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#111 Raymond Queneau
Loriane Posté le : 23/10/2015 21:44
Le 25 octobre 1976 meurt à Paris Raymond Queneau

à 73 ans, né au Havre le 21 février 1903, romancier, poète, dramaturge français, cofondateur du groupe littéraire Oulipo. Il appartient au mouvement Surréalisme, Pataphysique, Queneau était Satrape du Collège de ’Pataphysique, Cofondateur de l'Oulipo.
Derrière des lunettes souriantes et une œuvre ouvertement bon enfant, Raymond Queneau apparaît comme un écrivain mystérieux : pas enveloppé, mais rempli de mystère. Au moment même où l'on croit saisir une intention, une propriété, une morale, c'est tout autre chose qui se présente, chaque fil tirant sur le précédent. On ne sait jamais par quel bout le saisir, ou, plutôt, ce qui va jaillir de la boîte que l'on s'apprête à ouvrir.
Autre paradoxe ou, tout au moins, autre curiosité : cet écrivain, qui a traversé le surréalisme, la littérature engagée et le nouveau roman sans daigner se plier à aucune de ces modes, n'est cependant jamais passé pour un plumitif rétrograde. Il est resté tout au long de sa vie, et restera longtemps encore, un auteur résolument moderne. Ce refus de la mode et du sérieux qui l'accompagne toujours a toutefois longtemps fait prendre Raymond Queneau pour un plaisantin – on disait parfois, poliment, un humoriste, mais cela ne valait guère mieux. Pourtant, cette œuvre souriante et grave, conduite avec rigueur et obstination à travers d'assez grandes difficultés dans l'attente puis sous le poids d'un succès tardif, fait de Raymond Queneau un écrivain exemplaire.

En bref

" Je naquis au Havre un 21 février 1903..." Né au Havre, où ses parents possédaient une boutique de confection et de mercerie, Raymond Queneau fréquente le lycée de la ville jusqu'à son baccalauréat. En 1920, il se rend à Paris pour préparer une licence de philosophie. En 1924, Pierre Naville le fait entrer au groupe surréaliste. D'octobre 1925 à février 1927, il effectue son service militaire dans les zouaves et participe, de ce fait, à la guerre du Rif. En 1928, il trouve du travail comme employé de banque et collabore aux activités de la rue du Château, où se réunissent les dissidents, Prévert, Duhamel, Tanguy du groupe surréaliste. En 1929, il rompt avec André Breton pour des raisons uniquement personnelles, il évoquera cette période quelques années plus tard dans Odile. En 1932, il fait un voyage en Grèce, au cours duquel il commence à écrire Le Chiendent, roman qui paraît en 1933. Dès lors, la vie de Raymond Queneau s'efface derrière son œuvre. En voici les pulsations principales.
En 1937 paraît Chêne et chien, important recueil de poèmes. En 1938, Queneau entre au comité de lecture des éditions Gallimard. En 1945, il crée, avec Michel Gallimard, l'Encyclopédie de la Pléiade, qu'il dirigera pendant trente ans. En 1949, Yves Robert met en scène Exercices de style, et Juliette Gréco rend célèbre Si tu t'imagines. En 1951, Queneau est élu à l'Académie des Goncourt, et admis au Collège de Pataphysique. En 1953, il écrit les dialogues du film Monsieur Ripois, de René Clément. En 1959, paraît Zazie dans le métro, qui connaît un succès considérable et inattendu. En 1960, suite à la publication de Cent Mille Milliards de poèmes, il fonde, avec François Le Lionnais et quelques amis, l'Ouvroir de Littérature Potentielle OuLiPo. En 1968, paraît Le Vol d'Icare, son dernier roman, puis, en 1973, Le Voyage en Grèce, recueil d'articles publiés, pendant les années trente, dans différentes revues. Son dernier livre, Morale élémentaire, paraît en 1975 : c'est un recueil de poèmes à la fabrication énigmatique. Raymond Queneau meurt, le 25 octobre 1976, à Neuilly-sur-Seine.
Première prose, premiers vers :
Raymond Queneau reprenait volontiers à son compte la remarque de La Fontaine : J'écris des poèmes comme un pommier produit des pommes. On pourrait étendre cette image à l'ensemble de son œuvre. En effet, celle-ci a poussé, dans une époque bien précise, dans une terre littéraire parfaitement définie : elle est le fruit de cette époque et de ce sol. Mais elle se développe à sa manière, sans se laisser influencer par les va-et-vient de la mode : le goût de ses pommes dépend évidemment du terroir et du climat, mais elles ne sentiront jamais l'orange ni le melon.
Ce phénomène est assez curieux pour qu'on s'y arrête un instant : Queneau est le seul écrivain qui, ayant fréquenté le groupe surréaliste (orthodoxe) pendant cinq ans, n'en ait retenu aucune influence. Bien mieux : il en a tiré la conviction définitive que ce n'est pas du tout comme cela qu'il convenait d'écrire. Les auteurs qui, dès ce moment-là, l'ont le plus directement influencé sont Flaubert, Joyce et Faulkner. Quelques poèmes, pourtant, plus tard recueillis dans Les Ziaux, peuvent faire songer à l'approche discrète d'un univers rêveur.
En fait, le premier ouvrage publié par Raymond Queneau, Le Chiendent 1933, manifeste sans ambiguïté deux préoccupations profondément étrangères aux surréalistes et qui ne l'abandonneront jamais : le souci de la construction romanesque et l'attention méthodique portée au langage il faudrait dire : aux langages. Le Chiendent est né d'un projet singulier : celui d'une transposition du Discours de la méthode en français moderne. Bien entendu, il ne reste à peu près rien de cette chimère initiale, hormis l'illustration romanesque, subtile et délectable, du Cogito ergo sum.
Il est impossible de résumer l'intrigue du Chiendent, roman touffu où foisonnent les personnages, où s'enchevêtrent les situations. Une partie de l'histoire tourne autour d'une porte mystérieuse, détenue par un sordide brocanteur, puis court derrière un hypothétique trésor. Dès ce premier roman, Queneau met au point un style parlé » qui lui est déjà personnel, différent de celui de Céline, qui, d'ailleurs, n'est qu'à lui et de celui de la rue qui, d'ailleurs, n'est pas un mais mille. En fait, il faudrait préciser davantage : le style de Raymond Queneau ne réside pas tant dans une forme, syntaxique et lexicale, du français populaire que dans la façon très nuancée dont il introduit ledit français populaire dans une langue fort bien écrite, et même sévèrement châtiée. Cet apport de tournures et de vocables nouveaux présente deux avantages, entre autres : un enrichissement du matériau dont dispose l'écrivain ; de multiples possibilités de ruptures de ton.
Ces ruptures de ton sont nécessaires à Raymond Queneau, d'abord parce que c'est un procédé qui l'amuse, mais surtout parce qu'elles s'intègrent fort bien à son souci d'une construction très élaborée. Le plan du Chiendent n'a aucunement été confié au hasard : quatre-vingt-onze sections, 13 × 7, dont chacune occupe une place parfaitement définie ; entrées et sorties des personnages, déroulement des péripéties, développement des situations, tout est soumis à des règles d'arithmétique élémentaire et de symétrie.
Un tel projet aurait pu donner, entre les mains d'un écrivain médiocre, un roman sec et plat. Raymond Queneau en a fait un chef-d'œuvre d'intelligence et de grâce, de drôlerie, de tendresse et de cruauté.
Le premier recueil de vers de Queneau, Chêne et chien, a été publié en 1937. C'est un ouvrage curieux, dans lequel on trouve des souvenirs d'enfance et de jeunesse, le récit d'une psychanalyse puis celui d'une fête au village. Dans ce recueil, qui se sous-titre « roman en vers », le poète rejette, d'une manière à la fois éclatante et modeste, vingt ans de terrorisme surréaliste et un demi-siècle de verroterie sophistiquée. Usant d'une écriture volontairement terne et banale, ne décrivant que les faits les plus ordinaires, parfois jusqu'au plus trivial, il retrouve les traces d'une poésie quotidienne qui n'apparaissait plus en 1930 et jusque vers 1970) que dans les chansons.
On peut considérer que Le Chiendent et Chêne et chien représentent les fondements de toute l'œuvre romanesque et poétique de Raymond Queneau : on y trouve déjà, au moins en germe, tout l'éventail de ses curiosités, de ses soucis, de ses humeurs ; on y trouve aussi, et pas du tout en germe mais très au point, les différents procédés d'écriture qu'il n'abandonnera jamais.

Sa vie

Raymond Queneau a grandi dans une famille de commerçants. Il rejoint Paris pour faire des études de philosophie à la Sorbonne et à l’École pratique des hautes études où il suit notamment les cours d’Alexandre Kojève sur Georg Wilhelm Friedrich Hegel.
Il fréquente le groupe surréaliste auquel il adhère en 1924. À la suite de son exclusion en 1930, il participe au pamphlet Un cadavre contre André Breton avec un texte intitulé Dédé. Raymond Queneau a relaté de façon satirique son expérience du surréalisme dans Odile, où Breton apparaît sous les traits du personnage d’Anglarès.
Après la rupture avec le surréalisme, Raymond Queneau se lance dans l’étude des fous littéraires et travaille à une Encyclopédie des sciences inexactes. Refusée par les éditeurs, cette encyclopédie lui servira pour le roman Les Enfants du Limon 1938.
Son service militaire en Algérie et au Maroc 1925-1927 lui permet de s’initier à l’arabe. Au cours d’un voyage en Grèce en 1932 Odile, il prend conscience du danger de laisser la langue littéraire s’éloigner de la langue parlée. Rapprocher ces deux extrêmes deviendra son grand projet littéraire. Dans cet esprit, il jettera les bases du néo-français caractérisé par une syntaxe et un vocabulaire typiques du langage parlé et par une orthographe plus ou moins phonétique. Dans les dernières années de sa vie, il reconnaîtra l’échec de ce projet, et que la télévision, par exemple, ne semblait pas avoir eu l’effet négatif sur la langue écrite qu’il craignait. Il collabore à la revue La Critique sociale de Boris Souvarine (ainsi qu'au Cercle communiste démocratique fondé par ce dernier2), puis au quotidien L'Intransigeant.
C’est en 1933 qu’il publie son premier roman, Le Chiendent, qu’il construisit selon ses dires comme une illustration littéraire du Discours de la méthode de René Descartes. Ce roman lui vaudra la reconnaissance de quelques amateurs qui lui décernent le premier prix des Deux-Magots de l'histoire. Suivront quatre romans d’inspiration autobiographique : Les Derniers Jours, Odile, Les Enfants du limon et Chêne et Chien, ce dernier entièrement écrit en vers.
Après avoir été journaliste pendant quelques années et avoir fait plusieurs petits métiers, Queneau entre en 1938 aux éditions Gallimard où il devient lecteur, traducteur d’anglais, puis membre du Comité de lecture. Il est nommé en 1956 directeur de l'« Encyclopédie de la Pléiade ». Parallèlement, il participe à la fondation de la revue Volontés et commence une psychanalyse.
C’est avec Pierrot mon ami, paru en 1942, qu’il connaît son premier succès. En 1947 paraît Exercices de style, un court récit décliné en une centaine de styles, dont certains seront adaptés au théâtre par Yves Robert. Ces Exercices de style lui furent inspirés par L’Art de la fugue de Johann Sebastian Bach, lors d’un concert auquel il avait assisté, en compagnie de son ami Michel Leiris, et qui avait fait naître en lui l’envie de développer différents styles d’écriture. Sous le nom de Sally Mara, auteur fictif qu'il a créé, il publie la même année On est toujours trop bon avec les femmes qui lui vaut des démêlés avec la censure.
En 1949 est publiée sa traduction du roman de George Du Maurier Peter Ibbetson, et en 1950 un second ouvrage sous pseudonyme, le Journal intime de Sally Mara, pour lequel il reçoit le prix Claire Belon.
À la Libération, il fréquente Saint-Germain-des-Prés. Son poème Si tu t’imagines, mis en musique par Joseph Kosma à l’initiative de Jean-Paul Sartre, est un des succès de la chanteuse Juliette Gréco. D’autres textes sont interprétés par les Frères Jacques. Il écrit des paroles pour des comédies musicales, des dialogues de films dont Monsieur Ripois, réalisé par René Clément, et aussi le commentaire du court métrage d’Alain Resnais Le Chant du styrène. Il réalise et interprète le film Le Lendemain.
Il publie de nouvelles chroniques fantaisistes de la vie de banlieue : Loin de Rueil 1944, Le Dimanche de la vie 1952, dont le titre est emprunté à Hegel. Un roman plus expérimental, Saint-Glinglin 1948, rassemble des textes publiés séparément depuis 1934.
Amoureux des sciences, Raymond Queneau adhère à la Société mathématique de France en 1948. Il s’évertue à appliquer des règles arithmétiques à la construction de ses œuvres, à la façon de la méthode lescurienne S + 7 : prendre un texte, n’importe lequel, prendre un dictionnaire, n’importe lequel, généraliste ou thématique, et remplacer tous les substantifs dudit texte par d’autres substantifs trouvés dans le dictionnaire choisi et situés sept places plus loin ou sept places avant par rapport à la place initialement occupée par le substantif à remplacer ou qu’il aurait occupée s’il y figurait. En 1950, il publie un texte d’inspiration scientifique, Petite cosmogonie portative. Il publie également cette année-là un recueil d’études critiques, Bâtons, chiffres et lettres.
Toujours en 1950, il entre comme satrape au Collège de ’Pataphysique, et est élu à l’Académie Goncourt en 1951.
En 1959 paraît Zazie dans le métro qui s’ouvre par l’expression Doukipudonktan ! Le succès de ce roman surprit Queneau lui-même et fit de lui un auteur populaire. Une adaptation au théâtre par Olivier Hussenot et au cinéma par Louis Malle suivront.
À la suite d’un colloque en septembre 1960 une décade de Cerisy intitulée Raymond Queneau et une nouvelle illustration de la langue française, dirigé par Georges-Emmanuel Clancier et Jean Lescure, il fonde en décembre 1960, avec François Le Lionnais, un groupe de recherche littéraire, le Séminaire de littérature expérimentale Selitex qui allait très vite devenir l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle. Sa soif de mathématiques combinatoires s’étanchera aussi à la coupe de l’Ouvroir qui accueille, entre autres, le père de la théorie des graphes, Claude Berge. Raymond Queneau publie également deux articles de recherche mathématique en théorie des nombres, en 1968 aux Comptes rendus de l'Académie des Sciences de Paris3 et en 1972 au Journal of Combinatorial Theory4. Quant à l’Oulipo, il aura une grande descendance, plus ou moins sécessionniste, avec d’autres groupes comme l’Oupeinpo, l’Outrapo, l’Oubapo…
Avec Cent mille milliards de poèmes 1961, Raymond Queneau réussit un exploit tant littéraire qu’éditorial. C’est un livre-objet qui offre au lecteur la possibilité de combiner lui-même des vers de façon à composer des poèmes répondant à la forme classique du sonnet régulier : deux quatrains suivis de deux tercets, soit quatorze vers. Cent mille milliards est le nombre de combinaisons possibles calculé par Queneau : C’est somme toute une sorte de machine à fabriquer des poèmes, mais en nombre limité ; il est vrai que ce nombre, quoique limité, fournit de la lecture pour près de deux cents millions d’années en lisant vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Le roman Les Fleurs bleues 1965, nouveau succès public, illustre l’apologue du penseur taoïste chinois Tchouang-Tseu se demandant s’il est Tchouang-Tseu rêvant d’un papillon ou un papillon rêvant qu’il est Tchouang-Tseu… Il poursuit son œuvre poétique avec Courir les rues, Battre la campagne, Fendre les flots.
Raymond Queneau meurt le 25 octobre 1976 d'un cancer du poumon. Il est inhumé au cimetière ancien de Juvisy-sur-Orge Essonne. Son épouse Janine est décédée en 1972.
Une partie importante des manuscrits de Raymond Queneau est aujourd'hui conservée par la Bibliothèque municipale du Havre. Ce fonds, constitué à partir de 1991, contient de nombreux manuscrits, des œuvres romanesques et poétiques, des correspondances, des peintures de l'auteur.

Un outil de choix : le langage

La curiosité de Raymond Queneau est immense : elle s'étend à tous les domaines de la science, avec une préférence marquée pour les mathématiques. Cette disposition encyclopédique réunit notamment deux penchants complémentaires : le goût pour l'acquisition du savoir et l'intérêt pour les méthodes de la découverte. Le deuxième point est naturellement essentiel : c'est lui qui fait de Raymond Queneau un esprit scientifique véritable, et non un compilateur du type Bouvard et Pécuchet. On se gardera de négliger cet aspect de sa personnalité qui l'a conduit à diriger l'Encyclopédie de la Pléiade. Enfin, on se souviendra, toujours à ce propos, de la jolie question posée dans Odile : Quelle satisfaction peut-on bien éprouver à ne pas comprendre quelque chose ?
C'est au langage, qui allait devenir son principal outil de travail, que la curiosité de Queneau s'est appliquée avec le plus de constance et de pénétration. C'est aussi cet aspect de son art qui a le plus vivement frappé les critiques. Tous ses commentateurs, et ils commencent à devenir nombreux, ont insisté sur le français parlé de Queneau, et plus précisément sur ce qui leur sautait immédiatement aux yeux : les trouvailles phonétiques, comme Polocilacru, Le Dimanche de la vie et le célèbre Doukipudonktan sur quoi s'ouvre Zazie dans le métro.
Il est bien vrai que le langage de Queneau constitue un apport dont il est peu d'exemples dans la littérature contemporaine. Comme toutes les propositions réellement révolutionnaires, il joue sur deux niveaux : le corrosif et le bâtisseur. Le corrosif traque les lieux communs, fanfaronnades et vacuités, les met en évidence avec malice, les rend inutilisables à jamais. Le bâtisseur offre de nouvelles formes d'écriture, plus directes, plus efficaces ou plus subtiles.
Allant jusqu'au bout de ce souci, en 1960, avec son ami le mathématicien François Le Lionnais, Raymond Queneau fonde l'Ouvroir de Littérature Potentielle, qui se propose de créer de nouvelles « structures » poétiques et romanesques de nouvelles formes fixes, comparables au sonnet, par exemple, ou des contraintes analogues à la règle des trois unités. L'OuLiPo, dont les membres actuels continuent à travailler dans le même sens, ne fut pas un simple club littéraire de plus, mais une création véritable : l'œuvre de Raymond Queneau la plus insaisissable et la plus riche.

Le romancier

L'évidente importance des recherches et des découvertes langagières dans le travail de l'écrivain a conduit la plupart des analystes à négliger ses exceptionnelles qualités de romancier : Queneau est un admirable créateur de figures et un merveilleux conteur d'histoires.
Ses personnages sont divers, bien qu'on puisse les répartir en deux familles assez homogènes : les héros et les gens ordinaires. Pour aller vite, nous dirons que les héros, ce sont ceux qui pensent : ils ne pensent pas forcément comme leur auteur, mais enfin ils font fonctionner leur cervelle, comme un outil d'investigation. Les gens ordinaires sont rebelles à tout effort cérébral, et absorbent benoîtement les idées des autres quand elles parviennent jusqu'à eux.
Il faut ici réserver un paragraphe particulier aux personnages féminins. Les « héroïnes » sont décrites par Queneau avec une force et une tendresse peu communes. Ainsi, c'est presque toujours à leur énergique obstination que les hommes leurs maris, leurs amants doivent leur salut. C'est le cas d'Odile Odile, de Noémi Les Enfants du limon, d'Annette Un rude hiver, de LN Le Vol d'Icare. Mieux, même : en y regardant de plus près, on découvrira que les femmes que l'on peut tenir pour ordinaires jouent elles aussi, dans leur ménage ou leur famille, un rôle déterminant : Sidonie Cloche Le Chiendent et Julia Le Dimanche de la vie sont les éléments moteurs des romans qu'elles habitent.
Ces personnages, Queneau les place dans des situations généralement insolites, pleines de développements nombreux et de péripéties surprenantes. Plusieurs de ses romans présentent même différentes intrigues enchevêtrées, ce qui les rend impossibles à résumer : c'est le cas du Chiendent et de Pierrot, déjà cités, mais aussi des Derniers Jours, des Enfants du limon, de Saint-Glinglin. On remarquera également qu'en un temps où les écrivains « sérieux » abandonnaient volontiers les émotions sentimentales aux auteurs populaires, Raymond Queneau publiait, avec Odile et Un rude hiver, deux romans d'amour graves, profonds et bouleversants.
On ne peut pas quitter le chapitre des personnages sans observer que, parmi d'autres, plus fugitives, une question têtue court d'un livre à l'autre, de la prose à la poésie, et c'est : Qu'est-ce qu'un personnage de roman ? Cette question, qui forme la trame du Chiendent, se trouve explicitement posée dans Le Vol d'Icare. On observera que Raymond Queneau, en écrivain rebelle à toute confession publique, a subtilement déplacé le traditionnel problème d'identité, devenu, sous la forme : Mais qui suis-je donc ? le pont-aux-ânes des littérateurs contemporains.

Une morale

Malgré la méfiance que professait Raymond Queneau à l'égard des faiseurs de systèmes et le peu d'empressement qu'il mettait à donner des leçons, il est clair que l'on peut distinguer, dans son œuvre, l'ombre d'une morale : c'est là le propre de tout univers cohérent, qu'il soit réel ou imaginaire. Cette morale, assez curieusement, ne coïncide pas tout à fait avec celle de la société des hommes. Cet écrivain réaliste ne restitue pas le monde tel qu'il est : il le corrige. Mais, comme il le corrige par de simples (quoique pas innocentes) omissions, ce qu'il nous en montre nous paraît parfaitement authentique.
Par exemple, il n'y a pas un seul salaud dans cette œuvre qui fait vivre pourtant des centaines de personnages – en réalité, il y en a un : Bébé Toutout, le gnome diabolique du Chiendent ; et ce n'est pas exactement un homme.
Je crois qu'il faut faire ici la part de la malice : Queneau choisit, parce que c'est plus agréable, de ne parler que des gens sympathiques, de ceux qu'il aurait du plaisir à fréquenter. Il fait même un instant semblant de croire aux rossignols humanistes, et que tous les hommes sont de bonne volonté. Mais il laisse traîner, ici ou là, un signe révélateur, un indice de sa fausse naïveté.
Le mot malice est préférable au mot humour, et pas seulement parce que, de celui-ci, on use à tort et à travers. L'humour est plein de replis ombreux, d'âcres touffeurs et de ricanements que l'on ne découvre jamais au fond des choses, chez Queneau. C'est peut-être à son ascendance campagnarde qu'il doit cela : les paysans, même les plus rusés, sont doués d'une trop bonne humeur pour avoir de l'humour ! La malice, en revanche, convient tout à fait à leur façon de voir, de comprendre et de raconter les choses. Enfin, si l'on se posait sérieusement la question, on pourrait se reporter à l'article « L'Humour et ses victimes », publié en 1938 dans Volontés, et repris, trente-cinq ans plus tard, dans Le Voyage en Grèce. Il ne résout pas le problème : il jette le lecteur de bonne foi dans une saine perplexité, ce qui est bien préférable.

Le dernier envol

De 1952 à 1960, Raymond Queneau a écrit les dialogues de plusieurs films : outre Monsieur Ripois, de René Clément, on peut citer La Mort en ce jardin, de Luis Buñuel, et Le Dimanche de la vie, de Jean Herman, tiré de son propre roman. Malgré le grand amour qu'il a toujours manifesté pour le cinématographe (et qui se matérialise dans Loin de Rueil), il ne semble pas que cette activité ait entièrement répondu à son attente. On peut supposer qu'un esprit aussi précis, un artisan aussi pointilleux, n'allait pas supporter longtemps la sympathique mais épuisante approximation qui accompagne souvent le travail des cinéastes.
Le dernier roman de Raymond Queneau, Le Vol d'Icare, n'est pas seulement le dernier. Il semble qu'au faîte d'une œuvre nombreuse et dense, l'écrivain ait voulu réunir tout ce qu'il savait faire et tout ce qu'il aimait en un somptueux bouquet final. On y remarquera, en effet, que ce livre conçu comme un scénario de film est très soigneusement construit ; que son écriture utilise le mode du récit, très elliptique, et des dialogues qui ressemblent à ceux du cinéma ; que l'on y trouve des personnages fort divers, dont un héros en voie de développement et plusieurs femmes énergiques ; que la présence de l'Exposition universelle de 1889 symbolise la passion encyclopédiste, et l'affrontement entre les écrivains, la passion littéraire...
Enfin, Raymond Queneau apporte une héroïque réponse à l'obscure question sur la nature et l'identité du personnage de roman, une réponse mélancolique et fière, celle-là même que l'on pouvait attendre et que l'on n'espérait pas : c'est celui qui s'envole et qui meurt à la fin. Jacques Bens

Influence

L'influence de René Guénon sur Raymond Queneau :
Un utilisateur prévoit de modifier cet article pendant quelques jours. Vous êtes invité(e) à en discuter en page de discussion et à participer à son amélioration de préférence en concertation pour des modifications de fond.
Raymond Queneau était un lecteur assidu et attentif de l'œuvre de René Guénon, qu'il avait découvert en lisant en 1921 l'Introduction générale à l'étude des doctrines hindoues5. À partir de cette date et jusqu'à ce que les fin des années '20, Queneau avait lu tous les livres et les articles de Guénon6, et a eu aussi une brève correspondance avec lui.

Å’uvres

Les Œuvres complètes sont éditées aux éditions Gallimard dans la Bibliothèque de la Pléiade.

Romans

Le Chiendent, 1933, Prix des Deux Magots
Gueule de pierre, 1934
Les Derniers Jours, 1936
Odile, 1937
Les Enfants du limon, 1938
Un rude hiver, 1939
Les Temps mêlés (Gueule de pierre II), 1941
Pierrot mon Ami, 1942
Loin de Rueil, 1944
En passant, 1944
On est toujours trop bon avec les femmes, 1947
Saint-Glinglin, 1948
Le Journal intime de Sally Mara, 1950
Le Dimanche de la vie, 1952
Zazie dans le métro, 1959
Les Fleurs bleues, 1965
Le Vol d'Icare, 1968

Poésies

Chêne et chien, 1937
Les Ziaux, 1943
L'Instant fatal, 1946
Analyse logique, 1947
Petite cosmogonie portative, 1950
Si tu t'imagines, reprenant les trois premiers recueils, 1952
Cent mille milliards de poèmes, 1961
Le Chien à la mandoline, 1965
Courir les rues, 1967
Apprendre à voir, 1968
Battre la campagne, 1968
Fendre les flots, 1969
Morale élémentaire, 1975

Essais et articles

Traité des vertus démocratiques, manuscrit de 1937, édité pour la première fois en 1993.
Bâtons, chiffres et lettres, 1950
Pour une bibliothèque idéale, 1956
Entretiens avec Georges Charbonnier, 1962
Bords, 1963
Une Histoire modèle, 1966
Le Voyage en Grèce, 1973

Divers

Exercices de style, 1947
Contes et propos, 1981
Journal 1939-1940, 1986
Journaux 1914-1965, 1996
Lettres croisées 1949-1976 : André Blavier-Raymond Queneau, correspondance présentée et annotée par Jean-Marie Klinkenberg, 1988
Sur les suites s-additives, Journal of Combinatorial Theory 12 1972, p. 31-71
La légende des poules écrasées, texte théâtral publié dans le Magazine Littéraire no 523, septembre 2012

Traductions

Le Mystère du train d'or d'Edgar Wallace, avec sa femme Janine, sous le nom de Jean Raymond, 1934
Peter Ibbetson de George du Maurier, 1946
L'Ivrogne dans la brousse The Palm wine drinkard d'Amos Tutuola, 1953
Impossible ici It Can't Happen Here, Sinclair Lewis, 1953
Certains l'aiment chaud Some Like it Hot, film de Billy Wilder, 1959. Adaptation française des dialogues.

Correspondances

Correspondances Raymond Queneau - Élie Lascaux, Verviers, Temps Mêlés, octobre 1979 126 p.
Une correspondance Raymond Queneau - Boris Vian, Les amis de Valentin Brû, no 21, 1982 48 p.
Raymond Queneau et la peinture, Jean Hélion, Les amis de Valentin Brû, no 24-25, 1983 100 p.
Raymond Queneau et la peinture, II, Enrico Baj, Les amis de Valentin Brû, no 26, 1984 50 p.
Raymond Queneau et la peinture, IV, Élie Lascaux, Les amis de Valentin Brû, 1985 88 p.
30 lettres de Raymond Queneau à Jean Paulhan, Revue de l'association des amis de Valentin Brû, 1986 102 p.

Discographie

Raymond Queneau mis en musique
Raymond Queneau mis en musique et chanté, par Jean-Marie Humel, Paris : Jacques Canetti, 1991, Jacques Canetti 107752
François Cotinaud fait son Raymond Queneau, par l'ensemble Text'up 2004, Label Musivi
Si tu t'imagines, musique Joseph Kosma, par Juliette Gréco, 1949
L'instant fatal, musique Max Unger, 20107
9 chansons sur des poèmes de Raymond Queneau, par Gilles Maugenest, 2002
Tant de sueur humaine, musique Guy Béart, par Guy Béart, 1965. Disques Temporel
Les fleurs bleues du pianiste Stéfano Bollani

Filmographie

En 1951, le cinéaste Pierre Kast réalisa Arithmétique leçon d'arithmétique de 8 minutes donnée par Raymond Queneau avec mise en évidence du zéro, l'une des découvertes les plus importantes de l'esprit humain, et du nombre googol, le 1 suivi de cent zéros.
Raymond Queneau interpréta le rôle de Georges Clemenceau dans le film Landru de Claude Chabrol, sorti le 25 janvier 1963.


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#112 Benjamin Constant
Loriane Posté le : 23/10/2015 20:08
Le 25 octobre 1767 naît Benjamin Constant de Rebecque

romancier, du mouvement libéralisme, romantisme, essayiste, homme politique, et intellectuel français d'origine vaudoise, mort à 63 ans, à Paris le 8 décembre 1830, inhumé au cimetière du Père-Lachaise. Ses Œuvres principales sont : " Principes de politique applicables à tous les gouvernements représentatifs,essai de 1815 et Adolphe, roman en 1816.
Républicain et engagé en politique depuis 1795, il soutiendra le Coup d'État du 18 fructidor an V, puis celui du 18 Brumaire. Il devient sous le Consulat le chef de l'opposition libérale dès 1800. Après avoir quitté la France pour la Suisse puis l'Allemagne, il se rallie à Napoléon pendant les Cent jours, et revient en politique sous la Restauration. Élu député en 1818, il le sera encore à sa mort en 1830. Chef de file de l'opposition libérale, connue sous le nom des « Indépendants », il est l'un des orateurs les plus en vue de la Chambre des députés et défend le régime parlementaire. Lors de la Révolution de juillet, il soutient l'installation de Louis-Philippe sur le trône.
Auteur de nombreux essais sur des questions politiques ou religieuses, Benjamin Constant est aussi l'auteur de romans psychologiques sur le sentiment amoureux comme Le Cahier rouge 1807, où se retrouvent des éléments autobiographiques de son amour pour Madame de Staël, et Adolphe 1816.

En bref

Né le 25 octobre 1767 à Lausanne, descendant de protestants français réfugiés en Suisse, Constant appartient à une famille de hobereaux qui louait ses services aux armées étrangères. Il reçoit une éducation très disparate, qu'il a décrite avec humour dans le Cahier rouge. Livré à des précepteurs médiocres, il fait preuve néanmoins de talents précoces, surtout dans le domaine des langues anciennes et de la musique. À douze ans, il écrit un roman héroïque, Les Chevaliers. Ballotté à travers l'Europe par son père Bruxelles, 1774 ; Londres, Oxford, 1780 ; Erlangen, 1782 ; Édimbourg, 1785 ; Paris, 1785 et 1787, son instruction très vaste souffre pourtant d'un manque de continuité. De 1788 à 1794, Constant exerce durant six ans la fonction de chambellan à la cour de Brunswick. Séjour morose, qu'un triste mariage, bientôt rompu, rend encore plus sombre. Il trompe son ennui en se dévouant pour sauver l'honneur et la fortune de son père compromis dans un interminable procès militaire. Le jeune Vaudois en conçoit de la haine à l'égard de l'aristocratie bernoise ; il affiche son goût pour la démocratie, se lie avec Jacob Mauvillon et s'intéresse de plus en plus à la Révolution. Cette évolution l'émancipe peu à peu du mentorat d'Isabelle de Charrière, avec laquelle il était lié depuis 1787. Ses déboires ne l'empêchent pas de travailler ; il découvre la théologie allemande et nourrit sa réflexion de l'exemple de Frédéric II et du joséphisme. C'est donc un jeune homme très brillant, mais un peu amer et désabusé, que rencontre Mme de Staël le 18 septembre 1794 à Lausanne.
L'amour qu'il éprouve pour cette femme déjà célèbre lui procure en même temps l'enthousiasme et une raison d'être. Mme de Staël lui offre l'occasion de se révéler intellectuellement grâce à sa conversation et à son esprit et matériellement grâce à ses relations. Constant peut ainsi passer de l'obscurité d'une petite cour allemande à la scène parisienne sur laquelle il arrive avec la fille de Necker en mai 1795. Dès lors, jusqu'en 1802, il va participer au combat des républicains modérés contre les tentatives des royalistes ou celles des néo-jacobins. Cette politique qui vise à terminer la Révolution le place évidemment du côté de la bourgeoisie et de ceux qui ont tout à redouter d'un retour des privilèges ou d'un égalitarisme babouviste. Mais, contrairement à la légende, Constant n'a rien d'un muscadin, et il est faux de voir dans son action l'ambition d'un arriviste sans scrupule. Quatre brochures remarquées De la force du gouvernement actuel, 1796 ; Des réactions politiques suivi de Des effets de la Terreur, 1797 ; Des suites de la contre-révolution de 1660 en Angleterre, 1798, la traduction de la Justice politique de Godwin, la fondation d'un club républicain, des discours politiques, tout cela contribue à faire de Constant un propagandiste écouté, sinon toujours suivi. Conscient des défauts de la Constitution de l'an III, il approuve le courant révisionniste qui aboutit au 18-Brumaire. Mais, dès le lendemain, il se méfie de Bonaparte, dont il pressent l'aspiration au pouvoir personnel. Bel exemple de lucidité, à un moment où l'euphorie était générale dans le clan républicain ! C'est de Brumaire en effet que date pour l'écrivain la prise de conscience de plus en plus nette de la nocivité du pouvoir, quand celui-ci ne trouve aucune limite à son action. Par ses discours au Tribunat et dans sa vaste étude sur la Possibilité d'une constitution républicaine dans un grand pays inédit, Constant va essayer de parer au progrès du despotisme et de l'arbitraire. Son opposition, mal comprise, ne vise pas tant la personne du Premier consul que ses principes de gouvernement.
Appartenant par sa formation à l'époque des Lumières, par sa carrière au XIXe siècle, Benjamin Constant est l'un des représentants les plus illustres et les plus controversés de cette période charnière. Témoin privilégié des bouleversements révolutionnaires, il tenta très tôt de les inscrire dans une explication générale, en faisant intervenir le principe de l'évolution progressive des sociétés. Héritier du XVIIIe siècle, il a voulu en confronter les leçons avec l'expérience récente, afin de réaliser une synthèse d'inspiration résolument libérale. Cette tentative pour combiner l'histoire et la théorie représente un aspect très intéressant de sa démarche intellectuelle. L'importance attribuée dans cette perspective au rôle de l'écrivain est un des traits typiques du groupe de Coppet où se forgèrent de nouveaux concepts et dont Constant ne doit pas être séparé. C'est avec Mme de Staël, Sismondi, les frères Schlegel, notamment, qu'il élabora ses recherches dans des domaines très variés : religion, politique, histoire, littérature, théâtre. De là une œuvre abondante qui fait apparaître une autre caractéristique propre aux mêmes auteurs : Constant fut un intermédiaire entre plusieurs cultures allemande, anglaise, française et entre deux grands courants de pensée, le classicisme et le romantisme. Malheureusement, une tradition historiographique malveillante a longtemps retardé la juste appréciation du rôle du groupe de Coppet. Constant, comme Mme de Staël à laquelle il fut longtemps attaché, eut le triste privilège d'être la cible d'une critique qui s'est trop appesantie sur les aspects anecdotiques de sa vie. Il est vrai que ses biographes ont été longtemps tributaires d'une documentation partielle, mutilée et faussée par des amateurs incompétents. La version authentique et intégrale du Journal intime n'existe que depuis 1952 ; les archives n'ont été accessibles que depuis 1953, 1974 et 1980. C'est pourquoi on assiste actuellement à une redécouverte progressive de l'œuvre.

Sa vie

Benjamin Constant naît le 25 octobre 1767 à Lausanne, fils de Louis-Arnold-Juste Constant de Rebecque, colonel dans un régiment suisse au service de la Hollande stationné à Huningue en septembre 1772 et d'Henriette-Pauline de Chandieu, qui meurt des suites de ses couches le 10 novembre 1767. Originaire de l'Artois et devenue protestante au XVIe siècle, la famille Constant de Rebecque s'était fixée dans la région de Lausanne après la révocation de l’Édit de Nantes 1685.
Suivant son père constamment en voyage, il achève ses études à l'université de Nuremberg en Bavière 1782, puis en Écosse à l'université d'Édimbourg 1783. Il passe la plus grande partie de sa vie en France, en Suisse et en Grande-Bretagne. En 1787, il rencontre à Paris Mme de Charrière, avec laquelle il entame une liaison et une longue correspondance. Son père l'attache en mars 1788 comme chambellan à la cour de Brunswick, où il épouse le 8 mai 1789 Johanne Wilhelmine Luise, dite Minna, baronne de Cramm 1758-1825 et dame d'honneur de la duchesse de Brunswick Augusta de Hanovre, puis devient conseiller de légation.
Le 11 janvier 1793, il rencontre Charlotte de Hardenberg 1769-1845, fille d'un conseiller de légation et nièce de Hardenberg, mariée depuis 1787 à Wilhelm Albrecht Christian, baron de Mahrenholz 1752-1808, avec laquelle il se lie d'amitié. Charlotte divorce, tandis que les Constant se séparent fin mars 1793, avant d'engager en juin 1794 une procédure de divorce, lequel est prononcé le 18 novembre 1795. Après le départ de Constant en août 1794, Charlotte se remarie à Brunswick le 14 juin 1798 avec le vicomte Alexandre-Maximilien du Tertre 1774-1851, un émigré français dont elle divorce en mai 1807. Le 5 juin 1808, Benjamin et Charlotte se marient en secret. Charlotte restera l'épouse de Benjamin jusqu'à la mort de celui-ci en 1830, et mourra elle-même en juillet 1845.
Il entretient de 1794 à 1810 une liaison fameuse avec Germaine de Staël, et la richesse de leurs échanges intellectuels au sein du Groupe de Coppet en fait l'un des couples les plus en vue de leur époque. Il échange une longue correspondance avec sa cousine Rosalie, pour qui il a beaucoup d'affection. Il est très actif dans la vie publique durant la deuxième moitié de la Révolution française puis sous la Restauration française.

Sous la Révolution française

Quittant la Suisse, Benjamin Constant arrive à Paris avec Mme de Staël le 25 mai 1795, peu après la journée de prairial, et fait ses débuts politiques. Il commence par publier un violent réquisitoire contre le projet de décret des deux-tiers, avant de faire volte-face, un mois plus tard, et d'appeler, sous l'influence de Jean-Baptiste Louvet de Couvray, avec lequel il s'est lié d'amitié, au soutien de la constitution de l'an III et des conventionnels qui l'ont enfantée. Il publie les Lettres à un député de la Convention dans les Nouvelles politiques, nationales et étrangères de Suard 24-26 juin 1795. Le 15 octobre 1795, le Comité de salut public exilant Mme de Staël, il la suit dans sa propriété de Coppet sur les rives du lac Léman, en Suisse.
Entre la journée de vendémiaire et celle de fructidor, il s'émancipe de la tutelle et du salon de Mme de Staël et se lie avec Paul Barras, s'engageant en faveur de la politique directorial. Mi-avril 1796, il publie sa première brochure politique importante : De la force du gouvernement actuel et de la nécessité de s'y rallier, insérée dans Le Moniteur. Fin mai-début juin 1797, il publie Des effets de la Terreur à la suite de la seconde édition de De la force du gouvernement actuel et de la nécessité de s'y rallier. Devenu orateur au Cercle constitutionnel de la rue de Lille, qui réunit les républicains modérés, il s'oppose au club de Clichy.
Après le coup d'État du 18 fructidor an V, il sollicite auprès de Barras, dans une lettre datée du 27 mars 1798, d'être agréé par le gouvernement comme candidat officiel, mais sans succès. Le virage à gauche du Directoire et la poussée électorale des Néo-jacobins le marginalisent. La presse directoriale et néo-jacobine lancent de vives campagnes de presse contre ce professeur d'oligarchie. Lors des élections de l'an VI, il subit un échec cuisant. Malgré la mobilisation des réseaux de Mme de Staël, il ne parvient pas à devenir député du Léman. De retour à Paris, exclu de la compétition électorale de l'an VII, il se lie avec Sieyès, nommé au Directoire le 16 mai 1799, et soutient ses projets de révision constitutionnelle.
Absent de Paris du 14 au 17 brumaire pour se porter à la rencontre de Mme de Staël, alors de retour dans la capitale, il y arrive en sa compagnie le soir du 18 brumaire 9 novembre 1799. Le lendemain, il assiste à Saint-Cloud au coup d'État de Bonaparte. Le 24 décembre, Sieyès, qui est alors occupé à placer ses amis et alliés, le fait nommer au Tribunat, malgré de nombreuses oppositions et les réticences de Bonaparte.
Avec d'autres libéraux, il s'y oppose bientôt à la monarchisation du régime, s'opposant à l'établissement des tribunaux spéciaux, et participe à la rédaction définitive du Code civil. Le 5 janvier 1800, il prononce au Tribunat son premier discours, qui le fait apparaître comme le chef de l'opposition libérale, dans lequel il dénonce le régime de servitude et de silence qui se prépare. L'été 1801 voit son départ pour la Suisse, et, le 17 janvier 1802 il est écarté du Tribunat.
Éloigné de Paris avec Mme de Staël sur l'ordre de Napoléon en 1803, il passe en Allemagne. À Weimar, il rencontre Friedrich von Schiller, Johann Wolfgang von Goethe, Christoph Martin Wieland et Johann Gottfried von Herder. Nommé membre de l'académie de Göttingen, il traduit en vers français le Wallenstein de Schiller 1809.

Sous l'Empire

En décembre 1804, il retrouve à Paris Charlotte de Hardenberg, avec laquelle il entame une liaison en octobre 1806. Mme de Staël ayant refusé de l'épouser après le décès de son époux, Charlotte et le vicomte du Tertre ayant divorcé en 1807, Benjamin Constant se marie secrètement avec Charlotte à Besançon, le 5 juin 1808. Entré vers la même époque en relations avec Bernadotte, il est décoré de l'Étoile polaire.
En 1814, il fait paraître De l'esprit de conquête et d'usurpation dans leurs rapports avec la civilisation actuelle, hostile à Napoléon. Par l'entremise de Mme Récamier, il est chargé par Caroline Bonaparte, reine consort de Naples de défendre ses intérêts au Congrès de Vienne. Sous la Première Restauration, il défend l'alliance des Bourbons avec l'héritage issu de la Révolution dans Le Journal des Débats. Aussi, quand lui parvient la nouvelle du retour de l'île d'Elbe de Napoléon, il publie le 19 mars 1815 un article dans lequel il le traite d'Attila, de Gengis Khan, plus terrible, plus odieux encore, affirmant : Je n'irai pas, misérable déserteur, me traîner d'un pouvoir à l'autre, couvrir l'infamie par le sophisme, et bégayer des paroles profanées pour racheter une existence honteuse. Puis il part pour Nantes avec l'idée de s'exiler aux États-Unis, avant de rentrer à Paris, où Napoléon le fait appeler le 14 avril pour lui demander un projet de constitution.

Les Cent-Jours

Rallié à l'Empire, il est nommé au Conseil d'État 20 avril 1815 et participe à la rédaction de l'Acte additionnel 24 avril 1815. Il formule sa théorie du régime parlementaire dans Principes de politique applicables à tous les gouvernements représentatifs 29 mai 1815.
Après la seconde abdication de Napoléon, il se réfugie à Bruxelles 1er novembre 1815, puis en Angleterre 27 janvier 1816, bien que sa condamnation à l'exil, prononcée le 19 juillet 1815, ait été révoquée par le Roi le 24 juillet suivant, et y publie Adolphe.

Sous la Restauration

Benjamin Constant reprend la route de Paris le 27 septembre 1816, à la suite de la dissolution de la Chambre des députés des départements, le 10. Opposé aux Ultras, il fait paraître Des moyens de rallier les partis en France, et collabore au Mercure. Une fois celui-ci interdit par la censure, Constant est l’un des fondateurs et des principaux rédacteurs de La Minerve française, puis de La Renommée. Il y rédige aussi bien des analyses que des comptes rendus d’ouvrages, dont la teneur politique est généralement marquée. Cette activité fait de Constant l’une des personnalités en vue de la vie politique et l’un des leaders d’opinion du courant libéral. Il donne par ailleurs une série de cours à l’Athénée royal, dont la célèbre conférence « De la liberté des anciens comparée à celle des modernes » ; Constant y insiste sur le nécessaire intérêt des citoyens modernes à la vie politique: le système représentatif moderne décharge certes les citoyens du travail politique professionnel mais il exige cependant leur extrême vigilance et leur engagement participatif pour garantir l’exercice de leurs droits et la préservation de leurs jouissances privées.
Dès 1817, Constant aspire à compléter son activité journalistique par un mandat électif ; mais sa personnalité, son passé ainsi que ses livres et ses articles lui suscitent de tenaces inimitiés auprès du gouvernement et des royalistes. Conscient que l’épisode des Cent-Jours lui a valu autant d’incompréhensions que d’ennemis, Constant ressent le besoin de se justifier, et il fait alors paraître les Mémoires sur les Cent-Jours ; de même cherche-t-il à faire valoir l’immutabilité de ses opinions libérales en publiant un recueil de ses textes, le Cours de politique constitutionnelle. Cela ne suffit pas immédiatement à lui valoir une élection : battu une première fois à Paris en 1817, Constant est encore vaincu de quelques voix l’année suivante lorsque le ministère lui fait obstacle en lui opposant le grand industriel Ternaux, pourtant lui-même plus proche des libéraux que de la majorité ministérielle.
Lors d’une élection complémentaire au printemps 1819, Constant est finalement élu le 26 mars par la Sarthe 667 voix sur 1 051 votants et 1 490 inscrits, dont la délégation au Palais Bourbon comprend déjà le général La Fayette. Constant monte pour la première fois à la tribune le 14 avril ; tout au long de son mandat, Constant essaiera d’orienter dans un sens plus libéral la marche du ministère, sans grand succès puisque le centre ministériel, la droite et les ultras seront toujours majoritaires au cours de cette législature, surtout après l’assassinat du duc de Berry et le virage à droite pris alors par le gouvernement en réaction. Siégeant parmi le côté gauche de la Chambre, au sein de l'opposition libérale en compagnie de Voyer d’Argenson, Lafayette, Chauvelin, Laffitte, Dupont, Manuel, Foy, Martin de Gray ou Daunou, Constant défend les principes de la Charte, la liberté de la presse, les acquéreurs de biens nationaux, la liberté individuelle, la liberté religieuse, s’oppose aux lois d'exception, combat l’esclavage.
En juin 1822, après une polémique dans la presse, il se bat en duel avec Joseph Forbin des Issarts. Réélu aux élections de 25 février 1824 député du 4e arrondissement de Paris par 737 voix sur 1 355 votants 1 475 inscrits. D'abord contestée à cause de sa nationalité suisse, son élection est finalement validée. Puis, aux élections du 17 novembre 1827, il est réélu à la fois dans la circonscription de la Seine, où il obtient 1 035 voix sur 1 183 votants et 1 291 inscrits, et dans le 2e arrondissement électoral du Bas-Rhin Strasbourg, avec 124 voix sur 243 votants et 268 inscrits ; il choisit la seconde. Durant ces deux législatures, il s'oppose aux lois sur le sacrilège, sur le droit d'aînesse 1826 et de justice et d'amour contre la presse 1827. L'un des 221 en 1830, il est réélu à Strasbourg le 23 juin 1830 par 201 voix sur 275 votants et 296 inscrits.
Chef de file de l'opposition libérale de gauche connue sous le nom des Indépendants, il est l'un des orateurs les plus éloquents de la Chambre des députés. Passé sans enthousiasme dans l'opposition dynastique après les ordonnances de juillet, il contribue à l'avènement de Louis-Philippe, qui le soulage de ses soucis financiers en lui faisant un don de 300 000 francs, tout en protestant que la liberté passe avant la reconnaissance. Le 27 août 1830, après l'abdication de Charles X, le 2 août, il est nommé président d'une section au Conseil d'État. Réélu le 21 octobre 1830 avec 208 voix sur 237 votants et 279 inscrits, il prononce son dernier discours à la Chambre le 19 novembre.
Malade, il décède le 8 décembre 1830. Des funérailles nationales lui sont organisées le 12 décembre 1830 ; entre cent et cent cinquante mille personnes suivent le convoi funèbre, ce qui en fait l'un des cortèges les plus importants de la Restauration et du début de la monarchie de Juillet en l’honneur d’un homme politique. Au cours de la cérémonie, des jeunes gens veulent porter son cercueil au Panthéon, mais ils en sont empêchés. Un député ayant également sollicité cet honneur pour le défunt, la proposition est mise au vote, et n'obtient pas la majorité. Benjamin Constant est donc inhumé au cimetière parisien du Père-Lachaise 29e division.

L'affaire Wilfrid Regnault

En 1817, il prend fait et cause pour Wilfrid Regnault. Celui-ci, accusé d'avoir assassiné une veuve à Amfreville, un village de Normandie, est condamné à mort le 29 août 1817 par la Cour d'assises de l'Eure. Ce jacobin normand avait vécu à Paris et était soupçonné d'avoir participé aux massacres de septembre sous la Révolution.
Benjamin Constant, à la suite du jeune Odilon Barrot, avocat de Regnault, estime que la réputation de Regnault a contribué grandement à sa condamnation. Le maire d'Amfreville-la-Campagne est en effet un noble, ancien député ultra de la Chambre introuvable de 1815. Il a participé à l'enquête, et s'est par la suite avéré l'auteur d'une note, parue dans la presse, calomnieuse à l'égard de Regnault. Constant reprend tous les éléments de l'enquête et poursuit comme publiciste la démarche que les avocats de Regnault avaient commencée : il confronte les témoignages, fait dresser un plan du village d'Amfreville, répertorie les incohérences et les contradictions des témoignages et lance une campagne de presse en faveur de Regnault, analysant toutes les incohérences de l'accusation une à une, avec autant de précision, de verve et de rigueur que Voltaire dans l'affaire Calas.
Les différentes voies judiciaires n'ayant pas abouti à sauver la tête de Regnault, le dernier recours est en effet l'instance royale, au moyen de l'opinion publique. Constant obtient, à la suite de la publication de deux brochures intitulées Lettres à Odilon Barrot, et de la campagne de presse qui suit, la commutation de la peine en vingt ans d'emprisonnement au grand dam des ultras à défaut de la reconnaissance de son innocence et de la grâce. Regnault sortira de prison en octobre 1830, et n'aura jamais rencontré Benjamin Constant.
À travers cette affaire particulière, c'est le droit, pour chaque personne, de combattre une décision judiciaire inique que défendait Constant. Dans un article paru dans La Minerve en mars 1818, il explique : Encore un mot sur le procès de Wilfrid-Regnault, il écrit : C'est aujourd'hui plus que jamais que les formes doivent être respectées …, que tout Français a le droit de s'enquérir si on les observe, si toutes les vraisemblances ont été pesées, tous les moyens de défense appréciés à leur juste valeur. Il ajoutait que mille motifs se réunissent pour entraîner les hommes, sans qu'ils s'en doutent, hors de la ligne, devenue étroite et glissante, de la scrupuleuse équité.

Une retraite forcée

Exclu du Tribunat en 1802 avec une fournée d'idéologues, Benjamin Constant commence alors sa traversée du désert. Jusqu'en 1814, il partagera l'ostracisme qui frappe Mme de Staël. Période extrêmement féconde, malgré la censure et l'état général des esprits qui ôtent à l'écrivain tout espoir de publication. Il accumule des matériaux abondants dont il tirera profit sous la Restauration. En 1803 et 1806, il achève deux gros traités politiques. Le second, intitulé Principes de politique, fixe quasi définitivement sauf pour ce qui concerne la propriété sa doctrine libérale.
En 1806, Constant commence un roman qui deviendra Adolphe. En 1809, il publie Wallstein d'après la pièce de Schiller, dont la préface peut être considérée comme un premier manifeste d'une esthétique non classique. En 1813, il compose un poème épique : Florestant, ou le Siège de Soissons. Cependant, quelque importants que ces textes puissent paraître pour l'histoire littéraire, ils ont été pour l'auteur négligeables en regard de sa gigantesque recherche sur les religions antiques, qui l'occupe presque continuellement, et dont nous pouvons suivre la réalisation grâce aux fonds manuscrits. Son mariage avec Charlotte née Hardenberg en 1808, sa rupture avec Mme de Staël, si longtemps différée, accentuent son goût déjà prononcé pour l'introspection. Dès 1803, Amélie et Germaine révélait son hésitation entre deux types de femmes ; puis le Journal intime rédigé de 1804 à 1807 et repris de 1811 à 1816 se fait entre autres l'écho de cette difficulté qu'il a de prendre parti. Enfin, Cécile 1810 ? et Ma Vie ou Cahier rouge, 1811 tentent de conjurer, par le biais de l' autobiographie, une profonde angoisse. Ces écrits, connus au XXe siècle seulement, font de Constant un maître de l'analyse psychologique. Adolphe, reconnu de nos jours comme l'un des chefs-d'œuvre de la littérature, met en scène un jeune homme incapable de rompre une liaison sentimentale et qui souffre de faire souffrir. Longtemps interprété comme un portrait moral à peine dissimulé de son auteur, et comme un récit de sa vie amoureuse on a voulu reconnaître Anna Lindsay dans Ellénore, et l'impossible rupture évoque évidemment ses relations avec Mme de Staël, Adolphe séduit aujourd'hui la critique par ses procédés de narration particulièrement subtils et par son style dépouillé, très classique dans sa forme et qui rend admirablement l'atmosphère fatale du roman. Le statut des œuvres autobiographiques est à son tour réexaminé dans une perspective plus littéraire : il ne s'agit plus en effet d'y voir le simple décalque de la réalité vécue, mais déjà la transposition de celle-ci dans une dimension romanesque. Amélie et Germaine, malgré l'authenticité des personnages et des situations, ne doit pas être considéré comme un vrai journal intime, car on peut observer dans son écriture un dérapage vers la forme du roman. Ma Vie, Cécile, Adolphe représentent ainsi les étapes non chronologiques de la recherche du genre narratif le mieux adapté à l'évocation de problèmes intimes, mais qui confinent, grâce à ces procédés, à l'universel.

Le retour à la vie publique

Si le triomphe de Napoléon avait relégué dans l'ombre l'activité de Constant, la chute de l'empereur l'autorise à revenir sur la scène politique. Dès 1813-1814, dans le sillage de Bernadotte, puis lors de l'intermède des Cent-Jours, Constant, jusqu'à sa mort qui eut lieu le 8 décembre 1830, va progressivement devenir l'un des phares de l'école libérale, luttant pour le respect des libertés individuelles dans le cadre de la Charte et contre les exigences ultraroyalistes. Ce combat est poursuivi dans la presse le Mercure, la Minerve, la Renommée, le Courrier français, à la Chambre des députés de 1819 à 1822 et de 1824 à 1830, et par la publication de nombreux ouvrages Cours de politique constitutionnelle, 1818 ; Mémoires sur les Cent-Jours, 1820 ; De la religion, 5 vol. de 1824 à 1831 ; Mélanges de littérature et de politique, 1829.... Activité débordante, qu'il assure malgré une santé déficiente, des procès, des menaces, des embarras financiers, mais qui lui apporte la popularité et l'estime de la jeunesse. Une foule immense accompagne son cercueil au Père-Lachaise le 12 décembre 1830, selon un rite qui rappelle les funérailles de Foy, de Manuel et, plus tard, de Lamarque.

Une œuvre à redécouvrir ?

Deux facteurs ont contribué à masquer l'importance de l'œuvre constantienne. D'une part, la gloire posthume d'Adolphe et des écrits intimes (qui n'étaient pas destinés à la publication) a attiré la critique vers l'aspect le plus brillant de son œuvre, tandis que les progrès de l'érudition n'étaient pas encore en mesure d'éviter les pièges de la fascination biographique. D'autre part, il faut noter l'absence de concordance parfaite entre l'œuvre publiée par l'auteur et celle qu'il a laissée à l'état manuscrit. Or cette dernière permet précisément de mieux saisir l'unité profonde d'un travail en perpétuel recommencement. La recherche récente tente donc d'appréhender globalement l'homme et l'œuvre dans son contexte social, politique et culturel. Les options fondamentales de Constant étant en général connues, on n'attend plus de révélations surprenantes ; mais la critique veut mettre en premier plan les procédés d'écriture, la genèse des textes et tout ce que les archives peuvent nous apprendre sur le travail intellectuel entre la période des Lumières et le positivisme. Peu importe ou tant mieux si l'homme ressort différent de cette enquête ; l'essentiel est de restituer une œuvre conforme à son élaboration progressive, dans la perspective qui fut celle de l'auteur. Étienne Hofmann

Å’uvre

Les commentateurs ont longtemps tenu le libéralisme de Constant pour une simple rationalisation de l'égoïsme et de l'intérêt matériel ou comme un écran idéologique au triomphe d'un gouvernement élitiste. Ces reproches, comme ceux qui associent Constant à une girouette, datent de l'époque même de Constant, et l'historien polémiste Henri Guillemin s'en est fait l'un des plus bruyants porte-parole.
Depuis une trentaine d'années cependant, les travaux sur les écrits, les manuscrits et la pensée de Constant ont complètement invalidé cette vision. L'édition des Principes de politique 1806-1810, manuscrit resté inédit jusqu'en 1980, a constitué un moment important à cet égard. On s'est de même rendu compte de l'unité de l'œuvre de Constant, loin des images de girouette : tant que les principes qu'il promeut peuvent être appliqués, peu lui importe en somme le mode de gouvernement république, Empire ou monarchie constitutionnelle, d'où cette image qui lui a longtemps collé à la peau de serviteur déloyal aux régimes qui l'emploient.

Les sources : Benjamin Constant, lecteur

Avant d'être un philosophe, Constant fut un lecteur passionné et un écrivain. Il avait une excellente connaissance de la philosophie et du romantisme allemand Kant, Schelling, Schlegel. Il entra en 1796, dans une vive polémique avec le philosophe de Koenigsberg qui soutenait que dire la vérité était un devoir moral indépendant du contexte. Il fut également volontiers lecteur des nombreux libéraux français dont Voltaire et des écrits de Condillac, il a fréquenté le milieu de Fauvel et de Cabanis.

Adolphe, l'écrivain

Constant est connu pour son abondante correspondance, son journal intime, ses récits autobiographiques dont Adolphe publié en 1816 à Paris.
Le critique Charles Du Bos 1882-1939 a dit de lui : l'égal de quiconque ... mais, pas plus que son esprit, sa langue ne témoigne d'aucun indice national. Elle est classique mais sans le tour classique.

La liberté chez les Modernes

Constant se distingue de ses aînés Rousseau et Montesquieu quant à sa vision du pouvoir de l'État. Pour lui, en schématisant, peu importe l'origine ou la nature du pouvoir, monarchie, république… du moment qu'il est déployé de façon acceptable : le peuple reste souverain, sans quoi ce serait le règne de la force, mais son pouvoir doit s'arrêter au seuil de l'individu. Le bonheur et les besoins de la société ne recouvrent pas nécessairement ceux des individus : il faut donc conjuguer le pouvoir du peuple avec la protection de ceux-là. La société ne saurait avoir tous les droits sur l'individu ; il est des choses sur lesquelles la collectivité et les lois n'ont pas à s'exprimer, qu'elles n'ont pas le droit d'interdire, et que les individus ont le droit de faire : c'est ainsi que Constant donne une définition de la liberté. Il ajoute que l'homme souffrant naturellement du besoin d'agir et du plaisir à se croire nécessaire, le pouvoir occupé par un homme tend en général à s'accroître : il faut ainsi prendre des précautions contre le pouvoir lui-même plutôt que contre l'homme qui le possède, comme d'une arme qui pourrait tomber en des mains incertaines : c'est contre l'arme et non contre le bras qu'il faut sévir.
Toute autorité qui n'émane pas de la volonté générale est incontestablement illégitime. … L'autorité qui émane de la volonté générale n'est pas légitime par cela seul …. La souveraineté n'existe que d'une manière limitée et relative. Au point où commence l'indépendance de l'existence individuelle, s'arrête la juridiction de cette souveraineté. Si la société franchit cette ligne, elle se rend aussi coupable de tyrannie que le despote qui n'a pour titre que le glaive exterminateur. La légitimité de l'autorité dépend de son objet aussi bien que de sa source. Constant théorise ainsi l'expérience vécue sous la Terreur : le peuple souverain sans limite conduit à des formes aussi abominables que la plus brutale monarchie de droit divin.
La multiplication des pouvoirs pour limiter les pouvoirs entre eux peut mener, selon Constant, à une escalade indésirable et à une forme de tyrannie du nombre : plus les bénéficiaires et les lieux du pouvoir sont nombreux, plus violente risque d'être leur tyrannie ainsi démultipliée. Pour Constant, les garanties constitutionnelles et l'opinion publique constituent les plus sûrs garde-fous à un emballement du pouvoir étatique, d'où l'importance qu'il accorde dans ses écrits, particulièrement pendant la Restauration, à la liberté de la presse : Toutes les barrières civiles, politiques, judiciaires deviennent illusoires sans liberté de la presse. Sans elle, le peuple se détacherait entre autres des affaires publiques ; l'activité et l'émulation des écrits permettent aux esprits d'être stimulés, de parvenir à plus de pénétration et de justesse. Constant a une vision perfectibiliste de l'histoire.
Il insiste également sur la garanties des formes, en particulier judiciaires, en tant que rempart contre l'arbitraire et les abus, arguant que la seule utilité n'est pas un principe satisfaisant ni suffisant : L'on peut trouver des motifs d'utilité pour tous les commandements et pour toutes les prohibitions. … C'est avec cette logique que de nos jours on a fait de la France un vaste cachot. À la Chambre, le 3 mai 1819, il combattra aussi ce système qui dit qu'il vaut mieux prévenir les délits que les punir, système toujours mis en avant par le despotisme pour enchaîner les innocents, sous le prétexte qu'ils pourraient bien devenir coupables ; système qui s'étend d'un individu à tous les individus, d'une classe à toutes les classes, et ourdit un vaste filet dans lequel tous, sous le prétexte d'être garantis, se trouvent enveloppés. Constant soutient que le gouvernement doit absolument respecter les formes, c'est-à-dire ne pas céder à la violence illégitime, à l'arbitraire, à l'injustice ou à l'irrégularité, même contre ses ennemis, sous prétexte de perdre de sa légitimité, du respect qu'il doit inspirer, et de sacrifier le but qu'il veut atteindre aux moyens trop importants qu'il y emploie.
Auteur libéral, c'est de l'Angleterre plus que de la Rome antique qu'il tire son modèle pratique de la liberté dans de vastes sociétés commerçantes. Il établit en effet une distinction entre la liberté des Anciens et celle des Modernes. Il définit la première comme une liberté républicaine participative conférant à chaque citoyen le pouvoir d'influer directement sur la politique à travers des débats et des votes à l'assemblée publique. Le pendant de ce pouvoir politique est l'asservissement de l'existence individuelle au corps collectif, la liberté individuelle étant totalement soumise aux décisions du corps politique. Pour assurer la participation à la vie politique, la citoyenneté est un lourd fardeau et une obligation morale nécessitant un investissement considérable en temps et en énergie. En général ceci ne peut se faire sans une sous-société d'esclaves chargée de l'essentiel du travail productif, permettant ainsi aux citoyens de se consacrer aux affaires publiques. En outre, la liberté des Anciens concerne des sociétés homogènes et de petite taille, dans lesquelles la totalité des citoyens peut sans difficulté se rassembler en un même lieu pour débattre.
La liberté des Modernes, par opposition, est selon Benjamin Constant fondée sur les libertés civiles, l'exercice de la loi, et l'absence d'intervention excessive de l'État. La participation directe des citoyens y est limitée : c'est la conséquence nécessaire de la taille des États modernes. C'est aussi le résultat inévitable du fait d'avoir créé une société commerçante dépourvue d'esclaves dont tous les membres ou presque sont dans l'obligation de gagner leur vie par leur travail. Dans ces sociétés, les citoyens élisent des représentants, qui délibèrent en leur nom au parlement et leur épargnent ainsi la nécessité d'un engagement politique quotidien.
De plus, Constant pense que le commerce, qui vaut mieux que la guerre, est naturel aux sociétés modernes. En conséquence, il critique les appétits de conquête de Napoléon comme non libéraux et non adaptés à l'organisation des sociétés modernes, fondées sur le commerce. La liberté ancienne tendrait naturellement vers la guerre, tandis qu'un État organisé selon les principes de la liberté moderne serait en paix avec toutes les nations pacifiques.

Sentiment religieux et méliorisme

En plus de ses travaux littéraires et politiques, Constant a travaillé durant une quarantaine d'années sur la religion et le sentiment religieux. Ses ouvrages témoignent d'une ambition de saisir un phénomène social inhérent à la nature humaine qui, dans les formes qu'il prend, est soumis au concept de perfectibilité. Si les formes se figent, la rupture est inévitable : les formes que prend le sentiment religieux doivent donc s'adapter et évoluer.
Constant refuse à l'autorité politique le droit de se mêler de la religion de ses sujets, même pour la défendre. Il estime que chaque individu doit pouvoir conserver le droit de trouver où il le souhaite consolation, morale et foi : L'autorité ne peut agir sur la conviction. Elle n'agit que sur l'intérêt »15. Il condamne de même la vision d'une religion vulgairement utile, au nom de la dégradation du sentiment.
Il considère le déclin du polythéisme comme un fait nécessaire depuis le progrès de l'humanité. Plus l'esprit humain se perfectionne, plus les résultats du théisme doivent être heureux. Le théisme connait lui-aussi une évolution. Le christianisme, en particulier sous sa forme protestante est, à ses yeux, la forme la plus tolérante et le degré supérieur de l'évolution intellectuelle, morale et spirituelle.

Édition de son œuvre

Pour toutes les œuvres de Constant, l'édition de référence, riche en introductions, notes et variantes, est celle des Œuvres Complètes, en cours d'édition 17 tomes parus dont dix d'œuvres et sept de Correspondance, 21 volumes. Un volume de ses œuvres regroupées sous le titre Écrits autobiographiques – Littérature et politique – Religion est paru dans la Bibliothèque de la Pléiade édition et préface d'Alfred Roulin, 1957.

Essais

De la force du gouvernement actuel de la France et de la nécessité de s'y rallier 1796
Des réactions politiques 1797
Des effets de la Terreur 1797
Fragments d'un ouvrage abandonné sur la possibilité d'une constitution républicaine dans un grand pays publié en 1991 chez Aubier, ouvrage inédit probablement rédigé entre 1795 et 1810
De l'esprit de conquête et de l'usurpation dans leurs rapports avec la civilisation européenne 1814
Réflexions sur les constitutions, la distribution des pouvoirs et les garanties dans une monarchie constitutionnelle 1814
Principes de politique applicables à tous les gouvernements représentatifs 1815
Mémoires sur les Cent-Jours
Cours de politique constitutionnelle 1818-1820
De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes célèbre discours prononcé en 1819
Commentaire sur l'ouvrage de Filangieri 1822-1824
De la religion considérée dans sa source, ses formes et son développement 1824-1830
Appel aux Nations chrétiennes en faveur des Grecs. 1825
Mélanges de littérature et de politique 1829
Du polythéisme romain considéré dans ses rapports avec la philosophie grecque et la religion chrétienne 1833
Correspondance de Benjamin Constant et d'Anna Lindsay - L'Inconnue d'Adolphe, publiée par la baronne Constant de Rebecque. Plon, 1933.

Romans

Dennis Wood, Isabelle de Charrière et Benjamin Constant. À propos d'une découverte récente. [Sur Les Lettres d'Arsillé fils, Sophie Durfé et autres, roman écrit par Benjamin Constant et Madame de Charrière. In : Studies on Voltaire and the eighteenth century ; 215. Oxford, Voltaire Foundation, 1982, p. 273-279.
Adolphe 1816 — consultez quelques citations
Le Cahier rouge 1807, publication posthume 1907
Cécile 1811, publication posthume 1951

Lettres

Lettre à M. Odillon-Barrot, avocat en la Cour de cassation, sur l'affaire de Wilfrid Regnault, condamné à mort 1818 puis publié chez P. Plancher en 1819
Deuxième lettre à M. Odillon-Barrot, avocat en la Cour de cassation, sur l'affaire de Wilfrid Regnault, condamné à mort 1818 puis publié chez P. Plancher en 1819
De l'appel en calomnie de M. le marquis de Blosseville, contre Wilfrid-Regnault 1818 puis publié chez P. Plancher en 1819
Correspondance Isabelle de Charrière et Benjamin Constant 1787-1805, Éd. Jean-Daniel Candaux. Paris, Desjonquères, 1996
Renée Weingarten, Germaine de Staël & Benjamin Constant. A dual Biography, Yale, 2008.

Postérité

Ses essais sur l'évolution des religions et le sentiment religieux soumis au concept de perfectibilité sont parfois rapprochés avec Auguste Comte et Ernest Renan.
Benjamin Constant a fasciné Jacques Chessex ; il est indirectement le héros de son roman L'Imitation 1998, dont le personnage principal, Jacques-Adolphe Jacques comme Jacques Chessex, Adolphe qui renvoie à l'œuvre la plus connue de Constant, agit et vit dans l'imitation de son modèle, Benjamin Constant.

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#113 Théophraste Renaudot
Loriane Posté le : 23/10/2015 18:48
Le 25 octobre 1653 à Paris meurt Théophraste Renaudot

Journaliste, médecin, philanthrope, né en 1586 à Loudun. Il est le fondateur de la publicité et de la presse française par ses deux créations du Bureau d'adresse 1629 et de la Gazette, journal hebdomadaire 30 mai 1631. Médecin ordinaire du roi, il fut nommé commissaire aux pauvres du royaume . Ce médecin du roi, soutenu par Richelieu et le père Joseph, avait, en tant que commissaire des pauvres, ouvert une sorte de dispensaire-bureau de placement et publiait une feuille d'annonces. Le 11 octobre 1631, il obtint le privilège de l'impression des gazettes, nouvelles et récits de tout ce qui s'est passé et se passe tant dedans que dehors le royaume. Il favorisa, dans sa Gazette et dans la feuille de son bureau d'adresses, l'échange par annonces entre ceux qui proposaient leurs services et ceux qui en demandaient : Terres seigneuriales à vendre. Maisons aux champs qu'on demande à acheter. Bénéfices à permuter...
En 1635, il prit la direction du Mercure de France. La Gazette devenue la Gazette de France parut de 1762 à 1914 deviendra le journal officiel. Renaudot apparaît à plus d'un titre comme un fondateur. Premier directeur de journal, à l'origine de la publicité de presse, il fut également le premier rédacteur, ou rewriter : en effet, les nouvelles que publiait la Gazette n'étaient pas, le plus souvent, recueillies par lui ; il réécrivait des informations que d'autres – y compris Richelieu, et même Louis XIII – lui fournissaient, comme le feront tant d'autres journalistes après lui. Il émit en outre un certain nombre de préceptes concernant la recherche de la vérité qui, aujourd'hui encore, fondent la déontologie du métier.
Un prix littéraire, le prix Renaudot, fondé en 1925, perpétue sa mémoire.
Louis XIV confirma à ses fils Théophraste conseiller à la Cour des monnaies, mort en 1672, puis Eusèbe 1613-1679 le privilège de la Gazette et du bureau d'adresses, qu'il continuèrent à diriger et à publier après la mort de leur père.

En bref

La carrière de Renaudot est des plus curieuses : elle révèle une grande opiniâtreté, beaucoup d'intelligence, de réels talents d'intrigue et surtout une remarquable curiosité. Bien que trop souvent ignoré par l'histoire, le père de La Gazette fut un des esprits les plus remarquables de son temps.
Né dans une famille protestante aisée, Renaudot quitta Loudun dans la Vienne en 1605 pour faire ses études de médecine à Montpellier : il y fut reçu docteur en 1606, à vingt ans ! Il voyagea ensuite plusieurs années avant de se fixer en 1612 dans sa ville natale. Un Traité des pauvres lui valut en 1612 un premier brevet royal pour un projet de bureau d'adresses. En Poitou, Renaudot connut Richelieu, évêque de Luçon, réfugié près de Poitiers, et le père Joseph. En 1624, ses deux protecteurs firent confirmer ses brevets ; en 1626, Renaudot, qui s'était installé à Paris, se convertit au catholicisme. En 1629, il put enfin ouvrir dans l'île de la Cité, rue de Calandre, à l'enseigne du Grand Coq, son bureau d'adresses.
À l'origine, il ne s'agissait que d'un bureau de placement officiel destiné à offrir du travail à la masse des gueux qui encombraient les hospices et les bas quartiers de Paris. Mais très vite ce bureau diversifia ses activités : ce fut une véritable agence de renseignements de tous ordres qui enregistrait les demandes d'emploi, les propositions de vente ou d'achat les plus diverses, les propositions de voyages à frais partagés, les déclarations de toute nature ; ce service de petites annonces eut un très grand succès, car il correspondait à un véritable besoin.
Petit à petit, Renaudot élargit les activités de son bureau d'adresses. En 1631, il y installa sa Gazette et son imprimerie ; il y édita à partir du 1er juin 1632 sa Feuille du bureau d'adresses, véritable feuille d'annonces, décadaire puis hebdomadaire avant de reprendre, quelques années plus tard, la publication du Mercure français. En 1633, deux ans avant la création de l'Académie française, en marge de ses activités de gazetier il ouvrit les conférences du bureau d'adresses, qui, consacrées à des sujets non politiques, étaient l'occasion de rencontres entre beaux esprits et d'échanges des informations. En 1637, un brevet vint consacrer les opérations « de grâce », prêts sur gage et vente aux enchères qui transformaient une partie du bureau d'adresses en une salle des ventes et en un mont-de-piété. La même année, un autre brevet royal reconnaissait le dispensaire de soins gratuits que Renaudot avait créé avec l'appui de pharmaciens, de chirurgiens et de docteurs en médecine : commissaire général des pauvres du royaume, historiographe du roi, Renaudot, à l'apogée de sa carrière, créa en 1641 une succursale de son bureau d'adresses, rue Saint-Thomas aux galeries du Louvre. Mais ses activités lui avaient créé bien des ennemis, à Paris, au Parlement, qui supportaient mal de se voir imposer les « innocentes inventions » du protégé de Richelieu, et surtout à l'École de médecine, où les créations charitables et les enseignements originaux de Renaudot, suppôt de méthodes et de théories médicales contraires à l'enseignement scolastique, soulevaient l'indignation.
Après la mort de Richelieu en 1642 et de Louis XIII l'année suivante, privé de protection, Renaudot perdit toute une série de procès qui aboutirent en 1644 à la fermeture du bureau d'adresses. Renaudot, qui sut heureusement convaincre Mazarin de l'utilité de La Gazette, consacra la fin de sa vie à son métier de gazetier, malgré les multiples difficultés que la Fronde et ses crises entraînèrent, dès 1648, dans la publication de cette feuille officielle. Renaudot mourut en 1653 à demi ruiné, déçu par ses échecs, mais fier de pouvoir transmettre La Gazette à ses héritiers.
En 1925, quelques journalistes fondèrent un nouveau prix littéraire, le prix Théophraste-Renaudot, qui, décerné tous les ans, perpétue le souvenir de leur illustre ancêtre. Pierre ALBERT

Sa vie

Protestant et médecin.
Orphelin d’une modeste famille de la bourgeoisie protestante de Loudun dont il est natif, il fit de bonnes études de médecine auprès des chirurgiens de Paris et à la Faculté de Médecine de Montpellier, qui était alors ouverte aux protestants. Médecin à 20 ans, il voyagea en Italie, en Allemagne et peut-être en Angleterre. En 1602, il contracta les écrouelles, à l'origine des cicatrices sur son visage.
En 1609, il se marie, et s’établit à Loudun, menant une vie de modeste notable. Il rencontre alors le prédicateur franciscain François Leclerc du Tremblay, dit le père Joseph, mystique et ardent partisan de la Réforme catholique, qui l’amena à s’interroger sur la question de la pauvreté dans le royaume de France, qui faisait alors des ravages au début du XVIIe siècle. Il fit parvenir au Conseil de Régence de Marie de Médicis un traité Sur la condition des pauvres, qui lui valut d’obtenir le titre de médecin ordinaire du roi Louis XIII en 1612. Faveur qui fut sans lendemain, peut-être en raison de l’opposition des dévots catholiques alors fort hostiles aux protestants.

Au service des pauvres et de l’État

Vers 1625, il se convertit au catholicisme et entra dans le Conseil de Richelieu. Client du cardinal, Renaudot est l’exemple même de la réussite sociale d’un homme talentueux malgré ses origines modestes et protestantes, alors même que le royaume s’engageait dans la remise en cause des droits des protestants.
En 1628 ou 1629, il ouvrit un bureau d’adresses avec don d’un privilège royal. Il s’agissait pour lui d’accueillir offres et demandes d’emplois, afin d’apporter un remède à la pauvreté et au vagabondage sans le concours de l’Église, de la charité traditionnelle ou encore de l’enfermement. En 1633, une ordonnance contraignit tous les sans emplois à s’y inscrire. Cette mesure fut accompagnée cette année-là de la création du premier journal d’annonces : la Feuille du bureau d’adresses. Son bureau, installé dans l’île de la Cité à l’enseigne du Grand Coq, prospéra et accueillit de nombreuses activités. Pour 3 sous, on pouvait faire figurer dans le journal des propositions de vente, de location ou de service.
Il y installa également un dispensaire, payant pour les aisés et gratuit pour les pauvres. Il y accueillit même depuis 1632 des conférences hebdomadaires médicales, puis variées, ouvrant l’ère des conférences mondaines et formant l’image de l’honnête homme. Enfin Louis XIII l'autorise le 27 mars 1637 à ouvrir un mont-de-piété dans son bureau d'adresses qu'il transforme en salle des ventes.
Sa réussite fut si importante qu’en 1641 il put ouvrir au Louvre une succursale de son bureau d’adresses. Néanmoins, cela lui attira de nombreuses inimitiés de la part de la faculté de médecine de Paris.

Un fondateur de la presse

Théophraste Renaudot fut l’un des précurseurs de la presse écrite. Le 30 mai 1631, il lance sa célèbre Gazette, bientôt imité par les Nouvelles ordinaires de divers endroits des libraires parisiens Martin et Vendosme, parues dès juillet 1631. Soutenu par Richelieu, qui fit de la Gazette un instrument de sa propagande politique, Renaudot emporta ce marché face à ses concurrents, malgré l’hostilité de la communauté des imprimeurs et libraires parisiens. En 1635, l’État lui accorda un monopole pour lui et ses successeurs.
La qualité de son journal était jugée par le gouvernement bien meilleure que celle de ses concurrents, essentiellement les Nouvelles ordinaires de divers endroits, fondée par Jean Epstein. Il avait le soutien financier du gouvernement de Richelieu.
Qualité, abondance, diversité géographique, concision et clarté des nouvelles, la Gazette fut un grand succès et lui fut adjoint, dès 1634, le supplément des Extraordinaires, relatant dans le détail les évènements les plus importants. En 1611, parut le premier volume Mercure François, recueil des évènements des années 1605 à 1610, dont la relation de la première installation des Français au Canada. Les frères Richer se chargent de sa publication jusqu'en 1635. Théophraste Renaudot continua cette importante publication jusqu'en 1643.

Les difficultés de la Fronde

Avec la mort de Richelieu en 1642 et celle de Louis XIII l'année suivante, Théophraste Renaudot perdit ses principaux protecteurs. La Régence ne put prendre le risque de mécontenter ses ennemis. La Faculté obtint l’interdiction des consultations médicales et des conférences dans son bureau d’adresses, puis le bureau fut entièrement fermé en 1646.
La Gazette survécut, passant au service de Mazarin, mais la Fronde vint, en 1649, en entraver la parution régulière. Renaudot suivit, lors de la fuite de la famille royale afin de protéger le jeune Louis XIV, la reine et Mazarin à Saint-Germain, laissant à ses fils Eusèbe et Isaac la rédaction du journal. Son monopole fut alors entamé par la parution de titres rivaux à Paris comme en province.
Renaudot fut remercié de sa fidélité avec le poste d’historiographe du roi. À sa mort, à l'âge de 67 ans, le monopole de la Gazette fut confirmé à son fils aîné, qui ne put réellement empêcher d’autres parutions.

Ouvrages

La Gazette.
[Abrégé de la vie et de la mort du prince de Condé, 1647.
La Vie et la mort du maréchal de Gassion, 1647.
La Vie de Michel Mazarin, 1648.

Institut Renaudot

Association de santé communautaire, elle a pris le nom de Renaudot en hommage à son engagement en faveur des pauvres. Depuis 1981, cette association regroupe des professionnels de centres municipaux de santé dispensaires, publics, municipaux, ainsi que des conseillers santé et des chargés de mission santé dans les centres communaux d'action sociale CCAS politique de la ville. Elle recense et collige projets et expériences sur une plate-forme Internet.

prix Théophraste Renaudot

Théophraste Renaudot
Prix littéraire français fondé en 1925, décerné chaque année à la même époque que le prix Goncourt à l'auteur d'un roman, d'un récit, d'un recueil de contes ou de nouvelles.


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#114 Choderlos de Laclos
Loriane Posté le : 16/10/2015 21:10
Le 18 octobre 1741 naît Pierre Ambroise François Choderlos de Laclos

à Amiens, officier militaire et écrivain français du mouvement des lumières, dont l'Œuvre principale est "Les Liaisons dangereuses " en 1782, il meurt à 61 ans, à Tarente, dans le royaume des deux-siciles, le 5 septembre 1803.
Laclos a écrit quelques poésies publiées dans L’Almanach des Muses. Il a aussi composé les livrets de deux opéras-comiques. L’un, Ernestine, est inspiré d’un roman de Mme Riccoboni et tombe lors de sa première représentation. Issu de la petite noblesse de robe récemment anoblie en 1701 par l’achat d’une charge de secrétaire des Finances de Monsieur, frère de Louis XIV. Une naissance médiocre, peu de fortune amenèrent Laclos à choisir le métier des armes. Officier d'artillerie besogneux qui ne trouva pas le champ libre pour ses ambitions, il n'était encore que capitaine en 1769. En garnison à l'île d'Aix et à l'île de Ré.
UIl choisit l'écriture et il est l'homme d'une seule œuvre : Les Liaisons dangereuses, commencées en 1779 sur l’île d’Aix, et publiées en 1782. Scandale immédiat. En 1785, pour participer à un concours académique à Châlons-sur-Marne, Laclos rédige De l’éducation des femmes.
Pour prévenir contre le vice, il faut bien le peindre. Tel est le prétendu propos des Liaisons dangereuses, ce livre qui, suivant le mot de Baudelaire, s'il brûle, ne peut brûler qu'à la manière de la glace. Sans doute s'agit-il d'une satire des mœurs contemporaines qui montre la décadence des valeurs morales à la fin du XVIIIe s. on n'est d'ailleurs pas très sûr que Laclos n'éprouve pas quelque admiration pour le monde corrompu qu'il dépeint.

En bref

En définitive, Laclos est l'auteur d'un seul livre, Les Liaisons dangereuses, qui subsiste envers et contre tout : le milieu, les mœurs ont changé, l'anecdote offre peu d'intérêt par elle-même ; mais il manifeste, caché sous l'analyse la plus claire, on ne sait quel secret qui touche à la réalité de l'amour et de ses fantasmes. L'homme et l'œuvre : une double énigme. Un homme énigme, tout fait énigme ici, à commencer par l'homme. Sa vie paraît presque plate. Né à Amiens, Pierre Ambroise Choderlos de Laclos, écuyer infime et récente noblesse, entre à dix-huit ans à l'école d'artillerie de La Fère ; ne réussit pas, en 1761, à embarquer pour l'Amérique avec la Brigade des colonies, traîne de garnison en garnison, invente un boulet creux (l'obus), se morfond à l'île d'Aix où il écrit Les Liaisons, publiées en 1782, a, l'année suivante, un enfant de Marie-Solange Duperré qu'il épouse en 1786 et qui lui donnera deux autres enfants, polémique contre les théories – toujours en honneur – de Vauban, prend un congé en 1788, se voue – certains disent : se damne – à Philippe-Égalité jusqu'en 1792, milite chez les jacobins, échappe à la guillotine, est réintégré dans l'armée, promu général, et meurt de fièvre, en 1803, au siège de Tarente. Voilà, en gros, pour le donné manifeste. Les dessous ? Marcel Proust a opposé trop schématiquement au portrait de Mme de Genlis, hypocrite moralisatrice, le portrait de Laclos, l'honnête homme par excellence, le meilleur des maris ... qui a écrit le plus effroyablement pervers des livres ». Le meilleur des maris – les portraits de sa femme évoquent Cécile de Volanges – a une étrange bouche sensuelle. Cet honnête homme est l'indicateur du duc d'Orléans. Cet indicateur est jacobin. Ce jacobin, le voici nommé général, en 1800, par le Premier Consul. Ce rousseauiste, comme Bonaparte, semble placer l'énergie de l'intelligence bien au-dessus de la bonté. Et puis, enfin, l'honnête homme par excellence, avant de devenir le meilleur des maris, a tout de même écrit le plus effroyablement pervers des livres.
L'œuvre n'est pas moins énigmatique. Poésies légères, discours académique sur L'Éducation des femmes 1783, éloge de Vauban 1787, deux articles de critique littéraire, quelques proclamations jacobines, tout cela ensemble reste si léger, même de style, qu'un des éditeurs des Liaisons dangereuses, Yves Le Hir, en a conclu qu'il était impossible que ce chef-d'œuvre fût de Laclos, ce dernier s'étant contenté de raccorder et d'ajuster des lettres véritables.

Sa vie

Deuxième fils d’un secrétaire à l’intendance de Picardie et d’Artois, d'une famille de robe récente, il est poussé par son père à s'engager dans l'armée, bien que les perspectives de promotion soient restreintes, puisqu'il choisit l’artillerie, arme technique convenant à son esprit mathématique. Il est admis en 1760 à l’École royale d'artillerie de La Fère – ancêtre de l’École polytechnique.
Il est nommé successivement sous-lieutenant en 1761 puis lieutenant en second en 1762. Rêvant de conquêtes et de gloire, il se fait affecter à la Brigade des colonies, en garnison à La Rochelle. Mais le traité de Paris en 1763, met fin à la guerre de Sept Ans. Faute de guerre, le jeune lieutenant de Laclos est obligé d’étouffer ses ambitions dans une morne vie de garnison : au 7e régiment d’artillerie de Toul en 1763, où il deviendra franc-maçon dans la loge L’Union1, à Strasbourg de 1765 à 1769, à Grenoble de 1769 à 1775, puis à Besançon de 1775 à 1776. Cette année-là, affilié à la loge parisienne Henri IV, il en devient le Vénérable Maître. Parvenu dans les Hauts grades de la franc-maçonnerie, il créera son propre chapitre, la Candeur. Nommé capitaine à l’ancienneté en 1771 – il le restera durant dix-sept ans jusqu’à la veille de la Révolution – cet artilleur, froid et logicien, à l’esprit subtil, s’ennuie parmi ses soldats grossiers. Pour s'occuper, il s'adonne à la littérature et à l’écriture. Ses premières pièces, en vers légers, sont publiées dans l’Almanach des Muses. S’inspirant d’un roman de Marie-Jeanne Riccoboni, il écrit un assez mauvais opéra-comique Ernestine, le chevalier de Saint-Georges se chargeant de la partition. Cette œuvre n’aura qu’une seule désastreuse représentation, le 19 juillet 1777 devant la reine Marie-Antoinette.
Lors de cette même année 1777, il reçoit la mission d’installer une nouvelle école d’artillerie à Valence qui recevra notamment le jeune Napoléon Bonaparte. De retour à Besançon en 1778, il est promu capitaine en second de sapeurs. Durant ses nombreux temps libres en garnison, il rédige plusieurs œuvres, où il apparaît comme un fervent admirateur de Jean-Jacques Rousseau et de son roman la Nouvelle Héloïse, qu’il considère comme le plus beau des ouvrages produits sous le titre de roman. En 1778, il commence à rédiger Les Liaisons dangereuses.
Choderlos de Laclos est nommé maréchal de camp le 22 septembre 1792.
Il eut un fils : Étienne Fargeau Choderlos de Laclos, auteur des Carnets de marche du commandant Choderlos de Laclos An XIV- 1814, suivis de lettres inédites de Mme Pourrat, publiés avec une préface et des notes par Louis de Chauvigny Payot, 1912, né le 1er mai 1784 à La Rochelle et mort à la bataille de Berry-au-Bac le 18 mars 1814 lors de la campagne de France sous les ordres du Maréchal Marmont.

Les Liaisons dangereuses

En 1779, il est envoyé en mission dans l’île d'Aix pour assister le marquis de Montalembert dans la direction de la construction de fortifications contre les Britanniques. Néanmoins, il passe beaucoup de temps à l'écriture des Liaisons dangereuses qu'il rédige au cours de ses passages dans l'île mais également à Besançon et Paris3, de même qu'une Épître à Madame de Montalembert. Promu en cette fin d’année capitaine de bombardier, il demande un congé de six mois qu’il passe dans la capitale française où il écrit ; il sait que désormais son ambition littéraire doit passer avant son ambition militaire en impasse.
Son ouvrage en gestation contient ses frustrations militaires – n’avoir jamais pu faire valoir ses qualités lors d’une guerre – mais aussi les nombreuses humiliations qu’il estime avoir subies au long de sa vie, de la part des vrais nobles, ainsi que des femmes qu’il pense inaccessibles. Les Liaisons dangereuses sont donc aussi pour lui une sorte de revanche et une thérapie.
En 1781, promu capitaine-commandant de canonniers, il obtient une nouvelle permission de six mois, au cours de laquelle il achève son chef-d’œuvre. Il confie à l’éditeur Durand Neveu la tâche de le publier en quatre volumes qui sont proposés à la vente le 23 mars 1782. Le succès est immédiat et fulgurant ; la première édition comprend deux mille exemplaires qui sont vendus en un mois — ce qui pour l’époque est déjà assez extraordinaire — et dans les deux années qui suivent une dizaine de rééditions sont écoulées.
La publication de cet ouvrage, considéré comme une attaque contre la noblesse, est jugée comme une faute par la hiérarchie militaire. Ordonné de se rendre immédiatement dans sa garnison en Bretagne, depuis laquelle il est envoyé à La Rochelle en 1783 pour participer à la construction du nouvel arsenal, il fait la connaissance de Marie-Soulange Duperré5, qui le séduit et avec qui il aura rapidement un enfant. Il a 42 ans, elle seulement 24, mais, réellement amoureux, il l’épousera en 1786 et reconnaîtra l’enfant. Marie-Soulange sera le grand amour de sa vie et lui donnera deux autres enfants.
Choderlos de Laclos ne ressemble en rien au séducteur archétype du personnage de Valmont et n’en a aucune des tares6. Il n’est en rien un séducteur et on le décrit comme « un monsieur maigre et jaune à la conversation froide et méthodique. Sa vie sentimentale se limite à son épouse Marie-Soulange à qui il est fidèle, de même qu’il est pour ses enfants un père attentionné.
Par la suite, il participe à un concours académique dont le sujet est Quels seraient les meilleurs moyens de perfectionner l’éducation des femmes ?, ce qui lui permet de développer des vues plutôt féministes sur l’égalité des sexes et l’éducation des jeunes filles. Dans ce texte resté inachevé, il dénonce l’éducation donnée aux jeunes filles qui ne vise, selon lui, qu’à les accoutumer à la servitude, et à les y maintenir. Le thème de l’émancipation féminine avait déjà dans Les Liaisons dangereuses un rôle important.
Le 17 juin 1787, il écrivait au Journal de Paris son projet de numérotation des rues de Paris.

La Révolution

En 1788, il quitte l’armée. Après une période de recherche personnelle du meilleur moyen de favoriser son ambition et diverses tentatives pour approcher un grand seigneur, il entre au service du duc d’Orléans dont il partage les idées sur l’évolution de la royauté.
La révolution qui éclate est enfin pour lui l’occasion de vivre intensément, il s'engage dans la Ligue des aristocrates, un groupuscule de petits nobles qui sera interdit par Robespierre. Dès le début il mène des intrigues en faveur de son maître et organise complots et machinations. Les 5 et 6 octobre 1789, il travaille aux journées versaillaises. D’après Gonzague Saint Bris, Choderlos de Laclos aurait organisé de bout en bout la marche des femmes à Versailles pour réclamer du pain7. Parmi les manifestantes, quelques hommes déguisés auraient été prévus pour s'infiltrer dans le palais7 et il rédige avec Brissot la pétition à l’origine de la fusillade du Champ-de-Mars. En octobre 1790, il fonde le Journal des Sociétés des amis de la constitution, émis par le Club des Jacobins. Le 17 juillet 1791, il négocie le rachat des six cents piques du 14 juillet.
Il se rallie à l’idée républicaine et quitte l'exil à Londres qu'il aurait partagé avec le duc d’Orléans7 pour un poste de commissaire au ministère de la Guerre où il a la charge de réorganiser les troupes de la jeune République. Ce poste de commissaire du ministère est équivalent au grade de général de brigade. Grâce à ses activités, il est chargé de l'organisation du camp de Châlons en septembre 1792 et il prépare de façon décisive la victoire de la bataille de Valmy. À cause de la trahison de Dumouriez, il est emprisonné comme orléaniste, mais sera libéré sous la Convention thermidorienne.
Ayant mis au point, lors d’expériences balistiques, un boulet creux chargé de poudre, de son invention, la mise au point des premiers boulets explosifs lui est attribuée. En 1795, espérant être réintégré dans l’armée, il rédige un mémoire intitulé « De la guerre et de la paix » qu’il adresse au Comité de salut public, mais sans effet. Il tente aussi d’entrer dans la diplomatie et de fonder une banque sans davantage de succès.
Finalement, il fait la connaissance du jeune général Napoléon Bonaparte, le nouveau Premier Consul, artilleur comme lui, et il se rallie aux idées bonapartistes. Le 16 janvier 1800, il est réintégré comme général de brigade d’artillerie et affecté à l’Armée du Rhin, où il reçoit le baptême du feu à la bataille de Biberach. Affecté au commandement de la réserve d’artillerie de l’armée d'Italie, il meurt le 5 septembre 1803 à Tarente, non pas lors d’un affrontement, mais affaibli par la dysenterie et le paludisme, et est enterré sur place. Au retour des Bourbons en 1815, sa tombe fut violée et détruite.

Prononciation

Certains francophones ne savent pas prononcer Choderlos, soit sho-der-lo et non ko-der-lo. Roger Vailland, dans son Laclos par lui-même, donne un fac-similé d’un Mémoire pour demander la Croix de Saint-Louis rédigé par Laclos et daté du 26 août 1787 ; il s’y dénomme Chauderlot de Laclos. D'ailleurs, on trouve souvent dans les écrits de l'époque l'orthographe Chauderlos-Laclos, qui confirme la prononciation sho-der-lo. Par exemple, dans son Histoire de France8, Rocques de Montgaillard écrit en 1827 que ... la compagnie d'artillerie destinée à agir contre l'Assemblée nationale, est commandée par Chauderlos-Laclos (si connu par son infâme roman intitulé Les Liaisons dangereuses, officier entièrement dévoué au duc d'Orléans… Les actuels descendants de Choderlos de Laclos prononcent leur nom : sho-der-lo.

Les Liaisons dangereuses Une Å“uvre test

Les Liaisons sont un chef-d'œuvre énigmatique. Qu'a voulu démontrer l'auteur ? Il porte un masque, et il nous dit d'entrée qu'il porte un masque, pour que nous ne sachions plus, en définitive, s'il porte un masque : un « Avertissement » prévient : « Ce n'est qu'un roman », et la préface qui le double garantit que ce recueil de lettres est authentique. Ce dédoublement caractérisera l'art de Laclos. Honnête homme par excellence ? Mais peut-être, par cela même, romancier d'un livre pervers, prêchi-prêchant l'utilité de dévoiler les moyens qu'emploient les corrupteurs, pour mieux s'octroyer le droit d'observer, sentir et peindre, selon sa définition du romancier, le trouble de la présidente de Tourvel prise aux rets de ses liaisons dangereuses.
En doute sur les intentions de l'auteur, il convient de consulter l'œuvre seule. Que signifie-t-elle ? La signification du Père Goriot ou de Madame Bovary ne se prête guère à des interprétations aussi contrastées que celles – horreur ou extase – dont les Liaisons sont l'épreuve, chacun s'y projetant, comme dans le test de Rorschach : Grimm, sa prudence cauteleuse à l'égard de la bonne compagnie ; La Harpe, sa hargne de réactionnaire ; Musset, sa suffisance de dandy romantique qui rabaisse Valmont au-dessous de Lovelace ; Baudelaire, son satanisme ; Giraudoux, tendre racinien, son hermaphrodisme du couple tragique ; Malraux, sa mythologie de la volonté ; Vailland, son petit catéchisme de crypto-roué communiste ; Dominique Aury, son espoir de libérer la femme ; pour ne rien dire de tous ceux – Sainte-Beuve, Lanson, etc. – qui préfèrent la consigne du silence sur cet ouvrage interdit de 1815 à 1875.
L'énigme ne vient pas de l'anecdote. Presque du feuilleton : deux complices, deux séducteurs, chacun à la manière de son sexe selon les mœurs du temps ; elle, la marquise de Merteuil, en se dissimulant – Tartuffe femelle, pour Baudelaire ; lui, le vicomte de Valmont, en fanfaronnant, se vengent à pervertir Cécile de Volanges, une innocente de quinze ans ; entre-temps, Valmont parvient encore à déshonorer la vertu même, la présidente de Tourvel qui en meurt, et, tandis qu'il se fait tuer en duel, sa complice, trahie, ruinée, défigurée par la petite vérole, quitte la France.

Trop de clarté devient suspecte

Observons l'art du romancier. Rien de plus simple en apparence : un récit par lettre, qui suit l'ordre linéaire du calendrier. Les lettres offrent de nombreux avantages. On nous les livre, elles détectent ; c'est, sous une autre forme, mais selon le même principe, la technique du Diable boiteux qui soulève les toits de Paris : elles découvrent ce qui est couvert. Comme, d'ailleurs, chaque épistolier y parle nécessairement de ce qu'il connaît en première personne, le romancier n'a pas à faire preuve de cette voyance qui – reprochait Sartre à Mauriac – prive les personnages de leur liberté : le lecteur est informé de tout, sans avoir à intervenir. Au surplus, chaque épistolier, menteur ou sincère, s'exprime à sa manière : d'où la rare « variété des styles » dont se flatte Laclos en sa préface, dont Grimm le félicite, et si frappante que Y. Le Hir n'en voit d'autre explication que l'authenticité des lettres. Menteuse ou véridique, une lettre s'adresse toujours à quelqu'un qu'il importe de prendre en considération si l'on a de l'usage ; c'est ce qu'enseigne la marquise de Merteuil à Cécile de Volanges : « Vous écrivez toujours comme un enfant... c'est que vous dites tout ce que vous pensez, et rien de ce que vous ne pensez pas ; [or] vous voyez bien que, quand vous écrivez à quelqu'un, c'est pour lui et non pas pour vous : vous devez donc moins chercher à lui dire ce que vous pensez, que ce qui lui plaît davantage. » Mais mentir n'est pas si facile, et, cette fois, c'est à Valmont que la marquise donne une leçon de style ; rien de si difficile en amour que d'écrire d'une façon vraisemblable ce qu'on ne sent pas : « Ce n'est pas qu'on ne se serve des mêmes mots ; mais on ne les arrange pas de même, ou plutôt on les arrange, et cela suffit. » Ainsi, en un jeu de miroirs, Laclos approfondit, par la variété des styles, la très banale technique des lettres : chaque scripteur y exprime à la fois sa personnalité, son rapport à la personnalité à laquelle il s'adresse, le rapport des divers milieux sociaux. Autre jeu de miroirs : la même scène – le bienfait truqué, la chute de Cécile, la rencontre des voitures devant la Comédie, etc. – reflétée sans déformation par deux témoins, mais avec des significations différentes. Variété des personnages dans la variété des styles, variété de signification des mêmes circonstances, machinations que l'on démonte avant de les monter, mensonges expliqués d'avance, rien n'échappe, par la correspondance des miroirs, tout apparaît dans la clarté d'un impeccable mécanisme.

Des personnages transformés

Cette clarté, précisément, devient suspecte, anormale. Que cache-t-elle ? Elle cache, sous l'ordre abstrait des dates que portent les lettres, le travail du temps subjectif. Le héros du roman classique, trop souvent demeure le même, à peine marqué, à la fin, de quelques traces extérieures de ses aventures, à peine grimé en vieillard. En dehors de La Vie de Marianne, on ne voit guère, au XVIIIe siècle, que Les Liaisons dangereuses pour remplacer ou compléter le caractère, immuable comme une espèce, par un individu qui change avec l'expérience. Seules les dames que leur âge met à l'abri de la passion – la mère de Cécile de Volanges, la tante de Valmont, dont les lettres sont admirables – ne sont pas touchées par le temps. Tous les autres personnages sont transformés. Par quoi ? Par l'amour. La moins atteinte est Cécile de Volanges, son amour est trop juvénile. Il semble, dans Les Liaisons, que le désir ou le plaisir garde l'immédiateté de la nature, ne dure que l'espace d'un besoin, n'offre qu'un bonheur passager, n'engage pas, obéisse à des lois mécaniques et, par cela même, puisse être exploité comme jeu social de vanité perverse. Au contraire, l'amour dépasse la nature, peut-être la société, il aspire au bonheur durable, il engage, il transforme, on ne peut jouer avec lui. Le plaisir et l'amour peuvent être dissociés Cécile. On va du désir à l'amour Valmont, ou de l'amour au désir avoué la présidente. La marquise permet le plaisir à Valmont ; elle se trouble dès qu'elle le sent amoureux. L'art de Laclos excelle lorsque, ingénieur de la femme, il analyse en elle – Cécile, Mme de Tourvel dans sa chute – le mécanisme, le comportement du désir.

Un caractère

Bien entendu, le changement du personnage a lieu selon la loi du caractère. Danceny restera honnête, Valmont volage, Cécile « niaise et sensuelle », la Présidente sans mensonge. Cependant, si Les Liaisons s'élèvent au chef-d'œuvre, elles le doivent, en grande partie, au caractère de la marquise de Merteuil. Quel caractère ! Elle est la première héroïne tragique à ne pas dépendre des dieux, mais à être le dieu d'elle-même. Elle se crée. Elle maîtrise même sa physionomie. Son énergie, son œil d'aigle, sa passion de la liberté en font un archétype, un fantasme de cape et d'épée contre les injustices. À s'en tenir à l'anecdote de ses conquêtes, on regrette qu'elle dépense le génie de Bonaparte à des batailles de café du Commerce. Mais c'est sa révolte qui compte. Elle sert une cause. Elle en accepte tous les risques. Son inévitable point faible : ayant pris le maquis, pouvait-elle agir sans complice ? et ne pas aimer ce complice ? Yvon Beltran;

Les liaisons dangereuses, livre de Choderlos de Laclos


Rien ne semblait destiner l'officier d'artillerie Choderlos de Laclos (1741-1803) à la littérature, ni son roman, Les Liaisons dangereuses, paru en 1782, à un tel succès de scandale. Sa formation lui assura une solide culture scientifique et technique ; son expérience, de garnison en garnison, lui permit de côtoyer le libertinage aristocratique plus que de le pratiquer lui-même. Il offre pourtant à l'Ancien Régime finissant l'image la plus cruelle de la crise des valeurs, et à la tradition littéraire du roman libertin un chef-d'œuvre qui semble en épuiser la veine.
Le sous-titre complet du roman, Lettres recueillies dans une société et publiées pour l'instruction de quelques autres, indique la forme adoptée : le roman épistolaire, illustré par Richardson et Rousseau et devenu la forme romanesque dominante dans l'Europe des Lumières. L'épigraphe, J'ai vu les mœurs de mon temps, et j'ai publié ces lettres, est empruntée quant à elle à la Préface de La Nouvelle Héloïse (1761) de Rousseau. C'est en disciple de Jean-Jacques Rousseau que Laclos entreprend de critiquer les mœurs dépravées de la noblesse de cour pour laquelle la morale religieuse est devenue conformisme et formalisme, tandis que quelques libertins, qui se proclament roués, c'est-à-dire dignes du supplice de la roue, bafouent l'amour et le mariage. Les « liaisons dangereuses » désignent les mauvaises fréquentations qui menacent les jeunes gens, et les lettres imprudentes qui tombent entre les mains de séducteurs et deviennent des armes contre leurs auteurs. Le texte est si bien agencé en machine infernale qu'il finit par apparaître comme une peinture complaisante des conduites de séduction. Les Liaisons dangereuses ont pu être lues comme une apologie de cette maîtrise du mensonge qu'est le libertinage, qui mime le langage de l'amour et tend à contrôler les aveux et les déclarations de chacun. Le romancier et son lecteur risquent alors de devenir les complices objectifs des roués. Les Liaisons dangereuses peuvent donc aussi apparaître comme l'exacte antithèse de La Nouvelle Héloïse.

Les dangers du libertinage

L'intrigue commence avec l'entrée dans le monde de la jeune Cécile Volanges qui quitte son couvent pour être mariée au comte de Gercourt. Elle raconte à son amie de couvent ses premières expériences mondaines et amoureuses : elle s'éprend de son maître de musique, Danceny. Une de ses parentes, la marquise de Merteuil, entend se venger de Gercourt qui lui a été autrefois infidèle, et convainc son complice en libertinage, le vicomte de Valmont, de séduire et de déflorer la jeune Cécile pour ridiculiser son futur époux : « Je veux donc bien vous instruire de mes projets : mais jurez-moi qu'en fidèle chevalier vous ne courrez aucune aventure que vous n'ayez mis celle-ci à fin. Elle est digne d'un héros : vous servirez l'amour et la vengeance ; ce sera enfin une rouerie de plus à mettre dans vos Mémoires... » Mais Valmont est obsédé par la conquête d'une femme apparemment vertueuse et inaccessible, la présidente de Tourvel. Il faut que Cécile et la présidente se trouvent l'une et l'autre dans un château de province pour que Valmont mène de front les deux entreprises. Il couche facilement avec la jeune Volanges, mais n'obtient la présidente qu'au terme d'une longue traque. La marquise de Merteuil, qui est la confidente de ces hauts faits libertins, diagnostique dans le bulletin de victoire de Valmont la naissance d'un sentiment amoureux pour la présidente de Tourvel. Elle oppose à l'efficacité libertine de son complice sa propre dextérité. Elle séduit et mène à sa perte Prévan, qui est un double de Valmont et qui croyait contrôler leur relation. Elle séduit ensuite le jeune Danceny. C'est désormais la guerre entre les anciens amants, entre les libertins. Tandis que Valmont refuse de perdre la présidente, Merteuil le fait provoquer en duel par Danceny, furieux de découvrir comment Cécile a été déshonorée. Valmont meurt ou se laisse tuer, et révèle la correspondance de la marquise. Celle-ci, défigurée par la petite vérole, partiellement ruinée et surtout rejetée par l'opinion publique, doit fuir en Hollande.

L'effondrement d'une société corrompue

L'œuvre commence par l'ironique contradiction entre un « Avertissement de l'éditeur » et une « Préface du rédacteur » qui postulent l'authenticité des lettres ou bien leur caractère factice ; elle s'achève par un énigmatique dénouement. Valmont meurt-il par amour ? C'est bien en tout cas ce qui arrive à la présidente de Tourvel, frappée par l'annonce de son décès. La marquise meurt quant à elle sur le plan social : la Hollande peut-elle lui assurer une autre vie ? Cécile ira dans un couvent et Danceny risque de prendre la place de libertin que vient d'abandonner le vicomte de Valmont. La critique du libertinage ne débouche donc ici sur aucune morale positive. La société aristocratique semble irréversiblement corrompue et fausse, la perspective d'un sentiment authentique reste hypothétique et floue. Le roman donne le sentiment d'une habileté rhétorique qui renvoie dos à dos le lyrisme amoureux et la méchanceté libertine, la passion rousseauiste et l'analyse froide à la Crébillon Fils 1707-1777.
Mais en doublant la figure traditionnelle du libertin par celle de la libertine qui prétend agir avec les armes des hommes et dénonce la fatuité masculine, Laclos ne se contente pas de reproduire le schéma de la séduction selon Crébillon Fils, auteur à succès de romans licencieux. La marquise de Merteuil critique la vanité de Valmont avec des arguments qui semblent ceux qu'emploie le valet de Beaumarchais contre le comte Almaviva dans Le Mariage de Figaro : « Où est le mérite qui soit véritablement à vous ? Une belle figure, pur effet du hasard ; des grâces que l'usage donne presque toujours ; de l'esprit à la vérité, mais auquel le jargon suppléerait au besoin ; une impudence assez louable, mais peut-être uniquement due à la facilité de vos premiers succès, voilà tous vos moyens. »
La force de caractère de la marquise de Merteuil et l'abandon amoureux de la présidente de Tourvel apparaissent comme des énergies qui dissolvent de l'intérieur la société de l'Ancien Régime. Laclos montre surtout que chaque rêve de maîtrise se heurte à une part d'illusion et de faiblesse. Les libertins qui se croyaient tout-puissants sont emportés à leur tour par le sentiment ou le ressentiment. Reste l'exceptionnelle maîtrise narrative d'un écrivain qui ne pourra pourtant jamais composer de second roman. Michel Del

Å’uvres

Ernestine, opéra-comique, 1777.
Pierre Choderlos de Laclos : Å’uvres et bibliographie
Les Liaison dangereuses
Des Femmes et de leur éducation, 1783.
Instructions aux assemblées de bailliage, 1789.
Journal des amis de la Constitution, 1790-1791.
De la Guerre et de la paix, 1795.


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#115 Saint-Paul-Roux
Loriane Posté le : 16/10/2015 20:58
Le 18 octobre 1940 à Brest meurt Paul-Pierre Roux, dit Saint-Pol-Roux

à 79 ans, né le 15 janvier 1861 dans le quartier de Saint-Henri à Marseille, poète symboliste, dramaturge, auteur précurseur des surréalistes français.
Symboliste la Dame à la faulx, 1899, considéré par les surréalistes comme un précurseur, il conserva une part de l'héritage romantique Féeries intérieures, 1907.
Quarante ans dans le dix-neuvième, quarante dans le vingtième, la terrestre existence de Saint-Pol-Roux est exactement balancée sur un couteau qui est l'aube de notre siècle », écrit André Pieyre de Mandiargues. Quant à l'œuvre, elle semble vouloir dépasser toute limite temporelle. Le premier livre, Golgotha, date de 1884, et le dernier paraîtra à peu près un siècle plus tard : une masse considérable d'inédits Le Trésor de l'homme, La Répoétique, etc. n'a été découverte et publiée que plus de trente ans après sa mort. Par cette surprise posthume, Saint-Pol-Roux reste un auteur à découvrir. Plus que celle d'aucun autre son image est changeante. Ainsi, ses premières œuvres sont d'un poète symboliste – Mallarmé l'appelle mon fils –, plus tard, les surréalistes le fêtent comme un précurseur – André Breton lui dédie Clair de terre. Puis on le redécouvre comme le premier baroque moderne. Et chaque livre qui paraît nous oblige à réviser nos jugements.


En bref

Pierre-Paul Roux, dit Saint-Pol-Roux, semble être un avatar de Janus : une vie et une œuvre à deux faces. La biographie est ainsi divisée : d'une part – après la naissance à Saint-Henri près de Marseille et l'adolescence à Lyon –, la vie parisienne de la fin du XIXe siècle, les manifestations littéraires accompagnant la naissance du symbolisme ; d'autre part, la solitude, l'exil choisi à l'extrême pointe de la Bretagne, au bout du monde. Jusqu'au jour cruel de 1940 où à Brest un soldat allemand fit de Saint-Pol-Roux un poète assassiné.
L'œuvre est également partagée. Dans un premier temps, Saint-Pol-Roux écrit les poèmes en prose des Reposoirs de la procession : trois volumes, respectivement intitulés La Rose et les épines du chemin, De la colombe au corbeau par le paon et Les Féeries intérieures, publiés entre 1893 et 1907. Saint-Pol-Roux en explique lui-même l'ordonnance : « Le seul ordre donné à ces courtes exégèses est celui de la journée. Chaque tome commence avec l'aube, suit le cours du soleil et s'achève aux étoiles... » Cet ordre circulaire a une signification. Pour le poète, le mouvement du monde est un cycle de métamorphoses, celui de l'être aussi. La matière n'est que de l'idée saisissable ; nous vivons dans une forêt, non de symboles, mais de contraires qu'il faut tenter d'unir. C'est ce que Saint-Pol-Roux nommait l'idéoréalisme, terme dont Breton reconnaît, dans le Manifeste du surréalisme 1924, qu'il précède en l'annonçant le surréalisme. Le poète travaille à l'avènement de ce nouvel état (l'harmonie des contraires) : chaque image en est, à sa manière, l'épiphanie. On comprend que Saint-Pol-Roux ait été, comme le disait Remy de Gourmont avant les surréalistes, « l'un des plus féconds et des plus étonnants inventeurs d'images et de métaphores ». De cette période datent aussi L'Âme noire du prieur blanc 1893, L'Épilogue des saisons humaines et surtout La Dame à la faulx 1899, drames fabuleux où les personnages semblent des symboles de chair et d'os.
De 1907 à 1940, Saint-Pol-Roux élabore, dans le silence et le secret, une œuvre demeurée inédite de son vivant, mutilée par le pillage des Allemands. Le poète en est mort, car c'est à cette œuvre qu'il tenait par-dessus tout, parlant en 1928 de la scission entre ses œuvres passées et ses œuvres futures, écrivant par ailleurs : Je vis dans cinquante ans. Ce que Saint-Pol-Roux appelait ses œuvres futures, ce sont aujourd'hui Le Trésor de l'homme, deux conférences sur l'imagination, prononcées devant des étudiants, en 1925, à la demande des surréalistes, La Répoétique, grand livre où se déploie le rêve d'une posthistoire dans laquelle l'homme serait Dieu, et le Verbe total Cinéma vivant, méditation sur l'homme et ses miroirs (l'enfant, l'œuvre), et projet d'un cinéma sans écran ; Vitesse, celle de la mécanique, mais aussi de la pensée, de l'imagination, de Dieu même. D'autres pages encore sont une succession de notes, d'aphorismes, que Saint-Pol-Roux lui-même appelle fatras. Qu'on ne s'y trompe pas pour autant : sa pensée, loin d'être confuse, exprime la quête d'une nouvelle unité, appelle la fin des divisions. De là, dans les éclats mêmes, un ton de prophétie.

Sa vie

Saint-Pol-Roux est né le 15 janvier 1861 dans le quartier Saint-Henri de Marseille, dans une famille d'industriels en produits céramiques. En 1872, à l'âge de dix ans, il est envoyé au collège Notre-Dame des Minimes à Lyon et en sortira en 1880 en tant que bachelier ès lettres. La même année, il s'engage pour un an dans l'armée. Sa première œuvre, Raphaëlo le pèlerin, drame en trois actes, montre son attrait pour le théâtre.
En 1882, il part s'installer à Paris et commence des études de droit, qu'il ne terminera jamais. Il fréquente en particulier le salon de Stéphane Mallarmé pour qui il a la plus grande admiration. En 1886, il fonde avec Éphraïm Mikhaël et Pierre Quillard, d'après Gérard Walch, la petite revue La Pléiade qui ne parut que de manière éphémère. Il gagne une certaine notoriété, essaie quelques pseudonymes et signe à partir de 1890 Saint-Pol-Roux. Il tente de faire jouer une de ses pièces, la Dame à la faux, par Sarah Bernhardt. Il est même interviewé par Jules Huret, en tant que membre du mouvement symboliste. Il aurait peut-être participé à la Rose-Croix esthétique de Joséphin Peladan en 18903. Mais il n'y appartient pas très longtemps, car il ne figure pas parmi les signataires sur l'original du document. Saint-Pol-Roux s'est sans doute intéressé à cette audacieuse tentative littéraire, et a dû la quitter rapidement. En 1891, il rencontre sa future femme, Amélie Bélorgey, décédée en 1923. À cause de difficultés financières, Saint-Pol-Roux quitte Paris.

L'exil volontaire

Son exil l'amènera d'abord à Bruxelles, avant qu'il ne trouve une retraite paisible dans les forêts d'Ardenne. C'est là, en toute tranquillité, qu'il terminera sa Dame à la faux. Après un court retour à Paris, Saint-Pol-Roux quitte la capitale définitivement en 1898. Il exécra rapidement la capitale pour son ostracisme et la médiocrité du milieu de la critique littéraire, qu'il ignora avec autant de superbe qu'elle le méconnut. Il s'installe ensuite avec sa femme à Roscanvel dans le Finistère, où naît sa fille Divine en 1898. La « chaumière de Divine devenue trop petite, il s'installe à Camaret-sur-Mer et fait de la Bretagne le centre de gravité de son œuvre. Il profite des subsides que lui avait assurés un opéra, Louise, dont il avait rédigé pour Gustave Charpentier le livret. Il acheta en 1903 une maison de pêcheur surplombant l'océan, au-dessus de la plage de Pen-Had, sur la route de la pointe de Pen-Hir. Il la transforme en manoir à huit tourelles dont la maison formerait le centre et baptisa la demeure Manoir du Boultous. À la mort de son fils Coecilian, tombé en 1914 près de Verdun, il le renommera Manoir de Coecilian dont on peut encore voir les ruines. Face à la mer, l'homme est plus près de Dieu, disait-il.
Il reçoit de nombreux artistes et écrivains comme André Antoine, Victor Segalen, Alfred Vallette, Max Jacob, André Breton, Louis-Ferdinand Céline et même, en 1932, Jean Moulin, alors sous-préfet de Châteaulin. Les membres du mouvement surréaliste le considèrent comme un prédécesseur. André Breton publia son Hommage à Saint-Pol-Roux le 9 mai 1925 dans Les Nouvelles Littéraires, où il revendiqua Saint-Pol-Roux comme le seul authentique précurseur du mouvement dit moderne
Saint-Pol-Roux fut membre de l'académie Mallarmé de 1937 à 1940.

Mort de Saint-Pol-Roux

Dans la nuit du 23 au 24 juin 1940, un soldat allemand investit le manoir, tua la gouvernante et blessa grièvement Divine à la jambe d'une balle de révolver. Il sera souvent dit et écrit que le soldat viola Divine ; elle même l'attesta par écrit, mais le réfuta par la suite. Saint-Pol-Roux échappe à la mort. Le soldat allemand s'enfuit, effrayé par le chien de la maison, fut arrêté, condamné à mort par un Conseil de guerre et fusillé. Saint-Pol-Roux, qui, blessé lui-même, était hospialisé à Brest, avait négligé de mettre ses inédits en lieu sûr. Lorsqu'il retourne à Camaret et trouve le manoir livré au pillage et ses manuscrits déchirés, dispersés ou brûlés, il ne se remet pas de ce choc. Transporté le 13 octobre à l'hôpital de Brest, Saint-Pol-Roux le Magnifique, mage de Camaret, atteint d'une crise d'urémie, y meurt de chagrin le 18 octobre. Divine est décédée en 1985.
Le manoir de Coecilian fut bombardé en août 1944 par les avions alliés et complètement incendié. Il ne reste, au début du xxie siècle, que quelques vestiges de cette demeure.

Un poète oublié

Saint-Pol-Roux représente l'archétype du « poète oublié . C'est à ce titre qu'André Breton lui dédie le recueil Clair de terre ainsi qu'à « ceux qui comme lui s'offrent le magnifique plaisir de se faire oublier et que Vercors lui dédie Le Silence de la mer le poète assassiné.
De son vivant même, son œuvre restait méconnue, ayant été pourtant publié dans la revue L'Ermitage et célébré aussi bien par les symbolistes (notamment Remy de Gourmont que, plus tard, par les surréalistes qui donneront un banquet à la Closerie des lilas en son honneur en 1925, lequel tourna au pugilat et dont Saint-Pol-Roux s'enfuit, effrayé.
L'universitaire Michel Décaudin raconte ainsi qu'allant lire, dans les années 1950, Les Reposoirs de la procession à la bibliothèque de l'Arsenal à Paris, on lui communiqua un volume dont les pages n'étaient pas coupées : Il était ainsi resté en rayon plus de cinquante ans sans être consulté.
À partir de la Libération, Divine s'efforce en vain d'empêcher l'œuvre de son père de tomber dans l'oubli. Malgré les études de Michel Décaudin, la parution d'un volume dans la collection Poètes d'aujourd'hui chez Seghers et les émissions de Jean-Pierre Rosnay à la radio, où il fit dire quelques-uns de ses poèmes, Saint-Pol-Roux reste largement méconnu.
C'est en grande partie grâce au travail de sauvetage, de défrichage et de publication des éditions Rougerie que pendant ces années de purgatoire, les poèmes, essais et pièces de théâtre rescapés de la barbarie nazie furent édités ou réédités. Une masse considérable de manuscrits inédits Le Trésor de l'Homme, La Répoétique a survécu au pillage.

La parole contre l'écriture

La prophétie est parlée avant d'être écrite. C'est par là qu'on peut comprendre le refus de publier, après 1907 si l'on excepte quelques textes circonstanciels et mineurs.
L'exil volontaire en Bretagne, la non-publication indiquent chez Saint-Pol-Roux le franchissement d'un seuil. Il a voulu entrer dans l'infinitude du langage, et il ne le pouvait que par l'exercice de la parole, sans commencement ni fin. Ainsi, pour cette dernière période, on ne connaît que des brouillons, ni datés ni numérotés. Pour le poète, il est clair que le livre est une prison : il « enferme » et l'encre « respire la mort ». Saint-Pol-Roux a rêvé d'un Verbe total, transcrivant pour lui-même ses paroles intérieures : notes répétitives et raturées, tissage infini. Acceptant à la rigueur, pour plus tard, d'être imprimé. Mais il a tout fait, de son vivant, pour ne pas se voir dans les miroirs de la critique, de la lecture.
Cette hypothèse du refus de l'écriture au profit de la parole formulée, les preuves de son bien-fondé viennent aussitôt se disposer autour, en étoile : Saint-Pol-Roux adorait intervenir oralement à la radio, en plein air... ; les seuls textes dont nous ayons une version immédiatement lisible sont ceux de conférences ; la seule œuvre achevée, la Synthèse légendaire, est orale, exécutée en plein air, en 1926, comme une œuvre musicale, par deux cent cinquante récitants.
L'invention de l'imprimerie a valeur de péché originel ; par-delà Gutenberg, il faut retrouver Orphée, le poète qui chante par opposition à celui qui écrit. Il y a là le désir d'un retour à Dieu, qui crée en parlant. Écrire sans miroir, et surtout parler sans écho, c'est donner une allure absolue à son discours. Une phrase en témoigne, que Saint-Pol-Roux avait écrite sur un mur de son manoir : Ici, j'ai découvert la vérité du monde. On peut dire que la certitude de Saint-Pol-Roux est fondée sur un doute à l'égard du livre. S'il participe au courant poétique allant du symbolisme au surréalisme, il participe tout autant à l'une des aventures occidentales : la mise en crise du livre, de Montaigne à Mallarmé, en passant par Joubert. Il est normal qu'en même temps il ait magnifié la réapparition de l'oral par la technique : celle du son, et celle de l'image.
Qu'Orphée ait tenu une plume entre ses mains n'est qu'une erreur de l'histoire. Et toute l'œuvre de Saint-Pol-Roux est une recherche des pouvoirs perdus du poème, ainsi que l'annonce d'un monde nouveau, proche de celui que promettaient Campanella ou Cyrano de Bergerac. Gérard Macé

L'Å“uvre de Saint-Pol-Roux

Saint-Pol-Roux a tenté de créer une œuvre d'art totale. Ce rêve de la littérature symboliste consistait à créer une œuvre parfaite répondant à tous les sens. Saint-Pol-Roux s'est donc intéressé au genre théâtral et à l'opéra, pendant ses années parisiennes. À la fin de sa vie, il s'émerveille des possibilités artistiques offertes par le cinéma. Saint-Pol-Roux a également créé la notion d'idéoréalisme. Il souhaitait une fusion artistique entre le monde réel et le monde des idées, dans une perspective néoplatonicienne. Il imagine une cosmologie, où la Beauté perdue dans le monde réel doit être révélée par le poète.

Hommage

Saint-Pol-Roux a donné son nom à un établissement scolaire de Bretagne :
Le collège public de Brest.

Å’uvres

Raphaëlo le pèlerin, imprimerie de H. Olivier, Paris, 1879.
Sous le nom de Saint-Paul de Roux
Raphaëlo le pèlerin, Pinet Marseille et Josserand Lyon, 1880
Sous le nom de Paul Roux
Maman!, Ollendorff, 1883
Garçon d'honneur, Ollendorff, 1883
Le Poète, Ghio, 1883
Un drôle de mort, Ghio, 1884
Rêve de duchesse, Ghio, 1884
La Ferme, Ghio, 1886
Sous le nom de Saint-Pol-Roux
Bouc émissaire, s.n., 1889
L'âme noire du prieur blanc, Mercure de France 1893
Les Reposoirs de la procession, vol 1., Mercure de France, 1893
L'Épilogue des saisons humaines, Mercure de France 1893
La Dame à la faux, Mercure de France, 1899
Les Reposoirs de la procession, vol. I : La Rose et les épines du chemin, Mercure de France, 1901
Anciennetés, Mercure de France, 1903
Les Reposoirs de la procession, vol. II : De la colombe au corbeau par le paon, Mercure de France, 1904
Les Reposoirs de la procession, vol. III : Les Féeries intérieures, Mercure de France, 1907
Les Fééries intérieures, 1907
La Mort du Berger, Broulet, Brest, 1938, 69 p.
La Supplique du Christ, 1939.

Å’uvres posthumes

Bretagne est Univers, Broulet, Brest, 1941
Florilège Saint-Pol-Roux, L'Amitié par le Livre, 1943
Anciennetés, Seuil, 1946
L'Ancienne à la coiffe innombrable, Éd. du Fleuve, Nantes, 1946
Août, Broder, 1958
Saint-Pol-Roux "Les plus belles pages", Mercure de France, 1966
Le Trésor de l'homme, Rougerie, Mortemart, 1970
La Répoétique, Rougerie, Mortemart, 1971
Cinéma vivant, , Rougerie, Mortemart, 1972
Vitesse, Rougerie, Mortemart, 1973
Les Traditions de l'avenir, Rougerie, Mortemart, 1974
Saint-Pol-Roux / Victor Segalen, Correspondance, Rougerie, Mortemart, 1975
La Transfiguration de la guerre, Rougerie, Mortemart, 1976
Genèses, Rougerie, Mortemart, 1976
La Randonnée, Rougerie, Mortemart, 1977
De l'art magnifique, Rougerie, Mortemart, 1978
La Dame à la faulx, Rougerie, Mortemart, 1979
Les Reposoirs de la procession, vol. I : La Rose et les épines du chemin, Rougerie, Mortemart, 1980
Les Reposoirs de la procession, vol. II : De la colombe au corbeau par le paon, Rougerie, Mortemart, 1980
Les Reposoirs de la procession, vol. III : Les Féeries intérieures, Rougerie, Mortemart, 1981
Le Tragique dans l'homme, vol. I : Les Personnages de l'individu, Les Saisons humaines, Tristan la Vie, Rougerie, Mortemart, 1983
Le Tragique dans l'homme, vol. II : Monodrames, L'Âme noire du prieur blanc, Fumier, Rougerie, Mortemart, 1984
Tablettes. 1885-1895, Rougerie, Mortemart, 1986
Idéoréalités. 1895-1914, Rougerie, Mortemart, 1987
Glorifications. 1914-1930, Rougerie, Mortemart, 1992
Vendanges, Rougerie, Mortemart, 1993
La Besace du solitaire, Rougerie, Mortemart, 2000
Les Ombres tutélaires, Rougerie, Mortemart, 2005
Litanies de la mer, Rougerie, Mortemart, 2010


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#116 François Mauriac
Loriane Posté le : 09/10/2015 22:08
Le 11 octobre 1885 à Bordeaux naît François Mauriac

écrivain français, mort le 1er septembre 1970 à Paris, à 84 ans. Lauréat du Grand prix du roman de l'Académie française en 1926, il est élu membre de l'Académie française au fauteuil no 22 en 1933. Il reçoit le prix Nobel de littérature. Romancier, dramaturge, critique, journaliste, poète. Il reçoit pour distinctions le grand prix du roman de l'Académie française 1926, le prix Nobel de littérature 1952. Ses Œuvres principales sont : Le Baiser au lépreux 1922, Le Désert de l'amour 1925, Thérèse Desqueyroux 1927, Le Nœud de vipères 1932, Mémoires intérieurs 1959. En 1952, le prix Nobel de littérature est non seulement une consécration, mais le point de départ d'une nouvelle carrière : Mauriac se voue désormais presque entièrement à une œuvre journalistique, souvent polémique et politique. Déjà, avant guerre, il avait écrit dans l'Écho de Paris, Sept et Temps présent. En 1953, la crise marocaine puis l'engagement aux côtés du général de Gaulle marquent le Bloc-notes 1958 et le Nouveau Bloc-Notes 1961 – qui reprennent des articles écrits entre 1950 et 1960 dans le Figaro et dans l'Express. Mauriac y soutient Mendès France, puis de Gaulle et la politique de décolonisation. Redoutable polémiste, il pourfend les médiocres de la vie politique.
Vers un catholicisme social

En bref

Mauriac est sans conteste l'un des plus importants romanciers français du XXe siècle. Son domaine est limité. Le décor, les personnages, les thèmes, les procédés rétrospection, monologue intérieur varient peu d'un livre à l'autre. Il est essentiellement le peintre de la province française, des combats entre la chair et l'esprit, entre la sensualité de tout jeunes hommes, ou de femmes mûres et insatisfaites, et l'attrait de la religion pour les cœurs inquiets et blessés. Il s'est posé dans divers ouvrages de critique et dans son Journal bien des problèmes qui tourmentent le romancier catholique, soucieux de ne rien dissimuler de la vérité et des séductions du péché. Ses livres sont remarquables par la création d'une atmosphère fiévreuse, par leur tension tragique et surtout par leur poésie.
Poète, il le demeura dans l'écrit politique qui, après 1945, devint progressivement sa préoccupation majeure et l'expression d'un engagement que la mort seule arrêta. Il possédait le don de capter l'événement pour le transposer de l'éphémère évanescent, qui est son milieu propre, dans l'éternel et situer le relatif dans le sillage de l'absolu. Il restitue l'actualité intégrée dans la durée du poème sous la double optique de la tendresse de l'homme et de l'espérance de Dieu, et l''adieu à l'adolescence
Né à Bordeaux, François Mauriac est resté attaché à cette ville, dont il a dépeint la bourgeoisie sans indulgence. La plupart de ses romans sont placés dans ce décor de province, étroit, oppressant, parmi des gens soupçonneux et férocement attachés à leurs possessions et à leurs traditions. Pour Mauriac comme pour Balzac, il n'y a qu'en province que l'on sache bien haïr, et peut-être aussi aimer. Il a d'ailleurs grossi, par l'imagination ou le souvenir, et les passions de ses personnages, et les angoisses de malheureuses femmes de la province négligées par leurs maris, et la sensualité qui se dégage des étés brûlants, des pins des Landes assoiffées, des tilleuls et des lilas odoriférants des jardins solitaires. Mais ses meilleurs romans doivent une partie de leur force de suggestion à ces vignettes poétiques par lesquelles la nature sans cesse influe sur les personnages.
Sa sensibilité très vive fut accrue par la perte de son père, mort comme celui de Gide avant qu'il eût atteint sa dixième année. La mère, laissée veuve avec cinq enfants le futur romancier était le dernier, dut les élever avec quelque sévérité ; elle était fort pieuse, et le tableau que le romancier a souvent tracé de son enfance est austère. Il a parlé de son éducation janséniste, sans qu'il ait aimé beaucoup le jansénisme plus tard. Il en connut surtout les Pensées de Pascal, mais y regretta un abus de rationalisme dans les choses de la foi. Il fut élevé d'abord par les Frères maristes, puis au lycée. Se sentant, en raison de sa sensibilité, qui le rendait très vulnérable, mal armé pour la vie active, il songeait surtout à étudier le passé il prépara à Paris l'École des chartes et à s'exprimer par la plume.
À Paris, il découvrit avec exaltation la liberté de la vie de l'esprit, mais aussi combien était grande, comme elle le sera chez ses personnages, la nostalgie de la petite patrie familiale et provinciale abandonnée. Chaque écrivain venu de sa province à Paris est une Emma Bovary évadée, s'écria-t-il. Il a, après sa cinquantième année, prodigué les confidences sur sa jeunesse, dans Commencements d'une vie 1932, Mémoires intérieurs 1959 et 1965, Le Jeune Homme 1926, La Province 1926, Bordeaux 1926. Mais c'est dans ses romans qu'avec la liberté procurée par la fiction, plus vraie que le vrai, il s'est le mieux révélé. Longtemps, l'adolescent gauche, rêveur, tourmenté à la fois par le besoin d'idéaliser l'amour et de le souiller, rebelle aux contraintes familiales et se croyant incompris, va réapparaître dans les romans de Mauriac.
Il écrivit d'abord des vers, tendres mais fiévreux, que quelques aînés, dont Barrès, remarquèrent : il est revenu à la poésie en vers, influencée par Maurice de Guérin, dans Le Sang d'Atys 1940. Mais pas plus que Chateaubriand ou Gide, il n'est devenu un maître de la forme poétique. Ses premiers romans, deux écrits juste avant la guerre de 1914, à laquelle il prit part, le troisième et le meilleur, au titre significatif, La Chair et le sang, en 1920, sont encore gauches, tendus, trop inclinés vers le lyrisme.

Sa vie

François Mauriac naît le 11 octobre 1885 dans la maison familiale du 86, rue du Pas-Saint-Georges à Bordeaux1, fils de Jean-Paul Mauriac 1850-1887, marchand de bois merrains et propriétaire terrien dans les Landes de Gascogne, et Claire Mauriac née Coiffard, héritière d'une famille du négoce bordelais.
Dernier d'une fratrie composée d'une sœur aînée Germaine 1878-1974 et de trois frères Raymond 1880-1960, Jean 1881-1945 et Pierre 1882-1963, François Mauriac est orphelin de père à vingt mois, après la mort subite de celui-ci à la suite d'un abcès au cerveau le 11 juin 1887. Il vit toute son enfance très entourée par une mère très pratiquante, dont il est le fils préféré et celui qui gère toutes les affaires familiales, par sa grand-mère Irma Coiffard née Abribat et sous le tutorat de son oncle Louis Mauriac, magistrat seul frère cadet de son père.
François Mauriac fait à partir de 1892, ses études primaires puis secondaires chez les Marianistes de l'institution Sainte-Marie Grand-Lebrun à Caudéran, où il fera la rencontre d'un ami d'une vie, André Lacaze.
Outre les divers logements que la famille occupera à Bordeaux, son adolescence est marquée par plusieurs lieux girondins qui tous, marqueront profondément son œuvre : Gradignan où sa grand-mère Irma possède le Château-Lange, les Landes de Gascogne autour de Langon, Verdelais et surtout l'été à Saint-Symphorien, tous ces bourgs dominés par la bourgeoisie viticole ou ayant fait fortune dans l'exploitation forestière, aux climats lourds de secrets étouffés qu'il peindra dans la plupart de ses romans.
Après avoir écrit, dans son enfance, de petits textes et poèmes, il compose à treize ans sa première réelle œuvre, un mélodrame de jeunesse intitulé Va-t'en, dédié à sa sœur Germaine.
En 1902, la mort de sa grand-mère Irma est un profond choc pour l'adolescent qu'il est, constatant la profonde hypocrisie de sa famille religieuse et bourgeoise qui se partage déjà l'héritage à côté de l'agonisante.
François Mauriac rate la seconde partie du baccalauréat de philosophie et doit redoubler, préférant refaire une année au lycée public de Bordeaux9. Dans cet établissement il a notamment pour professeur, Marcel Drouin, beau-frère d'André Gide, qui lui fait découvrir les textes de Paul Claudel, Francis Jammes, Henri de Régnier, Arthur Rimbaud, Charles Baudelaire, Colette et Gide (notamment L'Immoraliste et Les Nourritures terrestres qui le marqueront, tous proscrits dans sa famille et chez les pères, finissant ainsi de constituer son corpus littéraire personnel. Il découvre également à cette époque les textes et idées de Maurice Barrès qui marqueront sa jeunesse.
Après son baccalauréat obtenu en juillet 1904, il étudie la littérature à la faculté de Bordeaux, sous la direction de Fortunat Strowski. Il a alors pour condisciple Jean de la Ville de Mirmont et se lie d'amitié avec André Lafon.
À cette époque, il habite toujours avec l'ensemble de sa famille, dans divers appartements et immeubles de Bordeaux, dont le 15 rue Rolland de 1903 à 1907 et fréquente à partir de 1905 les cercles bordelais du Sillon de Marc Sangnier, mouvement catholique ouvriériste, dont il se sent proche mais qui le laisse insatisfait; et dont il s'écarte définitivement en juin 1907.
Ces milieux catholiques étaient proches du modernisme, tendance d'exégètes et de philosophes qui mettaient en cause l'identité historique du Christ, voire la foi chrétienne. Dans la préface à sa Vie de Jésus, Mauriac avoue qu'il fut durablement troublé par le modernisme, avant de se rendre compte de l'a priori contre le surnaturel de ce courant de pensée.
Si, dans le cas du Sillon, la rupture n'empêcha point que Mauriac ne prenne des attitudes politiques ce qui, pour lui, en prolongeaient l'esprit avec le modernisme; en revanche, la rupture fut complète et sans compromis, au point que la préface à la deuxième édition de la Vie de Jésus prenne violemment à partie la principale figure du modernisme Alfred Loisy.
Sa famille l'envoie avec une rente annuelle de 10 000 francs13 à Paris, où il s'installe le 16 septembre 1907 — tout d'abord dans une pension étudiante de frères maristes au no 104 de la rue de Vaugirard où il réside un an avant d'être exclu, puis quelques mois dans l'hôtel l'Espérance voisin, et enfin seul en 1909 au cinquième étage du no 45 de la rue Vaneau — pour préparer l'École des chartes qu'il intègre mais finit très rapidement par abandonner pour se consacrer entièrement à l'écriture en publiant des poèmes, à son compte, dans la Revue du temps présent.

Une vocation tardive d'écrivain

Son premier volume de poèmes, Les Mains jointes, est publié en 1909. Bien que retenant l'attention des milieux littéraires et notamment, depuis 1910, de Maurice Barrès, auquel il voue un véritable culte, Mauriac ne sera connu du grand public qu'une dizaine d'années plus tard. En 1913, il épouse Jeanne Lafon (893-1983, rencontrée chez leur amie commune Jeanne Alleman, auteur qui publie sous le pseudonyme masculin de Jean Balde, et elle lui donne un premier fils, Claude, en 1914, année de la publication de La Robe prétexte. Ses autres enfants, Claire, Luce, et Jean naîtront respectivement en 1917, 1919 et 1924
Sa carrière littéraire est interrompue par la Première Guerre mondiale, durant laquelle il s'engage un temps, bien que réformé et de santé précaire, dans un hôpital de la Croix-Rouge à Salonique. Après la victoire de 1918, il reprend ses activités et publie, en 1921, Préséances, qui le brouille pour longtemps avec la bonne société bordelaise, puis, en 1922, Le Baiser au lépreux.

Succès littéraire

Dans une vie d'abord marquée par les mondanités littéraires jeune, il fréquente les salons, notamment celui de Natalie Clifford Barney et surtout celui de la comtesse Anna de Noailles, puis par des engagements politiques guidés notamment par un idéal chrétien socialisant il suit un temps le Sillon de Marc Sangnier et s'oppose à l'Action française, Mauriac est avant tout occupé par la composition d'une œuvre romanesque, où il se révèle un remarquable analyste des passions de l'âme et un virulent pourfendeur de la bourgeoisie provinciale Genitrix, Le Désert de l'amour, Thérèse Desqueyroux, Le Nœud de vipères, Le Mystère Frontenac. La plupart de ses romans évoquent, avec une certaine intensité tragique, le conflit entre la foi et la chair et développent plusieurs images récurrentes comme le fameux désert spirituel que les personnages doivent traverser.
La qualité de ses romans et de sa poésie lui vaut d'être triomphalement élu à l'Académie française le 1er juin 1933 au premier tour contre Edmond Sée par 28 voix et 3 bulletins blancs sur 31 votants. Le 16 novembre 1933, lors de sa réception, il doit néanmoins endurer le discours peu flatteur d'André Chaumeix.

Le désert de l'amour

En 1922 et 1923, coup sur coup, parurent deux courts romans, condensés, linéaires, creusant l'analyse vivante de quelques âmes tourmentées et implacables dans leur peinture de la laideur morale et de l'égoïsme des familles : Le Baiser au lépreux (1922) et Génitrix (1923). Dans le premier, Jean Péloueyre, provincial riche, mais laid, affreusement timide, épouse, sur les conseils du curé et parce que sa richesse fait de lui « un bon parti », une fille robuste et simple, Noémi. Il sait vite qu'elle ne donne, à ce « lépreux » qu'il croit être, ses baisers que par devoir ou par pitié. En vain médite-t-il les écrits de Nietzsche pour apprendre à devenir un fort avec volonté de puissance. Il analyse incessamment sa faiblesse et meurt, se disant presque que sa jeune épouse sera enfin soulagée et libre. Génitrix trace l'image d'une mère, veuve, dominatrice, qui veut maintenir son fils unique en dehors du mariage, pour le conserver tout à elle, entouré de soins qui l'emprisonnent. Il se marie cependant. Et sa femme, malade, est en train de mourir, abandonnée, dans une chambre isolée de la maison, détestée par la belle-mère, car elle est l'intruse. Une fois disparue cependant, elle sera regrettée du fils bourrelé de remords, intérieurement révolté contre cet égoïsme paysan de sa mère qu'il sait porter aussi en lui.
D'autres œuvres bien connues allaient suivre : Le Désert de l'amour en 1925, peut-être la meilleure réussite technique de Mauriac. Il y use, comme il l'a souvent fait, de la technique de la rétrospection. Un incident rappelle soudain à Raymond Courrèges, habitué des boîtes de nuit à Paris, son passé d'adolescent bordelais, sa solitude au sein de sa famille où il se croyait incompris et, par timidité, ne savait se faire comprendre. Maladroitement et brutalement, il avait alors essayé de violer une femme de réputation douteuse, Maria Cross, que son père, médecin naïf et bon, idéalisait. Elle l'avait repoussé et vexé dans sa jeune fierté. Tout ce passé et la figure pathétique de son père revivent dans ce long récit. Mauriac, grand admirateur de Proust bien qu'il reproche à son œuvre d'avoir laissé béant le trou immense que devrait remplir Dieu, était passé maître dans l'art de remémorer le passé et de l'enchâsser dans le présent.
Deux autres romans de sa quarantaine sont de grandes œuvres : Thérèse Desqueyroux (1927) et Le Nœud de vipères (1932). Le premier, utilisant avec plus de virtuosité encore la technique de la rétrospection, est le dramatique monologue d'une épouse plus fine et plus intelligente que son mari, propriétaire campagnard plein de suffisance ; elle se laisse entraîner à tenter de l'empoisonner, est jugée et, par égard aux convenances familiales, acquittée. Mise au ban de la famille, contrainte d'abandonner sa petite fille, elle ne se repent point, mais va habiter seule à Paris. Elle y vit en névrosée malheureuse ; dans une nouvelle, « Thérèse chez le docteur », et un autre roman, La Fin de la nuit (1935), Mauriac est revenu à ce personnage maladif et attachant, l'un des rares protagonistes de ses romans qu'il s'est résigné à ne pas convertir in extremis. Le Nœud de vipères est celui d'une famille avare et haineuse, et plus encore le réseau de méchanceté, de dépit, d'endurcissement dans l'égoïsme et la poursuite des biens matériels d'un riche avocat, Louis. Il se meurt d'angine de poitrine, note dans un journal atroce de vérité le progrès de sa haine envers sa femme, ses enfants, la religion hypocrite et lui-même. Mais son « effrayante lucidité » ainsi que la quête d'un amour vrai ouvrent une voie à la grâce qui le mène à la conversion.

Controverses

Sept ou huit autres romans de Mauriac, tous reprenant un décor, une intrigue, un leitmotiv analogues, n'atteignent que par moments à la beauté de ces réussites. La Pharisienne 1941, atroce peinture d'une dévote rigide et privée de charité, que l'on prendrait pour une attaque contre la religion si Mauriac n'avait tant proclamé sa foi catholique, a quelques parties saisissantes. Sartre a, dans un célèbre article, pris à partie, non sans injustice, La Fin de la nuit, pour reprocher à l'auteur de priver ses personnages de toute liberté. Il est vrai que Mauriac a toujours été confronté au dilemme du romancier catholique : éviter le doucereux et la prédication des romanciers dits bien-pensants, peindre le mal et le vice dans leur noire vérité, ne pas fausser la vie, mais par là même risquer de rendre la chair, la passion et le mal pleins d'attraits pour le lecteur peu averti. Aussi l'orthodoxie de Mauriac a-t-elle été mise en doute par bien des catholiques, qu'il a effarouchés, même après qu'il eut été élu à l'Académie française 1933, décoré par les gouvernements successifs du pays, consacré par le prix Nobel 1952 et qu'il eut prodigué depuis 1945 ses éloges éperdus au général de Gaulle. Néanmoins, avec Bernanos et, par moments seulement, Julien Green, Mauriac représente, dans le roman de ce siècle, le sommet de la littérature catholique, hardie et jeune.
Un autre reproche a été adressé à Mauriac, dont il n'a eu nulle peine à se justifier : celui de monotonie. Car non seulement le décor, mais les thèmes, les personnages, la technique ne varient guère d'un roman à l'autre, pas plus qu'ils ne le font chez l'auteur qu'il met au-dessus de tout autre, Racine. Mauriac s'est expliqué sur son art dans divers écrits sur le roman, dans son Journal, dans ses Mémoires et dans de nombreux articles de journal et de revue : depuis 1951, sa veine de romancier s'étant tarie, le théâtre ne lui ayant qu'à demi réussi, il est devenu un journaliste et un moraliste, parfois bavard. Il a du moins réfléchi assidûment sur son art : il n'a pas caché que son premier souci avait été de rester fidèle à son monde intérieur, de dépeindre le monde qu'il connaissait le mieux et les obsessions ou souvenirs qui l'habitaient, et, acceptant ses limites, de renouveler son mode d'expression, mais non ses sujets.
Il est le plus grand en effet dans sa peinture des Mal-Aimés (c'est le titre d'une de ses pièces, 1945) et de l'amour où la chair lutte contre l'esprit, mais aussi où l'esprit, selon une formule de saint Paul, convoite contre la chair. L'amour, même quand il devrait être ennobli par le sacrement du mariage et par la progéniture, est présenté par le romancier sous un jour lugubrement féroce : femmes solitaires en vain amoureuses de jeunes hommes égoïstes, adolescents traînant dans la boue l'objet de leurs désirs, hommes mûrs endurant les tortures de la jalousie, démons de midi et du soir et démons plus avides encore de l'adolescence, « cherchant qui dévorer ». Cette insuffisance de l'amour humain préserve les personnages de Mauriac de la satisfaction dite bourgeoise : le sentiment de l'incomplet de leur existence leur fait enfin désirer le seul vrai amour, celui de Dieu.

La vertu d'engagement

« De sorte que bien loin qu'ils aient le droit de fuir les hommes en Dieu, il leur est enjoint de retrouver Dieu dans les hommes. Qu'ils le cherchent d'abord et qu'ils le trouvent dans ceux qui souffrent persécution pour la justice, chrétiens ou païens, communistes ou juifs, car de ceux-ci, la ressemblance avec le Christ est en raison directe des outrages qu'ils endurent : le crachat sur la face authentifie cette ressemblance. » Ce texte du Cahier noir – manifeste clandestin paru sous l'occupation allemande – détient la clé d'une bonne part de l'aventure mauriacienne : l'inflexion progressive du grand bourgeois vers la gauche comme celle de l'écrivain d'imagination vers le journalisme politique, jusqu'au pamphlet. La révolution espagnole de 1936 en fut le point de départ ; la guerre de 1940 détermina Mauriac à l'engagement qui prit de plus en plus le meilleur de son talent. D'abord dans son Journal, ensuite au fil du « Bloc-Notes » qui passa de l'Express au Figaro littéraire, il assuma les soucis majeurs de la France et du monde et y prit résolument parti avec autant de courage que de générosité.
Polémiste redouté, il ne s'est pas montré indulgent pour les jeunes romanciers dont les tentatives allaient à l'encontre de sa technique, paraissaient renoncer à toute action nouée, à toute exploration d'un caractère, à toute poésie dans l'art romanesque. Il n'était pas tendre non plus pour les politiciens de gauche, et moins encore pour ceux de droite, qui lui semblaient incapables de reconnaître, ou de proclamer, que la France recherchait une grandeur morale et l'avait trouvée en de Gaulle. Mais, si ses mots à l'emporte-pièce et ses jugements critiques ne manquaient pas de venin, ils savaient aussi faire place à la bonté et à la compassion.
Si Mauriac a ainsi dépeint un enfer plutôt qu'une antichambre du Paradis, il exerce, moins par la noirceur de ses sujets que par la nostalgie de pureté et de poésie qui est partout en son œuvre, une fascination sur ses lecteurs. Il a souvent répété que le roman de son époque – et il pensait sans doute au sien – ne se sauvait de la médiocrité que par la poésie qu'il exprimait. Cette poésie éclate dans le cadre d'une technique sobre et classique, et donne à la prose de Mauriac une vibration et une richesse qui le mettent, avec Malraux et Bernanos, aussitôt après Proust parmi les romanciers modernes de la France.
Au cours de sa vieillesse combative, courageusement acceptée, il sut retrouver également son inspiration romanesque d'antan. Son ultime roman, Un adolescent d'autrefois, publié en 1969, ne renouvelle ni le cadre ni les thèmes de son œuvre antérieure. Mais il est frémissant encore de vie et il constitue comme le testament d'un romancier qui, à plus de quatre-vingts ans, comprenait encore la passion, les remords et les conflits entre la chair et les aspirations de l'âme. Henri Peyre

Un écrivain engagé

Tout en poursuivant son œuvre littéraire La Fin de la nuit, première suite de Thérèse Desqueyroux, Les Anges noirs, il prend part à de nouveaux combats politiques, notamment au moment de la guerre d'Espagne, d'abord en faveur des Nationalistes avant de se ranger, dès le drame de Guernica connu, avec les chrétiens de gauche qui s'expriment dans les revues Esprit ou Sept, aux côtés des Républicains espagnols cf. ses articles dans Le Figaro et Temps présent. Cet engagement provoquera une première rupture avec sa famille politique. Robert Brasillach lui dédicacera son ouvrage sur la guerre d'Espagne : à F.M. égaré.
Sous l'Occupation, après quelques hésitations devant la Révolution nationale lancée par le maréchal Pétain, il publie en 1941 La Pharisienne, qui peut se lire en creux comme une critique du régime de Vichy et qui lui vaut d'être désigné comme agent de désagrégation de la conscience française par les thuriféraires de l'Ordre nouveau. Au sein de l'académie française, il fait partie avec Georges Duhamel qui devient secrétaire perpétuel provisoire en 1942, Louis Gillet et Paul Valéry du petit groupe tenant tête à la fraction pétainiste de l'institution17,18. Il adhère au Front national des écrivains et participe à l'œuvre de Résistance à travers la presse clandestine, Les Lettres françaises notamment. Il fait paraître en 1943, aux Éditions de Minuit, sous le pseudonyme de Forez, Le Cahier noir, qui est diffusé sous le manteau.
Au moment de l'épuration, il intervient en faveur de l'écrivain Henri Béraud, accusé de collaboration. Il signe la pétition des écrivains en faveur de la grâce de Robert Brasillach, qui est condamné à mort et qui sera malgré cela exécuté. Cet engagement lui vaut le surnom de « Saint-François-des-Assises »19. Il rompt peu après avec le Comité national des écrivains en raison de l'orientation communiste du comité et participe à la revue des Cahiers de La Table ronde, où de jeunes écrivains de droite, qu'on appellera plus tard les Hussards, feront leurs débuts. Entre 1946 et 1953, éditorialiste au Figaro, F. Mauriac s'illustre par la virulence de son anticommunisme dans le contexte de la Guerre froide. À la Libération, il fait l'objet de violentes attaques dans la revue d'extrême droite Écrits de Paris de la part de Jean Maze sous le pseudonyme Orion qui a cité F. Mauriac dans son Nouveau Dictionnaire des Girouettes, Écrits de Paris no 68, juin 1950, page 100.
Ferhat Abbas déclare, dans ses révélations sur la guerre d'Algérie, s'être réjoui de la visite dans le pays d'hommes politiques ou d'intellectuels, tels que Mauriac, qui ont défendu la vérité selon laquelle avant l'indépendance il y avait en Algérie 10 millions de musulmans qui n'étaient pas français.

Le prix Nobel

En 1952, l'année où paraît son roman Galigaï, François Mauriac reçoit le Prix Nobel de littérature pour la profonde imprégnation spirituelle et l'intensité artistique avec laquelle ses romans ont pénétré le drame de la vie humaine. Polémiste vigoureux, d'abord absent du débat sur la guerre d'Indochine Vercors lui reprochera son silence), il prend ensuite position en faveur de l'indépendance du Maroc et de la Tunisie, puis de l'Algérie, et condamne l'usage de la torture par l'armée française L'Imitation des bourreaux de Jésus-Christ. Il préside aussi le Comité de soutien aux chrétiens d'URSS.
Il s'exprime notamment dans son fameux Bloc-notes, qui paraît d'abord dans la revue de La Table ronde, ensuite dans Le Figaro, puis dès 1955 dans L'Express, que viennent de créer Françoise Giroud et Jean-Jacques Servan-Schreiber, avant de reparaître à partir de 1961 et jusqu'à la fin dans Le Figaro.
Il soutient un temps Pierre Mendès France sous la IVe République, mais le putsch des généraux à Alger précipite son ralliement sans faille au général de Gaulle sous la Ve République. Au cours des années 1960, il donne une suite à ses Mémoires intérieurs 1959, avec les Nouveaux mémoires intérieurs 1965, et publie ses Mémoires politiques 1967, ainsi qu'une hagiographie du général, De Gaulle 1964, auquel il demeurera fidèle jusqu'au bout.
Son dernier roman, Un adolescent d'autrefois reçoit un accueil enthousiaste de la critique en 1969. Une suite, Maltaverne, demeure inachevée et sera publiée de manière posthume en 1972.
François Mauriac meurt à Paris le 1er septembre 1970 et est enterré au cimetière de Vémars Val-d'Oise. Ses œuvres complètes ont été publiées en douze volumes entre 1950 et 1956. Une édition complète de ses œuvres romanesques et théâtrales a été éditée dans la collection de la Bibliothèque de la Pléiade, en quatre volumes, parus entre 1978 et 1985 ; elle est suivie en 1990 d'une édition de ses œuvres autobiographiques.
Claude Mauriac et Jean Mauriac, ses fils, et Anne Wiazemsky, sa petite-fille, sont aussi écrivains. Luce Mauriac, sa fille, a publié un roman en 2008.
Le domaine de Malagar, à Saint-Maixant, qui fut le lieu de la fin de l'adolescence et que l'écrivain reçut en 1927 à la suite d'un partage familial, est aujourd'hui propriété du Conseil régional d'Aquitaine. Cette maison d'écrivain, transformée en centre culturel, est désormais ouverte à la visite.

Révélations sur l'homosexualité de Mauriac:

Lettre ouverte à Monsieur François Mauriac, membre de l'Académie française, prix Nobel.
S'appuyant sur des sources écrites, l'ouvrage biographique de Jean-Luc Barré s'attache au fait que François Mauriac aurait notamment brûlé de passion — dont la nature exacte n'est pas précisée — pour un jeune écrivain, diplomate suisse, Bernard Barbey. L'information selon laquelle Mauriac aurait vécu des passions
probablement platoniques pour des jeunes gens avait été donnée dans une interview de Daniel Guérin publiée dans le livre de Gilles Barbedette et Michel Carassou, Paris gay 1925 publié aux Presses de la Renaissance. Daniel Guérin est venu confirmer cette information, vérifiable dans la correspondance qu'il a reçue de Mauriac, conservée à la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine, en contradiction avec la volonté de l'écrivain de la récupérer et de la détruire.

Å’uvre

Romans, nouvelles, récits


1913 : L'Enfant chargé de chaînes
1914 : La Robe prétexte
1920 : La Chair et le Sang
1921 : Préséances
1921 : Dialogue d'un soir d'hiver nouvelle
1922 : Le Baiser au lépreux
1923 : Le Fleuve de feu
1923 : Genitrix
1924 : Le Mal
1925 : Le Désert de l'amour Grand prix du roman de l'Académie française, 1926
1927 : Thérèse Desqueyroux
1928 : Destins
1929 : Trois récits : Coups de couteau, 1926 ; Un homme de lettres, 1926 ; Le Démon de la connaissance, 1928
1930 : Ce qui était perdu
1932 : Le Nœud de vipères
1933 : Le Drôle conte pour enfant
1933 : Le Mystère Frontenac
1935 : La Fin de la nuit
1936 : Les Anges noirs
1938 : Plongées comprenant Thérèse chez le docteur, 1933 ; Thérèse à l'hôtel, 1933 ; Le Rang ; Insomnie ; Conte de Noël
1939 : Les Chemins de la mer
1941 : La Pharisienne
1951 : Le Sagouin
1952 : Galigaï
1954 : L'Agneau
1969 : Un adolescent d'autrefois
1972 : Maltaverne posthume

Théâtre

1938 : Asmodée
1945 : Les Mal-aimés
1947 : Passage du malin
1950 : Le Feu sur la terre

Poèsie.

1909 : Les Mains jointes
1911 : L'Adieu à l'adolescence
1918 : Le Disparu
1925 : Orages
1940 : Le Sang d'Atys

Essais, recueils d'articles

1919 : De quelques cœurs inquiets Société littéraire de France
1926 : La Province Hachette ; réédition Arléa, 1988
1928 : Le Roman L'artisan du livre
1928 : La Vie de Jean Racine rééd. Paris, Perrin, 1999
1929 : Dieu et Mammon
1930 : Trois Grand Hommes devant Dieu, éd. du Capitole
1931 : Le Jeudi-Saint
1931 : Blaise Pascal et sa sœur Jacqueline
1931 : Souffrances et bonheur du chrétien
1933 : Le Romancier et ses personnages
1936 : La Vie de Jésus rééd. Seuil, 1999
1945 : La Rencontre avec Barrès rééd. La Table ronde, 1994
1947 : Du côté de chez Proust, La Table ronde, 1947
1958 - 1971 : Bloc-notes, Seuil, 5 vol.
1958 : Le Fils de l'homme
1981 : Souvenirs retrouvés - Entretiens avec Jean Amrouche, éd. Fayard/INA
1996 : Mozart et autres écrits sur la musique, éd. Encre marine
2000 : La Paix des cimes : chroniques, 1948-1955, éd. Bartillat
2004 : D'un Bloc-notes à l'autre : 1952-1969, éd. Bartillat
2008 : Téléchroniques, 1959-1964, éd. Bartillat

Mémoires

1943 : Le Cahier noir
Publié sous le nom de Forez, qui était son pseudonyme, en clandestinité, par les éditions de Minuit
1948 : Journal d'un homme de trente ans extraits Editions Egloff
1959 : Mémoires intérieurs
1962 : Ce que je crois
1964 : Nouveaux mémoires intérieurs
1967 : Mémoires politiques

Autobiographie et correspondance

1925 : Bordeaux, version première des Commencements d'une vie L'Esprit du Temps, 2009
1932 : Commencements d'une vie
1953 : Écrits intimes
1981 : Lettres d'une vie, 1904-1969
1989 : Nouvelles lettres d'une vie, 1906-1970

Scénario

1955 : Le Pain vivant scénario et dialogue du film Le Pain vivant sorti en 1955

Œuvres complètes

Œuvres romanesques et théâtrales complètes, dirigées par Jacques Petit, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1978-1985, 4 vol.
Œuvres autobiographiques complètes, dirigées par François Durand, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque de la Pléiade, 1990.

Préfaces

1948 : La Puissance et la gloire de Graham Greene
1958 : La Nuit d'Elie Wiesel
1966 : D’autres et moi recueil de préfaces à des œuvres diverses, ainsi qu’aux œuvres complètes de l’auteur

Prix et distinctions

Grand prix du roman de l'Académie française 1926
Membre de l'Académie française 1933
Prix Nobel de littérature 1952
Grand-croix de la Légion d'honneur 1958

Hommages

En 1994, l'État et la ville de Paris rendent hommage à l'écrivain en baptisant de son nom le quai François-Mauriac, aux pieds de la Bibliothèque nationale de France, dont c'est l'adresse officielle, dans le 13e arrondissement.

Par ailleurs, deux prix littéraires portent son nom :

Le prix François-Mauriac de l'Académie française
Le prix François-Mauriac de la Région Aquitaine


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#117 Pierre-Jean Jouve 1
Loriane Posté le : 09/10/2015 21:13
Le 11 octobre 1887 naît Pierre Charles Jean Jouve

à Arras, écrivain, poète, romancier, essayiste, traducteur et critique français et mort à Paris le 8 janvier 1976, à 88 ans. D'abord influencé par le symbolisme et l'esthétique du groupe de l'Abbaye Présence, 1912, il connaît une longue crise morale Voyage sentimental, 1922 qui aboutit, en 1924, à un reniement de l'œuvre passée et à une nouvelle conception poétique qui, à la lumière de la psychanalyse, approfondit dans ses romans. Paulina 1880, 1925 ; Aventure de Catherine Crachat, 1947 et ses recueils lyriques, Paradis perdu, 1929 ; les Noces, 1931 ; Sueur de sang, 1933 ; Diadème, 1949 ; Moires, 1962 ; Ténèbre, 1965 la double nature de l'homme prisonnier de ses instincts, mais attiré par la spiritualité. ses Œuvres principales sont Paulina 1880, Le Monde désert, Les Noces. Il est engagé dans le mouvement pacifiste de la Première Guerre mondiale, Compagnon du mouvement psychanalytique français, engagé dans la résistance intellectuelle contre le nazisme pendant la seconde guerre mondiale

En bref

La parole du poète français Pierre Jean Jouve s'élève, toujours impérieuse, et emprunte les crêtes acérées du langage. Elle cherche avec minutie à éterniser le galbe de l'amour dans le nom du poème. Elle s'efforce de cerner le vide dévorant de l'incernable Beauté dont les intermédiaires sont la femme, le sexe et la mort. L'Éros et la Mort dansent un ballet fatal, seul gage d'éternité. La lente et stricte création jouvienne vise à atteindre et à étreindre la mort au cœur même de la vie, en une inlassable « scène capitale » où la sueur du désir a saveur d'éternité sanglante. La poésie n'est qu'au prix de la mort. L'entrée en poésie :
C'est à Arras que Jouve voit le jour en 1887 et qu'il passe une enfance bourgeoise, assombrie déjà par la maladie. Seule, la musique – qui occupera toujours une place importante dans sa vie – offre à l'adolescent une source d'évasion. Il n'a que mépris pour la littérature jusqu'au jour où il découvre Mallarmé. L'appel est tout-puissant, et Jouve ne tarde pas à entrer en poésie. Ses premiers vers sont influencés par les derniers symbolistes. Bientôt, Jouve fait connaissance avec le groupe de l'Abbaye et devient un chantre passionné de l'unanimisme.
Mais, au-delà de vagues appels à une participation humaine, il rêve déjà d'une poésie-acte de connaissance. Lorsque survient la Première Guerre mondiale, obéissant à son généreux idéal, Jouve s'engage comme infirmier volontaire dans un hôpital militaire. Il y contracte de graves maladies infectieuses qu'il va soigner en Suisse où il se lie de forte amitié avec Romain Rolland. Il écrit alors ce qu'il appellera plus tard des œuvres de bonne conscience. Mais Jouve sent soudain qu'il se fourvoie, qu'il fait œuvre inauthentique. Il sait que son génie ne réside pas dans un élan de généreux altruisme, mais bien plus dans un profond retirement en soi. À la catastrophe extérieure représentée par la guerre correspond donc, pour lui, le début d'une libération intérieure. Au sortir de l'épreuve, le poète se réfugie dans la solitude, se recueille et médite les grands mystiques ; François d'Assise, Thérèse d'Avila, Ruysbroeck l'Admirable. En 1921, il se rend à Florence, puis à Salzbourg, ses lieux de prédilection. Son mariage avec une psychanalyste, Blanche Reverchon, hâte encore l'évolution spirituelle du poète. En 1928, il décide de rejeter en bloc toute l'œuvre publiée avant 1924, parce qu'elle n'obéit aucunement aux deux objectifs qu'il vient de se fixer : « obtenir une langue de poésie qui se justifiât entièrement comme chant ... et trouver dans l'acte poétique une perspective religieuse – seule réponse au néant du temps. Femmes :
Les Noces 1931 inaugurent l'œuvre nouvelle. Jouve écrit le mot du premier mot du livre qui scelle l'alliance entre la poésie et les valeurs spirituelles. Le poète s'est libéré du monde pour s'abandonner, en de mystérieuses noces mystiques, aux volontés du Père. Poème de la soumission et de la naissance, Les Noces mûrissent lentement, de 1925 à 1931. Dans le même temps, Jouve travaille à un Paradis perdu 1927, où apparaît le thème de la Faute, et surtout à son œuvre romanesque. Pendant dix ans, la création romanesque et l'inspiration poétique vont s'entrecroiser. En 1925, paraît Paulina 1880, roman du déchirement de la foi par la volupté, qui marque déjà le rapport dialectique étroit entre l'Amour et la Faute. La jeune Paulina essaie d'échapper à son amant Michele et se réfugie dans un couvent de visitandines où elle devient vite indésirable. Elle se redonnera donc à Michele, mais – scène capitale – le tuera. Si Florence sert de cadre à Paulina 1880, Genève est le centre du Monde désert où le conflit à deux devient un drame à trois personnages. Pour n'avoir éprouvé qu'un amour filial à l'égard de la sensuelle Baladine, Jacques de Todi est supplanté par Luc Pascal. En possédant Baladine, Luc provoque la mort de Jacques. Mais, au lendemain de leur mariage, Luc est abandonné par Baladine. Pas de grande vie sans grande mutilation. Luc se réfugiera donc dans la poésie, née pour lui d'un manque. Le Monde désert est le récit d'une ascension vers la poésie qui, seule, parvient à réaliser l'unité désirée, par-delà la vie et la mort. Des poèmes de Luc Pascal seront plus tard insérés dans Les Noces. En ce sens, l'expérience romanesque est une invite à la création poétique. Hécate 1928 et Vagadu 1931 content l'histoire de Catherine Crachat qui, elle aussi, aime et donne la mort. Dans Vagadu, Jouve s'est inspiré d'une véritable expérience de psychanalyse pour approfondir son personnage fictif.
Si les destins féminins fascinent l'écrivain, c'est que la vie lui a offert d'étranges rencontres et des amours bizarres. Lisbé apparaît à Jouve en 1909 ; il la retrouve, vingt-quatre ans plus tard, mariée à un officier. Ce fait l'intrigue. Très jeune, Jouve a connu à Arras une femme d'officier dont il a embrassé la prodigieuse et fauve chevelure. L'image des deux femmes se superpose alors et contribue à la naissance du personnage mythique d'Hélène. À la fin de Dans les années profondes – un des plus beaux récits de Jouve – Hélène meurt au cours de l'acte érotique. Deux années plus tard, le poète apprend que Lisbé est morte. Cette mort, il l'avait secrètement pressentie ; désormais, l'œuvre romanesque est achevée. Esprit mutilé des ténèbres, Jouve va arpenter le mètre poétique. Hélène et l'Ange
Hélène est présente dans Sueur de sang 1935 où Jouve cherche Dieu dans la profondeur du péché. Le recueil contient un avant-propos important, intitulé Inconscient, spiritualité et catastrophe. Jouve ne fait pas acte d'allégeance à la psychanalyse, mais il en accepte les données fondamentales pour les fondre à une vie religieuse et mystique. Pour le poète, le désir freudien est essentiellement péché et, par là même, porteur des germes de la mort. Le poème introduit de nombreux symboles l'œil, la bouche, la chevelure, le cerf, supports et ferment de l'interrogation créatrice. Matière céleste 1937 chante « Hélène, après qu'elle est morte et introduit le thème dialectique du Nada, hérité des mystiques espagnols :Celui qui forme tout est celui qui détruit. Dans Kyrie 1938, le poète fait retentir l'écho des grandes musiques entendues à Salzbourg, invoque Hélène mise au tombeau tout comme Mozart jeté dans la fosse commune, et perçoit l'arrivée de quatre cavaliers qui annoncent la guerre. Pendant les cinq années de la Seconde Guerre mondiale, Jouve va vivre mystiquement l'esprit de la résistance nationale. La Vierge de Paris 1946 sera la somme des poèmes de guerre écrits à Grasse, à Dieulefit, puis dans l'exil genevois. Jouve compense le poids de la catastrophe par une fougue visionnaire, génératrice d'espérance. Son rêve serait que fussent conciliés l'idéal du Moyen Âge chrétien et l'esprit de la Révolution française.
Le temps de la guerre est pour lui l'occasion de faire une Défense et illustration 1946 des maîtres qu'il aime : Baudelaire, Rimbaud, Nerval. Mais son travail le plus remarquable est une analyse pénétrante du Don Juan de Mozart 1942. Avec Hymne 1947, le thème de la guerre s'estompe pour faire place à celui, très enrichi, du Nada, et surtout à la fascination d'un archétype baudelairien : la prostituée. Dans En miroir 1954, véritable confession du poète, Jouve raconte l'histoire de Yanick, connue, aimée et perdue. Cette humble fille livrée aux mâles errant apparaît dans Diadème 1949 ; elle est le cygne de Ode 1950, où l'esprit de Segalen et l'attrait formel de Saint-John Perse sont sensibles. Yanick est encore présente dans Langue 1952, recueil dédié à l'esprit d'Alban Berg dont Jouve admire le Wozzeck et Lulu, cette incarnation de la chaleur – joyeuse ou désastreuse – de l'Éros. Le mythe de Yanick s'enrichira au contact de la Lulu bergienne, sans pourtant se confondre avec le mythe d'Hélène. Dans Mélodrame 1958, le poète écoute le Temps qui inscrit très près de son cœur les traits d'une plume de fer. La mort est là, qui veille et qui unira peut-être définitivement le poète et le corps de toutes les femmes aimées-défuntes. La mort du poète conditionne, pour ainsi dire, la vie du poème. Mais, avant d'emprunter le sentier de Ténèbre, Jouve jette un dernier regard sur les Moires 1962 de son enfance. Les messieurs-dames ont beau s'esclaffer car il s'agit de désespoir, Jouve n'en continue pas moins à renaître par une foi qui lui fait dire que toute poésie est à Dieu et que sans cette ambition d'ange ... le vers ne serait que le jeu des osselets de la mort.
L'itinéraire poétique de Jouve est semé de nombreuses rencontres lieux, femmes, lectures, musiques que l'écrivain a pouvoir d'élever à la dimension mythique. La poésie est le fruit d'une expérience intérieure toujours dépassée dans un mouvement d'ascèse purificatrice ; elle est une dramaturgie religieuse où les multiples symboles fondent et se fondent à l'énergie du chant. L'œuvre de Jouve est une recherche souterraine de soi qui veut transmuer la matière d'en bas en matière d'en haut ». Par là, Jouve est un héritier de Baudelaire. Mais, tandis que l'auteur des Fleurs du mal se place toujours sur le plan de la conscience, Jouve se situe, lui, sur un plan mystique qui le rapproche de Nerval, Novalis et Hölderlin dont il a traduit les Poèmes de la folie. Le mysticisme de Jouve est vécu tragiquement, avec une froide et passionnée rigueur qu'on retrouve d'ailleurs dans la disposition typographique très soignée de son poème et dans le souci fréquent d'une concision formelle mallarméenne. Poésie de la transparence, l'œuvre de Pierre Jean Jouve est une métamorphose mythique qui clame l'élan mystique toujours recommencé. Daniel Leuwers

Sa vie

Pierre Charles Jean Jouve a eu plusieurs vies. Avant 1914, il est un des écrivains de l'unanimisme, ce mouvement créé par Jules Romains, puis un membre actif du mouvement pacifiste animé par Romain Rolland pendant la Première Guerre mondiale.
À partir de 1921, une profonde rupture a lieu grâce à sa seconde épouse, la psychanalyste Blanche Reverchon, traductrice de Sigmund Freud 1923 et amie de Jacques Lacan. Elle fait de lui l'un des premiers écrivains à affronter la psychanalyse et à montrer l'importance de l'inconscient dans la création artistique — et cela dès le milieu des années 1920. On peut citer parmi les œuvres de cette époque ses recueils de poèmes : Les Noces 1925-1931, Sueur de Sang 1933-1935, Matière céleste 1937, et ses romans : Le Monde désert 1927, Hécate 1928, Vagadu 1931, La Scène capitale 1935, et le plus connu Paulina 1880, paru en 1925 adapté au cinéma en 1972 par Jean-Louis Bertuccelli.
Il a été aussi, dès 1938 et pendant son exil en Suisse, un important acteur de la résistance intellectuelle contre le nazisme, avec ses poèmes apocalyptiques de Gloire et de La Vierge de Paris.
Jouve a été le compagnon de route de nombreux artistes, d'écrivains Romain Rolland, Stefan Zweig, Joë Bousquet, Jean Paulhan, Henry Bauchau, de peintres André Masson, Balthus, Joseph Sima, …, de philosophes Jean Wahl, Jacques Lacan, …et de musiciens (Michel Fano, : il a d'ailleurs beaucoup écrit sur l'art et la musique.
Cet écrivain souvent perçu comme un marginal hautain, refusant les embrigadements des mouvements a su toucher beaucoup d'écrivains et d'artistes dont certains peuvent être considérés comme ses disciples, par exemple les poètes Pierre Emmanuel, Salah Stétié ou Yves Bonnefoy.

Pierre Jean Jouve, un panorama Reniements

Pierre Jean Jouve a renié toute son œuvre publiée avant 1925, année où il fait commencer sa vita nuova. On a donc peu commenté sa vie antérieure pour ne commenter que son œuvre postérieure à cette date, où il publie les poèmes de Mystérieuses Noces et le roman Paulina 1880 quatre voix au prix Goncourt. C'est ce qu'il a fait lui-même dans En Miroir, son "Journal sans date" de 1954 où il ne décèle de sa vie que certaines grandes lignes soigneusement choisies. C'est aussi ce qui a été fait dans des ouvrages de référence, souvent écrits par des amis du poète, comme René Micha2 ou Robert Kopp. Cependant la biographie de Daniel Leuwers4 et les notes et commentaires de Jean Starobinski pour son édition de Œuvre5, ont révélé des pans méconnus de sa vie et l'importance de sa première œuvre pour sa formation et son évolution. La récente biographie de Béatrice Bonhomme6 a apporté un nouvel éclairage sur la crise de Jouve entre 1921 et 1927. Cette crise a profondément marqué sa vie et orienté son écriture. Pierre Jean Jouve est l'homme des ruptures, d'avec son père puis d'avec son fils ; d'avec sa première épouse Andrée, grande militante de mouvements féministes et pacifistes ; d'avec ses amis pacifistes Romain Rolland, Georges Duhamel, Charles Vildrac, Frans Masereel qui au moment de la rupture créaient la revue Europe 1923, toujours vivante ; d'avec ses amis artistes même Joseph Sima en 1954 ; d’avec ses éditeurs, Jean Paulhan et Gaston Gallimard en 1945. Et donc d'avec sa première œuvre. On peut aussi considérer que la réédition de ses romans et de ses poèmes, avec peu de modifications mais beaucoup de coupures, que Jouve a effectuée de 1959 à 1968, est une nouvelle réécriture de sa vie et de son œuvre.

Plusieurs vies

Pierre Jean Jouve a donc eu plusieurs vies. Jouve pourrait être considéré comme un des écrivains de l'unanimisme, ce mouvement créé par Jules Romains, ou de l'Abbaye de Créteil Groupe de l'Abbaye. Ou comme un membre actif du mouvement pacifiste animé par Romain Rolland pendant la Première Guerre mondiale. Grâce à sa seconde épouse, la psychanalyste Blanche Reverchon, traductrice de Freud 1923 et amie de Jacques Lacan, il fut l'un des premiers écrivains à affronter la psychanalyse et à montrer l'importance de l'inconscient dans la création artistique, et cela dès le milieu des années 1920, avec ses poèmes de Noces 1925-1931, de Sueur de Sang 1933-1935 et de Matière céleste 1937, ou avec des romans, Hécate 1928, Vagadu 1931 et La Scène capitale 1935. Il montra aussi l'enrichissement que la lecture des grands mystiques, Thérèse d'Avila, Catherine de Sienne, Jean de la Croix, François d'Assise, peut apporter à l'écriture poétique. À ces mystiques il associa étroitement des poètes précurseurs, Hölderlin, Gérard de Nerval, Charles Baudelaire, Stéphane Mallarmé.
Ce fut aussi, dès 1938 et pendant son exil en Suisse, un important acteur de la résistance intellectuelle contre le nazisme, avec ses poèmes apocalyptiques de Gloire et de La Vierge de Paris. Parmi ses essais sur l'art et sur la musique, on notera pendant la guerre un important Don Juan de Mozart 1942, avec l'aide du musicien Fernand Drogoul et ensuite un essai sur Wozzeck d'Alban Berg écrit avec le compositeur Michel Fano, 1953. Après guerre, son art rencontra ceux de Saint-John Perse et de Victor Segalen, et il émigra vers la sérénité de sa Chine intérieure.

Artistes et écrivains

Jouve fut aussi le compagnon de route d'artistes, d'écrivains, de philosophes. Les artistes : le peintre cubiste Albert Gleizes qui illustra Artificiel ; le graveur expressionniste belge Frans Masereel, avec qui il fit de nombreux livres avant 1925 ; le grand artiste surréaliste André Masson qui illustra la 1re édition de Sueur de Sang, 1933 ; le peintre tchèque Joseph Sima qui fit avec lui quelques-uns des plus importants livres illustrés d'avant guerre Beau Regard, 1927 et la 2e édition de Paradis perdu, 1938 ; l'éditeur typographe Guy Lévis Mano "GLM" qui réalisa quelques-uns de ses plus beaux livres ; et enfin le grand peintre Balthus, qu'il avait connu adolescent et sur qui il écrivit des textes importants. Il a accompagné, par des collaborations, des correspondances et des traductions, des écrivains amis comme Pierre Klossowski traduction de Hölderlin, 1930, Romain Rolland, Stefan Zweig, Albert Béguin, Jean Paulhan, Joë Bousquet10, Bernard Groethuysen, Gabriel Bounoure, Jean Wahl qui l'initia à Kierkegaard, Eugenio Montale et Giuseppe Ungaretti qu'il traduisit, Catherine Pozzi. Cet écrivain souvent perçu comme un marginal hautain, refusant les embrigadements des "mouvements" a su toucher beaucoup d'écrivains et d'artistes, dont certains peuvent être considérés comme ses disciples mais Jouve n'avait absolument pas la tournure d'esprit d'un maître d'école, Pierre Emmanuel qui lui rendit hommage dans Qui est cet homme, 1947, Yves Bonnefoy, Salah Stétié, Henry Bauchau, Jules Roy, David Gascoyne, Fernand Ouellette, Heather Dohollau, Gérard Engelbach.
Pierre Jean Jouve a créé de puissants mythes féminins qui ont une place originale parmi les figures de l’amour dans la littérature : Paulina, Baladine du Monde désert, Catherine Crachat l'héroïne d' Hécate et de Vagadu, et tout particulièrement Lisbé et Hélène La Rencontre dans le carrefour, La Scène capitale, Matière céleste, enfin Yanick, la chaste prostituée Diadème, En Miroir.

Les vies et les Å“uvres de Pierre Jean Jouve

De 1905 à 1921 : La première vie de Pierre Jean Jouve : symbolisme, unanimisme, pacifisme
Dans son autobiographie, En miroir, Jouve donne une image triste de son enfance, entre un père tyranneau domestique, et une mère musicienne effacée. Une grave appendicite vers ses seize ans entraîne une longue dépression. Il obtient le baccalauréat en 1905 et commence simultanément à Lille des études scientifiques et juridiques.
En 1906, un ami belge, Pierre Castiaux, l'initie à la littérature symboliste : il découvre Rimbaud, Mallarmé et Remy de Gourmont dont Le Livre des masques lui fait découvrir les poètes qui comptent depuis Baudelaire.
Avec des amis, Paul Castiaux, Théo Varlet et Edouard Charpentier, il crée à la fin de 1906 une revue, Les Bandeaux d'or. Il y publie ses premiers poèmes où règnent l'influence de Gourmont, Maeterlinck et Verhaeren. On y décèle des thèmes qui se déploieront plus tard, ainsi la recherche de l'expression de sa vie intérieure. Jouve est à la recherche d'une nouvelle poétique qui lui permettra de dire ce qu'il voit en imagination, et grâce à Paul Castiaux, il entre en relation avec les écrivains et artistes de l'abbaye de Créteil : Georges Duhamel, Charles Vildrac, Alexandre Mercereau, Albert Gleizes, René Arcos.
Une grave maladie nerveuse le conduit à se faire soigner en Suisse en 1908. En 1909, il publie son premier recueil, Artificiel, illustré par Albert Gleizes. Il fait la connaissance du peintre cubiste, Henri Le Fauconnier qui fait son portrait. En 1954, dans En miroir, il racontera l'histoire de Lisbé qu'il a rencontrée une première fois en 1909 et qui lui a inspiré le personnage de Claire Dernault de son premier roman. Il fait aussi l'expérience des "toxiques" et c'est un séjour de trois mois en Italie qui le guérit de ses addictions. En 1910 il publie un deuxième recueil poétique, de forme très néo-classique, Les Muses romaines et florentines où il décrit les paysages vus dans son récent voyage. Il épouse Andrée Charpentier 1884-1972, la sœur d'Édouard, qui est professeure et qui sera une active militante progressiste et féministe. Le couple vit à Poitiers. En 1911, il publie La Rencontre dans le carrefour où il s'inspire de son histoire avec Lisbé pour écrire un roman développant les théories unanimistes de Jules Romains qui était un proche de l'Abbaye de Créteil. Cette influence perdure dans Les ordres qui changent, Les Aéroplanes 1911, Présences 1912. Jouve a une riche imagination poétique, mais il n'a pas encore trouvé la voie littéraire et spirituelle qui lui convient. Il espère la trouver en pratiquant un art social et il se rapproche de Jean-Richard Bloch qu'il a connu à Poitiers, et dans cet esprit il publie une pièce de théâtre, Les deux forces 1913.
La guerre éclate et Jouve adopte une position pacifiste inspirée par Tolstoï. Il était déjà réformé, aussi pour s'engager lui aussi, il devient infirmier bénévole à l'hôpital de Poitiers où règnent des maladies contagieuses. Jouve tombe gravement malade.
Jouve part se faire soigner en Suisse fin 1915 et s'insère dans le milieu pacifiste qui s'est constitué autour de Romain Rolland qui devient l'ami et le guide spirituel du poète. Gallimard publie son premier grand recueil de proses poétiques pacifistes, Vous êtes des hommes 1915. Ses écrits, Poème contre le grand crime–1916 et À la Révolution russe 1917, ses conférences, ses nombreux articles pour la presse pacifiste, sa tentative de redevenir infirmier bénévole, montrent une activité militante incessante. Il rejette alors la poésie symboliste, trop «égoïste, qui l'a formé.
Il écrit ses propres Vie des martyrs et publie en 1918 Hôtel-Dieu, Récits d'Hôpital - 1915 qui s'appuie sur son expérience d'infirmier soignant des militaires mourants. Le livre est illustré de bois gravés par Frans Masereel : le grand artiste expressionniste belge est un compagnon de route très actif des pacifistes français. Les productions suivantes de Jouve montrent un triple mouvement : il écrit un Romain Rolland vivant qui paraîtra en 1920, et des poèmes engagés publiés avec l'aide de Frans Masereel, Heures – Livre de la nuit (aux Éditions du Sablier, 1919, Heures – Livre de la grâce dédié à un grand ami des pacifistes, l'écrivain autrichien Stefan Zweig, 1920, et enfin Toscanes 1921. D'une part, il veut y magnifier l'œuvre et la pensée pacifistes de Romain Rolland, mais d'autre part on y voit aussi son fort désir de sortir d'une influence qui ne convient qu'imparfaitement à son tempérament, et enfin des poèmes comme ceux de la section Enfance du Livre de la nuit nous montrent une inspiration venue de son expérience existentielle propre. Celle-ci est bien loin de ses œuvres militantes qui sont, humainement et politiquement, très estimables, mais littérairement, leur ton emphatique ou compassionnel ne dépasse pas celui des œuvres de ses compagnons, écrivains militants et généreux. Jouve est prêt pour une nouvelle vie : c'est celle que va lui apporter la rencontre de la psychanalyste Blanche Reverchon.

De 1921 à 1927 la crise de :

Ruptures, la rencontre avec Blanche Reverchon, la psychanalyse, les mystiques et Baudelaire

En 1921, d'abord à Florence, puis à Salzbourg chez Stefan Zweig, Pierre Jean Jouve rencontre Blanche Reverchon, alors psychiatre à Genève où elle fréquente les milieux féministes et pacifistes. Leur entente passionnée conduira Jouve à divorcer d'avec Andrée Charpentier-Jouve elle décédera en 1972, à découvrir la psychanalyse freudienne Blanche a rencontré Freud, à lire les grands mystiques et à relire les grands poètes symbolistes. Il surveille en 1923 la traduction que Blanche fait des Trois essais sur la théorie de la sexualité. Ses poèmes publiés en 1921-1922, d'abord Toscanes, puis surtout Voyage sentimental, se souviennent de son inspiration passée veine compassionnelle et sont souvent explicitement autobiographiques. En 1923-1924, il dirige une collection de poésie chez Stock où il publie des traductions (de Rudyard Kipling, de Rabindranath Tagore et son dernier recueil manqué, Prière.
À partir de 1925, c'est une période d'intense création premiers grands poèmes de Noces, parution de Paulina 1880 et du Monde désert mais aussi de profonde crise morale et psychologique d'où il semble ne sortir qu'en 1927 ou 1928. Quand il publie Noces en 1928, il précise dans une postface célèbre qu'il renie toute son œuvre antérieure à 1925. Il a divorcé en 1925, il a rompu avec ses amis pacifistes Romain Rolland, Frans Masereel, Georges Duhamel, Charles Vildrac, il interdit toute réédition de son premier ouvrage. Une vita nuova commence

De 1925 à 1937 :

une création littéraire très importante

La production littéraire de Jouve entre 1925 et 1937 est très importante. Cette période de fécondité débute en 1925 avec une plaquette de poèmes, Mystérieuses Noces et un roman qui trouve rapidement un grand public, Paulina 1880. Jusqu'en 1937, année de la parution de Matière céleste, Jouve publie en parallèle des romans et des poèmes. Comme l'a souligné un récent Cahier Pierre Jean Jouve la référence psychanalytique est au cœur de la modernité de l'écrivain : dans ses grands textes, Jouve a su faire parler son inconscient dans les images et la musique de sa poésie et de sa prose, et parallèlement il a su mettre en résonance l'inconscient de son lecteur pour que celui-ci sente et comprenne ce qui pourrait passer pour indicible et difficile à transmettre.

Les Romans, de Paulina 1880 à La Scène capitale

Paulina 1880 et Le Monde désert
On peut présenter les romans de Jouve en trois diptyques. Le premier comprend Paulina 1880 1925 et Le Monde désert 1927. On peut résumer schématiquement Paulina 1880 comme une chronique italienne » qui mêle amour charnel et amour mystique, jouissance et pulsion de mort : la belle et passionnée Paulina connaît successivement la détestation de sa famille, la fascination pour les images religieuses sanglantes, un amour charnel passionné et adultère pour le comte Michele, puis une grande expérience mystique dans un couvent où elle finit par faire scandale. Revenue à la vie laïque, elle retrouve le comte Michele veuf, donc libre. Sa passion amoureuse refuse un mariage. Elle tue Michele pendant son sommeil et tente de se suicider. Son suicide échoue. Paulina connaît la prison. Puis elle découvre la sérénité en menant pauvrement la vie d’une paysanne. Ce résumé ne donne pas le ton du livre : vif et passionné, ironique et torturé, mêlant avec bonheur amour humain et amour divin. Paulina 1880 a été adapté au cinéma en 1972 par Jean-Louis Bertuccelli et en opéra de chambre en 1983 par Claude Prey sous le titre Paulina ou la chambre bleue. Le souvenir de Paulina réapparaît dans Le Monde désert de 1927 qui traite des difficiles relations entre la vie amoureuse et la création artistique chez trois personnages : Jacques de Todi, homosexuel qui a peut-être une vocation de peintre son modèle, fils d’un pasteur genevois, s’est réellement suicidé, Luc Pascal, le poète maudit, et la mystérieuse Baladine qui aide les hommes qu’elle aime à se révéler, mais qui ne les protège pas de la mort physique ou symbolique. Le roman se lit à deux niveaux : la vie visible de ses personnages se distingue de leur vie intérieure à laquelle le romancier nous rend très sensible. Le Monde désert a été adapté en téléfilm par Pierre Beuchot et Jean-Pierre Kremer en 1985.

Aventure de Catherine Crachat : Hécate et Vagadu

Le second diptyque, Aventure de Catherine Crachat constitue une transition : Il débute par Hécate (1928) qui conte l’histoire d’une star de cinéma, Catherine Crachat, qui cherche son destin entre différents hommes et différentes femmes. On retient surtout la figure de Pierre Indemini, mathématicien, peintre et poète, et celle de la baronne Fanny Felicitas Hohenstein, la femme fatale. Comme Hécate, la déesse lunaire à laquelle elle est comparée, Catherine conduit à la mort ceux et celles qu’elle aime. Le roman peut aussi être lu comme une percutante chronique de la vie dans les milieux intellectuels, mondains, artistiques et féministes des années 1920 en Europe. Le second volet de ce qui est devenu Aventure de Catherine Crachat ce titre collectif est postérieur à la guerre est Vagadu 1931 : moins qu’un roman, c’est une extraordinaire succession de scènes oniriques rêvées par Catherine lors du transfert qu’elle vit avec son psychiatre, le "Docteur Leuven" où on peut reconnaître Rudolph Loewenstein, le célèbre psychiatre de Blanche Reverchon et Jacques Lacan et ami de Marie Bonaparte : ce roman exploite explicitement la "matière psychanalytique" comme aucun roman ne l’avait fait auparavant. En 1990 Hécate et Vagadu ont été adaptés au cinéma par Pierre Beuchot sous le titre Aventure de Catherine C, avec Fanny Ardant, Hanna Schygulla et Robin Renucci.

Histoires sanglantes et La Scène capitale

En fait Vagadu inaugure un nouveau type d’écriture romanesque qu'on va retrouver dans le dernier diptyque : Jouve y exploite son savoir psychanalytique venu de son épouse Blanche Reverchon en le fécondant avec sa propre inventivité venue de sa vie intérieure, spirituelle et onirique. On retrouve d'abord cette inspiration mettant en scène des personnages aux prises avec leurs névroses et leurs pulsions dans les nouvelles des Histoires sanglantes de 1932. Le recueil débute par une variation sur le thème de Wozzeck que Jouve avait connu à travers la suite tirée de l’opéra d’Alban Berg. On peut également lire de la même façon les deux longs récits qui composent La Scène capitale de 1935 : La victime, récit dédié à Balthus qui en fit un tableau, et Dans les années profondes. Ce court roman mêle une riche matière oniriques avec un récit initiatique sur la quête de la création artistique à travers un épisode amoureux qui associe étroitement la découverte de la vie sensuelle avec celle de la mort. De La Scène capitale, Jean Starobinski a pu écrire : Dans la prose d'imagination, en ce siècle, il est peu d’œuvre qui égale ces deux récits. Après la guerre, Jouve regroupera Histoires sanglantes et La Scène capitale en un seul volume, d'abord sous le titre Histoires sanglantes puis sous le titre La Scène capitale. Le récit Dans les années profondes marque la fin officielle de l'œuvre romanesque en prose de Pierre Jean Jouve.

Romans reniés

Le premier roman de Pierre Jean Jouve est en réalité La Rencontre dans le carrefour de 1911, mais Jouve l'a renié comme toute son œuvre d'avant 1925. Ce roman fait cependant retour dans En miroir 1954 avec le personnage de Lisbé. Ce roman était admiré par Paul Éluard. Lisbé est une des sources du personnage d'Hélène du récit Dans le Années profondes. On peut aussi considérer Hôtel-Dieu, récits d'Hôpital en 1915 1918, avec 25 bois gravés par Frans Masereel comme un cycle de nouvelles inspirées à Jouve par son expérience d'infirmier volontaire en 1915 à l'hôpital de Poitiers où il a vu mourir des soldats revenus du front, malades ou blessés. Compassion et précision des descriptions. Le conte Beau Regard de 1927, nouvelle variation sur des poèmes de 1922 Voyage sentimental et illustré par son ami, l'artiste tchèque Joseph Sima, a ensuite été renié : Jouve y mettait en scène trop explicitement son histoire d'amour avec Blanche Reverchon pendant son séjour à Salzbourg chez Stefan Zweig pendant l'été de 1921.

Les Poèmes, de Mystérieuses noces à Matière céleste

Les poèmes publiés par Jouve dans la période 1925-1937 ont pu être considérés comme un des plus hauts sommets de la poésie française du xxe siècle — comme en témoigne cette lettre de René Char :« la poésie vous devra des sommets égaux à ceux de Hölderlin et de Rimbaud ou cette déclaration d'Yves Bonnefoy : « Pierre Jean Jouve est un des grands poètes de notre langue. La publication de ces poèmes est complexe, car ils sont souvent publiés en revues et de façon partielle, c'est-à-dire en plaquettes ou en minces volumes, puis regroupés en volumes collectifs. Certains de ces recueils contiennent des textes théoriques historiquement très importants la postface des Noces, l'Avant-propos de Sueur de Sang, la préface de la seconde édition du Paradis perdu, tous réédités en 1950 dans Commentaires. On peut distinguer deux périodes.

Les Noces et Le Paradis perdu

De 1925 à 1931, Jouve relit notamment Baudelaire; il découvre aussi les mystiques (Thérèse d'Avila, Jean de la Croix, François d'Assise, Catherine de Sienne, et il traduit les poèmes de la folie de Hölderlin. L'influence de ces lectures traverse Les Noces et Le Paradis perdu qu'il faudrait lire en parallèle aux romans Paulina 1880 et Le Monde désert : Les Noces, 1925-1931. La publication de la plaquette Mystérieuses Noces en 1925 chez Stock a été suivie par Nouvelles Noces en 1926 chez Gallimard. Le premier recueil Noces en 1928 au Sans Pareil, reprend les deux plaquettes précédentes et annonce dans une importante Postface, sa rupture avec son œuvre antérieure à 1925: " ... surtout pour le principe de la poésie, le poète est obligé de renier son premier ouvrage. Paris, février 1928." En 1930 paraît Symphonie à Dieu avec une gravure de Joseph Sima. En 1931 Jouve regroupe toutes ces publications dans un volume collectif chez Gallimard, Les Noces. Les poèmes de cet ensemble développent plusieurs grands thèmes. Celui de la conversion qui doit être à la fois poétique et spirituelle. Le thème de la rupture qui, simultanément, libère des prisons morales et matérielles, mais qui entraîne des souffrances dues à l'abandon d'une première vie. Le thème du sentiment de la faute à cause de la présence de la culpabilité au sein du plaisir. Jouve y développe petit à petit une écriture musicale qui englobe les apports des grands écrivains mystiques et des grands poètes symbolistes, ses précurseurs revendiqués. Le Paradis perdu, 1929-1938. En parallèle aux Noces, Jouve écrit et publie Le Paradis perdu en 1929 chez Grasset. Le poète souhaitait que ce livre soit illustré par des gravures de Joseph Sima, ce qui sera fait en 1938 seulement, chez GLM. Cette deuxième édition est augmentée d'une préface-manifeste, La Faute.

[size=SIZE]Sueur de Sang et Matière céleste
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De 1933 à 1937, la poésie de Jouve prend une tournure particulière du fait de son compagnonnage avec la psychanalyste Blanche Reverchon. Il approfondit ainsi sa connaissance de la pensée freudienne. Cette forme poétique est emplie de heurts et de rupture. Sueur de Sang, regroupant des poèmes des années 1933-1935, avec l'avant-propos Inconscient, Spiritualité et Catastrophe a connu trois éditions successives, fortement augmentées à chaque fois 1933 et 1934 aux Cahiers libres, et 1935 chez Gallimard. Matière céleste, 1936-1937. En 1936, Jouve publie deux plaquettes partielles chez GLM, Hélène et Urne avec un dessin de Balthus qui seront reprises et complétées par trois autres sections Nada, Matière céleste et Récitatif dans Matière céleste en 1937 chez Gallimard.
De 1963 à 1967, Jouve rééditera toutes ses œuvres poétiques Mercure de France. Il les modifiera (coupures parfois importantes dans Les Noces, Sueur de sang et Matière céleste. Ce sont ces versions qu'on trouve aujourd'hui en livres de poche Poésie/Gallimard. Dans son édition de Œuvre en 1987 Mercure de France, Jean Starobinski donne en notes les textes retranchés.

De 1938 à 1946 :

L’annonce de la Catastrophe, la poésie résistante apocalyptique contre le nazisme, Baudelaire, la musique

Dès le début des années 1930, Pierre Jean Jouve a senti la montée des périls en Europe, sans doute parce qu'il connaissait bien l'Italie et Salzbourg : il était l'ami d'Arturo Toscanini et de Bruno Walter, et il a vu l'arrivée des fascistes dans la cité de Dante et celle des nazis dans la cité de Mozart. Si la nouvelle édition du Paradis perdu avec des gravures de Joseph Sima est l'aboutissement d'un travail de 10 ans, sa nouvelle préface La Faute reprend la thématique de l'Avant-Propos de Sueur de Sang : la pulsion de mort, que Jouve a découverte chez les individus grâce à sa lecture de Freud importance du rôle de son épouse Blanche Reverchon dans cette aventure, est élargie à la destinée tragiques des peuples. Cette thématique qui mêle aventure existentielle et spirituelle avec une vision apocalyptique de l'histoire de l'Europe se retrouve dans le quatrième recueil de poèmes, Kyrie Gallimard, 1938. Les poèmes introspectifs de la section "Kyrie" y voisinent avec les poèmes visionnaires des "Quatre cavaliers". Ses prises de position politique se retrouvent aussi bien dans ses chroniques musicales — voir dans l'article Le dernier concert de la Paix NRF, décembre 1939 l'affrontement entre Arturo Toscanini et Wilhelm Furtwaengler accusé de faire carrière en dirigeant Beethoven devant un public spécial — que dans des poèmes ouvertement anti-hitlériens : L'Ode au Peuple chez GLM, mars 1939 sera intégrée dans le triptyque À la France 1939, publiée par Jean Paulhan en ouverture de la NRF du 1er février 1940. En 1940, durant l'exode, Jouve fuit Paris. Il entend l'appel du 18 Juin du général De Gaulle, vit quelques mois dans le Sud de la France Dieulefit, puis c'est l'exil en Suisse où il restera toute la guerre. Il y participera activement aux publications suisses Cahiers du Rhône, "Le Cri de la France" de la LUF qui défendent la culture française résistant à l'oppression du régime de Vichy et à l'occupation allemande : son Défense et Illustration de 1943 "défend et illustre" des artistes révolutionnaires français, de Delacroix à Courbet. Un recueil de poèmes comme Gloire est engagé sur un chemin spirituel et sur un terrain politique. Gloire 1940 et 1942 : les grands poèmes de Gloire sont à l'origine de la considération de Jouve par ses contemporains comme "témoin" et "prophète" annonçant la guerre. En 1947, Jean Paulhan et Dominique Aury ont écrit : "Ses poèmes Kyrie, Résurrection des Morts et À la France ont laissé pressentir la catastrophe". Ses sections, Tancrède, Résurrection des Morts, La Chute du Ciel et Catacombes, ont été écrites juste avant ou juste au début de la Seconde Guerre mondiale. La Vierge de Paris de 1946 est une cathédrale dont les chapelles les sections reprennent les précédents recueils publiés un peu avant la guerre, comme certaines parties de Gloire, puis pendant la guerre : Porche à la Nuit des Saints 1941, Vers majeurs 1942 et La Vierge de Paris, plaquette de 1944 dont le volume de 1946 reprend le titre. Le recueil associe des poèmes sur la réflexion mystique de Jouve thème du "Nada", sur ses relations avec les figures féminines et sur la pulsion de mort. Celle-ci est à l'œuvre dans le désastre collectif qu'est la guerre engagée par le nazisme : Ces poèmes conçus et écrits pendant le temps d'apocalypse, pour libérer l'âme, sont aussi des signes de la résistance française à un accablant ennemi prière d'insérer du volume de 1946. La guerre a aussi été pour Jouve le temps de l'écriture de grands recueils de textes critiques : sur la littérature, voir son Tombeau de Baudelaire, mais aussi sur la peinture et la musique, comme dans Le Don Juan de Mozart 1942. Le grand recueil Défense et Illustration montre l'étendue de ses champs de réflexion éthiques et esthétiques poésie, peinture, musique.

De 1946 à 1965 : art, musique et poésie intérieure

Diadème Minuit, 1949
Commentaires La Baconnière, 1950
Ce recueil regroupe les principaux textes théoriques publiés par Jouve, en accompagnement de ses romans ou ses poèmes, ou en revues, et devenus souvent introuvables. Certains sont historiquement très importants, comme l'Avant-propos de Sueur de Sang 1933-1934 qui marque une théorisation de l'arrivée de la psychanalyse dans la plus haute poésie. D'autres textes, à propos de la musique en particulier, nous rappellent que Jouve a été un écrivain participant précocement à la Résistance intellectuelle contre le nazisme.
Ode Minuit, 1950
Langue ed. de l'Arche, avec trois lithographies de Balthus, André Masson, Joseph Sima 1952; rééd. Mercure de France,
Wozzeck ou le nouvel Opéra, avec Michel Fano Plon, 1953
En Miroir Mercure de France, 1954
En Miroir est sous-titrée Journal sans date : Jouve y présente sa trajectoire artistique et spirituelle en la liant à un petit nombre de faits biographiques soigneusement choisis. Jouve a choisi de rompre avec sa première œuvre d'avant 1925, et il a souvent rompu avec ses proches : ce "journal sans date", écrit dans une langue somptueuse et percutante, illustre donc ses choix très aigus.
René Micha, Pierre Jean Jouve : parution en 1956 du premier ouvrage de référence sur l'écrivain dans la collection Poètes d'aujourd'hui des éditions Pierre Seghers.
Lyrique Mercure de France, 1956
Mélodrame Mercure de France, 1957
Tombeau de Baudelaire Le Seuil, 1958
Ce volume intitulé comme un petit livre de 1942, est en fait une nouvelle édition de Défense et Illustration. Il contient le Tombeau de Baudelaire, son essai sur le maître que s'est choisi Jouve, dans une version entièrement réécrite et trois textes sur des artistes aimés de Jouve : Delacroix, Meryon, Courbet.
Invention Mercure de France, 1959
Proses Mercure de France, 1960
À 73 ans, Jouve relève le défi de succéder à Baudelaire en publiant un recueil de poèmes en prose dont certains sont proches des contes à la façon de Poe. Il y revisite l'ensemble de ses thématiques exergue : La voix, le sexe et la mort. Dans son style somptueusement imagé et subtilement dissonant, il nous offre de nouveaux portraits de ses mythes féminins Retour chez Hélène, Coffre de fer, La Capitaine, La douce visiteuse.
Moires Mercure de France, 1962
Ténèbre Mercure de France, 1965

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#118 Pierre-Jean Jouve 2
Loriane Posté le : 09/10/2015 21:11
De 1925 aux années 1960

Paulina 1880, Paris, Éditions de la Nouvelle Revue française 1925
Mystérieuses Noces, Stock 1925
Nouvelles Noces, Paris, Éditions de la Nouvelle Revue française avec un portrait par Joseph Sima
Le Monde désert, Paris, Éditions de la Nouvelle Revue française 1927
Beau Regard, avec des gravures de Joseph Sima, Paris, Au Sans Pareil 1927
Noces, Paris, Au Sans Pareil, 1928, reprend Mystérieuse Noces et Nouvelles Noces
Hécate, Paris, Éditions de la Nouvelle Revue française 1928
Paradis perdu, Paris, Grasset, 1929
Symphonie à Dieu, avec un frontispice de Joseph Sima,Paris, Éditions de la Nouvelle Revue française 1930
Vagadu, Paris, Éditions de la Nouvelle Revue française 1931
Œuvres poétiques, Les Noces, collectif, reprend Noces et Symphonie à Dieu, Éditions de la Nouvelle Revue française 19
Histoires sanglantes, Paris, Éditions de la Nouvelle Revue française 1932
Sueur de Sang, Paris, Cahiers libres, avec une gravure d'André Masson 1933 et l'avant propos "Inconscient, Spiritualité et Catastrophe"
Sueur de Sang, réédition très complétée, Paris, Cahiers Libres 1934
Œuvres poétiques, Sueur de Sang, nouvelle édition, Paris, Éditions de la Nouvelle Revue française 1935
La Scène capitale, Paris, Éditions de la Nouvelle Revue française 1935
Hélène, Paris, GLM 1936
Urne, Paris, GLM, 1936 avec un dessin de Balthus
Œuvres poétiques, Matière céleste, Paris, Éditions de la Nouvelle Revue française 1937, contient Hélène et Urne
Paradis perdu, réédition, Paris GLM, en 1938 avec la préface "La Faute" et 12 gravures de Joseph Sima
Kyrie, plaquette avec des lettrines de Joseph Sima, GLM 1938
Œuvres poétiques, Kyrie, recueil collectif, Paris, Éditions de la Nouvelle Revue française 1938
Ode au Peuple - 1939, Paris, GLM 1939
Résurrection des Morts, Paris, GLM 1939
A la France - 1939, Poème, Nouvelle Revue Française, 1er février 1940
Gloire, Dijon, Édition hors commerce,1940
Porche à la Nuit des Saints, Neuchâtel, Ides et Calendes 1941
Le Don Juan de Mozart, Librairie universitaire de Fribourg, LUF, Egloff 1942
Vers majeurs, Librairie universitaire de Fribourg, LUF, Egloff 1942
Tombeau de Baudelaire, Neuchâtel, La Baconnière 1942
Gloire, Alger, collection "Fontaine" dirigée par Max-Pol Fouchet, Edmond Charlot éditeur, 1942
Défense et Illustration, Neuchâtel, Ides et Calendes 1943, comprend Tombeau de Baudelaire
Les Témoins - Poèmes choisis de 1930 à 1942, Neuchâtel, Les Cahiers du Rhône, La Baconnière 1943
Le Bois des Pauvres, Librairie Universitaire de Fribourg, LUF, Egloff 1944
La Vierge de Paris, Librairie Universitaire de Fribourg, LUF, Egloff 1944
Gloire 1940, Librairie Universitaire de Fribourg, LUF, Egloff 1944 reprend Gloire et Porche à la Nuit des Saints
Processionnal de la Force anglaise, Librairie universitaire de Fribourg, LUF, Egloff 194
L'Homme du 18 Juin, Librairie universitaire de Fribourg, LUF, Egloff 1945
A une Soie, Librairie universitaire de Fribourg, LUF, Egloff 1945
La Louange, Librairie universitaire de Fribourg, LUF, Egloff 1945
La Vierge de Paris Paris, Librairie universelle de France, LUF, Egloff 1946, reprend Gloire 1940, Vers majeurs et la Vierge de Paris. Repris sous une nouvelle couverture au Mercure de France, 1957.
Défense et Illustration, Alger, Edmond Charlot, nouvelle édition 1946
Le Quartier de Meryon 1946
Hymne, Paris, Librairie universelle de France, LUF, Egloff 1947, reprend Louange
Aventure de Catherine Crachat, Paris, Librairie universelle de France, LUF, Egloff 1947, rééd. en un volume de Hécate et Vagadu
Histoires sanglantes, Paris, Librairie universelle de France, LUF, Egloff 1948, rééd. en un volume des Histoires sanglantes et de La Scène capitale
Génie, GLM, Paris, 1948.
Diadème, Paris, Éditions de Minuit 1949
Commentaires, Neuchâtel, La Baconnière 1950
Ode, Paris, Éditions de Minui
Langue, Éditions de l'Arche, avec trois lithographies de Balthus, André Masson, Joseph Sima 1952; réédition Paris, Mercure de France 1954
Wozzeck ou le nouvel Opéra, Librairie Plon 1953, avec Michel Fano
En Miroir, Paris, Mercure de France 1954
Lyrique, Paris, Mercure de France 1956
Mélodrame, Paris, Mercure de France 1957
Invention, Paris, Mercure de France 1959
Proses, Paris, Mercure de France 1960
Moires, Paris, Mercure de France 1962
Ténèbre, Paris, Mercure de France 1965

Traductions

Poèmes de la Folie de Hölderlin, traduction de Pierre Jean Jouve avec la collaboration de Pierre Klossowski ; avant propos de Bernard Groethuysen, Fourcade, 1930 ; Gallimard, 1963.
La Tragédie de Roméo et Juliette de Shakespeare, traduction de Pierre Jean Jouve et Georges Pitoëff, Gallimard, 1937, revue en 1955 pour le Club français du livre in Œuvres complètes de Shakespeare dirigées par Pierre Leyris et Henri Evans, tome 3.
Sonnets de Shakespeare, version française par Pierre Jean Jouve, Le Sagittaire, puis Club français du livre, 1955.
Les Trois Sœurs, de Tchekhov, texte français de Pierre Jean Jouve, Georges et Ludmilla Pitoëff, in Théâtre de Tchekhov, Denoël, 1958.
Poèmes de Giuseppe Ungaretti, traduction de Pierre Jean Jouve, All’insegna dei Pesce d’Oro, Milan, 1959.
Macbeth de Shakespeare, 1959, Club français du livre in Œuvres complètes de Shakespeare dirigées par Pierre Leyris et Henri Evans, tome 9.
Othello de William Shakespeare, Traduction de Pierre Jean Jouve, Mercure de France, 1961.
Lulu, de Frank Wedekind, version française et adaptation par Pierre Jean Jouve, L'Âge d'Homme, 1969.

À partir de 1958,

réédition des romans et des recueils de poèmes

À partir de 1958, Jouve réédite son œuvre, principalement au Mercure de France : cette réédition est en fait une sorte de nouvelle écriture, non pas par des modifications des textes elles sont rares, mais par de nombreuses suppressions de poèmes, voire de sections entières pour les livres de poésie ; de chapitres pour certains romans. Le cas le plus flagrant concerne ses poésies du temps de la guerre La Vierge de Paris On peut donc considérer qu'il s'agit pour Jouve d'une nouvelle rupture et de la marque de son désir de maîtrise sur son œuvre et sur l'image qu'il veut en donner. Ces coupes modifient souvent la signification des œuvres écrites trente ou quarante ans plus tôt période 1925-1937. L'édition de Œuvre par Jean Starobinski donne de nombreux textes retranchés.

Préfaces

Avant-propos à La Colombe de Pierre Emmanuel, Fribourg, LUF, 1943,
.
Jouve traducteur

Pierre Jean Jouve est l'auteur, avec Georges Pitoëff, d'une des traductions de référence en français de Roméo et Juliette de William Shakespeare et aussi des traductions suivantes:
Macbeth Shakespeare
Othello Shakespeare
Sonnets Shakespeare
Poèmes de la Folie de Hölderlin
Les trois SÅ“urs Tchekhov
Lulu Wedekind

Bibliographie : Autres œuvres et éditions de Pierre Jean Jouve

Avant 1925

Artificiel, Frontispice d'Albert Gleizes, imprimé par L. Linard à 7 exemplaires 1909
Les Muses romaines et florentines, Paris, Léon Vannier1910
Les Ordres qui changent, Paris, Eugène Figuière 1911
La Rencontre dans le carrefour, Paris, Eugène Figuière 1911
Les aéroplanes, Paris, Eugène Figuière 1911
Présences, Paris, Georges Crès 1912
Les deux forces, pièce de théâtre en quatre actes, Paris, Éditions de l'Effort libre 1913
Parler, Paris, Georges Crès 1913
Vous êtes des Hommes, Paris, Éditions de la Nouvelle Revue Française 1915
Poème contre le grand crime, Genève, Éditions de la Revue Demain 1916
Danse des Morts, Genève, Édition des Tablettes 1917 et La Chaux-de-Fonds, Action sociale 1918
A la Révolution russe, collectif, Genève, Éditions de la Revue Demain 1918
Hôtel-Dieu, récits d'Hôpital en 1915, avec 25 bois gravés par Frans Masereel, Genève, par les auteurs 1918, et Paris, Librairie Ollendorf, 1919.
Le défaitisme contre l'homme libre, La Chaux-de-Fonds, Action sociale 1918
Heures, Livre de la Nuit, Genève, Éditions du Sablier, 1919
Heures, Livre de la Grâce, Genève, Librairie Kundig 1920
Les Poètes contre la Guerre, collectif Romain Rolland, Georges Duhamel, Charles Vildrac, bois gravé de Frans Masereel, etc., Genève, Éditions du Sablier, 1920.
Romain Rolland vivant, 1914-1919, Paris, Librairie Ollendorf 1920
Toscanes, Genève, Librairie Kundig 1921
Tragiques suivi de Voyage sentimental, Paris, Stock, 1922
Prière, portrait gravé par Frans Masereel, Paris, Stock 1924

Traductions

Cygne de Rabindranath Tagore, traduction du Bengali par Kâlidâs Nâg et Pierre Jean Jouve, portrait gravé par Frans Masereel, coll. Poésie du temps 1923.
Les Sept Mers de Rudyard Kipling, traduction de l'anglais par Maud Kendall et Daniel Rosé, portrait gravé par Joseph Sima, coll. Poésie du temps, Librairie Stock, 1924. "Daniel Rosé" est le pseudonyme de Pierre Jean Jouve.

Après

Tombeau de Baudelaire, Paris, Le Seuil 1958, nouvelle édition de Défense et Illustration, le texte du Tombeau de Baudelaire est entièrement réécrit.
Paulina 1880, Mercure de France, 1959
Le Monde désert, Mercure de France, 1960
Aventure de Catherine Crachat I, Hécate, Mercure de France, 1961
La Scène capitale, Mercure de France, 1961, comprend Histoires sanglantes et La Scène capitale.
Aventure de Catherine Crachat II, Vagadu, Mercure de France, 1963
Poésie*, 1925-1938, I Les Noces, II Sueur de Sang, III Matière céleste, IV Kyrie, Mercure de France, 1964
Poésie**, 1939-1947, V La Vierge de Paris, VI Hymne, Mercure de France, 1965
Le Paradis perdu, Grasset, 1966
Poésie***, 1939-1947, VII Diadème, VIII Ode, IX Langue, Mercure de France, 1966
Poésie****, 1939-1967, X Mélodrame, XI Moires, Mercure de France, 1967
Le Don Juan de Mozart, Plon 1968, avec un avant-dire de P. J. Jouve.

Éditions posthumes

Pierre Jean Jouve avait interdit la réédition de ses œuvres antérieures à 1925, et il avait donné à la fin de sa vie de nouvelles versions de ses œuvres d'après 1925 qui les modifiaient sensiblement. La lecture moderne des écrivains recherche au contraire des informations très précises sur l'évolution littéraire et intellectuelle des grands auteurs. L'édition des deux volumes de Œuvre par Jean Starobinski a permis d'accéder à de nombreux textes retranchés. Il manque un troisième volume (qui aurait dû paraître) principalement consacré aux textes critiques : les rééditions par Christian Bourgois et Fata Morgana donnent accès à certains d'entre eux.
Œuvre I, Paris, Mercure de France, 1812 p., 1987. Texte établi et présenté par Jean Starobinski, avec une note de Yves Bonnefoy et pour les textes inédits la collaboration de Catherine Jouve et de René Micha.
Œuvres II, Paris, Mercure de France, 2224 p., 1987. Texte établi et présenté par Jean Starobinski, avec une note de Yves Bonnefoy et pour les textes inédits la collaboration de Catherine Jouve et de René Micha.
Paradis perdu, Pandora, 1978, Fata Morgana, 1985.
Génie, Fata Morgana, 1983.
Folie et génie, introduction par Daniel Leuwers, Fata Morgana, 1983.
Sacrifices, Fata Morgana, 1986.
Apologie du poète, suivi de Six lectures, Fata Morgana/Le Temps qu'il fait, 1987.
Beau Regard, Fata Morgana, 1987, avec les illustrations de Joseph Sima.
Le Don Juan de Mozart, Christian Bourgois, 1993, 2004.
Wozzeck d'Alban Berg, avec Michel Fano, Christian Bourgois, 1999.
Lettres à Jean Paulhan - 1925-1961, Édition établie, préfacée et annotée par Muriel Pic, Paris, Éditions Claire Paulhan, 2006
Tombeau de Baudelaire, Fata Morgana, 2006.

Traductions

Saint François d'Assise, Cantique du Soleil; Sainte Thérèse d'Avila, Glose sur le Pater, traductions de Pierre Jean Jouve, Fata Morgana, 1987.

Livres de Pierre Jean Jouve publiés en poche

Les lecteurs de Jouve ont accès à ses œuvres les plus célèbres de la période 1925-1937 par des rééditions en collections de poche. Mais il faut savoir que les textes sont ceux des rééditions tardives au Mercure de France.
Paulina 1880, livre de poche, 1964; Folio, 1974.
Wozzeck d'Alban Berg, avec Michel Fano, 10/18, 1964.
Les Noces, suivi de Sueur de Sang, préface de Jean Starobinski, poésie/Gallimard, 1966.
Le Monde désert, livre de poche, 1968; L'Imaginaire, Gallimard, 1992.
En miroir, 10/18, 1972.
Hécate, suivi de Vagadu, collection L'Imaginaire, Gallimard, décembre 2010. Cette édition se substitue à :
Aventure de Catherine Crachat I, Hécate, Folio, 1972.
Aventure de Catherine Crachat II, Vagadu, Folio, 1989.
La Scène capitale, L'Imaginaire, Gallimard, 1982.
Diadème, suivi de Mélodrame, Poésie/Gallimard, 1970; nouvelle éd. 2006.
Dans les Années profondes - Matière céleste - Proses, Présentation de Jérôme Thélot, Poésie/Gallimard, 1995.

Traductions

Shakespeare, Roméo et Juliette, avec Georges Pitoëff, GF-Flammarion, 1992.
Shakespeare, Macbeth, GF-Flammarion, 1993.
Shakespeare, Sonnets, Poésie/Gallimard, 1975.

Å’uvres de Pierre Jean Jouve dans d'autres langues

Die leere Welt, Aus dem Französischen von Friedhelm Kemp, Stuttgart, Klett Cotta Verlag, 1982.
Hecate: The Adventure of Catherine Crachat: I, traduit par Lydia Davis, Marlboro Press, 1997.
Il "Don Giovanni" di Mozart, Adelphi, 2001.
Loucura e gênio, Hiena Portugal, 1991.
Paulina 1880, Einaudi, 1997.
Poesie, antologia poetica, Mondadori, 2001.
Poesía, selección, traducción y prólogo de Federico Gorbea, Buenos Aires, Fausto, 1974.
The Desert World, traduit par Lydia Davis, Marlboro Press, 1996.
Vagadu: The Adventure of Catherine Crachat: II, traduit par Lydia Davis, Marlboro Press, 1997.

Bibliographie : Études sur Pierre Jean Jouve

Pierre Jean Jouve n'est pas très connu du grand public, mais son importance a été reconnue par divers écrivains, poètes et critiques, de différentes générations. Afin de distinguer les approches, la bibliographie critique sur Jouve distingue les livres écrits par des Témoins, c'est-à-dire par des auteurs qui ont connu Jouve et qui ont souvent été ses amis d'avec les livres écrits par des auteurs qui ne l'ont pas connu personnellement. Certains livres collectifs sont difficiles à classer, car s'y mêlent études distanciées et témoignages personnels.

Livres écrits par des témoins

Balthus, Correspondance amoureuse avec Antoinette de Watteville 1928-1937, Buchet-Chastel, 2001
Henry Bauchau, La Déchirure, Paris, Gallimard, 1966: Bruxelles, Labor, 1986 et 1998.
Henry Bauchau, La grande Muraille, Journal de la Déchirure 1960-1965, Arles, Actes Sud, 2005.
Albert Béguin, Quatre de nos poètes, Alger, revue Fontaine, juin 1942, rééd. in Création et destinée II - La Réalité du rêve, édité par Pierre Grotzer, préface de Marcel Raymond, Paris, Seuil, 1974.
Gabriel Bounoure, Pierre Jean Jouve entre abîme et sommets, Fata Morgana, 1989, avec la correspondance entre Pierre Jean Jouve et Gabriel Bounoure.
Joë Bousquet, Lumière, infranchissable pourriture et autres essais sur Jouve, Fata Morgana, 1987.
Martine Broda, Jouve, Lausanne, L'Age d'Homme, 1981.
Balthus sous la direction de Jean Clair, Flammarion, 2008.
Georges-Emmanuel Clancier, Panorama critique de Rimbaud au Surréalisme, Paris, Seghers, 1953.
André Delons, Au Carrefour du grand Jeu et du Surréalisme, textes polémiques et artistiques réunis et présentés par Odette et Alain Virmaux, Rougerie, 1988.
Pierre Emmanuel, Qui est cet Homme, Paris, Librairie Universelle de France, LUF, 1947.
Max-Pol Fouchet, Les Poètes de la Revue Fontaine, Paris, Poésie 1, N° 55-61, septembre-novembre 1978.
Sigmund Freud, Trois essais sur la théorie de la sexualité, éditions de la Nouvelle Revue française, Documents bleus N° 1, 1923, traduction par B. Reverchon-Jouve, travail fait avec Bernard Groethuysen; rééd. Gallimard, 1962; Collection Idées, 1971.
Léon-Gabriel Gros, Poètes contemporains, Les Cahiers du Sud, 1944.
Pierre Klossowski, Tableaux vivants, Paris, Le Promeneur, 2001.
Robert Kopp et Dominique de Roux : Pierre Jean Jouve, Cahiers de l'Herne, 1972. Textes, lettres et témoignages : Jean Starobinski, Giuseppe Ungaretti, Pierre Emmanuel, Yves Bonnefoy, André Pieyre de Mandiargues, Jules Romains, Jean Paulhan, Rainer Maria Rilke, Freud, Heinrich Mann, Valery Larbaud, Roger Martin du Gard, Max Jacob, André Gide, René Char, Gaston Bachelard, S. Corinna Bille, Henri Bauchau, Jules Roy, Jean Cassou, Michel Fano, Jean Amrouche, Martine Broda, François Lallier, René Micha, Dominique de Roux, Christiane Blot-Labarrère, Robert Abirached, Marcel Raymond, Pierre Klossowski, Denis Roche.
Daniel Leuwers, Jouve avant Jouve ou la naissance d'un poète, Paris, Klincksieck, 1984.
Daniel Leuwers, Pierre Jean Jouve, revue Europe N° 543-544, La Poésie et la Résistance, juillet-août 1974.
René Micha, L'Œuvre de Pierre Jean Jouve, Bruxelles, Les Cahiers du Journal des poètes, 1940.
René Micha, Pierre Jean Jouve, Paris, Poètes d'Aujourd'hui, Seghers, 1956.
Louis Parrot, L'Intelligence en Guerre, Paris, La jeune Parque, 1945; rééd. Paris, Le Castor astral, 1990.
Jean Paulhan et Dominique Aury, La Patrie se fait tous les Jours, textes français 1939-1945, Paris, Éditions de Minuit, 1947.
Marcel Raymond, De Baudelaire au Surréalisme - Essai sur le Mouvement poétique contemporain, Paris, Éditions Corréa, 1933; rééd. Paris, José Corti,1940.
Pierre Seghers, La Résistance et ses poètes, Paris, Seghers, 1974, rééd. 2004.
Jean Starobinski, Paul Alexandre, Marc Eigeldinger : Pierre Jean Jouve poète et romancier, Neuchâtel, A la Baconnière, 1946.
Jean Starobinski, La Douce Visiteuse. Pages retrouvées et textes inédits de Pierre Jean Jouve, La Nouvelle Revue française N° 417, Paris, 1er octobre 1987.
Jean Starobinski, La Poésie et la Guerre - Chroniques 1942-1944, Carouge-Genève, Mini Zoe, 1999.
Henry Bauchau, Pierre et Blanche, souvenirs sur Pierre Jean Jouve et Blanche Reverchon, Arles, Actes Sud, 2012.

Ouvrages Collectifs

Pierre Jean Jouve, Les Cahiers du Sud N° 182, Marseille, avril 1936, avec des articles de Joe Bousquet, Robert Guiette et Roger Bastide.
De la poésie comme exercice spirituel, Revue Fontaine N° 19-20, Alger, mars-avril 1942, rééd. Paris, Le Cherche midi, 1978 avec une préface de Max-Pol Fouchet.
Pierre Jean Jouve, La Nouvelle Revue française Paris, 1er mars 1968, avec des textes de Giuseppe Ungaretti, Jean Starobinski, Jean Cassou, Henry Amer, René Micha, André Marissel, Dominique Noguez.
Pierre Jean Jouve et l'Italie, une rencontre passionnée, par Wanda Rupolo, Roma 2007, Edizioni di Storia et Letteratura. Contient des entretiens et des témoignages : Mario Luzi, André Orsini, Nelo Risi, Dianella Selvatico Estense, Christiane Blot-Labarrère.

Études sur Jouve

Christiane Blot-Labarrère, Relation de la faute de l'éros et de la mort dans l'œuvre romanesque de Pierre Jean Jouve, Aix-en-Provence, La Pensée universitaire, 1961.
Béatrice Bonhomme, Jeux de la psychanalyse - initiation, images de la femme dans l'écriture jouvienne, Paris, archives des lettres modernes, 1994.
Béatrice Bonhomme, Pierre Jean Jouve ou la quête intérieure, Paris, Éditions Aden, 2008.
Benoît Conort, Pierre Jean Jouve - Mourir en poésie, Villeneuve-d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2002
Jean Decottignies, Pierre Jean Jouve romancier ou l'expérience de l'abîme, Paris, José Corti, 1994.
Adrien Le Bihan, Le Général et son double. De Gaulle écrivain, Flammarion, 1996. Voir aussi : Pierre Jean Jouve et De Gaulle, Esprit, novembre 1990.
Adrien Le Bihan, De Gaulle écrivain un chapitre traite des rapports entre Charles de Gaulle et Pierre Jean Jouve), Fayard/Pluriel, 2010 .
Alain Marc, Écrire le cri,Sade, Jouve, Bataille, Maïakovski, Mansour, Giauque, Venaille, Laâbi, Calaferte, Noël, Guyotat…, préface de Pierre Bourgeade, l’Écarlate, 2000.
Alain Paire, Chronique des Cahiers du Sud 1914-1966, Paris, IMEC éditions, 1993.
Muriel Pic, Pierre Jean Jouve. Le désir monstre, Paris, Le Félin, 2006.
Lauriane Sable, Pierre Jean Jouve, une poétique du secret, Étude de Paulina 1880, L'Harmattan, Décembre 2008.
Suzanne Sanzenbach, Les Romans de Pierre Jean Jouve, Vrin, Paris, 1972.
Pierre Silvain, Passage de la morte - Pierre Jean Jouve, L'Escampette Éditions - Essai, 2007.
Élisabeth Roudinesco, Histoire de la psychanalyse en France.2., Paris, Seuil, 1986.
Franck Venaille, Jouve l'Homme grave, Paris, jeanmichelplace/poésie, 2004.

Ouvrages collectifs

Bousquet Jouve Reverdy, Colloque Poésie-Cerisy, direction Charles Bachat, Daniel Leuwers, Étienne-Alain Hubert, revue Sud, Marseille, 1981.
Série Pierre Jean Jouve La Revue des Lettres modernes, Paris-Caen, éditée de 1981 à 1987 par Daniel Leuwers, et depuis 1987, par Christiane Blot-Labarrère. Jouve 3, Jouve et ses curiosités esthétiques, 1998. Jouve 4, Jouve et ses curiosités esthétiques 2, 1992. Jouve 5, Jouve et les jeux de l’Écriture, 1994. Jouve 6, Jouve et les jeux de l’Écriture 2, 2001. Jouve 8, Modernité de Jouve, 2006.
Pierre Jean Jouve, revue nord' N° 16, Lille, décembre 1990.
Jouve, revue l'Autre, Paris, 1992, dirigé par François Xavier Jaujard avec la collaboration de Robert Bensimon.
Pierre Jean Jouve, sous la direction de Christiane Blot-Labarrère et Béatrice Bonhomme, Actes du colloque international Pierre Jean Jouve, Université de Nice, 24-26 novembre 1994, Arras, Éditions Roman 20/50, 1996.
Jouve poète, romancier, critique, Colloque de la Fondation Hugot du Collège de France réuni par Yves Bonnefoy. Actes rassemblés par Odile Bombarde, Lachenal et Ritter, 1995.
L'Unanimisme et l'Abbaye, revue in'hui, Bruxelles-Paris, 1996, Le Cri et Jacques Darras.
Relecture de Pierre Jean Jouve, Nice, revue NUe, coordonnée par Béatrice Bonhomme, Hervé Bosio, Giovanni Dotoli, François Lallier.N° 28, 2003, avec un entretien avec Yves Bonnefoy. N° 30, 2005, avec un entretien avec Salah Stétié.
Pierre Jean Jouve, revue Europe N° 907-908, novembre 2004.
Pierre Jean Jouve et Henry Bauchau : les voix de l'altérité, sous la direction de Myriam Watthee-Delmotte et Jacques Poirier, Éditions Universitaires de Dijon, 2006.
Pierre Jean Jouve – Voyage au bout de la psyché, L'Atelier du Roman N°56, numéro conçu par Philippe Raymond-Thimonga et dirigé par Lakis Proguidis, éditions Flammarion et Boréal, Décembre 2008.
Jouve, poète européen, Cahiers Pierre Jean Jouve, N° 1, textes réunis par Béatrice Bonhomme et Jean-Yves Masson, Éditions Calliopées, 2009. Actes des Colloques "Jouve" de la Sorbonne 2006 et Saorge 2007.
Intégrités et transgressions de Pierre Jean Jouve, Cahiers Pierre Jean Jouve, N° 2, textes réunis par Béatrice Bonhomme, Éditions Calliopées, 2010. Actes du Colloque Relectures de Pierre Jean Jouve de Cerisy août 2007.

Films et Documentaires

Paulina 1880 1972, adaptation pour le cinéma par Jean-Louis Bertuccelli, avec Romolo Valli, Michel Bouquet, Maximilian Schell, Olga Karlatos, Eliana De Santis, Sami Frey.
Le Monde désert 1985, adaptation pour la télévision par Pierre Beuchot et Jean-Pierre Kremer.
Pierre Jean Jouve, court-métrage documentaire 1989 réalisé par Pierre Beuchot pour la collection "Préfaces", production La Sept/DLL/Archipel 33 26 min..
Aventure de Catherine C, 1990, adaptation pour le cinéma de Hécate et Vagadu par Pierre Beuchot, avec Fanny Ardant, Hanna Schygulla et Robin Renucci.
Robert Kopp et Olivier Mille, Pierre Jean Jouve, film pour la série Un siècle d'écrivains de Bernard Rapp diffusée sur France 3, 1996. Lire un commentaire par Magali Jauffret sur le site de l'Humanité

Jugements

Jean Starobinski : Il ne reste aujourd'hui qu'à souligner ce fait trop méconnu : le roman Vagadu 1931, les Histoires sanglantes, La Scène capitale furent, parallèlement aux poèmes de Sueur de sang 1935, les premières œuvres françaises écrites à partir de la psychanalyse - de la pensée freudienne à la fois pleinement comprise et librement retravaillée, Jean Starobinski, préface à La Scène capitale, Gallimard, 1982.
Jacques Lacan : Ces yeux deux fois posés avec une rigueur singulière ôtent tout sens aux questions d'esthète qu'on pose sur votre dette à la psychanalyse : vous avez sa clef tout simplement », Jacques Lacan, lettre du 26 novembre 1962, catalogue de la vente du 5 mars 2007.
André Pieyre de Mandiargues : Et j'étonnerai peut-être quelques-uns en proclamant ici que le poète Jouve est, peut-être avant André Malraux, le premier romancier ou conteur que je choisirais si l'on me demandait une liste de mes préférences parmi ceux dont l'œuvre s'inscrit approximativement dans les vingt ans qui ont déparés les deux guerres ultimes ... Avant les romans de Malraux, pourtant, une œuvre narrative, qui nous paraît aujourd'hui plus moderne et mieux accordée avec l'idée que nous nous faisons de la "littérature", avait crû dans l'obscurité, celle de Pierre Jean Jouve, André Pieyre de Mandiargues, Troisième Belvédère, chapitre "Le roman rayonnant", Gallimard, 1971.
Salah Stétié : J'ai fait mieux que rencontrer Pierre Jean Jouve: je l'ai accompagné de ma présence, plus ou moins effective, sur près de trente ans. Je connaissais l'œuvre de Jouve et j'étais un passionné de cette grande musique qu'on trouve dans ses principaux recueils : Matière Céleste, Noces, Sueur de sang, etc. Je me récitais aussi comme un texte de poésie pure les premières pages de Paulina 1880, à savoir la description de la "chambre bleue"... « Jouve était impressionnant d'acuité et de pureté. On sentait avec force son appartenance au monde spirituel, sa participation intérieure à tout ce qui donne à la parole son poids de vérité et, aussi, sa puissante légèreté lyrique. » Salah Stétié, entretien avec Béatrice Bonhomme et Hervé Bosio, revue NUe N° 3, 1996.
Charles de Gaulle : Merci d'avoir été un interprète de l'âme française pendant ces dernières années, télégramme de Charles de Gaulle, 12 mai 1945, reproduit dans le Cahier de l'Herne, Pierre Jean Jouve, 1972.
Gaëtan Picon : « Ces dernières années ont vu grandir, plus que tout autre, l'œuvre de Pierre Jean Jouve. Sans doute est-ce d'abord la conséquence de sa relation à l'événement historique, auquel elle a su donner les figures du rêve le plus profond. Dès le début, la poésie de Jouve a été dominée par le pressentiment de la catastrophe : nostalgie du "paradis perdu", elle est plus encore prophétie d'un incommensurable malheur. Elle était depuis toujours préparée à saisir dans l'histoire l'incarnation du combat éternel. Aussi un recueil comme La Vierge de Paris est-il l'un des plus beaux recueils de Jouve, et un poème comme La Chute du ciel offre l'alliance exemplaire de choses vues avec un réalisme saisissant le passant "qui prend mesure de sa croix sur le trottoir"et des figures entr'aperçues de la lutte spirituelle. Gaëtan Picon, Panorama de la nouvelle littérature française, nouvelle édition, Gallimard, 1976.

Distinctions

Grand prix national des lettres décerné par le ministère de la Culture en 1962.
Grand prix de poésie de l'Académie française le 19 juin 1966.
Grand-croix de la Légion d'honneur remise par le général de Gaulle.


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#119 Re: Edouard Corbière
Loriane Posté le : 04/10/2015 22:27
Et voilà comment un handicap physique qui cloue au sol, stimule un esprit original et volontaire l'emportant dans une belle évasion. Revanche pour notre plaisir.
Oui je pense que tu aimeras le lire. Il a, selon moi, une écriture, un esprit très personnel et qui inspira d'autres poètes et écrivains.
Tu me fais très plaisir de passer par là et de me laisser ces mots!
Mille mercis


#120 Re: Edouard Corbière
Istenozot Posté le : 03/10/2015 19:14
Chère Loriane,

J'ignorais qu'Edouard Corbière était le premier maître français du roman maritime.
Je vais aller en chasse à l'un de ses ouvrages chez un bouquiniste.

Merci vraiment pour toute cette richesse!
Comment fais-tu pour trouver le temps de rédiger toutes ces notices biographiques toutes aussi passionnantes les unes que les autres?

Amitiés de Dijon.

Jacques



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Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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