifeste par l'écrivain et par l'artiste, ce ne sont pas des faits, ce sont des expressions, et, par conséquent, le moral commande le physique ou, en d'autres termes, dans l'art le sensible n'importe que par ses significations humaines. Le déchiffreur, le connaisseur des significations humaines, donc le critique d'art par excellence, c'est le philosophe. Il y a, en toute œuvre, une idée – un idéal – et une technique. La technique ne peut être pleinement appréciée que par les gens de métier ; mais elle ressemble à la main docile d'un élève, que Diderot se flatterait de diriger. L'idée, valeur essentielle, relève de la compétence du philosophe ; elle l'emporte sur le faire. On ne distingue pas toujours les limites exactes entre l'idée et le faire, le moral et le technique : la couleur et le clair-obscur sont des mixtes où le mélange du moral et du physique rend également compétents le philosophe et le peintre. Mais le choix du sujet, l'ordonnance, les caractères, les passions et les mouvements – tout ce qui servira à définir le tableau de théâtre – appartiennent au philosophe.
Ce droit de seigneurie, Diderot l'exerce dans tous les domaines. Des Bijoux indiscrets au Neveu de Rameau dont la première édition d'après le manuscrit autographe ne sera publiée qu'en 1891, des pamphlets sur la querelle des Bouffons (1753) aux Leçons de clavecin et principes d'harmonie par M. Bemetzrieder 1771, il prend part aux polémiques – Rameau contre Lulli, Pergolèse contre Rameau, Gluck contre Pergolèse – et conseille Grétry. Se rend-il au théâtre ? L'art du comédien le passionne : il l'analyse, en se fermant alternativement les yeux ou les oreilles ; il cherche quel parti tirer de la pantomime et du tableau ; il rêve de spectacles sans paroles ; il se hasarde à la psychologie du comédien dès Les Bijoux indiscrets, puis avec les Entretiens sur le Fils naturel, la Lettre à Mme Riccoboni 1758 et le fameux Paradoxe, qui est aussi un plaidoyer pour accorder au comédien droit de cité et rang d'artiste. On célèbre surtout les Salons et les Essais sur la peinture, admirés par Goethe et par Baudelaire. On leur reproche trop de moralisme. Ils n'en marquent pas moins la naissance d'un genre qui transformera le portrait du personnage romanesque et intéressera de plus en plus l'écrivain à la peinture. Du reste, malgré des erreurs, Diderot s'est assez peu trompé, et on doit l'applaudir d'avoir su mettre à leur vraie place La Tour, Vernet, Chardin surtout.
Musique, jeu du comédien, beaux-arts, le philosophe interroge toujours : cela est-il semblable au vrai ? y éprouve-t-on le plaisir réfléchi de l'imitation ? L'œuvre est bonne chaque fois que l'on peut répondre « oui » aux deux questions. Quand l'art imite la nature, par reflet la nature imite l'art.
Mêmes critères dans les belles-lettres. Nulle part l'invraisemblance ne se montre plus choquante qu'au théâtre. Il faut réformer le spectacle en libérant le plateau, en l'élargissant, en usant de décors et de costumes réalistes, en assouplissant le jeu du comédien auquel on laisserait le soin d'improviser des cris, des mots inarticulés, des voix rompues, quelques monosyllabes..., bref, la voix, le geste, l'action ... ce qui nous frappe surtout dans le spectacle des grandes passions . Il faut réformer le répertoire : plus de tragédies ampoulées ; substituons la prose au vers, les tableaux aux tirades et aux coups de théâtre, les bourgeois aux héros, les conditions aux caractères ; dans le genre sérieux, créons la tragédie domestique.
La même invraisemblance qu'au théâtre ne reparaît-elle pas dans les romans ? Conduites trop intriguées, personnages conventionnels, dialogues à mille lieues de la nature, les voilà bien. Mais le remède ? On le trouve dans Richardson – sans lequel Diderot en serait peut-être resté à tisser des événements chimériques et frivoles, comme dans Les Bijoux, au lieu de nous amener à sentir ce qui se passe dans la vie, comme dans La Religieuse – en parsemant son récit de petites circonstances, en retenant le langage naturel de la pantomime, en rendant au dialogue toute la diversité des caractères et des conditions.
Théâtre, roman, poésie, quand il s'agit des belles-lettres, la compétence du jugeur ne s'en tient plus au seul moral, ainsi que, trop souvent, dans les Salons, mais s'étend au technique, analysant ici l'harmonie d'un vers de Racine, là corrigeant le plan d'un ouvrage. On peut en croire un des ennemis les plus féroces de notre philosophe, Barbey d'Aurevilly : critique d'art ou littéraire, Diderot a le don le plus rare ; il a l'invention, il ne se borne pas à dire : voilà ce qu'il ne faut pas faire, il a la puissance de dire : Tenez, voilà comment il fallait s'y prendre.

L'écrivain

Diderot s'est aventuré dans tous les genres. On ne parlera pas de ses versifications. À défaut d'épopée, il a rêvé de s'élever au second rang de la hiérarchie littéraire avec le théâtre. Mais rien de plus vieilli que Le Fils naturel, Le Père de famille, rien qui semble moins naturel aujourd'hui que cette chasse au naturel à coups de points de suspension, d'exclamation – ô ciel ! hélas ! – et de prêchi-prêcha philosophique. Tout au plus, lorsqu'il accepte de sortir du pseudo-tragique bourgeois, écrit-il une aimable pièce : Est-il bon ? Est-il méchant ? Au total on retient l'instigateur du mélodrame.
C'est pourtant par les moyens du théâtre – le dialogue et le tableau – que Diderot réussit dans les autres genres : le roman, le conte, la satire, et, même, la correspondance. Cette transposition, certes on la retrouve chez la plupart des romanciers du siècle, par exemple chez Marivaux. Prenez une pièce de théâtre : changez le temps verbal des indications scéniques, insérez quelques dit-il ou dit-elle, et vous obtenez un récit. Inversement, prenez un roman ou un conte, indiquez en jeux de scène les mouvements de ses tableaux, supprimez dit-il ou dit-elle, et vous obtenez du théâtre. Si la transposition frappe davantage chez Diderot, c'est que souvent il la souligne par la disposition typographique des répliques ou des répétitions de comédie – « Eh bien ! Jacques, et tes amours ? – et c'est surtout par la vivacité de son imagination réaliste. Le dialogue, il veut le saisir sur le vif, dans le style des personnages, avec leurs gestes, leurs costumes, leurs accessoires, leurs décors : le tableau devient si parlant qu'il donne l'illusion que chacun des protagonistes a son vocabulaire et sa syntaxe.
Autre secret de Diderot : l'art d'aviver le plaisir réfléchi de l'imitation. Il y parvient de deux manières. L'une est l'interruption, dont le but n'est pas de décevoir l'attente du lecteur, mais de l'exciter. L'autre est l'intervention de l'auteur, Diderot lui-même, qui s'adresse soudain au lecteur, le raille, le consulte, bavarde, de sorte que le vrai éclaire le fictif, le fictif démasque le vrai ; la réalité imaginaire ne se projette plus sur le plan classique du récit, elle occupe toutes les dimensions de son espace.
On a parlé de décousu. Si l'on veut. C'est le décousu de la conversation avec ses liaisons rapides et légères, soit dans un groupe, soit dans le seul à seul de la correspondance, soit dans le commentaire que l'on écrit en dialogue dans les marges d'un auteur. C'est encore le décousu d'un homme qui s'enflamme, qui a de la verve, et qui peut même s'élever jusqu'à l'enthousiasme. Mais qu'on n'oublie pas les ratures. Cette conversation imite la conversation ; cet enthousiasme s'écoute. Ce décousu exige une grande maîtrise, et la maîtrise nous renvoie toujours à l'unité de quelque pensée forte. Il suffit de se laisser aller à ces sortes de rêve : un d'Alembert y engendre toujours un monde à partir du chaos.

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Posté le : 04/10/2014 12:24
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Denis Diderot 2
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Œuvres de Denis Diderot.

Diderot a touché à tous les genres littéraires, en s'y montrant souvent novateur.

Roman, conte et théâtre

En tant qu'écrivain de fiction, Diderot s'est illustré dans le roman et au théâtre. Dans ces deux genres, malgré une production limitée il est parvenu à marquer l'histoire de la littérature par son style qui modernise le roman et le développement d'un nouveau genre théâtral, le drame bourgeois. Le Fils naturel ou Les épreuves de la vertu, sont écrits et représentés pour la première fois en 1757.

Encyclopédiste

À partir de 1747, à 34 ans, Diderot dirige et rédige, avec D'Alembert, l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. Il s'investira dans la rédaction, la collecte, la recherche et la réalisation des planches de 1750-1765. Il a personnellement rédigé le Prospectus paru en 1750 et plus d'un millier d'articles.

Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers.

Critique d'art
Diderot a mené une importante activité de critique publiée surtout dans la Correspondance littéraire, philosophique et critique. Il a rédigé de nombreux comptes rendus de lectures pour la Correspondance littéraire, philosophique et critique. Mais il a également rédigé plusieurs ouvrages ou postface à portée critique qui traitent de ses conceptions du théâtre ou d'auteurs en particulier.

Salons Diderot. Correspondance

On conserve de Diderot deux importants corpus de correspondance, outre sa correspondance générale. Le premier se constitue des 187 lettres conservées adressées à son amante, Sophie Volland. Dans l'une d'elles, datée du 1er octobre 1768, Diderot aurait enrichi la langue française du mot calembour. Le second est un échange avec Falconet sur l'immortalité de l'artiste, l'art et la postérité.

Traducteur

Diderot a entamé sa carrière littéraire par des traductions, qui étaient, initialement le moyen de subvenir aux besoins de sa famille.

Contributions

Travailleur infatigable, sans doute éternel insatisfait, relecteur attentif, toujours prêt à rendre service, par amour, amitié ou obligeance, ou encourager le débutant, Diderot a consacré une grande énergie aux œuvres d'autrui. Une part de son œuvre est ainsi éparpillée, voire difficilement discernable dans les publications de son entourage littéraire : Madeleine de Puisieux, D'Holbach, Raynal, Galiani, madame d'Epinay, Tronchin, ... Diderot ne manque toutefois pas de nier sa contribution, ou d'en réduire l'importance, de bonne ou de mauvaise foi.

Style
Dialogue


Loin de la recherche d'un système philosophique cohérent, Diderot rassemble les idées et les oppose. C'est donc, avant ses idées personnelles, surtout une incitation à la réflexion qui se dégage de son œuvre. Cette démarche, volontaire, se retrouve dans la forme de dialogue qu'il donne à ses œuvres principales (Le Neveu de Rameau, Le rêve de D'Alembert, Supplément au Voyage de Bougainville... avec cette particularité qu'aucun des personnages ne représente à lui seul la pensée de l'auteur. Cette pluralité se retrouve d'ailleurs dans ses titres (les pensées, les principes, .... Quand il ne conçoit pas de dialogue, il répond — fut-ce fictivement —, ajoute (Supplément au voyage de Bougainville, renie Réfutation d'Helvetius. Diderot retravaille aussi fréquemment ses textes et, même, dans la seconde moitié de sa vie, rédige quelques Additions aux Pensées philosophiques, à la Lettre sur les aveugles, ...pour rendre compte de l'évolution de ses propres réflexions.

Commentaire

Diderot développe souvent ses œuvres à partir du canevas de l'œuvre d'un tiers, pour le commenter. C'est le cas du Paradoxe sur le comédien où Diderot développe ses idées sur le théâtre à partir de Garrick ou Les acteurs anglais de Sticotti ; c'est le cas des Salons qui suivent le catalogue de l'exposition. Dans le même esprit, Diderot s'appuie souvent sur l'œuvre d'un tiers pour développer ses idées, pour contredire, Supplément au Voyage de Bougainville, pour s'inscrire dans un contexte ou une polémique, Suite de l'Apologie de M. l'abbé de Prades.

Digression

La digression est le principe même de Jacques le Fataliste que l'on pourrait centrer sur ses amours que Jacques ne raconte jamais et autour desquelles gravitent une série de récits qui constituent l'œuvre.
La digression c'est aussi des détails sans rapport avec le contenu du texte et qui servent à l'introduire, à alléger le propos, ... Ainsi, la première réplique du Paradoxe sur le comédien est : N'en parlons plus .

Mise en abyme

La mise en abyme est utilisée par Diderot, pour pouvoir mener de front une théorie et son application. L'exemple flagrant est Le Fils naturel où sont mêlés la pièce et son commentaire. La pièce de théâtre est en fait l'incise dans un exposé d'une théorie du théâtre. Diderot d'ailleurs se met en scène occupé à assister à une représentation théâtrale privée à laquelle participe la personne avec laquelle il discute.

Idées

Chez Diderot, les idées s'effacent un peu devant la méthode. Il est moins question d'imposer ses vues personnelles que d'inciter à la réflexion personnelle sur base de différents arguments, donnés, par exemple, par les intervenants des dialogues. Les idées personnelles de Diderot ont de plus évolué avec l'âge.
Plutôt que philosophe, Diderot est avant tout un penseur. Il ne poursuit en effet ni la création d'un système philosophique complet, ni une quelconque cohérence : il remet en question, éclaire un débat, soulève les paradoxes, laisse évoluer ses idées, constate sa propre évolution mais tranche peu.
Pour autant, des thèmes apparaissent récurrents dans la pensée de Diderot et des orientations générales peuvent être dégagées de ses écrits.

Religion

La position de Diderot à l'égard de la religion évolue dans le temps, en particulier dans sa jeunesse. Ses parents le vouaient à une carrière ecclésiastique et il reçut la tonsure de l'évêque de Langres. Arrivé à Paris, son parcours académique se fait dans des institutions d'obédience catholique, comme la Sorbonne. C'est au gré de ses lectures que sa foi va s'étioler et qu'il semble évoluer vers le théisme, le déisme et enfin souscrire aux idées matérialistes. C'est cette évolution que l'on constate des Pensées philosophiques à la Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient. Plus tard, ces positions sont confirmées dans le Supplément au voyage de Bougainville qui évoque la religion naturelle et un dialogue très représentatif, l'Entretien d'un philosophe avec la maréchale de ***. À l'instar des Lumières, Diderot rejette plus les excès de la religion que la religion elle-même. Toute sa vie, il fut en conflit avec son frère sur ces questions.

Morale

La morale est une préoccupation récurrente de Diderot. Le thème apparaît dans ses critiques artistiques, dans son théâtre et dans quelques textes contes et dialogues, rédigés en 1771-1772, autour du thème de la morale, inspirés par un retour dans sa région natale, imprégnée de la droiture morale de son père décédé.

[size=SIZE]Art[/size]

Les contacts de Diderot avec les peintres et leurs œuvres lors des salons parisiens l'amènent à développer une pensée concernant l'art pictural qu'il expose dans ses Essais sur la peinture et dans ses Pensées détachées sur la peinture.

Éducation

Synthèse

Œuvres principales

Plan d'une université réd. 1775. Il s'agit d'un plan idéal des études commandé par Catherine II. Transmis par l'intermédiaire de Grimm, elle semble ne jamais l'avoir lu, au grand regret de Diderot.
Lettre sur l'éducation des enfants à la princesse Nassau-Saarbruck, 1758.
Lettre à la comtesse de Forbach sur l'éducation des enfants réd. vers 1772
Réfutation d'Helvétius réd. 1773-1778, Corr. 1783-1786
Il aurait également contribué à la rédaction de De l'éducation publique, Dominique-François Rivard.
Politique
Diderot ne s'est pas engagé directement dans les débats politiques de son temps. On ne trouve pas non plus chez lui de traité de politique proprement dit. Les réflexions et les engagements politiques de Diderot se lisent surtout entre les lignes dans son œuvre et s'expriment de manière plus concrète à partir des années 1770, peut-être au contact de Guillaume-Thomas Raynal ou Ferdinando Galiani. Avant cela, Diderot, qui a tâté de la prison, qui s'était engagé à modérer ses écrits et qui avait rusé pendant 20 ans pour contourner la censure s'en était tenu à une certaine prudence.
L'édition Hermann dite DPV de ses œuvres complètes proposent un volume qui porte le titre général de Politique n°XXIV ; il contient le Voyage de Hollande, les Observations sur Hemsterhuis, et la Réfutation d’Helvétius. D'autres œuvres, plus clairement politiques, auraient pu être retenues, tels l′Essai sur les règnes de Claude et de Néron ou ses contributions au Dialogues sur le commerce des blés et à l′Histoire des deux Indes.
À côté de ces textes strictement personnels, il faut isoler quelques écrits qui portent sur des questions politiques concrètes ou des projets et qui sont des œuvres de commande.
Première lettre d'un citoyen zélé 1748 — pour M.D.M. parfois identifié avec Sauveur-François Morand.
Lettre sur le commerce des livres 1763 — au nom des libraires parisiens à destination de Sartine.
Observations sur le Nakaz 1774 — pour Catherine II de Russie.
Plan d’une université 1775 — pour Catherine II de Russie.
Trois préoccupations importantes de Diderot sont le rejet du despotisme, le rôle de l'enseignement non religieux dans le bonheur et le développement de la société et le développement du droit d'auteur41 — sans préjudice à la circulation du savoir.

Sciences

Diderot est également auteur ou coauteur de quelques ouvrages scientifiques. En tant que matérialiste, la compréhension des phénomènes naturels est une préoccupation importante que l'on retrouve à travers toute son œuvre.

Bibliographie

J. Mayer, Diderot : homme de sciences, Rennes, 1959.
Anne Masseran, La courtisane contre l'expérimentatrice : les images de la science dans les œuvres de Diderot.
Postérité et réception critique
La réception de l'œuvre Diderot a une histoire particulière car l'image du philosophe a évolué avec le temps, au gré de la révélation progressive de son œuvre. Cette révélation progressive apparait clairement dans le tableau de synthèse de l'article Œuvres de Denis Diderot.
Diderot, de son vivant, s'est montré prudent face à la censure. Après son incarcération de 1749, il ne voulait plus prendre de risque ni en faire courir à sa famille. Il va donc lui-même reporter la publication de certains textes, parfois de plusieurs années après les avoir écrits. Par ailleurs, certains textes ne sont parus que dans la Correspondance littéraire de Grimm. La publication manuscrite de ce périodique ne permettait pas d'assurer une connaissance publique de l'œuvre de Diderot.
En 1765, Catherine II de Russie, bibliophile, achète à Diderot sa bibliothèque personnelle en viager contre 15 000 livres et une pension annuelle de trois cents pistoles42. Diderot en garda l'usage et perçoit une rente en tant que bibliothécaire, mais l'accord impliquait que le fond et tous ses manuscrits seraient transférés à Saint-Pétersbourg à sa mort. Ce qui fut fait en juin 1786. Cet éloignement n'a pas favorisé la publication des textes soigneusement cachés par Diderot. De plus, sur place, les documents n'ont pas eu les égards de ceux de Voltaire transférés dans des circonstances similaires, n'ont pas été catalogués et se sont éparpillés. Certains n'ont réapparu qu'au XXe siècle...
De son côté, sa propre fille, catholique et conservatrice, a sans doute, malgré l'admiration qu'elle vouait à son père, cherché à orienter la publication de ses œuvres, corrigeant si nécessaire les textes qui ne respectaient pas assez ses valeurs, la bienséance ou les intérêts commerciaux de son mari. Un exemple concret43 est le grattage systématique des noms de personnes dans les manuscrits de Ceci n'est pas un conte. Dans d'autres textes, certains noms seront remplacés ou ramenés à leur initiale. Même le fidèle secrétaire, Naigeon n'obtiendra pas sa collaboration pour l'édition des Œuvres complètes qu'il préparait avec Diderot à partir de 1782 et qui ne paraitra qu'en 1800.
Les vicissitudes de l'histoire ont également porté atteinte à l'image de Diderot. En 1796 parait l'Abdication d'un roi de la fève ou Les éleuthéromanes. Le public tient des passages de ce texte pour responsables de certains excès de la Révolution française et les reproche à Diderot. Ces dispositions n'inciteront ni à l'étude, ni à la publication ni à la découverte de textes durant tout le XIXe siècle.
Dans la première partie du XIXe siècle, les œuvres de Diderot sont toujours contestées et interdites à de nombreuses reprises. On notera que le 31 mai 1826, à Paris, le Tribunal Correctionnel de la Seine, ordonne la destruction du roman de Denis Diderot "Jacques le Fataliste et son maître" et condamne l'éditeur à un mois de prison. D'autres œuvres de Diderot connaîtront la censure étatique pour outrage à la morale publique dont "La Religieuse" en 1824 et 1826, où encore les "Bijoux Indiscrets" en 1835.
Il faut en fait attendre le bicentenaire de sa naissance pour rencontrer un regain d'intérêt et avoir une vision considérée comme complète de ses écrits.
L'image de Diderot a donc évolué avec le temps en fonction de l'idée que l'on pouvait se faire de l'intégralité de son œuvre. Ses contemporains le connaissaient essentiellement comme l'éditeur de l'Encyclopédie, le promoteur d'un nouveau genre théâtral le drame bourgeois, l'auteur d'un roman libertin Les Bijoux indiscrets et de quelques textes philosophiques critiqués. Après sa mort, il est assez symptomatique de voir les éditions d'Œuvres complètes s'enrichir avec le temps.
À l'occasion du tricentenaire de la naissance de Diderot, sa ville natale, Langres, inaugure la Maison des Lumières Denis Diderot, seul et unique musée consacré à l'encyclopédiste, bien que ce dernier n'y soit revenu que quatre fois après s'être installé à Paris, en raison notamment des relations conflictuelles avec son frère Didier-Pierre, chanoine de la cathédrale de la ville.

Entourage

Connaissance de Denis Diderot et L'Académie de Berlin.
L'analyse de l'entourage de Diderot souligne, autant que la diversité de son œuvre, son côté éclectique. Les personnages repris ici n'entretenaient bien sûr pas tous les mêmes rapports avec Diderot : si tous ont eu un impact sur sa vie ou son œuvre, ces contacts ont pu n'être alimentés que sporadiquement ou ponctuellement.

Écrivains et philosophes


Paul Henri Thiry d'Holbach
Diderot passe son premier séjour à Granval Sucy-en-Brie, sur son invitation en 1759.

Melchior Grimm, rencontré en 1749.
Voltaire
Lettres connues à Voltaire : 11 juin 1749 Lettre sur les aveugles, 19 février 1758, 28 novembre 1760, 29 septembre 1762, 1766. Diderot lui a manifestement adressé un exemplaire de la Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient. Voltaire lui répond et marque son intérêt pour l'ouvrage. Voltaire collabore à l'Encyclopédie avec quelques articles. Respect mutuel mais l'éventuelle unique rencontre, en 1778, n'est pas confirmée. Dans une lettre à Palissot du 4 juin 1760, Voltaire dit : sans avoir jamais vu M. Diderot ... j'ai toujours respecté ses profondes connaissances.

Michel-Jean Sedaine

La rencontre date de 1765 : l'attention de Diderot est attirée par le Philosophe sans le savoir, présenté au public le 2 décembre 1765, qu'il apprécie tout particulièrement.

François Tronchin

Diderot remanie son Catilina au point d'en modifier la focalisation et de devoir changer le titre en Terentia en 1775.

Peintres

Étienne Maurice Falconet, Anna Dorothea Therbusch, Charles Van Loo, Jean-Honoré Fragonard, Claude Joseph Vernet qui lui offre son tableau Fin de tempête en 1768 Allan Ramsay rencontré en septembre 1765.

Famille

Son père, Didier Diderot 1685-1759

Didier Diderot.

Malgré les tensions avec son fils, Didier lui transmettra ses préoccupations morales et un intérêt pour la technique, qui aidera Diderot dans sa rédaction de l’Encyclopédie.

Sa fille, Marie-Angélique

Elle est aimée de son père et lui témoigne une grande admiration. Elle donne en 1797 une notice historique sur Sedaine, à la Correspondance littéraire48. Il existerait (ou aurait existé un portrait d'elle par Jacques Augustin Catherine Pajou et Louis Léopold Boilly. Claveciniste talentueuse, son père lui rapportera des partitions inédites de Carl Philipp Emanuel Bach, rencontré à Hambourg en revenant de Saint-Pétersbourg. Pieuse et soucieuses des intérêts financiers de son mari (Abel Caroillon de Vandeul, elle finira par nuire volontairement à la réception de l'œuvre de son père. Il existe une copie manuscrite inédite de 160 de ses lettres adressées à son ami Drevon, juge du tribunal à Langres entre 1805 et 1822.

Liaisons extra-conjugales

Alice M. Laborde, Diderot et madame de Puisieux, Anma Libri
Alice M. Laborde, Diderot et l'amour, Anma Libri
Michel Corday, La vie amoureuse de Diderot, Paris, Ernest Flammarion, coll. Leurs amours

Monde politique

Le monde politique n'est pas représenté dans les proches de Diderot. Toutefois, Diderot a pu profiter à différentes périodes de soutiens plus ou moins affichés. Lors de sa détention à Vincennes, on notera par exemple de l'intervention de Madame de Pompadour et l'édition de l'Encyclopédie bénéficiera du soutien de Malesherbes.
Galitzine dont le mariage est à l'origine de Mystification ou l'histoire des portraits.
Catherine II de Russie
Antoine de Sartine
François-Michel Durand de Distroff
Alekseï Vassilievitch Narychkine, 1742-1800, chambellan depuis 1773, diplomate, homme de lettres, ami de Diderot. Il offre son hospitalité à Diderot lors de son séjour à Saint-Pétersbourg.

Ennemis

N'ayant pas vraiment eu d'ennemis personnels, les opposants de Diderot sont essentiellement ceux de l'Encyclopédie et du parti philosophique en général : Charles Palissot de Montenoy, Élie Fréron, Abraham Chaumeix, ...


Francs-maçons

Bien qu'il ne semble pas avoir été initié, Diderot est entouré de francs-maçons: Louis de Jaucourt, André Le Breton, Montesquieu, Jean-Baptiste Greuze, Claude-Adrien Helvétius, Friedrich Heinrich Jacobi, Voltaire, Otto Hermann von Vietinghoff, Carlo Goldoni...
On notera également l'intérêt particulier qui lui est porté par des françs-maçons qui ne le connaitront pas de son vivant : Goethe, Guizot, Frédéric Bartholdi..
Autres
Diderot fut par ailleurs lié à Jacques-Henri Meister, Galiani, Damilaville, d'Holbach, Guillaume Le Monnier, l'abbé Raynal, André Le Breton, madame Geoffrin qui lui offre fin 1768 la trop luxueuse robe de chambre qui lui fera regretter l'ancienne, l'orfèvre Étienne-Benjamin Belle, chez qui il fera quelques séjours à Sèvres, David Garrick, Roland Girbal son copiste.

Rencontres en 1765

La princesse de Nassau-Sarrebruck, Julie de Lespinasse amie de D'Alembert, qui s'offusquera d'être un personnage du Rêve de d'Alembert, Suzanne Curchod, Jacques-André Naigeon, Jean Jodin.

Rencontres en 1769

Dom Léger Marie Deschamps, moine bénédictin, auteur d’un Vrai système que Diderot critique sévèrement dans la Correspondance littéraire pour ne pas avoir assez lu entre les lignes, comme lui expliquera l’auteur.

Lieux de Diderot


Diderot était un sédentaire. Il n'aimait guère les voyages.

Séjours en France

Château du Grandval à Sucy-en-Brie chez son ami le baron d'Holbach, en octobre 1759, puis en octobre 1760, en novembre 1775 et en août 1780.
En 1755, il séjourne également au château d'Isle-sur-Marne.
On le voit aussi au château de la Chevrette à Deuil-la-Barre, propriété de Louise d'Épinay, maîtresse de Grimm et amie de Rousseau.

Encyclopédie de Diderot de 1751 à 1772

Si, comme on l'a professé durant des siècles, la pensée est le miroir de l'être, et si le monde est sphérique, fini, alors, comment ne pas imaginer que le savoir total puisse être, lui aussi, fini et circulaire ? Tel est bien le premier modèle du savoir encyclopédique, que se propose encore un Bruno Latini et, même, un Pic de la Mirandole. Mais voici : les progrès de la science ouvrent un univers sans bornes et font douter que nos catégories grammaticales reflètent les catégories de l'être (si cela a un sens. La sphère du savoir éclate à l'infini ; l'encyclopédie n'est plus que le miroir de nos conquêtes sur un monde en soi inconnu ; elle devient le catalogue de nos acquisitions, que la seule commodité recommande de classer par ordre alphabétique. Et tel est bien le nouvel esprit encyclopédique dont le monument érigé par d' Alembert et Diderot inaugure les grandes réalisations.

L'entreprise

En 1745, à la suggestion d'un Anglais John Mills et d'un Allemand Sellius avec lesquels il se fâche, le libraire Le Breton annonce le projet de publier en français la Cyclopaedia de Chambers ; le 27 juin 1746, par-devant d'Alembert et Diderot, témoins, l'entreprise est confiée à l'abbé Gua de Malves, qui abandonne au bout de treize mois ; la main passe aux témoins, nommés codirecteurs, le 16 octobre 1747. Le projet s'élargit. Un Prospectus, de Diderot, le fait connaître en 1750. On prévoit huit volumes de textes et deux de planches. Déjà cinquante-cinq collaborateurs – parmi lesquels Buffon, Rousseau, le président de Brosses, Dumarsais, Daubenton, d' Holbach, Jaucourt, qui deviendra la cheville ouvrière– ont promis leur concours : au total, ils seront plus de cent soixante.
Cependant, l'incarcération de Diderot à Vincennes pour sa Lettre sur les aveugles 1749, bientôt l'affaire de l'abbé de Prades accusé de défendre la religion naturelle nov. 1751 alertent dangereusement l'attention des ennemis de l'esprit moderne contre cette entreprise des Lumières qui engage de plus en plus de capitaux et attire de plus en plus de souscripteurs : 1 000 à la parution du premier tome avr. 1751, 2 000 en février 1752, 3 000 en septembre 1754, 4 200 en novembre 1757 ; et ces chiffres restent au-dessous des chiffres de vente. La résistance s'organise. Dès février 1752, après le tome II janv. un arrêt du Conseil du roi interdit l'ouvrage.
Néanmoins, la publication parvient à poursuivre son cours : tome III CHA-CONSÉCRATION en novembre 1753, tome IV CONSEIL-DIZ en octobre 1754, tome V DJ-ESY en novembre 1755, tome VI ET-FNE en mai 1756, tome VII, fin de F-GYTHINE en novembre 1757. Il est désormais évident que l'Encyclopédie dépassera les dix volumes prévus. Mais résistera-t-elle aux attaques ?
Le tome VII contenait, de d'Alembert, l'article Genève, qui va consacrer la rupture avec Rousseau. Les autorités religieuses veillent. Les pamphlets alimentent la guerre, allumée par Palissot, contre les Cacouacs. Voltaire s'inquiète, propose d'abandonner et persuade son ami d'Alembert de renoncer à ce maudit travail. Diderot reste seul. Il refuse de décevoir les souscripteurs et de ruiner les libraires. L'attentat de Damiens 1757, le scandale provoqué par De l'esprit d'Helvétius août 1758 ameutent toutes les forces conservatrices. Par deux arrêts, le 5 mars et le 21 juillet 1759, le Conseil d'État du roi révoque les lettres de privilège de l'Encyclopédie et décrète même le remboursement des souscripteurs aucun ne le réclamera. L'œuvre doit donc s'élaborer dans l'ombre. Apeuré dans cette ombre, Le Breton censure les textes ; Diderot ne découvrira le désastre qu'en 1764. Enfin les tomes VIII-XVII sont prêts et livrés d'abord sous le manteau au début de 1766. Entre-temps, depuis janvier 1762, les volumes de planches sont et seront distribués jusqu'au onzième le dernier en 1772.

Le contenu

Que renferme le monument ? Une Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, mise en ordre et publiée par Diderot et, quant à la partie mathématique, par d'Alembert ; donc le cercle de connaissances qui devraient instruire l'« honnête homme » et tout professionnel au XVIIIe siècle ; en d'autres termes, un recueil de savoirs et de méthodes concernant les sciences, la poésie, les beaux-arts, les arts libéraux et les arts mécaniques avec leur exercice, les métiers. Encore que livré au hasard alphabétique, ce dictionnaire est raisonné, parce qu'il choisit les articles utiles et que, partout, s'inspirant de Bacon et du classement par matières, il s'efforce, par un système de renvois, de remplir les vides qui séparent deux sciences ou deux arts et de renouer la chaîne des raisons. Veut-on s'initier à la mathématique ? D'Alembert donne ses leçons. Préfère-t-on l'histoire de la philosophie ? Diderot l'expose. La métaphysique ? Écoutez l'abbé Yvon. La théologie ? L'abbé Morellet. Qu'est-ce que le goût ? Montesquieu se souvient ici qu'il est l'auteur du Temple de Gnide. L'éloquence ? l'élégance ? l'esprit ? Voici Voltaire. S'inquiète-t-on pour sa santé ? Les meilleurs médecins – de Barthez ou Bordeu à Venel –, les meilleurs chirurgiens – comme Antoine Louis – offrent leurs consultations. La nature ? Buffon en parle. La chimie ? D'Holbach, mais aussi, entre autres, le maître de Lavoisier, Rouelle. L'économie ? Quesnay, plus tard Turgot, ceux qui, en 1767, s'appelleront les physiocrates. L'économie politique ? Rousseau. De simples artisans aussi ont fait part de leur expérience. Dès lors, de l'émail à l'épingle, du jardinage à l'encaustique, du canon à l'orfèvrerie, de l'équitation à l'escompte, du ballet à l'électricité, des forges au velours, de la serrurerie au blason, du sucre au sel, de la verrerie à la marine, de la bonneterie à la pompe à feu, rien n'échappe à ce catalogue qui s'est dévoué à l'utile et raisonne contre tout irrationnel.

Le titre ne dit pas comment l'ouvrage a été fait. Quand ils ne sont pas anonymes, les articles n'en deviennent pas nécessairement originaux. Certes, cela arrive et il arrive même que l'article se transforme plus tard en livre : par exemple Étymologie, du président de Brosses, fournira, dix ans après, le Traité de la formation mécanique des langues et des principes physiques de l'étymologie. D'autre part, qui démêlerait ce que Droit naturelde Diderot doit à Économie politique de Rousseau, ou réciproquement, et ce qu'ils doivent l'un et l'autre à de communes lectures ? Le plus souvent, de l'aveu même de l'éditeur, on a affaire à des compilations qui mettent au pillage Buffon, les Mémoires de Trévoux, Du Bos, etc., et l'on sait que les longues pages de Diderot sur l'histoire de la philosophie font, bien malgré lui, de Brucker 1695-1770 un des collaborateurs les plus importants de l'Encyclopédie.
Il y a des personnes, assure Diderot, qui ont lu l'Encyclopédie d'un bout à l'autre. On s'en étonne. On ne lit pas un dictionnaire : on le consulte. Mais voici le cheval de Troie : la critique de la religion ou du pouvoir se démasque sous les mots les plus imprévus et se dérobe, par renvois épigrammatiques – qui risquent, avoue Diderot, de tourner à la pasquinade – d'un mot à l'autre : de « Cordeliers à Capuchon, on saute de l'éloge au grotesque de certaines querelles ; si l'on n'ose pas aborder la Constitution Unigenitus, on l'attaque indirectement à Controverse ou Convulsionnaire ; qu'il faille se garder des légendes, c'est à Boa ou Agnus scythicus qu'on le montre – et pas seulement, selon une tactique familière aux sceptiques, par la mythologie Junon ou l'exotisme Chaldéens, Éthiopiens, Brames ; la Révélation, peut-être, en est une, on le suggère à propos d'Aigle ; en tout cas, contre les mécanismes de la tradition voyez Chaldéens , la raison doit conquérir la libre expression de sa pensée suivez de Aius locutius à Casuistes, de Cas de conscience à Intention.
On l'aura remarqué : les exemples sont pris – ou pourraient être pris – dans les sept premiers volumes. C'est que les suivants ont subi la censure de Le Breton : de Libraire à Zend Vesta, et particulièrement dans les articles Pyrrhonienne Philosophie, Sectes du christianisme , Théologie ou Théologiens, Tolérance, tout ce qui pouvait mettre en danger a été effacé d'un trait de plume.

Les interprétations

Quel sens avait le projet du plus beau monument qu'aucun siècle ait jamais élevé à la gloire et à l'instruction du genre humain Naigeon ? La réponse doit être prise du Discours préliminaire, par d'Alembert – Discours qui, dans le volume I, suivait le Prospectus réimprimé –, et de l'article « Encyclopédie. Une formule la résume : les progrès de l'esprit humain, thème par excellence des Lumières. Si l'Encyclopédie est une machine de guerre contre toute superstition, cette guerre est une défense : à supposer que, par miracle, la religion catholique romaine le cas est différent pour l'Aufklärung et pour l'Enlightenment ne se fût pas toujours dressée contre le progrès, les Lumières n'auraient pas eu à orienter leurs feux contre ce que l'on appelait des centres de ténèbres. Les progrès de l'esprit humain, rendus évidents depuis le XVIIe siècle par le développement des sciences – d'où la querelle des Modernes contre les Anciens –, imposaient une nouvelle philosophie de l'histoire : non plus celle, éternitaire, du rachat, mais, désormais, celle de l' humanisme. En conséquence, l'Encyclopédie ne pouvait être que progressiste et engagée elle-même dans le flux du progrès : rétrospective et prospective, elle était œuvre en devenir ; non pas chose, dans la statique d'un savoir d'autorité établi, mais ouverte à la dynamique du savoir à constituer ; non point parfaite, mais toujours à parfaire et refaire ; non pas le travail d'un homme ou d'un groupe, mais celui de l'humanité : la perfection d'une encyclopédie est l'ouvrage des siècles. Il a fallu des siècles pour commencer ; il en faudra pour finir ; mais à la postérité et à l'être qui ne meurt point...
On a, depuis, risqué d'autres interprétations. Reprenant et élargissant une idée d'André Billy, Michel Butor regarde « toute l'Encyclopédie comme une gigantesque mystification dont les contrôleurs font les frais, mystification entièrement utile, mais au cours de laquelle les moments d'héroïsme et d'effroi ont dû être compensés par quelques remarquables rires » ; depuis son internement à Vincennes, Diderot sait qu'il faut ruser ; s'il doit produire des ouvrages comme Les Bijoux indiscrets, c'est que l'Encyclopédie ne permettait pas d'aborder avec une entière franchise les problèmes de la sexualité. Interprétation peu recevable : l'Encyclopédie ne se réduit pas, loin de là, aux quelques renvois épigrammatiques de son éditeur où placer la mystification, dans les articles de mathématique ou les descriptions de métiers ? ; elle ne s'explique pas par le seul Diderot ; enfin, les ruses mystificatrices appartiennent à tout le siècle dans sa lutte pour la liberté.
Beaucoup plus juste l'interprétation de Bernard Groethuysen. Le monde demeurant, en soi, inconnaissable, bornons-nous sagement à inventorier les objets dont nous avons fait notre propriété ; il suffit de légitimer la possession d'un monde qui, considéré en dehors de toute activité humaine, nous échappe ; mais cette activité établit sur les objets notre droit de propriétaire ; elle en fait une marchandise, une valeur d'échange. « C'est l'esprit de possession qui distingue essentiellement l'Encyclopédie de l'orbis pictus dans lequel autrefois les voyageurs de la Renaissance notaient ce qu'ils avaient vu de curieux au cours de leurs pérégrinations. À l'opposé du métaphysicien, le banquier veut acquérir, utiliser, constituer un capital qu'il transmettra par héritage ; l'Encyclopédie, voilà donc le capital de l'humanité : aux enfants de le faire fructifier. Toutefois, comment expliquer que l'Encyclopédie ait été moins bien accueillie là où triomphait le plus l'esprit de négoce, aux Pays-Bas, en Angleterre et en Amérique ?

Destin de l'Encyclopédie

Quelle que soit l'interprétation adoptée, du moins est-il incontestable, répétons-le, que la nouveauté du projet réside en son inspiration scientifique et en sa croyance au progrès. Diderot a vu juste lorsqu'il présente son ouvrage comme constamment à refaire, comparable à un organisme – l'être qui ne meurt point – vivant en renouvelant ses cellules. La langue vieillit vite. Les connaissances d'aujourd'hui seront vieilles demain. Depuis le XVIIIe siècle, avant même l'achèvement du Dictionnaire raisonné de Diderot – avec le Journal encyclopédique 1756-1793 – et dès l'achèvement – avec l'Encyclopédie dite d'Yverdon 1770-1780, le Supplément au Dictionnaire des sciences, des arts et des métiers 1776-1777 et l'Encyclopédie méthodique 1782-1832 chez le libraire Panckoucke –, les encyclopédistes n'ont cessé de se succéder, souvent se spécialisant pour mieux canaliser la surabondance des matières : cela seul qui était lutte antireligieuse tombait en désuétude.

Liens

http://youtu.be/aV25VdEMiBM Diderot
http://youtu.be/2-ZZO5tIV1A L'encyclopédie
http://youtu.be/NabL7RjCLGg Le paradoxe du comédien de Diderot I
http://youtu.be/_D-RjHf93NQ Le paradoxe du comédien de Diderot II
http://youtu.be/plWGRvnDLJM par Gerhardt Stenger


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Posté le : 04/10/2014 12:22
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Prosper Mérimée
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Le 28 septembre 1803 à Paris naît Prosper Mérimée,

écrivain, Nouvelles, romans, contes, historien et archéologue français, ses Œuvres principales sont La Vénus d'Ille, en 1837, Colomba en 1840, Carmen en 1845, Mateo Falcone en 1829 il meurt, à 66 ans, le 23 septembre 1870 à Cannes

Issu d'un milieu bourgeois et artiste, Prosper Mérimée fait des études de droit avant de s'intéresser à la littérature et de publier dès 1825 des textes, en particulier des nouvelles, qui le font connaître et lui vaudront d'être élu à l'Académie française en 1844.
En 1831, il entre dans les bureaux ministériels et devient en 1834 inspecteur général des Monuments historiques. Il effectue alors de nombreux voyages d'inspection à travers la France et confie à l'architecte Eugène Viollet-le-Duc la restauration d'édifices en péril comme la basilique de Vézelay en 1840, la Cathédrale Notre-Dame de Paris en 1843 ou la Cité de Carcassonne, à partir de 1853. Proche de l'impératrice Eugénie, il est fait sénateur en 1853 et anime les salons de la cour, par exemple avec sa fameuse dictée en 1857. Il publie alors moins de textes littéraires, pour se consacrer à des travaux d'historien et d'archéologue et initiant, à partir de 1842, un classement des monuments historiques auquel la Base Mérimée créée en 1978 rend hommage.
L’œuvre littéraire de Prosper Mérimée relève d'une esthétique du peu et son écriture se caractérise par la rapidité et l'absence de développements qui créent une narration efficace et un réalisme fonctionnel adaptés au genre de la nouvelle, mais ce style a parfois disqualifié les œuvres de Mérimée auxquelles on a reproché leur manque de relief, ainsi Victor Hugo qui écrit : Le paysage était plat comme Mérimée. Si le Théâtre de Clara Gazul n'a pas marqué l'époque, il n'en va pas de même pour ses nouvelles qui jouent sur l'exotisme la Corse dans Mateo Falcone et Colomba ou l'Andalousie dans Carmen, que popularisera l'opéra de Georges Bizet en 1875, sur le fantastique, Vision de Charles XI, La Vénus d'Ille, Lokis ou sur la reconstitution historique L'Enlèvement de la redoute, Tamango. L'Histoire est d'ailleurs au centre de son seul roman : Chronique du règne de Charles IX 1829.

En Bref

Contemporain des grands romantiques français, Mérimée n'a eu de cesse de se distinguer d'eux. Sans doute l'influence de Stendhal, de vingt ans son aîné et son meilleur ami, a-t-elle joué en faveur d'un scepticisme, d'une désinvolture, qui n'étaient pas dans le ton de l'époque et les rattachaient tous deux au XVIIIe siècle rationaliste. Mérimée portait une bague avec cette devise : Souviens-toi de te méfier.
Ennemi de toute sensiblerie, Mérimée reste cependant romantique par le choix des sujets de son théâtre, de ses nouvelles et de son unique roman, Chronique du règne de Charles IX. Écrivain précoce, il ne sera pas qu'un homme de lettres. Il consacre la plus grande partie de sa vie à la sauvegarde et à la restauration des chefs-d'œuvre de l'art gothique et même roman. Cette activité, à laquelle s'ajoutera, sous Napoléon III, une vie d'homme de cour, ne l'empêche pas de donner, à quarante-quatre ans, son chef-d'œuvre, Carmen, suivi d'autres nouvelles, dont l'admirable Lokis, récit qui prouverait assez que Mérimée appartient au romantisme et à ses ombres.
Né de parents cultivés et artistes, voltairien de goût et de formation, il fait son droit, fréquente les salons, où il se lie avec Stendhal, et, très vite, se lance dans la littérature. Il se signale d'abord par un ouvrage apocryphe dont il se donne pour le simple traducteur : le Théâtre de Clara Gazul 1825, dix brillantes saynètes au ton violent et passionné, dont le style vigoureux est rehaussé de couleurs fortes et qui seraient mélodramatiques si leur auteur ne leur avait apposé un sceau d'ironie qui les situe à la limite du pastiche. Ces pièces, que Mérimée ne destine pas à la scène, sont un échec commercial. La critique, en revanche, s'enthousiasme pour cette création originale dans la production littéraire contemporaine. Elle se laissera encore mystifier quand, deux ans plus tard, Mérimée, récidiviste, publiera la Guzla, recueil de ballades prétendument illyriennes, accompagnées d'un apparat critique fort savant. Mérimée s'oriente alors vers un genre très en vogue, l'histoire, avec une Chronique du règne de Charles IX pour laquelle il s'inspire de Walter Scott tout en s'en démarquant par un refus de description inutile et un souci de véracité dans sa reconstitution du passé. Ainsi que l'indique le titre, il s'agit moins de donner le précis des événements historiques de l'année 1572 que de retrouver les mœurs et les caractères de l'époque ; dès lors toutes les critiques adressées à l'auteur à propos de ses inexactitudes tombent d'elles-mêmes. En effet, à travers les aventures du huguenot Bernard de Mergy et de son frère, George, converti mais fondamentalement indifférent à toute croyance, Mérimée a cherché à retrouver les constantes affectives de l'humanité – amour, haine, intolérance, etc. – bien plus qu'à démonter le mécanisme ayant conduit aux massacres de la Saint-Barthélemy. Toile de fond – couleur locale comme disaient les romantiques –, l'Histoire cède donc le pas au romanesque, de même que les personnages historiques s'effacent derrière les héros de la fiction ; matériaux, les événements et les faits permettent de créer l'illusion de vérité : tout est ainsi manipulé par un narrateur omniprésent qui intervient pour dialoguer avec son lecteur et le laisser finalement libre de terminer le roman à son gré, dernière phrase. Pirouette ultime qui confirme que Mérimée est avant tout un faiseur de contes préface.

Sa vie

Prosper Mérimée est né le 28 septembre 1803 à Paris dans une famille bourgeoise. Son acte de naissance dans l'état civil de Paris indique qu'il est né le 5 vendémiaire an XII, vers 22 heures au 7 carré Sainte-Geneviève, division du Panthéon, dans le 12e arrondissement ancien. Sa maison natale sera démolie quelques années plus tard lors du percement de la rue Clovis et des travaux autour du Panthéon.
Son père, Jean François Léonor Mérimée 1757-1836, est originaire de Normandie : né le 16 septembre 1757 à Broglie et baptisé le 18 septembre 1757 dans l'église de cette ville nommée alors Chambrois, il devient ensuite professeur de dessin à l'École polytechnique, et sera plus tard secrétaire perpétuel de l'École des Beaux-Arts. Sa mère, Anne Moreau 1775-1852, elle aussi en partie d'origine normande, est portraitiste, et enseigne aussi le dessin. Du côté de sa mère, Prosper Mérimée est l'arrière-petit-fils de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont 1711-1780.
Les parents de Prosper, qui se sont mariés à Paris 12e le 22 juin 1802, ont un solide bagage intellectuel et artistique datant du xviiie siècle, mais ne s'engagent guère dans les courants culturels naissants. De l'éducation parentale, Mérimée retiendra l'horreur de l'emphase.

Études

Mérimée fait des études de droit, apprend le piano et étudie la philosophie et aussi de nombreuses langues : l'arabe, le russe, le grec et l'anglais. Il est l’un des premiers traducteurs de la langue russe en français. Il a obtenu son certificat musical de fin d'études à Rome où il remportee le premier prix international européen de piano puis le troisième prix de chant/chorale/direction de chœur à Paris.
Ses études au lycée Napoléon le mettent en contact avec les fils de l'élite parisienne ; entre eux, Adrien de Jussieu, Charles Lenormant et Jean-Jacques Ampère avec qui il traduit Ossian. En 1819, il s'inscrit à la faculté de droit, marchant ainsi dans les pas de son grand-père François Mérimée, éminent avocat du Parlement de Rouen et intendant du maréchal de Broglie. Il obtient sa licence en 1823. La même année, il est exempté du service militaire, pour faiblesse de constitution. Néanmoins, il sera incorporé en 1830 à la Garde nationale.

Monuments historiques

Après avoir fait ses études de politique, il se livre à la littérature. Il entre pourtant dans l’administration puis devient, après 1830, secrétaire du cabinet du comte d’Argout, passa rapidement par les bureaux des ministères du Commerce et de la Marine et succéda enfin à Ludovic Vitet en 1834 aux fonctions d'inspecteur général des Monuments historiques, où son père occupait la fonction de secrétaire, et qui lui permettait de poursuivre en toute liberté les travaux littéraires auxquels il devait sa précoce réputation.
C’est à ce moment qu’il demanda à l'un de ses amis d'enfance, l'architecte Eugène Viollet-le-Duc, d’effectuer une de ses premières restaurations d’édifice en France. Ce poste lui donna en outre l’occasion de faire dans le Midi, l’Ouest, le Centre de la France et en Corse des voyages d'inspection, dont il publia les relations 1836-1841. Son action permet le classement, le 26 février 1850, de la crypte Saint-Laurent de Grenoble comme monument historique. À cette époque, il correspond avec nombre d'« antiquaires ou érudits locaux, comme M. de Chergé, président de la Société des antiquaires de l'Ouest à Poitiers, ville dont il sauva nombre de vestiges, en particulier le baptistère Saint-Jean menacé en 1850 de démolition. La même année, il découvre, dans la cathédrale du Puy-en Velay, la peinture murale des "arts libéraux" sous un épais badigeon, œuvre majeure de l'art français de la fin du Moyen Âge, dans ce qui est un acte fondateur de l’archéologie du bâti. Dans le département voisin des Deux-Sèvres, il confie à l'architecte niortais Pierre-Théophile Segretain 1798-1864 la restauration de plusieurs églises ; lors de ses tournées d'inspecteur des monuments historiques dans la région, il s'arrêtait parfois dans la maison de celui-ci, au-dessus de la place de La Brèche détruite, où, bon dessinateur, il se délassait à crayonner les chats de la famille. Il donne d'ailleurs des dessins afin d'illustrer Les Chats 1869 ouvrage de son ami l'historien d'art et collectionneur Champfleury.

Académicien

En 1844, il est élu membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres et, la même année, à l’Académie française en remplacement de Charles Nodier.
Ayant pris fait et cause pour son ami le comte Libri, Mérimée est condamné à quinze jours de prison et à mille francs d’amende. Il est écroué le 4 juillet 1852 à la Conciergerie.

Impératrice Eugénie

Mérimée, ami de la comtesse de Montijo, rencontrée en Espagne en 1830, lui envoie le 25 mai 1850 un croquis d'après un portrait de femme par Vélasquez de 55 sur 40 cm, acheté pour huit francs, qui paraît avoir été coupé d'une toile plus grande, et reconnu pour un original par tous les connaisseurs à qui je l'ai montré. Quand Eugénie devint l’impératrice Eugénie des Français en 1853, l’Empire le fit sénateur l’année même, avant de l’élever successivement aux dignités de commandeur et de grand officier de la Légion d'honneur. Pour distraire la cour de l'Impératrice et de Napoléon III, il écrit et dicte en 1857 sa célèbre dictée.

Auteur

Les honneurs lui vinrent au milieu de l’existence littéraire d’un homme ayant fait, pendant quarante ans de l’archéologie, de l’histoire et surtout des romans. Mérimée aime le mysticisme, l’histoire et l’inhabituel. Il a été influencé par la fiction historique popularisée par Walter Scott et par la cruauté et les drames psychologiques d’Alexandre Pouchkine. Les histoires qu’il raconte sont souvent pleines de mystères et ont lieu à l’étranger, l’Espagne et la Russie étant des sources d’inspiration fréquentes. Une de ses nouvelles a inspiré l’opéra Carmen.

Cultivant à la fois le monde et l’étude, Prosper Mérimée, qui travaillait, à ses heures et suivant ses goûts, de courts écrits, bien accueillis dans les revues avant de paraître en volumes, avait conquis la célébrité, dès ses débuts, avec deux ouvrages apocryphes, attribués à des auteurs imaginaires : le Théâtre de Clara Gazul, comédienne espagnole 1825 de Joseph Lestrange, et la Guzla, recueil de prétendus chants illyriens d’Hyacinthe Maglanovitch 1827.
La première de ces publications, l’une des plus complètes mystifications littéraires, précipita la révolution romantique en France, en stimulant les esprits par l’exemple de productions romantiques étrangères. Toutefois, les pièces de Clara Gazul ne paraissaient pas faites pour la scène et, lorsque plus tard Mérimée fut en position d’y faire accepter l’une d’elles, le Carrosse du Saint-Sacrement, elle n’eut pas de succès 1850.

Mérimée publia aussi sous le voile de l’anonyme : la Jacquerie, scènes féodales, suivie de la Famille Carvajal 1828, et la Chronique du règne de Charles IX 1829 ; puis il signa de son nom les nouvelles, petits romans, épisodes historiques, notices archéologiques ou études littéraires, d'abord dans la Revue de Paris puis dans la Revue des Deux Mondes, et qui formèrent ensuite un certain nombre de volumes, sous leurs titres particuliers ou sous un titre collectif.
On citera : Tamango, la Prise de la Redoute, la Vénus d'Ille, les Âmes du purgatoire, la Vision de Charles XI, la Perle de Tolède, la Partie de trictrac, le Vase étrusque, la Double méprise, Arsène Guillot, Mateo Falcone, Colomba 1830-1840 ; puis à un plus long intervalle : Carmen, 1847, in-8° ; Épisode de l’histoire de Russie, les Faux Démétrius 1852, in-18 ; les Deux héritages, suivis de l’Inspecteur général et des Débuts d’un aventurier 1853, in-8°.
Tous ces récits, pleins de mouvement, d’intérêt et d’originale invention, plaisaient surtout aux lecteurs délicats par la forme sobre et élégante dont l’auteur s’était fait une manière définitive.
Il faut citer encore, outre les Voyages ou Rapports d’inspection archéologique, réimprimés en volumes : Essai sur la guerre sociale 1841, in-8, avec pl. ; Histoire de don Pédre Ier, roi de Castille 1843, in-8° ; un volume de Mélanges historiques et littéraires 1855, in-18, contenant douze études diverses, puis des Notices, Préfaces et Introductions, entre autres ; Notice sur la vie et les ouvrages de Michel Cervantes 1828 et Introduction aux contes et poèmes de Marino Vreto 1855, etc. ; enfin, sans compter un certain nombre d’articles de revue non réimprimés, le recueil posthume de Lettres à une Inconnue 1873, 2 vol. in-8, qui excita une grande curiosité et qui fut suivie de Lettres à une Nouvelle inconnue 1875.

Un libéral conservateur

Comme les autres romantiques, Mérimée, né à Paris, a grandi, s'est formé sous la Restauration avec la nostalgie de la Révolution et de Napoléon. Son père, bonapartiste, était un peintre néo-classique devenu secrétaire de l'École des beaux-arts. Milieu tout à la fois artiste et fonctionnaire que Prosper Mérimée, au fond, ne trahira pas.

S'il fait sérieusement ses études de droit, il pense, comme les jeunes gens les plus doués de la génération de 1820, que la seule carrière qui lui soit ouverte est celle des lettres. Il a rencontré Stendhal, rentré d'Italie, en 1822. Il le retrouve, en même temps que Delacroix, dans les salons libéraux-bonapartistes où l'on s'exclamait sur la bêtise des Bourbons, et surtout dans le grenier de E. Delécluze, peintre raté et critique d'art 1781-1863, où, en 1825, à vingt-deux ans, Mérimée lit trois pièces de théâtre : Les Espagnols en Danemark, Le Ciel et l'enfer et Une femme est un diable, écrites sous l'influence des comedias du Siècle d'or espagnol.
C'est peut-être de Stendhal qu'il tient le goût des pseudonymes et des mystifications puisque, lorsqu'il publie ces pièces et celles qui suivent, il les attribue à une femme de lettres espagnole imaginaire, Clara Gazul – ce qui, par ailleurs, lui évite des ennuis avec la censure. Ce Théâtre de Clara Gazul est vraiment excellent. Toutes ces pièces, insolentes, rapides, intelligentes, sont trop peu jouées – à l'exception du Carrosse du Saint-Sacrement, écrit en 1828 et joué pour la première fois en 1850. L'une d'elles, La Jacquerie – sur les révoltes de paysans au Moyen Âge –, témoigne même d'une ambition dramaturgique plus grande que celle de ses contemporains.
Mérimée a vingt-sept ans quand il publie son premier et unique roman, cette Chronique du règne de Charles IX, roman de cape et d'épée, mais dont les intentions idéologiques ne sont pas absentes. En situant sa « chronique » au temps des guerres de religion, Mérimée donne une leçon de tolérance, de liberté, en même temps que de libertinage : les discussions théologiques ont lieu dans les alcôves.
Au même moment, ses premières nouvelles, réunies plus tard sous le titre de Mosaïque 1833, témoignent d'une diversité d'inspiration et d'une précision dans l'expression qui font de Mérimée le véritable classique du romantisme. Mateo Falcone, histoire corse, Tamango, aventure d'un esclave noir, La Vision de Charles XI, première approche du surnaturel à travers l'aventure d'un roi de Suède, et les autres nouvelles du recueil précèdent de peu ce petit chef-d'œuvre, La Double Méprise 1833, où Mérimée fait preuve de tant de virtuosité qu'il semble vouloir mettre dans sa poche à la fois Stendhal, Balzac et le Musset des Comédies et proverbes.
Sa nomination au poste nouvellement créé d'inspecteur général des monuments historiques, en 1834, due à Guizot et à Thiers mais surtout à l'intérêt du romantisme pour l'histoire et le gothique, va orienter Mérimée vers une nouvelle et fructueuse carrière. Pendant trente ans, il va inlassablement parcourir la France, décrivant dans de longs rapports l'état désastreux des plus belles cathédrales et abbayes. Mérimée entraînera dans son sillage un jeune architecte érudit, Viollet-le-Duc. On sait ce qu'il advint, pour le meilleur et pour le pire, de cette rencontre.
Mérimée voyage aussi hors de France. De tous les pays qu'il visitera – Italie, Grèce, Proche-Orient, Angleterre –, c'est l'Espagne qui le marquera le plus. C'est là qu'après 1830 il a rencontré, à la sortie de la cigarería de Séville, la jeune Carmen ou sa sœur gitane. C'est à Madrid qu'il a rencontré une famille d'afrancesados – des libéraux, ex-partisans de Napoléon –, les Montijo, dont l'une des filles, alors âgée de huit ans, deviendra, vingt-trois ans plus tard, l'impératrice des Français et fera de Mérimée son principal confident et l'un des personnages officieux du second Empire.

Une passion froide

En 1841, deux ans après un voyage en Corse, Mérimée publie Colomba, que l'on pourrait rapprocher d'une des Chroniques italiennes de Stendhal, si, là encore, il ne donnait la preuve d'une maîtrise qui se fera invisible dans Carmen, son récit à juste titre le plus célèbre, écrit, au dire de l'auteur, en huit jours et publié en 1847. Récit dans le récit, Carmen, dès qu'on cesse d'interposer l'image du bel opéra de Bizet, frappe par la modernité de la composition, par la froideur du ton qui contraste, en de surprenants effets, avec la violence du propos. C'est, avec Manon Lescaut et Les Hauts de Hurlevent, une des histoires d'amour les plus cruelles de l'histoire de la littérature.
Comme Mérimée est l'homme de tous les paradoxes, on n'aura garde d'oublier que cet hyper-Français, qui accumule en lui les qualités et les défauts de la race, a été l'introducteur en France de la littérature russe en ses commencements : Pouchkine et Tourgueniev. Et, de même que cet athée a été le grand sauveteur des églises de France, ce rationaliste, disciple d'Helvétius, a été fasciné par les légendes surnaturelles. Deux de ses nouvelles au moins, La Vénus d'Ille 1837 et surtout Lokis 1869, doivent figurer dans toutes les anthologies, imaginaires ou non, de la littérature fantastique. Ces deux beaux récits prouveraient assez que c'est de la logique et du réalisme le plus précis que peut naître l'épouvante.
Est-il besoin de dire que ce célibataire endurci, cynique et volontiers obscène dans ses propos comme dans sa Correspondance – un autre de ses chefs-d'œuvre – a été un grand amoureux ? Dans sa jeunesse, il se battait avec les maris outragés. Mais il savait, à l'occasion, les défendre. En 1852, il a été condamné à quinze jours de prison pour avoir diffamé la justice qui venait de s'en prendre à l'un de ces maris, un libéral. Le ministère auquel Mérimée appartenait alors lui avait accordé quinze jours de congé pour qu'il pût purger sa peine sans avoir d'ennuis avec l'administration.
La défaite de 1870 mit fin à ses jours encore plus que l'asthme dont il souffrait depuis longtemps. Il mourut à Cannes en ayant le temps de dire que les Français étaient des imbéciles, mais qu'il ne pouvait s'empêcher de les aimer.

L'oeuvre

L'intérêt constamment affirmé par Mérimée pour les Antiquités lui vaut d'être nommé en 1834 inspecteur général des Monuments historiques afin de préserver nombre de monuments menacés de ruine ou de démolition, tâche dont il s'acquittera avec un zèle et une compétence admirables, mais qui l'éloignera de la scène littéraire tout en lui fournissant matière à divers ouvrages d'érudition. Ses voyages en Corse et à l'étranger, notamment en Espagne, nourrissent ses deux récits les plus célèbres : Colomba 1840 et Carmen 1845. Le premier récit, afin qu'il ne se dilue pas dans une couleur locale gratuite ou dans l'anecdotique, est centré non sur la réalisation de la vendetta mais sur les clivages qu'elle révèle entre les personnages. Les caractères comptent dès lors moins que les idées qu'ils symbolisent : Colomba est moins « l'Électre rustique, P. Josserand que l'attachement aux traditions et au passé, la représentante d'une société archaïque ; de même Miss Nevil est moins le porte-parole du romanesque que le prosélyte de la civilisation moderne pour qui il serait glorieux de convertir un Corse. Ainsi, fidèle à son habitude, Mérimée élargit le problème du particulier au général en faisant de son récit, à travers quelques figures emblématiques, le portrait d'un pays ou d'un peuple autant que l'histoire de héros privilégiés ; et, même si le narrateur ne s'affuble ici ni du savoir de l'ethnologue ni des connaissances de l'historien, il n'en conte pas moins, au travers du drame d'Orso, sauvage trop civilisé, le déchirement d'une île tentée par la culture continentale mais incapable de renoncer à sa propre nature.
Quant à Carmen, elle présente une structure complexe où se mêlent les voix narratives, le récit que fait don José de ses amours tumultueuses avec Carmen venant s'enclaver entre la double rencontre du narrateur avec le brigand José Maria et la bohémienne Carmen d'une part, et la digression finale sur l'histoire, les mœurs, le caractère et la langue des bohémiens de l'autre. Il naît ainsi un effet stéréoscopique dans la présentation des personnages : à la vision externe du narrateur, qui voit en Carmen une beauté étrange et sauvage, répond le regard de don José, qui, saisissant cette diable de fille de l'intérieur, y décèle un démon, tandis que le dernier chapitre permet de comprendre ce qui chez l'héroïne ressortit à ses origines. Mais, au-delà du heurt de deux caractères et de l'intrigue amoureuse, nouvelle variation sur le thème mélodramatique de la déchéance par l'amour, Carmen est avant tout une tragédie née de la tension entre deux univers mentaux . Autant que l'envoûtement du brigadier par la bohémienne, la nouvelle conte la fascination de don José pour la liberté, fascination pour l'impossible – car on ne devient pas bohémien – et qui contraint le héros à une errance au bout de laquelle il trouvera le lieu le plus clos de l'ordre social : la prison. Histoire d'une illusion et de son échec, Carmen peut apparaître d'une certaine façon comme la condamnation d'un romantisme qui se plaît à exalter la rupture d'avec l'ordre et la marginalité.
Dans les deux cas, la force du récit tient beaucoup à la concentration permise par le genre de la nouvelle, dont Mérimée apparaît comme un des plus grands maîtres. On peut néanmoins se demander s'il a réellement pris au sérieux ce genre auquel il est venu de fait un peu par hasard : n'affirme-t-il pas que Carmen serait demeurée inédite si l'auteur n'eût été obligé de s'acheter des pantalons ?... Ce mépris peut sembler d'autant plus singulier qu'une telle forme d'expression, par ses limites mêmes, est incontestablement le terrain qui permettait le mieux à cet admirable technicien du récit de mettre en valeur son talent ; il s'explique en revanche aisément dès lors que l'on tient compte du dédain longtemps affiché par la critique à l'égard de ce qu'elle considérait comme un genre mineur. Comme tous les grands nouvellistes, Mérimée ne laisse rien au hasard. Son récit est placé sous le signe de la rigueur et de la concision. Pour qu'il converge mieux vers sa pointe, il l'épure de toute digression, quitte à faire explicitement affirmer au narrateur ce parti pris de couper court en s'en tenant aux seuls temps forts de l'anecdote. Les nouvelles de Mérimée, remarquables par l'intensité que leur procure la cristallisation autour d'une crise unique, ont pu, à tort, faire figure d'exception dans la production littéraire contemporaine au point de pousser certains critiques à considérer leur auteur comme un classique égaré en plein âge romantique. Elles ne font que s'inscrire dans une certaine tradition française qu'elles renouvellent, en privilégiant un détachement continu et ironique, tant à l'égard des personnages que des situations dramatiques dans lesquelles ils se trouvent plongés contre leur gré, et qui empruntent aux conteurs de la Renaissance comme au romantisme déchaînements passionnels, cruautés sentimentales et crimes de sang. Détachement aussi à l'égard des règles du récit par dérèglement des cadres narratifs, goût systématique de la suspension, de l'ellipse, au risque voulu de l'obscurité, manipulations langagières qui revendiquent le caractère foncièrement énigmatique non seulement des discours mais aussi des langues.
On comprendra dès lors qu'à côté de Carmen et de Colomba, récits promis à une gloire mondiale par leur puissance d'évocation, leur capacité à suggérer avec une extrême simplicité les ressorts des passions les plus universelles, c'est dans le genre fantastique que Mérimée devait le mieux s'illustrer et ce, tout au long de sa carrière avec Vision de Charles XI 1829, les Âmes du purgatoire 1834, la Vénus d'Ille 1837, Il Viccolo di Madama Lucrezia 1846, Lokis 1869 ou Djoûmane 1873, nouvelles dont certaines sont considérées comme des archétypes du genre. La Vénus d'Ille, reconnue par l'écrivain lui-même comme son chef-d'œuvre, a été depuis saluée par la critique comme un des sommets du récit fantastique. Il est vrai que tout y est dit sans jamais être affirmé : d'un bout à l'autre du texte, les signes se répondent, les mystères linguistiques s'enchaînent – l'inscription du socle, le serment de la bague – et conduisent tous à la Vénus sans que pour autant puissent être posées des interrogations informulées parce qu'indicibles : comment, en effet, parler de la statue autrement qu'en termes esthétiques à moins d'en faire un être objectivement surnaturel ? Comme dans Lokis et son homme-ours, le propre du fantastique de Mérimée est de construire une fiction qui s'enracine profondément dans le quotidien, tout en infiltrant des bribes de merveilleux dont l'existence n'est pas problématique en soi mais dont l'enchaînement se heurte à la cohérence et à la logique initiales. De fait, la froideur du regard et la minutie avec lesquelles l'inspecteur général des Monuments historiques relate les événements les plus invraisemblables sont d'autant plus propices à produire le doute fantastique que le narrateur est un scientifique objectif et digne de foi, que seul le hasard a rendu témoin de faits insolites pour lesquels une explication rationnelle, sans être totalement exclue, n'est guère satisfaisante. C'est par la création de cette indécision qui lui permet de s'éloigner en même temps tant d'un merveilleux frelaté que de la frénésie stérile d'un certain romantisme que Mérimée ouvre la voie à une longue lignée de conteurs fantastiques et s'assure ainsi une place enviable dans le panthéon littéraire

Mort à Cannes

Souffrant d'asthme, Prosper Mérimée meurt le 23 septembre 1870 vers 23 heures8 lors d'une de ses nombreuses cures à Cannes. Il est inhumé au cimetière du Grand Jas de Cannes.
Le romancier et critique d'art Louis Edmond Duranty, disciple de Champfleury et qui fut portraituré par Degas, serait son fils naturel. Sa mort avait été déclarée dans toute la capitale en 1869 alors qu’il n’était pas encore mort. La rumeur fut finalement démentie par le Figaro.
Lors de la Commune, ses livres et papiers furent détruits dans l'incendie de sa maison du 52 rue de Lille.

La base Mérimée

À partir de 1834, Prosper Mérimée commence à faire recenser sur l’ensemble du territoire français les ensembles architecturaux remarquables, annonçant avec un siècle d'avance l'Inventaire Général des Monuments et Richesses Artistiques de la France lancé par André Malraux.
C'est pourquoi, le Ministère de la Culture et de la Communication a créé en 1978 la base Mérimée, qui recense l’ensemble des monuments historiques et, au-delà, le patrimoine architectural remarquable.

La critique

Le critique Charles Du Bos juge inimitable son naturel dans la transcription des propos tout-à-fait quelconques qui s’échappent au cours d’une conversation, une sorte de banalité de bon aloi.
Citation de Victor Hugo : Pas un coteau, des prés maigres, peu de gazon ; / Et j’ai pour tout plaisir de voir à l’horizon / Un groupe de toits bas d’où sort une fumée, / Le paysage étant plat comme Mérimée. » Toute la lyre, recueil de poèmes de Victor Hugo.

Postérité

Carmen, le célèbre opéra de Georges Bizet est inspiré du roman de Mérimée.
Jean Renoir s'est librement inspiré de la pièce Le Carrosse du Saint-Sacrement pour son film Le Carrosse d'or.
Gérard Savoisien, dans sa pièce intitulée Prosper et George, imagine ce qu'a été la relation amoureuse entre Prosper Mérimée et George Sand.
Colomba a été adaptée pour la télévision française en 2005 par Laurent Jaoui.

Liste des œuvres de Prosper Mérimée

Roman
Chronique du règne de Charles IX 1829
Nouvelles
La Guzla 1827
La Jacquerie 1828
La Famille Carvajal 1828
Mateo Falcone 1829
Vision de Charles XI 1829
L'Enlèvement de la redoute 1829
Tamango 1829
Le Fusil enchanté 1829
Le Ban de Croatie 1829
Le Heydouque mourant 1829
La Perle de Tolède 1829
Federigo 1829
Histoire de Rondino 1830
Le Vase étrusque 1830
La Partie de trictrac 1830
Le Musée de Madrid 1830
Lettres d’Espagne 1832
Contient Les Combats de taureaux, Une exécution, Les Voleurs, Les Sorcières espagnoles
Mosaïque 1833, recueils de nouvelles
La Double Méprise 1833
Les Âmes du purgatoire 1834
La Vénus d'Ille 1837
Colomba 1840
Arsène Guillot 1844
L'Abbé Aubain 1844
Carmen 1845
Il Viccolo di Madama Lucrezia 1846
Les Deux Héritages 1850
Épisode de l'histoire de Russie. Les Faux Démétrius 1853
Marino Vreto, contes de la Grèce moderne 1865
La Chambre bleue 1866
Lokis 1869
Djoûmane 1870
Pièces dramatiques
Les Espagnols au Danemark 1825
Une Femme est un diable 1825
Le Théâtre de Clara Gazul 1825
La Jacquerie, scènes féodales, suivie de La Famille de Carvajal 1828
Le Carrosse du Saint-Sacrement, saynète 1829
L'Occasion, comédie 1829
Les Mécontents, proverbe 1833
Récits de voyages
Notes de voyages 1835 - 1840
Notes d'un voyage dans le midi de la France 1835
Notes d'un voyage dans l'Ouest de la France 1836
Notes d'un voyage en Auvergne 1838
Notes d'un voyage en Corse 1845
Essais et études historiques
Essai sur la guerre sociale 1841
Études sur l’histoire romaine 1845
Histoire de Don Pèdre Ier, roi de Castille 1847
Henry Beyle Stendhal 1850
La Littérature en Russie, Nicolas Gogol 1851
Épisode de l'Histoire de Russie, Les Faux Démétrius 1852
Des monuments de France 1853
Les Mormons 1853
La Révolte de Stanka Razine 1861
Les Cosaques de l'Ukraine et leurs derniers attamans 1865
Ivan Tourguénef sic 1868
Correspondance
Lettres à Panizzi recueil, 1856
Une correspondance inédite octobre 1854-février 1863, avertissement de Fernand Brunetière 3e édition, Calmannn-Lévy 1897 - publiée pour la première fois dans La Revue des Deux Mondes
Traductions
La Dame de pique de Pouchkine 1849
Le Coup de pistolet de Pouchkine 1856
Apparitions de Tourgueniev 1866
Le Juif de Tourgueniev 1869
Pétouchkof de Tourgueniev 1869
Le Chien de Tourgueniev 1869
Étrange histoire de Tourgueniev 1870
Posthume
Lettres à une Inconnue recueil de 1873, 2 vol. in-8

La dictée


"La dictée de Mérimée"



La dictée faisait partie des passe-temps de la cour de l'empereur Napoléon III. Mythe ou réalité, la dictée attribuée à Mérimée a mis à l'épreuve les souverains ainsi que leurs invités. Napoléon III commit 75 fautes, l'impératrice Eugénie, 62, Alexandre Dumas fils, 24. Seul un étranger, le prince de Metternich, ambassadeur d'Autriche, n'en fit que 3.
Voici le texte de "la fameuse dictée" publiée par Léo Claretie en 1900.


Pour parler sans ambiguïté, ce dîner à Sainte-Adresse, près du Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré les vins de très bons crus, les cuisseaux de veau et les cuissots de chevreuil prodigués par l'amphitryon, fut un vrai guêpier.

Quelles que soient et quelqu'exiguës qu'aient pu paraître, à côté de la somme due, les arrhes qu'étaient censés avoir données la douairière et le marguillier, il était infâme d'en vouloir pour cela à ces fusiliers jumeaux et mal bâtis et de leur infliger une raclée alors qu'ils ne songeaient qu'à prendre des rafraîchissements avec leurs coreligionnaires.

Quoi qu'il en soit, c'est bien à tort que la douairière, par un contresens exorbitant, s'est laissé entraîner à prendre un râteau et qu'elle s'est crue obligée de frapper l'exigeant marguillier sur son omoplate vieillie. Deux alvéoles furent brisés, une dysenterie se déclara, suivie d'une phtisie.

- Par saint Martin, quelle hémorragie, s'écria ce bélître ! À cet événement, saisissant son goupillon, ridicule excédent de bagage, il la poursuivit dans l'église tout entière.


La dictée du bicentenaire de Mérimée

En septembre 2003, en hommage à Mérimée, Bernard Pivot a créé la dictée de Compiègne du bicentenaire de Mérimée, texte qui est publié dans l'ouvrage de Françoise Maison, La Dictée de Mérimée, Château de Compiègne, Séguier, 2003, 64p.


NAPOLÉON III : MA DICTÉE D'OUTRE-TOMBE

Moi, Napoléon III, empereur des Français, je le déclare solennellement aux ayants droit de ma postérité et aux non-voyants de ma légende : mes soixante-quinze fautes à la dictée de Mérimée, c'est du pipeau ! De la désinformation circonstancielle ! De l'esbroufe républicaine ! Une coquecigrue de hugoliens logorrhéiques !
Quels que soient et quelque bizarroïdes qu'aient pu paraître la dictée, ses tournures ambiguës, Saint-Adresse, la douairière, les arrhes versées et le cuisseau de veau, j'étais maître du sujet comme de mes trente-sept millions d'autres. Pourvus d'antisèches par notre très cher Prosper, Eugénie et moi nous nous sommes plu à glisser çà et là quelques fautes. Trop sans doute. Plus que le cynique prince de Metternich, à qui ce fieffé coquin de Mérimée avait probablement passé copie du manuscrit.
En échange de quoi ?
D'un cuissot de chevreuil du Tyrol ?

Liens
hhttp://www.ina.fr/video/CPA82050208/c ... a-venus-d-ille-video.html I jour I livre La vénus d'Ille
http://www.ina.fr/video/CPF86622239/colomba-video.html Colomba 1
http://www.ina.fr/video/CPA82050208/c ... erniere-partie-video.html Colomba 2
http://www.ina.fr/video/CAB92023115/d ... -pivot-a-l-onu-video.html La dictée de Pivot à L'ONU


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Posté le : 27/09/2014 18:42
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André Breton 1
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Le 28 septembre 1966, à Paris, meurt à 70 ans André Breton

essayiste, théoricien du surréalisme, poète, écrivain théoricien du surréalisme et dadaïsme, poète et écrivain Poésie, récit, essai, peinture, ses Œuvres principales sont Manifestes du surréalisme 1924-1930, Nadja en 1928, L'Amour fou en 1937, Le Surréalisme et la peinture entre 1928-1965, il naît à Tinchebray dans l'Orne, le 19 février 1896.
Auteur des livres Nadja, L'Amour fou et des différents Manifestes du surréalisme, son rôle de chef de file du mouvement surréaliste, et son œuvre critique et théorique pour l'écriture et les arts plastiques, en font une figure majeure de l'art et de la littérature française du XXe siècle.


En Bref

Qui suis-je ? demandait André Breton au début d'un de ses livres les plus célèbres, Nadja. C'est son œuvre tout entière qui apporte la réponse, mais la question pour lui n'a jamais été close. Homme d'une ténacité exigeante dans ses choix profonds et en même temps homme de la liberté intérieure la plus inlassable, homme du mouvement, il s'avance à la découverte des vraies valeurs de la vie et de ce qui les fonde en se cherchant lui-même. Aussi les faits et les dates de son existence sont-ils les jalons d'une aventure humaine souvent pathétique et de valeur exemplaire, dans une époque déchirée et bouillonnante, où ont été et demeurent mises en question les vieilles idées sur l'homme et le monde, ces idées reçues que Breton voulait anéantir par la force des idées à faire recevoir.
Fondateur du surréalisme, il maintient parfois avec intransigeance les principes d'origine du mouvement et une discipline collective, quitte pour cela à remettre en cause ses propres choix en matière d'hommes ou d'œuvres. La fidélité aux idées et aux émotions formées très tôt en lui, notamment une conception absolue de l'amour, n'exclut pas un sens de la quête permanente et le désir d'être toujours étonné. Il sera d'emblée attiré par la recherche de la modernité, mais vite insatisfait par les limites qu'il perçoit dans ce qu'on appellera les avant-gardes au début du siècle. Sensible à toutes les audaces esthétiques, il ne perd jamais de vue leurs implications morales, et la recherche de l'esprit nouveau ne le quittera pas. Il restera comme un remarquable rassembleur, et un éveilleur de conscience.
Jeune étudiant en médecine, puis mobilisé, il se passionne pour la psychiatrie, et fait la rencontre déterminante de Jacques Vaché en 1916, à Nantes. Avec notamment Aragon et Soupault, il fonde la revue Littérature. Les aînés Francis Vielé-Griffin, Paul Valéry, Apollinaire et la lecture de Rimbaud influencent ses débuts poétiques. Rassemblés dans Clair de terre en 1923, ses premiers poèmes désarticulent la phrase, se résument en prose ou en vers libres, privilégiant le stupéfiant image découvert avec les Champs magnétiques, ensemble de textes automatiques écrits en commun avec Philippe Soupault 1920. En outre, de 1920 à 1922, il participe aux activités parisiennes du mouvement dada, auquel il adresse un bel adieu, souhaitant que la poésie conduise quelque part. Posant en 1924 les principes du surréalisme, Breton refuse l'idéalisme absolu aussi bien que la version stalinienne du matérialisme dialectique. La Révolution surréaliste sera l'organe du mouvement, puis le SASDLR, où il tente de concilier activités artistiques et adhésion au P.C. de 1927 à 1935. Les Vases communicants font la part belle aux conceptions matérialistes révolte sociale mais tout autant à l'importance du désir. La rencontre de Trotski au Mexique en 1937 lui permet enfin de concevoir un art révolutionnaire indépendant, modèle transposable au monde entier. Exilé aux États-Unis de 1941 à 1946, il publie avec ses amis la revue VVV, et s'interroge déjà en 1942 sur le sens de l'activité surréaliste.

Sa vie

André Breton est né le 19 février 1896, dans un village de l'Orne, Tinchebray, mais ses ascendances sont bretonnes et lorraines. Il passe sa petite enfance à Saint-Brieuc, auprès de son grand-père maternel auquel l'attachait une vive affection et qui lui a peut-être donné son goût des plantes, des insectes. En 1900, ses parents s'installent en banlieue parisienne. Fils unique d’une famille de la petite bourgeoisie catholique dont la mère impose une éducation rigide, André Breton passe une enfance sans histoire à Pantin Seine-St-Denis, dans la banlieue nord-est de Paris. Le souvenir de l'école communale de Pantin, comme celui du collège Chaptal qu'il fréquente de 1906 à 1912, se retrouve dans quelques passages de Saisons Les Champs magnétiques. De ces années, rendues moroses par le dur autoritarisme de sa mère, par l'ennui des routines scolaires, datent quelques-unes de ses aversions les plus affirmées : Qu'avant tout l'idée de famille rentre sous terre !L'Amour fou. Mais, vers sa quinzième année, une grande lumière perce la grisaille de l'existence, celle de la poésie dont il a la révélation soudaine grâce à un professeur, Albert Keim, par l'intermédiaire de Mallarmé. La passion de la poésie, désormais, l'absorbe tout entier ; il lit Baudelaire, les symbolistes, fréquente les séances poétiques du Vieux-Colombier, découvre Huysmans, un de ses grands enthousiasmes de jeunesse ; il écrit lui-même des poèmes. Dès cette époque, on est frappé chez lui par la rigueur des exigences, la fermeté d'un jugement qu'il sait approfondir et nuancer, le refus de toute facilité et le sens de la tenue dans l'expression ; un goût très vif pour la peinture et des prédilections durables, comme celle qui le tourne déjà vers Gustave Moreau, s'affirment en même temps. Inscrit à la faculté de médecine en octobre 1913, il continue à s'intéresser davantage à la poésie qu'à la chimie. Il rencontre Jean Royère et publie dans sa revue La Phalange, en mars 1914, trois de ses premiers poèmes ; l'un est dédié à Paul Valéry dont il fait alors la connaissance.
Il fait rapidement les premières rencontres décisives : Valéry, Apollinaire, Vaché
Au collège Chaptal, il suit une scolarité moderne sans latin ni grec, se fait remarquer par son professeur de rhétorique qui lui fait découvrir Charles Baudelaire et Joris-Karl Huysmans, et par son professeur de philosophie qui oppose le positivisme, ordre et progrès aux pensées hégéliennes, liberté de la conscience de soi qu’affectionne le jeune homme. Il se lie d’amitié avec Théodore Fraenkel et René Hilsum qui publie ses premiers poèmes dans la revue littéraire du collège. Au dépit de ses parents qui le voyaient ingénieur, Breton entre en classe préparatoire au PCN avec Fraenkel.
Au début de 1914, il adresse quelques poèmes à la manière de Stéphane Mallarmé, à la revue La Phalange que dirige le poète symboliste Jean Royère. Ce dernier les publie et met Breton en relation avec Paul Valéry.
À la déclaration de guerre, le 3 août, il est avec ses parents à Lorient. Il a pour seul livre un recueil de poèmes d’Arthur Rimbaud qu’il connait mal. Jugeant sa poésie si accordée aux circonstances, il reproche à son ami Fraenkel sa tiédeur devant une œuvre aussi considérable. Pour sa part, il proclame l’infériorité artistique profonde de l’œuvre réaliste sur l’autre. Déclaré bon pour le service le 17 février 1915, Breton est mobilisé au 17e régiment d'artillerie et envoyé à Pontivy, dans l’artillerie, pour faire ses classes dans ce qu'il devrait plus tard décrire comme un cloaque de sang, de sottise et de boue. La lecture d'articles d'intellectuels renommés comme Maurice Barrès ou Henri Bergson, le conforte dans son dégoût du nationalisme ambiant. Début juillet 1915, il est versé dans le service de santé comme infirmier et affecté à l'hôpital bénévole de Nantes. À la fin de l'année, il écrit sa première lettre à Guillaume Apollinaire à laquelle il joint le poème Décembre.
En février ou mars 1916, il rencontre un soldat en convalescence : Jacques Vaché. C’est le coup de foudre intellectuel. Aux tentations littéraires de Breton, Vaché lui oppose Alfred Jarry, la désertion à l’intérieur de soi-même et n’obéit qu’à une loi, l’Umour sans h. Découvrant dans un manue ce que l’on nomme alors la psychoanalyse de Sigmund Freud, à sa demande, Breton est affecté au Centre de neurologie à Saint-Dizier que dirige un ancien assistant du docteur Jean-Martin Charcot. En contact direct avec la folie, il refuse d’y voir seulement un déficit mental mais plutôt une capacité à la création. Le 20 novembre 1916, Breton est envoyé au front comme brancardier.
De retour à Paris en 1917, il rencontre Pierre Reverdy avec qui il collabore à sa revue Nord-Sud et Philippe Soupault que lui présente Apollinaire : Il faut que vous deveniez amis.Soupault lui fait découvrir Les Chants de Maldoror de Lautréamont, qui provoquent chez lui une grande émotion. Avec Louis Aragon dont il fait la connaissance à l’hôpital du Val-de-Grâce, ils passent leurs nuits de garde à se réciter des passages de Maldoror au milieu des hurlements et des sanglots de terreur déclenchés par les alertes aériennes chez les malades Aragon.
Dans une lettre de juillet 1918 à Fraenkel, Breton évoque le projet en commun avec Aragon et Soupault, d’un livre sur quelques peintres comme Giorgio De Chirico, André Derain, Juan Gris, Henri Matisse, Picasso, Henri Rousseau... dans lesquels serait contée à la manière anglaise la vie de l’artiste, par Soupault, l’analyse des œuvres, par Aragon et quelques réflexions sur l’art, par Breton lui-même. Il y aurait également des poèmes de chacun en regard de quelques tableaux.
Malgré la guerre, la censure et l’esprit antigermanique, parviennent de Zurich, Berlin ou Cologne, les échos des manifestations Dada ainsi que quelques-unes de leurs publications comme le Manifeste Dada. Au mois de janvier 1919, profondément affecté par la mort de Jacques Vaché, Breton croit voir en Tristan Tzara la réincarnation de l’esprit de révolte de son ami : Je ne savais plus de qui attendre le courage que vous montrez. C’est vers vous que se tournent aujourd’hui tous mes regards.
À la déclaration de guerre, le jeune Breton ne se laisse pas entraîner par l'enthousiasme belliqueux qui submerge le pays ; déclarations puérilement chauvines, confiance exorbitante en soi-même, note-t-il au lendemain même de la mobilisation. Appelé en avril 1915 dans un régiment d'artillerie à Pontivy, il essaie d'échapper par la lecture de Rimbaud et de Jarry à l'école des bons travaux abrutissants » qu'est pour lui l'apprentissage militaire. À Nantes, où il est versé au bout de quelques mois dans le service de santé, il fait la rencontre la plus décisive de sa vie, celle de Jacques Vaché (« La Confession dédaigneuse dans Les Pas perdus. Ce que lui apporte Jacques Vaché, à peine plus âgé que lui-même, c'est, par le moyen de l'humour, un exemple de « résistance absolue, à la guerre bien sûr, mais aussi, par-delà, aux hiérarchies et aux valeurs consacrées par une civilisation capable d'enfanter cette guerre. À ce monde dans lequel on n'arrive à se faire une place au soleil que pour étouffer sous une peau de bête, Vaché oppose un refus insolemment courtois, feutré, inébranlable, qu'il vit dans tous ses actes. Il n'épargne pas plus la mystique de l'art que le reste. Son exemple, que renforce et combat à la fois l'envoûtement de Rimbaud, dont Breton ne s'est pas dépris, de Lautréamont qu'il découvre, arrache le jeune poète à la délectation esthétique, mais ne tue pas en lui le goût de la poésie. Toutes les années de la guerre, qu'il passe successivement à Nantes, à Saint-Dizier où il fait fonction d'interne dans un centre neuropsychiatrique militaire et s'initie avec passion aux théories de Freud, à la Pitié dans le service du professeur Babinski, au Val-de-Grâce, puis à Saint-Mammès près de Fontainebleau, sont occupées par un très complexe débat qu'il soutient avec lui-même. Son premier recueil de poèmes, Mont de piété 1919, montre comment, sous l'influence de Rimbaud, Apollinaire, Reverdy, il s'éloigne des leçons de Mallarmé et de Valéry ; plus important encore est le glissement général d'orientation qui s'y révèle : à l'interrogation sur les formes de la poésie ont succédé les recherches sur sa nature. Car si Breton ne veut plus vivre pour elle, il ne peut vivre que par elle.

La naissance du surréalisme

Des prédilections communes, la foi dans les pouvoirs de la poésie ont rapproché de lui, dans les années 1917-1918, Louis Aragon et Philippe Soupault. En mars 1919, ils fondent une revue, Littérature, qui publie les Poésies de Ducasse, les Lettres de guerre de Jacques Vaché, mort, accident ou suicide ? en janvier 1919, et les premiers textes obtenus par Breton et Soupault au moyen de l' écriture automatique. Breton a été à la fois le découvreur et le théoricien de l'écriture automatique, dont la pratique lui a été suggérée par l'observation des états de demi-sommeil et la méthode freudienne des associations spontanées. Elle exige que l'esprit se mette en état de vacance, afin que s'abolissent les contrôles qui pèsent sur la pensée surveillée, logique, morale, goût ; la vitesse de l'écriture est une des conditions du succès, mais les difficultés n'ont jamais échappé à Breton : il sait que la voix intérieure ne se laisse pas aisément capter, que de multiples interférences se produisent, que la tentation esthétique rôde Le Message automatique, 1933, dans Point du Jour. L'écriture automatique n'en demeure pas moins, selon la formule de Maurice Blanchot, une aspiration orgueilleuse à un mode de connaissance. Mais elle est aussi agissante : mettant en mouvement des forces inconnues, des désirs profonds, en même temps qu'elle nous révèle à nous-mêmes, à notre insu elle nous libère et nous change. Les Champs magnétiques, œuvre commune d'André Breton et Philippe Soupault qui paraît au printemps de 1920, constituent ainsi la première affirmation du surréalisme. L'adhésion spontanée du groupe de Littérature aux négations de Tzara, qui retrouve parfois le ton même de Vaché, la célébrité des batailles dadaïstes en 1920 et 1921 ont masqué souvent ce fait important : la conception neuve de l'inspiration et de la poésie qui est au cœur du surréalisme s'est dégagée indépendamment de Dada. Très vite, Breton ne peut plus se satisfaire du nihilisme de ce dernier et de ses manifestations qu'il juge stéréotypées et pauvres ; dès le printemps de 1921, lors du procès symbolique intenté à Barrès pour attentat à la sûreté de l'esprit et mené par Breton aux yeux de qui les revirements de Barrès engagent le destin de toute révolte, commence la dislocation de Dada. Elle s'achève au printemps de 1922 à travers les péripéties et les polémiques que suscite la tentative de réunion d'un Congrès international pour la détermination et la défense des tendances de l'esprit moderne, dont Breton a pris l'initiative et qui se solde par un échec.
Entre 1922 et 1924, le groupe réuni autour de Littérature, auquel se sont joints entre autres Eluard, Péret, Desnos, Crevel, se livre à diverses expériences dont Breton s'attache dans ses articles à dégager l'importance pour l'exploration de l'inconscient ; à l'écriture s'ajoutent les dessins automatiques, les récits de rêves, les jeux, les paroles ou écrits obtenus dans le sommeil hypnotique. Années difficiles où le surréalisme, bien qu'il se soit déjà largement trouvé, hésite encore sur lui-même. Elles voient passer sur Breton la tentation du silence. C'est la poésie qui lui permet de la surmonter, avec le beau recueil de Clair de terre, à la fin de 1923. Désormais, une étape décisive est franchie ; la publication au printemps de 1924 des Pas perdus, recueil d'articles écrits entre 1918 et 1923, fruits d'une quête de cinq années, semble ouvrir la voie aux nouvelles entreprises ; ce sont presque conjointement, à l'automne de 1924, le Manifeste du surréalisme suivi des poèmes en prose de Poisson soluble, et en décembre le premier numéro de la revue La Révolution surréaliste, dont la couverture déclare : Il faut aboutir à une nouvelle déclaration des droits de l'homme. Ces droits, le Manifeste les affirme hautement. La célébration de la liberté, essence de l'être humain – liberté couleur d'homme, avait déjà dit Breton dans une admirable image –, accompagne ici le refus de la vie donnée. C'est par l'imagination, par le rêve qui nous découvrent avec nos vrais besoins l'immense champ du possible que la liberté se nourrit et s'exalte, défiant le vieux malheur humain.

Attirance et dangers du communisme

Ainsi, dès sa naissance, le surréalisme se déclare en état de non-conformisme absolu. Rien de surprenant à ce qu'il rencontre un autre non-conformisme, celui des jeunes intellectuels communistes ou proches du communisme de la revue Clarté, principalement à l'occasion de la guerre du Maroc, qui vers le milieu de 1925 provoque une nouvelle flambée de nationalisme. À ce contact, l'attention de Breton se tourne vers le grand bouleversement qui est en train de s'opérer à l'Est ; transporté par la lecture du Lénine de Léon Trotski, en août 1925, il désigne à ses amis le communisme comme le plus merveilleux agent de substitution d'un monde à un autre qui fût jamais. Cette orientation est pour lui la source de longues difficultés : difficultés dans le groupe surréaliste même, certains refusant le passage à l'activité politique, d'autres le voulant total ; difficultés avec la direction communiste, à qui le sens de l'activité surréaliste échappe complètement et qui la regarde avec suspicion. Mais Breton, bien qu'il ait adhéré en 1927 au Parti communiste, se refuse à renoncer aux recherches proprement surréalistes, comme l'attestent Légitime défense et Au grand jour. Aussi son activité dans les rangs du parti est-elle de peu de durée. Cependant sa rupture définitive avec le communisme officiel n'intervient qu'après plusieurs années de heurts, notamment au sein de l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires, dont il a été un membre très actif ; elle se produit en juin 1935, lors du Congrès international pour la défense de la culture, Position politique du surréalisme. Il n'en continue pas moins à mener avec ses amis une lutte sans défaillance contre le monde capitaliste, intervenant vigoureusement dans tous les combats, contre le colonialisme sous toutes ses formes, contre la montée du fascisme en 1934, contre la fausse neutralité du gouvernement français lors de la révolution espagnole, contre la guerre impérialiste. Il est de ceux qui se battent dans la position la plus périlleuse, sur deux fronts ; ennemi du monde bourgeois, il estime qu'il n'en doit pas moins dénoncer avec vigueur les erreurs et les tares du régime soviétique sous la direction de Staline et dit sa défiance à l'égard du chef tout-puissant sous lequel ce régime tourne à la négation même de ce qu'il devrait être et de ce qu'il a été. Il est un des premiers, en 1936 et 1937, à s'élever contre les procès de Moscou. Dans le domaine intellectuel, au temps où triomphe le dogme du réalisme socialiste, Breton ne cesse d'affirmer le droit pour l'artiste à une recherche libre ; l'art et la poésie, s'ils se plient à des directives et à des fins qui leur sont extérieures, s'appauvrissent et se nient. On ne peut régenter du dehors l'obscur laboratoire intérieur où l'œuvre d'art prend naissance, mais toute œuvre digne de ce nom porte en elle-même une contestation de la réalité présente, toute œuvre digne de ce nom est libératrice : Le besoin d'émancipation de l'esprit n'a qu'à suivre son cours naturel pour être amené à se fondre et à se retremper dans cette nécessité primordiale : le besoin d'émancipation de l'homme.

L'expérience humaine

Durant ces quelque dix ans où Breton, inlassablement, se bat pour la vérité de la révolution et pour la vérité de l'art, la grande aventure mentale qu'est pour lui le surréalisme ne s'en poursuit pas moins ; car il possède à un exceptionnel degré le pouvoir d'embrasser d'un même regard tous les niveaux de l'expérience humaine. De ce temps datent quelques-uns de ses plus importants ouvrages. Après l'Introduction au discours sur le peu de réalité, d'une rare intensité poétique, c'est en 1928 Nadja, récit et non roman ; par-delà le personnage réel de l'héroïne, riche de pouvoirs insolites et si totalement démunie, messagère du merveilleux, annonciatrice de la grande révélation amoureuse, mais elle-même vouée au désastre, un style de vie se dessine : la disponibilité, l'attente, l'ouverture à l'imprévisible qui fait éclater la croûte figée de l'existence et enfin la change. En 1928 également paraît en volume Le Surréalisme et la Peinture ; la peinture, comme la poésie, est moyen de libération et non seulement objet de délectation ; le contenu primant la forme, l'œuvre est qualifiée par référence à un modèle purement intérieur, d'un bout à l'autre de la gamme des techniques et des styles.
La Révolution surréaliste, que Breton dirige depuis 1925, meurt en 1929, avec, dans le douzième et dernier numéro, une belle enquête sur l'amour, qui s'affirme comme une des valeurs surréalistes essentielle, et le Second Manifeste du surréalisme. Son aspect polémique, sa violence – Breton y prend à partie les dissidents – tiennent, pour une part au moins, à son but, qui est de redéfinir les fondements du surréalisme, pour l'extérieur comme pour lui-même : la révolte devant ce qui est, que ne peut épuiser la seule exigence sociale, la rigueur morale devant la tentation esthétique, la volonté d'action dans tous les domaines, mais l'autonomie totale de la recherche surréaliste, la récupération par l'esprit de tous ses pouvoirs, la liberté, toujours. Les Vases communicants 1932 précisent encore le projet. Breton établit, par l'analyse de ses rêves et d'épisodes apparemment insignifiants d'un moment de sa vie, qu'un rapport étroit, le désir, unit le rêve et la veille, commandant en secret même l'action la plus éloignée de lui. Aussi la connaissance de la subjectivité n'a pas à céder le pas devant la volonté de transformation sociale ; loin de la contrarier, elle la maintient vivante, en lui apportant la sève puisée aux profondeurs : Le poète à venir surmontera l'idée déprimante du divorce irréparable de l'action et du rêve. Dans cette œuvre, comme toujours chez Breton, la réflexion théorique ne s'exerce pas aux dépens de la poésie qui, d'un coup d'aile, emporte les pages les plus abstraites, le récit le plus volontairement dépouillé. La conscience poétique du monde s'est élevée si haut que l'écrivain peut à la fois conduire une méditation ardue sur la condition de l'homme et donner quelques-uns de ses plus brûlants poèmes. Dans les textes nouveaux du Revolver à cheveux blancs 1932 comme dans L'Union libre 1931, la houle des images déferle en un mouvement ample et assuré, qui donne à cette voix un timbre unique. Les expérimentations poétiques se poursuivent aussi : en 1930, Ralentir travaux, en collaboration avec René Char et Paul Eluard, puis L'Immaculée Conception en collaboration avec Eluard.
Pourtant, durant ces années fécondes – Breton dirige aussi la revue Le Surréalisme au service de la révolution 1930-1933, où il entreprend d'intéressantes recherches sur l'objet –, il traverse une des périodes les plus sombres de sa vie. Une amitié de près de quinze ans se défait, quand Aragon rompt avec le groupe 1932 pour donner au Parti communiste une adhésion totale ; les désaveux, les atermoiements qui ont accompagné cette démarche amènent les surréalistes à la considérer comme une désertion et un abandon intellectuel et moral. D'autre part, la vie intime du poète est déchirée ; vers 1929 son mariage 1921 avec Simone est rompu. Les difficultés matérielles, toujours présentes, sont devenues écrasantes ; c'est, au sens propre, la misère. Cependant, la loi mystérieuse des compensations à laquelle il croyait, se sauvant ainsi du pessimisme auquel sa nature l'inclinait, lui apporte en 1934 la lumière d'une étoile nouvelle ; il rencontre et épouse Jacqueline ; une fille, Aube, leur naît en 1935. Après les poèmes de L'Air de l'eau 1934, L'Amour fou 1937, où l'écrit porté par l'existence même la commande à son tour, montre avec éclat un des caractères singuliers de l'œuvre de Breton : surgie tout entière de son expérience, mais aussi éloignée qu'il est possible de l'autobiographie, elle atteste que par le surréalisme s'opère la fusion du réel et de l'imaginaire, de la poésie et de la vie.

Littérature - Les Champs magnétiques - Dada à Paris

Projetée depuis l’été précédent par Aragon, Breton et Soupault les trois mousquetaires comme les appelait Paul Valéry, la revue Littérature est créée14 dont le premier numéro paraît en février 1919. Rencontré le mois suivant, Paul Éluard est immédiatement intégré dans le groupe.
Après la parution de Mont de piété, qui regroupe ses premiers poèmes écrits depuis 1913, Breton expérimente avec Soupault l'écriture automatique : textes écrits sans aucune réflexion, à différentes vitesses, sans retouche ni repentir. Les Champs magnétiques, écrit en mai et juin 1919, n’est publié qu’un an plus tard. Le succès critique en fait un ouvrage précurseur du surréalisme.
Dans Littérature paraissent successivement les Poésies de Lautréamont, des fragments des Champs magnétiques et l’enquête Pourquoi écrivez-vous ?, mais Breton reste insatisfait de la revue. Après avoir rencontré Francis Picabia dont l’intelligence, l’humour, le charme et la vivacité le séduisent, Breton comprend qu’il n’a rien à attendre des aînés, ni de l’héritage d’Apollinaire : l’Esprit nouveau paré du bon sens français et son horreur du chaos, ni du réveil de Paul Valéry, pas plus que des modernes Jean Cocteau, Raymond Radiguet, Pierre Drieu La Rochelle perpétuant la tradition du roman qu’il rejette et rejettera toujours.
Le 23 janvier 1920, Tristan Tzara arrive enfin à Paris. La déception de Breton de voir apparaître un être si peu charismatique est à la hauteur de ce qu’il en attendait. Il se voyait avec Tzara tuer l’art, ce qui lui paraît le plus urgent à faire même si la préparation du coup d’État peut demander des années. Avec Picabia et Tzara, ils organisent les manifestations Dada qui suscitent le plus souvent incompréhension, chahuts et scandales, buts recherchés. Mais dès le mois d’août, Breton prend ses distances avec Dada. Il refuse d’écrire une préface à l’ouvrage de Picabia Jésus-Christ rastaquouère : Je ne suis même plus sûr que le dadaïsme aitgain de cause, à chaque instant je m’aperçois que je le réforme en moi.
À la fin de l’année, Breton est engagé par le couturier, bibliophile, et amateur d’art moderne Jacques Doucet. Ce dernier, personnalité éprise de rare et d’impossible, juste ce qu’il faut de déséquilibre, lui commande des lettres sur la littérature et la peinture ainsi que des conseils d’achat d’œuvres d’art. Entre autres, Breton lui fera acheter le tableau Les Demoiselles d'Avignon de Picasso.
Après le procès Barrès 22 mai 1921, rejeté par Picabia et au cours duquel Tzara s’est complu dans une insolence potache, Breton considère le pessimisme absolu des dadaïstes comme de l'infantilisme. L’été suivant, il profite d’un séjour dans le Tyrol pour rendre visite à Sigmund Freud à Vienne, mais ce dernier garde ses distances avec le chef de file de ceux qu'il est tenté de considérer comme des fous intégraux.

Rupture avec Dada - Naissance du surréalisme - Premier manifeste

En janvier 1922, Breton tente d’organiser un Congrès international pour la détermination des directives et la défense de l’esprit moderne. L’opposition de Tzara en empêche la tenue. Une nouvelle série de Littérature avec Breton et Soupault pour directeurs, recrute de nouveaux collaborateurs comme René Crevel, Robert Desnos, Roger Vitrac mais, définitivement hostile à Picabia, Soupault prend ses distances avec les surréalistes. Avec Crevel, Breton expérimente les sommeils hypnotiques permettant de libérer le discours de l’inconscient. Ces états de sommeil forcé vont révéler les étonnantes facultés d’ improvisation de Benjamin Péret et de Desnos. À la fin février 1923, doutant de la sincérité des uns et craignant pour la santé mentale des autres, Breton décide d’arrêter l’expérience.
Breton semble fatigué de tout : il considère les activités de journalisme d’Aragon et Desnos, pourtant rémunératrices, comme une perte de temps. Les écrits de Picabia le déçoivent, il s’emporte contre les projets trop littéraires de ses amis — toujours des romans !. Dans un entretien avec Roger Vitrac, il confie même son intention de ne plus écrire. Cependant, au cours de l’été suivant, il écrit la plupart des poèmes de Clair de terre.
Le 15 octobre 1924, paraît, en volume séparé, Le Manifeste du surréalisme initialement prévu pour être la préface au recueil de textes automatiques Poisson soluble. Instruisant le procès de l’attitude réaliste, Breton évoque le chemin parcouru jusque-là et définit ce nouveau concept, revendique les droits de l’imagination, plaide pour le merveilleux, l’inspiration, l’enfance et le hasard objectif.
SURRÉALISME, n. m. Automatisme psychique pur, par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale.
- Encycl. Philos. Le surréalisme repose sur la croyance à la réalité supérieure de certaines formes d’associations négligées jusqu’à lui, à la toute-puissance du rêve, au jeu désintéressé de la pensée. Il tend à ruiner définitivement tous les autres mécanismes psychiques et à se substituer à eux dans la résolution des principaux problèmes de la vie.
Quelques jours après, le groupe publie le pamphlet Un cadavre, écrit en réaction aux funérailles nationales faites à Anatole France : Loti, Barrès, France, marquons tout de même d’un beau signe blanc l’année qui coucha ces trois sinistres bonshommes : l’idiot, le traitre et le policier. Avec France, c’est un peu de la servilité humaine qui s’en va. Que soit fêté le jour où l’on enterre la ruse, le traditionalisme, le patriotisme et le manque de cœur !

Transformer le monde et changer la vie 1925-1938 La Révolution surréaliste

- Nadja- Adhésion au PCF - Premières ruptures

Le 1er décembre 1924, paraît le premier numéro de la Révolution surréaliste, l’organe du groupe que dirigent Benjamin Péret et Pierre Naville. Breton radicalise son action et sa position politique. Sa lecture de l’ouvrage de Léon Trotski sur Lénine et la guerre coloniale menée par la France dans le Rif marocain le rapproche des intellectuels communistes. Avec les collaborateurs des revues Clarté et Philosophie, les surréalistes forment un comité et rédigent un tract commun :La Révolution d’abord et toujours.
En janvier 1927, Aragon, Breton, Éluard, Péret et Pierre Unik adhèrent au parti communiste français. Ils s’en justifient dans le tract Au grand jour. Breton est affecté à une cellule d’employés au gaz.
Le 4 octobre 1926, il rencontre dans la rue Léona Delcourt, alias Nadja. Ils se fréquentent chaque jour jusqu’au 13 octobre. Elle ordonne à Breton d’écrire « un roman sur moi. Prends garde : tout s’affaiblit, tout disparaît. De nous il faut que quelque chose reste.... Retiré au manoir d’Ango, près de Varengeville-sur-Mer, au mois d’août 1927, en compagnie d’Aragon, Breton commence l’écriture de Nadja. En novembre, à l’occasion d’une lecture qu’il fait au groupe, Breton rencontre Suzanne Muzard. C’est le coup de foudre réciproque. Bien qu’elle soit la maîtresse d’Emmanuel Berl, elle partage avec Breton une aventure passionnée et orageuse. Elle demande à Breton de divorcer d’avec Simone, ce à quoi il consent, mais freinée dans ses désirs d’aventure, par son goût du confort et de la sécurité matérielle, elle épouse Berl, sans pour autant rompre définitivement avec Breton. La relation faite de ruptures et de retrouvailles perdurera jusqu’en janvier 1931. Pour elle, Breton ajoute une troisième partie à Nadja.
Cet amour malheureux pèse sur l’humeur de Breton : mésententes dans le groupe, détachement de Robert Desnos, altercation en public avec Soupault, fermeture de la Galerie Surréaliste pour cause de gestion négligée... La parution du Second manifeste du surréalisme décembre 1929 est l'occasion pour Breton de relancer le mouvement et, selon l'expression de Mark Polizzotti, dit tous les changements que le mouvement a connus pendant ses cinq premières années et en particulier le passage ... de l'automatisme psychique au militantisme politique. Breton est alors plongé dans la lecture de Marx, Engels et Hegel ; et la question du réel dans sa dimension politique ainsi que celle de l'engagement de l'individu occupent sa réflexion comme le précise l'incipit du livre. Ce second manifeste est aussi l'occasion pour lui de régler ses comptes, de manière violente en maniant jusqu'à l'insulte et le sarcasme, et de faire le point sur les remous qu'a connus le groupe ces dernières années. Breton justifie son intransigeance par sa volonté de découvrir, s'inspirant de la Phénoménologie de l'esprit, ce point de l’esprit d’où la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l’incommunicable, le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement.Les exclus visés par le texte réagissent en publiant un pamphlet sur le modèle de celui écrit contre Anatole France quelques années plus tôt et en reprennent le même titre, Un cadavre. Dès lors, les adversaires sacrent ironiquement Breton « Pape du surréalisme. L'humeur sombre de Breton s'exprime pleinement dans ce que Mark Polizzotti appelle le passage le plus sinistre du manifeste et qui est selon lui le reflet d'une grande amertume personnelle, une phrase souvent citée et reprochée à Breton, notamment par Albert Camus : L'acte surréaliste le plus simple consiste, révolvers aux poings, à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant qu'on peut, dans la foule. Marguerite Bonnet relève qu'une phrase très proche figurait déjà dans un article publié en 1925 dans le numéro 2 de La Révolution surréaliste et qu'elle n'avait pas, en son temps, retenu l'attention. Elle avance que Breton fait allusion à la figure d'Émile Henry qui, peu après son arrestation a prétendu s'appeler Breton et suggère qu'une sorte de lent transfert, de nature presque onirique, cheminant dans les zones les plus mystérieuses de la sensibilité, aurait ainsi préparé en Breton la tentation fugitive de s'identifier à l'ange exterminateur de l'anarchie .

SASDLR - Rupture avec Aragon -L'Amour fou- Rupture avec Éluard

La Révolution surréaliste fait place au Surréalisme au service de la Révolution SASDLR. Le titre de la revue est d'Aragon. Breton et André Thirion lancent l’idée d’une Association des écrivains et artistes révolutionnaires AEAR. Cette association est effectivement créée en janvier 1932 par les instances dirigeantes du parti communiste français, mais ni Breton ni Thirion n’ont été sollicités et leur adhésion ainsi que celle d’autres surréalistes n’est prise en compte qu’à la fin de 1932. Dès cette époque, les surréalistes se retrouvent au sein de l'AEAR sur les positions de l'Opposition de gauche.
Même s’il ne désespère pas de pouvoir orienter l’action culturelle du Parti et récupérer les forces psychiques dispersées, en conciliant le freudisme avec le marxisme au service du prolétariat, Breton ne cesse de se heurter à l’incompréhension et la défiance croissante venant de la direction du Parti communiste.
Quand il dénonce la censure de l’activité poétique par l’autorité politique qui frappe le poème d’Aragon Front rouge, sans cacher le peu d’estime qu’il a pour ce texte de pure propagande, Breton n’en défend pas moins son auteur Misère de la poésie, Aragon désavoue cette défense et provoque la rupture définitive et Paul Vaillant-Couturier lui reproche un texte de Ferdinand Alquié, publié dans SASDLR, dénonçant le vent de crétinisation systématique qui souffle de l’URSS.
En réponse aux violentes manifestations fascistes du 6 février 1934, devant l’Assemblée nationale, Breton lance un Appel à la lutte à destination de toutes les organisations de gauche. Sollicité, Léon Blum refuse poliment son soutien.
En 1934, Breton rencontre Jacqueline Lamba dans des circonstances proches de celles évoquées dans le poème Tournesol écrit en 1923. De cette rencontre et des premiers moments de leur amour, Breton écrit le récit L'Amour fou. De leur union naîtra une fille, Aube.
En juin 1935, Breton écrit un discours qu’il doit prononcer au Congrès des écrivains pour la défense de la culture."Transformer le monde ", a dit Marx ; "Changer la vie, a dit Rimbaud ; ces deux mots d’ordre pour nous n’en font qu’un est la conclusion de ce discours. Mais à la suite d’une violente altercation avec Ilya Ehrenbourg, ce dernier, délégué de la représentation soviétique, ayant calomnié les surréalistes, la participation de Breton est annulée. Il fallut le suicide de René Crevel pour que les organisateurs concèdent à Éluard de lire le texte. La rupture définitive avec le Parti est consommée avec le tract Du temps où les surréalistes avaient raison.
En 1938, Breton organise la première Exposition internationale du surréalisme à Paris. À cette occasion, il prononce une conférence sur l’humour noir. Cette même année, il voyage au Mexique et rencontre les peintres Frida Kahlo et Diego Rivera, ainsi que Léon Trotski avec qui il écrit le manifeste Pour un art révolutionnaire indépendant, qui donne lieu à la constitution d’une Fédération internationale de l’art révolutionnaire indépendant FIARI. Cette initiative est à l’origine de la rupture avec Éluard.

Aux quatre coins du monde

Autour de 1935, l'audience des conceptions surréalistes s'élargit ; de nouveaux esprits viennent à Breton qui anime la revue Minotaure. Avant même que se tienne à Paris la première exposition internationale du surréalisme, en 1937 Dictionnaire abrégé du surréalisme en collaboration avec Eluard, des manifestations du mouvement l'appellent en divers points du monde. Malgré son peu de goût pour les voyages, il se rend en 1935 successivement à Bruxelles, à Prague, aux Canaries, en 1936 à Londres. Une série de conférences sur l'art et la littérature, dont l'ont chargé les services culturels, l'amène en 1938 à Mexico. Il y fait la connaissance de Trotski, qu'il a toujours admiré ; de cette rencontre sort le manifeste Pour un art révolutionnaire indépendant, fruit de leur collaboration, bien qu'il ait paru signé de Breton et du peintre Diego Rivera, pour des raisons d'opportunité ; il doit servir de base à la constitution d'une Fédération internationale de l'art révolutionnaire indépendant, dont Breton met sur pied la section française, avec son bulletin Clé. Mais la cassure provoquée par la guerre coupe court à cette tentative. Une autre cassure, d'ordre personnel celle-là, était survenue peu de temps auparavant : l'amitié avec Eluard qui, durant les dix dernières années surtout, avait tenu dans sa vie une très grande place, se brise à l'automne de 1938, en raison de divergences d'appréciation que Breton juge insurmontables, de nature à la fois politique et littéraire.
Mobilisé dans les services médicaux à l'école d'aviation de Poitiers, il se replie après la débâcle de juin 1940 à Salon chez son ami le Dr Mabille, puis à Marseille où il est avec d'autres écrivains l'hôte du Comité de secours américain aux intellectuels. Le visa de censure est refusé à son poème Fata Morgana comme à son Anthologie de l'humour noir, leur auteur figurant la négation de l'esprit de révolution nationale. Privé de toute possibilité d'expression, suspect aux autorités, Breton obtient un visa pour les États-Unis ; il part au printemps de 1941, d'abord pour la Martinique. Son séjour forcé d'un mois dans l'île est doublement fécond pour la poésie : il découvre et rencontre Aimé Césaire, dont il préfacera en 1946 le premier livre, et l'éblouissante nature tropicale lui inspirera les pages de Martinique charmeuse de serpents 1948.
Les cinq ans qu'il passe à New York où il est speaker aux émissions françaises de la Voix de l'Amérique sont marqués par des activités diverses : en 1942, il organise avec Marcel Duchamp une exposition surréaliste, fonde une revue VVV Triple V, écrit un de ses très grands poèmes, Les États généraux. Sa vie, sur laquelle pèse l'échec de l'amour fou, tourne une dernière fois ; en 1943, il rencontre Élisa, l'inspiratrice d'Arcane 17. Ce livre incomparable, somme et sommet poétique, fut commencé lors d'un voyage dans la péninsule de Gaspé, au Canada, en 1944, au moment même de la libération de Paris ; comme l'indique son titre – la dix-septième lame du tarot, l'Étoile, emblème de la résurrection et de l'espoir – il célèbre le triomphe de la vie, déchirée et rebelle, sur la douleur et sur la mort ; une méditation souvent bouleversante dans son intensité retenue va et vient sans cesse du drame individuel au destin du monde, des mythes anciens – Mélusine, Osiris – au grand paysage présent de mer et d'oiseaux. Sa vie et celle d'Élisa ne se sépareront plus. Après leur mariage aux États-Unis, ils visitent les réserves des Indiens Pueblos ; Breton écrit l'Ode à Charles Fourier, d'une conception neuve, point de départ de l'actuel renouveau d'intérêt pour le grand utopiste. Une conférence qu'il donne à Haïti à la fin de 1945 provoque chez les étudiants une vive effervescence qui, par une chaîne de réactions, entraînera la chute du gouvernement.
Rentré en France au printemps de 1946 Je reviens dans Poèmes, Breton voit se constituer autour de lui un groupe surréaliste largement renouvelé. Comme avant la guerre, les réunions presque quotidiennes dans un café assurent, à travers arrivées et départs, la continuité du mouvement ; Breton en est naturellement le pivot, avec Benjamin Péret ; à partir de 1951, l'été rassemble souvent autour de lui nombre de ses amis dans un vieux village du Lot, Saint-Cirq-la-Popie, dont la beauté l'a définitivement gagné. L'activité du groupe se manifeste au cours des vingt années qui suivent par des expositions qu'il présente : Paris, 1947 Devant le rideau ; Prague, 1948 seconde Arche ; Paris, 1959 ; New York, 1960 ; Paris, 1965 sous le titre emprunté à Fourier de L'Écart absolu Générique ; par des bulletins ou revues Néon, 1948-1949 ; Médium, 1951-1955 ; Le Surréalisme même, 1956-1959 ; Bief, 1959-1960 ; La Brèche, 1961-1965. L'Archibras – encore une référence de Fourier –, no 1, avril 1967, était en projet avant sa mort; par des tracts qui constituent de vigoureuses prises de position sur tous les problèmes du monde et du temps ainsi, la religion, le Vietnam, la Hongrie. Si le surréalisme préserve son autonomie par rapport aux groupements politiques, Breton intervient toujours contre l'oppression, le crime et l'imposture, chaque fois que la liberté, la justice, la dignité humaine sont en péril ; le mouvement mondialiste, le Rassemblement démocratique révolutionnaire Sartre, Camus portent un temps son espoir d'action. Ses discours dans divers meetings, ses articles, ses déclarations montrent que, sans exclusive et sans faiblesse, il maintient sa ligne propre. Il est en 1960 un des tout premiers artisans de la Déclaration sur le droit à l'insoumission dans la guerre d'Algérie.

L'audience d'André Breton

Il écrit dans les revues surréalistes de ces années des textes de grand poids, Du surréalisme en ses œuvres vives, Langue des pierres, Main première, pour n'en citer que quelques-uns. Sa générosité, son ouverture à tout ce qui peut se produire de neuf et de libérateur dans le domaine de l'art et de la pensée l'amènent à préfacer livres et expositions ; bien des réputations y prennent leur départ. Il publie en 1947 Arcane 17 enté d'Ajours, en 1948 Poèmes, première anthologie, enrichie d'œuvres inédites ; Flagrant Délit 1949, né de la dénonciation du faux donné pour La Chasse spirituelle de Rimbaud, révèle la sûreté de sa connaissance du poète et de son intuition. Des conversations radiophoniques, transmises de mars à juin 1952, paraissent la même année sous le titre Entretiens, la plus riche des sources pour qui veut connaître l'homme et l'écrivain : la beauté de l'expression, un certain ton qui n'est qu'à lui font de ces pages circonstancielles une œuvre. La Clé des champs 1953 rassemble une quarantaine de textes divers. En 1957, il s'attache à élucider dans une vaste perspective historique et réflexive la notion de L'Art magique, dans un ouvrage réalisé avec le concours de Gérard Legrand. Avec les Constellations de 1959, proses parallèles à vingt-deux planches de Miró, une fraîcheur d'enfance, sous laquelle court la sourdine des notes graves, joue de la tendresse et de l'humour.
La santé d'André Breton, atteint d'asthme, va en se détériorant. Frappé d'une crise cardiaque à la fin de l'été 1966, il meurt en quelques heures le 28 septembre à l'hôpital Lariboisière. Il est enterré au cimetière des Batignolles auprès de Benjamin Péret. L'émotion soulevée par cette fin soudaine, même chez ceux qui ne partagent pas les convictions surréalistes, a permis d'entrevoir la place qu'il tient.
Sa figure en effet n'est pas seulement celle d'un très grand écrivain, foyer vivant du surréalisme. La nature de la relation qui s'établit entre lui-même et son lecteur mobilise les forces affectives, dans le rejet ou l'adhésion. Car cet aiguilleur spirituel, par la force et la constance de sa rupture avec tout ce qui fait du monde le Grand Scandale, comme par son don irremplaçable d'espérer, malgré tout, et d'aimer, toujours, propose et prépare une existence autre. Il a élargi et marqué la sensibilité de ce temps, l'ouvrant aux éclairs de l'insolite – rencontre ou coïncidence –, découvrant à l'homme qu'il peut établir avec la nature des rapports neufs de participation et de transparence dans l'interrelation parfaite du concret et de l'abstrait ; en finir avec ce qui mutile et fige, les barrières intérieures qui se dressent entre intelligence et affectivité, volonté et désir ; équilibrer dans une tension difficile et féconde ses exigences spirituelles et son refus agissant de ce qui est, par l'avènement de ce qui sera. Comme Fourier en qui il a justement reconnu un esprit frère du sien, il a embrassé l'unité il l'a montrée non comme perdue mais comme intégralement réalisable, et il l'a, pour lui-même, conquise. Parce qu'il s'écartait des dogmes et des systèmes fermés, se maintenait dans une perpétuelle alerte sans hésiter à se tourner vers tous ceux qui ont exprimé quelques-unes des aspirations profondes de l'homme – ... Et même des êtres engagés dans une voie qui n'est pas la sienne –, une vue courte aura beau jeu à relever en lui des contradictions ; elles nourrissent, au vrai, des forces convergentes. La poésie, l'amour, la liberté se sont en permanence vivifiés à leur sel, assurant la continuité organique d'une démarche née, a-t-il pu dire, d'un acte de foi sans limites dans le génie de la jeunesse. C'est ce génie de la jeunesse qu'il incarne ; et la jeunesse elle-même – deux ans après sa mort, divers signes ont autorisé à le croire –, de plus en plus largement, en reconnaîtra et en saluera en lui la pérennité.

De l’exil à l’insoumission 1939-1966 Marseille - Martinique - New York

Mobilisé dès septembre 1939, Breton est affecté en janvier 1940 à l’école prémilitaire aérienne de Poitiers comme médecin. Le jour de l’armistice 17 juin, il est en Zone non-occupée et trouve refuge chez Pierre Mabille, le médecin qui a accouché Jacqueline, à Salon-de-Provence Bouches-du-Rhône, puis il est rejoint par Jacqueline et leur fille Aube, à la villa Air-Bel, à Marseille, siège du Comité américain de secours aux intellectuels créé par Varian Fry. Dans l’attente d’un visa, les surréalistes reconstituent un groupe et trompent l’ennui et l’attente par des cadavres exquis dessinés et la création d’un tarot de Marseille. À l’occasion d’une visite à Marseille du maréchal Pétain, André Breton, dénoncé comme anarchiste dangereux, est préventivement emprisonné sur un navire pendant quatre jours, tandis que la censure de Vichy interdit la publication de l’Anthologie de l’humour noir et de Fata morgana.
Breton embarque à destination de New York le 25 mars 1941 avec Wifredo Lam et Claude Lévi-Strauss. À l’escale de Fort-de-France Martinique, Breton est interné puis libéré sous caution. Il rencontre Aimé Césaire. Le 14 juillet, il arrive à New York.
Avec Marcel Duchamp, Breton fonde la revue VVV et Pierre Lazareff l’engage comme speaker pour les émissions de la radio la Voix de l’Amérique à destination de la France. Jacqueline le quitte pour le peintre David Hare.
Le 10 décembre 1943, Breton rencontre Elisa Bindorff. Ensemble, ils voyagent jusqu'à la péninsule de la Gaspésie, à l'extrémité sud-est du Québec. Dès son retour à New-York, il publie Arcane 17 né du « désir d’écrire un livre autour de l’Arcane 1742 en prenant pour modèle une dame que j’aime... »
Pour régler les questions pratiques de divorce et de remariage, Breton et Élisa se rendent à Reno dans le Nevada. Il en profite pour visiter les réserves des indiens Hopis et Zuñis, emportant avec lui des ouvrages de Charles Fourier.

Haïti- Retour en France - Nouvelles polémiques et nouvelles expositions

En décembre 1945, à l’invitation de Pierre Mabille, nommé attaché culturel à Pointe-à-Pitre, Breton se rend en Haïti pour y prononcer une série de conférences. Sa présence coïncide avec un soulèvement populaire qui renverse le gouvernement en place. Accompagné de Wilfredo Lam, il rencontre les artistes du Centre d'Art de Port-au-Prince et achète plusieurs toiles à Hector Hyppolite, contribuant à lancer l'intérêt pour la peinture populaire haïtienne. Le 25 mai 1946, il est de retour en France.
Dès le mois de juin, il est invité à la soirée d’hommages rendus à Antonin Artaud. C’est d’une voix vive et ferme que Breton prononce enfin les deux mots d’ordre qui n’en font qu’un : "transformer le monde" et "changer la vie".
Malgré les difficultés de la reconstruction de la France et le début de la guerre froide, Breton entend poursuivre sans aucune inflexion les activités du surréalisme. Et les polémiques reprennent et se succèdent : contre Tristan Tzara se présentant comme le nouveau chef de file du surréalisme, contre Jean-Paul Sartre qui considérait les surréalistes comme des petits-bourgeois, contre des universitaires, en démontant la supercherie d’un soi-disant inédit d’Arthur Rimbaud, contre Albert Camus et les chapitres que celui-ci consacre à Lautréamont et au surréalisme dans L’Homme révolté.
Il retrouve Georges Bataille pour une nouvelle Exposition internationale du surréalisme dédiée à Éros, donne fréquemment son concours pour nombre d’artistes inconnus en préfaçant les catalogues d’exposition, et participe à plusieurs revues surréalistes comme Néon, Médium, Le Surréalisme même, Bief, La Brêche...
À partir de 1947, André Breton s'intéresse de près à l’Art brut. Avec Jean Dubuffet il participe à la création de la Compagnie de l'Art brut, officiellement créée en juillet 1948, qui aurait pour objet de rassembler, conserver et exposer les œuvres des malades mentaux.
En 1950, il cosigne avec Suzanne Labin une lettre circulaire datée du 8 mars 1950, proposant de créer un foyer de culture libre face à l'obscurantisme envahissant, en particulier l'obscurantisme stalinien, et proposant la constitution d'un comité de patronage :
« Des intellectuels français qui n'entendent pas abdiquer et qui ne disposaient jusqu'ici d'aucune tribune, alors que d'innombrables publications staliniennes déshonorent chaque jour la culture, se proposent de relever le défi dans le secteur de la civilisation dont ils ont la charge. Ils veulent fonder à cet effet une revue littéraire et idéologique où les grandes traditions du libre examen seraient reprises et revivifiées.
— Projet pour une revue culturelle, document dactylographié, fonds Alfred Rosmer, Le Musée social,
Parmi les personnalités pressenties pour le Comité de patronage on trouve Albert Camus, René Char, Henri Frenay, André Gide, Ernest Hemingway, Sidney Hook, Aldous Huxley, Ignazio Silone et Richard Wright. D'après Suzanne Labin : Tous les membres du Comité de patronage ont répondu positivement à nos propositions. Aucun n'a formulé de désaccord. Le projet n'a finalement pas abouti en raison de difficultés financières, pas du tout en raison de divergences idéologiques.
En 1954, un projet d'action commune avec l'Internationale lettriste contre la célébration du centenaire de Rimbaud échoue lorsque les surréalistes refusent la phraséologie marxiste proposée par les lettristes dans le tract commun. Breton est alors pris à partie par Gil Joseph Wolman et Guy Debord qui soulignent dans un texte sur le mode allégorique sa perte de vitesse au sein du mouvement. De 1953 à 1957 il dirige, pour le Club français du livre, la publication des 5 volumes de Formes de l'Art, dont il rédige lui-même le premier tome : L'Art magique.

En 1960, il signe le Manifeste des 121 déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie.
En 1965, il organise la 9e Exposition internationale surréaliste intitulée L’Écart absolu en référence à l’utopie fouriériste.
Le 27 septembre 1966, souffrant d’une insuffisance respiratoire, André Breton est rapatrié de Saint-Cirq-Lapopie, le village du Lot dans lequel il avait acheté une maison en 1951.

Il meurt le lendemain à l’hôpital Lariboisière à Paris.
Sur sa tombe, décorée simplement d'un octaèdre étoilé, au cimetière des Batignolles, à Paris 17e, est gravée l’épitaphe : Je cherche l’or du temps.

Pape, mage, héros du monde occidental, place forte, les substantifs ne manquent pas pour désigner André Breton, dont la personnalité fut le point de ralliement de tous ceux qui, après l'une des plus grandes hécatombes de l'histoire, refusèrent de s'en tenir à l'idéologie humaniste. Créateur du mouvement surréaliste, dont il fut le théoricien et l'animateur, Breton a cependant suivi une voie qui lui est propre.
Il n'a pas été tout de suite possédé par le démon de la littérature. Objet d'un appel diffus dont il ignore la nature et encore davantage le moyen d'y répondre, il entreprend à l'âge de dix-sept ans des études de médecine pour satisfaire les ambitions familiales, mais la sollicitation est ailleurs. La même année, il noue des relations suivies avec Valéry. Il voue une grande admiration à Mallarmé, Huysmans, Baudelaire, Barrès : le jeune Breton a des goûts quasi classiques, et, si ce n'était cet appel qui le dérange et cet ailleurs qui le préoccupe, on pourrait penser qu'il est sur le point de devenir un écrivain professionnel. Il en présente tous les symptômes : intérêt pour la littérature, amitiés littéraires, légère inquiétude. Dès 1919, il fait paraître son premier recueil de poèmes, Mont de piété, nettement influencé par Mallarmé.

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Posté le : 27/09/2014 17:12
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André Breton 2
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Héraclite mourant, Pierre de Lune, Sade, le cyclone à tête de grain de millet, le tamanoir : son plus grand désir eût été d’appartenir à la famille des grands indésirables. Jugement de l’auteur sur lui-même, Œuvres complètes
Le poète et le moraliste ne sont jamais si bien accordés en lui que pour soutenir et pour illustrer deux causes qui dans son esprit n’en font qu’une : celle de la femme et celle de l’amour ... Ce grand flamboyant était le moins timide de tous les écrivains français modernes. André Pieyre de Mandiargues, Troisième Belvédère, Gallimard, 1971
Un théoricien amoureux de la théorie
Il y a à la base de toute réflexion profonde un sentiment si parfait de notre dénuement que l’optimisme ne saurait y présider... Je me crois sensible autant qu’il se peut à un rayon de soleil mais cela n’empêche pas de constater que mon pouvoir est insignifiant... Je rends justice à l’art en mon for intérieur mais je me défie des causes en apparence les plus nobles.
Visage décidé, menton en avant, le coin de la lèvre inférieure affaissé à cause de la pipe51, chevelure léonine tirée en arrière, le regard fixant l’invisible, André Breton a incarné le surréalisme cinquante ans durant, malgré lui et en dépit du rejet des institutions et des honneurs constamment exprimés.
Toute sa vie, Breton a tenté d’emprunter d’un même front, trois chemins : la poésie, l’amour, la liberté.
Très tôt, il s’est méfié des romans et leurs auteurs lui donnent l’impression qu’ils s’amusent à ses dépens. De manière générale, il rejette l’esprit français fait de blasement, d’atonie profonde qui se dissimule sous le masque de la légèreté, de la suffisance, du sens commun le plus éculé se prenant pour le bon sens, du scepticisme non éclairé, de la roublardise. Avec Breton, le merveilleux remplace les exhibitions nihilistes et l'irrationnel ouvre les portes étroites du réel sans vrai retour au symbolisme, Hubert Haddad.
Pour abolir les conformismes et les préjugés, combattre le rationalisme, Breton usera de la poésie comme d’une arme aux multiples facettes que sont l’imagination, qui fait à elle seule les choses réelles, l’émerveillement, les récits de rêves et les surprises du hasard, l’écriture automatique, les raccourcis de la métaphore et l’image.Que font la poésie et l’art ? Ils vantent. L’objet de la réclame est aussi de vanter. La puissance de la réclame est bien supérieure à celle de la poésie ... La poésie a toujours été regardée comme une fin. J’en fais un moyen. C’est la mort de l’art de l’art pour l’art. Les autres arts suivent la poésie.
Il s’agit de retrouver le secret d’un langage dont les éléments cessassent de se comporter en épaves à la surface d’une mer morte.
Pour réussir son entreprise de subversion poétique Breton s’est gardé de tout travail quotidien alimentaire, allant jusqu’à défendre à ses amis les plus proches Aragon, Desnos de se commettre dans le journalisme. La révélation du sens de sa propre vie ne s’obtient pas au prix du travail. ... Rien ne sert d’être vivant, s’il faut qu’on travaille.
Pour Breton, l’amour, comme le rêve, est une merveille où l’homme retrouve le contact avec les forces profondes. Amoureux de l’amour et de LA Femme, il dénonce la société pour avoir trop souvent fait des relations de l’homme et de la femme une malédiction d’où serait née l’idée mystique de l’amour unique. L’amour ouvre les portes du monde où, par définition, il ne saurait plus être question de mal, de chute ou de péché. Il n’est pas de solution hors l’amour.
Je n’ai pas connu d’homme qui ait une plus grande capacité d’amour. Un plus grand pouvoir d’aimer la grandeur de la vie et l’on ne comprend rien à ses haines, si l’on ne sait pas qu’il s’agissait pour lui de protéger la qualité même de son amour de la vie, du merveilleux de la vie. Breton aimait comme un cœur bat. Il était l’amant de l’amour dans un monde qui croit à la prostitution. C’est là son signe, Marcel Duchamp.
Particulièrement attaché à la métaphore de la maison de verre, Breton s’est livré dans les Vases Communicants à une analyse de quelques-uns de ses rêves comme s'il n'existait aucune frontière entre le conscient et l'inconscient. Pour lui, le rêve est l'émanation de ses pulsions profondes qui lui indique une solution que le recours à l’activité consciente ne peut lui apporter.
Les adversaires de Breton l’ont nommé, par dérision parfois, avec véhémence souvent, le pape du surréalisme. Or, si l’auteur des Manifestes a constamment influé la ligne directrice du mouvement, il s'est toujours gardé d'apparaître comme un chef de file, même s'il a pu se montrer intransigeant, voire intolérant, lorsqu’il considérait que l’intégrité du mouvement surréaliste était en péril. Toute idée de contrainte, militaire, cléricale ou sociale, a toujours suscité en lui une révolte profonde.
Présentant ce qu’ont toujours été ses objectifs, Breton écrit : La vraie vie est absente, disait déjà Rimbaud. Ce sera l’instant à ne pas laisser passer pour la reconquérir. Dans tous les domaines, je pense qu’il faudra apporter à cette recherche toute l’audace dont l’homme est capable. Et Breton ajoute quelques mots d’ordre :
Foi persistante dans l’automatisme comme sonde, espoir persistant dans la dialectique celle d’Héraclite, de Maître Eckhart, de Hegel pour la résolution des antinomies qui accablent l’homme, reconnaissance du hasard objectif comme indice de réconciliation possible des fins de la nature et des fins de l’homme aux yeux de ce dernier, volonté d’incorporation permanente à l’appareil psychique de l’ humour noir qui, à une certaine température peut seul jouer le rôle de soupape, préparation d’ordre pratique à une intervention sur la vie mythique, qui prenne d’abord, sur la plus grande échelle, figure de nettoyage.

— La Clé des champs

Ce que Breton réhabilite sous le nom de hasard objectif, c’est la vieille croyance en la rencontre entre le désir humain et les forces mystérieuses qui agissent en vue de sa réalisation. Mais cette notion est dépourvue à ses yeux de tout fondement mystique. Il se base sur ses expériences personnelles de synchronicités et sur les expérimentations en métapsychique qu’il a observées à l’Institut métapsychique international.
Pour souligner son accord avec le matérialisme dialectique, il cite Friedrich Engels : La causalité ne peut être comprise qu’en liaison avec la catégorie du hasard objectif, forme de manifestation de la nécessité. Dans ses œuvres, le poète analyse longuement les phénomènes de hasard objectif dont il a été le bénéficiaire bouleversé. Nadja semble posséder un pouvoir médiumnique qui lui permet de prédire certains événements. Ainsi annonce-t-elle que telle fenêtre va s’éclairer d’une lumière rouge, ce qui se produit presque immédiatement aux yeux d’un Breton émerveillé. Michel Zéraffa a tenté de résumer ainsi la théorie de Breton : Le cosmos est un cryptogramme qui contient un décrypteur : l’homme. Ainsi mesure-t-on l’évolution de l’Art poétique du symbolisme au surréalisme, de Gérard de Nerval et Charles Baudelaire à Breton.
L'humour noi, expression dont le sens moderne a été construit par Breton, est un des ressorts essentiels du surréalisme. La négation du principe de réalité qu’il comporte en est le fondement même. Selon Étienne-Alain Hubert l'humour, loin d'être un exercice brillant, engage des zones profondes de l'être et ... dans les formes les plus authentiques et les plus neuves qu'il connaît alors, il se profile sur un arrière-fond de désespoir. Il publie en 1940 une Anthologie de l'humour noir. Pour Michel Carrouges il faut parler, à propos de l'œuvre de Breton comme de celle de Benjamin Péret, d’une synthèse de l’imitation de la nature sous ses formes accidentelles, d’une part, et de l’humour, d’autre part, en tant que triomphe paradoxal du principe de plaisir sur les conditions réelles.

Œuvres

Les œuvres complètes d’André Breton ont été publiées par Gallimard en quatre tomes dans la Bibliothèque de la Pléiade sous la direction de Marguerite Bonnet, pour les deux premiers tomes, et Étienne-Alain Hubert, pour les deux tomes suivants

Revue:La Bréche, Action surréaliste, dir André BRETON, Éric Losfeld, de 1961 à 1967n°1à8.

Poésie et récits

1919 : Mont de piété 1913-1919, avec deux dessins d'André Derain, Paris, éditions Au sans pareil, coll. Littérature
1920 : Les Champs magnétiques, avec Philippe Soupault, écrits en 1919
1923 : Clair de terre,
1924 :
Les Pas perdus
Poisson soluble
1928: Nadja ; réédition 196368
1929 : Le Trésor des jésuites, en collaboration avec Louis Aragon
1930 :
Ralentir travaux, en collaboration avec René Char et Paul Éluard
L’Immaculée conception, en collaboration avec Paul Éluard
1931 : L'Union libre
1932 :
Le Revolver à cheveux blancs69
Les Vases communicants
1934 :
L'Air de l'eau
Point du jour
1936 : Au lavoir noir
1937 :
Le Château étoilé
L'Amour fou
1940 : Fata morgana
1943 : Pleine marge
1944-1947 : Arcane 17
1946 : Young cherry trees secured against hares
1947 : Signe ascendant
1948 :
Martinique, charmeuse de serpents, avec des dessins d'André Masson
La Lampe dans l'horloge
1949 : Au regard des divinités
1954 : Adieu ne plaise
1959 : Constellations, 22 textes en écho à 22 gouaches de Joan Miró
1961 : Le La

Essais

1924 : Manifeste du surréalisme ; augmenté de la Lettre aux voyantes, 1929
1926 : Légitime défense
1928 : Le Surréalisme et la Peinture ; dernière édition revue et augmentée de 1965
1930 : Second manifeste du Surréalisme
1932 : Misère de la poésie
1934 : Qu'est-ce que le surréalisme ?
1935 : Position politique du surréalisme
1936 : Notes sur la poésie, en collaboration avec Paul Éluard
1938 :
Trajectoire du rêve
Dictionnaire abrégé du surréalisme
1940 : Anthologie de l'humour noir ; édition augmentée 1950
1945 : Situation du surréalisme entre les deux guerres
1946 : Prolégomènes à un troisième manifeste du surréalisme ou non, précédé d'une réédition des deux Manifestes
1947 :
Yves Tanguy
Ode à Charles Fourier
1949 : Flagrant délit
1952 : Entretiens avec André Parinaud, retranscriptions d'entretiens radiodiffusés70
1953 : La Clé des champs, recueil d'essais publiés entre 1936 et 1952
1954 : Du surréalisme en ses œuvres vives
1957 : L’Art magique, en collaboration avec Gérard Legrand, rééditions 1992 et 2003

Correspondance

édité par Jean-Michel Goutier, Lettres à Aube 1938-1966, Paris, Gallimard, coll. Blanche

Liens

http://youtu.be/1rwHcEo4JY4 le surréalisme
http://youtu.be/E9jRxHfL1Ro La prière du mendiant
http://youtu.be/VW_63RhafoU La prière d'une maman
http://youtu.be/n0pM7RQDX38 Un jour à la fois


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Posté le : 27/09/2014 17:10
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Herman Melville
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Le 28 septembre 1891 à New York, meurt, à 72 ans Herman Melville

né le 1er août 1819 à Pearl Street, au sud-est de Manhattan New York, romancier, nouvelliste, essayiste et poète américain, Roman, nouvelle, poésie, essai, ses Œuvres principales sont Moby Dick en 1851, Pierre ou les Ambiguïtés en 1852, Benito Cereno en 1855
Bartleby en 1856, Billy Budd en 1891, publié en 1924.
Pratiquement oublié de tous à sa mort, Melville est redécouvert dans les années 1920 à travers son œuvre maîtresse Moby-Dick. Il est désormais considéré comme l'une des plus grandes figures de la littérature américaine.
L'œuvre littéraire est la forme la plus noble de l'autobiographie. Sous l'influence de la critique psychanalytique et freudienne, le lecteur du XXe siècle est à même de saisir comment, d'instinct, le romancier américain Melville a traduit dans ses récits ses sentiments les plus intimes et, en particulier, celui de vivre dans un univers menaçant.


En lisant, dans leur ordre chronologique, les ouvrages de Melville, on voit que chacun d'entre eux correspond à une étape jalonnant la pensée de l'écrivain. Moby Dick est le point culminant de sa réflexion : l'homme ne doit ni se rebeller contre Dieu ni vouloir à toute force percer le mystère du cosmos. Il puise sa noblesse dans l'acceptation courageuse de son sort et il apprend ainsi le stoïcisme. Mais il dépasse cette doctrine.
Rendu réceptif par le principe d'amour qui l'habite, il est sauvé du désespoir et du néant : en un moment sublime, Ismaël, l'enfant perdu, entend la voix de son père ; il vit un instant de total apaisement et de totale conscience, il perçoit l'universel unisson.
Nature essentiellement religieuse parce qu'il a le sens du mystère des choses, Melville sait que, s'il est des heures où Dieu parle, il en est d'autres, nombreuses, où il se tait. Le Père ne répond à son fils qu'en des circonstances exceptionnelles. À force de s'interroger sur le mystère de l'univers, Melville trouve un début de réponse : Ismaël, son porte-parole, comprend qu'il ne lui appartient pas de percer le secret de la création et de la destinée humaine, de déchiffrer le terrible front chaldéen du cachalot ; mais il découvre, du moins, que le chemin de la connaissance suprême passe par la fraternité mystique.

En bref

Melville est l'auteur de Moby Dick, le plus grand produit de l'imagination américaine, le seul qui se situe d'emblée au niveau des épopées homériques et miltoniennes, des tragédies de Shakespeare et du Faust de Goethe. Car il y a du Prométhée, de l'Œdipe et du Faust dans l'histoire du capitaine Achab et de sa baleine blanche. Mais, écrit presque d'une traite et publié simultanément à Londres et à New York en octobre 1851, Moby Dick, ou la Baleine, Moby Dick, or the Whale n'eut aucun succès. Seul Nathaniel Hawthorne, qui venait d'achever La Lettre écarlate, reconnut l'immensité épique et symbolique de Moby Dick. Il fallut plus d'un siècle pour que le monde reconnût Moby Dick, qui appartient en fait plus au XXe s. qu'au XIXe s. Épuisé d'avoir écrit en dix-huit mois ce livre colossal, accablé par l'échec, Herman Melville s'enferme, à trente-deux ans, dans une solitude désespérée. Et son dernier livre, Billy Budd, ne sera publié qu'en 1924, plus de trente ans après sa mort.
En dehors d'E. Poe, en 1838, et de Richard Henry Dana, en 1840, l'Amérique n'avait accordé que peu de place à la mer, cette autre Prairie, qui la borde doublement. Mais là n'est pas la cause de l'échec d'un livre profondément symbolique, et qui aurait dû trouver au pays des puritains un public attentif. L'échec de Moby Dick s'explique d'abord par une transformation du climat social américain, puis par un malentendu sur la personnalité même de l'auteur et sur la nature de son talent littéraire. L'Amérique de 1850 n'est plus une petite et austère colonie puritaine. C'est déjà, à la veille de la victoire du Nord sur le Sud, le pays des grandes réalisations industrielles et financières, le pays de la conquête de l'Ouest, qui vient d'annexer la Floride, la Californie, le Texas et le Nouveau-Mexique. À cette expansion correspond un climat de confiance. Or, Moby Dick est un livre inquiet, pessimiste, à contre-courant d'une époque qui voit le nouvel optimisme américain succéder à l'angoisse puritaine. Avec Emerson et le transcendantalisme, la pensée américaine s'adoucit. Au Dieu terrible des puritains, celui de Moby Dick, succède un Dieu libéral et bienveillant.
Dans Moby Dick, le roman d'aventures et la quête symbolique, le réalisme et le mysticisme gardent leur équilibre. Cette odyssée doit sa grandeur à cet équilibre. Histoire d'une tentation et d'une damnation, c'est aussi un roman d'aventures. Un écrivain en chambre n'aurait pu écrire Moby Dick. Une vision de cette ampleur n'est pas toute visionnaire. Elle se nourrit de choses vues. Melville fut d'abord, lui aussi, chasseur de baleines. L'expérience du marin alimente la vision du poète.
Ses deux grands-pères, le major Thomas Melville et le général Peter Gansevoort, avaient été des héros de la guerre d'Indépendance. Mais son père, Allan Melville, fit faillite dans une entreprise d'importation new-yorkaise. Herman est élevé par une mère rude et distante ; son père le décrit comme un enfant très en retard. Il quitte l'école à treize ans, faute d'argent. Il est successivement employé de banque, précepteur, garçon de ferme. Il bourlingue sur terre avant de s'embarquer. Il lit Fenimore Cooper : Ses œuvres, écrit-il, eurent sur moi une vive influence et m'éveillèrent l'imagination. Aveu capital, pour lui dont l'Océan sera l'autre Prairie.
En janvier 1839, il s'engage comme mousse sur le Saint Lawrence, cargo en partance pour Liverpool. Il n'a pas vingt ans. Écrit dix ans plus tard, Redburn, premier voyage d'un mousse, Redburn His First Voyage, 1849 est le récit autobiographique de ce premier embarquement. Premier voyage très dur, où le jeune Herman, instable, inquiet, déclassé, souffre à la fois du mépris des officiers et de l'équipage. Mais il s'y fait un ami, assez équivoque. Dans toutes ses œuvres, dans tous ses embarquements, il y aura toujours un ami efféminé qui, dans ce monde sans femme de la mer, remplace l'amour par l'amitié : pas une femme dans Moby Dick, où le seul mariage est celui qui unit Queequeg et Ishmael, le harponneur et le matelot.

Sa vie

Herman Melville est le troisième de huit enfants et le second fils de Maria Gansevoort et Allan Melvill sans e . Du côté maternel, ses aïeux sont des patriciens d'origine néerlandaise, l'un d'eux, le général Peter Gansevoort, est un héros de la révolution américaine. Du côté paternel, c'est une lignée de commerçants écossais. Le père d'Allan, le major Thomas Melvill, a lui aussi joué un rôle glorieux pendant la guerre d'indépendance.
Herman Melville fut marin, aventurier, romancier et poète. Sa famille appartenait à la société provinciale dont la dignité et la stabilité étaient fondées sur les richesses acquises par l'exploitation des terres et des ressources de la grande industrie. Un des traits marquants de leur personnalité fut, semble-t-il, l'instabilité mentale, manifestée chez son grand-père paternel et chez son père. Quant à Mrs. Melville, d'origine hollandaise et terrienne, elle hérita de ses ancêtres, surtout de son père, homme tourmenté, passionné du désir de ne jamais faillir, c'est bien ainsi qu'il apparaît dans Pierre, une inébranlable foi calviniste, la hantise du péché, de la présence du mal, la croyance à la perversion inhérente à l'homme. Peut-être, comme Mrs. Glendinning, dans Pierre, repoussa-t-elle l'amour ardent que lui vouait son fils ? Peut-être Herman, le troisième des huit enfants qu'elle éleva au prix de difficultés extrêmes, ne fut-il pas le préféré ? Les documents relatifs aux premières années de l'auteur sont peu nombreux, mais suffisants toutefois pour révéler un enfant sujet à des terreurs, à des émotions, à des hallucinations, comme Ismaël dans Moby Dick. Orphelin de père à treize ans, moralement éloigné de sa mère, il dut, très jeune, ressentir le désarroi, l'impression de la fatalité et la solitude. Adolescent, il connut une existence instable, ne fréquentant l'école que de façon irrégulière, tour à tour élève et maître, exerçant des professions peu lucratives. Un jour de mai 1839, il s'engage comme garçon de cabine à bord du St. Lawrence en partance pour Liverpool. Le héros de Moby Dick le dira plus tard : il faisait alors grande grisaille dans son âme.
Allan Melvill importait de France des nouveautés. En 1826, l'économie américaine entre dans une période de stagnation, et le père de l'écrivain subit de plein fouet la concurrence britannique. Ses affaires périclitant, il doit faire des emprunts de plus en plus importants à son beau-père, Peter Gansevoort, qui devient le soutien financier de la famille. Entre 1820 et 1830, la famille déménage trois fois, avant de s'installer en 1830 à proximité des Gansevoort, à Albany, capitale de l'État de New York, où Allan Melvill travaille comme employé dans une fabrique de fourrures.
Au cours d'un voyage à New York en décembre 1831, Allan Melvill, qui tente de monter une nouvelle affaire dont il serait le patron, contracte une pneumonie. Il meurt le 28 janvier 1832. Les deux aînés, Gansevoort né en 1815 et Herman quittent alors le collège d'Albany. Le premier, aidé par l'oncle Peter, ouvre un commerce de peaux et fourrures qui prospérera pendant trois ans à cette époque, il ajoute un e à son nom, que toute la famille reprend. Le second devient à treize ans employé à la New York State Bank, dont l'oncle Peter est l'un des administrateurs.
Deux ans plus tard, peut-être à cause d'une faiblesse des yeux, Herman Melville quitte son travail à la banque et part chez un autre oncle, qui possède une ferme à Pittsfield, dans le Massachusetts. Après quelques mois dans les champs, il revient à Albany au début de 1835 et s'inscrit au lycée classique de la ville. Durant ces années, il fait ses premières lectures marquantes : James Fenimore Cooper, Walter Scott, Byron, les poètes anglais du XVIIIe siècle. Après les cours, il tient les comptes du commerce de son frère Gansevoort.
En avril 1837, un mouvement de panique financière accule Gansevoort à la faillite. Les Melville s'installent à Lansingburgh, une petite ville sur les bords de l'Hudson. Herman enseigne quelque temps comme instituteur dans une école de campagne près de Pittsfield. Puis, de retour à Lasingburgh, il suit des cours d'arpentage au collège.
En 1839, Melville s'engage comme mousse à bord d'un navire marchand en partance pour Liverpool, le St. Lawrence. Cette première croisière entre New York et Liverpool du 5 juin au 30 septembre lui inspirera dix ans plus tard un roman d'apprentissage de la vie de mer et de l'enfer de la ville industrielle dans Redburn. À son retour, il trouve un nouveau poste d'école à Greenbush, en 1840, qui ne sera jamais rémunéré. Puis il se rend dans l'Illinois, où il parcourt la frontière occidentale et descend peut-être le Mississippi jusqu'à Cairo.
À la fin de 1840, déçu dans ses espoirs à l'ouest, Melville se rend à Nantucket, berceau américain de la chasse à la baleine, où il signe, le 26 décembre, son inscription sur le rôle de l’Acushnet, trois-mâts baleinier de 358 tonnes, il reçoit une avance de 84 dollars sur son salaire et embarque à New Bedford le 31 décembre. Il parcourt ainsi le Pacifique, visitant les îles Galápagos et les Marquises où il déserte, le 9 juillet 1842, avec un de ses compagnons d'infortune, Richard Tobbias Greene, le Toby du livre Typee, Taïpi, qui relatera son aventure sur Nuku Hiva.
Le 9 août 1842, il réussit à quitter la vallée de Taipivai sur le baleinier australien Lucy Ann alerté par Richard Tobbias Greene et part pour Tahiti. À l'arrivée à Tahiti, il est arrêté pour avoir participé à une mutinerie à bord du Lucy Ann et est emprisonné. Il s'échappe de Tahiti pour rejoindre Moorea, puis Hawaii. Il travaille un temps comme commis chez un marchand, puis s'engage comme simple matelot dans l'équipage de la frégate USS United States de la marine de guerre américaine qui débarque à Boston en octobre 1844.

Une vie pleine d'aventures

Certains incidents de sa vie, autres que la nécessité, sont pourtant susceptibles d'avoir orienté son esprit vers l'aventure maritime : les affinités de sa famille avec la mer, ses lectures, Cooper et Byron entre autres ; mais elles n'ont pas déterminé son engagement. Compte tenu de l'estime dont jouissait la marine marchande auprès des bonnes familles américaines, qui voyaient d'un œil favorable leurs fils s'engager sous le mât, le choix de Melville se présentait comme une solution provisoirement acceptable ; il n'en prit pas moins sa décision dans l'amertume que donne le sentiment de l'échec. Il devait se souvenir de ce premier départ ; ses souffrances morales se calmèrent par la suite, mais la vie de marin ne cessa jamais de lui paraître insupportable. Certains de ses compatriotes et contemporains, particulièrement le romancier Richard Henry Dana, firent comme lui l'expérience du gaillard d'avant et de la dureté du service à bord, mais on les traita, comme le jeune matelot de Redburn aurait trouvé normal de l'être, en fils de gentlemen ; Melville, lui, connut les humiliations auxquelles sont en butte les déclassés.
La traversée ne lui donna aucun désir de faire carrière dans la marine marchande. L'eût-il voulu, il eût sans doute été en mesure de recevoir le commandement d'une unité dans un avenir assez proche. Son retour dans sa famille, en 1840, indique bien que la vie à bord ne l'attirait pas. Il fallut d'autres déceptions pour le ramener à la carrière maritime : financières, sentimentales peut-être ? Il avait un tempérament curieux, une intelligence sans cesse en alerte. Si l'on s'interroge sur les raisons qui le poussèrent l'année suivante à s'embarquer une seconde fois, on attribue sa décision à l'infructueuse recherche d'une situation à terre. Cette fois encore, il ne choisit pas la mer ; les circonstances l'y forcèrent.
Le seul choix qui lui fut laissé fut celui de l'Acushnet, un baleinier, le plus déshérité des vaisseaux. Peut-être subit-il l'influence de ceux qui, dans sa famille, avaient déjà servi sur des baleiniers, Léonard Gansevoort, Thomas Melville ? Peut-être sa curiosité fut-elle stimulée par le récit de Reynolds concernant Mocha Dick, le cachalot blanc, ou par l'Histoire naturelle du Cachalot de Thomas Beale. Ces œuvres, parues en 1839, avaient reçu les commentaires élogieux de la presse. On sait qu'il lut en 1840, peu de temps avant de s'embarquer, Deux Ans au gaillard d'avant de Dana. Il conçut pour ce récit la plus vive admiration.
En janvier 1841, il part de Fairhaven sur l'Acushnet. Il y retrouve la promiscuité, la sévère discipline et, surtout, il éprouve l'insupportable perspective de continuer l'expédition des années durant, jusqu'à ce que les cales soient pleines d'huile de baleine. Dans cet état d'esprit, il déserte aux Marquises, en rade de Taiohae, en 1842, et commence là une véritable carrière d'aventurier. Son périple polynésien se déroule à terre. Il passe plusieurs semaines captif d'une tribu indigène et parvient à s'échapper. Le hasard le fait de nouveau s'embarquer sur un baleinier de Sydney qui cherche à compléter son équipage. Là encore, il est poussé par la nécessité : la mer ne l'attire pas. Le navire a nom Lucy Ann ; la vie y est intolérable. À Tahiti, les matelots se mutinent, sont arrêtés et jetés en prison. Melville fait ainsi connaissance avec la calabouze. Libéré quelque temps après, il s'installe à Imeeo, en compagnie d'un ami, complice de ses incartades, le docteur Long Ghost qu'il décrira dans Omoo. Il travaille mollement chez un planteur, parcourt l'île et, en janvier 1843, il part sur un troisième baleinier qui cingle vers les Hawaii. Il reprend sa liberté à Lahaina et s'établit à Honolulu, où il séjourne quatre mois, commis chez un commerçant britannique. On note la difficulté qu'il éprouve à se fixer en un lieu ; il va d'un port à l'autre, comme les navires de ses romans. Mais l'aventure polynésienne touche à sa fin. Moins, semble-t-il, par désir de courses nouvelles que parce que la Polynésie a cessé de l'intéresser, Melville s'engage en août 1843 comme gabier à bord de la frégate de guerre United States qui, en octobre 1844, le ramène à Boston.
La vie errante est pour lui terminée. De 1841 à 1844, la connaissance du monde et des hommes qu'il a commencé à acquérir sur le St. Lawrence et en Angleterre a mûri ; elle s'est nourrie de l'expérience des conditions de vie à bord de quatre navires, du contact avec leurs commandants et leurs équipages, aussi divers par leur race que par leur comportement, de la chasse à la baleine qui développe le courage mais aussi la soif du gain, de deux désertions, d'une mutinerie et de ses conséquences, de la rencontre de peuplades inconnues, des problèmes posés par la présence de l'homme blanc sous les tropiques, des relations avec les maisons de commerce, de paysages extraordinaires, de la découverte d'îles et de ports aux noms romanesques.
Âgé de vingt-cinq ans, Melville est riche de quatre expériences : un entourage familial puritain ; des échecs successifs, affectifs et matériels ; quatre gaillards d'avant où lui ont paru prédominer le mal et la laideur ; de lointains voyages que la distance dans le temps et l'espace vont charger d'une signification symbolique de plus en plus profonde.

Carrière littéraire

La période aventureuse de sa vie, qui s'achève lorsqu'il pose à nouveau le pied sur le sol américain, est la matière de ses deux premiers romans, Taïpi et Omoo. La rédaction du premier nommé est achevée à l'issue de l'été 1845, mais Melville rencontre des difficultés à trouver un éditeur. C'est en 1846 qu'il est finalement publié à Londres, où il devient un bestseller immédiat. Le succès facilite les démarches de Melville : le Boston publisher accepte son roman suivant, Omoo, sans même l'avoir vu. Si Melville assoit sa notoriété sur des récits d'aventures exotiques à caractère autobiographiques, Mardi 1849 marque un premier tournant dans sa carrière littéraire. Pour la première fois, son récit ne se nourrit pas directement de son expérience personnelle. Rompant avec la recette qui a fait son succès, Melville s'engage sur une voie plus ambitieuse, celle d'un roman qui prend comme prétexte le cadre bien établi du récit maritime pour aborder des questionnements philosophiques qui résonnent avec l'actualité politique de son temps.

Beaucoup plus épais que ses écrits précédents, émaillé de longues digressions, Mardi rencontre l'hostilité conjuguée de la critique et du public. L'auteur est pour sa part persuadé que le Temps, qui résout toutes les énigmes, donnera la clé de Mardi.
En juin-juillet 1849, Melville écrit Redburn, souvenir de son passage dans la marine marchande, puis en août-septembre, Vareuse-Blanche, son engagement dans la marine de guerre américaine
En août 1850, lors d'une excursion sur le site de Monument Mountain, dans le Massachusetts, il fait par hasard la rencontre de l'écrivain Nathaniel Hawthorne. Les deux hommes produisent forte impression l'un sur l'autre. Melville se lance immédiatement dans une critique du premier écrit de Hawthorne qu'il parvient à se procurer, le recueil de nouvelles Mousses d'un vieux presbytère Mosses from an Old Manse, 1846. Publié anonymement sous le titre « Hawthorne et ses mousses, Hawthorne and his Mosses dans le Literary World d'Evert Augustus Duyckinck, l'article fait franchir à Hawthorne une marche décisive sur le chemin de la reconnaissance littéraire. Il rapproche encore les deux hommes, Hawthorne n'ayant pas tardé à identifier en Melville l'auteur des lignes louangeuses qui le comparent à Shakespeare.
Les liens entre les deux hommes sont si forts que Melville obtient de son beau-père la somme nécessaire à l'acquisition d'Arrowhead, une veille ferme située à proximité de la propriété de son nouveau mentor. La mère de Melville et trois de ses sœurs ne tardent pas à rejoindre le couple Melville et leur fils dans les Monts Berkshire.
L'achat, qui l'a obligé à contracter plusieurs emprunts, place toutefois Melville dans une situation financière précaire. C'est sous la pression de ses créanciers qu'il met la touche finale à son dernier roman, qui paraît d'abord en Angleterre sous son titre initial — The Whale — en octobre 1851. Les critiques anglaises sont excellentes et lorsque le roman paraît à son tour aux États-Unis, sous le titre définitif de Moby-Dick, les ventes sont plutôt bonnes lors de la première semaine. Le roman rencontre toutefois l'hostilité des critiques américains tandis que, de leur côté, les ventes déclinent.
La suite de sa carrière littéraire est une longue suite de désillusions. Son ouvrage suivant, Pierre ou les Ambiguïtés 1852, rencontre une hostilité encore plus grande. Son éditeur Harper refuse le manuscrit, d'Isle of the Cross, aujourd'hui perdu. The Confidence-Man 1857 est lui aussi sévèrement critiqué. Pour faire face à des finances toujours plus fragiles, Melville suit le conseil de ses proches et se fait conférencier, occupation qui peut à cette époque s'avérer très lucrative. De 1857 à 1860, il se produit dans les lyceums pour évoquer ses aventures dans les mers du Sud. Il se tourne parallèlement vers la poésie, sans parvenir à éveiller l'intérêt des éditeurs. Il ne rencontre pas plus de succès lorsqu'il tente de solliciter un poste de consul du sénateur Charles Sumner, alors à la tête du Comité des affaires étrangères.

Le silence

En 1866, sa femme fait jouer ses relations pour lui obtenir un poste d'inspecteur des douanes de la ville de New York, lui qui tenait pourtant, quelques années plus tôt, cet emploi pour des moins glorieux qui soient, à vrai dire, pire qu'amener des oies à l'abreuvoir. Il s'acquitte pourtant de sa tâche dix-neuf années durant, gagnant la réputation d'être le seul employé honnête dans une maison connue pour sa corruption généralisée.
Sa carrière publique d'écrivain est quant à elle arrivée à son terme. En privé, il continue cependant d'écrire : d'abord un long poème épique, inspiré de son pèlerinage en Palestine ; ce Clarel est bien publié en 1876, grâce au concours financier de son oncle, Peter Ganservoort. Mais l'expérience est cependant une nouvelle fois cruelle pour Melville, puisque les exemplaires invendus sont brûlés, l'écrivain n'ayant pas même été en mesure de réunir la somme nécessaire pour les racheter.
Son second fils, Stanwix, meurt de la tuberculose à San Francisco, au début de l'année 1886. C'est aussi l'année de la retraite de Melville, permise par un héritage que sa femme reçoit de son frère. Il reprend alors la plume, écrivant une série de poèmes inspirés pour partie par son expérience de la mer. Deux recueils — John Marr 1888 et Timoleon 1891 — paraissent dans des éditions confidentielles, destinées avant tout à sa famille et à ses proches.
Un de ces poèmes le retient plus particulièrement ; il le reprend, le développe pour en faire une nouvelle, puis un roman. Avec des périodes d'interruption, il y consacre plusieurs années, n'arrêtant d'y travailler qu'en avril 1891, quelques mois avant sa mort, en septembre 1891. Il faut l'intervention de Raymond Weaver, son premier biographe, pour voir l'ouvrage publié en 1924, sous le titre de Billy Budd, marin Billy Budd, Sailor.

L'aventure littéraire

On est frappé par la cadence à laquelle il publie ses premiers romans. Il en écrit six en six ans : en 1846, Typee, relatant sa désertion aux Marquises et sa vie parmi les cannibales chez lesquels il s'est réfugié par erreur ; en 1847, Omoo, récit de ses vagabondages depuis le jour où il s'échappe des Marquises jusqu'à celui où il s'embarque sur le vaisseau de ligne qui le ramène à Boston ; en 1849, Mardi, odyssée dans une Polynésie allégorique ; la même année, Redburn, consacré à la vie d'un jeune matelot sur un navire marchand affecté au trafic New York-Liverpool ; en 1850, White-Jacket, inspiré par son séjour sur la frégate United States ; en 1851, Moby Dick, où un baleinier-microcosme est lancé sur les routes océanes à la poursuite d'un cachalot métaphysique.
Ces années, fécondes dans la carrière du romancier et matériellement fructueuses, ont été marquées, dans sa vie privée, par son mariage en 1847 et son installation à New York ; par la naissance de son premier enfant en 1849, il en aura quatre et un voyage d'affaires à Londres ; par la rencontre en 1850 de Nathaniel Hawthorne qu'il ne cessa jamais d'admirer ; par l'achat en 1851 d'une ferme dans les Berkshires.
Moby Dick 1851 est son ouvrage le plus connu aujourd'hui, mais sa production ne s'arrête pas là. En 1852 paraît Pierre or the Ambiguities : après avoir cherché à sonder les gouffres de l'océan, Melville essaie maintenant de fouiller les abîmes de la conscience. En 1853, il envoie sa première nouvelle, Bartleby, au Putnam's Monthly Magazine auquel il collabore, puis, en 1854, The Encantadas et Israel Potter. Ce dernier récit est publié en 1855 ; il met en scène Paul Jones, déjà célébré par Fenimore Cooper dans The Pilot. Avec Israel Potter, Melville retourne, en partie du moins, à son décor favori : le pont du navire, que l'on reverra dans Benito Cereno, paru en 1855 dans le Putnam's, les Piazza Tales 1856 et The Confidence Man 1857. En 1856 et 1857, il fait des tournées de conférences, écrit des poèmes. En 1861, il entreprend sans succès des démarches pour obtenir un consulat, vend sa ferme en 1862, s'installe à New York, devient en 1866 inspecteur des douanes, publie des poèmes Battle-Pieces and Aspects of the War et, en 1875, Clarel. Depuis Moby Dick, le public le boude. Il quitte la douane en 1885. En 1888, il publie de nouveaux poèmes, John Marr and Other Sailors. L'année de sa mort, à New York, il achève Billy Budd, autre récit maritime, qui ne sera publié qu'en 1924.

Le moi profond de Melville

Les romans de Melville sont sa biographie spirituelle.

Orphelin de père, élevé par une mère peu démonstrative dans son affection et puritaine dans son comportement, passant d'un foyer à l'autre, il ressemble à certains égards à Pierre, adolescent en quête du père susceptible d'empêcher un monde hostile de le détruire ; il est un peu l'enfant perdu, errant symboliquement dans la forêt où le loup est tapi. De l'image de la forêt, on passe facilement à celle de la mer, de sorte que le jeune matelot de Typee, ballotté par les vagues du Pacifique, est la transposition de l'enfant Herman Melville abandonné dans les bois. La mer n'est pas moins inquiétante pour lui que la futaie du Petit Chaperon rouge : elle recèle des souffrances et des dangers qui sont autant de menaces de mort et de déception ultime au terme du voyage ; alors qu'est enfin satisfait le désir passionné de revoir la terre ferme, de faire taire l'angoisse, le navire aborde au cœur même d'un univers de destruction : le paradis cannibale. Au milieu des Taïpis débonnaires et dans les bras de Fayaway, le héros vit en proie à la terreur d'être mangé, c'est-à-dire détruit. L'apparence édénique des vallées polynésiennes dissimule un séjour infernal. Le terrien dont l'horizon est limité peut croire en l'existence d'îles heureuses, royaumes de l'innocence ; Melville-Omoo ne le peut pas, car l'océan a élargi le champ de sa vision. Les mers du Sud lui enseignent qu'il est vain d'espérer retrouver le paradis perdu. C'est pourquoi il faut accepter la condition humaine, s'enfuir des Marquises, comme le héros de Typee et Omoo, et rembarquer sur le baleinier, malgré tout ce qu'on y endure. Il faut repartir, refuser la léthargie spirituelle des primitifs, opter pour l'inquiétude, pour la remise en cause permanente, pour l'interrogation. Dans ces conditions, le héros melvillien reprend son périple : Nukahiva, Tahiti, Imeeo sont des îles, des épisodes jalonnant son pèlerinage spirituel, des étapes de sa pensée. Son expérience peu à peu s'élargit ; elle le conduit vers l'archipel de Mardi car la mer, puissant véhicule, immense champ de possibilités, stimule la spéculation des philosophes lancés à la poursuite des monstres mythiques. Sa réflexion ne s'attarde plus le long des rivages polynésiens : elle transcende désormais le domaine de la réalité tangible pour atteindre une réalité qui n'est pas de ce monde. Provisoirement affranchi de la matière, il lui arrive de capter la vision d'un monde où tout se fond en un universel amalgame. Pour lui, la mer est le puissant catalyseur qui rend l'esprit réceptif aux manifestations surnaturelles. Lorsqu'il les perçoit, il est, comme le héros de Mardi risquant l'exploit insensé d'une désertion en pleine mer, prêt à braver n'importe quel danger, y compris celui de se perdre, pour parvenir à l'univers supranaturel, paradis jadis perdu que les marins visionnaires de son espèce entrevoient du sommet du grand mât. Son odyssée ne sera pas ordinaire : elle le mènera là-bas, vers l'ouest métaphysique, gouffre d'ombre, aimant gigantesque vers lequel se précipitent irrésistiblement les hommes, les animaux, les couchers de soleil, étape suprême qui conduit à l'anéantissement. Melville, chrétien conformiste, le sait ; si le paradis peut être retrouvé, l'innocence préoriginelle regagnée, si la seule réponse qui lui importe peut un jour jaillir, ce ne sera que dans la mort. Mais, si l'on arrive au but, aucun tribut n'est trop élevé. Il faut alors plonger au cœur même du néant pour, peut-être, découvrir le remède à l'angoisse, oser l'abîme.

Hélas ! C'est se croire le timonier de son propre destin, c'est commettre le crime d'entre les crimes, c'est, en somme, par un acte d'orgueil insensé, refuser Dieu, ou prétendre l'égaler. Le héros de Mardi sera donc puni : jamais il n'atteindra le terme du voyage. La pensée de Melville est à un tournant capital : il doit faire le point. Jusque-là, le bilan est négatif : les marins de Typee et d'Omoo ne sont pas parvenus à calmer leur inquiétude, la confusion subsiste en eux ; celui de Mardi ne verra jamais le port, aboutissement normal de tout voyage. Redburn, matelot de quinze ans, y parviendra, lui, car, réceptif, amené par les vicissitudes de l'existence à une évaluation assez précise de ses capacités et de ses limites, il saisit la signification de la leçon reçue au gaillard d'avant. Rompant avec un code de morale trop rigoureux et excessif pour convenir à un être dont la nature est avant tout sociale, il s'engage en l'humanité, accepte la condition commune, découvre les principes non d'une éthique abstraite mais d'un art de vivre : il devient modeste et social. Par son exemple Melville illustre la manière dont un individu doit se comporter au sein du groupe auquel il appartient : pour vivre en société, il faut savoir admettre ce qu'elle a d'incohérent, de difficile à comprendre, de foncièrement hypocrite, de mauvais, d'égoïste, de brutal, d'insincère, d'irréfléchi à la fois en sa totalité et en chacun de ceux qui la composent. Jusqu'alors, les héros de Melville avaient cherché l'absolu et le sublime. L'auteur sait à présent que personne ne peut se maintenir longtemps à de telles hauteurs, mais que, par contre, dans une société équilibrée, dont l'existence à bord fournit l'exemple, le sort de la communauté dépend du travail individuel ; la grande règle de conduite doit être d'assumer ses responsabilités. L'adaptation à un ordre social est nécessaire.

À fréquenter le monde et y jouer son rôle, on apprend à le bien connaître, comme le héros de White-Jacket, rompu à la manœuvre, connaît son navire. Est-ce suffisant ? Melville répond par la négative. Certes, il a maintenant dépassé le stade de la révolte juvénile, du repliement sur soi, des attendrissements inutiles. Mais où en est la connaissance de l'homme et de sa destinée ? Redburn, perplexe, a rangé le vieux guide qui sent la momie : son expérience est encore incomplète ; il rejette le passé sans le comprendre. Comme lui, le marin de White-Jacket compatit au sort cruel de tous les brimés. Lui aussi, devant la souffrance des autres, tressaille d'une fraternelle angoisse, mais il va plus loin que Redburn, son cadet ; à mesure que sous ses yeux se déroule le spectacle de la vie humaine où, si souvent, le mal se manifeste, il s'achemine vers l'étape ultime de son évolution. Dans un effort suprême de lucidité, il admet la présence du mal chez les autres, sans doute, mais surtout en lui-même ; il est prêt alors à recevoir le baptême qui le sauvera. Suspendu au sein de l'Océan où il est tombé, il transcende enfin l'humain, retourne à la source même de la vie, perçoit l'ordre cosmique et, en un geste symbolique, arrache la vareuse qui le singularise, se dépouille des derniers vestiges de son orgueil et de son égoïsme, oublie ses hantises, cesse de penser en termes de bien et de mal pour raisonner en termes universels ; il s'intègre au cosmos et remet son destin entre les mains du Grand Amiral qui le conduira au port, but fixé à tous de toute éternité. Dans la croisière au-delà des séries intelligibles, la vie et la mort se confondent dans l'océan du Tout. L'intégration au plan de l'univers présuppose l'engagement en l'humanité que le héros de Mardi avait refusé, mais auquel Redburn avait souscrit. Le marin de White-Jacket aboutit à une prise de conscience supplémentaire : si l'homme est englobé dans la société et la communauté des races, il est aussi entraîné dans le vaste tourbillon cosmique. Mais il lui reste encore beaucoup à comprendre : il est porteur d'ordres scellés. Qui en brisera les cachets ?

Au terme du voyage, il a appris que les pires de nos maux, nous nous les infligeons nous-mêmes dans notre aveuglement. L'Ismaël de Moby Dick est de Dieu entendu. Il occupe, parmi les personnages melvilliens, une place de choix. C'est lui qui s'en ira narrer au peuple des fidèles comment périt Achab par sa propre faute, parce qu'en la baleine blanche il avait cristallisé son propre narcissisme et ses obsessions. Il faut se méfier de la méditation libérée du contrôle de la raison, car elle est incompatible avec la réalité de l'existence ; elle empêche d'ouvrir l'œil et de veiller au grain. L'espoir de sonder l'insondable est stérilisant ; c'est pourquoi, présume Melville, Ismaël s'enrôle lorsqu'il sent que l'exercice prolongé de la pensée l'a coupé de ses semblables. Ce n'est pas qu'il ne s'adonne point à la contemplation philosophique : il est dans sa nature de s'interroger. Mais il sait qu'un moment vient où, à force de réfléchir sur lui-même et de s'analyser, l'homme se coupe de la vie. Vivre consiste à pourchasser un objectif malaisé à atteindre, à bien déterminer la difficulté pour mieux la saisir : Il faut bien voir les baleines avant de les tuer. Vivre est, dans une tâche collective, prendre un bain d'humanité. C'est au gaillard d'avant que l'individu solitaire et ratiocinant s'intègre à la masse, seule force véritable, n'est-ce point elle qui conduit ses chefs ?. Il est alors pour lui d'inoubliables instants de vie ; il n'existe plus qu'en fonction de ce qui le pénètre du dehors. En pétrissant le blanc de baleine, Ismaël adhère à une communauté, à une camaraderie universelle, à une religion de l'humanité. Il se rafraîchit à plonger les mains dans le liquide lénifiant qui le libère de la colère, de l'impatience, de la malice. Désormais purifié, il est prêt pour l'ultime révélation : Dieu brisera devant lui les cachets des ordres scellés transportés à bord de la frégate de White-Jacket. C'est agrippé à une étrange bouée, le cercueil de Queequeg, son ami et son semblable, qu'Ismaël recevra la connaissance suprême : l'aboutissement de la vie n'est pas le néant ; dans le déroulement du temps, un transfert se produit, un fusionnement s'opère entre la vie et la mort par l'intermédiaire de l'amour.

Descendance

Herman Melville est l'arrière-arrière-grand-oncle de Elizabeth McBride Warner, la mère de Richard Melville Hall, l'artiste électronique mondialement connu sous le nom de Moby.

L'Œuvre

Moby-Dick raconte l'histoire du Péquod, baleinier dont le capitaine se nomme Achab. Cet étrange marin est obsédé par une grande baleine blanche : Moby Dick. Le narrateur est un membre d'équipage nommé Ishmaël qui dispose, tout comme Melville, d'une grande culture littéraire et y recourt fréquemment pour mettre en scène les membres de l'équipage et leur aventure. L'équipage du Péquod permet à Melville de multiplier les portraits et des analyses psychologiques ou sociales extrêmement fouillées et détaillées ; l'action se déroulant sur ce seul baleinier, l'œuvre a souvent été qualifiée par les critiques d'univers clos. Les descriptions de la chasse à la baleine, l'aventure elle-même et les réflexions du narrateur s'entrelacent dans une gigantesque trame où se mêlent des références à l'Histoire, à la littérature occidentale, à la mythologie, la philosophie et la science.
La prose de Melville est complexe et déborde d'imagination ; il est considéré comme un des plus grands stylistes américains — aux côtés de William Faulkner, Henry James ou Thomas Pynchon. Il était lié d'amitié avec Nathaniel Hawthorne, et fut influencé par ses écrits ; Moby-Dick est ainsi dédié à Hawthorne.
Melville est aussi l'auteur de récits tirés de son expérience de marin, Typee, Omoo et Mardi, de romans, Redburn, White-Jacket, La Vareuse blanche, Pierre ou les Ambiguïtés, The Confidence Man, ainsi que de plusieurs nouvelles, parues pour l'essentiel dans les années 1850 dans deux revues concurrentes, le Putnam's Monthly Magazine, qui publie cinq nouvelles, dont : Bartleby, Benito Cereno et Les Îles enchantées et le Harper's New Monthly Magazine, qui en publie sept. Bartleby the scrivener est certainement la plus célèbre : on considère qu'elle contient déjà en gésine des traits de la littérature existentialiste et de la littérature de l'absurde, entre autres.
Cas rare parmi les poètes, il n'écrit aucune œuvre lyrique majeure avant un âge avancé. Après la guerre de Sécession, il publie quelques pièces sur le conflit (Battle Pieces, qui se vendent bien. Mais une fois encore il prend ses distances par rapport aux goûts et aux attentes des lecteurs contemporains dans la pièce maîtresse de son œuvre poétique, Clarel, qui raconte l'épopée du pèlerinage d'un étudiant en Terre sainte et resta, elle aussi, quasiment inconnue de son vivant.

Publications en anglais Romans

Typee: A Peep at Polynesian Life 1846
Omoo: A Narrative of Adventures in the South Seas 1847
Mardi: And a Voyage Thither 1849
Redburn: His First Voyage 1849)
White-Jacket, or The World in a Man-of-War 1850
Moby-Dick, or The Whale 1851
Pierre: or, The Ambiguities 1852
Isle of the Cross vers 1853, perdu
Israel Potter: His Fifty Years of Exile 1856
The Confidence-Man: His Masquerade 1857
Billy Budd, Sailor 1924

Nouvelles

Cock-A-Doodle-Doo! 1853
Poor Man's Pudding and Rich Man's Crumbs 1854
The Happy Failure 1854
The Fiddler 1854
Paradise of Bachelors and Tartarus of Maids (1855
Jimmy Rose 1855
The Piazza Tales 1856, comprenant : The Piazza, Bartleby, the Scrivener, Benito Cereno, The Lightning-Rod Man, The Encantadas, or Enchanted Isles et The Bell-Tower (1856
The Gees 1856
I and My Chimney 1856
The Apple-Tree Table 1856
The Two Temples posthume
Daniel Orme posthume

Poèmes

Battle Pieces and Aspects of the War 1866
Clarel: A Poem and Pilgrimage in the Holy Land 1876
John Marr and Other Sailors 1888
Timoleon 1891
Weeds and Wildings, and a Rose or Two 1924

Hawthorne and His Mosses 1850

Traductions françaises

Taïpi, traduit par Théo Varlet et Francis Ledoux, Paris, Gallimard, 1952
Omoo, traduit par Jacqueline Foulque, Paris, Gallimard, 1951
Le vagabond des iles Suite à Omoo, traduit par Olivier Carvin, La Sixaine, Bruxelles, sans date
Mardi, traduit par Charles Cestre et Armel Guerne, Robert Marin, 1950 rééd., Paris, Champ libre, 1984
Redburn ou sa première croisière, traduit par Armel Guerne, Robert Marin, 1950
White Jacket ou La Vareuse blanche, traduit par Charles Cestre et Armel Guerne, Robert Marin, 1950
Moby Dick ou la baleine blanche, traduit par Lucien Jacques, Joan Smith et Jean Giono, Paris, Gallimard, 1941
Pierre ou les Ambiguïtés, traduit par Pierre Leyris, Paris, Gallimard, 1939
L'Heureuse Faillite, traduit par Armel Guerne, Falaize, 1951 cf. Moi et ma cheminée
Jimmy Rose, traduit par Armel Guerne, Falaize, 1951 cf. Moi et ma cheminée
Israël Potter, ou cinquante ans d’exil, traduit par C. Cestre, Paris, Corréa, 1951 ; par Francis Ledoux, Paris, Gallimard, 1956
Benito Cereno et autres nouvelles, traduit par Pierre Leyris, Paris, Plon, 1937 et Gallimard, 1951
Contes de la véranda, comprenant La Véranda, Le Marchand de paratonnerres, Bartleby le scribe Bartleby - Une Histoire de Wall Street, trad. Jérôme Vidal, illustrations Götting, édition annotée, Paris, Éditions Amsterdam, Benito Cereno, Les Îles enchantées
Contes non recueillis, comprenant L'Heureux Échec, Le Violoneux, Coquerico !, Le Pudding du pauvre et les Miettes du riche, Les Deux Temples, Le Paradis des célibataires et le Tartare des jeunes filles, Jimmy Rose, Les Portos, Moi et ma cheminée, La Table en bois de pommier, traduit par Philippe Jaworski, collection La Pléiade, Paris, Gallimard, 2010
Moi et ma cheminée, traduit par Armel Guerne, Falaize, 1951
The Confidence-Man : His Masquerade, traduit par Henri Thomas sous le titre Le Grand Escroc, Paris, Minuit, 1950 cf. L'Escroc à la confiance
Tableaux de bataille et Aspects de la guerre
Clarel, poème et pèlerinage en Terre Sainte
John Marr et autres marins, poème
Timoléon et autres poèmes, trad. Thierry Gillybœuf, Toulon, Éditions de la Nerthe, 2006
La Table de pommier et autres esquisses
Billy Budd, marin, gabier de misaine Billy Budd, marin, trad. Pierre Leyris, Paris, Gallimard ; Billy Budd, matelot, trad. Jérôme Vidal, Paris, Éditions Amsterdam, édition annotée avec postface du traducteur
Herbes folles et sauvageons, avec une rose ou deux dernier recueil de poésie posthume, traduit partiellement par Pierre Leyris dans Poèmes divers ainsi que dans la revue La Nuit, n° 1, Arles, 2006
Œuvres, édition sous la direction de Philippe Jaworski, collection La Pléiade, Paris, Gallimard, 1997-2010, en quatre tomes : tome I, Taïpi, Omou, Mardi ; tome II, Redburn, La Vareuse blanche ; tome III, Moby Dick, Pierre ou les ambiguïtés ; tome IV, Bartleby le scribe, Billy Budd, marin, autres romans
Derniers Poèmes, édition d'Agnès Derail et Bruno Monfort, préface de Philippe Jaworski, Paris, Rue d'Ulm, 2010

Éditions

Benito Cereno, illustré d'eaux-fortes par Érik Desmazières pour Les Bibliophiles de France, 1980
Les Îles enchantées, illustré de pointes sèches par Gérard Diaz, pour le compte des Amis bibliophiles, 1984

Adaptations

Moby-Dick a fait l'objet de plusieurs adaptations cinématographiques, dont les plus célèbres :
Moby Dick de John Huston en 1956.
Capitaine Achab de Philippe Ramos en 2004 ; adaptation libre et personnelle.
Benito Cereno de Serge Roullet adapté du roman éponyme en 1968.
Pola X de Leos Carax adapté du roman Pierre ou les Ambiguïtés en 1999.
Billy Budd, marin, court roman posthume, aux aspects testamentaires, abondamment commenté et adapté à l'opéra par Benjamin Britten, puis au cinéma par Peter Ustinov ainsi que par Claire Denis Beau Travail, 1999.

Moby Dick ou la baleine livre de Herman Melville


Succédant à une série de récits d'aventures exotiques qui avaient connu un grand succès, Mardi 1849 reflète déjà l'évolution de l'écrivain américain Herman Melville 1819-1891 vers un pessimisme calviniste. Avec Moby Dick or The Whale 1851, écrit en deux ans, il délaisse définitivement les territoires qui apparaissent sur les cartes pour explorer les profondeurs de l'âme humaine
Le héros éponyme du roman est une baleine. Elle doit son nom à un cétacé blanc, Mocha Dick, qui, après avoir reçu dix-neuf harpons, aurait causé la perte de trente hommes, cinq baleinières et quatorze canots. Ce fait divers a été découvert par Melville dans un article du Knickerbocker's Magazine en 1839. Mais la symbolique de la blancheur de Moby Dick s'inspire davantage du Récit d'Arthur Gordon Pym (1838) d'Edgar Allan Poe.

Le combat contre la baleine

Les cent trente-cinq chapitres du roman se divisent en trois parties ou cinq grands actes. Le narrateur au nom biblique, le jeune Ismael, a l'âme toute imprégnée des brumes humides et sombres de novembre quand il s'engage à New Bedford à bord d'un baleinier, le Péquod. Le sort lui donne pour compagnon de lit Queequeg, un Polynésien dont les rites le surprennent. Tous deux deviennent amis et, après avoir entendu le sermon prophétique du père Maple et vénéré le dieu païen, ils gagnent Nantucket d'où le navire part le jour de Noël. Le capitaine Achab, esprit solitaire et torturé, a pour dessein de triompher de la baleine blanche qui lui a jadis arraché une jambe. Longtemps enfermé dans sa cabine, il découvre enfin son projet à l'équipage pour lui faire prêter serment et promet au premier qui signalera la présence de Moby Dick le doublon d'or qu'il fait clouer au grand mat. Les réactions des marins révèlent leurs caractères : Starbuck, le premier maître, qui aime les hommes et craint Dieu, marque son désaccord. Stubb, le second maître, accepte le risque. Pour Flask, le troisième, tuer des baleines est un travail comme un autre. L'équipage comprend aussi le Parsi Fedallah et ses mystérieux Asiatiques, les harponneurs – Queequeg, l'Indien Tashtego, l'Africain Daggoo – et le mousse nègre, Pip. On peut y voir la mosaïque ethnique de la nation américaine en devenir.
Interrompant le récit du voyage, les chapitres 46 à 105 forment un véritable traité de cétologie, une histoire de la pêche, de l'industrie et de l'art relatifs à la baleine. Pendant le voyage, plusieurs cétacés sont capturés par le Péquod. Mais les tempêtes se succèdent, la boussole est perdue, un homme tombe à la mer, le mousse devient fou : tout paraît se liguer contre Achab. Un matelot aperçoit enfin la baleine blanche. Le duel peut s'engager. Le premier jour de la chasse, Moby Dick réduit un canot en miettes. Le deuxième jour, un autre canot est coulé, et la jambe d'ivoire du capitaine brisée par l'adversaire. Le troisième jour, on parvient à harponner la baleine, mais Achab est pris dans les filins et ligoté sur Moby Dick qui fonce sur le Péquod. La vision finale montre Tashtego clouant au sommet du mat un aigle des mers avec le pavillon des États-Unis : Ainsi l'oiseau du ciel au cri d'archange ... sombra avec le navire qui, tel Satan, ne descendit pas en enfer sans avoir entraîné à sa suite une vivante part du ciel pour s'en casquer. Ismael, seul survivant du naufrage, est recueilli par un autre baleinier.

Une allégorie de la démesure

Dédicacé à l'écrivain américain Nathaniel Hawthorne 1804-1864, le livre refuse toute classification : il se veut à la fois histoire de marins, documentaire sur la chasse à la baleine, témoignage social, drame shakespearien de la démesure, de l'orgueil et de la démence, épopée métaphysique. Moby Dick ressemble au Léviathan, ce monstre biblique du Livre de Job. Au récit réaliste de la chasse à la baleine se superpose la figuration symbolique du conflit entre l'homme et sa destinée. Le capitaine Achab ne déclare-t-il pas que tous les objets visibles ... ne sont que masques de carton ? Melville érige son récit d'aventures en combat allégorique du Bien et du Mal. Il réunit les deux sources du romance américain – la pastorale nostalgique et le drame moral –, qu'il projette à une échelle métaphysique. Selon Melville, l'art est un processus, il émerge comme une métaphore qui crée sans cesse et ne s'accomplit jamais.
On a insisté récemment sur l'auto-réflexivité du livre : l'accumulation d'un savoir antérieur sur la Baleine, sa représentation par fragments mettent en lumière l'inachèvement de tout savoir. Comme le Monstre, la narration d'Ismael découpe le personnage d'Achab en fragments : roi de tragédie, malade, anormal, corps métallique dévasté, machine, Narcisse immobile, métaphore figée du Moi tyrannique : Achab est Achab à jamais, homme ! Toute cette tragédie a été ordonnée irrémédiablement. Nous l'avons répétée, toi et moi, des milliers d'années avant que ne roulât cet océan. Imbécile ! Je suis le lieutenant des Parques.
La narration d'Ismael opère une sortie du cercle de la folie d'Achab et rapporte l'incompréhensible. Elle est à la fois écriture et lecture de l'expérience du protagoniste, et l'énigme de la blancheur ne dit rien d'autre que ce qu'elle est : la question du sens. Ismael et Achab sont deux registres de la conscience en relation dialogique. Mais le second n'existe que par le récit qu'Ismael fait de son effondrement : tel est le paradoxe au cœur de cette aventure.
L'originalité et le foisonnement de l'écriture de Moby Dick déconcertèrent une large partie du public de Melville, et il fallut attendre soixante-dix ans pour que sa grandeur soit reconnue. Le roman a été adapté au cinéma par John Huston en 1956.

Liens

http://www.ina.fr/video/2766019001/he ... nier-moby-dick-video.html I livre I jour
http://www.ina.fr/video/CPC96008426/h ... leby-le-scribe-video.html Ilivre I jour
http://www.ina.fr/video/VDD11021260/moby-dick-video.html Moby Dick
http://youtu.be/13z4l8jvbpY Moby Dick
http://youtu.be/0GgFtN7T0QM Bartleby


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Posté le : 27/09/2014 16:24
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Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
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Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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