| A + A -
Connexion     
 + Créer un compte ?
Rejoignez notre cercle de poetes et d'auteurs anonymes. Lisez ou publiez en ligne
Afficher/Cacher la colonne
Accueil >> newbb >> Les Forums - Tous les messages

 Bas   Précédent   Suivant

« 1 ... 11 12 13 (14) 15 16 17 ... 60 »


#131 Théophile Gautier
Loriane Posté le : 29/08/2015 22:22
Le 30 août 1811 naît Théophile Gautier

à Tarbes, mort à 61 ans à Neuilly-sur-Seine le 23 octobre 1872, poète, romancier, peintre et critique d'art français.
Né à Tarbes, Théophile Gautier est cependant parisien depuis sa plus jeune enfance. Il fait la connaissance du futur Nerval au Collège Charlemagne et s'intéresse très jeune à la poésie. En 1829 il rencontre Victor Hugo qu'il reconnaît pour son maître et participe activement au mouvement romantique comme lors de la fameuse bataille d'Hernani, le 25 février 1830. Il évoquera avec humour cette période en 1833 dans Les Jeunes-France.
Il publie en 1831-1832 ses premières poésies qui passent inaperçues mais il se distingue de ses amis romantiques par ses préoccupations formalistes fustigeant les visions moralistes ou utilitaires de la littérature dans la célèbre préface à son roman épistolaire Mademoiselle de Maupin 1835. Il écrit aussi ses premières nouvelles comme La Cafetière 1831, dans une veine fantastique qu'il approfondira dans d'autres œuvres Le Roman de la momie, 1858.
En 1836, à la demande de Balzac, il donne des nouvelles et des critiques d'art au journal La Chronique de Paris. Il collabore ensuite intensément à d'autres journaux, en particulier La Presse d'Émile de Girardin : certains de ces textes seront regroupés plus tard en volumes Les Grotesques, Souvenirs littéraires…. Il publie aussi des poèmes La Comédie de la Mort, 1838 et s'essaie au théâtre Une larme du diable, 1839. En mai 1845, il accomplit un grand voyage au-delà des Pyrénées dont il rapporte un carnet d'impressions Voyage en Espagne et de nouveaux poèmes España, 1845. D'autres voyages en Algérie, en Italie, en Grèce, en Égypte, nourriront aussi diverses publications.
En 1852, paraît Émaux et Camées, recueil de vers qu'il enrichit jusqu'en 1872 et qui fait de son auteur un chef d'école : Baudelaire dédie Les Fleurs du mal au poète impeccable et Théodore de Banville salue le défenseur de l'art pour l'art, précurseur des Parnassiens à la recherche du beau contre les épanchements lyriques des romantiques et valorisant le travail de la forme Sculpte, lime, cisèle écrit Gautier dans son poème L’Art, dernière pièce de Émaux et Camées, édition de 1872.

Il continue à publier des articles ou des poèmes mais aussi une biographie d'Honoré de Balzac ou des œuvres de fiction comme son roman de cape et d'épée Le Capitaine Fracasse 1863. Il est nommé bibliothécaire de la princesse Mathilde et fréquente les salons littéraires du Second Empire mais aussi le milieu de l'art, s’intéressant aux musiciens il écrit sur Berlioz, Gounod, Wagner… et élabore le livret du ballet Giselle comme aux peintres Eugène Delacroix, Édouard Manet, Gustave Doré, Théodore Chassériau.
Il meurt en 1872 laissant l'image d'un témoin de la vie littéraire et artistique de son temps dont les conceptions artistiques ont compté et dont l'œuvre diverse est toujours reconnue.

En bref

Dans une conférence d'avril 1914, André Gide lança une de ces formules qui se substituent commodément à l'analyse critique : « Oui, Théophile Gautier occupe une place considérable ; c'est seulement dommage qu'il l'occupe mal. Les lettres françaises ont imposé une sorte de quarantaine à ce maître contesté que les lettres étrangères, en revanche, apprécient, comme en témoignent Henry James, Ezra Pound, T. S. Eliot, Amy Lowel, les akhméistes russes... En France, si l'on excepte les anthologies scolaires et les éditions de récits de voyages et de romans – de préférence ceux que Dumas aurait pu écrire –, Gautier a connu la disgrâce d'être un poète proscrit sans être un poète maudit. Il n'en demeure pas moins un merveilleux professeur d'écriture
Théophile Gautier est né à Tarbes, mort à Neuilly ; parmi ses lieux de séjour, Paris l'emporte quantitativement ; il a cependant beaucoup voyagé à travers l'Europe, en Orient, en Afrique. Il fut publié par Le Figaro, Le Parnasse contemporain de l'éditeur A. Lemerre, et fonda en 1836, avec Lassaily, Ariel, journal du monde élégant.
Il fréquenta quelques théâtres dont l'Opéra où il fit jouer des fantaisies, danser des ballets. On lui connaît quelques amours, un fils, des filles. Mais on ne le trouve vraiment que dans son œuvre, dans ses poèmes, et plus particulièrement dans ses « Salons », sa critique d'art et ses relations de voyages.
Les circonstances de la vie ne furent pas cependant étrangères à cette prose et à ces vers. Il n'est pas indifférent que le pays où est né Gautier, où il a vécu peu de temps, où il est retourné longtemps après, en 1859, soit un paysage fort et âpre, situé sur la route de l'Espagne. Le chaud génie du Midi respire là, plus plastique que musical, avec une pointe gasconne qui percera dans Le Capitaine Fracasse 1863.
Il n'est pas indifférent non plus que sa vocation initiale et sa première profession aient été la peinture. Ce sont des sensations de peintre qu'il conserva de ses voyages. Il pratiqua, sans s'y efforcer, par la seule pente de sa nature, cette transposition d'art dont d'autres firent un système d'esthètes. De là l'importance de ses Salons qui préparent les Maîtres d'autrefois. Mais Gautier en est resté à 1830, tout en se moquant de ses compagnons de bohème. Ce qui interdit de confondre le bohème et le bourgeois, c'est l'hypocrisie décente de celui-ci et le provocant « immoralisme » de celui-là. Distance apparemment infranchissable. La préface de Mademoiselle de Maupin 1835 affirme les droits de l'artiste à la vie débordante, à la volupté, à l'impudeur. La correction de la forme est la vertu, ce qui est beau physiquement est bien, tout ce qui est laid est mal.
Son époque se scandalise de la morale qu'elle pratique incessamment. L'immoralité ne lui déplaît pas, mais elle abhorre l'« immoralisme. Elle s'enfonce dans la matière, mais elle adore qu'on lui parle du sentiment. À des imprudents comme Gautier, elle refuse tout : la fortune et l'Académie. Elle les réduit aux travaux forcés du journalisme. Il en gémit. Le gagne-pain de ce gagne-petit épuise en lui la veine du poète. Il se console par le seul opium efficace : l'écriture.

Sa vie

Né à Tarbes le 30 août 1811, Théophile Gautier gardera longtemps le souvenir des silhouettes des montagnes bleues. Il a trois ans lorsque sa famille s'installe à Paris. Malgré son jeune âge, il éprouve de la nostalgie et s'habitue mal à son nouvel environnement. Étonnamment précoce, il n'a que cinq ans quand il commence à lire. Ses premières grandes passions sont Robinson Crusoé ou Paul et Virginie, qui lui font une vive impression ; il rêve alors de devenir marin, avant de se passionner pour le théâtre, notamment pour la peinture des décors.
En 1820, à l'âge de neuf ans, il fait un bref séjour comme demi-pensionnaire au lycée Louis-le-Grand. Ses parents doivent l'en retirer au bout d'un trimestre parce qu'il y dépérit. Plus heureux comme externe au collège Charlemagne, Gautier y rencontre le jeune Gérard Labrunie le futur Nerval. À cette époque, il commence à manifester un goût particulier pour les poètes latins tardifs dont la langue étrange le fascine.
Il est en première lorsqu'il commence à fréquenter l'atelier du peintre Louis-Édouard Rioult 1790-1855, rue Saint-Antoine, et découvre à cette occasion qu'il souffre de myopie.

La grande boutique… romantique

Le 27 juin 1829, Gautier rencontre celui qui allait devenir son maître en littérature, Victor Hugo, auquel le présentent Gérard et Petrus Borel. Cet évènement précipite sa carrière d'écrivain. Le 25 février 1830, il participe à la fameuse bataille d'Hernani, vêtu d'un gilet rouge qui marquera durablement les esprits. Le soir même, cet hernaniste acharné quitte l'atelier de Rioult.
Tout en menant toutes les grandes campagnes romantiques, il écrit un premier recueil de vers, dont son père finance la publication chez Mary. L'œuvre sort en 1830 et passe totalement inaperçue. Ces premières poésies montrent pourtant un jeune poète fort habile, ayant déjà acquis la manière de ses illustres prédécesseurs. Gautier y fait cependant preuve d'une originalité réelle par un sens inné de la forme et une expression nette et précise
Hugo en condottiere du mouvement romantique avec Théophile Gautier, cheveux longs, moustachu et chapeauté, en croupe.
Il continue à fréquenter Victor Hugo et ses proches. C'est dans ce cénacle qu'il fait la connaissance de Célestin Nanteuil, qui trois ans plus tard, lorsque Gautier réimprime ses premiers vers dans un nouveau recueil, Albertus, l'illustre d'une eau-forte ultra-excentrique. Il rencontre également l'éditeur romantique Eugène Renduel, qui vient de publier les Soirées de Walter Scott, de Paul Lacroix. À sa demande il écrit en 1833 Les Jeunes-France, qui rendent compte avec truculence de la vie des artistes qui forment le Cénacle. Dans cet ouvrage baroque, Gautier se fait le témoin lucide et ironique de ces Précieuses Ridicules du Romantisme. Deux ans plus tard, il publie également chez Renduel Mademoiselle de Maupin 1835, qui fait un véritable scandale.
Quittant le domicile familial, place des Vosges, Théophile Gautier s'installe impasse du Doyenné, à côté de l'emplacement de l'actuelle place du Carrousel, dans un hôtel particulier en ruine, où il côtoie Camille Rogier, Arsène Houssaye, et Nerval. Il partage un appartement avec Eugène Piot.

Les débuts de critique et nouvelliste

Honoré de Balzac, qui apprécie ces jeunes talents, envoie Jules Sandeau leur proposer de contribuer au journal La Chronique de Paris en 1836. Balzac, qui daignait me trouver du talent et le dire, m'envoya chercher par Jules Sandeau. Gautier y publie des nouvelles comme La Morte amoureuse et La Chaîne d'or et des critiques d'art. Il sera fort impressionné par le maître et plus tard, il contribuera à sa légende avec des portraits biographiques d'Honoré de Balzac.
Il travaille également pour le magazine de Charles Malo, La France littéraire, et pour le quotidien d'Émile de Girardin, La Presse. Dans ce journal, Gautier se charge d'abord de la critique d'art. On évalue à plus de deux mille le nombre des feuilletons et articles qu'il aurait rédigés pour ce journal. Un nombre restreint de ces articles est recueilli en volumes : Les Grotesques, L'Histoire des peintres, l’Art moderne, Les Beaux-Arts en Europe, l’Histoire de l'art dramatique depuis vingt-cinq ans, Trésors d'art de la Russie, Portraits contemporains, Histoire du romantisme, Souvenirs littéraires, etc. Tous ces articles sont allègrement écrits dans une langue nette, souple, impeccable et brillante. Gautier invente à sa manière une écriture de critique d'art qui ne vise pas seulement au jugement, à l'analyse, mais aussi à recréer la justesse du sentiment esthétique. Il cherche à rendre, au moyen de mots, la sensation visuelle, musicale produite par la perception directe de l'œuvre d'art. Cette tâche de chroniqueur l'occupe toute sa vie. J'ai travaillé à La Presse, au Figaro, à La Caricature, au Musée des Familles, à la Revue de Paris, à la Revue des Deux Mondes, partout où l'on écrivait alors. Souvent pesante, cette besogne quotidienne ne l'empêche pas de faire du sport de la boxe et du canotage et de continuer à créer des œuvres poétiques et dramatiques. Ainsi en 1838 paraît La Comédie de la Mort, un recueil de poèmes assez différent des précédents où, sous l'influence de Shakespeare, Goethe et Dante, Gautier sculpte avec vigueur le spectre de la Mort. En 1839, Gautier cède à la tentation du théâtre qu'il admire depuis toujours et écrit Une larme du diable puis Le Tricorne Enchanté et Pierrot Posthume. Ce sont des fantaisies, des pastorales féeriques, un théâtre lyrique, impossible et imaginaire qu'il fait vivre encore dans les livrets de plusieurs ballets, dont le plus célèbre est celui de Giselle, dansé à l'Opéra le 28 juin 1841, avec un succès prodigieux.

L'écriture artiste

Un professeur d'écriture, c'est là ce qu'il devient au milieu de sa vie et jusqu'à sa mort, celui qui écrira ce récit habilement transcrit de Scarron dans la manière du Roman comique : Le Capitaine Fracasse, et composera ces pièces d'anthologie et de joaillerie en accord avec la génération de Théodore de Banville : Émaux et Camées 1852. Aux années où Victor Hugo se met à l'octosyllabe et aux Chansons des rues et des bois, où les étagères s'encombrent de bibelots et de chinoiseries, Théophile Gautier invente pour son propre compte ce que les Goncourt appelleront l'écriture artiste.
Elle est une forme, et non la moins précieuse, de la préciosité : celle qui donne au détail une importance insolite, qui le regarde, l'analyse à travers une lentille grossissante, détache chaque objet de son ensemble, l'individualise. Un jardin, pour Gautier, n'est pas ce fouillis ombreux ou verdoyant, pullulant de proliférante sève, qu'un impressionniste recréerait par points de couleur ou taches de lumière : chaque plante se découpe à part, porte son nom, se distingue par sa dentelure ou ses nervures. Nul vague, même dans le désordre de ces chambres de sorcières où cet amateur de fantastique – plutôt que de mystère – nous fait pénétrer.
Ce soin minutieux exige un enrichissement, un renouvellement de la langue. Gautier a été, comme Charles Nodier, de ceux qui ont infusé un sang jeune et dru à l'expression française. Il le doit, pour une part, à l'atelier de l'artiste, au vocabulaire technique de la critique d'art.
Préciosité aussi, ces allégories recherchées, issues des métaphores continuées, et qui tendent, sans y atteindre, au symbole. Si l'art, comme le pensait ce poète, est un masque, le roman comme le poème est double : masque et visage. « J'ai gardé mon idée secrète », dit-il ; mais l'idée est présente. Et non pas toujours si secrète, mais souvent explicite et même trop dans la conclusion ou l'épilogue. Les « vieux de la vieille » représentent, et ce qu'ils représentent nous est dit dans le détail ; Iñes de la Sierra n'est pas seulement une danseuse espagnole, elle est l'Espagne ; dans ce délire de fandango, ce miniaturiste est allé jusqu'à voir une cicatrice, mais elle prend un sens ou il lui prête un sens. Un bas-relief cesse d'être une sculpture, un choc de cavaliers devient bataille de pensées et de désirs ; la Symphonie en blanc majeur se change en état d'âme.
Par là se brise, parfois, l'orthodoxie de l'art pour l'art. Elle est alibi, protection ou simplement prétexte. Le ciseleur s'avoue à lui-même que sa main tremble un peu. L'ensevelissement dans l'art pur est aussi illusoire que l'évasion vers la poésie pure. Chez ce coloriste, tout un arrière-plan sombre est refusé, ou ne se révèle qu'à la faveur des macabres visions de l'école espagnole. L'Espagne du sang, de la volupté et de la mort emplit les vers de España (1845). Par elle s'introduisent dans cette apparente joie de vivre les sujets sombres et violents de Ribera, ou les tons verts, les blafardes pâleurs de Valdes Leal. Et le clair-obscur qui n'était pas sur sa propre palette. Et ce réalisme de l'horreur qui semble se souvenir de Villon et annoncer Baudelaire.

Gautier et Baudelaire

Baudelaire a inscrit le nom de Gautier à la première page des Fleurs du mal. Se reconnaissait-il en lui ? Et quelle fut la mesure ou quelles furent les limites de sa sincérité ? L'article qu'il lui consacra suggère cette mesure et dessine ces limites. Mais on trouve un goût baudelairien à tel poème de Gautier intitulé « Débauche ». Il y a dans la Symphonie en blanc majeur de ces variations sur le thème des correspondances que le XVIIIe siècle avait transmis au romantisme et que le romantisme transmettra au symbolisme. Dans un poème intitulé Cariatides, il y a ce même type de transpositions d'art – autre effet de correspondances – que dans Les Phares . Surtout, ces autres correspondances, celles qui vont au-delà des sens et des techniques, qui entrent dans les intimes rapports du monde extérieur et du monde intérieur, Baudelaire les a senties, assurément, par lui-même ; mais Gautier avait trouvé des mots où résonne le même dialogue de l'homme et de l'âme :
Devers Paris, un soir, dans la campagne,
J'allais suivant l'ornière du chemin,
Seul avec moi, n'ayant d'autre compagne
Que ma douleur qui me donnait la main.
Allégorie encore, personnification de l'invisible en figures de peinture décorative ; pourtant un halo enveloppe cette poétique menacée par la rhétorique. L'hallucinatoire et l'onirique créent une perspective en faux jour. Comme dans Le Bateau ivre d'Arthur Rimbaud qui, lui aussi, vient pour une part de Gautier.
Ces résonances, qui se prolongent dans l'époque fin de siècle, assurent à ce poète, qui certains jours aspirait au néant, une postérité qui, parfois, le méconnaîtra. Pierre Moreau.

Les voyages

Constantinople

Le 5 mai 1840, il part en compagnie d'Eugène Piot pour l'Espagne, qu'il connaît à travers les Contes d'Espagne et d'Italie d'Alfred de Musset et les Orientales de Victor Hugo. Son Voyage en Espagne, sorte de carnets d'impressions vigoureux, est marqué par la fraîcheur du regard, l'étonnement de la vision et le souci toujours exacerbé de la justesse du dire. Ces visions donnent lieu à de nouveaux vers, España, qui paraissent dans le recueil des Poésies complètes en 1845. Ce premier voyage en amène bien vite d'autres. En 1845 c'est l'Algérie, en 1850 l'Italie, en 1852 la Grèce et la Turquie, en 1858 la Russie et en 1869 l'Égypte envoyé par le Journal Officiel pour l'inauguration du canal de Suez. Chacun de ces voyages donne lieu à des publications : Italia, Constantinople, mais surtout ils nourrissent ses œuvres littéraires, romans, nouvelles ou poésies.

Très intéressé par la photographie, il devient membre en 1851 de la Société héliographique.

La maturité

À côté de son travail de critique, qu'il poursuit au Moniteur universel, Gautier garde toujours une prédilection pour la poésie : elle demeure, comme en témoignent ses amis comme Émile Bergerat ou Maxime du Camp par exemple, sa passion, sa distraction, son exercice quotidien. Ainsi, le 17 juillet 1852, alors que Gautier est à Constantinople, paraît chez E. Didier la première version de Émaux et Camées, recueil qui jusqu'en 1872 s'enrichit de poésies nouvelles.
En 1857, Gautier s'installe avec sa compagne, Ernesta Grisi sœur de la danseuse Carlotta Grisi dont il sera l'amant, ses filles, Judith Gautier, qui épousera Catulle Mendès et Estelle qui épousera Émile Bergerat, ainsi que ses deux vieilles sœurs, au n° 32 rue de Longchamp à Neuilly-sur-Seine, dans une petite maison où il se plaît à recevoir ses amis : Baudelaire qu'il rencontre régulièrement il n'ira pourtant pas à son enterrement, Dumas fils, Ernest Feydeau, Gustave Flaubert, Puvis de Chavannes ou encore Gustave Doré.
De sa liaison avec Eugénie Fort, une très belle femme, plus jeune que lui et d'origine espagnole, il avait eu un fils, Théophile Gautier fils, né le 29 novembre 1836, qui suppléera son père plusieurs fois au Moniteur universel.
Lors des salons littéraires de la princesse Mathilde, dont il est nommé bibliothécaire, Gautier rencontre également des écrivains comme Taine, Sainte-Beuve, Prosper Mérimée, les Goncourt ; des peintres comme Paul Baudry, Gustave Boulanger, Jean-Léon Gérôme, Frédérique O'Connell qui fait son portrait en 18579 ; des sculpteurs comme Carpeaux ; des savants comme Claude Bernard, Pasteur ou Berthelot. À cette époque Gautier fait figure de chef d'école. Baudelaire se déclare son disciple il lui dédie Les Fleurs du mal, le qualifiant de « poète impeccable, Théodore de Banville lui dédie ses vers. En 1844 Théophile Gautier fonde le club des Hashischins avec Jacques-Joseph Moreau, club voué à l'étude du cannabis. Ce club sera fréquenté par de nombreux artistes de l'époque, dont Charles Baudelaire.

Président de la Société nationale des Beaux-Arts

Élu en 1862 président de la Société nationale des Beaux-Arts, il est entouré d'un comité composé des peintres les plus prestigieux : Eugène Delacroix, Pierre Puvis de Chavannes, Édouard Manet, Albert-Ernest Carrier-Belleuse et Gustave Doré. Cette élection à un poste en vue provoque l'envie d'une partie des littérateurs moins connus et il échoue à trois reprises lorsqu'il se présente à l'Académie française, en 1866, 1868 et 1869.
Profondément ému par les événements militaires de 1870, Gautier revient à Paris, où il finit ses jours, rongé par la maladie, mais conscient du devoir d'enseignement et d'exemple dont il est investi auprès des jeunes générations. Le 23 octobre 1872 dans la nuit, son cœur cesse de battre. Hugo, Mallarmé ou encore Banville lui rendent un dernier toast funèbre. Il est enterré au cimetière de Montmartre à Paris.

Citations

Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid, car c’est l’expression de quelque besoin, et ceux de l’homme sont ignobles et dégoûtants, comme sa pauvre et infirme nature. Préface de Mademoiselle de Maupin
Il faut qu’il ait au cœur une entaille profonde pour épancher ses vers, divines larmes d’or ! Le Pin des Landes, España
N’est-ce pas une chose singulière que la nuit, dans laquelle notre globe baigne pendant tant d’heures, ait été si rarement reproduite ? Elle a pourtant ses beautés, ses effets pittoresques, ses magies et ses séductions. Souvenirs de théâtre
En 1851, Armand Baschet écrivit à Théophile Gautier pour lui demander de se définir. Gautier lui renvoya une biographie où il confessait :
Je n'avais encore rien fait pour le théâtre, et, pour qu'on ne m'accusât pas d'abuser des effets de style, je débutai par un ballet : Giselle, où Carlotta parut pour la première fois. Ce ballet, chose bizarre, a eu un succès immense ; il s'est joué et se joue encore dans toutes les parties du monde. Pour un poète, ce succès chorégraphique ne laisse pas que d'être humiliant…

Å’uvre

Romans Gautier a écrit huit romans, tous publiés de son vivant :

Mademoiselle de Maupin. Double amour 1835
L'Eldorado, devenu, très vite, Fortunio 1837-1838
Militona 1847
Les Roués innocents 1847
Les Deux étoiles 1848, devenu Partie carrée 1851, et, enfin, La Belle Jenny 1865
Jean et Jeannette 1850
Le Roman de la momie 1858
Le Capitaine Fracasse 1863
En outre, Th. Gautier est l'un des quatre auteurs du roman par lettres La Croix de Berny 1845.

Contes et nouvelles

Gautier a écrit une trentaine de contes et nouvelles, pour la plupart de nature fantastique.
Les nouvelles suivantes sont parues dans Les Jeunes-France en 1833 :
Sous la table
Onuphrius ou les Vexations fantastiques d'un admirateur d'Hoffmann
Daniel Jovard
Celle-ci et celle-là
Élias Wildmanstadius
Le Bol de punch

Les nouvelles suivantes sont parues dans Une Larme du diable en 1839 :
La Chaîne d'or ou L'Amant partagé
Omphale. Histoire rococo
Le Petit Chien de la marquise
Le Nid de rossignols
La Morte amoureuse
Une nuit de Cléopâtre

Les nouvelles suivantes sont parues pour la première fois dans le recueil Nouvelles en 1845 :
La Toison d'or
Le Roi Candaule

Les nouvelles suivantes sont parues pour la première fois dans La Peau de tigre en 1852 :
La Mille et Deuxième Nuit
Le Pavillon sur l'eau
Deux acteurs pour un rôle
L'Oreiller d'une jeune fille
Le Berger
Le Pied de momie
Angela, autre titre pour La Cafetière
La Maison de mon oncle, autre titre pour L'Âme de la maison
L'Enfant aux souliers de pain
La Pipe d'opium
Arria Marcella

Deux nouvelles isolées :
Avatar 1857
Jettatura 1857

Les nouvelles suivantes sont parues dans le recueil Romans et contes de 1863 :
Le Chevalier double
Le Club des hachichins

Les nouvelles suivantes sont parues pour la première fois dans une seconde édition de La Peau de tigre en 1866 :
Une visite nocturne
La Fausse conversion
Feuillets de l'album d'un jeune rapin

Une nouvelle isolée :
Spirite 1866
Une dernière nouvelle est parue à titre posthume en 1881 :
Mademoiselle Dafné

Biographies de compositeurs

1849-1852, Mozart 1864, Spontini 1854, Méhul 1851, Meyerbeer 1854, Halévy 1852, Auber 1850 et 1851, Adolphe Adam 1849, 1850 et 1853, Rossini 1852, Donizetti 1854, Berlioz 1839-1854-1869 et 1870, Félicien David 1848 et 1851, Gounod 1854, Ambroise Thomas 1850 et 1853, François Bazin 1849, Victor Massé 1853, Niedermeyer 1844 et 1853, Chopin 1849 et Richard Wagner 1857 et 1869.

Principales Å“uvres diverses

Voyage en Espagne récit de voyage, 1843
De la mode, 1858
Honoré de Balzac biographie, 1859
Les Vosges, 1860
Dessins de Victor Hugo, 1863
Rapport sur les progrès de la poésie, 1868
Ménagerie intime, 1869
La Nature chez elle, 1870
Tableaux de siège, 1871
Souvenirs de théâtre, d'art et de critique, Eugène Fasquelle. Texte sur Gallica, 1903
La Musique, coll. Bibliothèque-Charpentier, Eugène Fasquelle ; recueil d'articles publiés à l'occasion de représentations d'œuvres de Weber 1866, Beethoven, 1911

Poésie

Poème de Théophile Gautier figurant sur un vase de 1889 d'Émile Gallé, musée de l'École de Nancy
Poésies 1830, son premier livre, refondu dans le volume Albertus ou L'Ame et le péché 1833.
La Comédie de la mort 1838.
Espagna, qui paraît dans le volume des Poésies complètes de 1845.
Émaux et camées 1852, qui reparaît, à chaque fois augmenté, en 1853, 1858, 1863 et, enfin, en 1872 dans une édition définitive.
Les poésies complètes de Gautier, hormis Émaux et camées, sont parues en 1875-1876. Les poésies de circonstance et les poésies légères ont paru à part dans le volume Poésies de Théophile Gautier qui ne figureront pas dans ses œuvres 1873

Poésies tome 1 sur Gallica Poésies tome 2 sur Gallica

Ballet et théâtre

Théophile Gautier est l'auteur de 5 ballets du répertoire romantique, dont le premier chronologiquement, demeure l'un des plus joués au monde : Giselle ou Les Wilis. Par contre, son théâtre est une partie mineure de son œuvre.
Une larme du diable, mystère 1839.
Giselle, ou Les Wilis, ballet 1841 sur une musique d'Adolphe-Charles ADAM
Un voyage en Espagne, vaudeville 1843.
La Péri, ballet 1845 sur une musique de Johann Friedrich Burgmüller ;
Le Tricorne enchanté 1845.
La Juive de Constantine 1846, avec Noël Parfait ;
Regardez mais ne touchez pas 1847.
Le Selam 1850 symphonie-oratorio sur une musique d'Ernest REYER.
Paquerette, ballet 1851 sur une musique de François BENOIST.
Gemma, ballet 1854 sur une musique du Comte GABRIELLI ; livret
Sacountala, ballet 1858 sur une musique d'Ernest REYER.
La Femme de Diomède 1860.
Deux recueils sont parus en 1855 Théâtre de poche et 1872 Théâtre. Mystères, comédies et ballets, mais ils ne sont pas complets. Un théâtre complet de Gautier a été édité il y a peu, certaines pièces ayant donc attendu un siècle et demi avant d'être rééditées.

Récits de voyages

Tras los montes, devenu Le Voyage en Espagne 1843.
Zigzags 1845, devenu, augmenté, Caprices et zigzags 1852.
Italia 1852, plus ou moins inachevé.
Constantinople 1853.
Quand on voyage 1865, recueil d'articles.
Loin de Paris, Paris, Michel Lévy frères,‎ 1865, 372 p. — Réunit : En Afrique ; En Espagne ; En Grèce ; Ce qu’on peut voir en six jours.
Impressions de Voyage en Suisse 1865.
Voyage en Russie 1867.
L'Orient 1877, posthume.
Les Vacances du lundi 1884, recueil d'articles, posthume.

Critique d'art, critique littéraire

Les Grotesques 1843.
Salon de 1847.
Les Beaux-Arts en Europe 1855.
L'Art moderne 1856.
Histoire de l'art dramatique en France depuis vingt-cinq ans 1858.
Honoré de Balzac 1858.
Abécédaire du salon de 1861.
Rapport sur le progrès des Lettres 1868.
Histoire du Romantisme, sa dernière œuvre, inachevée 1874.
Portraits contemporains 1874, posthume.
Portraits et souvenirs littéraires 1875, posthume.
Le Musée du Louvre, préface de Marie-Hélène Girard, coéd. Musée du Louvre et Citadelles Mazenod, Paris, 2011, posthume.
Gautier a, en outre, préfacé de nombreuses œuvres littéraires, parmi lesquelles Le Rêve et la vie de Nerval en 1855 et la troisième édition des Fleurs du mal 1868 de Baudelaire. Mention de deuxième édition 1869 sur la couverture et la page de titre, mais c'est bien de 1868 qu'il faut dater cette édition.

Curiosa érotique
Lettre à la Présidente 1850, publié en 1890

Théophile Gautier en musique

D’après Andrew G. Gann, près de trois cents compositeurs ont mis en musique des œuvres de Gautier, et beaucoup de poèmes furent conçus pour être mis en musique.
Les Nuits d'été est un cycle de six mélodies d’Hector Berlioz sur des poèmes tirés de Comédie de la mort. Parmi les autres compositeurs, on peut citer d’abord Bizet, Debussy, Duparc, d'Indy, Massenet, de Falla, Fauré Les Matelots ; Seule! ; Tristesse, Chausson La dernière feuille ; Les Papillons ; La Caravane, Lalo L'Esclave, Hahn Infidélité et Seule !, Gounod, et Offenbach Barcarolle.
Parmi les compositeurs moins connus aujourd’hui mais pour lesquels on peut trouver des enregistrements ou pas, Adolphe Adam Giselle, ballet de 1841, Johann Friedrich Burgmüller La Péri, ballet de 1844, Xavier Boisselot, François Bazin, Hippolyte Monpou, Félicien David Dans un baiser, l'onde, Sultan Mahmoud, et Gazhel, Pauline Viardot Primavera ; Sérénade ; Lamento, Ernest Reyer Le Sélam, symphonie-oratorio, Théodore Labarre, Victor Massé. On pourra encore citer Allyre Bureau et Napoléon Henri Reber. Eugène Emile Diaz de la Pena Le roi Candaule.

Le Capitaine Fracasse

Film d'aventures d'Alberto Cavalcanti, d'après le roman de Théophile Gauthier, avec Pierre Blanchar, Lien Deyers, Charles Boyer.
Pays : France
Date de sortie : 1929
Son : noir et blanc
Durée : 2 900 m environ 1 h 47
Résumé

Un jeune baron ruiné accompagne une troupe de comédiens en tournée, et les sauve de mille dangers grâce à sa vaillance à l'épée. Nommé gouverneur, il ramènera dans son château la jolie comédienne qu'il aime.
Autres versions réalisées par :

Abel Gance, avec Fernand Gravey, Jean Weber, Assia Noris, Jean Fleur, Mary Lou.
Pays : France
Date de sortie : 1943
Durée : 1 h 48
Pierre Gaspard-Huit, avec Jean Marais, Geneviève Grad, Gérard Barray, Louis de Funès.
Pays : France
Date de sortie : 1961
Son : couleurs
Durée : 1 h 45


Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l









#132 Marguerite Jeanne Cordier de Launay de Staal
Loriane Posté le : 29/08/2015 19:19
Le 30 août 1693 naît Marguerite Jeanne Cordier de Launay de Staal

née à Paris le 30 août 1684, fille de Claude Cordier et de Jeanne de Launay et morte le 15 juin 1750, mémorialiste et écrivaine française.

Sa vie

Marguerite de Launay était la fille d'un peintre français mort en Angleterre.
Elle reçut une éducation brillante dans un couvent de Rouen et eut pour protectrice la duchesse de la Ferté qui la plaça comme femme de chambre près de la Duchesse du Maine et avec grande répugnance comme Femme de lettres française Paris 1684-Gennevilliers 1750.
Elle joua un rôle dans la conspiration de Cellamare, en temps que scribe de la Duchesse du Maine, une conspiration qui eut lieu après la mort du Roi Louis XIV et qui, dans son testament, laissait le pouvoir au Duc d'Orléans, le temps que son fils atteigne l'âge de gouverner, et l'éducation de celui-ci au Duc du Maine.
Elle fut arrêtée, ainsi que tous les protagonistes de la conspiration, et mise en Bastille pendant deux ans, de 1718 à 1720.
Libérée, elle reprit sa place près de la duchesse et elle avait 51 ans lorsqu'elle épousa, le 16 Février 1735 Jean-Jacques Baron de Staal, un officier Suisse à la retraite maréchal de camp du duc du Maine.

Elle a laissé, outre des Lettres et des Mémoires, deux comédies qui ont été représentées à Sceaux au cours des fêtes des Grandes Nuits de Sceaux.

Elle était chevalière de la Mouche à Miel, un ordre de chevalerie, créé en 1703 par la Duchesse du Maine, pour attacher à sa personne la cour qu'elle avait rassemblée au Château de Sceaux.

Mémoires de Madame de Staal-Delaunay sur la société française au temps de la Régence de Madame de Staal-Delaunay :

"Il m'est arrivé tout le contraire de ce qu'on voit dans les romans, où l'héroïne, élevée comme une simple bergère, se trouve une illustre princesse. J'ai été traitée dans mon enfance en personne de distinction ; et par la suite je découvris que je n'étais rien, et que rien dans le monde ne m'appartenait. Mon âme, n'ayant pas pris d'abord le pli que lui devait donner la mauvaise fortune, a toujours résisté à l'abaissement et à la sujétion où je me suis trouvée : c'est là l'origine du malheur de ma vie."

Å’uvres

Mémoires de Madame de Staal, écrits par elle-même. Tome premier à quatrième. - A Londres s.n. 1755. BM Senlis
La Bastille sous la régence, Paris, A. Fayard, 1910
L'Engouement & La mode : deux comédies en trois actes, Éd. et notes Jacques Cormier, Paris, l'Harmattan, 2005
Lettres de Mlle Delaunay Mme de Staal au chevalier de Ménil, au marquis de Silly, et à M. de Héricourt, Paris, Colin, 1806
Mémoires de jeunesse, Éd. et préf. de Chantal Thomas, Paris, Mercure de France, 1996
Mémoires de Mme de Staal-Delaunay, Paris, Mercure de France, 1970
Une Idylle à la Bastille, Paris, Bibliothèque mondiale, 1958

Divertissements et comédies donnés Sceaux

1715 - La Comédie - Le Jeu - L'Engouement - publiée en 1755.
1725 - La Mode
1761 - Les Ridicules du jour même pièce que La Mode jouée à la Comédie-Italienne

Bibliographie

Adolphe Jullien, Les Grandes Nuits de Sceaux, Paris, éd. J. Baur, 1876, 75 p.; In-8°
Marc Hersant, « Autodestination et mondanité dans les mémoires de Mme de Staal-Delaunay », Dix-huitième siècle, 1, no 39, 2007


Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l







#133 François Hotman
Loriane Posté le : 21/08/2015 19:07
Le 23 août 1524 naît à Paris François Hotman

mort à Bâle le 12 février 1590, jurisconsulte et un écrivain polémiste français connu pour son engagement dans le calvinisme.Juriste, il embrasse la religion réformée et enseigne à Lausanne 1549 puis à Strasbourg 1555. Il prend part aux luttes religieuses. Auteur de pamphlets contre le pape et contre le cardinal de Lorraine Épître envoyée au Tigre de France, on lui doit surtout deux ouvrages qui ont renouvelé l'étude du droit : l'Anti-Tribonian ou Discours sur l'étude des lois 1567 et Franco-Gallia 1573, critique, à la lumière de l'histoire, de l'absolutisme du pouvoir royal. L'ouvrage fut l'un des plus grands succès de librairie de son temps. Il publia pendant les guerres de Religion un ouvrage intitulé Franco-Gallia seu Tractatus isagogicus de regimine regum Galliae 1573, dans lequel il s'élevait contre l'absolutisme et se montrait partisan d'une monarchie tempérée.
Son frère Antoine vers 1525-1596, avocat général au parlement de Paris 1591, fut un ardent ligueur et soutint les droits du cardinal de Bourbon à la couronne de France.

Sa vie

Né d'un père catholique intransigeant, conseiller au Parlement de Paris, Hotman se convertit au protestantisme en 1547. Il s'installe en Suisse puis à Strasbourg où il enseigne et publie des ouvrages. Il soutient par ses écrits ses coreligionnaires opprimés en France et contribue à construire le discours de résistance à l'oppression, tel qu'il sera diffusé au moment de la conjuration d'Amboise en mars 1560. Sa famille en France était restée catholique. Son frère, Antoine Hotman, fut plus tard un soutien actif de la Ligue.
Tenant de la rénovation des études juridiques, dans la cadre de l'humanisme juridique, il intervient comme professeur de droit romain dans de nombreuses universités et son rôle lui ouvre les portes des cours de Prusse, de Hesse et d'Élisabeth d'Angleterre. Il se rend à Francfort avec Calvin et se voit confier par les chefs huguenots allemands des missions confidentielles en se faisant accréditer par Catherine de Médicis. Il est professeur de philologie à Lausanne, puis professeur de droit à Strasbourg en 1556. Il se met au service du roi Antoine de Navarre en 1560. Il est nommé professeur de droit à Valence par l'évêque Montluc, puis à Bourges en 1567.
Pendant les guerres de religion, il est chargé du recrutement en Suisse de troupes pro-huguenotes. En 1572, après l'annonce des massacres de la Saint-Barthélemy, il s'enfuit de Bourges où il vivait et s'installe à Genève. Il passe les dernières années de sa vie en exil en Suisse. Il meurt à Bâle en 1590.

Franco-Gallia

Son ouvrage le plus important, est Franco-Gallia La Gaule Française, composé en réaction au massacre de la Saint-Barthélemy et publié en latin en 1573 puis en français en 1574, eut un grand retentissement et inspira les générations futures. Sa théorie a été comparée avec celle du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau. Il y présente un idéal d'habileté politique protestante et propose un gouvernement représentatif et une monarchie élective. Il affirme que la couronne de France n'est pas héréditaire mais élective et que les gens ont le droit de déposer et de créer des rois.

Impact politique

C'est un livre élément de la fondation de la théorie en voie de développement de démocratie représentative. Il s'agit du premier programme politique des huguenots dans l'éventualité d'une accession au pouvoir. L'ouvrage est très célèbre à son époque. Les théories de Hotman ont influencé de dirigeants politiques tels que Fidel Castro, qui en 1953 justifia la légitimité de son mouvement dans son discours L'histoire m'absoudra en citant Hotman : Entre un gouvernement et ses sujets, il y a un lien, ou contrat, et les gens peuvent se soulever contre la tyrannie d'un gouvernement lorsque celui-ci viole ce pacte.

Contenu

Hotman considère qu'à l'origine surgissent un certain nombre de règles et que la souveraineté réside dans le peuple du royaume. Il se lance dans une démonstration et s'élève contre l'absolutisme en fait et en droit. Il propose un retour aux anciens us et coutumes de France et écrit : Sur le territoire, il y avait des hommes qui étaient merveilleusement sages et avisés. Il faut aussi revenir à leurs institution politiques qui étaient tempérées. Il rappelle que les carolingiens devaient leur couronne à l'élection. Puisque le Roi est élu, la source du pouvoir réside dans le peuple qui a délégué une partie de son pouvoir sans s'être dessaisi de cette souverainété.
Le peuple a "prêté" le pouvoir et il est impératif que le Roi consulte régulièrement les États Généraux qui assurent une continuité des plaids carolingiens en lesquels réside le principe de souveraineté. Le Roi doit donc les convoquer et les associer à la loi. Si le Roi ne le fait pas, il ne gouverne plus pour l'utilité générale, et il y a rupture du pacte social. La révolte des sujets est par conséquent légitime. On est face à la remise en cause de la théorie de l'origine divine du pouvoir en faveur de la souveraineté populaire.
Dès sa première parution, Franco-Gallia donna lieu à une polémique politique et entraîna plusieurs réponses et réfutations, notamment Ad Franc. Hotomani... Responsio 1575, attribué tantôt à Jean Papire Masson, tantôt à Antoine Matharel, et Contra Othomani Francogalliam Libellus de Pierre Turrel 1576.

Le Tigre 1560

On lui attribue la rédaction du violent pamphlet, l'Epître au Tigre de France, dirigé contre le cardinal Charles de Lorraine et les Guise, qui sont accusés de fausse piété et de licence. La conclusion du texte est un appel au bannissement: le tigre doit retourner à sa tanière.

Éditions


Francisci Hotomani Commentariorum in Orationes M T Ciceronis Volumen Primum (1554). Texte en latin et commentaires en grec de Hotman sur les discours de Cicéron.
Francogallia 1573. Deuxième édition : Libellus Statum verteris Rei publica Gallicae, tum deinde a Francis occupatam describens 1574. Traduction française : La Gaule française, Fayard, Paris, 1991.
Franc. Hotomani juriscons. De feudis commentatio tripertita: hoc est, Disputatio de jure feudali, Commentarius in usus feudorum, Dictionarium verborum feudalium Lyon 1573 Ouvrage sur le droit Féodal.
L'Anti-Tribonian 1603. Hotman attaque le ralliement de ses collègues à la théorie du droit romain. Traduction française : Antitribonian, ou, Discours d'un grand et renommé iurisconsulte de nostre temps sur l'estude des loix, Presses Universitaires de Saint-Étienne, 1998.
Observationes de jure connubiorum : hoc est, de sponsalibus et matrimoniis rite contrahendis ac dissolvendis, seu Repudijs & Divortijs tam veterum Romanorum quam hominum nostri seculi 1618.
Le Tigre de 1560, reproduit pour la première fois en fac-simile d'après l'unique exemplaire connu, édité par Ch. Read, Paris, Académie des bibliophiles, 1875 Slatkine reprint, 1970.



Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l


#134 Margaret Mitchell
Loriane Posté le : 15/08/2015 17:31
Le 16 août 1949 meurt Margaret Munnerlyn Mitchell

à 48 ans, à Atlanta États-Unis, née dans la même ville le 8 novembre 1900 à Atlanta États-Unis, écrivain américain et l'auteur du célèbre roman Autant en emporte le vent en 1936.

Bercée dès l'enfance par les récits de la guerre de Sécession, elle sut dramatiser la mythologie du Sud dans son roman Autant en emporte le vent 1936, qui, popularisé en 1939 par le film de V. Fleming, connut un succès mondial. À travers les destins croisés de Scarlett O'Hara, frivole mais courageuse et bravant les conventions d'un monde voué à disparaître, et de Rhett Butler, aventurier fidèle à ces règles, héroïque malgré lui, se dessine un tableau idéalisé du vieux Sud – les bons Noirs, comme la fidèle nounou Mamma, font l'objet d'une vision paternaliste, tandis que les Blancs abolitionnistes figurent le Mal absolu. Mais c'est aussi la dénonciation d'une guerre sanglante aux séquelles persistantes, qui jette une ombre à ce tableau.

Sa vie

Margaret Munnerlyn Mitchell, appelée par les siens Peggy Mitchell, est née à Atlanta, Géorgie, le 8 novembre 1900, dans une famille sudiste. Tout le long de son enfance, elle écrivit des nouvelles et des pièces de théâtre. En 1922 elle commença a écrire pour l'Atlanta Journal, où elle écrivit plus de 130 articles. En 1926, quand elle se cassa sa cheville, elle commença à écrire Autant en emporte le vent. Ce livre lui permit de gagner le Prix Pulitzer en 1937. Le livre fut traduit en 27 langues et plus de 30 millions de copies ont été vendues. Il fut longtemps considéré comme la seule et unique oeuvre de Margaret Mitchell, mais plus récemment, quelques textes de jeunesse furent publiés, dont un bref roman Lost Laysen, écrit avant ses 20 ans.
La jeune fille grandit dans une famille aisée, bercée par les récits des anciens confédérés sur la Guerre civile américaine. Fortement marquée par l'histoire de ses ancêtres, Margaret Mitchell s'en est inspirée pour l'écriture de son célèbre roman. Malgré le succès d'Autant en emporte le vent, elle n'a pas ecrit d'autres livres.

Familles et ancêtres

Son père est Eugene Muse Mitchell, un riche avocat, et sa mère, Mary Isabel Stephens, dite Maybelle, une militante féministe suffragette.
La famille Mitchell est sudiste de longue date. Un ancêtre de Margaret Mitchell a quitté l’Écosse pour venir s'installer dans le Comté de Wilkes Géorgie, en 1777. Son grand-père paternel, Russell Crawford Mitchell, s'engage dans l'armée confédérée en juillet 1861 et est sévèrement blessé à la bataille de Sharpsburg. Après la guerre civile, il fait fortune en vendant du bois de construction à Atlanta. Il eut 12 enfants de deux épouses, dont l'ainé est le père de Margaret Mitchell.
Du côté de sa mère, ses grand-parents sont John Stephens, un propriétaire terrien, capitaine dans l'armée confédérée pendant la guerre, ayant investi après la guerre civile dans la construction du tramway d'Atlanta, et Annie Fitzgerald, elle même fille de Philip Fitzgerald, qui avait émigré d'Irlande et possédait une plantation dans le Comté de Clayton Géorgie. L'histoire de Scarlett O'Hara semble calquée en partie sur l'histoire de cette grand-mère.

Vie sentimentale et œuvre littéraire

En 1916, âgée d'à peine 16 ans, elle écrit un premier roman, Last Laysen, dont le manuscrit original, récemment retrouvé, est estimé à un montant compris entre 70 000 et 90 000 dollars. Il n'a jamais été publié.
En 1918, elle est bouleversée lorsqu'elle apprend que son fiancé, Clifford Henry, est mort pendant la Première Guerre mondiale. Peu de temps après, en janvier 1919, sa mère Maybelle s'éteint au cours d'une épidémie de grippe.
En 1922, devenue journaliste pour l'Atlanta Journal Magazine, Margaret Mitchell doit cependant composer avec une vie sentimentale tumultueuse, partagée entre deux hommes qu'elle aime et qu'elle finira par épouser à deux ans d'intervalle. Elle épouse en premières noces Red Upshaw, mais ils divorcent en 1924, et elle se remarie à John Marsh en 1925. Il semble que le personnage de Rhett Butler ait été inspiré par son premier mari qui la maltraitait et la brutalisait.[évasif] Elle n'a eu aucun enfant de ses deux mariages.
En 1926, elle quitte le journalisme, en raison de problèmes de santé, et s'ennuie chez elle, jusqu'à ce que son époux lui conseille d'écrire un livre pour s'occuper. En 1936, après dix années d'un travail laborieux, dont trois d'écriture, elle met un point final à l’œuvre qui la rendra célèbre dans le monde entier : Gone with the wind, traduite dans l'édition française par Autant en emporte le vent. Récompensée l'année suivante par le prix Pulitzer, l'œuvre est adaptée au cinéma en 1939 par Victor Fleming dans le film éponyme.
Le 11 août 1949, après avoir été percutée par un chauffeur de taxi qui conduisait sa voiture personnelle, elle tombe dans le coma. Elle décède cinq jours plus tard au Grady Memorial Hospital, dix ans après avoir connu le succès, en laissant derrière elle l'histoire de Scarlett O'Hara, une des plus belles histoires d'amour de la littérature, inachevée.

Adaptation cinématographique Autant en emporte le vent, film de Victor Fleming


1939 : Autant en emporte le vent réalisé par Victor Fleming, avec Vivien Leigh Scarlett O'Hara et Clark Gable Rhett Butler.

Publié en 1936, le gros roman de Margaret Mitchell, qui évoque la Georgie du Nord au temps de la guerre de Sécession, fut un succès mondial et intéressa vite le cinéma. Nous savons que ce film fut l'enfant chéri de son producteur David O. Selznick, qui contrôla tout, le choix des acteurs, le scénario, le style de l'image, et remplaça les deux réalisateurs initialement prévus, Sam Wood, puis George Cukor, jugés trop tendres et sans poigne, pour mettre à leur place l'autoritaire Victor Fleming 1883-1949, qui venait de venir à bout de la féerie Le Magicien d'Oz, The Wizard of Oz, 1939, Selznick voulait faire d'Autant en emporte le vent, Gone with the Wind le grand succès du parlant, en revenant sur un épisode central de l'histoire américaine, la seule guerre officielle menée sur le territoire des États-Unis. L'œuvre est d'ailleurs un des films hollywoodiens dont la genèse est la mieux connue, grâce aux innombrables notes de service dictées par le producteur et réunies en volume après sa mort. Bien qu'elle n'ait jamais été placée très haut par les cinéphiles, elle reste une œuvre puissante, qui trouve de nouveaux spectateurs à chaque génération, sur petits et grands écrans.

Mythologie du vieux Sud

Dans le Sud, près d'Atlanta, en 1861, les O'Hara sont de riches propriétaires d'une plantation de coton, Tara. Scarlett, l'une de leurs filles, est une jeune personne coquette et égoïste, qui est amoureuse, ou se croit amoureuse, du délicat Ashley. Un amour attisé par la jalousie, car le jeune homme est fiancé à la cousine de Scarlett, la douce et indulgente Melanie Hamilton. Scarlett est courtisée par un aventurier douteux, trafiquant et profiteur de guerre, mais en même temps généreux, viril et réellement épris d'elle : Rhett Butler. La guerre arrive, et le domaine de Tara souffre cruellement de la victoire nordiste. Scarlett, dont le père meurt, devient un tyran familial qui veut relever Tara de sa ruine. Prête à tout, elle épouse un mari riche et fragile, bientôt mort, puis finalement Rhett, mais, malgré leur ressemblance de tempérament, leur mariage est un échec. Après la mort de Melanie, Rhett, lassé, quitte Scarlett. Il reste à celle-ci le domaine que son père, Irlandais, lui disait être son bien le plus précieux.

Autant en emporte le vent, V. Fleming
Vivien Leigh 1913-1967 et Clark Gable 1901-1960, Scarlett O'Hara et Rhett Butler dans Autant en emporte le vent, une superproduction du cinéma hollywoodien, réalisée par Victor Fleming en 1939.

Des personnages forts

Le film présente des personnages énergiques dans des situations dures, avec une héroïne féminine comme en avaient joué Bette Davis et Joan Crawford. Super-production, Autant en emporte le vent est paradoxalement l'un des films les moins lénifiants du cinéma américain classique : les gentils, Melanie, Ashley sont au second plan, tandis qu'une garce et un trafiquant qui fréquente les mauvais lieux sont les héros. L'audace des situations, viol conjugal, adultère, prostitution étonne si l'on considère que le film a été réalisé dans une période où régnait le sourcilleux Code Hayes, qui réglementait tous les cas. Selznick a même dû lutter pour faire admettre dans les dialogues les jurons les plus anodins, dont la dernière réplique de Rhett à Scarlett quand il la quitte : Frankly, my dear, I don't give a damn, Franchement, ma chère, je m'en fous.
Star masculine des débuts du parlant, et « sex symbol depuis New York-Miami It Happened One Night, 1934, de Frank Capra Clark Gable avait déjà joué les mufles et les machistes séduisants, mais c'est en Rhett Butler, personnage taillé pour lui, qu'il trouva le rôle de sa vie. Pour Scarlett, après avoir envisagé un grand nombre de stars, Selznick engagea à la surprise générale une actrice de théâtre britannique, Vivien Leigh, qui remportera un des dix oscars attribués au film. Elle incarne avec flamme une femme frustrée et indomptée, tour à tour odieuse et pathétique, dont la taille mince fit rêver bien des générations. L'actrice ne retrouvera sur l'écran un rôle à sa mesure que dans la Blanche Dubois d'Un tramway nommé Désir, A Streetcar named Desire, 1951, d'Elia Kazan, autre rôle de femme insatisfaite.
Visuellement, le film se conforme à une grammaire académique et à une esthétique de carte postale historique assez impersonnelle, dont les couleurs chromo ont été choisies comme telles. De fait, cette esthétique ainsi que la direction d'acteurs du peu tendre Victor Fleming servirent le film, en mettant en valeur la rudesse des situations et des caractères.
Le film fut un titre de honte pour beaucoup de Noirs américains, non seulement par son approche sudiste de la guerre de Sécession, mais aussi pour avoir valu à Hattie McDaniel un oscar du meilleur second rôle dans le rôle de la nourrice de Scarlett. Une nounou forte en gueule, certes, mais esclave tout de même et contente de l'être, conforme à une image niaise des afro-américains. Ce n'était qu'un petit progrès par rapport à la vision raciste de l'autre film épique avec lequel Selznick avait voulu rivaliser, la Naissance d'une nation, The Birth of a Nation, 1915, de David Wark Griffith.
Si d'autres gros films, comme le Titanic de James Cameron en 1997, dépassèrent le succès de Gone with the Wind, cette œuvre reste unique en son genre, par sa vision des rapports amoureux, et par son dénouement amer qui sépare des personnages marqués. Michel Chion


Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l






#135 Andrew Marvell
Loriane Posté le : 15/08/2015 16:57
Le 16 août 1678 meurt Andrew Marvell

à Londres né le 31 mars 1621 à Winestead-in-Holderness près de Kingston-upon-Hull, Yorkshire de l'Est, poète métaphysique et un homme politique anglais
Associé fréquemment à John Donne ou George Herbert, il fut le premier assistant de John Milton, et rédigea un éloquent poème en préface à la seconde édition du Paradis perdu.
Ami de Lovelace et panégyriste de Cromwell, puritain aux accents cavaliers dans sa poésie profane, émule de Donne, épris d'élégance classique, auteur d'inspiration pastorale et métaphysique, précieuse et satirique, Marvell révèle et dissimule, sous la transparence moirée de son style, les contours et les contrastes d'une personnalité ambiguë.
Sa poésie lyrique est le reflet juste et brillant d'une culture éclectique, l'expression parfaite d'une société qui, dans un cercle restreint, en un moment privilégié, sut allier la force à la grâce, l'outrance à la sobriété, l'aisance désinvolte à la considération passionnée des fins dernières de l'homme.


En bref

Plusieurs livres de ce Juif ottoman, naturalisé suisse, haut fonctionnaire international à la SDN, puis à l'ONU, raillent l'univers clos des fonctionnaires internationaux, leur carriérisme et leur jalousie, les Valeureux, 1969. Mais les valeureux, ce sont aussi ces Juifs qui, comme les personnages de Cohen, la famille Solal, les cinq compatriotes de Solal, ou Mangeclous, combattent avec courage et humour les injustices sociales et bravent la fatalité. À l'instar des personnages, récurrents, l'essentiel de cette œuvre, solidement ancrée dans le réel, s'organise autour de quelques sujets développés d'un livre à l'autre – amour d'un sacré qui se perd, fascination de la mort, Éros solaire volontiers destructeur – que l'écriture, par définition interminable, soutenue par une verve comique et une franche truculence, met constamment en échec. Fin observateur des cultures et des systèmes de valeurs, Cohen essaie de réconcilier l'Orient et l'Occident. De Solal 1930 à Ô vous, frères humains 1972, son œuvre affiche une unité indéniable. Il est également connu pour ses récits autobiographiques d'une grande justesse de ton Livre de ma mère, 1954 ; Carnets, 1978.
Belle du Seigneur 1968 a consacré la gloire de Cohen. Effusion lyrique et critique sociale ajoutent, dans cette histoire d'amour absolu, une nouvelle touche au portrait de Solal, héros protéiforme et favori de l'auteur qui dévoile, au sein du roman, les antagonismes opposant Orient et Occident, non seulement géographiquement, mais par rapport aux valeurs qui régissent les sociétés, une tradition qui a ses racines dans la morale et parfois dans le sacerdoce. Les considérations purement théologiques passent cependant au second rang, comme le montre une langue débridée, burlesque à souhait, sans signes de ponctuation, parodiant la litanie, souvent jubilatoire, mais où l'exultation sait éviter, dans son ironie contrôlée, l'écueil de l'exaltation ou du pathétique

Sa vie

Andrew Marvell naquit à Winestead Yorkshire d'un père facétieux et pourtant calviniste, élu prédicateur par les négociants de Hull, il est le quatrième enfant d'Andrew Marvell et d'Anne Pease. Son père est pasteur, il enseignera notamment à la Holy Trinity Church et dirigera un collège de Chartreux. En 1633, après l'obtention d'une bourse d'étude, Andrew quitte le lycée de Hull pour le Trinity Collège à Cambridge il en sortira Bachelier ès Arts cinq ans plus tard. En 1637, il contribue, en grec et en latin à un collectif en l'honneur de la naissance de la princesse Anne. Entre 1642 et 1646 il écrit le "Dialogue entre Thyrsis et Dorinda", mis en musique par W. Lawes, le compositeur de Charles 1er. Durant la guerre civile, Marvell voyage: Hollande, France, Italie, Espagne.
En 1650 il se rapproche d’Oliver Cromwell - écrivant une "Ode Horatienne sur le Retour d'Irlande de Cromwell". Marvell devient précepteur de Mary, 12 ans la fille du général Thomas Fairfax chef des armées parlementaires à qui il dédiera "Upon the Hill and Grove at Bill-Borow" . En 1653, s'il échoue au poste de Vice-Secrétaire au Latin au conseil d’État, malgré la recommandation de Milton, il devient précepteur du protégé et gendre envisagé de Cromwell: William Dutton. C'est vraisemblablement durant cette période qu'il écrit la majorité de son œuvre lyrique, qui - pour des raisons inconnues - ne sera jamais publiée de son vivant.
Son habileté politique lui permit cependant d’éviter toute punition au retour de la monarchie et à l’avènement de la Restauration anglaise. Il parvint même à convaincre Charles II d'Angleterre de ne pas exécuter John Milton, malgré la virulence anti-monarchique des écrits de ce dernier et ses activités révolutionnaires.
De 1659 à sa mort, Marvell resta un membre respecté de la Chambre des communes, répondant aux lettres de ses administrés et effectuant deux missions diplomatiques à l’étranger, l’une aux Provinces-Unies et l’autre en Russie. Il est également l’auteur anonyme de quelques écrits satiriques, qui critiquent la monarchie, défendent les dissidents puritains et dénoncent la censure. On le qualifiait parfois d’ Aristide britannique, en raison de son incorruptible intégrité dans la vie et de sa pauvreté à sa mort.

Au service de la patrie

Dès 1633, boursier à Trinity College, qui tenait alors à Cambridge le juste milieu entre le puritanisme et le ritualisme, il entend prêcher Whichcote, théologien rationaliste et platonisant, mais son père doit l'arracher à la séduction des jésuites. Quand la guerre civile éclate, loin de prendre parti, il voyage sur le continent. Sa verve satirique s'exerce aux dépens d'un émigré catholique rencontré à Rome, Richard Flecknoe, et plus tard prendra pour cible la Hollande The Character of Holland. D'Espagne, il garde l'image du toril. À son retour en Angleterre sa sympathie semble acquise aux Cavaliers. Il salue en R. Lovelace son noble ami, raille la démocratie dans son élégie sur lord Hastings, et témoigne encore de sentiments royalistes dans La Mort de Tom May Tom May's Death, à la fin de 1650. Cependant, L'Ode horatienne An Horatian Ode composée quelques mois plus tôt rend hommage à la fois au roi martyr et au héros triomphant, Cromwell. Peu après, il entre au service de lord Fairfax, chef des armées parlementaires. Précepteur de sa fille Mary, dont la grâce enfantine est évoquée dans ses poèmes, il écrit des œuvres d'inspiration pastorale dans le manoir de Nun Appleton où ce grand seigneur humaniste s'est retiré. La retraite ne satisferait-elle pas le chantre de la solitude ? Il cherche un emploi dans l'administration cromwellienne. Il l'obtient en 1657, sur la recommandation de Milton qu'il assiste dans ses fonctions de secrétaire d'État. Ses concitoyens de Hull l'élisent au Parlement en 1659. Ils l'y renvoient à la Restauration. Parlementaire et diplomate, le panégyriste du Protecteur ne connaît pas la disgrâce sous Charles II : il protège à son tour Milton. Le comte de Carlisle l'emmène en Moscovie. À Londres, il fréquente le Rota Club, apprécie les vins, se mêle aux petits-maîtres. Cependant les défaites de l'Angleterre, l'indignité des gouvernants, l'intolérance envers les Dissidents suscitent l'indignation du patriote et du puritain. Sa virulence satirique éclate, en vers dans Dernières Instructions à un peintre, The Last Instructions to a Painter, 1667-1774, en prose dans La Répétition mise en prose The Rehearsal Transpros'd, 1672-1673 et M. Smirke ou le Théologien à la mode, Mr. Smirke, or The Divine in Mode, 1676, pamphlets dont les titres font écho à des comédies de Buckingham et d'Etherege. Sa dernière œuvre de combat, Relation des progrès du papisme An Account of the Growth of Popery, inquiète le gouvernement en 1677. Il meurt l'année d'après, et ses Poèmes variés, Miscellaneous Poems ne seront publiés qu'en 1681 par une veuve fictive : il ne s'était point marié.

Puritanisme et lyrisme

Les satires de Marvell n'ont d'intérêt que pour l'histoire politique et littéraire. Ses éloges de Cromwell lancent des gerbes d'hyperboles, mais leur force oratoire se pénètre d'émotion vraie dans l'évocation vécue de la mort. Le lyrisme sobre et dense de l'Ode horatienne élève le thème politique au diapason de la plus haute poésie. Dans l'œuvre lyrique – d'inspiration amoureuse, pastorale ou religieuse – chatoient les nuances d'une sensibilité à la fois frivole et grave, ironique et passionnée. Une fantaisie baroque ou précieuse se joue à travers la réflexion philosophique, et l'urbanité s'allie à l'austérité jusqu'en ce Dialogue entre l'âme résolue et le plaisir créé qui reprend sur des pensers puritains les cadences, le ton, le style des poètes cavaliers.
Certains critiques, à force d'érudition et de subtilité, découvrent dans ces poèmes de multiples significations, y font entrer le platonisme, l'hermétisme, le cartésianisme. C'est faire violence à des chefs-d'œuvre délicats. La poésie de Marvell, pour n'être point philosophique, n'en est pas moins riche en résonances morales, intellectuelles, religieuses. Ce puritain pénétré de culture latine est citoyen de trois mondes : le biblique, l'ancien et le moderne. Le conceit introduit la pensée sérieuse au cœur même du divertissement pastoral. La description idyllique du manoir de Fairfax, Appleton House, devient une libre méditation, ingénieuse et variée, qui touche à l'histoire, ancienne ou contemporaine, ecclésiastique et civile, à l'Écriture et à la foi chrétienne, à la philosophie morale et naturelle. Ici, et en d'autres poèmes – le Jardin et la Nymphe pleurant la mort de son faon –, l'enrichissement du thème par les allusions, les images et les échos donne à une poésie élégante et artificielle la densité d'expérience, la multiplicité de perspectives qui distinguent la poésie métaphysique.
Marvell, comme John Donne, se met volontiers « en situation », présente un moment d'expérience qui tire de sa singularité dans le temps et l'espace toute son intensité. Mais il n'a pas l'intuition d'une éternité qui serait la profondeur du présent : le temps est senti comme un écoulement. S'efforçant de l'accélérer, À sa prude maîtresse ou de l'alentir, Le Jardin, il se donne l'impression d'en maîtriser le cours ou l'illusion de le suspendre. De même, si son imagination se joue sur fond de monde, comme dans La Définition de l'amour, c'est à la manière des précieux : l'univers est un décor qui rehausse le paradoxe d'une impossible passion. Cependant, ce poète eut une intuition originale de la présence intérieure du monde en l'esprit – l'esprit qui n'a pas seulement la faculté de réfléchir et de créer, mais aussi d'anéantir : Ne laissant subsister de la Création / Qu'une verte Pensée au sein d'une ombre verte. Donne s'apparaît à lui-même comme un cœur mis à nu et qui pense ; Marvell aime à saisir son existence au moment où son esprit, miroir d'un monde contemplé, devient l'objet même de sa contemplation.
Chez ce puritain platonisant se découvre une sensibilité aux valeurs esthétiques qui n'est point si singulière puisqu'on la rencontre chez Edmund Spenser et chez le jeune Milton. Le désir d'une pureté idéale n'abolit pas l'exigence d'une satisfaction sensuelle. Ce poète a deux faces. L'une est l'épicurisme, le naturisme, toujours discret mais toujours présent dans l'évocation profane du Jardin, mais aussi dans l'évocation biblique des Bermudes, ces îles fortunées où abordèrent, comme en la terre promise, de pieux émigrants. L'autre face est l'orgueilleux moralisme stoïcien, qui domine dans le Dialogue entre l'âme résolue et le plaisir créé ; l'intransigeant idéalisme néo-platonicien qui s'affirme dans les vers Sur une goutte de rosée. Chrétien, Marvell le fut sans doute, mais de ce christianisme individualiste et superbe que fit naître la Renaissance.

La tradition classique transmise par la Renaissance gouverne aussi l'art du poète, le choix des genres, l'ode, la pastorale, le tableau, des formes raffinées et non plus tourmentées, des cadences harmonieuses et non plus irrégulières. C'est là ce qui le distingue de Donne et de ses émules : il ne leur emprunte qu'une apparence de dialectique, l'image érudite et la fureur du bel esprit, wit. Robert Ellrodt

Parmi ses poèmes les plus célèbres, on compte To His Coy Mistress À Sa Timide Maîtresse, The Garden Le Jardin et On a drop of dew D'une goutte de rosée.

Bibliographie

Notices d’autorité : Fichier d’autorité international virtuel • International Standard Name Identifier • Bibliothèque nationale de France • Système universitaire de documentation • Bibliothèque du Congrès • Gemeinsame Normdatei • WorldCat
Å’uvres de Marvell
Hugh MacDonald, The Poems of Andrew Marvell Printed from the Unique Copy in the British Museum with Some Other Poems by Him. Routledge and Kegan Paul Ltd, Londres, 1952, 206 p.
Andrew Marvell, Poems. Notes de Dennis Davison, The Camelot Press Ltd, Londres, 1964-1968, 64 p.
Andrew Marvell, Poèmes choisis en anglais, en latin et en grec. Traduction et notes de Jean-Pierre Mouchon, éditions Ophrys, Gap, 1989, 67 p.
Andrew Marvell, Les Yeux et les Larmes et autres poèmes. Choix, traduction de l'anglais et présentation par Gérard Gacon. Coll. Orphée, éditions La Différence, 1994, 128 p.
Études et biographies

Poésie

To His Coy Mistress

Had we but world enough, and time,
This coyness, Lady, were no crime.
We would sit down, and think which way
To walk, and pass our long love's day.
Thou by the Indian Ganges' side
Shouldst rubies find : I by the tide
Of Humber would complain. I would
Love you ten years before the flood :
And you should, if you please, refuse
Till the conversion of the Jews.
My vegetable love should grow
Vaster than empires, and more slow.
An hundred years should go to praise
Thine eyes, and on thy forehead gaze.
Two hundred to adore each breast :
But thirty thousand to the rest.
An age at least to every part,
And the last age should show your heart :
For, Lady, you deserve this state ;
Nor would I love at lower rate.
But at my back I always hear
Time's winged chariot hurrying near :
And yonder all before us lie
Desarts of vast eternity.
Thy beauty shall no more be found ;
Nor, in thy marble vault, shall sound
My echoing song : then worms shall try
That long-preserved virginity :
And your quaint honour turn to dust ;
And into ashes all my lust.
The grave's a fine & private place,
But none, I think, do there embrace.
Now, therefore, while the youthful glue
Sit on thy skin like morning dew,
And while thy willing soul transpires
At every pore with instant fires,
Now let us sport us while we may ;
And now, like amorous birds of prey,
Rather at once our time devour,
Than languish in his slow-chapped power.
Let us roll all our strength, and all
Our sweetness, up into one ball :
And tear our pleasures with rough strife,
Thorough the iron gates of life .
Thus, though we cannot make our sun
Stand still, yet we will make him run.
Andrew MARVELL 1621-1678


A Sa Prude Maîtresse

Si le monde & le temps ne couraient à l'abîme,
Chère, être prude alors n'y serait point un crime.
Nous irions nous asseoir à rêver tout le jour
Aux chemins infinis où conduit notre amour.
En Inde, où tu serais, le Gange, sur sa rive,
T'offrirait des rubis ; et moi, longeant l'eau vive
De mon havre natal, je me lamenterais.
Je t'aimerais dix ans ; le Déluge viendrait ;
Tu te refuserais, fidèle à ton caprice,
En attendant (qui sait) que Juifs se convertissent.
Mon amour paresseux s'élèverait plus grand,
Plus vaste qu'un empire, et toujours mollement.
Il me faudrait cent ans pour que je complimente
Tes yeux et que ton front, par mon regard, je vante.
Il m'en faudrait deux cents pour adorer un sein.
Trente mille ans le reste ? Et alors ? Ce n'est rien.
Chaque partie aurait une ère tout entière,
Pour qu'apparaisse enfin ton coeur, à la dernière.
Vous méritez, Madame, infiniment de soins,
Et je ne voudrais point accepter d'aimer moins.
Mais dans mon dos, j'entends sans cesse
Le char ailé du Temps qui presse :
Devant nous gît inexploré
L'ample désert d'Éternité
Où ta beauté sera perdue
Et ma chanson inentendue ;
En ton marbre, les vers fraieront
L'indomptable hymen ; ils rendront
Ton triste honneur simple poussière,
Cendres mon désir éphémère.
La tombe est un fort bel enclos :
Nul one n'y baille un baiser chaud.
Ce jour d'hui, la tendre rosée
Dessus ton visage est posée,
Dont chaque pore dans l'instant
Au feu de ton âme consent.
Il est encore temps qu'on s'amuse :
Viens, musarde, et comme les buses
En rut, avalons notre temps
Glouton, qui ronge indifférent !
Roulons en boule nos présences
Dans la douceur de la puissance !

Car le combat des corps aux déchirants plaisirs
Enfoncera pour nous les grilles de la vie,
Et puisque le soleil n'aura jamais envie
De rester immobile, on le fera courir.

Traduit de Andrew MARVELL"
par Louis LANOIX
Institut d'Anglais Charles V



Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





#136 Albert Cohen
Loriane Posté le : 14/08/2015 21:46
Le 16 août 1895 naît Albert Cohen

à Corfou, mort à 86 ans à Genève en Suisse, le 17 octobre 1981, poète, écrivain et dramaturge suisse romand dont l'œuvre est fortement influencée par ses racines juives. C'était aussi un activiste politique dont l'engagement en faveur du sionisme a été profond, activiste politique
Il reçoit pour distinction le grand prix du roman de l'Académie française, il écrit de nombreux romans. Ses Œuvres principales sont Solal roman de 1930, Le Livre de ma mère, récit autobiographique de 1954, Belle du Seigneur, roman de 1968, Les Valeureux roman de 1969 Ô vous, frères humains roman de 1972.

En bref

Au début de l'année 1933, dans les semaines qui précèdent l'élection d'Adolf Hitler et la prise du pouvoir par les nationaux-socialistes, les journaux allemands font de Solal, roman d'Albert Cohen, qui vient d'être traduit, un éloge démesuré : la Vossische Zeitung du 12 mars compare l'écrivain à Shakespeare et trouve dans le livre des scènes dignes de Richard III. Dès sa parution chez Gallimard en 1930, ce premier volume du cycle romanesque qui devait aboutir en 1968 à la publication de Belle du Seigneur bénéficia d'une critique exceptionnelle. Dans l'histoire de Solal, ce jeune homme venu d'Orient, qui salue dès son arrivée à Genève la statue de Rousseau et à qui grâce aux femmes tout semble réussir, le lecteur voit un émule de Rastignac, un nouveau Julien Sorel. Mais Solal est juif et le mal du siècle donne au livre une autre dimension. Avec les traductions, le succès du roman devient universel : Une œuvre stupéfiante, écrit le New York Herald Tribune ; pour le New York Times, Cohen, c'est Joyce, Caldwell, Rabelais réunis, avec en plus la magie des Mille et Une Nuits. Les critiques anglaise, autrichienne, italienne ou helvétique s'expriment sur le même ton. L'audience d'Albert Cohen dans le monde, à ce moment-là, est plus grande qu'elle ne le sera jamais. Ce n'est que peu de temps avant sa mort, après une longue éclipse, qu'on finira par lui rendre justice dans les pays de langue française : il n'en reste pas moins que la cassure qui marque son existence est essentielle à la compréhension de l'écrivain. Dans l'approche de l'œuvre, la tragédie du siècle – Seconde Guerre mondiale, génocide du peuple juif – est un phénomène capital.
Plusieurs livres de ce Juif ottoman, naturalisé suisse, haut fonctionnaire international à la SDN, puis à l'ONU, raillent l'univers clos des fonctionnaires internationaux, leur carriérisme et leur jalousie les Valeureux, 1969. Mais les valeureux, ce sont aussi ces Juifs qui, comme les personnages de Cohen, la famille Solal, les cinq compatriotes de Solal, ou Mangeclous, combattent avec courage et humour les injustices sociales et bravent la fatalité. À l'instar des personnages, récurrents, l'essentiel de cette œuvre, solidement ancrée dans le réel, s'organise autour de quelques sujets développés d'un livre à l'autre – amour d'un sacré qui se perd, fascination de la mort, Éros solaire volontiers destructeur – que l'écriture, par définition interminable, soutenue par une verve comique et une franche truculence, met constamment en échec. Fin observateur des cultures et des systèmes de valeurs, Cohen essaie de réconcilier l'Orient et l'Occident. De Solal 1930 à Ô vous, frères humains 1972, son œuvre affiche une unité indéniable. Il est également connu pour ses récits autobiographiques d'une grande justesse de ton Livre de ma mère, 1954 ; Carnets, 1978.
Belle du Seigneur 1968 a consacré la gloire de Cohen. Effusion lyrique et critique sociale ajoutent, dans cette histoire d'amour absolu, une nouvelle touche au portrait de Solal, héros protéiforme et favori de l'auteur qui dévoile, au sein du roman, les antagonismes opposant Orient et Occident, non seulement géographiquement, mais par rapport aux valeurs qui régissent les sociétés, une tradition qui a ses racines dans la morale et parfois dans le sacerdoce. Les considérations purement théologiques passent cependant au second rang, comme le montre une langue débridée, burlesque à souhait, sans signes de ponctuation, parodiant la litanie, souvent jubilatoire, mais où l'exultation sait éviter, dans son ironie contrôlée, l'écueil de l'exaltation ou du pathétique.

Sa vie

Né dans l'île grecque de Corfou en 1895, Francis Albert Cohen a un père d'origine juive romaniote et une mère juive de langue italienne. Son grand-père préside la communauté juive locale.
Issus d'une famille de fabricants de savon, les parents d'Albert décident d'émigrer à Marseille après un pogrom, alors qu'Albert n'a que 5 ans. Ils y fondent un commerce d'œufs et d'huile d'olive. Il évoquera cette période dans Le Livre de ma mère. Albert Cohen commence son éducation dans un établissement privé catholique. C'est le 16 août 1905 qu'il se fait traiter de youpin dans la rue par un camelot de la Canebière, événement qu'il racontera dans Ô vous, frères humains. Le jeune garçon court à la gare Saint-Charles. Il s'enferme dans les toilettes, faute de pouvoir s'enfuir. Sur le mur, il écrit : Vive les Français !. En 1904, il entre au lycée Thiers, et en 1909, il se lie d'amitié avec un autre élève, Marcel Pagnol. En 1913, il obtient son baccalauréat avec la mention assez bien.
En 1914, Albert Cohen quitte Marseille pour Genève. Il s'inscrit à la faculté de droit de la ville en octobre. Dès lors, il s'engage en faveur du sionisme mais n'ira jamais en Israël. Il obtient sa licence en 1917 et s'inscrit à la faculté des lettres où il restera jusqu'en 1919. Cette année-là, il obtient la nationalité suisse il était ottoman. Il tente sans succès de devenir avocat à Alexandrie. Il épouse cette même année, Élisabeth Brocher. En 1921, naissance de sa fille Myriam. En 1924, sa femme meurt d'un cancer. En 1925, Albert prend la direction de la Revue juive à Paris, qui compte à son comité de rédaction Albert Einstein et Sigmund Freud. De 1926 à 1931, il occupe un poste de fonctionnaire attaché à la Division diplomatique du Bureau international du travail, à Genève. Il trouvera dans cette expérience l'inspiration qui lui permettra de construire l'univers d'Adrien Deume et de Solal des Solal pour Belle du Seigneur. En 1931, il se marie en secondes noces avec Marianne Goss dont il divorcera.
En 1941, il propose de regrouper les personnalités politiques et intellectuelles européennes réfugiées à Londres dans un comité interallié des amis du sionisme qui aidera la cause d'un État juif, une fois la paix revenue. En effet, les dirigeants sionistes choisissent de porter tous les efforts sur le sauvetage des Juifs d'Europe quitte à sacrifier l'avenir politique. La stratégie de propagande de longue haleine de Cohen n'est donc plus d'actualité. De plus, avec l'entrée en guerre des États-Unis, l'Agence juive comprend que l'avenir du sionisme dépendra plus de l'Amérique que de l'Europe. Cohen est alors chargé par l'Agence juive pour la Palestine d'établir des contacts avec les gouvernements en exil. Il s'irrite vite de la méfiance de ses supérieurs de l'Agence juive. Il démissionne en janvier 1944 très déçu par la cause sioniste.
Le 10 janvier 1943, la mère de Cohen décède à Marseille. Cette même année il rencontre sa future troisième épouse, Bella Berkowich, En 1944, il devient conseiller juridique au Comité intergouvernemental pour les réfugiés dont font partie entre autres la France, le Royaume-Uni et les États-Unis. Il est chargé de l'élaboration de l'accord international du 15 octobre 1946 portant sur le statut et la protection des réfugiés. En 1947, Cohen rentre à Genève. Il est directeur d'une des institutions spécialisées des Nations unies. En 1957, il refuse d'occuper le poste d'ambassadeur d'Israël, pour poursuivre son activité littéraire.
Dans les années 1970, Albert Cohen souffre de dépression nerveuse et manque de mourir d'anorexie en 1978. Cette mort qu'il attend à chaque instant depuis toujours, ne veut pas de lui. Il change alors radicalement de vie à plus de 80 ans… et va employer ses dernières années à faire ce que son grand ami Marcel Pagnol avait fait toute sa vie : la promotion de son œuvre. Sortant de l'ascèse, il publie ses Carnets 1978 et répond aux demandes d'interviews. Une interview télévisée exclusive de Bernard Pivot, réalisée depuis son domicile genevois situé 7, avenue Krieg, pour Apostrophes le propulse sur le devant de la scène littéraire. Un numéro du Magazine littéraire lui est enfin consacré.
Il publie son dernier texte dans Le Nouvel Observateur en mai 1981 en forme de dernière glorification de l'amour de sa femme pour sa personne.
Albert Cohen décède à 86 ans, le 17 octobre 1981 très tôt après la publication de son texte, des complications d'une pneumonie. Il est enterré au cimetière israélite de Veyrier, près de Genève. Bella Cohen est décédée le 1er décembre 2002, à 83 ans.

"Je ne suis pas un écrivain "

Dès son entrée au royaume des lettres, Albert Cohen a été promis à la gloire, cette gloire qu'il sera contraint de refuser. Il finira par nier avec obstination son titre d'écrivain. Un entretien qu'il accorde au Magazine littéraire en 1979 débute ainsi : « Je dois le dire tout de suite : je ne suis pas un écrivain. » Cette attitude explique le long silence qui fut le sien. Célèbre en 1930, Albert Cohen n'aura plus qu'un petit nombre d'admirateurs dans les années cinquante ; il faudra, en 1954, la publication du Livre de ma mère, et en 1968, de Belle du Seigneur (qui lui vaudra le grand prix du Roman de l'Académie française), pour qu'on entende à nouveau parler de lui. Le 23 décembre 1977, Bernard Pivot dans son émission Apostrophes révèle à des millions de téléspectateurs qu'Albert Cohen est l'un des grands écrivains de notre temps. Les dernières années de sa vie, le romancier, qui vit tranquille dans son appartement de Genève, reçoit les honneurs de la consécration ; lui, l'oublié de la plupart des anthologies, entre enfin dans le dictionnaire ! Cette reconnaissance n'est qu'une consolidation : rien ne pouvait réduire les effets de la cassure. Dans Belle du Seigneur, Albert Cohen arrête le récit aux années trente ; le reste de son œuvre ne consacre que quelques phrases au temps du mépris et de l'abomination. Dire le malheur a été au-dessus de ses forces, il n'en a été que le prophète. « Non, Seigneur Ézéchiel, ils ne sont pas méchants, les Allemands, ils sont des fils, ils aiment leur Maman, ils chantent des jolies chansons. Seulement, ils ne comprennent pas que les Juifs ont mal quand on leur fait mal... » fait-il dire à Jérémie dans Ézéchiel, pièce jouée à la Comédie-Française en 1933. En 1938, Albert Cohen cesse de se vouloir écrivain et ce n'est pas là un échec ordinaire : il vient de publier Mangeclous, un chef-d'œuvre du roman comique. Éclat de rire gigantesque, ce roman est la suite de Solal, et constitue un nouveau pas dans la dérision.
Déjà, en 1922, la seconde nouvelle publiée par Albert Cohen à la N.R.F. s'intitulait La Mort de Charlot et le jeune écrivain y donnait la parole à un film muet. C'est que le cinéma des Chaplin et des Buster Keaton est un signe de notre temps et l'écriture de Cohen emprunte ce signe à l'image. Le rire, arme de vérité, fait du burlesque flamboyant de Mangeclous un chant en l'honneur de la dignité bafouée. « Albert Cohen nous montre l'authentique visage de l'homme », proclamait le critique allemand de la Vossische Zeitung : qu'il s'agisse des jeux de la passion amoureuse ou du gouvernement des hommes, toujours l'écrivain en appelle aux forces de vie. Mais en même temps ce sage, incarnant l'esprit de civilisation, nous met en garde : c'est la faillite de l'Occident que l'œuvre éclaire.

Combats

La guerre déclarée, Albert Cohen se tait et mène son combat, à Londres, nouvelle étape d'une carrière diplomatique commencée au B.I.T. d'Albert Thomas et qu'il avait quittée pour se consacrer totalement à l'écriture. La réussite littéraire, pourtant, le jeune prodige découvert par Jacques Rivière la désirait intensément. Dès leur première rencontre, à Genève, Jacques Rivière lui avait proposé un contrat pour des romans. À vingt ans, Cohen dirige La Revue juive à laquelle collaborent Albert Einstein et Sigmund Freud ; en 1926, à propos de Visions – texte qui ne sera jamais publié – Max Jacob déclare son admiration et clame le génie de l'écrivain genevois ; dès la publication de Solal, Gaston Gallimard verse une rente au romancier. Le comité de lecture de la Comédie-Française découvre une pièce de théâtre envoyée à l'insu de son auteur et la monte en 1933. Il y a des bousculades et des cris aux représentations d'Ézéchiel : l'auteur est juif, mais la critique parle de ses accents shakespeariens. Malgré cette fulgurante ascension, Albert Cohen laissera le devant de la scène à son meilleur ami, son compagnon du lycée de Marseille, Marcel Pagnol. Sa fuite ne sera pas exactement celle de Rimbaud : renonçant à l'écriture, il ne cherchera son désert que dans les ruines des bombardements. On est tenté de l'identifier à Solal, le plus fameux de ses personnages, mais une telle assimilation serait téméraire : aux dernières pages du premier roman, Solal, nous dit l'auteur, est « celui qui regarde le soleil en face ». Est-il encore Solal, le Cohen de Londres, ce neveu bien-aimé des Valeureux, qui fait carrière et devient ministre ? Le roman naît de l'enchantement de l'antique Méditerranée, berceau de l'humanisme : comment être Solal quand les Valeureux, dans l'Europe agonisante, sont l'objet de la pire des persécutions ? Finie la dérision joyeuse : dans les brumes de Londres, Albert Cohen mène la résistance d'Israël. Personnage important, il représente Chaïm Weizmann et le sionisme. Il va rencontrer de Gaulle, dont il sera plus tard l'un des auteurs de chevet (les hommes politiques aiment à lire Cohen et François Mitterrand fera beaucoup pour la reconnaissance de son mérite). Dès 1945, il dirige la division de protection juridique et politique à l'O.N.U. et ce cahier blanc dont il est l'auteur, travail de juriste qui permet aux apatrides d'avoir enfin un vrai passeport, il va le considérer comme une des œuvres marquantes de sa vie. Solal n'est plus Solal et pourtant, par la grâce d'une femme, Bella, cette troisième épouse rencontrée en Angleterre et qui sera la compagne de sa vie, Albert Cohen va finir par le ressusciter. Le retour à l'écriture est l'œuvre de Bella. Désormais, tous ses livres, il va les écrire pour elle : Belle du Seigneur, chef-d'œuvre du roman français contemporain, féroce dénonciation de la passion, a été écrit dans la quiétude du bonheur conjugal par un diplomate en retraite de soixante-dix ans.
Entre Mangeclous et Belle du Seigneur, entre le deuxième et le troisième roman, s'étale une marge de trente années. Dans cette marge, un seul livre, le premier de trois ouvrages de confession, à la fois mise à nu et testament. Puisque Bella n'a pas connu sa mère, Albert Cohen écrit pour elle Le Livre de ma mère. De l'écrivain qu'il a été, de son succès, le diplomate garde, sans doute, une nostalgie. Quand Paul-Henri Spaak, son ami, lui conseille de renoncer à l'ambassade d'Israël à Paris (« Il y a beaucoup d'ambassadeurs dans le monde, il n'y a qu'un écrivain du nom d'Albert Cohen ! »), il est ébranlé.

La passion de l'Occident

Mais la déchirure est profonde et ce livre qu'il écrit pour sa femme révèle le drame. La mère d'Albert Cohen est morte à Marseille, pendant l'Occupation. Elle a succombé à la peur et au chagrin. Plusieurs membres de sa famille n'allaient pas revenir des camps de concentration. La judéité habite l'écrivain quand il parle de sa mère. Mais, tout en citant Moïse et la loi qui bannit le meurtre et la haine, il se veut aussi Homère, le conteur. Albert Cohen est juif de Grèce (il est né à Corfou le 16 août 1895). La première étape de son odyssée fut son voyage en France : il a cinq ans et déjà sa famille fuit un pogrom. Il fait ses classes à Marseille ; enfant solitaire, il ne vit que pour sa mère et pour ses livres. Si, pour une mère mythique, il compose ses plus beaux chants, c'est que l'amour de l'humble personne le guide et qu'elle éclaire son origine. Par elle, toutes les énigmes – et même la séduction de Solal – trouvent leur explication. Le petit Albert parlait patois vénitien avec sa mère : de Casanova, Solal hérite certains défauts que le romancier prendra soin de fustiger.
En 1972, Albert Cohen donne un prolongement à ce récit intime avec : Ô vous, frères humains. Au livre de la mère répond le livre de l'enfant. En 1905, Albert a dix ans : c'est l'histoire fameuse du camelot, la blessure fondamentale. Il se fait injurier, humilier par un de ces distraits qui confondent les juifs avec les chiens. La France vit au rythme de l'affaire Dreyfus, et l'antisémitisme fait des ravages. L'enfant apprend le racisme... Approchant les quatre-vingts ans, le vieil homme se souvient de l'enfant qu'il était, soixante-dix ans plus tôt. Parce qu'il a publié Le Livre de ma mère et travaillé déjà à l'histoire du camelot, Albert Cohen ose renouer avec l'imagination romanesque : ce sera Belle du Seigneur, où il se montre fidèle à ses fantasmes de jeunesse.
Avec ce monument de 845 pages, reviennent encore une fois les mêmes personnages que dans Solal et Mangeclous, la même société, cette Genève qu'il a habitée si longtemps et dont il a fait sa ville. Albert Cohen est aussi écrivain genevois, le plus grand sans doute depuis Jean-Jacques Rousseau. Il n'avait pas vingt ans lorsqu'il y débarqua, venant de Marseille. Il y épousa sa première femme, emportée très jeune par la maladie. Les filles de la cité de Calvin, tentation de la jeunesse, ont une beauté cruelle sous la plume du romancier. Ses livres étant miroir de sa vie, Albert Cohen a écrit toute sa vie le même livre, un livre unique, qui lui appartient totalement. Nous contant la passion amoureuse, il semble accepter un des grands thèmes de la littérature. Le voici dans le jardin des Stendhal, des Tolstoï, des Flaubert et des Proust. Ariane est une Mme Bovary, le beau Solal, un cousin de Vronsky, Genève et les salons de la S.D.N. sont un monde proustien qui semble à la mesure des ambitions stendhaliennes du héros. Mais par la singularité de son enracinement, Cohen se nourrit de plusieurs traditions. Son génie n'est pas seulement ce don d'écriture, cette maîtrise de la langue, héritée de la fréquentation des poètes latins et de l'admiration des écrivains français de son adolescence ; dans sa fresque, le romancier règle, une fois de plus, son compte à l'Occident : l'esprit de conquête a été la véritable vocation de la chevalerie, qu'il a entraînée dans les croisades de l'Orient, puis sur les vaisseaux des conquistadores. Ils ont fini par vouloir dompter la planète entière et leur aventure s'est terminée au milieu de ce siècle dans les plaines de Russie et de Pologne. L'amour-passion est lui aussi un legs de la chevalerie, c'est l'autre face de l'esprit de conquête. Le même orgueil conduit à la bestialité et au trépas. Le lien qui unit Solal et Ariane est lien de mort : les amants vont au suicide.
Empruntés à la comédie bourgeoise, les personnages du dernier roman d'Albert Cohen ont le destin des amants de Vérone ; comme Roméo et Juliette, Belle du Seigneur est une tragédie. Le poème de Tristan et Yseult renaît dans les beautés de l'écriture pour se dissoudre presque aussitôt dans le rire vainqueur de la caricature. Toutefois, les personnages du livre gardent une profonde humanité et l'écrivain conserve de la sympathie pour les victimes de son ironie. Le mari, le pauvre Adrien Deume, l'idiot d'une famille ridicule, s'il incarne la dérision de l'ambition, amuse plus qu'il ne rebute. Ariane agace, mais toujours le lecteur est séduit par son plaisir d'être ; la créature trouve son pardon dans les charmes que lui prête son créateur. On croit que le romancier s'identifie à Solal, mais, s'il a ressenti jamais la faiblesse de cette tentation, c'est pour mieux le morigéner, dénoncer sa superbe, l'inviter à son tribunal. Le verdict est impitoyable : il met hors la loi l'amour profane. L'indulgence ne concerne que les Valeureux. Avec Mangeclous, Saltiel et autres bons clowns, l'idée de l'homme est sauvegardée par le triomphe des humbles, que magnifie le comique. La place des Valeureux était plus importante encore dans la première version du roman : on en retrouve les pages soustraites – avec la tribu, ses philosophes et leur carnaval – dans Les Valeureux, livre publié en 1969.
Ultime éclairage donné à l'ensemble de son œuvre, renforçant sa conscience de l'homme, Albert Cohen publie en 1979 ses Carnets, impossible dialogue avec Dieu, suite de réflexions et d'aveux, confession écrite au jour le jour pendant de longs mois... Il meurt dans son appartement de Genève, le 17 octobre 1981. Gérard Valbert

Son Å“uvre

En 1921 il publie Paroles juives, un recueil de poèmes. Il publie ensuite un roman, Solal 1930, premier volume d'un cycle que Cohen a pensé un temps intituler La geste des juifs, ou Solal et les Solal. Le roman, préfigurant en quelque sorte Belle du seigneur, raconte la jeunesse du jeune grec sur l'ile de Céphalonie, ainsi que ses premières amours. Le livre bénéficie en France d'une critique exceptionnelle. Il est traduit dans de nombreuses langues et le succès du roman devient universel : Une œuvre stupéfiante, écrit le New York Herald Tribune ; pour le New York Times, Cohen, c'est James Joyce, Erskine Caldwell, Rabelais réunis, avec en plus la magie des Mille et Une Nuits. Les critiques anglaise, autrichienne, italienne ou helvétique s'expriment sur le même ton.
Vient ensuite Mangeclous en 1938. Aux analyses sentimentales s'ajoutent l'observation amusée de la gent S.D.N.. Après seize ans de silence, Cohen publie Le Livre de ma mère en 1954, poignant portrait d'un être à la fois quotidien et parfaitement bon qu'il évoquera une nouvelle fois dans ses Carnets 1978.

Belle du Seigneur

1968 est l'année de consécration pour Albert Cohen qui publie son œuvre majeure: Belle du seigneur. L'œuvre reçoit le Grand Prix de l'Académie Française. Il est fait chevalier de la Légion d'honneur en 1970. Belle du Seigneur, considéré par certains dont Joseph Kessel comme un roman central de la littérature française, est un hymne éternel à la femme, objet de fascination et de désespoir pour l'auteur. La leçon de séduction de Solal, donnée à Ariane au Chapitre XXXV, détruit plus vite et brutalement encore que Les Liaisons dangereuses l'espoir d'un amour qui ne serait pas basé sur une stratégie guerrière. Le livre est un succès public.

Å’uvres

Sont parus en volume du vivant de Cohen les ouvrages suivants :
Paroles juives poèmes, Kundig, 1921.
Solal roman, Gallimard, 1930.
Mangeclous roman, Gallimard, 1938.
Le Livre de ma mère récit autobiographique, Gallimard, 1954.
Ézéchiel théâtre, Gallimard, 1956 première version datant de 1930.
Belle du Seigneur roman, Grand prix du roman de l'Académie française, Gallimard, 1968.
Les Valeureux roman, Gallimard, 1969.
Ô vous, frères humains récit autobiographique), Gallimard, 1972.
Carnets 1978 récit autobiographique, Gallimard, 1979.
Et de manière posthume, les recueils suivants :

Écrits d'Angleterre textes rédigés par Cohen en Angleterre entre 1940 et 1949 ; préface de Daniel Jacoby, Les Belles Lettres, 2002.
Mort de Charlot textes rédigés en revue par Cohen dans les années 1920 ; préface de Daniel Jacoby, Les Belles Lettres, 2003.
Salut à la Russie textes rédigés par Cohen en 1942 dans la revue française de Londres La France libre ; préface de Daniel Jacoby, Le Préau des collines, 2004.
Le Roi mystère : entretiens avec Françoise Estèbe et Jean Couturier entretiens réalisés en 1976 pour France Culture, Le Préau des collines, 2009.



Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l






#137 Jules Laforgue
Loriane Posté le : 14/08/2015 19:22
Le 16 août 1860 naît Jules Laforgue

à Montevideo en Uruguay mort à 27 ans dans le 7e arrondissement de Paris le 20 août 1887 écrivain, poète français. Connu pour être un des inventeurs du vers libre, il mêle, en une vision pessimiste du monde, mélancolie, humour et familiarité du style parlé. Ses Œuvres principales sont Les Complaintes, L'Imitation de Notre-Dame la Lune, Des Fleurs de bonne volonté, Derniers vers, Spleen.
Lecteur de l'impératrice Augusta à Berlin 1881-1886, il revint à Paris pour mourir de la tuberculose. Il n'avait fait paraître que deux recueils les Complaintes, 1885 ; l'Imitation de Notre-Dame de la Lune, 1886, mais ses amis publièrent les contes en prose des Moralités légendaires (887 et le recueil des Derniers Vers 1890. Il allie le dandysme à l'obsession de la mort, en un style précieux et impressionniste ; il fut un des créateurs du vers libre.

En bref

Devenu légendaire, Jules Laforgue naît à Montevideo. À six ans, il entre au lycée de Tarbes, à quatorze ans au lycée Fontanes aujourd'hui Condorcet, à Paris. Il échoue au baccalauréat, et, tandis que sa famille rejoint Tarbes, se livre à d'humbles travaux de copie pour Charles Ephrussi, directeur de la Gazette des beaux-arts. Il se lie d'amitié avec Charles Cros, Maurice Rollinat et Paul Bourget. Il collabore à quelques petites revues et correspond avec Gustave Kahn.
En décembre 1881, Laforgue obtient un poste de lecteur auprès de l'impératrice Augusta, grand-mère du futur Guillaume II. Il séjourne donc à Berlin, accompagnant l'impératrice à Bade, à Coblence et à Elseneur. C'est dans cette dernière ville, selon toute vraisemblance, qu'il conçut son Hamlet, ce conte des Moralités légendaires qui sera son autoportrait. Atteint par la tuberculose, il quitte Berlin en septembre 1886. Peu auparavant, il a rencontré une jeune Anglaise, Leah Lee, qu'il épouse le 31 décembre 1886. Le couple s'installe à Paris. Mais déjà le poète, miné par la maladie, doit limiter son travail à quelques collaborations, entre autres à La Vogue de Gustave Kahn et à la Revue indépendante d' Édouard Dujardin. Laforgue meurt à Paris l'année suivante, dans le dénuement le plus complet ; Leah Lee, qui avait contracté son mal, ne lui survécut que quelques mois.
Quatre vers extraits des Locutions des Pierrots dans L'Imitation de Notre-Dame la Lune peuvent s'entendre comme une simple fantaisie mineure à l'accent personnel ou comme le reflet de l'inquiétude moderne :
Ah ! oui, devenir légendaire,
Au seuil des siècles charlatans !
Mais où sont les Lunes d'antan ?
Et que Dieu n'est-il à refaire !
Tout Laforgue est dans cette double démarche et dans ce double écho. Son génie est d'avoir, dans le temps étroit qui lui fut imparti, mené à bien la tâche étrange de composer une œuvre sous laquelle n'apparaît d'abord que le masque, mais de l'avoir composée avec assez d'âme pour qu'apparaisse un visage posthume que l'on découvre peu à peu.
Sa brève existence pourrait être placée sous le signe du déracinement : quittant son Montevideo natal, il passe à Tarbes une adolescence sombre et solitaire, puis gagne Paris pour cultiver la pauvreté en même temps que des rêves de gloire littéraire. Là, il devient secrétaire d'un riche collectionneur, Charles Éphrussi, et, en 1881, il sera lecteur de l'impératrice Augusta. Commence alors l'exil allemand, triste et doré, qui le mène de villégiature en villégiature et approfondit un ennui Je m'ennuie, natal ! que ne parviennent à dissiper ni son amitié pour le pianiste Théodore Isaye, ni les soirées au concert, ni les visites des musées il acquit un goût sûr en peinture. Il quitte Berlin avec une jeune Anglaise, qu'il épouse à Londres, avant de revenir goûter, malgré l'aide de ses amis, à la misère parisienne. Il meurt quelques mois après son retour, phtisique, suivi de peu dans la tombe par sa femme.
Cette vie errante impose sa marque à une œuvre désinvolte, aérienne, grinçante, qui s'est voulue résolument moderne. Laforgue fréquente tout d'abord les Hydropathes, se lie d'amitié avec Gustave Kahn, qui l'aidera pour ses publications, voue une admiration fervente au jeune Paul Bourget ; on trouvera donc trace en lui d'un certain goût du grotesque, de réflexions sur la prosodie et d'un culte du nouveau mal du siècle. En six ans, son parcours est immense et exemplaire des nouvelles tendances de l'époque : des nombreuses influences qu'il subit, la première, celle de Baudelaire, lui fait définir un spleen acéré qui constitue une note fondamentale de sa poésie ; à Verlaine il empruntera quelque goût pour l'impair et, surtout, un travail assidu sur la métrique ; grâce aux Poètes maudits, il découvre Rimbaud et pressent immédiatement son importance. Mais c'est Mallarmé qu'il admire le plus et on le verra cultiver l'ellipse et raffiner sa syntaxe. Ces veines sont étayées par un substrat philosophique qui ira en s'atténuant : une crise religieuse aboutit à la tentation du néant et à un bouddhisme affirmé ; à l'hégélianisme s'ajoute la découverte de l'inconscient (par la Philosophie de l'inconscient de Hartmann, qui accentue le pessimisme nourri de la lecture de Schopenhauer et motive sa conception de l'art qui est tout, du droit divin de l'Inconscience . Si le syncrétisme de toutes ces tendances n'a pas eu vraiment le temps de s'opérer et si des lambeaux de théorie entachent la limpidité des premiers écrits le Sanglot de la terre, composé en 1880, l'ironie, la pirouette, le sourire cynique, bref, tout un art de la distance ou de la pose – suprême sincérité ? – empêchent l'œuvre de venir grossir le lot des poésies à thèse ou des plagiats.
L'emphase outrée des interrogations métaphysiques, l'humour qui bafoue la passion et défait le discours amoureux ou le corps féminin, tout concourt à la désacralisation des mythes ; et en particulier la parodie qui s'attaque pêle-mêle aux textes célèbres, aux rites ou aux personnages illustres surtout dans la prose. Laforgue travaille aussi à souligner la dérision de tout symbole, et il est bien plus décadent en ce sens que symboliste.

Sa vie

Né d'une famille qui avait émigré en Uruguay comme nombre de Pyrénéens espérant y faire fortune, il est le deuxième de onze enfants. Son père y avait ouvert un modeste établissement éducatif libre, dispensant des cours de français, de latin et grec ; après son mariage avec la fille d'un commerçant français, il se fit embaucher comme caissier à la banque Duplessis et où il finit par être pris comme associé.
À l’âge de six ans, Jules vient en France avec sa mère, ses grands-parents et ses cinq frères et sœurs, s'établir dans la ville de Tarbes d’où est originaire le père. Jules et son frère aîné Émile y sont confiés à des cousins. Entre 1868 et 1875, il est pensionnaire au lycée Théophile Gautier de Tarbes et s'y révèle un assez bon élève, mais sans excellence. Il a pour répétiteur Théophile Delcassé avec qui il restera en relation.
En octobre 1876, il rejoint à Paris sa famille, revenue entre-temps d’Uruguay en mai 1875, et s'installe au 66 rue des Moines. Sa mère meurt en couches en avril 1877 alors qu’il a 17 ans. Son père, souffrant, retourne à Tarbes tandis que Laforgue reste à Paris poursuivre ses études au lycée Fontanes maintenant appelé lycée Condorcet. Le père et ses onze enfants déménagent rive gauche au 5 rue Berthollet, Émile étant inscrit à l’École des beaux-arts. Laforgue trouve en sa sœur Marie, troisième de la fratrie, une vraie confidente.
Il échoue au baccalauréat de philosophie il aurait essayé à trois reprises, en partie à cause de sa timidité, incapable d'assurer l'oral. Il se tourne alors vers la littérature et la lecture des poètes et des philosophes en passant cinq heures par jour dans les bibliothèques et ne se nourrissant que très peu.

Un départ difficile

Après ces études avortées, il mène à Paris une vie relativement difficile.
Il collabore en 1879 à sept livraisons de La Guêpe, revue éditée à Toulouse par les anciens lycéens de Tarbes, et y produit critiques et dessins légendés au ton moins comique qu'ironique, ainsi qu'au premier numéro de l'éphémère revue L'Enfer.
Fin 1880, il publie ses trois premiers textes dans la revue la Vie moderne dirigée par Émile Bergerat qui lui en donne vingt francs.
Portrait posthume de Jules Laforgue par Félix Vallotton paru dans Le Livre des masques de Remy de Gourmont 1898
Sur la recommandation de son ami Gustave Kahn et par l’intermédiaire de Paul Bourget, alors auteur à peine connu, il devient secrétaire du critique et collectionneur d’art Charles Ephrussi, qui dirige la Gazette des beaux-arts et possède une collection de tableaux impressionnistes. Jules Laforgue acquiert ainsi un goût sûr pour la peinture. Il gagne 150 francs par mois et travaille sur une étude portant sur Albrecht Dürer que compte signer Ephrussi.
Il avait rencontré Gustave Kahn au tout début de l'année 1880 dans une réunion littéraire régulière de la rive gauche, le Club des Hydropathes où se croisaient Alphonse Allais, Charles Cros, Émile Goudeau, et nombre de poètes que l’on appellera plus tard les symbolistes. Kahn rapporte que Jules rencontra Stéphane Mallarmé et qu'ils s'apprécièrent.
Il vivait à cette époque dans une chambre meublée située rue Monsieur-le-Prince.
Gustave Kahn, encore : Il avait un aspect un peu clergyman et correct un peu trop pour le milieu. ... Je l'avais un peu remarqué à cause de sa tenue, et aussi pour cette particularité qu'il semblait ne pas venir là pour autre chose que pour écouter des vers ; ses tranquilles yeux gris s’éclairaient et ses joues se rosaient quand les poèmes offraient le plus petit intérêt... Il m'apprit qu'il voulait se consacrer à l'histoire de l'art et il méditait aussi un drame sur Savonarole.

Le masque

Laforgue apparut d'abord comme un clown, et il faut dire qu'il a tout fait pour cela. Mieux que n'importe qui, il fut ce Pierrot lunaire dont parlait Albert Giraud. Dans une époque sevrée des vérités de l'âme et dangereusement ballottée entre les excès romantiques et les sécheresses du naturalisme, il fut de ceux qui cherchèrent désespérément une issue poétique au drame humain. La pudeur – une pudeur toute naturelle – lui fit endosser cet habit d'Arlequin qui lui seyait à merveille. On n'y vit d'abord que l'affectation. Déjà, en 1896, dans le Livre des masques, Remy de Gourmont écrivait : Il avait trop froid au cœur ; il s'en est allé et parlait de sa glaciale affectation de naïveté. Il est vrai qu'il lui rendait un peu justice à la fin, en déclarant : Si son œuvre interrompue n'est qu'une préface, elle est de celles qui contrebalancent une œuvre.
Les masques ont la vie dure. Jean Cocteau l'a su et l'a dit, qui fut longtemps considéré comme un fantaisiste et qui doit tant à Laforgue. D'Alfred Jarry à Jacques Prévert, la liste est longue des poètes qui, avec plus ou moins de pureté, ont voulu se masquer pour faire entendre, à un monde résolument tourné vers la prose, des vérités qui, étant celles de l'agneau, ne pouvaient être que murmurées. Aussi Laforgue passe-t-il, pendant longtemps, pour un simple amuseur, tant il est vrai qu'il mit d'humour, un humour personnel et grinçant, à ne pas dévoiler son âme :
Et du plus loin qu'on se souvienne
Comme on fut piètre et sans génie.
Quand Ariel prend le masque de Caliban, le monde se reconnaît assez en lui pour ne plus chercher Ariel sous le masque.

Le visage

Dans Les Complaintes comme dans Les Moralités légendaires, dans les vers comme en prose, Laforgue n'écrivit pas un mot qu'il ne l'eût d'abord payé de toute son âme. Il fut ainsi, mais à visage couvert, plus innocent que Verlaine et que Rimbaud, et on ne peut le comparer qu'à William Blake. Il fallait être un vrai poète, et un poète très proche de son âme, pour reconnaître l'homme sous le masque. T. S. Eliot ne s'y est pas trompé, qui disait que Laforgue était plus proche de l'école de John Donne que n'importe lequel des poètes modernes anglais. Émile Verhaeren, qui fut lui-même plus proche de l'enfance qu'on ne l'a dit, portait sur Laforgue ce jugement extrêmement sûr : ... un enfant, doux, primitif et simple, bon supérieurement et clair. L'esprit et la blague ne sont chez lui que des masques. Ainsi apprit-on peu à peu à dégager Laforgue du personnage qu'il s'était composé.
Débarrassé du matériel de l'époque, ce Pierrot lunaire apparaît comme le frère de tous ceux qui, avec une angoisse vraie, cherchent vers la métaphysique une issue au destin de l'homme. L'actualité des thèmes de ce métaphysicien sentimental, son humour si particulier, sa sensibilité si neuve, son inquiétude déguisée en rêve, tout cela le rend non seulement proche mais nécessaire. On peut trouver une réponse aux problèmes d'aujourd'hui sans passer par Laforgue, mais on ne peut raisonnablement cerner l'inquiétude moderne sans l'avoir d'abord éprouvée en lui. Ainsi se vérifie la vieille loi selon laquelle les poètes, exclus de la cité, ouvrent la voie aux bâtisseurs et aux citoyens. Je n'aurai pas été là-bas, dans les étoiles, dit Laforgue avec le regret d'un enfant. N'est-ce pas là qu'il nous attend ? Gérard Prévot

L’Allemagne

Juste au moment de la mort de son père à l'enterrement duquel il ne put assister, il part le 18 novembre 1881 pour Berlin, où il vient d'être nommé lecteur de l'impératrice allemande Augusta de Saxe-Weimar-Eisenach, âgée de 71 ans et grand-mère du futur kaiser Guillaume II. C'est par le biais d'Amédée Pigeon, précédent lecteur d'Augusta, que Jules trouva ce poste : Amédée en parla à Paul Bourget et le lien fut fait.
Avant de partir, il abandonne sa part d'héritage au profit de sa fratrie. Il s'arrête dans un premier temps à Coblence au château de Stolzenfels et, de là, on le conduit à Berlin, au Prinzessinen-Palais, situé sur Unter den Linden. On lui donne un appartement situé au rez-de-chaussée et comprenant trois pièces.
Son travail consiste à lire à l’impératrice, deux heures par jour, les meilleures pages des romans français et des articles de journaux comme ceux de La Revue des deux Mondes. L'usage de parler le français à la cour remonte au XVIIIe siècle.
Il s’agit d’un emploi rémunérateur, payé tous les trois mois, pour un total de 9 000 francs annuel, qui lui laisse du temps libre et qui lui permet de voyager à travers l’Europe. Augusta partait en villégiature de mai à novembre : Jules devait l'accompagner. Mais surtout, une fois cette corvée impériale effectuée, il se consacre à la lecture et achète de nombreux livres. Le soir, il va au cirque ou dans des cafés9. Laforgue ne put effectuer un seul voyage à Paris durant cette période, bien qu'il disposât d'une période de quinze jours de congés par an.
Ses premiers contacts avec des Français vivants à Berlin sont rares : il croise le futur correspondant musical du Temps, Th. Lindenlaub, grâce auquel il va se lier d'amitié avec le critique Teodor de Wyzewa et le jeune pianiste belge Théo Ysaÿe. Malgré cela, il éprouve le poids de l'exil, de l'ennui et de la mélancolie, comme il l'exprime dans sa correspondance avec son ami le mathématicien Charles Henry 1859-1926.
Il rédige au cours de ces cinq années une série de textes sur la ville de Berlin et la cour impériale, dont quelques-uns seront envoyés à la Gazette des beaux-arts. En mars 1885, il publie quelques-unes de ses complaintes dans la revue Lutèce qui seront publiées ensuite par Léon Vanier aux frais de Laforgue et dédiées à Paul Bourget. Vanier, éditeur de Paul Verlaine, publiera également L’Imitation de Notre-Dame la Lune, toujours à compte d'auteur.
En 1886, il quitte son poste de lecteur. En janvier de cette année-là, à Berlin, il rencontre une jeune Anglaise, Leah Lee, qui lui donne des cours d'anglais. Elle devient sa maîtresse puis il l'épouse le 31 décembre, à Londres. Il rentre alors à Paris. Son état de santé se dégrade rapidement : atteint de phtisie, il meurt en août 1887 à son domicile du 8, rue de Commaille ; il venait d'avoir 27 ans ; sa femme, atteinte du même mal, succombera l’année suivante.
Il avait collaboré à des revues telles que la Revue indépendante, le Décadent, la Vogue, le Symboliste, la Vie moderne, l'Illustration. Il était proche d'écrivains et de critiques comme Édouard Dujardin et Félix Fénéon.
Il jouait avec les mots et en créait fréquemment. Il dessinait. Il était un passionné de musique. Il refusait toute règle de forme pour l’écriture de ses vers. Les écrits de Jules Laforgue sont empreints d’un fort mal de vivre – son spleen –, par le sentiment de malheur et la recherche vaine de l’évasion, et témoignent au fond d'une grande lucidité.
J’aurai passé ma vie le long des quais
À faillir m’embarquer
Dans de biens funestes histoires
Tout cela pour l’amour
De mon cœur fou de la gloire d’amour
— Poème sans titre extrait du 10e texte du recueil posthume Derniers vers.
Å’uvres
Poésie
Les Complaintes 1885
L’Imitation de Notre-Dame la Lune 1886
Le Concile féerique 1886
Publications posthumes
Des Fleurs de bonne volonté 1890
Derniers Vers de Laforgue11 1890
Le Sanglot de la terre 1901
Premiers poèmes 1903
Anthologie poétique de Jules Laforgue 1952
Traduction
Feuilles d’herbe Leaves of grass, de Walt Whitman
Contes en prose
Les Moralités légendaires 1887
Varia
Une vengeance à Berlin14, nouvelle, L'Illustration, 7 mai 1887
Jean Vien, Berlin, la cour et la ville, préfacé par G. Jean-Aubry, 1922
Stéphane Vassiliew, nouvelle, 1946

Éditions illustrées

Les Complaintes, avec 25 eaux-fortes de Gabriel Dauchot, Société normande des amis du livre, 1957.



Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l






#138 Louis Nucéra
Loriane Posté le : 08/08/2015 18:51
Le 9 août 2000 meurt à Carros Louis Nucéra

à 72 ans, né le 17 juillet 1928 à Nice, écrivain, journaliste, directeur littéraire, français qui reçut le Prix Interallié en 1981 et le Grand prix de littérature de l'Académie française en 1993 pour l’ensemble de son œuvre.Ses Œuvres principales sont Le Chemin de la Lanterne, Avenue des Diables bleus.

Sa vie

Cycliste il a refait à vélo le parcours du Tour de France 1949, employé de banque, journaliste, attaché de presse dans une maison de disques, directeur littéraire chez Lattès, écrivain, il publie son premier roman L’obstiné en 1970. Au travers de son œuvre, il retrace la vie des immigrés italiens Le ruban rouge, évoque ses amitiés avec Cioran, Kessel, Picasso, Cocteau, Hardellet, Brassens ou Moretti Mes ports d’attache, ou raconte son enfance niçoise Avenue des Diables bleus.
Il est mort le 9 août 2000 dans la zone industrielle de Carros : alors qu'il faisait du vélo, il a été fauché par un chauffard. Son ami Bernard Morlino a écrit "Louis Nucera, achevé d'imprimer" Le Castor Astral pour témoigner de leur amitié dans une œuvre où il livre un combat avec le langage.

Écrivain cycliste

Je suis venu au monde à l'ombre précaire d'une bicyclette suspendue entre ciel et terre.
Tel est l'incipit que Louis Nucéra place en ouverture du livre Mes rayons de soleil. Le titre de cet ouvrage est anodin et n'annonce pas vraiment ce dont les quelque 270 pages vont traiter. Pas même un vélo sur la couverture de l'édition d'origine, juste un paysage vallonné où le vert décline ses nuances. Le 6 mai 1985, à 8 h 30, de Livry-Gargan où le champion Antonin Magne exploita une ferme, l'écrivain s'élance pour une "grande boucle" à vélo, 4 813 kilomètres, les mêmes que le Tour de France avait proposé aux coureurs du Tour, en 1949, ceux-là où Fausto Coppi avait tracé une page de sa légende.
Le vélo comme source de littérature ne se réduit pas à un livre, dans la bibliographie de Louis Nucéra. Louis Nucéra en connaissait plus d'un rayon en matière de légende cycliste. Ainsi ce livre "Le Roi René", qui est clairement sous-titré "La passion du vélo", avait ouvert la voie en 19761. Quel romancier aurait pu inventer le vécu d'un jeune coureur, juste 20 ans en 1934, faisant demi-tour alors qu'il était en tête de course, pour aller donner une de ses roues à son leader, cet Antonin Magne qui allait remporter le Tour ? Pas roman, ce "Roi René" n'est pourtant pas la biographie de René Vietto. Peut-être, pour partie, celle de l'auteur ?

Article de presse.

L'écrivain niçois a été renversé hier, à Carros, par un automobiliste. Il avait 72 ans.

C'était un copain d'abord, un ami de Georges Brassens et de Joseph Kessel, de Raymond Devos et de Raymond Moretti, d'Alphonse Boudard et de Jean Cocteau. On connaissait aussi ses goûts, en particulier pour le vélo. Il a été fatal à ce «stakhanoviste de la bicyclette», selon l'expression d'André Tillieu dans sa biographie de Georges Brassens. Louis Nucera est mort en selle à 72 ans, renversé par un automobiliste dans ses Alpes-Maritimes natales. Le chauffeur est en garde à vue.
Téléphoniste. Né le 17 juillet 1928 à Nice, ville dont il ne cessera de se faire le héraut, fils d'un plombier mort jeune et d'une tricoteuse attentive, Louis Nucera dont le nom est parfois orthographié Nucéra, comme sur la couverture de son livre de mémoires, Mes ports d'attache, chez Grasse) a exercé divers métiers en s'arrangeant toujours, comme malgré lui, pour qu'ils aient un rapport avec la littérature. Employé de banque au Comptoir national d'escompte, où il débuta comme téléphoniste en 1944, il se précipite pour servir un client indifférent à presque tous ses collègues: le prix Nobel Roger Martin du Gard. Il note aussi que Jean Giono, «en 1911, était entré, comme chasseur, à l'agence de Manosque de la même banque». Journaliste au quotidien communiste le Patriote, puis directeur des relations publiques de Philips Disques quand il s'installe à Paris en 1964 (ça lui permet d'aider à lancer Johnny Hallyday, Nana Mouskouri et quelques autres, puis directeur littéraire chez Lattès de 1973 à 1986, il eut à ces trois postes l'occasion de faire des rencontres.
Joseph Kessel fut celui qui marqua le plus le jeune homme. «Je dois beaucoup à Joseph Kessel», écrit Louis Nucera. L'auteur du Lion préfaça son premier roman, l'Obstiné, paru chez Julliard en 1970. Kessel avait de l'amitié pour lui, et Louis Nucera raconta comment, voulant encore l'approfondir, il lui demanda à plusieurs reprises: Es-tu sûr de ne pas être juif?, prétextant qu'on ne sait jamais. Mais Louis Nucera était sûr.

Ami de Georges. Le jeune homme est aussi fou d'admiration pour Brassens, qu'il tâche d'interviewer. Notre première rencontre? C'était en 1954, toujours à Nice. J'étais à l'âge où il arrive que l'on ne sache pas qu'au nom de la liberté se fabriquent des tyrannies. ... Que nota-t-il dans mes propos qui le poussa à me dire: "La seule révolution, c'est de tenter de s'améliorer soi-même en espérant que les autres feront la même démarche."
D'abord «déçu» par l'aspect peu spectaculaire de la phrase de son héros, Louis Nucera ne tarde pas à s'y rallier. Et devient l'un des «amis de Georges», ainsi que les a chantés Georges Moustaki.
Louis Nucera a consacré deux livres entièrement au vélo: le Roi René, en 1976 au Sagittaire, où il évoque René Vietto, grand coureur du Tour de France des années 30 et 40, et Mes rayons de soleil, en 1987 chez Grasset, où il raconte comment, en 1965, il refit lui-même, à vélo, le Tour de France gagné par Coppi. A Louis Nucera, moins vif que le campionissimo, cela prit quand même trente-neuf jours pour parcourir tout seul, en 1965, plus de dix ans après les exploits de son héros, les 4 813 kilomètres.
Il était énervé que la lutte antidopage se cantonne au cyclisme, paraissant plus légère quand il s'agit de football. Il donnait des noms à ses bicyclettes Boudeuse était la plus rétive», précise l'AFP. Ses chats s'appelaient Caruso et Divine. Les félins eurent aussi droit à quelques titres: le Greffier, chez Julliard en 1971; Les chats, il n'y a pas de quoi fouetter un homme, chez Julliard en 1973; Chats, en 1987 chez Fixot, et Sa Majesté le chat, à l'Archipel en 1992.
Lauréat. Cet autodidacte fut récompensé par de nombreux prix très divers: prix littéraire de la Résistance pour Dora, paru chez Lattès en 1975; prix Interallié pour Chemin de la lanterne, chez Grasset en 1981; grand prix de littérature sportive pour Mes rayons de soleil, en 1987; prix Jacques Chardonne pour le Ruban rouge, chez Grasset en 1991; prix Fernand Méry pour Sa Majesté le chat, en 1992; et grand prix de littérature de l'Académie française, en 1993, pour l'ensemble de son oeuvre. Le lauréat devait sans doute se souvenir de ce que sa mère lui avait dit et qu'il raconte à la fin de Mes ports d'attache: «Quand ma mère sut que j'avais réussi au certificat d'études, elle me pressa contre elle et me dit: "A présent, je suis tranquille. Tu ne mourras pas de faim."
Il a hésité à écrire un deuxième volume autobiographique. «Continuerai-je jusqu'à épuisement? Ajouterai-je un autre volet à ces mémoires? Je suis en mesure de m'y mettre. J'aime tant écrire. Mais qui s'intéressera au parfum des livres dans quelques années? Il y a belle lurette, déjà, que l'on n'en coupe plus les pages.Lindon Mathieu

Å’uvres

1970 : L'obstiné
1971 : Le greffier
1973 : Cocteau - Moretti, l'âge du verseau
1973 : Les chats Il n'y a pas de quoi fouetter un homme
1974 : L'Ami
1975 : Dora, dans l'enfer du camp de concentration où les savants nazis préparaient la conquête de l'espace
1977 : La Kermesse aux idoles
1979 : Avenue des Diables-Bleus
1980 : Les Roues de la fortune
1981 : Le Chemin de la Lanterne
1983 : Entre chien et chat
1984 : Le kiosque à musique
1987 : Mes rayons de soleil
1989 : La chanson de Maria
1990 : Principauté de Monaco
1991 : Le ruban rouge
1994 : Mes ports d'attache
1997 : Le roi René
1994 : Villages perchés de Provence et de la Riviera
1998 : Ils s'aimaient
1998 : Parc national du Mercantour. Montagnes du soleil, avec Christine Michiels et Bertrand Bodin
2000 : Une Bouffée d'air frais
2000 : Saint-Malo, le rêve breton d'une enfance niçoise
2001 : Les contes du lapin agile
2001 : Brassens, délit d'amitié , présenté et préfacé par Bernard Morlino.
2001 : Les Chats de Paris, avec Joseph Delteil
2001 : Sa majesté le chat
2008 : Le goût de Nice, avec Jacques Barozzi, Louis Aragon, et Max Gallo
2010 : Ils ont éclairé mon chemin, anthologie de critiques littéraires réunies et présentées par Bernard Morlino
Le livre est réédité en 1996.
2006: La Mémoire d'un siècle Conférences, Éditions Vaillant

1999: Nice, de Colette à Louis Nucera Éditions du collège Fabre- Nice- avec Nicole Vaillant


Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l






#139 Hermann Hesse
Loriane Posté le : 08/08/2015 18:16
Le 9 août 1962 meurt Hermann Hesse à 85 ans

à Montagnola en Suisse né le 2 juillet 1877 à Calw, Royaume de Wurtemberg, Empire allemand, romancier, poète, peintre et essayiste allemand puis suisse. Il a obtenu le prix Goethe, le prix Bauernfeld en 1905 et le prix Nobel de littérature en 1946. Il reçoit les distinctions de prix Goethe, prix Bauernfeld et le prix Nobel de littérature en 1946. Ses Œuvres principales sont Demian en 1919, Siddhartha en 1922, Le Loup des steppes en 1927, Narcisse et Goldmund en 1930, Le Jeu des perles de verre en 1943

En bref


Hermann Hesse est un écrivain allemand, naturalisé suisse en 1923 Calw, Wurtemberg, 1877 – Montagnola, Tessin, 1962.
Personnalité contradictoire, marquée par une éducation stricte, Âme d'enfant, 1920, une rébellion contre toute forme d'autorité l'Ornière, 1906 et l'incapacité de choisir un métier, il oscillera toujours entre les deux piliers-principes du monde révolte/nostalgie de l'ordre, errance/fixation, tradition/modernisme, Occident/Orient. Après les poèmes des Romantische Lieder 1899, son premier roman Peter Camenzind, 1904, d'inspiration romantique et reflétant « la part rêveuse, oublieuse et paisible de lui-même Blanchot, le prix Nobel lui assure la consécration en 1946. Ses prises de position pacifistes lui valent dès 1914 des haines irréductibles. Une crise cure de psychanalyse en 1916 lui fait concevoir la littérature comme le moyen d'exprimer ses conflits, déjà présents dans Rosshalde 1914 et chez le vagabond Knulp 1915. Ainsi, Demian 1919 décrit deux mondes, celui de la sécurité familiale et morale et celui des interdits, plus fascinant que l'autre, tandis que Siddharta 1922, récit hindou qui sera redécouvert par la jeunesse américaine des années 1960, montre que la sagesse ne peut être acquise qu'au bout d'un long périple, en dehors des canons traditionnels éducatifs et religieux. Si le Loup des steppes 1927 est un roman grinçant et chaotique, Narcisse et Goldmund 1930 se distingue par sa sérénité et un retour à la forme classique de l'errance éducative , celle d'un jeune artiste qui, dans un Moyen Âge tourmenté, parfait sa vocation. Autodidacte, Hesse, qui a fait un séjour en Inde en 1911, étudie la pensée orientale Voyage en Orient, 1932 en y cherchant l'unité du moi, dont la nostalgie apparaît tout au long de son œuvre dans des couples de personnages complémentaires, où l'un, qui se cherche, a besoin de l'aide de l'autre, qui choisit un chemin différent ou lui ouvre des horizons inconnus Giebenrath/Heilner dans l'Ornière ; Sinclair/Demian ; Govinda/Siddharta ; Haller/Hermine dans le Loup des steppes ; Goldmund/Narcisse : synthèse qu'il tentera de réaliser dans l'apothéose qu'est son dernier roman, le Jeu des perles de verre 1943.
Hermann Hesse, poète, romancier, critique et éditeur, appartient à cette famille d'auteurs qui étonnent, irritent et provoquent, mais suscitent également l'enchantement et l'enthousiasme. Son œuvre semble, en tout cas, exclure l'indifférence. Cela tient avant tout aux critiques de Hesse lui-même, dirigées à la fois contre la société industrielle et contre sa propre personne. Cette disposition à se mettre toujours en question l'a conduit de crise en crise et l'a rendu apte à exprimer la crise européenne, qu'il représente sous sa double face : processus de destruction, mais aussi promesse d'une renaissance. L'œuvre de Hesse illustre dans une large mesure ce « principe de l'espérance » qui, selon le philosophe Ernst Bloch, caractérise l'utopie des créations artistiques.
La tradition romantique. Deux témoignages sont révélateurs dans l'enfance de Hesse : d'après sa mère, il fut un enfant difficile ; quant à lui, il a fortement idéalisé cette époque. Son enfance lui a laissé des souvenirs émus et sans mélange, elle est restée le paradis perdu par opposition à l'univers plat et commun des adultes, auquel on ne peut échapper que grâce au charme et à la magie de la poésie. Le héros de ses romans est presque toujours l'ennemi juré de la médiocrité, l'épouvantail du petit-bourgeois. Très tôt, Hesse se distingue par son refus de la contrainte collective et de l'autorité, et par l'aspiration à un monde idéal. Sa jeunesse est pleine de révoltes et de turbulences. Il parvient bien difficilement au seuil de l'âge adulte. Les premiers essais poétiques du jeune libraire sont fortement enracinés dans la tradition romantique allemande. Les Chansons romantiques, Une heure après minuit 1899, Hermann Lauscher 1901 expriment en images mélancoliques la nostalgie d'un univers de rêve et l'isolement dans la réalité. De là cette fuite dans le royaume de l'art. Même si Hesse rejette plus tard l'esthétisme de ses jeunes années, la recherche platonique de l'utopie du beau, du vrai et du bien restera un trait essentiel de sa création. Nature et tradition sont les pôles entre lesquels oscille son œuvre, délibérément en rupture avec la réalité. Dans Peter Camenzind, publié en 1904, son premier succès de romancier, le héros fuit la ville pour retourner à ses montagnes natales et finit par s'y révéler poète. Ce thème de la recherche de soi-même trouve un large écho auprès d'une jeunesse en conflit avec le monde des pères, qui proteste contre la société industrielle moderne, préfère la campagne à la ville et commence à se constituer en associations. Mais à cette époque déjà, Hesse rejette toute sorte d'accommodement avec la collectivité. C'est l'individu qui l'intéresse, parce qu'il représente la dernière certitude dans une culture en décadence et en même temps la première promesse d'une renaissance.

Sa vie

Hermann Hesse est issu d'une famille de missionnaires chrétiens de confession protestante. Ses parents furent tous deux engagés pour la Mission protestante de Bâle en Inde, où sa mère, Marie Gundert, était née en 18421. Son père, Johannes Hesse, né en 1847 dans la famille d'un médecin, était d'origine germano-balte où la famille vécut à Weissenstein aujourd'hui Paide en Estonie. Dans la petite ville de Calw, en Forêt-Noire, la famille tint à partir de 1873 une maison d'édition missionnaire sous la direction du grand-père maternel de Hesse, Hermann Gundert. Il eut cinq frères et sœurs, dont deux moururent prématurément.
Le monde dans lequel Hermann Hesse vécut ses premières années était totalement imprégné de l'esprit du piétisme souabe. En 1881, la famille s'installa à Bâle pour cinq années, mais revint ensuite à Calw. Après avoir achevé ses études latines avec succès à Göppingen, Hesse rejoignit en 1891 le séminaire évangélique de Maulbronn dont il fera le cadre de son roman L'Ornière. Là se révéla en mars 1892 son caractère rebelle : Hesse s'échappa du séminaire et ne fut rattrapé que le lendemain, en pleine nature.
Dès lors commença, sur fond de violents conflits avec ses parents, une odyssée à travers divers établissements et écoles. Hermann Hesse était dans une phase dépressive de son trouble bipolaire, et il exprima dans une lettre du 20 mars 1892 des pensées suicidaires Je voudrais partir comme le coucher de soleil. En mai 1892, âgé de quinze ans, il fit une tentative de suicide dans l'établissement de Bad Boll dirigé par le théologien et directeur de conscience, Christoph Friedrich Blumhardt. À la suite de cela, Hermann fut placé dans la maison de santé de Stetten im Remstal, et plus tard dans un établissement pour enfants à Bâle. Fin 1892 il entra au lycée de Cannstatt, à Stuttgart. En 1893, il y obtint son diplôme probatoire de première année, mais interrompit ses études.
Il commença un apprentissage de libraire à Esslingen am Neckar, qu'il abandonna après trois jours, puis devint au début de l'été 1894 apprenti mécanicien pendant quatorze mois, dans la fabrique d'horloges Perrot à Calw. Le travail monotone de soudage et de limage renforça chez Hermann Hesse le désir de se tourner à nouveau vers une activité spirituelle. En octobre 1895, il se sentit prêt à entamer un nouvel apprentissage de libraire, à Tübingen, et à s'y consacrer sérieusement. Plus tard, il relata ces péripéties de son enfance dans son roman L'Ornière Unterm Rad.

La naissance d'un écrivain

Hesse travailla à partir du 17 octobre 1895 dans la librairie Heckenhauer à Tübingen. L'essentiel du fonds traitait de théologie, de philologie et de droit. La tâche de l'apprenti Hesse consistait à collationner, emballer, classer et archiver les livres. Après sa journée de travail de douze heures, il continuait à enrichir sa culture en solitaire, et les livres compensaient encore son absence de contacts sociaux pendant les longs dimanches fériés. Hesse lut des écrits théologiques, puis l'œuvre de Goethe, et plus tard Lessing, Schiller et des textes de la mythologie grecque. En 1896, son poème Madonna fut publié dans une revue viennoise.
En 1898, Hesse devint assistant libraire et disposa d'un revenu respectable, lui assurant une indépendance financière vis-à-vis de ses parents. À cette époque, il lisait surtout les œuvres des romantiques allemands, et tout particulièrement de Clemens Brentano, Joseph von Eichendorff et Novalis. Dans une lettre à ses parents, il exprima sa conviction que la morale est chez les artistes remplacée par l'esthétique. Alors qu'il était toujours libraire, Hesse publia à l'automne 1898 son premier petit recueil de poèmes, Romantische Lieder Chants romantiques, et à l'été 1899 le recueil en prose, Eine Stunde hinter Mitternacht Une heure après minuit. Les deux ouvrages furent des échecs commerciaux. En l'espace de deux ans, seuls cinquante-quatre des six cents exemplaires de Romantische Lieder furent vendus. Eine Stunde hinter Mitternacht fut également tiré à seulement six cents exemplaires et ne se vendit que très lentement. L'éditeur leipzigois Eugen Diederichs était cependant convaincu de la valeur littéraire de l'œuvre, et voyait ces publications dès le départ comme des encouragements pour le jeune auteur, plutôt que comme une entreprise rentable.
À partir de l'automne 1899, Hesse travailla dans une librairie d'occasion à Bâle. Ses parents ayant d'étroits contacts avec les familles bâloises érudites, un royaume spirituel et artistique des plus stimulants s'ouvrit à lui. En même temps, le promeneur solitaire qu'était Hesse trouva à Bâle l'occasion de retraites grâce aux nombreuses possibilités de voyages et promenades, ce qui servit sa quête artistique personnelle, en développant en lui l'aptitude à transcrire littérairement une observation sensorielle, aptitude sans cesse confrontée à une aventure nouvelle. En 1900, Hesse fut libéré du service militaire en raison de sa faible vue. Ses difficultés de vision durèrent toute sa vie, de même que sa névralgie et ses maux de tête.
En 1901, Hesse put réaliser l'un de ses grands rêves en voyageant pour la première fois en Italie. La même année, Hesse entra chez un nouvel employeur, le libraire Wattenwyl, à Bâle. À la même époque, les occasions de publier des poèmes et de petits textes littéraires dans des revues se multiplièrent. Désormais, les salaires de ces publications contribuaient à ses revenus. Très vite, l'éditeur Samuel Fischer s'intéressa à Hesse, et le roman Peter Camenzind, pré-publié en 1903 et publié officiellement en 1904 chez Fischer, marqua la rupture : Hesse pouvait maintenant vivre de sa plume.

Entre le lac de Constance et l'Inde

La consécration littéraire permit à Hesse d'épouser en 1904 la photographe Maria Bernoulli 1868–1963, de s'installer avec elle à Gaienhofen au bord du lac de Constance, et d'y fonder une famille comptant trois fils, Bruno, Heiner et Martin. Il y écrivit son deuxième roman L'Ornière, paru en 1906. Par la suite, il rédigea surtout des nouvelles et des poèmes. Son roman suivant, Gertrude 1910, évoque la crise de créativité de Hesse. Il acheva péniblement cette œuvre, et la considéra plus tard comme ratée. Les désaccords se multipliaient aussi dans son ménage, et pour prendre de la distance, Hesse fit en 1911, avec Hans Sturzenegger, un long voyage à Ceylan et en Indonésie. Il n'y trouva pas l'inspiration spirituelle et religieuse espérée, cependant ce voyage imprégna fortement ses œuvres ultérieures, à commencer par Carnets indiens 1913. Après le retour de Hesse, la famille déménagea en 1912 à Berne, mais ce déplacement ne résolut pas les problèmes du couple, comme le dépeignit Hesse en 1914 dans son roman Roßhalde.

La Première Guerre mondiale

À la déclaration de la Première Guerre mondiale en 1914, Hesse se présenta comme volontaire à l'ambassade d'Allemagne, car il ne pouvait supporter de rester inactif, pendant que d'autres jeunes écrivains mouraient au front. Il fut néanmoins déclaré inapte au combat et affecté à Berne à l'assistance aux prisonniers de guerre, auprès de l'ambassade d'Allemagne. Dans sa nouvelle fonction, Hesse fut dès lors occupé à rassembler et expédier des livres pour les prisonniers de guerre allemands. À cette époque, il était coéditeur de la Deutsche Interniertenzeitung Journal des internés allemands, 1916-1917, éditeur du Sonntagsbote für die deutschen Kriegsgefangenen Courrier dominical des prisonniers de guerre allemands, 1916-1919, et responsable de la Librairie des prisonniers de guerre allemands.
Le 3 novembre 1914, il publia dans la Neue Zürcher Zeitung l'article O Freunde, nicht diese Töne, Mes frères, cessons nos plaintes !, premier vers de l’Ode à la joie, dans lequel il appelait les intellectuels allemands à ne pas tomber dans les polémiques nationalistes. Il en résulte ce que Hesse qualifia plus tard de grand tournant de sa vie : pour la première fois, il se retrouva au milieu d'une violente querelle politique, la presse allemande l'attaqua, il reçut des lettres de menace et de vieux amis se désolidarisèrent de lui. Il fut soutenu par son ami Theodor Heuss, mais aussi par l'écrivain français Romain Rolland, à qui Hesse rendit visite en août 1915.
Ces conflits avec le public allemand n'étaient pas encore apaisés, que Hesse subit une suite de coups du sort qui le plongèrent dans une crise existentielle plus profonde encore : la mort de son père le 8 mars 1916, la grave maladie de son fils Martin et la crise de schizophrénie de sa femme. Il dut interrompre son travail d'assistance aux prisonniers et commencer un traitement psychothérapeutique. L'intense travail de psychanalyse qui s'ensuivit, au cours duquel Hesse fit la connaissance de Carl Gustav Jung, déboucha finalement sur un nouveau point culminant de sa créativité : en septembre-octobre 1917, Hesse rédigea en trois semaines d'un travail frénétique son roman Demian. Le livre fut publié après la guerre, en 1919, sous le pseudonyme d'Emil Sinclair.

La Casa Camuzzi

Lorsque Hesse put reprendre sa vie civile, son couple était désuni. Une grave psychose s'était entre-temps déclarée chez sa femme et, même après sa guérison, Hesse ne put envisager aucun avenir commun avec Maria. La maison de Berne fut vendue, et Hesse emménagea mi-avril dans le Tessin, où il habita tout d'abord une petite maison paysanne à l'entrée de Minusio près de Locarno. Puis il vécut du 25 avril au 11 mai à Sorengo. Le 11 mai, il s'installa dans le village de Montagnola, près de Lugano, comme locataire de quatre petites pièces dans un bâtiment ressemblant à un château, la Casa Camuzzi. Là, il ne reprit pas seulement son activité d'écriture, mais commença aussi à peindre, ce qui apparaît clairement en 1920 dans son grand récit suivant, Le Dernier Été de Klingsor. En 1922 parut le roman indien Siddhartha, où s'exprime son amour de la culture indienne et des sagesses orientales auxquelles il avait été familiarisé déjà dans la maison de ses parents. Hesse épousa en 1924 Ruth Wenger, fille de la femme de lettres suisse Lisa Wenger et tante de Meret Oppenheim, après le mariage avec Hesse, elle eut comme fils l'acteur Ezard Haußmann. Hesse obtint cette année-là la nationalité suisse.
Les principales œuvres qui suivirent, Le Curiste en 1925 et le Voyage à Nüremberg en 1927, sont des récits autobiographiques teintés d'ironie, dans lesquels s'annonce déjà le plus célèbre roman de Hesse, Le Loup des steppes 1927. Pour son cinquantième anniversaire, qu'il fêta cette année-là, parut également sa première biographie, publiée par son ami Hugo Ball. Peu après le succès de son roman, la vie du solitaire loup des steppes Hesse prit un nouveau tour par sa relation avec Ninon Dolbin, originaire de Czernowitz en Bukovine, et qui devint plus tard sa troisième femme. Le résultat de cette conversion à la vie de couple fut le roman Narcisse et Goldmund 1930.
Hesse quitta en 1931 la Casa Camuzzi et s'installa avec sa compagne Ninon dans une plus grande maison la Casa Hesse, parfois aussi appelée Casa Rossa dans les hauteurs de Montagnola, qui avait été construite selon ses souhaits et mise à sa disposition par son ami Hans C. Bodmer. Cette maison est actuellement un bien privé et ne peut être visitée.

Le Jeu des perles de verre

En 1931, il commença à composer sa dernière grande œuvre, intitulée Le Jeu des perles de verre. Il publia en 1932 un récit préparatoire, Le Voyage en Orient. Hesse observa avec beaucoup d'inquiétude la prise de pouvoir des nazis en Allemagne. En 1933, Bertolt Brecht et Thomas Mann s'arrêtèrent tous deux chez Hesse dans leurs voyages vers l'exil. Hesse essaya à sa manière de contrer l'évolution de l'Allemagne : il publiait déjà depuis des décennies des comptes-rendus de lecture dans la presse allemande, désormais il s'y exprima plus fortement pour les auteurs juifs ou non pourchassés par les nazis. À partir du milieu des années 1930, aucun journal allemand ne publia des articles de Hesse. Le refuge spirituel de Hesse contre les querelles politiques et plus tard contre les nouvelles terribles de la Seconde Guerre mondiale était le travail sur son roman Le Jeu des perles de verre, imprimé en 1943 en Suisse. C'est en grande partie pour cette œuvre tardive que lui fut décerné en 1946 le prix Nobel de littérature.
Après la Seconde Guerre mondiale, la créativité de Hesse déclina : il écrivit encore des nouvelles et des poèmes, mais plus aucun roman. Il était par ailleurs sollicité par un flot intarissable de lettres, ce qui était le prix de sa gloire renouvelée auprès d'une nouvelle génération de lecteurs allemands, qui cherchaient aide et conseil auprès du vieux sage de Montagnola. Hermann Hesse mourut le 9 août 1962 et fut enterré au cimetière de Sant’Abbondio près de Montagnola, où Hugo Ball repose également. Le fonds d'archives de Hermann Hesse se trouve aux Archives littéraires suisses à Berne.

Importance de l'Å“uvre

Les premières œuvres de Hesse restent dans la tradition du XIXe siècle : son lyrisme doit tout au romantisme, et il en est de même de la langue et du style de Peter Camenzind, un livre que son auteur présentait comme un roman initiatique dans la lignée du Henri le vert de Gottfried Keller. Sur le fond, Hesse s'opposa à l'industrialisation croissante et à l'urbanisation, ce par quoi il rejoignit une tendance des mouvements de jeunesse allemands. Hesse abandonna plus tard cette tradition néo-romantique de la forme et du fond. En revanche, la structure antithétique de Peter Camenzind, avec le contraste entre ville et campagne et l'opposition masculin-féminin, est encore présente plus tard dans les chefs-d'œuvre de Hesse, par ex. Demian et Le Loup des steppes.
La connaissance des archétypes décrits par le psychologue Carl Gustav Jung eut une influence déterminante sur l'œuvre de Hesse, visible à partir du roman Demian : le chemin d'une jeune personne vers soi-même devint l'un de ses thèmes de prédilection. La tradition des romans initiatiques se poursuit également avec Demian, mais dans cet ouvrage comme dans Le Loup des steppes, l'histoire ne se déroule plus sur un plan réel, mais dans un paysage spirituel intérieur.
Un autre aspect essentiel de l'œuvre de Hesse est la spiritualité, particulièrement présente dans le roman Siddhartha. La thèse principale de Siddharta soutient que la plénitude spirituelle ne peut être trouvée ni dans le renoncement aux réalités du monde ni dans la doctrine de Bouddha, mais dans l'expérience des sens. Les syncrétismes religieux christianisme, bouddhisme et intellectuels Nietzsche, Jung qui s'y expriment sont la profession de foi de Hesse, fondée sur l'ouverture au monde, sur la découverte d'une transcendance où s'unissent la vie et l'esprit. L'auteur reprendra ces éléments dans une ébauche de théologie Ein Stückchen Theologie et dans le texte Mein Glaube Ce que je crois.
Tous les ouvrages de Hesse comportent une part autobiographique, particulièrement visible dans Le Loup des steppes, qui est précisément un modèle de roman de crise existentielle. Cette caractéristique ne disparaît que dans ses œuvres tardives. Dans les romans apparentés, Le Voyage en Orient et Le Jeu des perles de verre, Hesse traita un thème qu'il avait déjà abordé dans Peter Camenzind : l'opposition entre vie active et vie contemplative. En partant du contexte de son époque, Hesse conçut dans Le Jeu des perles de verre une utopie pour l'humanité et pour l'âme, les deux éléments s'équilibrant dans un jeu d'échanges dialectiques. Bien qu'écrivant encore un roman initiatique classique, il le fait de façon moderne, inversant les termes de la problématique maître/esclave hégélienne et nietzschéenne dont il était un lecteur fervent et répondant à distance au roman de Goethe, Les Années d'apprentissage de Wilhelm Meister, qu'il considérait comme le chef-d'œuvre de la littérature allemande. En effet, le héros de Goethe s'appelle Meister, le maître, tandis que celui de Hesse se nomme Joseph Valet , ceci de façon délibérée, Hesse considérant que seuls l'humilité et le lâcher prise étaient des solutions pour l'âme humaine, et l'esprit allemand en particulier ce en quoi il s'oppose à Thomas Mann.

Permanence de la crise

Même si les circonstances matérielles s'améliorent pour Hesse – le voici écrivain indépendant et marié –, ce qu'il y a d'inadapté et de névrotique en lui continue cependant à fermenter et le conduira un jour à l'explosion. Il la vivra pendant la Première Guerre mondiale, dans sa vie privée comme dans sa vie d'écrivain. Le mariage est dissous. La guerre est pour lui une provocation et un profond ébranlement. Il devient pacifiste et gagne l'amitié de Romain Rolland, ce qui lui fait perdre ses anciens lecteurs et lui vaut les attaques de nationalistes extrémistes. Depuis, Hesse reste un écrivain contesté. Les œuvres suivantes et surtout Demian 1919 illustrent les nouveaux conflits. Ce roman consacre un auteur moderne, au rayonnement international. On y retrouve l'influence de Nietzsche, de Dostoïevski et de la psychanalyse. Hesse met en lumière les causes profondes de la guerre : la mentalité des masses a provoqué une telle décadence que seule une catastrophe peut en délivrer l'Occident. La prise de conscience du héros, née de souffrances et d'erreurs, est directement inspirée par la rencontre de Hesse avec la psychanalyse de l'école jungienne. Mais Hesse ne soumet jamais à des dogmes son inspiration, de plus en plus antagoniste, ambivalente et dialectique. Tout en s'intéressant à la psychanalyse, il prend résolument le parti de l'art face au nouveau système scientifique. Le livre eut un succès éclatant, suscitant l'approbation enthousiaste de la jeunesse désœuvrée et désorientée de l'après-guerre. Une voix s'y élève, qui insiste sur des valeurs morales, inscrites toutefois dans un engagement individuel et en constant renouvellement, à l'exclusion, par conséquent, de toute systématisation due à l'idéologie : les valeurs humaines que défend Hesse sont mises au service de la société sans qu'il soit nécessaire de s'engager dans un parti. Siddhartha (1922), un des livres les plus aimés de Hesse, reprend les mêmes thèmes sous les habits orientaux. Toutes les certitudes sociales : famille, religion, richesse matérielle, jouissance sensuelle deviennent fades et écœurantes pour le héros. C'est seulement en servant le sage batelier qu'il parvient à la connaissance de soi et à l'accomplissement dans la nature, par la fusion dans un ensemble impersonnel.
Mais Hesse est encore loin d'avoir surmonté toutes ses crises personnelles, qui atteignent un point culminant avec Le Loup des steppes 1927 ; à bientôt cinquante ans il semble n'avoir résolu aucun de ses problèmes. À nouveau il est le miroir du déchirement de son époque, ainsi qu'il le fut dans Demian, mais cette fois-ci avec plus de maturité. Ce roman de Hesse est, avec Le Jeu des perles de verre, le plus intéressant du point de vue artistique. Mais ici le schéma de l'évolution du roman dans la tradition romantique allemande est renversé : ce n'est plus un jeune homme qui apprend la vie mais un adulte – et même un adulte vieillissant, désespéré, qui doit se remettre en question. Les causes de son échec résident en lui-même et non dans la réalité extérieure. Il lui faudra transcender la marginalité, le culte de l'esthétisme individualiste – produit de la bourgeoisie – et entrer dans la voie de l'absolu. Les antinomies de la vie et de l'esprit se fondent dans l'expérience de l'amour et des jeux magiques. Il ne s'agit plus de fuir la réalité : bien au contraire, le héros se lance dans les activités superficielles du demi-monde des villes modernes. Et il y trouve, en dépassant la réalité, une existence autre, magique, supérieure, qui lui promet la délivrance, loin d'une civilisation bourgeoise en pleine décadence. Le roman est déjà le prélude de la grande œuvre utopique de la vieillesse : l'ambivalence de l'expression laisse deviner, derrière la réalité, les contours de possibilités nouvelles.

Aspiration à l'harmonie

Durant l'ascension du national-socialisme et sous le IIIe Reich, Hesse doit de nouveau affronter luttes et bouleversements. Citoyen suisse depuis 1923, mais publiant en Allemagne, il ne reste pas indifférent à la tragédie qui se joue dans son pays natal. L'apaisement lui vient avec son troisième mariage 1932. Il connaît désormais la paix, dans le Tessin, où il écrit entre 1932 et 1943 la plus importante de ses œuvres, le grand roman utopique Le Jeu des perles de verre, dans lequel toutes les tendances et toutes les possibilités des écrits antérieurs se retrouvent et se développent. Là encore, Hesse s'est construit un univers artistique au sein duquel il peut respirer ; mais il parvient à une diversité qu'il n'avait pas encore réalisée jusque-là. Le texte oscille entre le moment utopique où apparaît l'idéal dans sa figure paradoxale, et le dépassement immédiat de ce moment. L'utopie de Hesse est donc elle-même en gestation, en mouvement, aspirant à un avenir qui soit une genèse véritable. À bon droit il est permis de parler d'utopie moderne historique, conformément à la conception de E. Bloch : elle n'est plus un plan préétabli de la cité idéale, mais seulement une base pour l'élan utopique et sa projection dans l'infini. De la sorte, Hesse peut, dialectiquement, partir d'éléments historiques et les projeter dans l'avenir. Et dans ce jeu subtil entre le passé et le futur s'articulent les potentialités du présent : la réconciliation de la vie et de l'esprit, du général et du particulier et la tentative, à l'aide de la mystique extrême-orientale, d'intégrer l'individu – en le délivrant – à la grande Nature.
En 1946, Hesse reçoit le prix Nobel de littérature, se trouve à l'apogée de sa gloire et ne peut plus guère qu'aller vers son déclin. Assez vite, il devient suspect aux jeunes générations par son esprit romantique. On lui reproche l'absence de cette intelligence supérieure, de cette pertinence dans l'analyse abstraite qui caractérisent Robert Musil ou encore Thomas Mann. On finit pourtant par entrevoir la force réelle de son style, avant tout poétique. Il correspond parfaitement aux qualités utopiques de l'œuvre et illustre de façon convaincante l'utopie en tant que catégorie esthétique. Hesse atteint par là une modernité insoupçonnée, qui fait de lui le précurseur d'un art qui transcende les traditions bourgeoises. Son œuvre, en rupture avec son époque, exigeait une nouvelle création des catégories d'espace et de temps puisque la réalité s'était révélée parfaitement hostile et impropre à l'art. L'auteur pratique des procédés largement réutilisés par le roman moderne : l'analogie historique, d'une part, qui fait éclater la réalité verticalement vers les profondeurs de l'histoire ou des mythes, et la juxtaposition des images, d'autre part, qui glissent horizontalement vers un monde magique et surréaliste. Ce faisant, l'art produit sa propre transcendance et brise l'encerclement idéologique et technologique de la société industrielle. La dichotomie moderne entre la réalité et la langue entraîne Hesse non pas vers une déformation de la première, mais vers la poésie d'une symbolique multivalente qui échappe aux concepts idéologiques figés. Ainsi le monde ne nous est accessible que par l'entremise de l'art. Voir et entendre ; le poète est visionnaire et prophète, mais aux confins de l'intelligible. La correspondance avec la réalité lui est indifférente, sa langue dépasse la réalité et débouche sur un univers magique. Elle utilise pour cela les possibilités modernes de style : variations et ambivalence. À partir d'une réalité toujours mise en cause, elle tend vers ce qui est différent, suggérant la mutation : le dépassement de notre culture décadente avec son culte orgueilleux de l'individu, grâce à la réconciliation de l'esprit et de la nature, et au rejet du moi. Ainsi l'œuvre de Hesse montre que le salut n'est plus dans la philosophie mais dans l'art qui, lui seul, formule l'impossible pour que le possible se réalise.
Il faut mentionner, à côté de ses nombreux recueils de poésie, des essais comme Le Regard dans le chaos 1920, Le Retour de Zarathoustra 1919, et Miettes de théologie 1932, où Hesse expose sa conception de l'art et du monde ; son œuvre de critique littéraire Bibliothek der Weltliteratur, 1929 qui nous révèle ses préférences ; enfin une correspondance tout à fait étonnante – notamment avec Thomas Mann.
Son rayonnement universel s'explique, à côté du cosmopolitisme et de l'orientalisme que Hesse doit à ses parents, par son appartenance à une époque de transition où les anciennes structures aristocratiques et rurales disparaissaient pour faire place à une société industrialisée. Hesse a critiqué ce processus de transformation tout en laissant apercevoir les moyens de vaincre la crise. Barbara Belhalfaoui

Réception critique

La qualité littéraire et l'importance de l'œuvre de Hermann Hesse étaient déjà controversées de son vivant, et le débat continue aujourd'hui. Des collègues comme Thomas Mann ou Hugo Ball le tenaient en haute estime, cependant qu'à l'opposé Kurt Tucholsky disait : Je tiens Hesse pour un écrivain au don d'essayiste bien supérieur à ses qualités lyriques. Alfred Döblin parla même d'une ennuyeuse limonade. Les premières œuvres de Hesse furent cependant en majorité jugées positivement par les critiques littéraires contemporains.
L'accueil de son œuvre dans l'Allemagne des deux Guerres mondiales fut marqué par les campagnes de presse contre l'auteur, en raison de ses prises de position contre la guerre et le nationalisme. À partir de 1937, les ouvrages de Hesse ne pouvaient être vendus que précautionneusement. De ce fait, une grande partie de la jeune génération ne découvrit Hesse qu'après 1945.
Plus de dix ans après que Hesse eut reçu le prix Nobel de littérature, Karlheinz Deschner écrivit en 1957 dans son pamphlet Kitsch, Konvention und Kunst Kitsch, convention et art:
"Le fait que Hesse publia une écrasante quantité de vers absolument nuls est un déplorable manque de discipline, une barbarie littéraire "
et n'émit pas non plus un jugement favorable sur sa prose. Une partie de la critique littéraire allemande adopta ce jugement pendant les décennies qui suivirent, et Hesse fut qualifié par certains de fabricant de littérature décadente et kitsch. C'est ainsi que l'accueil fait à Hesse poursuivit son mouvement cyclique : à peine avait-il sombré au plus profond dans les années 1960 en Allemagne, qu'éclata aux États-Unis un « Hesse boom » qui atteignit jusqu'à l'Allemagne. Le Loup des steppes en particulier devint un livre à succès international au point qu'un groupe de rock 'n 'roll lui emprunta son nom, et Hesse devint l'un des auteurs allemands les plus traduits et lus dans le monde : plus de 100 millions de ses livres furent vendus. Dans les années 1970, les éditions Suhrkamp commercialisèrent des disques où Hesse récitait à la fin de sa vie des extraits de ses œuvres. En effet, dès le début de sa carrière, Hesse se voua à la lecture publique, et il transcrivit cette expérience particulière dans un texte inhabituellement joyeux, Autorenabend Soirée d'auteur.

Å’uvre Romans

Lauscher écrits et poèmes laissés par Hermann Lauscher 1900
Peter Camenzind 1904
L'Ornière 1906
Gertrude 1910
Rosshalde 1914
Knulp 1915
Demian 1919 sous le pseudonyme d'Emil Sinclair
Le retour de Zarathoustra 1919
Le dernier été de Klingsor 1920
Siddhartha 1922
Le Curiste 1925
Le Loup des steppes 1927
Voyage à Nuremberg 1927
Narcisse et Goldmund 1930
Le Voyage en Orient 1932
Le Jeu des perles de verre 1943
Mon Enfance autobiographie

Nouvelles et textes divers

Berthold, nouvelles
Brèves nouvelles de mon jardin
Carnets indiens 1913
Description d'un paysage
Éloge de la vieillesse
Feuillets d'album
Fiançailles, nouvelles
Guerre et paix - Considérations politiques
Histoires d'amour, nouvelles
Histoires médiévales
La Bibliothèque universelle
La Conversion de Casanova, nouvelles
La Leçon interrompue, recueil de cinq nouvelles Mon enfance, Histoire de mon Novalis, Le mendiant, Mon camarade Martin et La Leçon interrompue, Paris, Calmann-Lévy,
L'Art de l'oisiveté 1899-1962
Le Loup
Lecture-minute
L'Enfance d'un magicien
Les Contes merveilleux
Les Frères du soleil
Lettres 1900-1962, Paris, Calmann-Lévy.
L'homme qui voulait changer le monde
Magie du livre
Musique
Robert Aghion
Si la guerre durait encore deux ans
Souvenirs d'un Européen
Tessin
Une ville touristique du Midi
Voyages en Italie
Une petite ville d'autrefois
Le poète chinois

Poèmes

Elisabeth 1900
Wie eine Welle 1901
Soirée 1902
Julikinder 1904
Im Nebel 1905
Bücher 1918
Vergänglichkeit 1919
Der Liebende 1921
Für Ninon 1927
Klage 1934
Stufen 1941

Iconographie

1927 - Hermann Hesse Photo de Gret Widmann
1957 - Buste de Hermann Hesse , bronze par Otto Bänninger 1897-1973, sculpteur suisse.



Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l






Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l






#140 Daniel Keyes
Loriane Posté le : 08/08/2015 17:12
Le 9 août 1927 naît Daniel Keyes

à Brooklyn à New York, mort à 86 ans le 15 juin 2014, écrivain américain. Chercheur universitaire en psychologie; essayiste, il est l'auteur de Des fleurs pour Algernon, de Les Mille et Une Vies de Billy Milligan et de Les Mille et Une Guerres de Billy Milligan. Il reçoit les distinctions, prix Hugo de la meilleure nouvelle, prix Nebula du meilleur roman. Auteur de Science-fiction son Œuvres principale est "Des fleurs pour Algernon ".

En Bref

En France comme dans le monde entier, il était surtout célèbre pour son best-seller, Des fleurs pour Algernon, un classique de la science-fiction. L'écrivain américain Daniel Keyes est mort dimanche 15 juin, des suites d'une pneumonie, à son domicile du sud de la Floride. Il était âgé de 86 ans.
Né le 9 aout 1927 à Brooklyn, Daniel Keyes est issu d'une famille modeste. A 14 ans, il travaille comme livreur de bagels entre quatre et sept heures du matin avant d'aller à l'école. Plus tard, il étudie la psychologie et la littérature anglaise à Brooklyn college. Pendant ses études, il s'essaye le week-end à l'écriture et collabore à divers journaux sous des noms d'emprunt.
C'est comme enseignant qu'il débute professionnellement - d'abord à New York, dans le secondaire puis, dans les années 1960, à Chicago, à Wayne State University et dans l'Ohio, à Ohio University, en 1966. C'est justement dans l'enseignement que lui vient le sujet de son œuvre majeure. A l'époque, Keyes est professeur dans une classe pour élèves défavorisés. Après le cours, l'un des enfants est venu me voir. Il demandait à quitter la ''classe des idiots'' parce qu'il voulait être intelligent, racontera plus tard Keyes. Cet épisode va lui inspirer les aventures de Charlie Gordon, le personnage principal de Des Fleurs pour Algernon.
Charlie Gordon, un jeune homme arriéré mental, subit un jour une opération chirurgicale qui doit lui permettre de démutiplier ses facultés intellectuelles. Après l'opération, il est suivi par deux scientifiques – ceux-là mêmes qui ont réussi une opération similaire sur une souris de laboratoire nommée Algernon - qui lui demandent de rédiger son journal afin de suivre jour après jour les progrès qu'il accomplit. Et ceux-ci son foudroyants ! En quelque temps, Charlie maîtrise plusieurs langues, jongle avec les concepts, se met à composer un concerto pour piano, éblouit ses auditoires. Jusqu'au moment où la souris Algernon commence à donner des signes inquiétants de dégénérescence cérébrale…

Sa vie

Daniel Keyes s’est engagé dans la marine marchande à l’âge de dix-sept ans avant de reprendre ses études, jusqu’à l’obtention d’un diplôme en psychologie. Après une première expérience dans l’édition chez Marvel, il écrit plusieurs scénarios pour des comics publiés par Marvel, puis par EC Comics. C’est finalement vers l’enseignement qu’il s’oriente, puisqu’il devient professeur d’anglais, de littérature américaine et d’écriture à l’université de l'Ohio. En parallèle, Keyes s’essaie à l’écriture, en publiant en 1966 Des fleurs pour Algernon, dont le succès ne se démentira jamais : considéré comme un classique, ce livre a été traduit à ce jour dans près de trente pays, vendu à cinq millions d’exemplaires et adapté pour le grand écran, ce qui vaudra à son auteur une réputation internationale.
Daniel Keyes est décédé le 15 juin 2014 des suites d'une pneumonie dans sa demeure du sud de la Floride.

Des fleurs pour Algernon

Nouvelle reprise dans de nombreuses anthologies de science-fiction, Des fleurs pour Algernon décrit le voyage cognitif d'un retardé mental léger dont le quotient intellectuel est triplé par un procédé chirurgical. Son changement de point de vue sur le monde tel que manifesté dans la nouvelle qui est rédigée sous forme de journal forme l'intérêt essentiel de la nouvelle. Un nouveau ressort dramatique se manifeste quand le héros, qui a largement dépassé ses maîtres, découvre que la modification qu'il a subie va connaître rapidement un déclin irréversible, déclin qui est décrit minutieusement lui aussi dans le journal.
La nouvelle Des fleurs pour Algernon remporte le prix Hugo de la meilleure nouvelle courte 1960 puis le prix Hugo spécial de la meilleure nouvelle longue de tous les temps en 1992. La nouvelle devient ultérieurement un roman qui gagne le prix Nebula du meilleur roman en 1966, puis un film nommé Charly réalisé par Ralph Nelson en 1968.

Une nouvellle avant d'être un roman

Réflexion sur l'intelligence, la différence et le lien à autrui – Gordon se rend notamment compte que bête ou intelligent, il éprouve la même soif d'affection et d'amour -, mais aussi questionnement sur l'éthique médicale, Des Fleurs pour Algernon est devenu un classique de la science-fiction, traduit dans une trentaine de langues. Ecrite en 1959, l'histoire a d'abord pris la forme d'une nouvelle publiée dans The Magazine of Fantasy and Science Fiction, et distinguée dès l'année suivante par le prestigieux prix Hugo qui récompense les meilleures œuvres de science-fiction.
En 1966, Daniel Keyes en fit un roman, salué en 1967 par le prix Nebula du meilleur roman, puis adapté en 1968 à l'écran par Ralph Nelson sous le titre Charly, le personnage étant interprété par l'acteur Cliff Robertson, qui obtint pour ce rôle un Oscar. Le livre – publié en France en 1972 par les éditions J'ai Lu - devint un best-seller international vendu à 5 millions d'exemplaires. De nombreuses adaptations pour la télévision comme pour la scène ou la radio suivirent. Sous le même titre que le livre, un téléfilm américain a été réalisé en 2000 avec Matthew Modine, un téléfilm franco-suisse a été réalisé par David Delrieux en 2006 et un téléfilm français par Yves Angelo en 2013.

La vie cérébrale

Après Algernon, Keyes écrivit une dizaine d'autres livres, la plupart inspirés par les mécanismes de la vie cérébrale et la psychiatrie. Parmi ceux-ci : Les Mille et une vies de Billy Milligan Le Livre de poche, 2009, un livre sur des viols en série, et Unveiling Claudia: A True Story of a Serial Murder Bantam Books, 1986, non traduit en français, un roman inspiré de l'histoire vraie de Claudia Yasko, une Américaine qui, dans les années 1970, était tellement obsédée par une vague d'assassinats en série qu'elle avait fini par s'accuser elle-même de ces meurtres qu'elle n'avait pas commis.
En 2000 Daniel Keyes avait publié son autobiographie sous le titre Algernon, Charlie and I: A Writer's Journey, Harcourt's Harvest. Intitulée Algernon, Charlie et moi : trajectoire d'un écrivain, une adaption, avec Henry-Luc Planchat, en est parue en 2011 chez J'ai lu. On peut y lire cette interrogation qui est au coeur du dilemme de Charlie Gordon: Je me demande ce qui est le pire: ne pas savoir qui l'on est et être heureux, ou devenir qui l'on a toujours voulu être et se sentir seul. Florence Noiville Journaliste au Monde

Les Cyranoïde

Avec l'appui de la notoriété qui lui avait été apportée par le livre, Daniel Keyes passa le restant de sa vie à travailler à ses recherches propres sur le thème des cyranoïdes, personnes dont les réponses, les réactions, les perceptions sont élaborées par des tiers de leur entourage à l'instar de Christian dans Cyrano de Bergerac.

Les Mille et Une Vies de Billy Milligan

Passionné par l'affaire de personnalité multiple de Billy Milligan qui fit la une de tous les journaux américains de la fin des années 1970, Daniel Keyes s'en est emparé pour construire un roman non fictionnel en forme de thriller psychologique, résultat de mois de rencontres et d'entretiens avec tous les protagonistes de l'histoire, y compris les vingt-quatre personnalités du protagoniste ! Livre publié aux États-Unis en 1981 et en France en 1982 chez Balland sous le titre Billy Milligan, l'homme aux vingt-quatre personnalités, dans une traduction de Jean-Pierre Carasso, réédité en 2007 chez Calmann-Lévy sous le titre ci-dessus.

Les Mille et Une Guerres de Billy Milligan

Daniel Keyes écrira une suite aux mille et une vies de Billy Milligan. Cette suite, Les Mille et Une Guerres de Billy Milligan The Milligan Wars, raconte le combat de Billy Milligan durant son incarcération à la prison-hôpital de Lima, puis son transfert à Dayton. L'ouvrage dénonce la rage avec laquelle les médias et les politiques se sont emparés de l'affaire, faisant pression sur l'exécutif afin d'éliminer Milligan de toutes les mémoires. Les conditions inhumaines d'emprisonnement sont dépeintes, soit une image peu glorieuse de la justice américaine. Le livre sera interdit à la publication aux États-Unis. Il paraît en France en janvier 2009 chez Calmann-Lévy dans une traduction de Minos Hubert.

Série Billy Milligan

Billy Milligan, l'homme aux 24 personnalités, Balland, 1982 The Minds of Billy Milligan, 1981
Réédité par Calmann-Lévy en 2007 sous le titre Les Mille et Une Vies de Billy Milligan
Les Mille et Une Guerres de Billy Milligan, Calmann-Lévy, 2009 The Milligan Wars, 1986

Romans isolés

Des fleurs pour Algernon, J'ai lu, 1972 Flowers for Algernon, 1966
The Touch, 1968
The Fifth Sally, 1980

Nouvelles

Le Procès de la machine, 1964 A Jury for Its Peers, 1963

Essais

Unveiling Claudia, 1986
Algernon, Charlie et moi, J'ai lu, 2011 Algernon, Charlie, and I: A Writer's Journey, 2000



Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l







 Haut
« 1 ... 11 12 13 (14) 15 16 17 ... 60 »




Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

Connexion
Identifiant :

Mot de passe :

Se souvenir de moi



Mot de passe perdu ?

Inscrivez-vous !
Partenaires
Sont en ligne
43 Personne(s) en ligne (26 Personne(s) connectée(s) sur Les Forums)

Utilisateur(s): 0
Invité(s): 43

Plus ...