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Les maison de Bourbon et maison de Conti
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Histoire des Bourbons

La plus célèbre des maisons souveraines ne fut pendant longtemps que l'une des multiples branches du tronc capétien ; la mort sans héritier mâle des trois derniers Valois devait pourtant donner la couronne aux Bourbons à la fin du XVIe siècle. Leurs règnes allaient coïncider, au XVIIe siècle et au début du XVIIIe, avec l'apogée de la monarchie absolue et la prépondérance française en Europe. Ils s'identifient également avec le triomphe d'une civilisation française que les hommes de l'époque ne pouvaient concevoir indépendamment de la personne du souverain. Le XVIIIe siècle, s'il connaît l'affaiblissement de la monarchie absolue, est aussi le temps où la famille de Bourbon occupe les trônes de France, d'Espagne, de Parme et des Deux-Siciles, étendant la puissance de cette maison des Philippines à l'Italie et de l'Inde au Canada.

La maison de Bourbon avant 1589

Appartenant, pour parler comme les historiens anciens, aux rois de France de la troisième race, la dernière des familles royales françaises est issue de Robert de Clermont, sixième fils de Saint Louis et de Marguerite de Provence. Il vécut de 1256 à 1317 et épousa Béatrice, fille unique d'Agnès de Bourbon et de Jean de Bourgogne, seigneur de Charolais. Par ce mariage, il acquit la seigneurie de Bourbon que Charles le Bel érigea en duché pour Louis Ier de Bourbon en 1327.
Louis II de Bourbon 1337-1410 fut fidèle au roi de France pendant la captivité de Jean le Bon en Angleterre. Son mariage avec Anne d'Auvergne en 1371 accrut les possessions de la famille du comté de Clermont-en-Auvergne, du Forez et de la seigneurie de Mercœur. Son fils Jean Ier 1381-1434, chef du parti armagnac, fut l'un des prisonniers de marque que firent les Anglais à Azincourt. Marie de Berry lui avait apporté en dot le duché d'Auvergne et le comté de Montpensier. Jean II 1426-1488, moins dévoué au souverain, participa à la Ligue du bien public et à la Guerre folle. Il mourut sans héritier mâle, mais une branche de Bourbon-la-Marche était sortie du tronc principal. Elle venait de Jacques Ier, troisième fils de Louis Ier duc de Bourbon, qui avait échangé en 1327 le comté de la Marche contre celui de Clermont-en-Beauvaisis. Jacques Ier eut plusieurs enfants, dont Jean Ier de Bourbon, comte de la Marche et de Vendôme mort en 1393, qui laissa Louis de Bourbon mort en 1446, époux de Jeanne de Laval. Ces derniers eurent pour fils Jean II de Bourbon-Vendôme 1429-1477 qui épousa Isabelle de Beauveau.
Au milieu du XVe siècle, la maison de Bourbon était donc divisée en trois branches : la branche ducale qui tenait les duchés de Bourbon et d'Auvergne, les comtés de Clermont-en-Beauvaisis, Forez, Beaujolais, la seigneurie de Château-Chinon et, hors le royaume, les Dombes. La branche de Montpensier avait, outre la terre dont elle portait le nom, le dauphiné d'Auvergne et le comté de Sancerre. La branche de Vendôme possédait le comté de Vendôme et la principauté de La Roche-sur-Yon.
De Jean II naquit François de Bourbon, comte de Vendôme, de Marle, de Saint-Paul, de Soissons, vicomte de Meaux (1470-1495), époux de Marie de Luxembourg et père de Charles de Bourbon 1489-1537. Celui-ci, comte puis duc de Vendôme, épousa en mai 1513 Françoise d'Alençon, veuve de François Ier d'Orléans, duc de Longueville.
Ils eurent treize enfants, parmi lesquels le quatrième, Antoine (1518-1562), épousa en 1548 Jeanne d'Albret, reine de Navarre, Charles 1523-1590, frère d'Antoine et cardinal-archevêque de Rouen, fut proclamé roi par la Ligue, sous le nom de Charles X, pour faire pièce à son parent Henri de Navarre.

La trahison du connétable

Charles de Bourbon, comte de Vendôme, avait été élevé à la pairie en février 1515 et, pour son attachement à la Couronne, François Ier l'avait nommé lieutenant général à Paris. La maison de Bourbon allait souffrir quelques années plus tard de la trahison de son chef, le connétable de Bourbon (1490-1527). Après la mort de celui-ci devant Rome, le duc de Vendôme devint le plus proche parent de la famille royale, le premier prince du sang. Mais il n'hérita pas des grands domaines du connétable qui avait réuni les terres de la branche ducale et de la branche de Bourbon-Montpensier : duchés de Bourbonnais, d'Auvergne, comtés de Clermont-en-Beauvaisis, de Montpensier, de Forez, de Beaujolais, de la Marche, de Gien, dauphiné d'Auvergne, vicomtés de Carlat, Châtellereault, Murat, seigneurie de Mercœur, principauté de Dombes, etc. Confisqués en 1523 au moment où le connétable fit défection, ces biens allaient être partagés à sa mort entre le roi, sa mère Louise de Savoie, la duchesse de Lorraine et la famille des princes de La Roche-sur-Yon.
En revanche, les domaines de la branche de Bourbon-Vendôme allaient s'accroître considérablement par le mariage d'Antoine de Bourbon avec Jeanne d'Albret le 2 octobre 1548.

L'ascension de la maison de Navarre

En 1484, la maison d'Albret avait acquis le royaume de Navarre par le mariage de Jean d'Albret avec Catherine de Foix, héritière de cette couronne. À dire vrai, ce royaume était réduit à la Basse-Navarre, située au nord des Pyrénées. La vicomté d'Albret avait été érigée en duché en 1550. Antoine apportait en mariage le duché de Vendôme, le comté de Marle et la châtellenie de La Fère (entre l'Aisne et l'Oise). Quant à Jeanne, elle possédait le royaume de Navarre, les comtés de Foix et de Bigorre, les vicomtés de Béarn, Marsan, Jussan et Nabasan. Elle était héritière des duchés d'Albret et de Beaumont, des comtés d'Armagnac, de Rodez, de Châteauneuf-en-Thimerais et de Champrond.
Henri II avait favorisé ce mariage pour éviter de voir ces terres tomber aux mains de François de Lorraine de la maison de Guise ou de Philippe II d'Espagne, tous deux prétendants à la main de Jeanne d'Albret.
Fils d'Antoine de Bourbon et de Jeanne d'Albret, Henri de Navarre, avant de monter sur le trône de France, allait encore accroître ces possessions du duché d'Alençon que Henri III, son beau-frère, lui donna en 1584, après la mort de François d'Alençon, frère du roi de France.
Ainsi, les domaines de la maison de Bourbon-Navarre à l'avènement d'Henri IV comprenaient entre Pyrénées et Garonne les héritages d'Antoine de Bourbon et de Jeanne d'Albret : sur le Tarn et le Lot, le comté de Rodez ; au centre, le comté de Périgord et la vicomté de Limoges ; sur le Loir, la Sarthe et l'Eure, les duchés de Vendôme, d'Alençon et de Beaumont ; entre Noyon et Laon, les comtés de Marle, La Fère et Soissons.
Ce ne fut d'ailleurs qu'en juillet 1607 que le roi accorda la réunion à la Couronne des possessions de la famille de Bourbon, à la sollicitation du Parlement toujours fidèle à l'idée que le roi de France ne devait rien posséder en propre. C'était aussi la disparition des derniers grands États féodaux.

L'avènement d'Henri IV et le problème de la légitimité

Le 1er août 1589, le couteau du dominicain Jacques Clément met fin à la dynastie des Valois. La dévolution de la couronne est prévue par les lois fondamentales du royaume qui forment la constitution coutumière de l'État. Guy Coquille dans son Institution au droit des Français 1607 les définit ainsi : Cette monarchie donc, establie par les anciens roys français saxons, a esté gouvernée par certaines lois qui, pour la plupart, n'ont esté écrites, pour ce que les anciens Français, grands guerriers et bons politiques, s'adonnaient plus à faire et à bien faire, que à dire ny à escrire. Aucunes certaines des dictes lois se trouvent escrites ès constitutions anciennes de nos roys. Les autres se trouvent aussy escrites ès livres coutumiers des provinces...

Le problème de la légitimité

Les Français du XVIIe siècle ne conçoivent pas l'État comme une réalité abstraite, mais comme un tout organique, comme un corps vivant : un corps mystique. Le même Guy Coquille écrit que le roy est le chef et le peuple des trois ordres sont les membres et tous ensemble font le corps politique et mystique, dont la liaison et union est individue et inséparable et ne peut une partie souffrir mal que le reste ne s'en sente et souffre douleur...
Cette idée du corps mystique de la société et de l'État s'accompagne d'un principe général présidant à l'ordre du cosmos. L'univers est construit selon le principe d'inégalité et de hiérarchie. Nature a voulu en chacune espèce une prééminence : aux astres, le Soleil ; entre les éléments, le feu ; entre les métaux, l'or ; entre les animaux à quatre pieds, le lyon ; entre les oiseaux, l'aigle Poisson de la Bodinière, Traité de la majesté royale en France, 1597. Cette hiérarchie culmine à Dieu dans l'ordre surnaturel et à la personne royale dans la société terrestre. Monarchie absolue ne signifie d'ailleurs pas despotisme. Bien au contraire. La France possède une « monarchie royale où le souverain n'a pas la propriété des biens ni des personnes de ses sujets, à l'inverse des pays d'Orient soumis à la tyrannie des monarchies seigneuriales où l'on ne connaît pas de sujets, mais des esclaves. En France, la puissance du souverain est limitée de trois manières : par les lois de Dieu, par celles de la justice naturelle et par les lois fondamentales de l'État. Il faut y joindre les libertés, c'est-à-dire les privilèges des corps et communautés.
Le roi ne peut modifier ces lois fondamentales. Elles consistent d'abord dans le mode de dévolution de la couronne, qui doit se faire de mâle en mâle par ordre de primogéniture, les parents par les femmes étant exclus de la succession. Depuis la fin du XIVe siècle, la loi salique est invoquée pour légitimer cette forme de transmission. En fait, chez les Germains, cette loi ne valait que pour les biens ordinaires et non pour la couronne, mais elle avait permis, à l'époque de la guerre de Cent Ans, d'expliquer le rejet des candidatures anglaises au trône de France. Des adages avaient consacré cette coutume : Le royaume ne tombe point en quenouille, ores que les femmes soient capables de tous autres fiefs Loisel ou encore Les lys ne filent point interprétation de Matth., VI, 28.
Comme on disait encore, la monarchie française était une souveraineté parfaite, à laquelle les états généraux n'ont aucune part ; successive, non élective, non héréditaire purement, ni communiquée aux femmes, mais déférée au plus proche mâle, par la loi fondamentale de l'État .
Le roi, par ailleurs, ne peut disposer librement de sa couronne. Il n'a pas la propriété de la monarchie. Il n'en a que l'administration sa vie durant. Et ce roi, enfin, doit être catholique. C'est en quelque sorte une conséquence de la notion de corps mystique de la communauté française : le roi est le chef, la tête ; il est un exemple, un modèle ; il règle et assure le bon ordre de tout l'organisme et l'on ne peut concevoir un roi hérétique pour tenir cette fonction capitale. Avec un roi non catholique ou excommunié, c'est tout le corps social qui risque d'être corrompu.

Pour remplir les exigences de la loi salique, Henri III en mourant laissait le trône à Henri de Bourbon, roi de Navarre, son cousin au vingt-deuxième degré.

La conversion d'Henri de Navarre

Certains pensaient qu'il aurait mieux valu recourir à l'élection d'un souverain par les états généraux, tant le prétendant était éloigné du dernier roi ; d'autres soutenaient que les Guises avaient plus de droits que les Bourbons puisqu'ils descendaient de Charlemagne et non d'un usurpateur comme Hugues Capet. La bénédiction du pape, pour les champions des princes lorrains, avait été donnée à Charlemagne et à ses descendants, et à eux seuls.
Le respect du principe de catholicité posait un autre problème. Henri de Navarre était chef du parti huguenot et qu'il s'engageât à respecter la religion romaine n'était point suffisant pour lui attacher la masse des catholiques. Bien des anciens fidèles d'Henri III, et à plus forte raison tous les ligueurs, repoussaient avec horreur l'idée d'un roi hérétique. On pouvait d'ailleurs douter de la sincérité des engagements du Béarnais, puisque après la Saint-Barthélemy (1572) il avait par crainte abjuré la Réforme pour revenir ensuite à l'hérésie une fois hors de danger. Les papes Sixte-Quint et Grégoire XIV, le légat Cajétan et la Sorbonne bénissaient la Sainte-Ligue dressée contre Henri de Navarre, que l'on excommuniait avec ses alliés.
Tout cela, joint aux difficultés rencontrées à prendre Paris, conduisit le roi à abjurer une nouvelle fois à Saint-Denis, le 25 juillet 1593. Cette abjuration, le sacre de Chartres en février 1594, l'absolution de Clément VIII en septembre 1595, avec le soutien des Jésuites et les signes non équivoques de la pratique du catholicisme par Henri IV permettaient la réduction et la soumission des citadelles et des provinces encore ligueuses. Le 9 mai 1590, était mort prisonnier à Fontenay-le-Comte l'oncle d'Henri de Navarre, le cardinal Charles de Bourbon, proclamé roi par les ligueurs sous le nom de Charles X. La disparition du roi-prêtre et le ralliement de ses partisans à Henri IV, nouveau converti, créaient les conditions de la pacification dans le respect de l'hérédité masculine et de la monarchie catholique.

Ces lois traditionnelles qui réglaient la dévolution de la couronne avaient été solennellement rappelées par le Parlement de Paris en juin 1593 (arrêt du président Lemaistre). Elles restèrent les fondements de la monarchie d'Ancien Régime, de la monarchie absolue, jusqu'à sa disparition en France.

Les Bourbons de France aux XVIIe et XVIIIe siècles

L'histoire intérieure du royaume est marquée pendant ces deux siècles par le développement de la monarchie absolue, dont le règne de Louis XIV constitue l'apogée, et par les crises qui modifient au XVIIIe siècle le fonctionnement de ce système de gouvernement.
Les juristes du XVIIe siècle ont défini cette monarchie absolue ou monarchie royale. Le roi possède la puissance parfaite et entière, sans limitation de temps, de personne ou de chose. Comme la couronne ne peut être si son cercle n'est entier, ainsi la souveraineté n'est point si quelque chose y défaut Loyseau. Ce mode de souveraineté, bien qu'étranger au despotisme, n'exige pas moins l'obéissance de tous les sujets, sans que les droits du roi puissent être diminués par l'intervention du pape gallicanisme, des parlements ou des grands. Le souverain en France affirme tenir son pouvoir directement de Dieu, en refusant les médiations de toute espèce. L'historien officiel André Duchesne considère, en 1609, les rois de France comme des terrestres divinitez et Godeau, dans son Cathéchisme royal 1659, propose à Louis XIV de se souvenir à tout instant qu'il est un vice-Dieu sur la terre. Si la souveraineté n'est pas plus divisible que le point en géométrie Le Bret, 1632, il reste à en convaincre tous les Français. Et les opposants subsistent nombreux dans les deux premiers tiers du XVIIe siècle.
La monarchie absolue est en effet une réponse à la grande crise du siècle. La France est presque constamment en guerre extérieure et intérieure, en proie aux révoltes populaires comme aux invasions espagnoles et impériales. Le roi demande un effort fiscal toujours plus lourd, qui suscite les soulèvements des contribuables. Pour conduire et rétablir l'ordre, les deux cardinaux ministres Richelieu et Mazarin, qui se font les défenseurs de la monarchie absolue, ont recours à des moyens de gouvernement qui apparaissent à beaucoup comme des nouveautés insupportables. Le roi gouverne de plus en plus par un Conseil réduit à des commissaires recrutés parmi ses fidèles ou ceux des premiers ministres : conseillers d'État, maîtres des requêtes, intendants et commis. Les princes du sang sont progressivement éloignés du Conseil.

Le cardinal Mazarin

Le cardinal Jules Mazarin 1602-1661, nommé Premier ministre par la régente Anne d'Autriche en 1643.
Crédits: Hulton Getty Consulter
Or il était admis que le roi devait gouverner par grand Conseil avec l'avis des membres de la famille royale. Maintenant, il n'y a plus en présence que le roi et ses sujets, sans l'intermédiaire et l'arbitrage des princes du sang. On comprend alors les raisons qui, après la mort d'Henri IV ou pendant la Fronde, font se coaliser momentanément les grands, les princes et les parlementaires dépossédés d'une partie de leurs attributions traditionnelles par le Conseil du roi, les officiers qui ont l'impression que les commissaires les supplantent et les rentiers que la politique financière de Mazarin appauvrit.
Tout cela explique les prises de position de la famille royale au XVIIe siècle. Les princes sont nombreux à se dresser contre la politique du roi et de ses ministres. Ils rééditent l'hostilité à la Couronne des apanagistes du Moyen Âge. Il est vrai qu'ils n'utilisent plus le système féodal pour recruter des vassaux contre le roi, mais le XVIIe siècle connaît un autre type de lien d'homme à homme : les clientèles et les fidélités. De haut en bas de la pyramide sociale, des hommes se donnent à d'autres plus puissants, dont ils sont les « dévoués » ou les « domestiques ». Les « maîtres » procurent des avantages à leurs dévoués, des places, des gouvernements, des pensions. Ils les marient et les dotent, protègent leur lignage, tandis que les dévoués conseillent leurs protecteurs, les aident militairement, constituent leur garde d'honneur. Les domestiques peuvent d'ailleurs changer de dépendance si le maître les néglige, mais il est de nombreux cas de fidélités durables. Puységur refuse, par exemple, de suivre le comte de Soissons, un Bourbon révolté contre le roi en 1641, parce qu'il connaît l'affection que lui porte le roi et veut s'en montrer digne. C'est qu'en effet le souverain et ses ministres, non seulement ne détruisent point les clientèles, mais ils en possèdent eux-mêmes ; ils en utilisent contre celles des grands, des princes et des membres de la grande robe.

Une famille nombreuse

Au XVIIe siècle, la famille royale se compose surtout des reines Marie de Médicis 1573-1642 et Anne d'Autriche 1601-1666, la première malhabile pendant la minorité de Louix XIII à défendre les droits du roi, la seconde, comme la première, au cœur de tous les complots du vivant de Louis XIII et de Richelieu, mais contribuant avec Mazarin, pendant la Fronde et au-delà, à l'affermissement de la monarchie absolue. Marie-Thérèse, l'épouse de Louis XIV 1638-1683, ne fut jamais au premier plan. La famille royale comprenait encore Gaston d'Orléans 1608-1660, frère de Louis XIII, et les princes du sang. Henri II de Condé 1588-1646 était petit-fils de Louis Ier de Condé 1530-1569, lui-même fils de Charles de Bourbon, grand-père d'Henri IV ; Henri II de Condé eut pour fils Louis II 1621-1686, le Grand Condé, connu d'abord sous le nom de duc d'Enghien. Louis II fut père d'Henri Jules de Condé 1643-1709, l'époux de la princesse Palatine. Louis III 1668-1710, fils d'Henri Jules, fut gouverneur de Bourgogne et de Bresse et homme de guerre. Son fils, Louis Henri, Monsieur le Duc 1692-1740, dirigea le Conseil de régence après la mort de Louis XIV et fut Premier ministre de 1723 à 1726.
Armand de Bourbon, prince de Conti 1629-1668, frère puîné du Grand Condé 1629-1668, commença une carrière ecclésiastique, puis participa à la Fronde. Réconcilié avec Mazarin, il épousa une nièce du cardinal. Son fils, Louis Armand 1661-1685, épousa Mlle de Blois, fille de Louis XIV et de Mlle de La Vallière. Il fit la campagne de Hongrie contre les Turcs en 1683. François Louis 1664-1709, son frère, combattit à Fleurus, Steinkerque et Neerwinden. Élu roi de Pologne, il ne parvint jamais à conquérir son trône.
Chez les Soissons, Charles de Bourbon, comte de Soissons 1566-1612, fils de Louis Ier de Condé, était fort médiocre. Il passa de la Ligue au parti d'Henri de Navarre, puis à celui d'Henri III, avant de se rallier à Henri IV. Sur la fin de sa vie, il gouverna la Normandie. Son fils, Louis 1604-1641, fut grand maître de France et gouverneur du Dauphiné. Hostile à Richelieu, il participa au complot de Chalais 1626, puis fit campagne à La Rochelle. En 1641, il mourut au bois de la Marfée lors d'une prise d'armes organisée aux frontières de la Champagne avec l'appui des Espagnols.
Les Longueville formaient une branche de la maison royale issue de Jean d'Orléans, comte de Dunois, fils naturel de Louis Ier. Henri II de Longueville 1595-1663 fut gouverneur de Picardie, puis de Normandie 1619. Lui aussi conspira contre Richelieu en 1626. Pardonné, il combattit en Italie et en Allemagne, avant de négocier pour la France à Münster traité de Westphalie, 1648. Son épouse, sœur de Condé et de Conti, le poussa dans la Fronde, ce qui lui valut d'être emprisonné avec les princes en 1650.
Les Vendôme étaient représentés par César de Bourbon, duc de Vendôme 1594-1665, fils de Gabrielle d'Estrées et de Henri IV. Il fut légitimé en 1595 et nommé gouverneur de Bretagne en 1598. Il épousa la fille du duc de Mercœur et cette alliance consacra le retour des princes lorrains dans le service du roi. En 1610, César de Vendôme prenait rang après les princes du sang. Il participa, comme les autres, aux troubles de la Régence 1614-1616, à la conspiration de Chalais et à la cabale des Importants 1643. Mais, fidèle à Mazarin pendant la Fronde, il maria son fils Louis, duc de Mercœur 1612-1669, à Laure Mancini, nièce du cardinal. Un autre fils, François, duc de Beaufort 1616-1669, fut de presque tous les soulèvements et complots du règne de Louis XIII.

Une famille désunie

Ces révoltes des princes du sang et de la famille royale sont d'autant plus graves qu'elles s'accompagnent d'accords conclus avec l'ennemi espagnol sous forme de véritables traités, comme celui de Gaston d'Orléans en 1632, ou celui du Grand Condé en 1652-1653. La Cour traite également avec eux comme avec des puissances : en 1614, le prince de Condé, les ducs de Nevers, de Mayenne, de Bouillon et de Longueville se sont enfuis en Champagne et exigent la convocation des états généraux. On voit les mandataires de la régente signer avec eux le traité de Sainte-Menehould, le 15 mai 1614. Un autre traité met fin en 1619 à la guerre de la mère et du fils Louis XIII et Marie de Médicis.

Si les opérations ou les complots tournent mal, les princes s'enfuient à l'étranger : Gaston d'Orléans gagne la Lorraine après l'échec de son mariage avec Marie de Mantoue et court à Bruxelles après la défaite de ses amis à Castelnaudary 1631-1632. Condé passe dans les rangs espagnols en 1652 et dirige l'armée d'invasion étrangère. Il ne regagne la France qu'à la paix des Pyrénées en 1659. Vendôme, après la conspiration de Chalais, s'enfuit en Angleterre 1626 et le comte de Soissons en Italie. Beaufort également se réfugie outre-Manche après l'échec du complot de Cinq-Mars, et ne rentre en France qu'à la mort de Richelieu. Le comte de Soissons, les ducs de Guise et de Bouillon utilisent Sedan comme base de leurs intrigues en 1640-1641. Tous veulent revenir à un état ancien du gouvernement, où ils pourraient librement diriger les provinces dont ils sont souvent les gouverneurs quasi héréditaires. Il s'agit pour eux de remettre toutes choses en leurs places anciennes.
Marie de Médicis et Gaston d'Orléans sont les deux pivots de ces multiples complots. « Monsieur » est un faible, un lâche, toujours prompt à abandonner les amis qu'il a compromis. On a vainement tenté de le réhabiliter. Il participe à presque toutes les révoltes. En 1626, il est du complot de Chalais ; en 1631-1632, il intrigue en Lorraine, négocie avec l'Espagne, entraîne le duc de Montmorency à soulever le Languedoc et s'enfuit aux Pays-Bas après 1632. Il y rejoint sa mère. En 1634, il se soumet, mais deux ans plus tard, on le trouve dans un complot du comte de Soissons contre Richelieu ; en 1642, il pousse Cinq-Mars en avant, puis l'abandonne, et obtient le pardon du roi. La Fronde lui permet de s'agiter à nouveau et de quitter un parti pour l'autre. Après la restauration de l'ordre royal, cet éternel comploteur terminera sa vie dans l'exil de Blois.
Il reste à souligner le rôle des femmes dans ces crises de croissance de la monarchie absolue, Marie de Médicis ou la duchesse de Longueville, sœur aînée du Grand Condé et du prince de Conti, qui participe même au traité conclu en mars 1649 entre la Cour et la Fronde. Elle tente de soulever la Normandie dont son époux est gouverneur, pousse Turenne à rejoindre les rangs espagnols, avant de finir dans le jansénisme et la vie conventuelle.
Les familles princières ne versent pas tout entières dans le même parti. Si César de Vendôme et son fils, François, duc de Beaufort, participent ensemble à la cabale des Importants, le père reste fidèle à Mazarin pendant la Fronde, ce qui lui vaut le gouvernement de Bourgogne en 1650, alors que Beaufort se jette dans la révolte et soulève le petit peuple parisien le roi des Halles. Henri II de Condé complote sous la régence de Marie de Médicis, mais se fait courtisan de Richelieu, tandis que son fils, le Grand Condé, qu'il a marié à une nièce du cardinal, devient l'un des plus farouches adversaires de Mazarin et des armées royales. Cependant, après la Fronde et surtout après la prise du pouvoir par Louis XIV 1661, les soulèvements des princes sont terminés. Conti, qui a épousé une nièce de Mazarin, commande pour le roi en Catalogne et en Italie. Son frère, le Grand Condé, rentré en grâce et candidat malheureux au trône de Pologne, conquiert pour Louis XIV la Franche-Comté 1668 et dirige les armées en Hollande 1672-1674. Il termine sa vie au château de Chantilly. Longueville vit dans son gouvernement de Normandie jusqu'à sa mort en 1663. La génération des princes frondeurs, insurgés contre le chef de la maison royale, s'éteint avec eux. Le nouveau duc d'Orléans 1640-1701, Philippe, frère de Louis XIV, ne peut gêner beaucoup le roi qui l'éloigne de ses conseils, comme il en écarte la reine mère Anne d'Autriche. Les légitimés, fils du roi et de Mme de Montespan, le duc du Maine 1670-1736 et le comte de Toulouse 1678-1737, seront de très fidèles sujets. Ils verront pleuvoir sur eux les grandes charges. Le premier sera colonel général des Suisses, gouverneur du Languedoc, général des Galères, grand maître de l'Artillerie ; le second, amiral de France 1683, gouverneur de Guyenne, puis de Bretagne 1695.

Famille royale et princes du sang

À la mort de Louis XIV, en 1715, le trône échoit à un enfant de cinq ans. Louis XV 1710-1774 est arrière-petit-fils du dernier roi, petit-fils du Grand Dauphin 1661-1711 et fils du duc de Bourgogne 1682-1712. Le régent est Philippe d'Orléans 1674-1723. Pour la troisième fois, comme après la mort d'Henri IV et celle de Louis XIII, le Parlement de Paris est appelé à casser le testament d'un souverain pour attribuer la régence sans aucune limitation de pouvoir au plus proche parent du nouveau roi. La grande robe reprend ainsi la puissance dont Louis XIV l'avait momentanément privée, et le XVIIIe siècle sera plein de l'opposition des parlements à la volonté royale. Ce dernier siècle de l'Ancien Régime voit aussi renaître le désaccord des princes du sang avec la politique du souverain.

C'est d'abord, dès la Régence, le complot de Cellamare ourdi par Philippe V d'Espagne et dans lequel trempe le duc du Maine frustré par le régent du rôle que lui donnait le testament du défunt roi dans l'éducation de Louis XV et ramené du rang de prince du sang à celui de pair de France. C'est surtout, à la fin du règne, l'entente des princes et des parlements contre la politique de réforme financière et judiciaire de Maupeou. Un seul soutiendra les désirs du roi et de ses ministres : Louis François Joseph de Conti 1734-1814, alors que son père Louis François 1717-1776, après avoir servi la politique secrète de Louis XV, prend violemment parti pour les cours souveraines.

Au XVIIIe siècle, on prend l'habitude de diviser la maison de France en famille royale les enfants, frères, sœurs, oncles et tantes du souverain régnant et princes du sang familles d'Orléans, de Condé, de Conti et légitimés de France. Ces derniers l'emportent en dignité sur les princes étrangers établis en France Lorraine, Bouillon, Rohan. La cour est souvent le lieu de querelles de préséances, moins futiles qu'il pourrait le paraître, car la société d'Ancien Régime est encore à cette époque et dans ces milieux une société de dignité. Le rang attribue non seulement la considération, mais les charges et les revenus. Les princes étrangers cherchent à égaler les légitimés et la famille de Lorraine veut se voir reconnaître un statut particulier comme descendant de la race carolingienne et parente de l'Empereur. À un degré inférieur, certains ducs et pairs refusent aux Rohan un rang privilégié.

L'avènement des Orléans

Plusieurs branches de la famille de Bourbon s'éteignent au XVIIIe siècle : les Vendôme, notamment avec Philippe, prieur de Vendôme 1655-1727, qui achève au Temple une vie scandaleuse. Les Longueville et les Soissons ne sont plus représentés. Reste la famille d'Orléans, avec Louis 1703-1752 qui vit retiré à l'abbaye Sainte-Geneviève, Louis Philippe, son fils, lieutenant général et gouverneur du Dauphiné 1725-1785, et Louis Philippe Joseph, le futur Philippe Égalité 1747-1793. Ce dernier est l'un des plus actifs dirigeants de l'opposition libérale pendant le règne de Louis XVI et au début de la Révolution. Les Condé disparaissent au début du XIXe siècle avec Louis Joseph de Condé 1736-1818, qui commande l'armée des émigrés pendant la Révolution, et son fils sans talents Louis Henri Joseph 1756-1830, dont la mort laissera le duc d'Aumale, fils de Louis-Philippe, héritier d'une grande fortune, puisque le duc d'Enghien, fils du dernier des Condé, est mort fusillé dans les fossés de Vincennes en 1804 et qu'avec lui la famille se trouve éteinte dans sa descendance masculine.

Ce n'est point le lieu d'exposer ici dans le détail la fin de la branche aînée. Rappelons que la société d'ordres, battue en brèche dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, disparut officiellement au début de la Révolution. La capitulation de Louis XVI en juin 1789 devant les demandes du Tiers, la reconnaissance d'une Assemblée nationale, la suppression des privilèges dans la nuit du 4 août 1789, la mise en place de la Constitution de 1791 sanctionnèrent la disparition d'une société fondée sur la dignité et la personnalité d'ordres distincts et hiérarchisés. La suspension du roi le 10 août 1792, sa mort le 21 janvier 1793, celle de la reine au mois d'octobre de la même année, la disparition du dauphin au Temple scellaient la fin de la monarchie d'Ancien Régime. La dynastie des Bourbons devait se terminer en France après une Restauration qui ne dura que de 1814 à 1830 règnes de Louis XVIII, 1814-1824, et de Charles X, 1824-1830, et par la monarchie bourgeoise de Louis-Philippe de 1830 à 1848, qui fit monter sur le trône la branche cadette d'Orléans. Assez curieusement, c'était par les règnes de trois frères que s'achevait la branche aînée, comme jadis au temps des Valois et des Capétiens directs, tandis que, dans une société et sous des institutions totalement différentes de celles du XVIIe siècle, se poursuivait en plein XIXe siècle la rivalité des diverses familles de la maison de France.

Les Bourbons hors de France

Philippe V et les Bourbons d'Espagne
La succession de Charles II d'Espagne en 1700 permit à Philippe d'Anjou 1683-1746, petit-fils de Louis XIV, de monter sur le trône de Madrid. Charles II, sans descendant direct, laissait un héritage difficile. Tous deux étant fils et époux d'infantes espagnoles, Louis XIV comme l'empereur Léopold Ier de Habsbourg pouvaient y prétendre. Par les traités de l'automne de 1698 et de mars 1700, le roi de France consentit à ce que le royaume d'Espagne revint au prince électeur de Bavière ou à l'archiduc Charles de Habsbourg, à condition que le Dauphin reçût Naples, la Sicile, le Milanais et le Guipuzcoa, monnaies d'échange pour agrandir la France de la Lorraine, de la Savoie et de Nice.
La cour d'Espagne allait faire échouer ce projet. Les Espagnols refusèrent de morceler leur empire, et le testament de Charles II appela à la couronne Philippe, duc d'Anjou, second fils du Grand Dauphin, frère cadet du duc de Bourgogne. Le roi mourut le 1er novembre 1700, et l'acceptation du testament par Louis XIV provoqua la grande alliance de 1701 contre la France et l'Espagne. Après une guerre difficile, les traités d'Utrecht avril 1713 et de Rastatt mars 1714 amputèrent l'État espagnol de ses possessions italiennes et des Pays-Bas attribués à l'empereur Charles VI et à Victor-Amédée de Savoie, mais l'Espagne conserva son roi Bourbon.
Les maisons de Parme et des Deux-Siciles
Philippe V eut de ses deux mariages, avec Marie-Louise de Savoie et Élisabeth Farnèse, Louis, à qui il abandonna le trône en 1724 pour le reprendre la même année, Ferdinand VI, qui régna de 1745 à 1759, Charles, d'abord roi des Deux-Siciles de 1744 à 1759, puis d'Espagne de 1759 à 1788, et Philippe, duc de Parme et de Plaisance de 1748 à 1765.
Au XVIIIe siècle, la maison de Bourbon gagna en effet de nouvelles couronnes. Le traité de Vienne (1731) assura à Charles le duché de Parme, qu'il devait échanger en 1738 paix de Vienne contre le royaume de Naples et de Sicile. À la paix d'Aix-la-Chapelle (1748), après la guerre de Succession d'Autriche, le second fils de Philippe V, don Philippe, reçut les duchés de Parme et de Plaisance cédés par Marie-Thérèse d'Autriche. L'union des cours de la maison de Bourbon allait se concrétiser par le « Pacte de famille » entre Versailles, Parme, Naples et Madrid en 1761, œuvre de Choiseul pour aider à terminer la guerre de Sept Ans.
À Naples devaient se succéder Ferdinand Ier 1759-1825, troisième fils de Charles III d'Espagne, François Ier 1825-1830, Ferdinand II 1830-1859 et François II 1859-1860. En 1860, l'unification de l'Italie au profit du Piémont ruina les monarchies bourboniennes de la péninsule. Il en fut à Naples comme à Parme, où Robert qui régnait depuis 1854 fut renversé. Il était fils de Charles III 1849-1854. lui-même fils de Charles-Louis roi d'Étrurie en 1803, duc de Lucques en 1815, de Parme en 1847. Le père de Charles-Louis, Louis de Bourbon 1773-1830, avait été un moment roi d'Étrurie par la grâce de Napoléon. Louis était fils de Ferdinand 1765-1802, petit-fils de don Philippe 1748-1765, le bénéficiaire de la paix d'Aix-la-Chapelle.
À Madrid, le destin des Bourbons fut très inégal. Au règne éclairé de Charles III 1759-1788, succéda celui de Charles IV qui dut abdiquer en 1808 en faveur de Joseph Bonaparte. Après la guerre d'indépendance, la couronne revint à son fils Ferdinand VII 1814-1833 qui restaura l'absolutisme, mais ne put empêcher l'effondrement de l'empire colonial espagnol. Isabelle II, sa fille, régna de 1833 à 1868. L'Espagne fut alors troublée par les révoltes carlistes de 1833 à 1840 avec de nouvelles flambées en 1847 et en 1870-1875 : le frère cadet de Ferdinand VII, don Carlos, essaya de prendre la couronne à sa nièce, en excipant de la loi salique. Le carlisme, cousin du légitimisme français, recrutait ses partisans dans le nord-est de l'Espagne, Navarre et Pays basque.
Une révolution chassa Isabelle II en 1868 et le trône fut offert à Amédée de Savoie. Mais une situation anarchique, suivie d'une dictature militaire, permit la restauration des Bourbons en la personne d'Alphonse XII 1875. Son successeur, Alphonse XIII 1886-1931, s'inclina devant la proclamation de la République 14 avril 1931) et les Bourbons perdirent leur trône jusqu'en 1975, date de l'accession du petit-fils d'Alphonse XIII, Juan Carlos Ier.

Maison de Conti ou maison de Conty

Branche cadette de la maison de Condé, elle-même issue de la maison de Bourbon.
Formée en 1558, la maison de Conti disparut en 1614, se reforma en 1629 et s'éteignit en 1814.
les Conti

Branche cadette de la maison de Bourbon. Conti est un village de Picardie entre Amiens et Montdidier. La maison fut formée en 1551 en faveur de Louis Ier de Bourbon et s'éteignit en 1614 avec la mort de François son troisième fils. Elle fut relevée vers 1630 en faveur d'Armand de Bourbon, frère du Grand Condé, et dura jusqu'en 1814. Armand sembla d'abord se destiner à l'état ecclésiastique puis s'engagea dans la même voie que son frère dont il était très jaloux. Il vécut dans l'ombre de sa sœur la duchesse de Longueville qui l'entraîna dans l'aventure de la Fronde, contre le Grand Condé alors partisan de la Cour. Élu général de l'armée parlementaire, il intrigua un moment pour obtenir de la régente le chapeau de cardinal, puis se jeta à nouveau dans l'aventure politique. Après un stage à Vincennes où il accompagna son frère en prison, il se rapprocha du cardinal pour obtenir la place du Grand Condé qui se compromettait alors avec l'Espagne. Gouverneur de Guyenne, commandant de l'armée de Catalogne, il prit Rosas en 1654, Puycerdá et la Cerdagne en 1655. Attaché à Mazarin par un puissant lien de fidélité, il épousa sa nièce. Il vécut dans son gouvernement de Languedoc et se tourna vers le mysticisme, allant même jusqu'à écrire des traités de morale. Il protégea Molière à ses débuts, le présenta à Monsieur qui le fit connaître au roi.

Son fils, Louis Armand de Bourbon, prince de Conti (1661-1685), eut une jeunesse désordonnée. Il servit brillamment en 1683 dans la campagne des Flandres, puis partit combattre les Turcs. Il mourut de la petite vérole.

Le frère de ce dernier, François-Louis (1664-1709), d'abord prince de La Roche-sur-Yon, puis de Conti en 1685, fut le personnage le plus remarquable de la famille au XVIIe siècle : esprit solide, courageux, ayant reçu une éducation délicate et soignée de sa mère et du Grand Condé qui lui fit épouser sa petite-fille. Exilé par Louis XIV pour avoir écrit un peu vertement sur sa personne, il n'obtint rien du roi qui se méfiait de ce personnage trop populaire, pour son goût, à l'armée, à la Cour et dans le peuple. Il essaya, en vain, par deux fois de prendre la principauté de Neuchâtel, contre l'avis de Louis XIV, à Marie de Nemours, sœur consanguine du duc de Longueville. Pour l'écarter, Louis XIV essaya d'en faire un roi de Pologne, mais tous les talents de négociateur de Polignac et le crédit du financier Samuel Bernard ne suffirent pas pour convaincre la noblesse polonaise. Il fut élu, mais le trône était déjà occupé par l'électeur de Saxe, et il revint donc à Versailles. En 1709, le roi lui confia l'armée du Nord où Villars venait de s'illustrer, mais il mourut de la goutte.

Son fils, Louis Armand, prince de Conti (1696-1727), eut la faveur de Louis XIV, qui le combla de pensions, et sut se concilier l'affection du Régent. Il servit à l'armée du Rhin sous les ordres de Villars. Saint-Simon a laissé de lui de saisissants portraits. Politiquement fidèle, farouche adversaire des parlements, il combattit le système de Law dont il contribua à la chute en spéculant et en faisant retirer d'un coup ses billets, ce qui produisit la panique puis la faillite de l'Écossais. Apprécié à la Cour pour ses talents poétiques, c'était avant tout un intellectuel. En 1713, il avait épousé la sœur du duc de Bourbon qui, lui-même, s'était allié à la sœur du prince de Conti.

Son fils, Louis François de Bourbon, prince de Conti, fut le plus célèbre de la famille après son grand-père. Ses services à l'armée furent éclatants : à vingt-quatre ans, sa bravoure lui valut le commandement en chef de l'armée d'Italie. Il fit la conquête du comté de Nice en quelques jours, prit Fort-Dauphin sans artillerie et l'emporta à force d'audace et de courage. L'année suivante, il tint tête aux impériaux en Allemagne puis en Flandre. Malheureusement la gloire de Maurice de Saxe l'éclipsa quelque peu. Il abandonna l'armée et, brillant intellectuel, fréquenta les salons et reçut le Tout-Paris à l'hôtel du Temple, avec la comtesse de Boufflers. Il ambitionnait la couronne de Pologne, travailla au renversement de la politique étrangère de d'Argenson, devint le ministre secret de Louis XV. Le cardinal de Bernis et Mme de Pompadour soutinrent contre lui la dauphine. Conti, disgracié, s'enferma en 1756 dans l'opposition, fustigeant l'incapacité des généraux pendant la guerre de Sept Ans, appuyant les parlements contre Maupeou, soutenant les philosophes, accueillant notamment Rousseau. Il se piquait de libéralisme mais non pas au point d'aider Turgot qu'il poursuivit de sa hargne.

Son fils, Louis François-Joseph (1734-1814), apparut comme un brillant chef de guerre à Hastembeck et à Crefeld. Soutien de Maupeou, adversaire du doublement du tiers, voulant conserver la monarchie traditionnelle, il émigra puis revint prêter serment à la Constitution de 1790. La Convention l'acquitta, lui accorda une pension à la suite de la confiscation de ses biens. Le Directoire le bannit du territoire français. Il mourut à Barcelone en refusant de suivre la politique des Bourbons.

Famille princière considérable, où les intellectuels et les militaires dominent, elle fut constamment tenue à l'écart des postes politiques et militaires importants à cause de sa puissance même. Sa fortune, l'une des plus considérables de France, était constituée de biens fonciers, de rentes actives obtenues par héritage ou acquisition ; elle était aussi caractérisée par la faiblesse des investissements financiers et industriels de type moderne, la dépendance vis-à-vis de la monarchie et le conservatisme de la gestio

Posté le : 07/02/2014 17:40
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Agnès Sorel
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Le 9 février 1450 meurt prématurément Agnès Sorel,

Le Mesnil-sous-Jumièges alors qu'elle n'a que 28 ans, Anneville en Normandie et après avoir donné naissance à une quatième fille qui n'a pas survécu, au grand désespoir du roi.Elle est née au début du xve siècle, vers 1422 selon le père Anselme.
Demoiselle d'honneur d' Isabelle Ire de Lorraine, épouse du duc René d'Anjou, elle devient en 1443 la favorite du roi de France Charles VII, auquel elle donne trois filles qui seront officiellement légitimées en tant que princesses de France et mariées à de grands seigneurs de la cour.


Agnès Sorel est la dernière demoiselle d’honneur de la reine de Sicile Isabelle de Lorraine qui la rémunère dix livres par an, même pas de quoi acheter un mauvais cheval.Elle se réfugie à la cour de France avant même l’éviction définitive du roi René de Naples. Nouvelle, elle est cependant au premier rang et le roi Charles VII la remarque. Pourtant elle n’est que de petite noblesse puisque son père est un simple mercenaire du roi.
Brézé, le favori qui a noté le regard de son souverain, s’arrange pour lui présenter la petite nouvelle.Très vite Agnès Sorel impose son art de vivre. En quelques mois elle devient la meilleure cliente du célèbre Jacques Coeur, marchand international et grand argentier du roi. Ses queues de robe atteignent huit mètres de long, elle consomme des quantités astronomiques de tissus.
Toutes les femmes l’imitent.Ce qu’elle dilapide en bas, elle le rattrape en haut, en inventant le décolleté épaules nues, si nues qu’un chroniqueur hypocrite mais pas aveugle déplore cette ribaudise et dissolution. En un an le roi lui offre 20 600 écus de bijoux dont le premier diamant taillé connu à ce jour, la fait châtelaine de Loches, dame de Beauté-sur-Marne d’où son nom de Dame de Beauté et comtesse de Penthièvre.Intelligente, belle et féconde, Agnès Sorel donne trois filles à Charles VIl qu’il légitimera. Les moralistes Thomas Basin ou Juvénal des Ursins, la rendent responsable du réveil sensuel de Charles VII. Ils jugent sévèrement sa liberté de moeurs et l’accusent de faire de ce roi chaste un roi débauché entièrement livré à ses maîtresses. Le dauphin, futur Louis XI, pendant quelques mois tente bien de faire des efforts lui offrant même des tapisseries prises au comte d’Armagnac, mais un jour, ne supportant plus que cette reine des coeurs prenne la place de sa propre mère, il laisse éclater sa rancoeur et poursuit l’infortunée Agnès, l’épée à la main, dans les pièces de la maison royale. Pour sauver sa vie, elle doit se réfugier dans le lit du roi, ce que précisément le dauphin voulait éviter. Charles VIl, courroucé par tant d’impertinence, chasse son fils de la Cour et l’envoie gouverner le Dauphiné.
Le roi doit réorganiser ses finances et sa belle le pousse à achever la conquête de son royaume en reprenant la Guyenne et la Normandie aux Anglais.
Agnès Sorel ne verra pas la belle victoire de Formigny. Se languissant de son royal amant, elle part en plein hiver le rejoindre à Jumièges près de Rouen. Enceinte de six mois, Agnès est la proie d’une dysenterie et meurt si rapidement que l’on croit à un empoisonnement. On accusa tout d’abord Jacques Coeur, sans doute plus qu’un ami et un protégé, mais il fut lavé de ce chef d’inculpation. Les soupçons se portèrent alors sur le dauphin, le futur Louis XI, ennemi du parti qu’elle soutenait. Elle s’éteint le 11 février 1450. Éploré, le roi commande deux magnifiques tombeaux de marbre, l’un contenant son coeur à Jumièges, l’autre son corps à Loches.

Il est à noter qu’Agnès Sorel à été la première maîtresse officielle d’un roi de France.


Sa vie

Agnès Sorel est née en Picardie, à Coudun, près de Compiègne.
Son père, Jean Sorel ou Soreau est châtelain et seigneur de Coudun. Il avait épousé Catherine de Maignelay, fille de Jean Tristan de Maignelay, châtelain et seigneur de Verneuil-en-Bourbonnais et de Marie de Jouy. La famille Sorel appartient à noblesse d'ancienne extraction. Agnès Sorel a quatre frères : Charles, écuyer-d'Hôtel du roi né av.1428. Louis, écuyer. André, chanoine à Paris 1452.
Et Jean , seigneur de Saint-Gérand. Certains membres de la famille ne sont pas inconnus pour les historiens : Geoffroy III Sorel de Saint-Gérand, neveu d'Agnès Sorel, qui fut évêque de Châlons de 1453 à 1503, et Jean de Maignelay, capitaine-gouverneur de Creil.
C’est en Picardie qu’elle reçut une éducation soignée, on pense qu'elle aurait vécu au château de Maignelay-Montigny dans l'Oise. On l’y prépara à occuper à la cour la charge enviée de demoiselle de compagnie d'Isabelle de Lorraine, reine de Sicile et femme du roi René. Cette charge n'était pas convoitée pour les avantages matériels qu’elle procurait : Agnès Sorel ne recevait que dix livres par an, contrairement à d'autres demoiselles de cette cour telle Catherine de Serocourt, cousine de Jean de Serocourt, capitaine de Tarascon, qui se voyait octroyer la somme de quinze livres tournois. Elle lui était destinée dès son plus jeune âge du fait de sa naissance et des recommandations dont elle bénéficiait.


À la cour

La jeunesse et la beauté d'Agnès Sorel, entrée au service de la maison angevine , la font très rapidement remarquer par le roi de France, Charles VII, de vingt ans son aîné.
Pierre de Brézé, qui a remarqué les regards de son suzerain pour cette nouvelle venue à la cour, présente à Charles VII celle qui sera regardée comme la plus jolie femme du royaume.
Très rapidement, en 1444, Agnès Sorel passe du rang de demoiselle d’honneur d’Isabelle de Lorraine à celui de première dame officieuse du royaume de France, peut-être à la suite de manœuvres de Pierre de Brézé, dont l'ascendant s'établissait alors sur la politique royale. Le roi la combla de présents Officiellement, elle est demoiselle de la maison de la reine Marie d'Anjou. Elle a le statut de favorite officielle, ce qui est une nouveauté : les rois de France avaient jusque-là des maîtresses mais elles devaient rester dans l'ombre. Charles VII a d'ailleurs eu d'autres maîtresses, mais elles n'ont pas eu l'importance d'Agnès Sorel. Son art de vivre et ses extravagances rejettent la reine dans l’ombre. Les voiles et autres guimpes sont abandonnés, et elle invente le décolleté épaules nues qualifié de ribaudise et dissolution par quelques chroniqueurs religieux de l’époque. De vertigineuses pyramides surmontent sa coiffure. Des traînes allant jusqu’à huit mètres de long allongent ses robes bordées de fourrures précieuses : martre ou zibeline. Rien qu’en 1444, le roi lui offre vingt mille six cents écus de bijoux dont le premier diamant taillé connu à ce jou.

Pour se procurer ces atours précieux, elle devient la meilleure cliente de Jacques Cœur, marchand international et grand argentier du roi, qui a amassé des trésors dans son palais de Bourges. Elle consomme de grandes quantités d'étoffes précieuses et, bien sûr, toutes les femmes de la cour l’imitent.
Agnès Sorel sait jouer de son influence auprès du roi en compagne aimante de l'homme d'État. Elle impose ses amis au roi ou s'acquiert la faveur des conseillers de la Couronne, qui voient en elle le moyen de s’assurer la bienveillance royale. C’est grâce à ces manœuvres que le roi, en l'espace de quelques mois, lui octroie les fiefs de Beauté-sur-Marne d’où le surnom bien connu de Dame de Beauté, Vernon, Issoudun, Roquesezière et lui offre le domaine de Loches. Elle y fait aménager le château qui surplombe la ville.
Le dauphin, futur Louis XI, ne supporte pas la relation d’Agnès avec son père. Il estime que sa mère est bafouée et a de plus en plus de mal à l'accepter. Un jour il laisse éclater sa rancœur et poursuit, l’épée à la main, l’infortunée Agnès dans les pièces de la maison royale. Pour lui échapper, elle se réfugie dans le lit du roi. Charles VII, courroucé par tant d’impertinence, chasse son fils de la cour et l’envoie gouverner le Dauphiné.

La vie avec le roi

Agnès porte les enfants du royal géniteur et accouche, attend avec ses suivantes à Razilly près de Chinon, dans sa résidence de Loches, à Beaulieu la ville voisine de Loches où elle s'installe au château ouvert de Courcelles Loiret, à Dames près de Mehun-sur-Yèvre, le retour du guerrier ou du chasseur. Croyante, elle fait régulièrement des pèlerinages et des offrandes à l'Église, favorisant de manière généreuse les chanoines de Loches. Elle donne à son royal amant quatre filles bâtardes de France puisque nées hors mariage, mais qu'il légitime :
Marie de Valois qui épouse, en 1458, Olivier de Coëtivy, sire de Coëtivy et de Taillebourg et sénéchal de Guyenne ;
Charlotte de Valois qui devient, en 1462, l’épouse de Jacques de Brézé, sénéchal de Normandie, et qui est assassinée par lui quelques années plus tard d'un coup d'épée entre les épaules pour avoir été surprise dans les bras de son amant à quelques pas du lit conjugal. Son fils, Louis de Brézé, épousera Diane de Poitiers
Jeanne de Valois, née à Beauté-sur-Marne, que Louis XI marie à Antoine de Bueil, comte de Sancerre et chancelier du roi.
Une fille née le 3 février 1450 au manoir du Mesnil près de l'abbaye de Jumièges en Normandie et morte à l'âge de six mois.
Ces naissances font écrire aux moralistes Thomas Basin et Jean Jouvenel des Ursins qu’Agnès est responsable du réveil sensuel de Charles VII. Ils jugent sévèrement sa liberté de mœurs et l’accusent de faire de ce roi chaste un roi débauché, entièrement soumis à ses maîtresses.
Est-ce Agnès Sorel qui souffle à Charles VII que la réorganisation des finances royales passe par la reconquête de la Guyenne et de la Normandie occupées par les Anglais ? Toujours est-il que c'est alors qu'elle allait mettre au monde un quatrième enfant, qu'Agnès entreprend, en plein hiver, d'aller retrouver le roi à Rouen où il commande son armée. Nul ne connaît les raisons de ce voyage ; se languissait-elle de son royal amant, ou voulait-elle le prévenir d'un nouveau complot ourdi par le dauphin Louis ?

Sa mort

Dès qu’elle est installée par Charles au Manoir de la Vigne au Mesnil-sous-Jumièges près de Rouen, elle est soudainement prise d'un flux de ventre selon Jean Chartier chroniqueur officiel de la cour et meurt en quelques heures le 9 février 1450, non sans recommander son âme à Dieu et à la Vierge Marie. En donnant naissance à un enfant prématuré de sept mois sa dernière fille meurt quelques semaines après elle, celle qui fut la première maîtresse officielle d’un roi de France meurt officiellement à l’âge de vingt-huit ans d'une infection puerpérale. Elle a le temps de léguer ses biens à la collégiale de Loches pour que des messes y soient dites pour le repos de son âme, à l'abbaye de Jumièges où est déposé son cœur, ainsi qu'aux membres de sa famille et au roi à qui elle lègue ses bijoux.
Sa mort est si rapide qu’on croit tout d’abord à un empoisonnement. On accuse même Jacques Cœur, désigné comme exécuteur testamentaire, de l’avoir fait assassiner, mais il fut lavé de ce chef d’inculpation. Les soupçons se portèrent alors jusqu'au XXIe siècle sur le Dauphin, le futur Louis XI, ennemi du parti qu’elle soutenait.
Une autopsie de son cadavre, effectuée à l'occasion de l'ultime déplacement de son tombeau dans la collégiale Saint-Ours de Loches en juin 2004, programmé par le conseil général d'Indre-et-Loire, a révélé une ascaridiose, tube digestif infesté d'œufs d'ascaris, et qu'elle avait absorbé des sels de mercure, purge associée à de la fougère mâle utilisée pour bloquer la croissance des parasites.
C'est l'ingestion d'une dose anormale de ce métal lourd qui a entraîné une mort très rapide moins de 72 heures.
Cependant, les doses de mercure observées par l'analyse d'un poil de l'aisselle sont telles dix mille à cent mille fois la dose thérapeutique qu'il est difficile de croire à une erreur médicale. Le suicide ou l'empoisonnement, à cette époque le mercure était donné avec de la mie de pain agglomérée avec le métal liquide pour éviter qu'il ne brûle l'estomac de cette jeune mère vulnérable qui relève de couches ne sont donc pas à écarter. Parmi les proches coupables idéaux restent sa cousine germaine, Antoinette de Maignelais, qui trois mois après la mort d'Agnès Sorel prenait sa place dans le lit du roi, et son médecin, Robert Poitevin, qui était aussi son exécuteur testamentaire.

Sa sépulture

Éploré, le roi commande deux magnifiques tombeaux de marbre, l’un se trouve à Jumièges en Seine-Maritime et contient son cœur, l’autre est à Loches, dans le chœur de la Collégiale Saint-Ours nommée à l'époque Notre-Dame de Loches, et son corps y repose avec la légende :
"Cy gist noble dame Agnès de Seurelle, en son vivant dame de Beaulté, de Roquecisière, d'Issoudun et de Vernon-sur-Seine, piteuse envers toute gens et qui largement donnait de ses biens aux églises et aux pauvres ; laquelle trépassa l'an de grâce MCCCCXLIX. Priez Dieu pour le repos de l'âme d'elle. Amen."
Les chanoines de Loches connaissant les sentiments de haine de l'ancien Dauphin envers Agnès s'enquirent, quelques mois après la mort de Charles VII et le couronnement de son héritier, s'ils pouvaient déplacer son encombrant tombeau de la collégiale. Le roi Louis XI répondit alors non en ancien rival mais en roi de justice. Il dit que le déplacement pouvait assurément se faire, et ajouta avec fermeté en prenant à parti son entourage mais il leur faut rendre ce qu'elle leur a donné.
À la suite de cet avis à valeur de jugement moral, oncques ne surprit les riches chanoines de Loches à proposer de se débarrasser du tombeau de l'ancienne favorite. Ce tombeau est déplacé dans la nef en 1777 sur ordre de Louis XVI qu'on avait persuadé que sa masse gênait les services religieux.
En 1794, après que son tombeau porté au dehors eut été saccagé par les volontaires de l'Indre croyant que son gisant est celui d'une sainte, ses restes composés uniquement de dents, de chevelure et d'une tête sont mis dans une urne et déposés dans l'ancien cimetière du chapitre.
En 1795 le 21 prairial an III, un soldat rouvre l'urne, dérobe des dents et cheveux.
En 1801, le vase funéraire est retrouvé et remis dans le tombeau restauré en 1806 par le préfet Pomereul qui décide sa mise en place dans la tourelle ou Logis royal. On l'a déplacé en 1970 dans une autre salle du château13. Le 2 avril 2005 le tombeau d'Agnès Sorel a réintégré la Collégiale Saint-Ours.

Les représentations d'Agnès Sorel

Agnès Sorel était blonde avec la peau claire. Certains de ses contemporains disent qu'entre les belles c'était la plus belle du monde. Suivant la mode de l'époque, elle portait de profonds décolletés qui laissaient voir sa poitrine.
La Vierge représentée sous les traits d'Agnès Sorel, Musée royal des beaux-arts Anvers
Les représentations qui restent d'Agnès Sorel sont :
La Vierge à l'enfant entourés d'anges de Jean Fouquet, partie droite du diptyque de Melun, conservé autrefois à la collégiale Notre-Dame de Melun et maintenant au musée des beaux arts d'Anvers Belgique. Agnès Sorel est vraisemblablement le modèle de cette Vierge Marie couronnée.
Elle est représentée avec une petite bouche, un front haut et avec un sein découvert.
son gisant : attribuée au sculpteur Jacques Morel, la statue a été restaurée en 1807. À cette occasion, la tête et les mains ont été remplacées, Voir Tombeau d'Agnès Sorel.
Les habitants de Loches et de Beaulieu-lès-Loches, deux villes alors rivales, se faisant face sur chaque rive de l'Indre, mais loin des intrigues de cour ont gardé longtemps de la jeune et charmante Agnès une image semblable de la charitable donatrice et un même souvenir de sa grande popularité.
Son légendaire pouvoir de séduction est né de ce souvenir populaire, amplifié par l'art de Touraine.

Anecdote

Depuis deux siècles, l'Hôtel Lallemant de Bourges, maintenant Musée des Arts Décoratifs, possède une mèche de cheveux bruns attribuée à Agnès Sorel, qui était blonde. L'étude effectuée en 2004/2005 sur les restes de la favorite du tombeau de Loches a permis d'authentifier la mèche de cheveux de Bourges. La couleur actuelle serait le résultat naturel du passage des siècles.

Liens

http://youtu.be/gZ1OxA9pL_g Histoire n°11 Le décolleté d'Agnès Sorel est-il vraiment un pousse au crime
http://youtu.be/KLyvr7IhEVI Le tombeau d'Agnes Sorel
http://youtu.be/Hi4bN0aAVD4 La métamorphose D'Agnes Sorel



Posté le : 07/02/2014 16:10
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Jacques 1er d'Aragon
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Le 2 février 1208 à Montpellier naît Jacques Ier d'Aragon dit le Conquérant en catalan Jaume I el Conqueridor ; Jaime I el Conquistador en castillan ; Chaime I o Conqueridor en aragonais,il et meurt à 68 ans le 27 juillet 1276 à Alcira, non loin de Valence.
Il fut roi d'Aragon, de 1213 à 1276, soit 62 ans, 10 mois et 15 jours, il a pour prédécesseur Pierre le catholique et pour successeur Pierre III le grand, il appartient à la maison de Barcelone, comte de Barcelone et seigneur de Montpellier à partir de 1213. En 1229, il devient aussi roi de Majorque, puis roi de Valence à partir de 1232.Il épouse Aliénor de Castille avec qui il aura 9 enfants Alphonse † 1260, Yolande † 1301, Constance † 1269, Pierre † 1285, Jacques † 1311, Sancha † 1262,
Isabelle † 1271, Marie † 1267, Sanche† 1275.


Jeunesse

Fils de Pierre II d'Aragon le Catholique, roi d'Aragon et de Marie, dame de Montpellier, il descend de deux prestigieux lignages : par son père, il est l'héritier des rois d'Aragon, et par sa mère il est apparenté à la famille impériale byzantine des Comnènes.
Il eut une enfance très difficile. Son père, qui s'était marié pour mettre fin aux intrigues des nobles catalans qui réclamaient un héritier, finit par répudier la reine après être parvenu à asseoir son pouvoir sur la seigneurie de Montpellier.
Il est âgé de deux ans lorsque son père conclut un mariage entre lui et Amicie, la fille de Simon de Montfort, l'infant Jacques est livré à ce dernier. Il restera reclus au château de Carcassonne.
En 1213, en pleine croisade des Albigeois, son père meurt à la bataille de Muret. Jacques devient le prisonnier de Simon de Montfort, et ce dernier ne se résigne à le libérer que grâce aux pressions du pape Innocent III. Durant le reste de sa minorité, il est confié aux templiers. Il sera élevé au château de Monzón à partir de 1215 avec son cousin Raymond-Bérenger V de Provence. Pendant ce temps, son grand-oncle Sanche d'Aragon, principal acteur de la libération de Jacques, est reconnu régent d'Aragon. Jacques hérite de la seigneurie de Montpellier à la mort de sa mère en 1213.
Orphelin, il avait six ans lorsqu'il fut reconnu roi par les cortes de Lérida en 1214. C'est dans la même ville qu'en septembre 1218, les premiers cortes généraux d'Aragon et de Catalogne se réunissent et le déclarèrent majeur.
En janvier 1221, il épouse Aliénor de Castille, fille d'Alphonse VIII de Castille, en la cathédrale de Tarazona. Le roi n'était âgé que de treize ans, elle en avait dix-neuf. Ce mariage répondait à des intérêts politiques, mais Jacques répudia son épouse en 1229, invoquant une trop proche parenté. Le 8 septembre 1235, il contracte un second mariage avec la princesse Yolande de Hongrie, fille du roi André II de Hongrie. Par le testament de son cousin Nuno Sanchez, il hérite les comtés du Roussillon et de Cerdagne en 1241.

Règne

Durant les quinze premières années de son règne, Jacques est aux prises avec la noblesse aragonaise, qui parvient même à le faire prisonnier en 1224.
En 1227, il doit faire face à une nouvelle révolte nobiliaire, dirigée par son oncle l'infant Ferdinand. Jacques ne sauve son trône que grâce à l'intervention papale par l'entremise de l'archevêque de Tortosa, les accords d'Alcala du 22 mars 1227 marquent le triomphe de la royauté sur la noblesse.
Après ces accords, la situation se stabilise suffisamment pour permettre au roi de lancer de nouvelles campagnes contre les musulmans. Les réussites du roi finiront par apaiser la noblesse.
En effet Jacques le Conquérant va beaucoup contribuer au renforcement du pouvoir royal notamment en menant avec fermeté la normalisation du droit dans chacun des territoires de la couronne d'Aragon. Il charge ainsi l'évêque d'Huesca, Vidal de Canyelles, de codifier le droit coutumier du royaume d'Aragon, entreprise qui aboutit lors des cortes d'Huesca de 1247, qui imposent un droit unique au royaume au-dessus des droits particuliers.
En Catalogne, ce sont les usages de Barcelone qui s'imposent peu à peu à tout le pays. D'autre part, il développe le système des cortes, sortes de parlements généraux réunissant des délégués nobles, ecclésiastiques et citadins autour du roi. Chacun des royaumes de la Couronne a ses propres cortes, excepté le royaume de Majorque, qui envoie des délégués aux corts de Catalogne.

Poursuite de la Reconquista

Le règne de Jacques Ier marque une nouvelle vague de progression des armées chrétiennes face aux musulmans.

Conquête de Majorque

Depuis le début des années 1220, les marchands de Barcelone, Tarragone et Tortosa demandent de l'aide au roi d'Aragon pour qu'il mette fin à la menace des pirates majorquins. En décembre 1228, une réunion de marchands barcelonais décide de financer une expédition.
Des navires sont mis à la disposition de nobles catalans qui acceptent de participer à cette aventure en échange de la concession de domaines territoriaux et la promesse d'un important butin.
Lors d'une autre réunion à Lérida, les nobles aragonais acceptent une telle entreprise, mais suggère au roi de la diriger plutôt contre les musulmans de Valence.

La conquête de Majorque par les troupes de Jacques Ier d'Aragon.

Le roi est réticent, mais n'ayant pas beaucoup à perdre, il accepte que l'expédition soit menée en son nom, tout en incitant les chevaliers aragonais à ne pas y participer, ils seront finalement très peu.
Ce sont donc en majorité des Catalans qui partent le 5 septembre 1229 à la conquête de Majorque. On compte 155 navires, 1500 chevaliers et 15 000 soldats. Le 11 septembre 1229, les troupes aragonaises débarquent à Santa Ponsa et battent celle du wali almohade Abu Yahya à la bataille de Portopi le 12 septembre 1229.
Les musulmans se retranchent alors derrière les murs de Madina Mayurqa.
Les troupes de Jacques mette le siège devant la ville le 15 septembre 1229 et finissent, après un peu plus de trois mois, par massacrer la population musulmane de la ville, en décembre 1229, en réponse aux exactions des musulmans. La quantité de cadavres était telle qu'une épidémie se déclare et décime l'armée de Jacques.
Les nobles catalans se disputent le butin, provoquant des échauffourées qui affaibliront la puissance militaire du roi.
En quelques mois, la conquête de l'île est faite, seul un petit groupe de musulmans résistera jusqu'en 1232 dans la Sierra de Tramontana. En grande majorité, les musulmans fuient vers l'Afrique lorsqu'ils ne sont pas réduits en esclavage, tandis que l'île est repeuplée par des Catalans.
Majorque devient un royaume de la Couronne d'Aragon et obtient une charte de franchise en 1230. La création de la municipalité de Majorque, devenue la ville de Palma, en 1249, a largement contribué à l'institutionnalisation du royaume.

Conquête d'Ibiza

Le roi n'était pas en mesure de conquérir Minorque en raison de divisions internes au sein de l'armée. Les musulmans minorquins acceptent néanmoins de devenir les vassaux du roi d'Aragon en 1231. La vassalité de Minorque ne devait être transférée au royaume de Majorque qu'après la conquête définitive de l'île sous le règne d'Alphonse III suite à la capitulation d'Abû Umar en 1287.
L'île est alors petit à petit repeuplée par des Catalans, en même temps que les musulmans sont peu à peu bannis.
En 1235, Jacques concentre ses efforts sur une cible plus facile, les îles d'Ibiza et Formentera sont rapidement conquises. Le roi cède la soumission à plusieurs nobles catalans, dont Guillaume de Montgri, archevêque de Tarragone et son frère Bernard de Santa Eugenia.
L'île a été repeuplée par des agriculteurs d'Ampurias à partir de 1236.

Conquête du royaume de Valence

La conquête de Valence, contrairement à celle de Majorque, a été faite avec un important contingent d'Aragon.
En 1231, Jacques rencontre Blasco de Alagon et le maître de l'ordre de l'Hôpital à Alcaniz, ensemble ils établissent les plans pour conquérir Valence. Blasco de Alagon suggère d'attaquer la population et d'éviter les fortifications. La première phase de la conquête consista à s'emparer de deux enclaves montagneuses : Morella, qui fut rapidement prise par Blasco de Alagon du fait de la faiblesse du gouvernement musulman local ; et Arès, qui fut conquise par Jacques. La conquête de ce qui plus tard allait devenir le royaume de Valence commence donc véritablement en 1232 avec la capture de Morella.
En 1233 les troupes chrétiennes prennent Burriana et Peniscola. Elles se dirigent ensuite vers le sud pour atteindre le Jucar et la ville d'Alcira, qui est conquise le 30 décembre 1242. Entre 1243 et 1245, les troupes aragonaises atteignent les limites imposées à l'Aragon par le traité d'Almizra de 1244.
Jacques Ier et l'infant Alphonse de Castille s'étaient entendus pour délimiter leurs zones respectives d'expansion dans les territoires musulmans. Les terres situées au sud de la ligne Biar-Villajoyosa sont dévolus à la Castille, y compris donc ce qui va devenir le royaume de Murcie, que le traité d'Elche de 1305 donnera à l'Aragon.
À la fin des années 1240, Jacques doit faire face à toute une série de révoltes dirigée par le seigneur musulman Al Azraq. Jacques en sort néanmoins victorieux, il parvient à convertir les terres conquises, parfois de manière assez violente, et à les intégrer dans la Couronne d'Aragon, tout en respectant un grands nombre de leurs coutumes. Ainsi Jacques Ier prète serment de respecter les fors de Valence et les pormulgue lors d'une réunion des corts valenciennes.
La création du royaume va mettre un coup d'arrêt à la conquête et même si elle permet de stabiliser les frontières, elle mécontente la noblesse aragonaise qui se voit privée de ses possibilités d'expansion en terres valenciennes.

Politique ultra pyrénéenne


Par le traité de Corbeil de 1258, Jacques Ier renonce à ses prétentions sur l'Occitanie hérités des ses ancêtres les comtes de Barcelone. En retour, le roi Louis IX de France s'engage à renoncer à ses propres prétentions sur les comtés catalans. En effet, en tant que descendants de Charlemagne, les rois de France ont toujours conservé leurs droits sur l'ancienne marche hispanique.

Conquête du royaume de Murcie

Normalement, au terme du traité d'Almizra, Murcie était sous domination castillane. Durant plus de vingt ans, la coexistence entre chrétiens et musulmans amena à une période de grande prospérité.
Toutefois, l'intolérance chrétienne face aux coutumes et traditions étant de plus en plus marquée, à partir de 1264, la région est en proie à de nombreuses révoltes des mudéjars murciens qui sont soutenues par les Nasride de Grenade et les Almohades d'Afrique.
Le roi de Castille Alphonse X le Sage ne parvient pas à imposer son autorité, si bien que sa femme la reine Yolande, fille de Jacques Ier, demande de l'aide à son père. Les troupes aragonaises entrent en Murcie fortes de 10 000 hommes, Pierre d'Aragon réussit à obtenir la victoire sur Muhammad ibn Hûd Biha al-Dawla, faisant passer Murcie dans le giron aragonais.

Dernières années

En 1262, il nomme Guillaume de Roquefeuil, lieutenant-gouverneur de Montpellier. En septembre 1269, il lève une armée et part de Barcelone pour se rendre en Terre sainte combattre Baybars. Mais leurs navires sont dispersés par une tempête et le roi est forcé de débarquer à Aigues-Mortes pour finalement renoncer à l'expédition.
Jacques Ier était présent au second concile de Lyon de 1274. Le concile délibéra des aspects financiers d'une nouvelle croisade.
On décida que pendant six années la dîme de tous les bénéfices de la chrétienté devrait revenir à la croisade. Jacques souhaitait organiser l'expédition immédiatement, mais les templiers s'y opposèrent, rendant la prise de décision difficile.
Contrarié par l'indécision des autres participants, Jacques Ier prend congé du pape et quitte le concile avec ses barons. Cette croisade n'aura finalement jamais lieu.
Le roi avait commencé à dicter ses mémoires en catalan et le Llibre dels fets deviendra la première des quatre grandes chroniques de la Couronne d'Aragon.
Après un règne de presque soixante-trois ans, le roi décède à Alcira le 27 juillet 1276. Il était âgé de soixante-huit ans.
Les restes du roi sont déposés à Sainte-Marie de Valence, ils y restent jusqu'en mai 1278, date à laquelle ils ont été transférés au monastère de Poblet, panthéon des rois d'Aragon depuis Alphonse Ier.
Cependant, après les confiscations de Mendizabal, le monastère fut abandonné et le corps de Jacques Ier fut à nouveau transféré en 1843, mais cette fois à Tarragone. Un mausolée fut construit derrière la cathédrale pour accueillir les restes du roi, il sera inauguré en 1856.
Le roi termine finalement son voyage en 1952, année qui marque le retour du corps du roi à Poblet.

Descendance

Alors qu'il est âgé de treize ans, le 6 janvier 1221, il épouse en la cathédrale de Tarazona Aliénor de Castille, fille du roi Alphonse VIII de Castille.
De ce premier mariage, est issu :
Alphonse (1222 - 1260), marié à Constance de Moncade, fille de Gaston VII de Béarn, sans descendance.
Après avoir répudié sa première femme en 1229, il épouse en secondes noces le 8 septembre 1235, Yolande de Hongrie, fille du roi André II de Hongrie.
De ce second mariage sont issus :
Yolande (1236 - 1301), mariée à Alphonse X de Castille, dont descendance ;
Constance (1239 - 1269), mariée à Jean-Emmanuel de Castille, dont descendance ;
Pierre (1240 - 1285), roi d'Aragon, marié à Constance de Sicile, fille de Manfred Ier de Sicile, dont descendance ;
Jacques (1243 - 1311), roi de Majorque, marié à Esclarmonde de Foix, fille de Roger IV de Foix, dont descendance ;
Ferdinand (1245 - 1250) ;
Sancha (1246 - 1262), religieuse ;
Isabelle (1247 - 1271), mariée à Philippe III de France, dont descendance ;
Marie (1248 - 1267), religieuse ;
Sanche (1250 - 1275), archevêque de Tolède.
Le troisième mariage de Jacques Ier est plus incertain, mais il semble que le roi ait épousé secrètement son amante, Thérèse Gil de Vidaure.
Le roi l'abandonna lorsque cette dernière contracta la lèpre. De leur liaison sont issus :
Jacques (1238 - 1285), seigneur de Jérica ;
Pierre (1240 - 1318), seigneur d'Ayerbe.

Héritage

Testaments successifs de Jacques Ier
Aragon Catalogne Valence Majorque Roussillon Montpellier
1223 Alphonse
1241 Alphonse Pierre
1244 Alphonse Pierre Jacques
1248 Alphonse Pierre Jacques Pierre Ferdinand
1253 Alphonse Pierre Alphonse Jacques Pierre Jacques
1262 Pierre Jacques

Liens
http://youtu.be/q0E2siCR-kI soirée à l'espace Jacques 1er d'Aragon à Montpellier


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Charles-Maurice De Talleyrand-Périgord 1
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Le 2 février 1754 à Paris naît Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord,

communément nommé Talleyrand, homme d'État et diplomate français, mort dans cette même ville le 17 mai 1838.
Homme de tous les régimes, de la Révolution à la Restauration, Talleyrand fit de la diplomatie un art où le cynisme s'alliait à l'efficacité. Aussi empressé à servir qu'à trahir, et indifférent au jugement de l'histoire, il s'efforça avant tout de préserver le rang de la France en Europe.


Évêque malgré lui

Issu d'une famille de la haute noblesse, souffrant d'un pied-bot, il est orienté par sa famille vers la carrière ecclésiastique en vue de lui permettre de succéder à son oncle, l'archevêque de Reims : ordonné prêtre en 1779, il est nommé en 1788 évêque d'Autun. Il renonce à la prêtrise et quitte le clergé pendant la Révolution pour mener une vie laïque.
Talleyrand occupe des postes de pouvoir politique durant la majeure partie de sa vie et sous la plupart des régimes successifs que la France connaît à l'époque : il est notamment agent général du clergé puis député aux États généraux sous l'Ancien Régime, président de l'Assemblée nationale et ambassadeur pendant la Révolution française, ministre des Relations extérieures sous le Directoire, le Consulat puis sous le Premier Empire, président du gouvernement provisoire, ambassadeur, ministre des Affaires étrangères et président du Conseil des ministres sous la Restauration, ambassadeur sous la Monarchie de Juillet. Il assiste aux couronnements de Louis XVI en 1775, Napoléon Ier en 1804 et Charles X en 1825.
Il intervient fréquemment dans les questions économiques et financières, pour lesquelles son acte le plus fameux est la proposition de nationalisation des biens du clergé. Toutefois, sa renommée provient surtout de sa carrière diplomatique exceptionnelle, dont l'apogée est le congrès de Vienne. Homme des Lumières, libéral convaincu, tant du point de vue politique et institutionnel que social et économique, Talleyrand théorise et cherche à appliquer un équilibre européen entre les grandes puissances.
Réputé pour sa conversation, son esprit et son intelligence, il mène une vie entre l'Ancien Régime et le xixe siècle. Surnommé le diable boiteux, et décrit comme un traître cynique plein de vices et de corruption, ou au contraire comme un dirigeant pragmatique et visionnaire, soucieux d'harmonie et de raison, admiré ou détesté par ses contemporains, il suscite de nombreuses études historiques et artistiques.

Origine et jeunesse, Famille de Talleyrand-Périgord.

Le père de Charles-Maurice, Charles-Daniel de Talleyrand-Périgord 1734-1788, chevalier de Saint-Michel en 1776, lieutenant général en 1784, appartient à une branche cadette de la maison de Talleyrand-Périgord, famille de haute noblesse, même si sa filiation avec les comtes de Périgord est contestée. Il vit à la cour de Versailles, désargenté, avec sa femme née Alexandrine de Damas d'Antigny, 1728-1809. Talleyrand a surtout pour oncle Alexandre Angélique de Talleyrand-Périgord 1736-1821, archevêque de Reims, puis cardinal et archevêque de Paris. Il compte parmi ses ancêtres notamment Jean-Baptiste Colbert et Étienne Marcel.
Né le 2 février 1754 au numéro 4 de la rue Garancière à Paris, Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord est baptisé le même jour.
Avant la parution de ses mémoires, plusieurs versions circulent déjà sur l'enfance de Talleyrand, en particulier sur l'origine de son pied-bot. Depuis leur divulgation en 1889, ces mémoires sont la source d'informations la plus exploitée sur cette partie de sa vie ; la version donnée par Talleyrand est cependant contestée par une partie des historiens.
Selon la version donnée par ses mémoires, il est immédiatement remis à une nourrice qui le garde quatre ans chez elle dans le faubourg Saint-Jacques, ce qui n'est pas le cas de ses frères. Toujours selon l'intéressé, il serait tombé d'une commode à l'âge de quatre ans, d'où son pied-bot : cette infirmité lui vaut de ne pas pouvoir accéder aux fonctions militaires et d'être destitué de son droit d'aînesse par ses parents qui le destinent alors à une carrière ecclésiastique. Son frère cadet, Archambault, prend sa place l'aîné des fils étant mort en bas âge.
Selon Franz Blei, dans ses mémoires, Talleyrand évoque ses parents avec une surprenante antipathie :

"Cet accident a influé sur tout le reste de ma vie ; c'est lui qui, ayant persuadé à mes parents que je ne pouvais être militaire, ou du moins l'être sans désavantage, les a portés à me diriger vers une autre profession. Cela leur parut plus favorable à l'avancement de la famille. Car dans les grandes maisons, c'était la famille que l'on aimait, bien plus que les individus, et surtout que les jeunes individus que l'on ne connaissait pas encore. Je n'aime point m'arrêter sur cette idée… je la quitte."

Mémoires de Talleyrand

Une partie des biographes, comme Jean Orieux, donnent raison à Talleyrand, qui laisse entendre que ses parents ne l'aimaient pas, ne tolérant pas qu'il fût simultanément pied bot et Talleyrand . De leur côté, ses deux frères cadets, Archambaud 1762-1838 et Boson 1764-1830, se marient avec de riches héritières de la noblesse de finance.
Il séjourne de 1758 à 1761 chez sa bisaïeule et femme délicieuse, Marie-Françoise de Rochechouart, au château de Chalais, période dont il garde un souvenir ému. Il est ensuite envoyé au collège d'Harcourt futur lycée Saint-Louis de 1762 à 1769, puis chez son oncle archevêque, où on l'incite à embrasser la carrière ecclésiastique ; il obtempère.
Cette version de son enfance est contestée par plusieurs biographes. Si Michel Poniatowski parle d'un pied-bot de naissance, Emmanuel de Waresquiel va plus loin et affirme que Talleyrand souffre d'une maladie héréditaire un de ses oncles en étant affecté, le syndrome de Marfan. Toujours selon Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand est devenu prêtre non pas à cause d'un manque d'affection de ses parents, mais de la volonté de le placer dans la succession du richissime et puissant archevêché de Reims promis à son oncle, perspective susceptible de vaincre ses réticences, son âge le plaçant comme le seul en mesure de le faire au sein de sa fratrie. Ainsi, Talleyrand n'aurait blâmé ses parents que dans le contexte de la rédaction de ses mémoires, où il devait faire apparaître sa prêtrise comme ayant été contrainte.
C'est ce qui amène Georges Lacour-Gayet à parler d'un prétendu abandon »15. Pour Franz Blei, s'il est exact qu'il n'a pas eu de maison paternelle pleine de sécurité et d'affection, il se montre injuste envers sa mère, qui n'a fait que suivre les usages d'éducation de l'époque, avant la mode de l’Émile de Jean-Jacques Rousseau ; ses parents ont aussi des charges très prenantes à la cour.

Carrière ecclésiastique

En 1770, âgé de seize ans, il entre au séminaire Saint-Sulpice, où, selon ses mémoires, il fait preuve de mauvaise humeur et se retranche dans la solitude.
Le 28 mai 1774, il reçoit les ordres mineurs. Le 22 septembre 1774, il obtient un baccalauréatN 8 en théologie à la Sorbonne. Sa thèse est acquise grâce à sa naissance plutôt qu'à son travail : elle est rédigée au moins en partie par son directeur de thèse de la Sorbonne, Charles Mannay, et il obtient une dispense d'âge qui lui permet de la présenter à 20 ans au lieu des 22 requis. À 21 ans, le 1er avril 1775, il reçoit le sous-diaconat en l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, premier ordre majeur, en dépit de ses avertissements : On me force à être ecclésiastique, on s'en repentira, fait-il savoir. Il bénéficie par la suite d'une dispense du diaconat. Peu après, le 3 mai, il devient chanoine de la cathédrale de Reims, puis, le 3 octobre, abbé commendataire de Saint-Denis de Reims, ce qui lui assure un revenu confortable.
Le 11 juin 1775, il assiste au sacre de Louis XVI, auquel participent son oncle comme coadjuteur de l'évêque consécrateur et son père comme otage de la sainte Ampoule. Cette année-là, en dépit de son jeune âge, il est député du clergé ou second ordre, et surtout promoteur de l'assemblée du clergé.
Toujours la même année, il s'inscrit à la Sorbonne et y obtient le 2 mars 1778 une licence en théologie.
Le jeune licencié rend visite à Voltaire, qui le bénit devant l'assistance. La veille de son ordination, Auguste de Choiseul-Gouffier raconte l'avoir découvert prostré et en pleurs. Son ami insiste pour qu'il renonce mais Talleyrand lui répond : Non, il est trop tard, il n'y a plus à reculer ; cette anecdote serait une invention, d'après Emmanuel de Waresquiel. Il est ordonné prêtre le lendemain, 18 décembre 1779. Le surlendemain, il célèbre devant sa famille sa première messe, et son oncle le nomme vicaire général de l'évêché de Reims.
L'année suivante, au printemps 1780, il devient, toujours grâce à son oncle, agent général du clergé de France, charge qui l'amène à défendre les biens de l'Église face aux besoins d'argent de Louis XVI. Il fait ainsi accepter en 1782 un don gratuit au roi de plus de 15 millions de livres pour couper court aux menaces de confiscation venant de la couronne.
Il intervient également dans la crise de la Caisse d'escompte de 178330 et doit gérer la colère du bas-clergé en maniant la carotte et le bâton. Tous ces travaux lui permettent de s'initier à la finance, aux affaires immobilières et à la diplomatie ; il prend connaissance de l'étendue de la richesse du clergé et noue de nombreuses relations parmi les hommes d'influence de l'époque. Élu secrétaire de l'Assemblée générale de 1785-1786, il est félicité par ses pairs à l'occasion de son rapport final.
Il fréquente et anime les salons libéraux proches des Orléans et noue de nombreuses relations dans ce milieu. Installé rue de Bellechasse, il a pour voisin Mirabeau : les deux hommes se lient d'amitié, de politique et d'affaires.
Il est alors proche de Calonne, ministre impopulaire de Louis XVI ; il participe à la négociation du traité de commerce avec la Grande-Bretagne conclu en 1786. Il fait ainsi partie des rédacteurs du plan de Calonne pour réformer complètement les finances du royaume et qui reste à l'état de projet en raison de la crise financière et du départ du ministre.
Son statut d'ancien agent général du clergé doit en principe le propulser rapidement à l'épiscopat35 alors que croissent ses besoins d'argent ; pourtant, la nomination tarde à venir. L'explication généralement donnée par les historiens est sa vie dissolue, avec son goût pour le jeu, pour le luxe, et ses maîtresses, ce qui indispose Alexandre de Marbeuf, évêque d'Autun et responsable des nominations, et qui choque Louis XVI.
Emmanuel de Waresquiel conteste cette analyse, expliquant cette attente par la notoriété de ses amitiés orléanistes hostiles au clan de la reine et par la perte d'influence de sa famille.
Le 2 novembre 1788, il est finalement nommé évêque d'Autun, grâce à la requête que son père mourant a adressée à Louis XVI. Cela le corrigera, aurait déclaré le roi en signant la nomination. Le 3 décembre, il reçoit également le bénéfice de l'Abbaye Royale de Celles-sur-Belle. Il est sacré le 16 janvier 1789 par Mgr de Grimaldi, évêque de Noyon. Ernest Renan raconte, parlant d’un de ses professeurs à Saint-Sulpice :
M. Hugon avait servi d'acolyte au sacre de M. de Talleyrand à la chapelle d'Issy, en 1788. Il paraît que, pendant la cérémonie, la tenue de l'abbé de Périgord fut des plus inconvenantes. M. Hugon racontait qu'il s'accusa, le samedi suivant, en confession, d'avoir formé des jugements téméraires sur la piété d'un saint évêque .
— Ernest Renan, Souvenirs d’enfance et de jeunesse
Après une campagne courte et efficace, il est élu le 2 avril député du clergé d'Autun aux états généraux de 1789.
Le 12 avril au matin, un mois après être arrivé et esquivant la messe de Pâques, Talleyrand quitte définitivement Autun et rentre à Paris pour l'ouverture des états généraux, le 5 mai, qui marque le début de la Révolution française.

Révolution Constituante

Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789
Durant les états généraux, Talleyrand se rallie au tiers état le 26 juin, avec la majorité du clergé et la veille de l'invitation de Louis XVI à la réunion des ordres. Le 7 juillet, il demande la suppression des mandats impératifs ; le 14 juillet 1789 renouvelé le 15 septembre, il est le premier membre nommé au comité de constitution de l'Assemblée nationale. Il est ainsi signataire de la Constitution présentée au roi et acceptée par celui-ci le 14 septembre 1791 et est l'auteur de l'article VI de la déclaration des droits de l'Homme, qui lui sert de préambule :
La loi est l'expression de la volonté générale. […] Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.
— Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789
Le 10 octobre 1789, il dépose une motion auprès de l'Assemblée constituante, qui propose d'utiliser les grands moyens pour renflouer les caisses de l'État : la nationalisation des biens de l'Église. Selon lui :
Le clergé n'est pas propriétaire à l'instar des autres propriétaires puisque les biens dont il jouit et dont il ne peut disposer ont été donnés non pour l'intérêt des personnes mais pour le service des fonctions.
Défendu par Mirabeau, le projet est voté le 2 novembre. Fêté par Le Moniteur, couvert d'injures dans des pamphlets50, « faisant l'horreur et le scandale de toute sa famille, Talleyrand devient pour une partie du clergé celui qui a trahi son ordre, son ancien poste de brillant Agent général le rendant d'autant plus détestable à ceux pour qui il est l'apostat. Le 28 janvier 1790, il propose d'accorder le statut de citoyen aux juifs, ce qui donne de nouveaux arguments aux pamphlétaires.
Le 16 février, il est élu président de l'Assemblée avec 373 voix contre 125 à Sieyès. Alors que la Constitution va être adoptée, Talleyrand et les royalistes constitutionnels sont alors à l'apogée de leur influence sur la Révolution.

Talleyrand propose à l'Assemblée constituante le 7 juin 1790 le principe d'une fête célébrant l'unité des Français, où les gardes nationaux serviraient de représentants : la fête de la Fédération, sur le Champ-de-Mars. Nommé à cet office par le roi, il célèbre la messe devant 300 000 personnes le 14 juillet 1790, même s'il est peu familier de l'exercice; montant sur l'estrade supportant l'autel, il aurait dit à La Fayette : Par pitié, ne me faites pas rire .
En mars 1790, il propose l'adoption du système d'unification des mesures.
Le 28 décembre 1790, Talleyrand prête serment à la constitution civile du clergé, puis démissionne de sa charge épiscopale au milieu du mois de janvier 1791, sous le prétexte de son élection comme administrateur du département de Paris. Pourtant, comme les deux premiers évêques constitutionnels, Louis-Alexandre Expilly de La Poipe, évêque du Finistère, et Claude Marolles, évêque de l'Aisne n'arrivent pas à trouver d'évêque pour les sacrer, Talleyrand est obligé de se dévouer. Il manœuvre deux évêques les prélats in partibus de Lydda, Jean-Baptiste Gobel et de Babylone, Jean-Baptiste Miroudot du Bourg pour l'assister : le sacre a lieu le 24 février 1791, suivi par quatorze autres, les nouveaux évêques étant parfois appelés talleyrandistes.
Peu après, dans le bref Quod aliquantum du 10 mars 1791, puis Caritas du 13 avril 1791, le pape Pie VI exprime sa douleur devant cet acte schismatique et prend en compte la démission de Talleyrand de sa charge, le menaçant d'excommunication sous quarante jours s'il ne revient pas à résipiscence.
Durant l'année 1791, alors que meurt son ami Mirabeau, il dirige la rédaction d'un important rapport sur l'instruction publique, qu'il présente à l'assemblée constituante juste avant sa dissolution, les 10, 11 et 19 septembre et qui provoque la création de l'Institut de France.
Alors qu'il n'est plus député, du 24 janvier au 10 mars 1792, Talleyrand est envoyé en mission diplomatique à Londres, pour des achats de chevaux et afin de prendre la température sur une possible neutralité des Britanniques, tout en menant discrètement des négociations sur la rétrocession de Tobago. Il y retourne le 29 avril avec François Bernard Chauvelin. En dépit de l'atmosphère hostile, ils obtiennent la neutralité le 25 mai.
Talleyrand rentre à Paris le 5 juillet et, le 28, démissionne de son poste d'administrateur du département de Paris.

Exil.

À la suite de la journée du 10 août 1792, anticipant la Terreur, il demande à être renvoyé à Londres. Le 7 septembre, il arrache un ordre de mission à Danton, en pleins massacres de Septembre, sous le prétexte de travailler à l'extension du système de poids et de mesures.
Cela lui permet de prétendre qu'il n'a pas émigré : Mon véritable but était de sortir de France, où il me paraissait inutile et même dangereux pour moi de rester, mais d'où je ne voulais sortir qu'avec un passeport régulier, de manière à ne m'en pas fermer les portes pour toujours.
Il part le 10 septembre.
Le 5 décembre, un décret d'accusation est porté contre le ci-devant évêque d'Autun après l'ouverture de l'armoire de fer qui révèle les liens entre lui, Mirabeau et la famille royale; se gardant bien de revenir en France, Talleyrand est porté sur la liste des émigrés à sa parution, par arrêté du 29 août 1793.
Affirmant être là pour vendre sa bibliothèque, il vit paisiblement à Kensington pendant toute l'effroyable année 1793, fréquente les constitutionnels émigrés, noue des relations avec des Anglais influents et souffre à la fois du manque d'argent et de la haine des premiers émigrés. Fin janvier 1794, on lui annonce que le roi George III ordonne son expulsion, en vertu de l'alien bill, loi sur les étrangers. Il part en mars 1794 et se réfugie aux États-Unis pendant deux ans, vivant à Philadelphie, New York et Boston.
Là, il cherche à faire fortune, grâce à la spéculation sur les terrains, prospectant dans les forêts du Massachusetts. Il arme même un navire pour commercer avec l'Inde, mais pense surtout à revenir en France.
Juste après la Terreur, il adresse à la Convention thermidorienne, le 15 juin 1795, une pétition plaidant sa cause; dans le même temps, Germaine de Staël, avec qui Talleyrand correspond, fait en sorte que Marie-Joseph Chénier réclame son retour à l'Assemblée. Par un discours du 4 septembre 1795, ce dernier obtient la levée du décret d'accusation à l'encontre de Talleyrand. Il est rayé de la liste des émigrés et, après avoir fait escale à Hambourg et Amsterdam, retrouve la France du jeune Directoire le 20 septembre 1796.

Directoire

Peu après son arrivée, Talleyrand entre à l'Institut de France, où il a été élu le 14 décembre 1795 à l'Académie des sciences morales et politiques avant même son départ des États-Unis ; il publie deux essais sur la nouvelle situation internationale, fondés sur ses voyages hors de France.
Il participe à la fondation du Cercle constitutionnel, républicain, en dépit de ses amitiés orléanistes et de l'hostilité des conventionnels, qui voient en lui un contre-révolutionnaire.
N'arrivant pas à se faire nommer ministre des Relations extérieures à la place de Charles Delacroix, envoyé comme ambassadeur auprès de la République batave, il fait jouer l'influence de plusieurs femmes, surtout son amie Germaine de Staël. Cette dernière fait le siège de Barras, le plus influent des directeurs, qu'elle supplie dans des scènes enflammées, finissant par obtenir son accord. Talleyrand préfère raconter dans ses mémoires qu'arrivant pour dîner chez Barras, il le découvre effondré par la noyade de son aide de camp et le console longuement, d'où la bienveillance du directeur à son égard. Dans le jeu des nominations du remaniement du 16 juillet 1797, qui intervient dans les prémices du coup d'État du 18 Fructidor, Barras obtient l'accord des autres Directeurs, qui sont pourtant hostiles à l'ancien évêque.
Lors de sa nomination, Talleyrand aurait dit à Benjamin Constant : Nous tenons la place, il faut y faire une fortune immense, une immense fortune. De fait, et dès cet instant, cet homme d'infiniment d'esprit, qui manquait toujours d'argent, prend l'habitude de recevoir d'importantes sommes d'argent de l'ensemble des États étrangers avec lesquels il traite. Fin 1797, il provoque même un incident diplomatique en faisant demander des pots-de-vin à trois envoyés américains : c'est l'affaire XYZ qui provoque la quasi-guerre.
M. de Talleyrand évaluait lui-même à soixante millions ce qu'il pouvait avoir reçu en tout des puissances grandes ou petites dans sa carrière diplomatique.
Dès sa nomination, Talleyrand écrit à Napoléon Bonaparte :
J'ai l'honneur de vous annoncer, général, que le Directoire exécutif m'a nommé ministre des Relations extérieures. Justement effrayé des fonctions dont je sens la périlleuse importance, j'ai besoin de me rassurer par le sentiment de ce que votre gloire doit apporter de moyens et de facilité dans les négociations. Le nom seul de Bonaparte est un auxiliaire qui doit tout aplanir.
Je m'empresserai de vous faire parvenir toutes les vues que le Directoire me chargera de vous transmettre, et la renommée, qui est votre organe ordinaire, me ravira souvent le bonheur de lui apprendre la manière dont vous les aurez remplies.

La lettre de Bonaparte sur Talleyrand

Séduit par le personnage, Bonaparte écrit au Directoire pour lui signifier que le choix de Talleyrand fait honneur à son discernement. Une importante correspondance suit ; dans celle-ci, Bonaparte exprime très tôt le besoin de renforcer l'exécutif. Il n'en fait qu'à sa tête en Italie : le traité de Campo-Formio est signé le 17 octobre 1797 et Talleyrand le félicite malgré tout. Le 6 décembre, les deux hommes se rencontrent pour la première fois, alors que Bonaparte revient couvert de gloire de la campagne d'Italie. Le 3 janvier 1798, Talleyrand donne une fête somptueuse en son honneur en l'hôtel de Galliffet, où est installé le ministère.
Il incite Bonaparte à tenter l'expédition d'Égypte et favorise son départ, tout en refusant de s'y impliquer activement, ne se rendant pas comme convenu avec Bonaparte à Constantinople, et provoquant ainsi la colère du général.
Le Directoire, en particulier Jean-François Reubell qui déteste Talleyrand, traite lui-même les affaires importantes et l'utilise comme un exécutant. La politique de Talleyrand, qui va parfois à l'encontre même de celle des directeurs, a pour but de rassurer les États européens et d'obtenir l'équilibre et la paix ; il fait part de ses réserves sur la politique de libération des pays conquis.
Il prend possession de l'administration des Affaires étrangères, qu'il garnit d'hommes travailleurs, efficaces, discrets et fidèles, même si c'est le Directoire qui choisit les ambassadeurs, sans même le consulter.
Il prend des contacts avec Sieyès et avec les généraux Joubert qui meurt peu après, Brune, puis Bonaparte lorsqu'il revient d'Égypte, dans l'optique du renversement du Directoire. Le 13 juillet 1799, prenant pour prétexte les attaques menées contre lui par la presse et par un obscur adjudant-général qui lui intente un procès et le gagne, il démissionne du ministère qu'il quitte le 20 juillet.
Il se consacre à la préparation du coup d'État du 18 Brumaire, 9 novembre 1799 en conspirant contre le Directoire avec Bonaparte et Sieyès. Le jour dit, il est chargé de réclamer sa démission à Barras : il y parvient si bien qu'il conserve par-devers lui la compensation financière qui était destinée à ce dernier.

Période napoléonienne Consulat

Après le coup d'État, il retrouve son rôle de ministre face aux cours européennes peu mécontentes de la fin du Directoire. Bonaparte et Talleyrand s'accordent sur le fait que les affaires étrangères relèvent du domaine exclusif du Premier Consul : le ministre ne rend compte qu'à Bonaparte. Pour François Furet, Talleyrand est pendant presque huit ans ... le second rôle du régime.
Bonaparte accède aux vues de Talleyrand et écrit amicalement au roi de Grande-Bretagne, puis à l'empereur d'Autriche, qui refusent de façon prévisible les propositions de réconciliation, sans même accuser réception des lettres.
Le tsar de Russie Paul Ier se montre plus favorable : un traité est négocié et signé. Cependant, Paul Ier est assassiné en 1801 par un groupe d’ex-officiers. Son fils Alexandre Ier lui succède.
Les traités de Mortefontaine du 30 septembre 1800 pour la pacification des relations avec les États-Unis, et de Lunéville du 9 février 1801 pour la paix avec l'Autriche vaincue à Marengo, ainsi que la paix d'Amiens du 25 mars 1802 avec le Royaume-Uni et l'Espagne, sont négociés principalement par Napoléon et Joseph Bonaparte : d'après Mme Grand, le Premier Consul a tout fait, tout rédigé. Même s'il désapprouve la méthode brutale de négociation, Talleyrand approuve la paix générale, dont les négociations lui permettent de surcroît de gagner beaucoup d'argent, grâce à des trucages et pots-de-vin divers.
Il manœuvre les Italiens afin qu'ils élisent Bonaparte président de la République italienne.
Il continue également de réformer l'administration des Affaires étrangères. Les espoirs du ministre sont cependant déçus :
La paix d'Amiens était à peine conclue, que la modération commença à abandonner Bonaparte ; cette paix n'avait pas encore reçu sa complète exécution, qu'il jetait déjà les semences de nouvelles guerres qui devaient après avoir accablé l'Europe et la France, le conduire lui-même à sa ruine.

Mémoires de Talleyrand

La même année, il achète le château de Valençay, encore sur injonction de Bonaparte et avec son aide financière. Le domaine s'étend sur environ 200 km, ce qui en fait l'une des plus grandes propriétés privées de l'époque. Talleyrand y séjourne régulièrement, en particulier avant et après ses cures thermales à Bourbon-l'Archambault.
En 1804, face à l'augmentation du nombre d'attentats perpétrés par des royalistes contre Bonaparte, Talleyrand joue un rôle d'instigateur ou de conseiller dans l'exécution du duc d'Enghien, rôle dont l'importance suscitera un débat durant la Restauration suite aux accusations de Savary : selon Barras, Talleyrand conseille à Bonaparte de mettre entre les Bourbons et lui un fleuve de sang; selon Chateaubriand, il inspira le crime.
Le 21 mars, alors que l'arrestation du duc n'est pas encore connue, Talleyrand déclare à l'assistance, à deux heures du matin :

"Le dernier Condé a cessé d'exister. Dans ses mémoires, Bonaparte indique que c'est Talleyrand qui l'a décidé à arrêter le duc d'Enghien, mais revendique l'exécution comme sa décision personnelle. À la Restauration, en 1814, Talleyrand fait disparaître tous les documents se rapportant à cette affaire; il nie par la suite avoir pris part à cette exécution, dans une annexe de ses mémoires."

Empire

Nommé grand chambellan le 11 juillet 1804, Talleyrand, qui a poussé Bonaparte à instituer l'hérédité du pouvoir, assiste le 2 décembre au sacre de Napoléon Ier.
Il est également nommé grand cordon de la Légion d'honneur le 1er février 1805, dans la première promotion.
En 1805 commence la campagne d'Autriche. Talleyrand suit l'empereur dans ses trajets à travers l'Europe. À son arrivée à Strasbourg, il assiste à une violente crise de ce dernier, qui pour Georges Lacour-Gayet s'apparente à une crise d'épilepsie. Au lendemain de la victoire d'Ulm, il envoie de Strasbourg un rapport à l'empereur sur la nécessaire modération à observer vis-à-vis de l'Autriche afin d'instaurer un équilibre entre les quatre (France, Royaume-Uni, Autriche, Russie — auxquels
s'ajoute la Prusse. Après l'éclatante victoire d'Austerlitz et l'écrasante défaite de Trafalgar, Talleyrand signe à contrecœur,selon Metternich, il commence à envisager sa démission le traité de Presbourg 26 décembre 1805, annonçant la création de la Confédération du Rhin, qu'il rédige sur ordre de l'empereur mais où il essaie d'adoucir les conditions imposées à l'Autriche. En accordant dix pour cent de rabais et des délais sur les sanctions financières, il mécontente Napoléon, qui le suspecte d'avoir été corrompu :
L'Autriche, dans l'état de détresse où elle était réduite, ne pouvait que subir les conditions imposées par le vainqueur. Elles étaient dures, et le traité fait avec M. d'Haugwitz rendait pour moi impossible de les adoucir sur d'autres articles que celui des contributions. …Napoléon m'écrivit à quelque temps de là : "Vous m'avez fait à Presbourg un traité qui me gêne beaucoup."

Mémoires de Talleyrand

En 1806, il reçoit le titre de prince de Bénévent, État confisqué au pape où il ne se rend pas une seule fois, se contentant d'envoyer un gouverneur.
Le 12 juillet de la même année, il signe le traité créant la Confédération du Rhin, prolongeant la volonté de Napoléon par ses nombreuses négociations. Amorçant la critique de la politique guerrière de ce dernier sans oser le défier, il est toujours déçu dans ses conseils de modération, en particulier par la proclamation du blocus continental, le 21 novembre 1806. Étant en contact permanent avec l'Autriche dans l'espoir d'un rapprochement, il commence à communiquer des informations au tsar Alexandre Ier via son ami le duc de Dalberg. En 1807, après une série de victoires de Napoléon, Eylau, Dantzig, Heilsberg, Guttstadt, Friedland, il rédige se contente de tenir la plume et signe le traité de Tilsit.
Il se déclare indigné par le traitement réservé aux vaincus, en particulier la reine de Prusse, et mécontent d'être un ministre des Relations extérieures sans emploi . Il prend certainement à cette occasion la décision de démissionner de son poste de ministre à son retour de Varsovie, voire l'annonce dès cet instant à Napoléon.
Cela ne l'empêche pas de favoriser le rapprochement entre ce dernier et Marie Walewska. Sa démission est effective le 10 août 1807. Le 14, il est nommé vice-grand-électeur de l'Empire.
Talleyrand se détache peu à peu de l'empereur, mais reste cependant son conseiller : il lui déconseille fortement d'entamer la guerre en Espagne, en exposant l'immoralité et les dangers d'une pareille entreprise. L'empereur ne tient pas compte de l'avertissement et capture par la ruse les infants d'Espagne, puis confie leur garde à Talleyrand, qui les loge durant sept ans à Valençay, hospitalité qui se révèle agréable aux prisonniers.
En septembre 1808, Napoléon le charge de le seconder à l'entrevue d'Erfurt avec le tsar de Russie, sans ignorer que Talleyrand est hostile à l'alliance qu'il cherche, lui préférant la voie autrichienne. Pendant les discussions en marge des entrevues entre les deux empereurs, Talleyrand va jusqu'à déconseiller à Alexandre de s'allier avec Napoléon, en lui déclarant : Sire, que venez-vous faire ici ? C'est à vous de sauver l'Europe, et vous n'y parviendrez qu'en tenant tête à Napoléon.
Le peuple français est civilisé, son souverain ne l'est pas ; le souverain de la Russie est civilisé, son peuple ne l'est pas ; c'est donc au souverain de la Russie d'être l'allié du peuple français, puis le Rhin, les Alpes, les Pyrénées sont la conquête de la France ; le reste est la conquête de l'Empereur ; la France n'y tient pas. C'est la trahison d'Erfurt, fourberie pour Georges Lacour-Gayet qu'il détaille longuement dans ses mémoires, affirmant avoir manœuvré l'un et l'autre empereur pour préserver l'équilibre européen, à Erfurt, j'ai sauvé l'Europe d'un complet bouleversement et qui lui vaudra plus tard l'inimitié des bonapartistes.
Pour l'heure, Napoléon, qui ignore le sabotage, est surpris du manque de réussite de ses discussions avec Alexandre, et l'alliance ne se fait pas, la convention étant devenue insignifiante.
Alors que l'on reste sans nouvelles de l'empereur depuis l'Espagne, où la guérilla fait rage, et que la rumeur de sa mort se répand, Talleyrand intrigue au grand jour avec Joseph Fouché pour offrir la régence à l'impératrice Joséphine, en cherchant le soutien de Joachim Murat. Le 17 janvier 1809, en Espagne, Napoléon apprend la conjuration et accourt à Paris, arrivant le 23. Le 28, durant trente minutes, il abreuve Talleyrand d'injures ordurières à l'issue d'un conseil restreint de circonstance, la phrase célèbre vous êtes de la merde dans un bas de soie n'est peut-être pas prononcée en cette circonstance, l'accuse de trahison et lui retire son poste de grand chambellan. Talleyrand est convaincu d'être arrêté, mais reste impassible : il aurait dit à la sortie dudit conseil : Quel dommage, Messieurs, qu'un aussi grand homme ait été si mal élevé.
Au contraire de Fouché qui joue profil bas, il se présente toujours à la cour et ce dès le lendemain de la fameuse scène, fait jouer les femmes auprès de Napoléon mais ne dissimule pas son opposition :

"Napoléon avait eu la maladresse et on en verra plus tard la conséquence d'abreuver de dégoût ce personnage si délié, d'un esprit si brillant, d'un goût si exercé et si délicat, qui, d'ailleurs, en politique lui avait rendu autant de services pour le moins que j'avais pu lui en rendre moi-même dans les hautes affaires de l'État qui intéressaient la sûreté de sa personne. Mais Napoléon ne pouvait pardonner à Talleyrand d'avoir toujours parlé de la guerre d'Espagne avec une liberté désapprobatrice. Bientôt, les salons et les boudoirs de Paris devinrent le théâtre d'une guerre sourde entre les adhérents de Napoléon d'une part, Talleyrand et ses amis de l'autre, guerre dont l'épigramme et les bons mots étaient l'artillerie, et dans laquelle le dominateur de l'Europe était presque toujours battu.

Mémoires de Joseph Fouché

Menacé d'exil avec son comparse, voire dans sa vie, il n'est finalement pas inquiété, conserve ses autres postes et l'empereur le consulte toujours. Pour Jean Orieux, il est pour Napoléon insupportable, indispensable et irremplaçable : Talleyrand travaille à son divorce et à son remariage, en lui suggérant le mariage autrichien, qu'il plaide dans le conseil extraordinaire du 28 janvier 1810. Il est alors gêné financièrement, du fait de la perte de ses charges et du coût de l'hébergement des infants d'Espagne, que la dotation de Napoléon ne couvre pas complètement. La faillite de la banque Simons, dans laquelle il perd un million et demi, le met alors dans une position si délicate qu'il sollicite en vain un prêt au tsar. Il reçoit cependant toujours des pots-de-vin et en vient à vendre une nouvelle fois sa bibliothèque. En 1811, Napoléon finit par le sortir de ses ennuis financiers en lui achetant l'hôtel Matignon ; deux ans plus tard, Talleyrand déménage dans l'hôtel de Saint-Florentin.
En 1812, dans le cadre de la préparation de la campagne de Russie, Napoléon pense emprisonner préventivement Fouché et Talleyrand, tout en envisageant d'envoyer ce dernier comme ambassadeur en Pologne. Talleyrand accueille la nouvelle de la retraite de Russie en déclarant : c'est le commencement de la fin ; il intensifie ses relations d'intrigue. En décembre 1812, Talleyrand incite sans succès Napoléon à négocier la paix et à accorder d'importantes concessions ; il refuse le poste de ministre des Relations extérieures que lui propose à nouveau l'empereur.
Il écrit à Louis XVIII via son oncle, début d'une correspondance qui dure toute l'année 1813 ; la police impériale intercepte certaines lettres et l'empereur pense l'exiler et le poursuivre en justice. Pourtant Napoléon suit toujours ses conseils : en décembre 1813, il accepte sur ses instances le retour des Bourbons sur le trône d'Espagne, et lui propose de nouveau le poste de ministre des Relations extérieures, se voyant opposer un nouveau refus. Le 16 janvier 1814, Napoléon, durant une nouvelle scène, est sur le point de le faire arrêter ; le 23 janvier, il le nomme pourtant au conseil de régence. Ils se voient pour la dernière fois le surlendemain, à la veille du départ de l'empereur pour une campagne militaire désespérée.
Le 28 mars 1814, alors que les Alliés menacent Paris, le conseil de régence décide l'évacuation de la cour, qui a lieu les deux jours suivants.
Le 30 mars au soir, Talleyrand exécute une manœuvre habile pour rester, et en maître, à Paris : il fait en sorte qu'on l'empêche de passer la barrière de Passy puis, durant la nuit, négocie la capitulation du maréchal Marmont, qui dirige la défense de la ville.
Le lendemain, 31 mars, Talleyrand dévoile son 18 Brumaire à l'envers, alors que les Alliés entrent dans Paris : ce soir-là, le roi de Prusse et le tsar arrivent à son hôtel particulier, et ce dernier y loger. Il plaide auprès d'eux le retour des Bourbons et, répondant à leurs doutes, propose de consulter le Sénat : Le tsar acquiesça ; la Restauration était faite.

Première Restauration Gouvernement Provisoire de 1814.

Le 1er avril 1814, le Sénat conservateur élit Talleyrand à la tête d'un gouvernement provisoire qui fait dire à Chateaubriand qu'il y plaça les partners de son whist. Le lendemain, le Sénat déchoit l'empereur de son trône, ce dernier négociant encore avec les Alliés pour une abdication en faveur de son fils et une régence de Marie-Louise. Napoléon Bonaparte est finalement perdu par la défection de Marmont et abdique le 6 avril. Talleyrand fait saisir toute sa correspondance avec ce dernier191.
Il applique immédiatement ses idées libérales et fait en sorte de rétablir une vie normale pour le pays :
Il fait rendre les conscrits des dernières levées napoléoniennes à leur famille, libérer les prisonniers politiques et les otages, échanger les prisonniers de guerre, il rétablit la liberté de circulation des lettres, facilite le retour du Pape à Rome et celui des princes espagnols à Madrid, rattache les agents de la police générale de l'Empire, devenus odieux, à l'autorité des préfets.
Il s'efforce surtout de rassurer tout le monde et maintient autant que faire se peut tous les fonctionnaires dans leur poste. Deux préfets seulement sont remplacés.

Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand, le prince immobile

Sa position est difficile, surtout à Paris : les Alliés occupent la ville, les royalistes et les bonapartistes ne reconnaissent pas le gouvernement provisoire. Il use d'expédients pour financer ce dernier.
Pendant les premiers jours d'avril, lui, son gouvernement et le Sénat rédigent à la va-vite une nouvelle constitution, qui consacre une monarchie parlementaire bicamérale, organise l'équilibre des pouvoirs, respecte les libertés publiques et déclare la continuité des engagements contractés sous l'Empire.
Le 12 avril, le comte d'Artois entre dans Paris et s'installe, en même temps que le gouvernement, aux Tuileries, à cette occasion, Talleyrand lui fait attribuer la déclaration selon laquelle il n'y a qu'un Français de plus. Le 14, le Sénat défère l'autorité formelle sur le gouvernement provisoire au comte d'Artois, qui accepte pour son frère les bases de la Constitution, mais avec certaines restrictions.
Après le traité de Fontainebleau du 11 avril, Talleyrand signe le 23 la convention d'armistice avec les Alliés, dont il juge les conditions douloureuses et humiliantes la France revient aux frontières naturelles de 1792 et abandonne 53 places fortes, mais sans alternative, dans une France épuisée d'hommes, d'argent et de ressources .
Le gouvernement provisoire ne dure qu'un mois.
Le 1er mai, Talleyrand rejoint Louis XVIII à Compiègne, où celui-ci lui fait faire antichambre plusieurs heures, puis lui déclare au cours d'un entretien glacial :
Je suis bien aise de vous voir ; nos maisons datent de la même époque. Mes ancêtres ont été les plus habiles ; si les vôtres l'avaient été plus que les miens, vous me diriez aujourd'hui : prenez une chaise, approchez-vous de moi, parlons de nos affaires ; aujourd'hui, c'est moi qui vous dis : asseyez-vous et causons.
Dans la même conversation, Louis XVIII lui aurait demandé comment il a pu voir la fin de tant de régimes, ce à quoi Talleyrand aurait répondu :
Mon Dieu, Sire, je n'ai vraiment rien fait pour cela, c'est quelque chose d'inexplicable que j'ai en moi et qui porte malheur aux gouvernements qui me négligent.

Louis XVIII n'accepte pas la Constitution sénatoriale : il préfère accorder à ses sujets la Charte constitutionnelle qui reprend les idées libérales proposées mais rejette l'équilibre des pouvoirs, le roi en accordant aux deux chambres. Le 13 mai, Talleyrand, déçu dans son ambition de présider le ministère, est nommé ministre des Affaires étrangères.
Le 30 mai, il signe le traité de Paris, qu'il a négocié : la paix entre la France et les Alliés, le retour aux frontières de 1792 plus quelques villes, une part de la Savoie et les anciens comtats pontificaux et l'annonce du congrès de Vienne, dont les bases sont posées. Parmi les dispositions, la France s'engage à abolir la traite négrière dans les cinq ans, reprenant ainsi la loi du 29 mars 1815 que Napoléon avait promulgué, à son retour de l’île d’Elbe et les œuvres d'art pillées par Bonaparte restent en France ; il est fait chevalier de l'ordre de la Toison d'or. La principauté de Bénévent est rendue au pape : le roi le fait prince de Talleyrand et pair de France.
Le 8 septembre, il défend le budget devant la chambre des pairs. Pour la première fois, comme en Angleterre, l'État se voit dans l'obligation de payer toutes les dettes qu'il contracte.

Congrès de Vienne

Louis XVIII le charge logiquement de représenter la France au congrès de Vienne et approuve les instructions que Talleyrand a proposées; il part avec quatre objectifs, les dispositions concernant la France ayant déjà été réglées par le Traité de Paris :
prévenir les vues de l'Autriche sur la Sardaigne ;
faire en sorte que Naples revienne à Ferdinand IV de Bourbon ;
défendre la Pologne face à la Russie ;
empêcher la Prusse de mettre la main sur la Saxe et la Rhénanie.
Le 16 septembre 1814 débutent les tractations informelles du congrès de Vienne.
Talleyrand, qui y est assisté par le duc de Dalberg, le marquis de la Tour du Pin et le comte de Noailles, y arrive le 23 septembre, l'ouverture étant prévue pour le 1er octobre. Tenu à l'écart des principales réunions qui ont lieu entre les quatre pays, Royaume-Uni, Autriche, Prusse, Russie qui ont déjà approuvé un protocole le 22 septembre, il est cependant invité à une discussion le 30 septembre où Metternich et Hardenberg emploient les mots puissances alliées.
Il réagit alors :
Alliées…, dis-je, et contre qui ? Ce n'est plus contre Napoléon : il est à l'île d'Elbe… ; ce ne n'est plus contre la France : la paix est faite… ; ce n'est sûrement pas contre le roi de France : il est garant de la durée de cette paix. Messieurs, parlons franchement, s'il y a encore des puissances alliées, je suis de trop ici. … Et cependant, si je n'étais pas ici, je vous manquerais essentiellement. Messieurs, je suis peut-être le seul qui ne demande rien. De grands égards, c'est là tout ce que je veux pour la France. Elle est assez grande par ses ressources, par son étendue, par le nombre et l'esprit de ses habitants, par la contiguïté de ses provinces, par l'unité de son administration, par les défenses dont la nature et l'art ont garanti ses frontières. Je ne veux rien, je vous le répète ; et je vous apporte immensément. La présence d'un ministre de Louis XVIII consacre ici le principe sur lequel repose tout l'ordre social. … Si, comme déjà on le répand, quelques puissances privilégiées voulaient exercer sur le congrès un pouvoir dictatorial, je dois dire que, me renfermant dans les termes du traité de Paris, je ne pourrais consentir à reconnaître dans cette réunion aucun pouvoir suprême dans les questions qui sont de la compétence du congrès, et que je ne m'occuperais d'une proposition qui viendrait de sa part.

Mémoires de Talleyrand

Talleyrand provoque la colère des quatre Metternich déclare : nous aurions mieux fait de traiter nos affaires entre nous !.
Le 3 octobre, il menace de ne plus assister à aucune conférence, se pose en défenseur des petites nations qui assistent à partir de ce moment aux délibérations et exploite les divisions qui se font jours entre les quatre. Appuyé par le Royaume-Uni et l'Espagne, il obtient ainsi que les procès-verbaux des précédentes réunions soient annulés. Le congrès s'ouvre finalement le 1er novembre.
Pour Jean Orieux, aucun sujet important n'est abordé dans les réunions officielles tout se passe dans les salons ; les petites nations se lassent et finissent par ne plus y assister. Talleyrand reste alors que les véritables délibérations commencent il intègre le comité des grandes puissances le 8 janvier : C'est ainsi que le comité des Quatre devint le comité des Cinq.
Il s'allie à l'Autriche et au Royaume-Uni : un traité secret est signé le 3 janvier 1815, ce qui lui permet d'écrire, triomphant, à Louis XVIII : Maintenant, Sire, la coalition est dissoute, et elle l'est pour toujours. La France n'est plus isolée en Europe... . Par là, il s'oppose à la Prusse et à la Russie : la première n'obtient qu'un morceau de la Saxe et la seconde qu'une partie de la Pologne, qu'elles se partagent.
En effet, Talleyrand est partisan d'une Allemagne fédérale qui soit le centre d'équilibre entre les différentes puissances, en particulier la Prusse et l'Autriche. La Prusse et la France se retrouvent avec une frontière en commun, ce qui lui est reproché par une partie des biographes comme la source des guerres franco-allemandes futures ;il est défendu par d'autres. Talleyrand signe l'acte final du congrès le 9 juin 1815.
En échange de la restitution de la principauté de Bénévent, Talleyrand obtient également une compensation financière et le titre de duc de Dino du roi rétabli Ferdinand des Deux-Siciles, qu'il transmet à son neveu, et par là à sa nièce Dorothée, qui a brillé durant le congrès.

Seconde Restauration

Au terme du Congrès, la France conserve ses conquêtes de 1792, mais Napoléon Ier revient de l'île d'Elbe, porté en triomphe par les Français, ce qui ruine l'opinion des Alliés à leur sujet. Talleyrand est approché par Montrond, chargé par Napoléon de le joindre à sa cause ; il refuse, bien qu'il soit en très mauvais termes avec Louis XVIII, désormais en exil. Attendant la défaite de Napoléon c'est une question de semaines, il sera vite usé, il tarde cependant à rejoindre le roi à Gand.
Après la bataille de Waterloo, le 23 juin, il arrive à Mons où se trouve le roi.
D'après Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand presse le roi, au cours d'une réunion orageuse, de renvoyer son conseiller Blacas, d'accepter une constitution plus libérale et de se distinguer des Alliés, mais n'obtient que le départ de Blacas; d'après Georges Lacour-Gayet, il refuse de se rendre chez le roi, Chateaubriand jouant les intermédiaires. Prenant de court Talleyrand qu'il disgracie de colère, ce dernier en perd son calme habituel, Louis XVIII rejoint les bagages de l'armée alliée et rédige une proclamation réactionnaire.
Cela provoque l'inquiétude des Britanniques qui contraignent le roi à rappeler Talleyrand à la tête du conseil des ministres. À l'issue de la séance du 27 juin, marquée par des affrontements verbaux, le ministre l'emporte sur le comte d'Artois et le duc de Berry chefs du parti ultra et une proclamation libérale est adoptée.
Fouché, président du gouvernement provisoire, tient Paris, appuyé par les républicains. Pour Georges Lacour-Gayet et Franz Blei, Talleyrand convainc Louis XVIII de nommer Fouché, qui a voté la mort de son frère, ministre de la Police.
D'après les Mémoires de Talleyrand et pour Emmanuel de Waresquiel, les réticences de Louis XVIII cèdent le pas à la nécessité politique, et c'est Talleyrand qui ne souhaite pas s'encombrer d'un homme comme Fouché. Dans tous les cas, Talleyrand négocie avec Fouché qui livre Paris au roi, et il organise une rencontre.
Dans un passage fameux de ses mémoires, Chateaubriand raconte la scène :
Ensuite, je me rendis chez Sa Majesté : introduit dans une des chambres qui précédaient celle du roi, je ne trouvai personne ; je m'assis dans un coin et j'attendis. Tout à coup une porte s'ouvre : entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime, M. de Talleyrand marchant soutenu par M. Fouché ; la vision infernale passe lentement devant moi, pénètre dans le cabinet du roi et disparaît. Fouché venait jurer foi et hommage à son seigneur ; le féal régicide, à genoux, mit les mains qui firent tomber la tête de Louis XVI entre les mains du frère du roi martyr ; l'évêque apostat fut caution du serment.

Gouvernement Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord.

Talleyrand conserve son poste, et, le lendemain de l'arrivée du roi aux Tuileries, le 9 juillet 1815, il est nommé de surcroît président du Conseil des ministres, malgré l'opposition des ultras. Il réussit à constituer, contrairement à 1814, un gouvernement qu'il dirige et est solidaire sur la politique libérale choisie : il entame une révision de la Charte par une ordonnance du 13 juillet pour organiser le partage du pouvoir entre le roi et les chambres la chambre des pairs devenant héréditaire, Talleyrand composant la liste des pairs, une libéralisation des élections (baisse du cens, de l'âge minimal, une libéralisation de la presse, etc.
Le gouvernement tente aussi en vain d'empêcher les armées alliées, qui occupent toujours le pays, de reprendre les œuvres d'art pillées dans toute l'Europe par Napoléon. Il essaie de renvoyer ces armées hors du royaume ; les souverains européens exigent des conditions exorbitantes pour signer la paix, que Talleyrand parvient à diminuer en abaissant par exemple les réparations de 100 à 8 millions de francs ; la France perd cependant ses conquêtes de 1792.
Il entre en conflit avec Fouché qui a besoin de donner des gages aux royalistes sur les débuts de la Terreur blanche dans le Midi Talleyrand est contraint de rétablir la censure et sur les listes de bonapartistes, Ney, Huchet de la Bédoyère, etc. à juger.
Le ministre de la Police paie de son poste cette divergence de vues, ce qui réjouit le roi et les ultras. Cela ne suffit pas : après les élections qui amènent la Chambre introuvable, remportée par ces derniers, Talleyrand présente le 19 septembre sa démission afin d'obtenir un refus et le soutien du roi. Ce dernier, sous la pression des ultras et du tsar Alexandre qui reproche à Talleyrand de s'être opposé à lui à Vienne, l'accepte le 23 septembre et change de ministère, appelant un gouvernement mené par le duc de Richelieu.
Talleyrand est nommé grand chambellan de France le 28 septembre 1815. Pour la première fois depuis son retour des États-Unis, il n'est pas au pouvoir, se répandant contre son successeur, le duc de Richelieu qui pourtant fait en sorte que les titres de Talleyrand, qui n'a pas de fils légitime, soient transmissibles à son frère, certain d'être rappelé au pouvoir. Au printemps 1816, il se retire à Valençay, où il n'avait pas été depuis huit ans, puis revient un temps à Paris à l'annonce de la dissolution de la Chambre introuvable. Le 18 novembre 1816, sa critique d'Élie Decazes, ministre de la Police, dépasse les bornes il le traite de maquereau : il est interdit de se présenter à la cour, disgrâce qui dure jusqu'au 28 février 1817. Son opposition au gouvernement entraîne même une approche des ultras, opposés à Richelieu et Decazes qui poursuivent en partie la politique libérale de Talleyrand.
En 1818, il a une occasion de revenir au pouvoir, mais le roi, qui ne l' aime ni ne l' estime, lui préfère Jean Dessolle, puis Decazes, puis à nouveau Richelieu en 1820. Il est désormais convaincu que le roi ne veut plus de lui.
Alors que les ultras sont de plus en plus influents, Talleyrand, désormais proche des doctrinaires, en particulier de Pierre-Paul Royer-Collard qu'il a pour voisin à Valençay, se place pour le reste de la Restauration dans l'opposition libérale : il prononce le 24 juillet 1821, puis en février 1822 des discours à la Chambre des pairs pour défendre la liberté de la presse, puis le 3 février 1823 contre l'expédition d'Espagne, voulue par Chateaubriand.
Il est alors d'autant plus détesté par les ultras que son rôle dans l'assassinat du duc d'Enghien est révélé par Savary, qui est alors exilé par Louis XVIII, lequel souhaite protéger l'honneur de son grand chambellan.
En septembre 1824, alors que le poids de ses 70 ans se fait sentir, son poste fait qu'il assiste longuement à l'agonie de Louis XVIII, puis à son enterrement et au sacre de son successeur. L'avènement de Charles X, chef du parti ultra, lui enlève ses derniers espoirs de retour au pouvoir. Durant une cérémonie, un nommé Maubreuil l'agresse et le frappe à plusieurs reprises. Il se rapproche du duc d'Orléans et de sa sœur, Madame Adélaïde. En quelques années, le jeune journaliste Adolphe Thiers a su devenir un familier : Talleyrand l'aide à monter son journal, Le National, d'orientation libérale et offensive contre le pouvoir.
Le National se retrouve au cœur de la contestation des Ordonnances de Juillet qui provoque les Trois Glorieuses et la chute de Charles X.

Monarchie de Juillet

Retour en politique

En juillet 1830, alors que l'incertitude règne, Talleyrand expédie le 29 juillet un billet à Adélaïde d'Orléans pour son frère Louis-Philippe, lui conseillant de se rendre à Paris :
Ce billet qui amena sur les lèvres de Madame Adélaïde une exclamation soudaine : Ah ! ce bon prince, j'étais bien sûre qu'il ne nous oublierait pas ! dut contribuer à fixer les indécisions du futur roi. Puisque M. de Talleyrand se prononçait, Louis-Philippe pouvait se risquer.

Louis-Philippe revient à Paris le lendemain, se rend pour entretien chez Talleyrand et prend son parti. Celui-ci l'aide par l'entremise d'Adolphe Thiers.
Une fois roi, Louis-Philippe, après avoir souhaité faire de Talleyrand son ministre des Affaires étrangères, le nomme rapidement à sa demande ambassadeur extraordinaire à Londres, afin de garantir la neutralité du Royaume-Uni vis-à-vis du nouveau régime. La décision est critiquée à Paris, mais approuvée à Londres, où Wellington et Aberdeen sont ses amis depuis longtemps. Il est accueilli de manière grandiose le 24 septembre et reçoit le logis de William Pitt ; sa nomination rassure les cours d'Europe, effrayées par cette nouvelle révolution française, alors qu'éclate la révolution belge.
Talleyrand s'oppose au ministre Louis-Mathieu Molé : les deux hommes essayent de mener une politique sans tenir compte l'un de l'autre, le ministre menaçant de démissionner.
Talleyrand prône par exemple contre Molé l'évacuation de l'Algérie, que souhaitent les Britanniques ; Louis-Philippe choisit de s'y maintenir. Molé est cependant remplacé par Horace Sébastiani, qui ne gêne pas Talleyrand.
Talleyrand argumente auprès des Britanniques pour un concept qu'il forge de non-intervention en Belgique, alors que l'armée hollandaise est repoussée.
Des conférences entre les cinq grands s'ouvrent le 4 novembre 1830. Après avoir refusé l'idée d'une partition de la Belgique, puis avoir envisagé un temps une telle idée, il plaide pour la création d'un État fédéré neutre sur le modèle de la Suisse : il signe les protocoles de juin 1831, puis le traité du 15 novembre 1831, qui officialisent celle-ci.
Il va jusqu'à passer sur ses instructions en acceptant, et même en négociant, la préservation des frontières du pays et le choix de Léopold de Saxe-Cobourg comme souverain du nouveau pays neutre. Il approuve la décision du nouveau Premier ministre, Casimir Perier, de soutenir militairement cette neutralité, menacée par les Pays-Bas. Le nouveau pays fait démanteler les forteresses à la frontière française.

Talleyrand travaille sur le projet qui lui tient à cœur depuis longtemps : le rapprochement du Royaume-Uni et de la France, base de l'Entente cordiale. Les deux pays interviennent conjointement pour obliger le roi des Pays-Bas à respecter la nouvelle indépendance de la Belgique. Il reçoit régulièrement Alphonse de Lamartine et entretient de bons rapports avec son ami Wellington et l'ensemble du cabinet. Son nom est applaudi au Parlement britannique, son raffinement et son habileté deviennent fameux à Londres ; il reçoit fréquemment Prosper Mérimée.
L'opposition anglaise accuse même le gouvernement d'être trop influencé par lui, le marquis de Londonderry déclarant à la tribune : Je vois la France nous dominant tous, grâce à l'habile politique qui la représente ici, et je crains qu'elle n'ait dans ses mains le pouvoir de décision et qu'elle n'exerce ce que j'appellerai une influence dominante sur les affaires européennes.
Pendant ce temps, en France, si Talleyrand bénéficie d'une estime importante parmi les élites politiques et auprès du roi, ce dernier le consulte sans cesse, lui propose le poste de Premier ministre, proposition qu'il esquive, sa réputation est au plus bas : Le prince a évité à la France le démembrement, on lui doit des couronnes, on lui jette de la boue. C'est en effet à cette époque que s'exacerbe la haine généralisée des partis à son encontre.
Il devient le diable boiteux, celui qui a trahi tout le monde.
On l'appelait Protée au pied boiteux , Satan des Tuileries, République, empereur, roi : il a tout vendu, lisait-on dans ce poème à la mode du jour, écrit avec une plume arrachée à l'aigle de l'ange exterminateur, intitulé Némésis la Vengeance.
Son seul mérite fut de provoquer une admirable réponse de Lamartine.

Jean Orieux, Talleyrand ou le sphinx incompris

Talleyrand reste en poste jusqu'en 1834 et la conclusion du traité de la Quadruple-Alliance, signé le 22 avril. Fatigué des difficultés de négociation avec Lord Palmerston, il quitte son poste, après avoir signé une convention additionnelle au traité le 18 août.
Il arrive le 22 à Paris ; on parle de compléter les alliances en l'envoyant à Vienne. Il renonce à la présidence du conseil, qui est confiée à Thiers, Talleyrand participe à la formation du gouvernement, puis à la scène publique.

Retraite

Talleyrand se retire dans son château de Valençay. Il a déjà été nommé maire de la commune de 1826 à 1831, puis conseiller général de l'Indre, jusqu'en 1836. Il conseille toujours Louis-Philippe, en particulier en 1836 sur la neutralité à adopter dans le problème de la succession espagnole, contre l'avis de Thiers, qui y perd son poste.

Le château de Valençay

Son activité politique décroît cependant. Il reçoit, outre de nombreuses personnalités politiques, Alfred de Musset et George Sand (cette dernière le remerciant par un article injurieux, Honoré de Balzac et met la dernière main à ses mémoires. En 1837, il quitte Valençay et retourne s'installer dans son hôtel de Saint-Florentin à Paris.

Réconciliation avec l'Église et mort

À l'approche de la mort, il doit négocier un retour à la religion pour éviter à sa famille le scandale d'un refus de sacrements et de sépulture comme a dû subir Sieyès. Après un discours d'adieu à l'Institut le 3 mars, ses proches confient à l'abbé Dupanloup le soin de le convaincre de signer sa rétractation et de négocier le contenu de celle-ci. Talleyrand, qui joue une fois de plus sur le temps, ne signe que le jour de sa mort, ce qui lui permet de recevoir l'extrême-onction. Au moment où le prêtre doit, conformément au rite, oindre ses mains avec le saint-chrême, il déclare : N'oubliez pas que je suis évêque
car on devait en pareil cas l'oindre sur le revers des mains et non sur les paumes, reconnaissant ainsi sa réintégration dans l'Église.
L’évènement, suivi par le tout-Paris, fait dire à Ernest Renan qu'il réussit à tromper le monde et le Ciel;
Lorsqu'il apprend que Talleyrand est à l'agonie, le roi Louis-Philippe décide, contrairement à l'étiquette, de lui rendre visite. Sire, murmure le mourant, c'est un grand honneur que le roi fait à ma Maison.

Il meurt le 17 mai 1838, à 15 h 35305 ou 15 h 50, selon les sources, après avoir nommé Adolphe Fourier de Bacourt son exécuteur testamentaire.

Des funérailles officielles et religieuses sont célébrées le 22 mai. Embaumé à l'égyptienne, son corps est placé dans la crypte qu'il a fait creuser sous la chapelle de la maison de charité qu'il a fondée en 1820 à Valençay, où il est ramené de Paris le 5 septembre;
ce lieu devient la sépulture de ses héritiers et le reste jusqu'en 1952.
Jusqu'en 1930, une vitre laisse voir son visage momifié. La plaque de marbre qui recouvre une face du sarcophage de marbre noir placé dans un enfeu porte :

Ici repose le corps de Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, prince duc de Talleyrand, duc de Dino, né à Paris le 2 février 1754, mort dans la même ville le 17 mai 1838.

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Posté le : 31/01/2014 19:48

Edité par Loriane sur 02-02-2014 18:04:15
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Décorations

Chevalier de l'ordre du St esprit en 1820
Légion d'honneur :
Légionnaire 9 vendémiaire an XII 2 octobre 1803, en qualité de Ministre des Relations extérieures, puis,
Grand officier 22 messidor an XIII 11 juillet 1804, en qualité de grand chambellan, puis,
Grand aigle de la Légion d'honneur 12 pluviôse an XIII 1er février 1805), en même qualité ;
Chevalier de l'ordre de la Toison d'or : 1814

Regards contemporains et postérité

L'homme aux six têtes Le nain jaune, 15 avril 1815, caricature de Talleyrand le présentant avec six têtes, criant respectivement : Vive le Roi ! , Vive l'Empereur ! Vive le 1er Consul ! Vive la Liberté ! , Vive les notables ! , Vive !…
Talleyrand Prince de: s'indigner contre.
Gustave Flaubert, Dictionnaire des idées reçues
On dit toujours de moi ou trop de mal ou trop de bien ; je jouis des honneurs de l'exagération.
Talleyrand
Talleyrand était surnommé le diable boiteux en raison de son infirmité et de la haine que lui vouaient certains de ses ennemis, en particulier au sein des factions : ultras pour qui il était un révolutionnaire, Église catholique se souvenant de la confiscation des biens de l'Église, jacobins pour qui il était un traître à la Révolution, bonapartistes qui lui reprochaient la trahison d'Erfurt , etc.
François-René de Chateaubriand a souvent côtoyé Talleyrand durant sa carrière diplomatique et politique. Politiquement opposé au prince Chateaubriand est un chef ultra, tandis que Talleyrand est libéral, et ce dernier s'est opposé à sa guerre d'Espagne, il exprime à chaque occasion dans ses mémoires tout le mal qu'il pense de Talleyrand :
Ces faits historiques, les plus curieux du monde, ont été généralement ignorés, c'est encore de même qu'on s'est formé une opinion confuse des traités de Vienne, relativement à la France : on les a crus l'œuvre inique d'une troupe de souverains victorieux acharnés à notre perte ; malheureusement, s'ils sont durs, ils ont été envenimés par une main française : quand M. de Talleyrand ne conspire pas, il trafique.
Monsieur tout-à-tous 1815, caricature présentant le diable parlant à l'oreille de Talleyrand
De la même façon, Victor Hugo, dont le parcours politique est un chemin du légitimisme au républicanisme, écrit à l'occasion de sa mort :

« C’était un personnage étrange, redouté et considérable ; il s’appelait Charles-Maurice de Périgord ; il était noble comme Machiavel, prêtre comme Gondi, défroqué comme Fouché, spirituel comme Voltaire et boiteux comme le diable. On pourrait dire que tout en lui boitait comme lui ; la noblesse qu’il avait faite servante de la république, la prêtrise qu’il avait traînée au Champ de Mars, puis jetée au ruisseau, le mariage qu’il avait rompu par vingt scandales et une séparation volontaire, l’esprit qu’il déshonorait par la bassesse. …
Il avait fait tout cela dans son palais et, dans ce palais, comme une araignée dans sa toile, il avait successivement attiré et pris héros, penseurs, grands hommes, conquérants, rois, princes, empereurs, Bonaparte, Sieyès, Mme de Staël, Chateaubriand, Benjamin Constant, Alexandre de Russie, Guillaume de Prusse, François d’Autriche, Louis XVIII, Louis-Philippe, toutes les mouches dorées et rayonnantes qui bourdonnent dans l’histoire de ces quarante dernières années. Tout cet étincelant essaim, fasciné par l’œil profond de cet homme, avait successivement passé sous cette porte sombre qui porte écrit sur son architecture : Hôtel Talleyrand.
Eh bien, avant-hier 17 mai 1838, cet homme est mort. Des médecins sont venus et ont embaumé le cadavre. Pour cela, à la manière des Égyptiens, ils ont retiré les entrailles du ventre et le cerveau du crâne. La chose faite, après avoir transformé le prince de Talleyrand en momie et cloué cette momie dans une bière tapissée de satin blanc, ils se sont retirés, laissant sur une table la cervelle, cette cervelle qui avait pensé tant de choses, inspiré tant d’hommes, construit tant d’édifices, conduit deux révolutions, trompé vingt rois, contenu le monde. Les médecins partis, un valet est entré, il a vu ce qu’ils avaient laissé : Tiens ! Ils ont oublié cela. Qu’en faire ? Il s’est souvenu qu'il y avait un égout dans la rue, il y est allé, et a jeté le cerveau dans cet égout.

Victor Hugo, Choses vues
Ainsi, une anecdote circule à l'époque selon laquelle, Louis-Philippe étant venu le voir sur son lit de mort, Talleyrand lui aurait dit :
Sire, je souffre comme un damné. Déjà ! aurait murmuré le roi. Le mot est invraisemblable, mais il a couru très tôt.
L'anecdote rappelle ce mot par lequel le Diable aurait accueilli Talleyrand en enfer : Prince, vous avez dépassé mes instructions.

De son vivant, Talleyrand se défendait rarement lui-même des attaques, mais il arrivait que ses amis le fassent pour lui, comme Alphonse de Lamartine voir plus haut ou Honoré de Balzac :
Certain prince qui n'est manchot que du pied, que je regarde comme un politique de génie et dont le nom grandira dans l'histoire.
Honoré de Balzac, Le contrat de mariage
Cependant, en dehors des opinions tranchées pour Goethe, il est le premier diplomate du siècle, la complexité du personnage intrigue très tôt :
Le problème moral que soulève le personnage de Talleyrand, en ce qu'il a d'extraordinaire et d'original, consiste tout entier dans l'assemblage, assurément singulier et unique à ce degré, d'un esprit supérieur, d'un bon sens net, d'un goût exquis et d'une corruption consommée, recouverte de dédain, de laisser-aller et de nonchalance.
Charles-Augustin Sainte-Beuve
Pour François Furet et Denis Richet 1965, Talleyrand a été trop critiqué après avoir été trop loué : le xxe siècle a vu, dans l'ensemble, une nouvelle analyse de Talleyrand qui lui fait quitter l'habit du traître parjure et du diable boiteux , en particulier par ses nombreux biographes qui, en général, ont vu une continuité politique dans sa vie.

Doctrine

Emmanuel de Waresquiel analyse la philosophie politique de Talleyrand, dès son action comme agent général du clergé, comme caractéristique de la philosophie des Lumières : un réformisme conservateur que tout change pour que rien ne change et une rationalisation que l'on pourrait appeler l'esprit des Lumières.
Même s'il insiste sur le contexte de la rédaction des mémoires, Emmanuel de Waresquiel relève ainsi que dans celles-ci, Talleyrand distingue l'œuvre réformiste et libérale de 1789 de la souveraineté du peuple et de l'égalité, pour lui chimériques .
Talleyrand privilégie ainsi le consensus, la constitution et la conciliation. Par les moyens de l' habileté et de la prévoyance, il souhaite ainsi favoriser l'intérêt mutuel bien compris et la paix générale, permise par un équilibre européen.

Le libéralisme

Les monarques ne sont monarques qu'en vertu d'actes qui les constituent chefs des sociétés civiles. Ces actes, il est vrai, sont irrévocables pour chaque monarque et sa postérité tant que le monarque qui règne reste dans les limites de sa compétence véritable ; mais si le monarque qui règne se fait ou tente de se faire plus que monarque, il perd tout droit à un titre que ses propres actes ont rendu ou rendraient mensonger. Telle est ma doctrine, je n'ai jamais eu besoin de la renier pour accepter, sous les divers gouvernements, les fonctions que j'ai remplies.

Testament politique

Les historiens soulignent la constance du libéralisme des idées de Talleyrand tout au long de sa vie, même s'il lui est arrivé de devoir le mettre, par réalisme, entre parenthèses en particulier sous l'Empire, ce qui fait dire à Napoléon : Talleyrand est philosophe, mais dont la philosophie sait s'arrêter à propos.
La formation mondaine et politique de Talleyrand se déroule durant le Siècle des Lumières Georges Lacour-Gayet, suivi par Franz Blei et Jean Orieux, raconte comment Talleyrand va se faire bénir par Voltaire : lorsque la Révolution éclate, c'est un homme fait qui est à la pointe des idéaux de 1789. C'est dans ce contexte qu'il rédige les cahiers de doléances de l'évêché d'Autun, d'après Georges Lacour-Gayet l'un des plus importants manifestes provoqués par le mouvement de 1789, véritable synthèse des ambitions des hommes des Lumières inspirée du système britannique. Ce discours remarquable, d'après Sainte-Beuve, prône une monarchie parlementaire assurant l'égalité devant la loi et l'impôt, propose de supprimer les archaïsmes économiques issus de l'époque féodale, comme les douanes entre régions ou les corporations, points qu'il avait déjà abordés lors des projets de réformes de Calonne.
Il demande encore que soit assurée la liberté de la presse :
La liberté d'écrire ne peut différer de celle de parler ; elle aura donc la même étendue et les mêmes limites ; elle sera donc assurée, hors les cas où la religion, les mœurs et les droits d'autrui seraient blessés ; surtout elle sera entière dans la discussion des affaires publiques, car les affaires publiques sont les affaires de chacun.
Dans deux grands discours sous Louis XVIII, il défend de nouveau la liberté de la presse.
Sous la Révolution, il est de tous les clubs et de toutes les réformes destinées à mettre fin à l'Ancien Régime. Il souhaite s'inspirer du régime britannique, au point qu'il pousse Bonaparte à monter sur le trône pour se rapprocher de ce système de monarchie parlementaire, qu'il souhaite voir doté d'un parlement bicaméral.
C'est aussi la raison pour laquelle il contribue ensuite à la Restauration et tente de la marier avec un tel système. Seule l'influence des ultras sur Louis XVIII empêche que cette idée soit menée complètement à bien. Cependant, lors des deux Restaurations, il se retrouve un temps à la tête du pays, et applique ses idées libérales.
Son gouvernement provisoire lui vaut même les félicitations de Benjamin Constant avec qui il est pourtant en froid depuis le 18 Brumaire et ses remerciements pour « avoir à la fois brisé la tyrannie et jeté les bases de la liberté. En effet :
Dès les premiers jours, Talleyrand imprime à son gouvernement une touche très libérale. Par conviction mais aussi très habilement, il tente d'imposer la force de son autorité en supprimant tout ce que le despotisme napoléonien avait de plus insupportable.

Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand, le prince immobile

Sa proximité avec les idées libérales est matérialisée par le parti qui les incarne : le parti d'Orléans. Il reste proche de la famille d'Orléans durant la plus grande partie de sa carrière. C'est à la fin de celle-ci, lorsque Louis-Philippe se retrouve, avec l'appui de Talleyrand, sur le trône, que ce dernier possède la latitude politique qui lui a toujours manqué, au sein d'une monarchie de Juillet qui correspond à ses vœux. Ses rapports avec le roi, un homme qu'il connaît depuis longtemps, sont excellents.
Qui aurait pu croire que cet aristocrate entre les aristocrates qui menait à Valencay, en plein XIXe siècle la vie seigneuriale la plus intacte, enseignait avec la conviction la plus profonde que, du 14 juillet 1789, dataient les grands changements dans la vie moderne ?
Changements qu'il avait voulu réaliser en 1789 et auxquels il restait attaché en 1830 ? … Il maintenait l'Ancien Régime des mœurs et de la civilité mais il refusait celui des institutions. … En lui, la France, sans fissure, passait d'Hugues Capet aux temps démocratiques.

L'instruction publique

Les biographes de Talleyrand insistent sur son rôle dans les débuts de l'instruction publique en France, ceci en dépit du fait que pour Jean Orieux le XIXe siècle s'est bien chargé d'étouffer le souvenir de son travail dans le domaine.
Agent général du clergé, il adresse aux évêques le 8 novembre 1781 un questionnaire relatif aux collèges et touchant aux méthodes d'enseignement.
C'est durant l'année 1791 qu'aidé par Pierre-Simon de Laplace, Gaspard Monge, Nicolas de Condorcet, Antoine Lavoisier, Félix Vicq d'Azyr, Jean-François de La Harpe, entre autres, il rédige un important rapport sur l'instruction publique, avec la plus entière gratuité parce qu'elle est nécessaire à tous. L'une des conséquences de ce rapport est la création de l'Institut de France, à la tête d'un système éducatif destiné à toutes les couches de la société, embryon de l'Éducation nationale.
Ce rapport de Talleyrand, dans lequel il est affirmé que les femmes ne devraient recevoir qu'une éducation à caractère domestique, suscite la critique de Mary Wollstonecraft, alors qu'en Grande-Bretagne se développe la controverse révolutionnaire, débat public autour des idées nées de la Révolution française.
Elle y voit un exemple du double standard, le double critère favorisant les hommes au détriment des femmes, jusque et y compris dans le domaine essentiel pour elle qu'est l'éducation. Aussi est-ce le rapport de Talleyrand qui la pousse à lui écrire, puis, en 1792, à publier son ouvrage A Vindication of the Rights of Woman.
Pour Emmanuel de Waresquiel, dans ce rapport, les hommes de la Révolution prônent une instruction progressive, des écoles de canton aux écoles de départements, et complète : physique, intellectuelle, morale.
Elle a pour but de perfectionner tout à la fois l'imagination, la mémoire et la raison.
Un des monuments de la Révolution française d'après les propos de François Furet, le plan de Talleyrand, appelant une instruction publique nécessaire, universelle mais transitoire et perfectible, gratuite et non obligatoire, est pour Gabriel Compayré digne de l'attention de la postérité et de l'admiration que lui témoignèrent souvent les écrivains de la Révolution .
Pour son rôle dans sa création, Talleyrand devient membre de l'Institut. C'est là qu'il délivre son dernier discours avant sa mort.

La finance moderne

Les principes d'économie et de finances de Talleyrand sont marqués par l'admiration pour le système libéral anglais. Avant la Révolution, c'est sa spécialité d'après Jean Orieux, il tente même de devenir ministre, et ses interventions aux débuts de la Révolution portent surtout sur ce sujet.
Talleyrand entre dans le monde des affaires en devenant Agent général du clergé. En une époque de crise financière, il défend les biens qui lui sont confiés, et cède au roi lorsque c'est nécessaire, anticipant la demande de la couronne en proposant un don conséquent. Il cherche à rationaliser la gestion des biens colossaux du clergé, marquée par une importante inégalité entre ecclésiastiques. Il obtient l'augmentation de la portion congrue.
Avant la Révolution, Talleyrand, en compagnie de Mirabeau, entre dans le monde des affaires, sans qu'il reste beaucoup de traces de ces tentatives ; Emmanuel de Waresquiel signale la connaissance profonde qu'il a de la spéculation sur la fluctuation de la monnaie. Influencé par Isaac Panchaud, Talleyrand s'implique dans l'établissement d'une caisse d'amortissement : la Caisse d'escompte est créée par Panchaud en 1776 ; Talleyrand devient actionnaire, et demande le 4 décembre 1789 sa transformation en banque nationale.
Durant toute sa carrière, Talleyrand insiste sur la certitude que les prêteurs doivent avoir sur le fait que l'État paie toujours ses dettes, afin de permettre aux gouvernants de recourir à l'emprunt, cet art moderne de procurer à l'État, sans forcer les contributions, des levées extraordinaires d'argent à un bas prix, et d'en distribuer le fardeau sur une suite d'années. Pour lui, les créanciers de l'État « ont payé pour la nation, à la décharge de la nation : la nation ne peut dans aucune hypothèse se dispenser de rendre ce qu'ils ont avancé pour elle, autrement dit, une nation, comme un particulier, n'a de crédit que lorsqu'on lui connaît la volonté et la faculté de payer.
Talleyrand finit par instaurer lui-même cette garantie en 1814, lorsqu'il est président du Conseil des ministres. Pour Emmanuel de Waresquiel, la proposition de nationaliser les biens du clergé est alors logique, Talleyrand connaissant leur étendue, ayant prévu de les recenser dès l'élaboration des cahiers de doléances.
Talleyrand et Isaac Panchaud élaborent la partie concernant la caisse d'escompte du plan de Charles Alexandre de Calonne.
Talleyrand apporte également sa contribution à plusieurs parties de ce plan, qui vise à rétablir les finances du royaume, en supprimant les barrières douanières intérieures, en simplifiant l'administration, en libérant le commerce et en rationalisant les impôts. Calonne étant remercié, ce plan n'est jamais mis en application. Talleyrand, qui n'a pas oublié de profiter financièrement de sa proximité avec le ministre des Finances, reprend largement les propositions économiques et financières du plan de Calonne lors de la rédaction des cahiers de doléances de l'évêché d'Autun.
Pour Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand appartient à l'école prônant la liberté de commerce, contre les préjugés. Cette liberté doit être permise par la paix, en particulier avec les Britanniques avant la Révolution, Talleyrand défend déjà le traité de commerce avec la Grande-Bretagne, auquel il a mis la main, pour le bénéfice de toutes les parties.

L'équilibre européen

J'essaie d'établir la paix du monde en équilibre sur une révolution.
— Talleyrand à Lamartine
L'intérêt de Talleyrand pour la chose diplomatique commence sous l'influence d'Étienne François de Choiseul oncle de son ami Auguste de Choiseul, dont il reprend la manière de mener les affaires d'État : gouverner en sachant déléguer les tâches techniques à des travailleurs de confiance, afin de se laisser le temps de nouer des relations utiles.
Dès ses premières missions vers la Grande-Bretagne, durant la Révolution, Talleyrand inaugure sa méthode de négociation, fameuse au point d'en faire le prince des diplomates, méthode mesurée et sans précipitation, pleine de réalisme et de compréhension à la fois du point de vue de son interlocuteur et de la situation de la France.
Pour Charles Zorgbibe, Talleyrand invente également, au Congrès de Vienne, un style diplomatique de rupture, privilégiant des principes universels initiés dans ses Instructions pour les ambassadeurs du roi au congrès. La négociation est alors fondée sur la répétition d'une logique déductive et intransigeante, s'appuyant sur la raison, ceci à l'opposé des compromis anglo-saxons. Charles Zorgbibe voit là le début d'un style hautain et distant qui se retrouve ensuite durant la Cinquième République il cite notamment Charles de Gaulle et Maurice Couve de Murville d'une part, Jacques Chirac et Dominique de Villepin d'autre part, signe d'un État nostalgique de sa puissance passée, souhaitant, en étant inflexible, défendre un rang.
Pour Metternich, Talleyrand est politique au sens le plus éminent, et comme tel c'est un homme à systèmes, ces systèmes ayant pour but de rétablir un équilibre européen prôné dès ses débuts diplomatiques en 1791, qui pour lui a été détruit par les traités de Westphalie de 1648 :
Une égalité absolue des forces entre tous les États, outre qu'elle ne peut jamais exister, n'est point nécessaire à l'équilibre politique et lui serait peut-être, à certains égards, nuisible. Cet équilibre consiste dans un rapport entre les forces de résistance et les forces d'agression réciproques des divers corps politiques. ... Une telle situation n'admet qu'un équilibre tout artificiel et précaire, qui ne peut durer qu'autant que quelques grands États se trouvent animés d'un esprit de modération et de justice qui le conserve.
Instructions pour les ambassadeurs du Roi au congrès, rédigées par Talleyrand
Parmi ces systèmes, selon Emmanuel de Waresquiel, Talleyrand se méfie de la Russie et cherche à établir un équilibre pacifique entre l'Autriche et la Prusse. De là vient l'idée, plusieurs fois reprise, de créer des fédérations de petits États princiers dans le ventre mou de l'Europe qui serviraient de tampon entre ces puissances — et qui constituent autant de possibilités de pots-de-vin pour Talleyrand. Il souhaite qu'il soit mis fin à l'hégémonie britannique sur les mers, tant militaire que commerciale.
Pour lui, dès ses débuts diplomatiques, contre l'opinion du Directoire et celle de Bonaparte, l'équilibre européen passe par l'alliance entre la France et l'Angleterre, la paix avec celle-ci pouvant être perpétuelle :
« Une alliance intime entre la France et l'Angleterre a été au début et à la fin de ma carrière politique mon vœu le plus cher, convaincu comme je le suis, que la paix du monde, l'affermissement des idées libérales et les progrès de la civilisation ne peuvent reposer que sur cette base.

Mémoires

Il cherche aussi l'alliance avec l'Autriche, à l'opposé d'une alliance avec la Prusse. Il se décrit en plaisantant comme un petit peu autrichien, jamais russe et toujours français, affirmant que les alliés ne se conservent qu'avec du soin, des égards et des avantages réciproques.
Il s'oppose à la diplomatie de l'épée, cette politique d'exportation de la Révolution par la conquête, pour lui propre à ... faire haïr la France. De manière symptomatique, le Directoire envoie d'anciens constitutionnels comme ambassadeurs et Bonaparte des généraux, malgré les critiques du ministre.
À cela, il préfère l'idée de régimes stables et dont les puissances s'équilibrent, garantie de la paix : un équilibre réel eut rendu la guerre presque impossible. Il théorise également la non-intervention la véritable primatie... est d'être maître chez soi et de n'avoir jamais la ridicule prétention de l'être chez les autres . Cet état de fait doit être associé à un droit public qui évolue avec les traités et l'état des forces économiques. Pour Charles Zorgbibe, cette vision est inspirée de Gabriel Bonnot de Mably, et, à travers lui, de Fénelon.
La mise en œuvre de ces principes, sous Napoléon, est difficile. Il aide ce dernier, en bon courtisan, en allant à leur encontre pendant plusieurs années, pensant convaincre en flattant. Après Austerlitz, il sent que Napoléon préfère soumettre que faire alliance, en dépit de ses tentatives vis-à-vis d'une Angleterre pourtant toujours conciliante elle l'était déjà sous le Directoire. Il démissionne, alors que Napoléon applique l'inverse de ses idées : déséquilibre entre l'Autriche et la Prusse, humiliation de ces dernières, rapprochement avec la Russie, hostilité envers l'Angleterre, le tout par la force de l'épée.
Bien que persévérant auprès de Napoléon, ce n'est qu'après la Restauration qu'il peut mettre en pratique ses principes, en tout premier lieu durant les traités de Paris et de Vienne. Cet équilibre européen qu'il prône en est le principe directeur.
L'alliance avec l'Angleterre, cette alliance de deux monarchies libérales, fondée l'une et l'autre sur un choix national telle que décrite par de Broglie, qui ouvre la voie à l'Entente cordiale, est scellée durant son ambassade. De même, le principe de non-intervention, même imposé à d'autres puissances, est inauguré à l'occasion de la révolution belge. À l'heure de sa retraite, à la signature du traité de la Quadruple-Alliance qui en est l'aboutissement, Talleyrand fait le bilan de cette ambassade :
Dans ces quatre années, la paix générale maintenue a permis à toutes nos relations de se simplifier : notre politique, d'isolée qu'elle était, s'est mêlée à celle des autres nations ; elle a été acceptée, appréciée, honorée par les honnêtes gens et par les bons esprits de tous les pays. »

Talleyrand et les femmes

Madame de Flahaut
Être étudiant au séminaire n'empêche pas Talleyrand de fréquenter ostensiblement une actrice de la Comédie-Française, Dorothée Dorinville Dorothée Luzy pour la scène, avec qui il se promène sous les fenêtres du séminaire411. Cette relation dure pendant deux années, de dix-huit à vingt ans :
Ses parents l'avaient fait entrer malgré elle à la comédie ; j'étais malgré moi au séminaire. […] Grâce à elle, je devins, même pour le séminaire, plus aimable, ou du moins plus supportable. Les supérieurs avaient bien dû avoir quelque soupçon […] mais l'abbé Couturier leur avait enseigné l'art de fermer les yeux.
— Mémoires de Talleyrand
Les femmes prennent très tôt une grande importance dans la vie de Talleyrand, importance qui sera constante, intimement, socialement et politiquement jusqu'à sa mort. Parmi ces femmes, il entretient toute sa vie une amitié teintée d'amour avec un « petit globe »415 à qui il reste fidèle. Ainsi, ses mémoires ne mentionnent l'avènement de Louis XVI que sous cet angle :
C'est du sacre de Louis XVI que datent mes liaisons avec plusieurs femmes que leurs avantages dans des genres différents rendaient remarquables, et dont l'amitié n'a pas cessé un moment de jeter du charme dans ma vie. C'est de madame la duchesse de Luynes, de madame la duchesse de Fitz-James, et de madame la duchesse de Laval que je veux parler.
— Mémoires de Talleyrand
De 1783 à 1792, Talleyrand a pour maîtresse entre autres la comtesse Adélaïde de Flahaut, avec qui il vit presque maritalement et qui lui donne au grand jour un enfant en 1785, le fameux Charles de Flahaut.
Madame de Staël a une brève aventure avec lui ; Talleyrand dira plus tard qu’elle lui a fait toutes les avances . Sollicitée des États-Unis par Talleyrand qui scandalise la société de Philadelphie en se promenant au bras d'une magnifique négresse pour l’aider à rentrer en France, c’est elle qui obtient, grâce à Marie-Joseph Chénier, qu’il soit rayé de la liste des émigrés, puis qui, en 1797, après lui avoir prêté 25 000 livres, le fait nommer par Barras ministre des Relations extérieures. Lorsque Madame de Staël se brouille avec Bonaparte, qui l'exile, Talleyrand cesse de la voir et ne la soutient pas. Elle considérera toujours cette attitude comme une étonnante ingratitude.
À son retour d'Amérique, Talleyrand demande en mariage Agnès de Buffon, qui lui oppose un refus, ne pouvant se résoudre à épouser un évêque.
Quelques historiens, comme Jean Orieux, affirment qu'Eugène Delacroix est le fils de Talleyrand. Ils avancent que Talleyrand est l'amant de Victoire Delacroix, que Charles Delacroix ministre dont il prend la place en 1797 souffre, jusque six ou sept mois avant la naissance, d'une tumeur aux testicules, qu'Eugène Delacroix offre une certaine ressemblance physique avec Talleyrand et que ce dernier le protège durant sa carrière. Si Georges Lacour-Gayet estime impossible que Charles Delacroix soit son père et possible que Talleyrand le soit, et si Maurice Sérullaz ne se prononce pas, une autre partie des biographes du peintre et de ceux de Talleyrand contestent cette théorie, affirmant que la relation n'a jamais eu lieu, et que la naissance, prématurée, intervient logiquement à la suite de la guérison de Charles Delacroix. Enfin, leur principal argument est qu'il n'existe qu'une source sur cette paternité, les Mémoires de Madame Jaubert, ce qui fait dire à Emmanuel de Waresquiel :
Tous ceux qui ont aimé à forcer le trait de leur personnage, à commencer par Jean Orieux, se sont laissé tenter, sans se soucier du reste, ni surtout des sources ou plutôt de l'absence de sources. Une fois pour toutes, Talleyrand n'est pas le père d'Eugène Delacroix. On ne prête qu'aux riches... En juillet 1797, il est ministre de la République, ce qui n'est pas si mal.
Durant les négociations du concordat de 1801, pour lesquelles Talleyrand met de la mauvaise volonté, Bonaparte souhaite que la situation de son ministre se normalise et qu'il quitte ou épouse sa maîtresse, l'ex-Mme Grand. Elle-même, qui ne demande que cela, se plaint de sa situation auprès de Joséphine — d'après Lacour-Gayet, Talleyrand lui-même le souhaite. Après de vifs désaccords, le pape, dans un bref, permet à Talleyrand de porter l'habit des séculiers mais lui fait rappeler qu' aucun évêque sacré n'a été dispensé, jamais, pour se marier. Sur l'ordre de Bonaparte, le Conseil d'État interprète à sa façon ce bref papal et rend Talleyrand à la vie séculière et laïque le 18 août 1802. Le 10 septembre 1802, il se marie donc à l'hospice des Incurables, rue de Verneuil à Paris, avec Catherine Noël Worlee, qu'il connaît depuis trois ans. Les témoins sont Pierre-Louis Roederer, Étienne Eustache Bruix, Pierre Riel de Beurnonville, Maximilien Radix de Sainte-Foix et Karl Heinrich Otto de Nassau-Siegen. Le contrat est signé par Bonaparte et Joséphine, les deux autres consuls, les deux frères de Talleyrand et par Hugues-Bernard Maret ; Roederer affirme qu'un mariage religieux a lieu le lendemain. De Catherine Noël Worlee, Talleyrand a sans doute une fille, Charlotte, née en 1799 et déclarée de père inconnu, qu'il adopte en 1803 et marie en 1815 au baron Alexandre-Daniel de Talleyrand, son cousin germain. Séparés depuis longtemps, Talleyrand et Catherine divorcent en 1815, après sa démission de la présidence du Conseil.

Dorothée de Courlande, duchesse de Dino

En 1808, durant l'entrevue d'Erfurt, si Napoléon ne parvient pas à séduire le tsar, Talleyrand obtient de ce dernier le mariage de son neveu Edmond de Périgord avec Dorothée de Courlande, âgée de quinze ans, un des meilleurs partis d'Europe. Sa mère, la duchesse de Courlande, s'installe à Paris et devient l'une des intimes et la maîtresse de Talleyrand, s'installant dans le petit globe.
Au congrès de Vienne, Dorothée de Périgord a 21 ans et voit sa vie transformée Vienne. Toute ma vie est dans ce mot. : elle brille dans le monde par son intelligence et son charme. Faite duchesse de Dino, elle prend définitivement place aux côtés de son oncle par alliance, devenant probablement sa maîtresse peu après, sans qu'il cesse d'avoir de tendres rapports avec sa mère ; outre les enfants de son mariage, sa fille Pauline est vraisemblablement de Talleyrand.
Malgré ses amants, elle vit avec ce dernier à l'hôtel Saint-Florentin, à Londres ou à Valençay jusqu'à sa mort, soit durant 23 ans. Dépositaire par testament de ses papiers, elle devient pendant 20 ans la gardienne de l'orthodoxie de la mémoire et des Mémoires de Talleyrand.

Ouvrages

Rapport sur l'instruction publique, fait au nom du Comité de constitution à l'Assemblée Nationale, les 10, 11 et 19 Septembre 1791, Paris
Essai sur les avantages à retirer des colonies nouvelles
Mémoire sur les relations commerciales des États-Unis avec l'Angleterre
Mémoires ou opinion sur les affaires de mon temps 4 tomes Imprimerie nationale française :
Tome 1 1754 - 1807 La Révolution
Tome 2 1807 - 1814 L'Empire
Tome 3 1814 - 1815 Le congrès de Vienne
Tome 4 1815 La Restauration
Est parue début 2007 une compilation d'écrits de Talleyrand, présentée par Emmanuel de Waresquiel, contenant les mémoires, mais aussi les lettres de Talleyrand à la duchesse de Bauffremont :
Mémoires et correspondances du prince de Talleyrand, Éditions Robert Laffont, collection Bouquins
Évêque d'Autun
De gueules à trois lionceaux d'or armés, lampassés et couronnés d'azur (de Talleyrand-Périgord). Devise : RE QUE DIOU444.
Prince de Bénévent et de l'Empire 5 juin 1806, grand chambellan de l'Empereur 11 juillet 1804, Prince-Vice-Grand-Électeur 1807, Sénateur 14 août 1807, Grand aigle de la Légion d'honneur 13 pluviôse an XIII 2 février 1805, membre du grand-conseil de l'Ordre, Grand collier de la Légion d'honneur, grand-commandeur des Ordres de la Couronne de Saxe et de Westphalie, chevalier des Ordres de S. A. R. le grand-duc de Hesse, de Saint-Joseph Grand-duché de Wurtzbourg,
Parti : au I de gueules aux trois lionceaux d'or armés, lampassés et couronnés d'azur Talleyrand-Périgord ; au II d'or au sanglier passant de sable chargé sur le dos d'une housse d'argent Bénévent ; au chef des Princes souverains d'Empire brochant sur la partition
Prince de Talleyrand le roi étant à Paris, il signa le brevet qui accorda à Talleyrand le titre de prince le 6 décembre 1814, duc royaume des Deux-Siciles, 9 novembre 1815, confirmé comme duc de Dino par lettres patentes du 2 décembre 1817, titre immédiatement transmissible à son neveu, pair de France 4 juin 1814, duc et pair le 31 août 1817, lettres patentes du 19 février 1818, avec majorat du 28 décembre 1821, prête serment à Louis-Philippe Ier, grand chambellan de France 28 septembre 1815, chevalier de l'Ordre du Saint-Esprit 30 septembre 1820, chevalier de la Toison d'or par le roi d'Espagne Ferdinand VII, 1814, chevalier de Léopold d'Autriche, du Lion et du Soleil de Perse, de l'Aigle noir et de l'Aigle rouge de Prusse, de Saint-André de Russie, etc.

Cinéma et théâtre

Une adaptation de Sacha Guitry le met en scène dans Le Diable boiteux.
La pièce de théâtre Le Souper, de Jean-Claude Brisville, relate un souper — imaginaire ? — entre Joseph Fouché et Talleyrand, la veille du retour de Louis XVIII sur le trône, le 6 juillet 1815. Cette pièce à succès critique et public a été adaptée au cinéma en 1992 par Édouard Molinaro, avec les deux mêmes interprètes : Claude Rich dans le rôle de Talleyrand, rôle pour lequel il obtint le César du meilleur acteur en 1993, et Claude Brasseur dans celui de Fouché.

Cinéma

Sacha Guitry met plusieurs fois en scène Talleyrand dans ses films, le jouant même deux fois, confiant aussi le rôle à Jean Périer, qui récidive dans le même rôle deux ans plus tard. Parmi les acteurs ayant joué son personnage, on trouve aussi Anthony Perkins, Stéphane Freiss, Claude Rich ou John Malkovich

Théâtre

Jean-Claude Brisville : Le Souper 1989
Sacha Guitry : Le Diable boiteux 1948
Sacha Guitry : Théâtre : Beaumarchais, Talleyrand, monsieur Prudhomme a-t-il vécu ? 1962
Robert Hossein : C'était Bonaparte 200


Maximes de Talleyrand

Ce qui est, presque toujours, est fort peu de choses, toutes les fois que l'on ne pense pas que ce qui est produit ce qui sera.

Dans les temps de révolutions, on ne trouve d'habileté que dans la hardiesse, et de grandeur que dans l'exagération.

En France nous avons 300 sauces et 3 religions. En Angleterre, ils ont 3 sauces mais 300 religions.

Il croit qu'il devient sourd parce qu'il n'entend plus parler de lui.

Il y a quelqu'un qui a plus d'esprit que Voltaire, c'est tout le monde.

Il y a trois sortes de savoir: le savoir proprement dit, le savoir-faire et le savoir-vivre; les deux derniers dispensent assez bien du premier.

Il y a une chose plus terrible que la calomnie, c'est la vérité.

L'industrie ne fait qu'affaiblir la moralité nationale. Il faut que la France soit agricole.

La parole a été donnée à l'homme pour déguiser sa pensée.

Le mariage est une si belle chose qu'il faut y penser pendant toute sa vie.

Les femmes pardonnent parfois à celui qui brusque l'occasion, mais jamais à celui qui la manque.

Les mécontents, ce sont des pauvres qui réfléchissent.

Là où tant d'hommes ont échoué, une femme peut réussir.

Méfiez-vous du premier mouvement, il est toujours généreux.

Ne dites jamais de mal de vous. Vos amis en diront toujours assez.

Qui n'a pas vécu dans les années voisines de 1780 n'a pas connu le plaisir de vivre.

Si cela va sans dire, ça ira encore mieux en le disant.

Soyez à leurs pieds. A leurs genoux... Mais jamais dans leur mains.

Un ministère qu'on soutient est un ministère qui tombe.

Voilà le commencement de la fin.

Les femmes pardonnent parfois à celui qui brusque l'occasion, mais jamais à celui qui la manque.
Charles-Maurice De Talleyrand

Là où tant d'hommes ont échoué, une femme peut réussir.
Charles-Maurice De Talleyrand

Ne dites jamais du mal de vous ; vos amis en diront toujours assez.
Charles-Maurice De Talleyrand

les deux derniers dispensent assez bien du premier.
Charles-Maurice De Talleyrand

Si cela va sans dire, cela ira encore mieux en le disant.
Charles-Maurice De Talleyrand

"Oui" et "non" sont les mots les plus courts et les plus faciles à prononcer, et ceux qui demandent le plus d'examen.
Charles-Maurice De Talleyrand

Si les gens savaient par quels petits hommes ils sont gouvernés, ils se révolteraient vite.
Charles-Maurice De Talleyrand

Il y a une chose plus terrible que la calomnie, c'est la vérité.
Charles-Maurice De Talleyrand

La politique ce n'est qu'une certaine façon d'agiter le peuple avant de s'en servir.
Charles-Maurice De Talleyrand


Le meilleur auxiliaire d'un diplomate, c'est bien son cuisinier.
Charles-Maurice De Talleyrand

Le mariage est une si belle chose qu'il faut y penser pendant toute sa vie.
Charles-Maurice De Talleyrand

Les hommes sont comme les statues, il faut les voir en place.
Charles-Maurice De Talleyrand

Qui n'a pas les moyens de ses ambitions a tous les soucis.
Charles-Maurice De Talleyrand


L'Angleterre a deux sauces et trois cents religions ; la France au contraire, a deux religions, mais plus de trois cents sauces.
Charles-Maurice De Talleyrand

Les mécontents, ce sont des pauvres qui réfléchissent.
Charles-Maurice De Talleyrand

Soyez à leurs pieds. A leurs genoux... Mais jamais dans leur mains.
Charles-Maurice De Talleyrand

La vie serait supportable s'il n'y avait pas les plaisirs.
Charles-Maurice De Talleyrand

Agiter le peuple avant de s'en servir, sage maxime.
Charles-Maurice De Talleyrand

Ce qui est, presque toujours, est fort peu de choses, toutes les fois que l'on ne pense pas que ce qui est produit ce qui sera.
Charles-Maurice De Talleyrand

Dans les temps de révolutions, on ne trouve d'habileté que dans la hardiesse, et de grandeur que dans l'exagération.
Charles-Maurice De Talleyrand

Les financiers ne font bien leurs affaires que lorsque l'État les fait mal.
Charles-Maurice De Talleyrand

Un ministère qu'on soutient est un ministère qui tombe.
Charles-Maurice De Talleyrand

Nous appelons militaire tout ce qui n'est pas civil.
Charles-Maurice De Talleyrand

Le meilleur moyen de renverser un gouvernement, c'est d'en faire partie.
Charles-Maurice De Talleyrand

L'esprit sert à tout, mais il ne mène à rien.
Charles-Maurice De Talleyrand

La vie intérieure seule peut remplacer toutes les chimères.
Charles-Maurice De Talleyrand

En politique, ce qui est cru devient plus important que ce qui est vrai.
Charles-Maurice De Talleyrand

Il croit qu'il devient sourd parce qu'il n'entend plus parler de lui.
Charles-Maurice De Talleyrand

On ne croit qu'en ceux qui croient en eux.
Charles-Maurice De Talleyrand

On peut violer les lois sans qu'elles crient.
Charles-Maurice De Talleyrand

Café : Noir comme le diable Chaud comme l'enfer Pur comme un ange Doux comme l'amour.
Charles-Maurice De Talleyrand

On connaît, dans les grandes cours, un autre moyen de se grandir : c'est de se courber.
Charles-Maurice De Talleyrand

Défiez-vous des premiers mouvements, ce sont les bons.
Charles-Maurice De Talleyrand

Tout ce qui est excessif est insignifiant.
Charles-Maurice De Talleyrand

« Les femmes pardonnent parfois à celui qui brusque l’occasion, mais jamais à celui qui la manque. »
de Talleyrand

« L’esprit sert à tout, mais il ne mène à rien. »
de Talleyrand

« L’esprit sert à tout, mais il ne mène à rien. »

« Là où tant d'hommes ont échoué, une femme peut réussir. »
de Talleyrand

« Là où tant d'hommes ont échoué, une femme peut réussir. »

« “Oui” et “non” sont les mots les plus courts et les plus faciles à prononcer, et ceux qui demandent le plus d'examen. »
de Talleyrand

« “Oui” et “non” sont les mots les plus courts et les plus faciles à prononcer, et ceux qui demandent le plus d'examen. »

« Si cela va sans dire, cela ira encore mieux en le disant. »
de Talleyrand

« Si cela va sans dire, cela ira encore mieux en le disant. »

« Agiter le peuple avant de s'en servir, sage maxime. »
de Talleyrand

« Les hommes sont comme les statues, il faut les voir en place. »
de Talleyrand

« Ne dites jamais du mal de vous ; vos amis en diront toujours assez. »
de Talleyrand

« Défiez-vous des premiers mouvements, ce sont les bons. »
de Talleyrand

« Défiez-vous des premiers mouvements, ce sont les bons. »

« Le meilleur moyen de renverser un gouvernement, c'est d'en faire partie. »
de Talleyrand

« Le meilleur moyen de renverser un gouvernement, c'est d'en faire partie. »

« La parole a été donnée à l’homme pour déguiser sa pensée. »
de Talleyrand

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« La parole a été donnée à l’homme pour déguiser sa pensée. »

« Ce qui est, presque toujours, est fort peu de choses, toutes les fois que l'on ne pense pas que ce qui est produit ce qui sera. »
de Talleyrand

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« Un ministère qu'on soutient est un ministère qui tombe. »
de Talleyrand

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« La vie intérieure seule peut remplacer toutes les chimères. »
de Talleyrand

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Liens
http://youtu.be/a80q0NKi_cA Talleyrand/Bonaparte 2000 ans d'histoire
http://youtu.be/x4_2NoqXZqo Bibliothèque Médicis Napoléon/Talleyrand
http://youtu.be/VKM9QL0qa3E Napoléon Sacha Guitry
http://youtu.be/VHn8pIHsNlI Talleyrand guitry
http://youtu.be/7NhgZ3XpfKg Talleyrand 1
http://youtu.be/6_eOFzdzYjE Maximes de Talleyrand
http://youtu.be/rTHzWHIN16g Talleyrand et le vin
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Posté le : 31/01/2014 19:44

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Robert -François Damien
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Le 5 Janvier 1757 Robert-François Damiens ou Damier, blesse le roi Louis XV et le

paiera de sa vie
,

né le 9 janvier 1715 à La Thieuloye, près d'Arras aujoud'hui dans le Pas-de-Calais il meurt supplicié le 28 mars 1757 à Paris, condamné par la Justice pour avoir tenté d'assassiner, le roi, il fut la dernière personne à subir le supplice de l'écartèlement en France, sous l'Ancien Régime.


Robert-François Damier ou Damien est originaire d'une famille nombreuse de l'Artois, huitième de dix enfants.
Son père, fermier ruiné car ayant mal géré son domaine, devient travailleur journalier agricole puis gardien de prison. Sa mère meurt lorsqu'il a 16 ans, il est alors élevé par un oncle à Béthune. Enfant turbulent, ses frères et sœurs le surnomment Robert le Diable.
Contrairement à ce qu'affirma Voltaire, il n'a jamais été soldat mais a servi un militaire qu'il avait suivi en Allemagne lors du siège de Philippsbourg, ou Philisbourg en 1734. Traumatisé par l'expérience, il devient valet à Louis-le-Grand, le collège de Jésuites à Paris, qu'il doit quitter pour s'être marié, la règle imposant aux valets d'être célibataires.
Il sert comme domestique chez de nombreux conseillers du Parlement de Paris, dont certains parmi les plus virulents contre le roi tel le comte de La Bourdonnais, Bèze de Lys.
Damiens est grand, mince et brun. Il a un nez aquilin et le visage marqué de petite vérole.
Il forme une famille unie, avec sa femme, cuisinière, et sa fille unique, apprentie couturière, ses fils sont morts en bas âge, sa fille sera selon l'historienne Marion Sigaut enlevée en 1750, comme les enfants perdus de l'Hôpital général, ce que réfute l'historien Dale K. Van Kley qui considère que seuls des garçons étaient enlevés, et il doit lutter, au fil de ses emplois, pour ne pas trop s'éloigner d'elles.
Il passe beaucoup de temps au Palais de justice, s'enquérant des nouvelles et faisant le coursier pour tel ou tel magistrat ou la mouche, le mouchard, l'indicateur pour la police. En ces temps de conflit entre le Parlement et le roi, Damiens vit au cœur de l'opposition parlementaire, et l'historienne Marion Sigaut en conclut que là était la raison de son geste.
D'une piété fervente, il tient des discours religieux exaltés, notamment au cours de ses beuveries.
En juillet 1756, il se réfugie dans sa famille à Arras après avoir volé 240 louis à son dernier maître.

L'attentat

Le mercredi 5 janvier 1757, alors que la cour en effectif réduit est au Grand Trianon plus facile à chauffer que Versailles et que la famille royale s'apprête, ironie de l'histoire, à tirer les rois, Louis XV rend visite à sa fille, Madame Victoire, qui est restée alitée au château de Versailles.
Damiens loue épée et chapeau dans une boutique sur la place d'armes devant le château pour se faire passer pour noble, entre au palais de Versailles, parmi les milliers de personnes qui essayent d'obtenir des audiences royales. Vers 18 heures, alors qu'il va regagner son carrosse, Damiens fend la haie des gardes, le chapeau sur la tête, frappe le roi et recule par la trouée qu'il a pratiquée. Louis XV croit d'abord à un coup de poing, puis trouve son côté ensanglanté. Le dauphin et ses compagnons maîtrisent Damiens qu'ils remettent aux gardes alors que le roi s'écrie "Qu'on l'arrête et qu'on ne le tue pas ! ".
Le roi retourne à sa chambre et, se croyant moribond, demande un confesseur et l'extrême onction.
L'arme du crime est un canif à deux lames rentrantes acheté chez une marchande de quincaillerie, trouvé dans la poche de Damiens.
Celle qui a frappé le roi mesure 8 cm. La blessure, située du côté droit, se trouve entre les 4e et 5e côtes. Les nombreuses couches de vêtement notamment celles en soie et en velours, nécessaires à cause de l'hiver rigoureux, ont amorti la plus grande force du coup. La Martinière, premier chirurgien, sonde la blessure : aucun organe n'est atteint. Il s'agit donc d'une blessure sans gravité, à moins que la lame n'ait été empoisonnée préalablement, mais le roi restera cloîtré dans sa chambre pendant dix jours : impopulaire depuis une dizaine d'années, il est prêt à changer d’attitude en marquant plus de dévotion, en renonçant à ses maîtresses et en préparant le dauphin à sa succession.
Un courtisan se précipite auprès de l'assassin que l'on a traîné jusqu'à la salle des gardes. On l'interroge sur de possibles complicités, l'homme se récrie :
"Non, sur mon âme, je jure que non ".
Damiens, alors que les gardes lui tenaillent les pieds avec des pincettes rougies au feu, s'écrie "Qu'on prenne garde à M. le Dauphin !" pour faire cesser la torture. Le garde des Sceaux, Machaut d'Arnouville, arrivé peu de temps après, ordonne qu'on mette un gros fagot dans le feu et qu'on l'y jette. Il est interrompu par l'arrivée du grand prévôt de l'hôtel qui prend en charge le prisonnier.

L'instruction

À Paris, l'agitation est grande. On accuse d'abord les Anglais, ensuite les Jésuites ou les Jansénistes actifs dans les milieux parlementaires.
Louis XV déclare tout de suite qu'il pardonne. Il aurait sans doute préféré une peine symbolique pour une blessure bénigne mais ce genre de décision ne lui revenait pas personnellement. Légalement, le crime de Damiens relève de la prévôté de l'Hôtel du roi, chargée de la police dans les résidences royales.
Les premiers conseils tenus par le Dauphin évoquent une commission de conseillers d'État et de maîtres des requêtes. Mais des tractations secrètes entre le Parlement de Paris et le roi permettent au premier d'être finalement chargé de l'instruction qu'il mène dans le plus grand secret.
Le 15 janvier, des lettres patentes ordonnent donc que Damiens soit jugé par la grande chambre du Parlement — au lieu de la Tournelle, salle ordinaire des audiences criminelles.
Le chef d'accusation de cette justice d'exception est le régicide. Louis XV précise en préambule :
"Les sentiments de religion dont nous sommes pénétrés et les mouvements de notre cœur nous portaient à la clémence. Mais nos peuples, à qui notre vie n'appartient pas moins qu'à nous-mêmes, réclament de notre justice la vengeance d'un crime commis contre des jours que nous désirons de conserver pour leur bonheur."

La torture, le procès, la sentence

Dans la nuit du 17 au 18 janvier, Damiens est transféré de Versailles à la Conciergerie à Paris — là où Ravaillac avait été enfermé.
Aucune torture n'est épargnée au malheureux qui est attaché sur son lit par un assemblage inouï de courroies de cuir qui lui tiennent chaque membre et sont retenues par des anneaux scellés au plancher.
Mais les deux médecins qui s'assurent de sa santé obtiennent des magistrats qu'il lui soit permis de se déplacer dans sa chambre et de marcher chaque jour.
Tandis que les magistrats instructeurs entendent le prisonnier dans le plus grand secret et font arrêter tous les proches, tous également mis au secret, le procès s'ouvre à la Grand'chambre le 12 février.
Dix audiences se passent et Damiens n'est entendu que le 26 mars 1757. Harcelé de questions interro-négatives, s'il n'est pas vrai qu'il a dit que, ou s'il n'a pas dit que, ne lui permettant pas de s'exprimer, il réussit tout de même à dire :
"Si je n'étais jamais entré dans les salles du palais, et que je n'eusse servi que des gens d'épée, je ne serais pas ici" .
Damiens est condamné pour régicide à faire amende honorable devant la principale porte de l'église de Paris, où il doit être mené et conduit dans un tombereau, nu, en chemise, tenant une torche de cire ardente du poids de deux livres, puis, dans le dit tombereau, à la place de Grève, et sur un échafaud qui y sera dressé, tenaillé aux mamelles, bras, cuisses et gras des jambes, sa main droite tenant en icelle le couteau dont il a commis le dit parricide, brûlée au feu de soufre, et sur les endroits où il sera tenaillé, jeté du plomb fondu, de l'huile bouillante, de la poix résine brûlante, de la cire et soufre fondus et ensuite son corps tiré et démembré à quatre chevaux et ses membres et corps consumés au feu, réduits en cendres et ses cendres jetées au vent.
Une fois la sentence prononcée, Damiens aurait eu cette phrase laconique restée célèbre :
"la journée sera rude".
Le 28, la sentence est exécutée, dans des conditions particulièrement atroces. Les seize bourreaux venus de toute la France, sans réelle pratique de ce genre de torture, attachent quatre chevaux rétifs conduits par des cavaliers enivrés, probablement pour les besoins de la cause.
Le supplice dure deux heures et quart, les bourreaux ayant l'interdiction des juges de couper d’abord les tendons des membres pour faciliter l’arrachement.
La mort de Damiens survient seulement à la tombée de la nuit, à l’enlèvement du bras droit, le dernier membre ; une image qui hantera le jeune bourreau Charles-Henri Sanson, alors tout juste âgé de dix-huit ans.
Une foule immense assiste à ce spectacle, les balcons des maisons de la place de Grève sont loués jusqu'à 100 livres. Alors que des femmes du grand monde croient se faire bien voir du roi en trouvant plaisant le spectacle, la foule gronde car les exécuteurs, horrifiés, ont réussi leur œuvre après soixante reprises.
Après sa mort, sa maison natale est rasée avec interdiction de rebâtir.
Sa femme, sa fille et son père sont bannis du royaume, sous peine de mort immédiate en cas de retour, et le reste de sa famille est contraint de changer de nom. Plusieurs branches de la famille ont repris le nom de Damiens pendant la Révolution française.

Notes et références

L'ancienne France - La justice et les tribunaux, Firmin-Didot, Paris, 1888, p. 79
, b, c et d Pierre Bellemare et Jean-François Nahmias, Les Grands crimes de l'histoire, Éditions 1,‎ 2008, 400 p.
Alexandre-André Le Breton, Pièces originales et procedures du proces fait à Robert-François Damiens, tant en la Prévôté de l'Hôtel qu'en la Cour de Parlement, Pierre-Guillaume Simon,‎ 1757, p. 178
a, b et c Gilles Perrault, Le Secret du Roi : La Passion polonaise, Fayard,‎ 1992, 600 p., p. 342
Déclaration dans les papiers du procureur le surlendemain de l'attentat par un des maîtres de Damiens, le comte de Maridor.
Marion Sigaut [archive], entrevue pour Égalité et Réconciliation, 9 février 2012
Robert Muchembled, Les Ripoux des Lumières, éd. le Seuil, 2011
Alain Baraton, Vice et Versailles - Crimes, trahisons et autres empoisonnements au palais du Roi-Soleil, Grasset, 2011, 208 p.
1757 Attentat de Damiens contre Louis XV
a et b Évelyne Lever, L'attentat de Damiens , émission Au cœur de l'histoire sur Europe 1, 23 octobre 2012
Principe de la peine réflexive .
Pièces originales et procédures du procès fait à Robert-François Damiens, 1757, t. III, p. 372-374. In Surveiller et punir de Michel Foucault.
Louis XV victime d’un attentat – 5 janvier 1757 - www.coutumes-et-traditions.fr
Jean-Baptiste Raymond, Louis XIV et la société du XVIIIe siècle, 1843, p. 281-283

Voir aussi

Surveiller et punir (p. 9-12) s'ouvre sur la scène de torture de Robert-François Damiens, vue par l'officier Bouton, témoin supposé. Michel Foucault cite alors, comme l'indique la première note de l'ouvrage, Damien le régicide (1937) de A.L. Zevaes (p. 201-214).

Liens

http://youtu.be/bPPM4oQZjFo Lesa Maesta
http://youtu.be/aZeVVDJOidA histoire chantée de Louis XV et de Damien
http://youtu.be/3gAhTHPt2yw Chanson JP Arbon
http://youtu.be/IvgCjBd7Ml0 Louis XV Pédophilie Damien 2



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Posté le : 03/01/2014 19:30

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Etude bien documentée. Bravo

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La Marquise de Pompadour
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Le 29 Décembre 1721 à Paris, naît Jeanne -Antoinette Poisson dite la marquise de Pompadour,

décédée le 15 Avril 1764 à 42 ans à Versailles, est la fille de françois Poisson et de Madeleine de la Motte, mariée à Charles-Guillaume Le Normant d'Étiolles dont elle aura deux enfants : Charles Guillaume Louis Le Normant d'Étiolles
Alexandrine Le Normant d'Étiolles, elle sera une dame de la bourgeoisie française elle est très connue pour avoir été la favorite du roi de France et de Navarre Louis XV.

Maîtresse déclarée après Fontenoy, marquise de Pompadour par lettres patentes la même année, elle règne véritablement jusqu'à sa mort : S. M. Cotillon III, disait Frédéric II. Les premiers mois, la cour et la ville célèbrent son charme, son esprit, ses talents de musicienne, son goût des nouveautés hardies. Elle n'est pas la grisette méprisée par la cour et les dévôts, la maîtresse robine que raillait Maurepas. Elle recueille la succession des sœurs de Nesle, une des plus grandes familles de France ; elle ne cache pas ses origines. C'est une ambitieuse fille de la finance, une mondaine habile à distraire le roi et qui sait aussi l'accompagner aux armées 1756 ; elle obtient une place de dame du palais de la reine à qui elle a toujours témoigné une grande déférence. Elle fait profiter sa famille de sa situation privilégiée. Dès l'automne 1745, sa liaison est officielle et elle se voit reprocher son milieu, ses dépenses, sa coterie. Elle s'entoure de véritables ministres occultes : les frères Pâris, dont les avances sont nécessaires aux finances, le cardinal de Tencin et sa sœur, le maréchal de Richelieu. La marquise de Pompadour fait disgracier, en 1745, le contrôleur général Orry, hostile aux Pâris, et, en 1749, Maurepas qui a suscité contre elle une campagne de chansons ordurières, les poissonnades. Elle soutient d'abord Machault contre le clergé, pousse Bernis, Choiseul, le prince de Soubise... En 1757, le comte d'Argenson tenta, avec Machault, d'exploiter l'attentat de Damiens pour éloigner la marquise de Versailles. Tous deux furent disgraciés. Elle n'est pas sans influencer certaines décisions importantes comme l'abolition de la Compagnie de Jésus en France ou l'alliance avec l'Autriche. Une harassante vie de cour ruine sa santé fragile. Après cinq années d'amour presque sans nuage, Mme de Pompadour demeurera pour le roi une confidente, une conseillère écoutée et l'animatrice de ses plaisirs ; elle ferme les yeux sur les passades dans le pavillon du Parc-aux-Cerfs, mais redoute l'influence des grandes dames comme Mme d'Esparbès ou Mme de Gramont.

Femme de goût, elle exerce un véritable mécénat. Elle accueille les écrivains dans l'entresol de son médecin Quesnay ; ce sont eux qui « ont donné le nom de Grand à Louis XIV ». Elle apprécie Rousseau dont elle fait jouer Le Devin du village, réconcilie Voltaire avec le roi, qui lui donne la charge d'historiographe et de gentilhomme de la chambre. Elle favorise l'Encyclopédie.

Elle donne un éclat particulier à la cour par de nombreuses commandes à Gabriel, à Boucher, à La Tour, au graveur Cochin, à l'ébéniste Œben. Les artistes ont multiplié ses portraits : Quentin Latour, Nattier, Van Loo... Elle fait donner la survivance de la direction des Bâtiments, que détenait son oncle Tournehem, à son frère Abel Poisson, marquis de Marigny, actif et compétent, qui voyage en Italie avec Soufflot et Cochin et contribue à la réaction néo-antique contre le rococo. La marquise achète ou fait construire l'hôtel de la rue Neuve-des-Petits-Champs, l'hôtel d'Évreux, qui deviendra l'Élysée, et Bellevue (près de Meudon), son château préféré où elle donna des comédies et des fêtes. Durant ses dernières années, elle verse dans la dévotion, cherche à se réconcilier avec son mari, à se rapprocher de la famille royale ; elle fonde l'École militaire pour les cadets de famille sans fortune.

Jeunesse

La future marquise de Pompadour voit le jour à Paris : Du mercredi 30 décembre 1721, fut baptisée Jeanne-Antoinette Poisson, née d'hier, fille de François Poisson, écuyer de Son Altesse royale Monseigneur le duc d'Orléans, et de Louise-Madeleine de La Motte, son épouse, demeurant rue de Cléry….
Le baptême est célébré à l'église Saint-Eustache. Jeanne-Antoinette doit ses prénoms à son parrain, Jean Pâris de Monmartel, et à la nièce de ce dernier, Antoinette Justine Pâris, sa marraine.
Les parents de Jeanne-Antoinette se sont mariés trois ans plus tôt, le 11 octobre 1718 à Saint-Louis des Invalides.
Son père officiel, François Poisson, a débuté comme conducteur dans le service des vivres. Remarqué par les frères Pâris, des financiers liés à la famille de la Motte, il a rendu de grands services en Provence, au moment de la peste. Mais, chargé comme commissaire aux vivres du ravitaillement de Paris pendant la disette de 1725, il est accusé de trafics et ventes frauduleuses. François Poisson est contraint de quitter le pays, et s'exile en Allemagne. Le 23 avril 1727, une commission du Conseil le déclare débiteur pour la somme de 232 430 livres.
Le 12 août de la même année, une sentence du Châtelet de Paris décide la séparation de biens avec son épouse, mais leur maison rue de Saint-Marc est saisie. Avant son départ, François Poisson confie sa fille Jeanne-Antoinette au couvent des Ursulines à Poissy en 1727. Ce couvent est connu pour l'éducation des jeunes filles issues notamment de la bourgeoisie. La santé de Jeanne-Antoinette est fragile. Mais elle souffre aussi moralement d'une double absence : celle de son père exilé, et celle de sa mère qui mène une vie pour le moins mouvementée. En janvier 1730, Madame Poisson reprend sa fille à Paris, rue Neuve des Bons-Enfants. Jeanne-Antoinette découvre alors le salon littéraire de Madame Claudine-Alexandrine Guérin de Tencin, une amie de sa mère. C'est dans ce cercle que la jeune fille va apprendre l'art de la conversation et les valeurs de l'esprit.

Madame Le Normant d'Étiolles

Pendant l'éloignement de François Poisson, sa femme née Madeleine de La Motte, belle à miracle, a eu entre autres amants le riche fermier général Charles François Paul Le Normant de Tournehem, célibataire et amateur d'art. Celui-ci, après avoir veillé à l'éducation des deux enfants de sa maîtresse, Jeanne-Antoinette et Abel-François né en 1725, fit épouser à la première dès qu'elle eut vingt ans, le 9 mars 1741 à Saint-Eustache, son neveu et héritier Charles-Guillaume Le Normant d'Étiolles, âgé de vingt-quatre ans.
Le couple eut un fils Charles Guillaume Louis, né le 26 décembre 1741, baptisé à l'ancienne paroisse Saint-Paul mais qui meurt dans sa première année. Le 10 août 1744 naît une fille Alexandrine, baptisée à Saint-Roch.
Ses contemporains considèrent Jeanne-Antoinette Le Normant d'Étiolles comme assez belle, d'une taille au-dessus de l’ordinaire, svelte, aisée, souple, élégante ; son visage était d'un ovale parfait, ses cheveux plutôt châtain clair que blonds. Ses yeux avaient un charme particulier, qu'ils devaient peut-être à l'incertitude de leur couleur. Elle avait le nez parfaitement bien formé, la bouche charmante, les dents très belles, un sourire délicieux, la plus belle peau du monde.
La beauté de Jeanne-Antoinette et son esprit la font connaître et elle devient l'hôtesse des salons cultivés et mondains de Paris. Elle donne des représentations intimes dans le petit théâtre qu'elle a fait construire dans son château d'Étiolles, à côté de Sénart où le couple s'installe et où le roi Louis XV vient souvent chasser. C'est au cours d'une de ses chasses que le roi la remarque.

La favorite du roi

Proche du père de Jeanne-Antoinette, Joseph Pâris avait été exilé de 1726 à 1729 sous le gouvernement du cardinal de Fleury. La mort de celui-ci, en janvier 1743, donne l'occasion aux frères Pâris, au cardinal de Tencin, à sa sœur la marquise de Tencin et au maréchal de Richelieu de rentrer en grâce. Ce cercle dispose d'une occasion pour se placer auprès de Louis XV. La jeune Jeanne-Antoinette, qui est très proche des Pâris, paraît susceptible de plaire au roi. Le stratagème mis en place fonctionne et porte ses fruits en 1745.
Le 23 février 1745 est célébré le mariage religieux du fils du roi, le dauphin Louis-Ferdinand, avec l'infante Marie-Thérèse d'Espagne. Des fêtes sont organisées pendant huit jours pour cet événement. Le 25 février a lieu dans la Galerie des Glaces au château de Versailles, le bal des Ifs où est invitée Jeanne-Antoinette, sous l'apparence de Diane chasseresse. Toute la cour remarque que le roi s'entretient longuement avec cette belle inconnue. Trois jours plus tard, le 28 février, au cours du bal offert à l'Hôtel de ville de Paris par le corps municipal, nouvelle rencontre entre Madame d'Étiolles et le roi Louis XV.
Jeanne-Antoinette devient une visiteuse régulière et Louis XV l'installe au château de Versailles dans un appartement situé juste au-dessus du sien, relié par un escalier secret.
En juillet, le roi lui fait don du domaine de Pompadour, récemment acquis par la Couronne, la créant ainsi marquise, tandis que Jeanne-Antoinette obtient de son mari une séparation légale. En effet, le Châtelet de Paris prononce le 15 juin 1745, un arrêt de séparation de corps et de biens.
Le 14 septembre 1745, elle est officiellement présentée à la cour. Elle a 23 ans. Les milieux dévots d'une part et les milieux aristocratiques conservateurs d'autre part concentrent leurs attaques sur la nouvelle maîtresse du roi, certes pécheresse mais surtout parvenue puisque issue de la haute bourgeoisie et non de l'antique noblesse comme l'étaient les précédentes favorites du roi. La veille de Noël, le 24 décembre 1745, décède sa mère Louise Madeleine de la Motte à l'âge de quarante-six ans.
En 1746, Louis XV offrit à la Marquise de Pompadour une parcelle d'environ 6 hectares dans le petit parc de Versailles. Elle y fit construire par l'architecte Gabriel une demeure pleine de charme, avec des volières, qu'elle appela son Ermitage.
En 1748, la marquise acquiert le château de la Celle, à quelques kilomètres de Versailles. La reine et le Dauphin, appuyés par les milieux dévots, pressent le roi de faire cesser cette relation adultérine notoire et finissent par le faire céder après de nombreuses années de résistance.
Après 1752, si les relations entre le roi et sa favorite prennent un tour platonique, voire simplement amical, Jeanne-Antoinette ne quitte pas la cour pour autant et reste dans l'entourage immédiat de la famille royale, alignant sa conduite sur celle qu'avait eue en son temps la marquise de Maintenon.
Mme de Pompadour excellait à distraire Louis XV, à organiser des fêtes, des représentations théâtrales, à entretenir le goût du souverain pour les bâtiments et les jardins.
Ne pouvant contenter la sensualité du roi et craignant d'être supplantée par une dame de la cour, elle fournit à son ex-amant des jeunes femmes ou jeunes filles, logées dans la maison du Parc-aux-cerfs, actuel quartier Saint-Louis, à Versailles. Les plus célèbres furent Anne Couppier de Romans, qui eut un fils, Louis Aimé, que le roi reconnut sans le légitimer, ce qui fit trembler la marquise, et Marie-Louise O’Murphy de Boisfailly, dite Morphyse, avec qui il eut une fille, Agathe Louise.
En 1753, Louis XV achète l'hôtel d’Évreux, actuel Palais de l’Élysée et l'offre à son amie pour en faire sa résidence parisienne.
Le 15 juin 1754, la fille unique de la marquise, Alexandrine, née de son mariage, dont elle avait obtenu la garde et qu'elle élevait depuis telle une princesse royale, contracte une péritonite aiguë au couvent des Dames de l'Assomption, rue Saint-Honoré à Paris, où elle recevait son éducation. Madame de Pompadour, retenue à Versailles, n'est pas présente. Lorsque la nouvelle lui parvient, Louis XV dépêche en urgence deux de ses médecins personnels au chevet de l'enfant, mais ils arrivent trop tard. La jeune Alexandrine, âgée de neuf ans, a déjà succombé. La marquise, profondément affectée, ne se remettra jamais vraiment de ce drame. Quelques jours plus tard, le 25 juin 1754 décède son père, François Poisson .
Pendant son règne de vingt ans, elle maintient des rapports cordiaux avec la reine. Mme de Pompadour entretient également des relations avec les ministres qu'elle invite parfois dans ses appartements.
Elle appuie la carrière du cardinal de Bernis, du duc de Choiseul et soutient le renversement des alliances de la Prusse vers l'Autriche qui se concrétise par la guerre de Sept Ans et la perte de la Nouvelle-France. La légende veut que la marquise, pour consoler le roi très affecté par la déroute de Rossbach, l'aurait exhorté à ne pas s'affliger outre mesure, concluant par ces mots : "Il ne faut point s'affliger : vous tomberiez malade. Après nous, le déluge !."

Le dernier moment

Épuisée par vingt années de vie, de travail et d'intrigues à la cour, sa santé chancelle, elle contracte la tuberculose. À Versailles, elle se plaint constamment de l'air froid et humide de ses grands appartements, regrettant le petit appartement de l'attique nord, plus facile à chauffer, qu'elle avait occupé les cinq premières années de son installation.
Dans la nuit du 14 au 15 avril 1764, le curé de la Madeleine de la Ville-l’Evêque, confessa la marquise et lui administra l'extrême onction. La croyant endormie, le prêtre fait le mouvement de se retirer et la Marquise de Pompadour murmura : "Encore un moment, monsieur le Curé, nous nous en irons ensemble".
Jeanne-Antoinette meurt d'une congestion pulmonaire, à l'âge de 42 ans, le 15 avril 1764 à Versailles, ultime privilège, puisqu'il était interdit à un courtisan de mourir dans le lieu où résidait le roi et sa cour.
Madame de Pompadour est emmenée à son Hôtel des Réservoirs, où elle est veillée deux jours et deux nuits dans sa chambre, transformée en chapelle ardente.
Le mardi 17 avril 1764 en fin d'après-midi, la cérémonie se déroule à l'église Notre-Dame de Versailles, où a lieu le premier service funèbre.
L'acte de décès est rédigé par Jean-François Allart, le curé de la paroisse, se reporter au chapitre Sources, pour l'accès direct aux archives numérisées des registres paroissiaux de Versailles :

"Madame Jeanne Antoinette Poisson
Marquise de Pompadour "
"L'an mil sept cent soixante et quatre le dix sept d'avril,
très haute et très puissante dame Madame Jeanne Antoinette Poisson,
duchesse marquise de Pompadour et de Menar,
dame de St Oüen près Paris et autres lieux,
l'une des dames du palais de la Reyne,
décédée d'avant hier, âgée de quarante trois ans,
a été transportée par nous soussigné curé
aux Capucines de Paris lieu de sa sépulture,
en présence de pierre Benoist prêtre et de Sébastien Lefevre
qui ont signé. Allart curé, Benoist prêtre, S. Lefebvre"

On raconte que, considérant le mauvais temps alors que le convoi funéraire de Jeanne-Antoinette quittait Versailles pour Paris, Louis XV aurait fait cette remarque :
"La marquise n'aura pas beau temps pour son voyage" et voyant le cortège s'éloigner sans avoir pu rendre officiellement hommage à celle qui avait été si longtemps sa confidente :"Voilà les seuls devoirs que j'aie pu lui rendre !".

Jeanne-Antoinette est enterrée à Paris, dans la chapelle du couvent des Capucines, au côté de sa mère Louise, Madeleine de La Motte, décédée le 24 décembre 1745 et sa fille Alexandrine, décédée le 15 juin 1754.
L'emplacement du caveau se situerait actuellement au niveau de l'immeuble numéro 3 de la rue de la Paix. Le tombeau serait toujours en place.

Descendance

De son mari, Charles-Guillaume Le Normant d'Étiolles, Madame de Pompadour a eu deux enfants : un fils mort en bas âge et une fille, Alexandrine, morte à l’âge de neuf ans d’une péritonite aiguë. La marquise n’eut jamais d’autres enfants.
De sa liaison avec le roi Louis XV, elle n’eut que des fausses couches entre 1746 et 1749.
Charles-Guillaume Le Normant d'Étiolles en revanche, vécut en concubinage avec une danseuse qu’il épousa une fois devenu veuf de la marquise.
La famille entière fut emprisonnée sous la Terreur. Charles-Guillaume avait alors 74 ans.

Protectrice des arts et des lettres

Nouvelle édition revue et corrigée De l'esprit des lois de Montesquieu en 1749, publiée par Chatelain.

Littérature

Madame de Pompadour apporte son soutien indéfectible à Voltaire. La marquise réconcilie l'écrivain et Louis XV. Ce retour en grâce auprès du roi, permet à Voltaire d'obtenir une charge d'historiographe en 1745 et un siège à l'Académie française en 1747.
Madame de Pompadour était particulièrement favorable aux philosophes et au parti intellectuel. Les écrivains ont ainsi pu avoir la relative liberté de répandre des idées contestataires en faisant l'éloge du système politique anglais et en prônant une monarchie éclairée. Elle favorisa, par exemple, la publication des deux premiers volumes de l'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert, pourtant condamnée par le parlement de Paris.
Madame de Pompadour va également défendre Montesquieu face aux critiques, lors de la parution de son livre De l'esprit des lois, publié en 1748. L'un de ses adversaires, Claude Dupin, fermier général et propriétaire du château de Chenonceau, est l'auteur d'un ouvrage Réflexions sur l'esprit des lois en 1749 qui réfute les arguments développés par Montesquieu.
Claude Dupin, avec l'aide de son épouse Louise de Fontaine, défend les financiers attaqués par Montesquieu, tout en prenant soin de ne pas nommer le philosophe et observant pour lui-même, l'anonymat en homme prudent et avisé. La réaction de Montesquieu ne s'est pas fait attendre et celui-ci demande à Madame de Pompadour d'intervenir en sa faveur. Grâce à son aide, Montesquieu obtient la suppression de l'édition de Claude Dupin. Madame de Pompadour qui protégeait Montesquieu, ne s'est-elle pas fait représenter dans le tableau de Maurice Quentin de La Tour avec, placé sur une table, l'ouvrage De l'esprit des lois ? Mais le livre de Montesquieu est mis à l'index en 1751 et le pape en interdit la lecture.

Arts

La marquise de Pompadour se faisait toujours représenter par des portraits livre en main, à côté d’un globe ou feuilletant une partition de musique… Elle fit travailler de nombreux artisans et permit le réaménagement de la manufacture de porcelaine de Sèvres. Elle fut favorable à la construction de monuments comme la place Louis XV actuelle place de la Concorde et le Petit Trianon. Elle participa également au projet de financement pour la réalisation de l’école militaire aux côtés de son ami Joseph Paris Duverney. Personnellement, elle apprit à danser, graver et jouer de la guitare. Son frère, le marquis de Marigny, fut Surintendant des bâtiments du roi et, à ce titre, l’un des promoteurs du style à l’antique.
Femme de goût, elle n’a peut-être pas eu sur les arts l’influence qu’on lui a quelquefois attribuée. Le style Pompadour était en plein épanouissement avant qu’elle ne devînt la maitresse du Roi. Mais elle exerce un véritable mécénat par de nombreuses commandes aux peintres Boucher, La Tour et van Loo.
Elle encourage un grand nombre d’artistes comme le peintre Nattier, le graveur Cochin, l’ébéniste Oeben, le sculpteur Pigalle, le gainier Jean-Claude Galluchat ou encore l’écrivain La Place.

Châteaux

La marquise de Pompadour réside dans les châteaux suivants :
Château de Versailles, où elle possède son propre appartement
Château d'Étiolles
Château de Pompadour en Corrèze, vendu en 1760
Château de Choisy Val-de-Marne, à partir de 1746
Château de Crécy-Couvé de 1746 à 1757
Château de Montretout (surnommé Tretout) à Saint-Cloud jusqu’en 1748
Château de la Celle ou Petit Château à La Celle Saint-Cloud de 1748 à 1750
Château de Bellevue à Meudon qu’elle fait construire, achevé en 1750
Hôtel des Réservoirs à Versailles en 1751
Pavillon de l’Hermitage à Fontainebleau avec des jardins dessinés par Lassurance à partir de 1754
Hôtel particulier dans le centre de Paris (2e arrondissement) qu’elle quitte en 1745 pour Versailles
Hôtel d’Évreux (actuel palais de l'Élysée)
Château de Menars (Loir-et-Cher)
Château de Champs-sur-Marne ; en 1757, madame de Pompadour devient locataire de Champs-sur-Marne où elle séjourne dix-huit mois.
En 1762, sous l’impulsion de la marquise, Louis XV ordonne la construction d’un nouveau Trianon dans le parc de Versailles.
Madame de Pompadour supervise elle-même les plans et la construction de ce qui allait devenir le Petit Trianon et devait être sa future résidence à la cour. Mais son décès en 1764 ne lui permet pas d’assister à l’achèvement de son œuvre et ce fut la nouvelle favorite du roi, Madame du Barry, qui l’inaugura aux côtés du roi et s’y installa.

Gastronomie

La légende veut que la marquise de Pompadour eut une passion pour la soupe de truffes et de céleri, arrosée de tasses de chocolat ambré. Ces aliments avaient la réputation d'être aphrodisiaques, échauffant les esprits et les passions .
Grande amatrice de champagne, dont Madame de Pompadour aurait dit, selon la légende, qu’il est le seul vin qui laisse la femme belle après boire, elle favorisa sa consommation à Versailles il avait été introduit à la cour sous la Régence. Une légende veut que la première coupe à champagne fût moulée sur son sein.

Mémoire

Cinéma

1954 : La marquise apparaît dans le film Si Versailles m'était conté de Sacha Guitry, avec Micheline Presle dans le rôle de la Pompadour et Jean Marais dans celui de Louis XV.
2003 : Dans la nouvelle version du film Fanfan la Tulipe, les acteurs principaux sont Vincent Pérez dans le rôle de Fanfan et Hélène de Fougerolles dans celui de Madame de Pompadour. Nous retrouvons ces deux acteurs dans le téléfilm Jeanne Poisson, marquise de Pompadour, où Hélène de Fougerolles conserve le personnage de la marquise.

Télévision

2006 : Jeanne Poisson, marquise de Pompadour, téléfilm avec Hélène de Fougerolles (la marquise), Vincent Pérez (le roi), Charlotte de Turckheim (la reine), Patrick Haudecoeur, Damien Jouillerot, Rosemarie La Vaullée.
2006 : L'épisode La Cheminée des temps saison 2, épisode 4 de la série britannique Doctor Who a comme personnage central la marquise de Pompadour.
2007 : La Pompadour a-t-elle mené Louis XV à sa perte ?, épisode du magazine Secrets d'histoire de TV5 Monde.
2009 : Louis XV, le soleil noir, téléfilm de France 2.

Mode

Le créateur britannique de chaussures de luxe Rupert Sanderson, s'inspire des souliers de Madame de Pompadour et imagine une ligne d'escarpins, pour sa collection automne-hiver 2012-2013.

Numismatique

La marquise de Pompadour est l'effigie d'une pièce de 10 € en argent éditée en 2012 par la Monnaie de Paris, pour la collection « Les Euros des Régions » afin de représenter la région Limousin où elle était propriétaire d'un domaine.

Botanique

La rose Madame de Pompadour (obtenteur Gaujard)

Liens

http://youtu.be/RfUj5_RxYlM Pompadour
http://youtu.be/4BjcU-ItbXE Pompadour
http://youtu.be/HcjjddRkKjY La Pompadour (extrait)


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Posté le : 28/12/2013 17:36

Edité par Loriane sur 29-12-2013 15:51:43
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Récit de l'assassinat de Raspoutine par le prince lui même
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Récit de la mort par le prince lui-même



La fin de Raspoutine, par le prince Youssoupoff

Depuis longtemps, Raspoutine désirait faire la connaissance de ma femme. Croyant qu’elle était à Pétrograd et sachant que mes parents étaient en Crimée, il consentit à venir chez moi.

En réalité, ma femme n’était pas là. Elle était en Crimée chez mes parents. Mais j’avais pensé que si je disais à Raspoutine qu’il aurait l’occasion de la rencontrer, il accepterait plus volontiers mon invitation.

Quelques jours plus tard, le grand-duc Dimitri et Pourichkevitch, député à la Douma, revenaient du front.

Nous eûmes plusieurs fois l’occasion de nous réunir, et il fut décidé d’inviter Raspoutine à venir dans la maison de mes parents à la Moïka le soir du 16 décembre 1916.

Je lui téléphonai pour lui demander si cette date lui convenait. Il accepta, mais à la condition que je vinsse moi-même le prendre et que je le ramenasse chez lui. Il me pria de monter par l’escalier de service et me dit qu’il avertirait le concierge qu’une de ses connaissances viendrait le chercher à minuit. Il comptait de cette façon sortir inaperçu.

C’est avec surprise et effroi que je pensais à la grande facilité avec laquelle il consentait à tout. On eût dit qu’il voulait atténuer les difficultés de notre tâche.

Le jour approchait. Je priai le grand-duc Dimitri de se mettre en quête d’un endroit de la Néva où l’on put jeter le corps de Raspoutine.

Le même soir, ayant passé plusieurs heures à cette recherche, il vint me voir. Nous restâmes longtemps à causer. Il me parla de son récent séjour au grand quartier général. Il avait trouvé l’empereur maigri et vieilli et dans un état d’apathie qui le rendait indifférent à tout.

En écoutant parler le grand-duc, je me souvins des paroles de Raspoutine… La Russie était au bord du gouffre : il fallait agir si nous voulions essayer de sauver notre malheureuse patrie.

Les sous-sols de la Moïka

L’appartement où devait venir Raspoutine était situé dans le sous-sol et venait d’être remis à neuf. Il fallait l’arranger de façon à ce qu’il parût habité et n’éveillât aucun soupçon. Sinon, Raspoutine aurait pu trouver étrange qu’on le reçût dans une espèce de cave sans aucun confort.

En entrant dans la pièce principale, qui avait fait jusqu’ici partie de la cave, j’y trouvais des ouvriers en train de poser les tapis et de suspendre les portières.

Cette pièce, plutôt obscure en plein jour, était pavée de granit et avait des murs de pierre grise et un plafond bas et voûté. Deux petites fenêtres au ras du sol donnaient sur le quai de la Moïka.

Des arcades partageaient ce local en deux parties : l’une d’elles, grande et spacieuse, était destinée à servir de salle à manger ; l’autre, plus étroite, communiquait avec un escalier tournant dont le premier palier donnait sur la cour ; en montant quelques marches encore on parvenait à mon cabinet de travail.

On apportait du garde-manger les objets que j’avais choisis et qu’il fallait disposer dans la salle à manger : chaises en bois sculpté, tendues d’un cuir noirci par le temps ; des fauteuils en chêne massif à hauts dossiers ; des petites tables recouvertes de vieilles étoffes, des coupes en ivoire et une quantité d’autres objets d’art. En fermant les yeux, je vois encore dans tous ses détails l’arrangement de cette pièce.

Je me souviens surtout d’une armoire à incrustations contenant tout un labyrinthe de petites glaces et de colonnettes en bronze. Sur cette armoire était posé un crucifix en cristal de roche et argent ciselé, d’un très beau travail italien du XVIIème siècle.

Au milieu de la pièce, on plaça la table où Raspoutine devait prendre sa dernière tasse de thé.

L’intendant de notre maison et mon valet de chambre m’aidaient à disposer les meubles. Je les chargeai de préparer du thé pour six personnes, d’acheter des biscuits et des gâteaux et d’aller prendre du vin à la cave.
Je leur dis que j’attendais du monde à onze heures du soir et qu’ils pouvaient se retirer dans la chambre de service jusqu’à mon appel.

Le cyanure dans les gâteaux

A onze heures, tout était prêt dans le nouvel appartement. Le samovar fumait déjà sur la table au milieu d’assiettes de gâteaux et de friandises qui plaisaient spécialement à Raspoutine.

Profitant de ce que j’étais encore seul, je jetai un dernier coup d’œil pour m’assurer que rien n’avait été oublié : des lanternes anciennes aux verres de couleur éclairaient la pièce de haut, les lourdes portières en damas rouge étaient baissées.

L’aspect lugubre de cette salle souterraine avait disparu. Il s’en dégageait à présent , grâce à son ameublement et aux doux reflets de son éclairage, un atmosphère de confort.

Un coup de sonnette m’annonça l’arrivé du grand-duc Dimitri et de mes autres amis.

J’allai les recevoir. Ils avaient tous l’air très décidé, mais ils parlaient trop haut pour que leur insouciance me parût naturelle.

Nous passâmes dans la salle à manger. Je tirai de l’armoire au labyrinthe la boîte qui contenait le poison et je posai sur la table une assiette de gâteaux. Il y en avait six, trois à la crème et trois au chocolat.

Le docteur Lazovert mis ses gants de caoutchouc, pris les cristaux de cyanure de potassium qu’il réduisit en poudre. Puis, ayant soulevé la calotte des gâteaux, il saupoudra la partie inférieure d’une dose de poison qui, d’après lui, était suffisante pour provoquer la mort instantanée de plusieurs personnes.

Un silence impressionnant régnait dans la chambre ; tous, nous suivions avec émotion les gestes du docteur. Il restait encore à verser le cyanure dans les petits verres. On décida de le faire au dernier moment, afin qu’il ne perdît pas de son efficacité en s’évaporant.

Il fallait donner l’illusion que notre souper s’achevait, car j’avais prévenu Raspoutine que lorsque nous avions des invités, nous prenions nos repas dans la salle à manger du sous-sol et que je restais quelquefois seul en bas à lire où à travailler tandis que mes amis montaient fumer dans mon cabinet.

Nous mîmes à la hâte la table en désordre ; nous reculâmes les chaises et versâmes du thé dans les tasses.

Il était entendu que le grand-duc, Pourichkevitch et Soukhotine, quand je serais parti chercher le « starets » se retireraient au premier étage et feraient jouer le gramophone en prenant soin de choisir des airs gais. Je tenais à entretenir chez Raspoutine sa bonne humeur et à éloigner de son esprit toute défiance.

Tous les préparatifs terminés, j’endossai un grand manteau de fourrure et je rabattis jusqu’à mes oreilles une casquette fourrée qui me dérobait complètement le visage. Le docteur Lazovert, travesti en chauffeur, mit le moteur en marche et nous montâmes dans l’automobile qui attendait dans la cour devant le petit perron.

Mon cerveau n’était qu’un tourbillon de pensées, mais la confiance dans l’avenir me soutenait. Pendant les quelques minutes que dura ce trajet que je faisais pour la dernière fois, je vécus des émotions intenses.

L’automobile s’arrêta au numéro 64 de la rue Gorokhovaia, devant la maison de Raspoutine.

Le concierge laisse passer

A peine entré dans la cour, j’entendis la voix du portier :

- Que voulez-vous ?

Apprenant que je désirais voir Raspoutine, il ne voulut d’abord pas me laisser passer, insistant pour connaître mon nom et le motif de ma visite à une heure aussi tardive.

Je répondis que Raspoutine lui-même m’avait prié de venir le cherche à cette heure-là et de monter chez lui par l’escalier de service. Le concierge me laissa alors passer.

L’escalier n’était pas éclairé, je dus monter à tâtons et ce fut à grand-peine que je trouvais la porte de l’appartement du « starets ».

Je sonnai.

Qui est là ? me cria-t-il de derrière la porte.

Je tressaillis.

Grégoire Ephimovitch, répondis-je, c’est moi qui vient vous chercher.

J’entendis Raspoutine remuer dans sa chambre. Il ouvrit et j’entrai dans la cuisine.

Il faisait obscur. Il me sembla que quelqu’un m’épiait de la chambre voisine. Instinctivement je relevai mon collet et abaissai ma casquette sur mes yeux.

- Qu’as-tu à te cacher de la sorte ? me demanda Raspoutine.
- Mais n’était-il pas convenu que personne ne devait savoir que vous sortiez avec moi ce soir ?

- C’est vrai, c’est vrai. Aussi n’en ai-je pas soufflé mot aux miens. Voilà, je vais m’habiller.

J’entrai avec lui dans sa chambre à coucher éclairée seulement par la petite lampe qui brûlait devant les icônes. Je remarquai alors que son lit était défait. Probablement venait-il de se reposer.

Raspoutine était vêtu d’une blouse de soie blanche brodée de bleuets. Un gros cordon de couleur framboise lui servait de ceinture. Sa large culotte de velours noir et ses bottes paraissaient toutes neuves. Ses cheveux étaient peignés avec un soin tout particulier.

Je ne l’avais encore jamais vu aussi propre et aussi soigné.

- Et bien ! Grégoire Ephimovitch, il est temps de partir, il est minuit passé.

- Et les Tziganes, irons-nous les voir ?

- Je ne sais pas, peut-être, répondis-je

- Tu n’auras personne chez toi ce soir ?, me demanda-t-il avec une certaine inquiétude dans la voix.

Je le tranquillisai en lui disant qu’il ne verrait chez moi aucune personne qui lui déplairait.

« On va te tuer »

- Tiens, me dit-il tout à coup, pas plus tard que ce soit, Protopopov est venu me trouver et m’a fait jurer de ne pas sortir ces jours-ci. « On va te tuer », me déclara-t-il. « Tes ennemis te préparent un mauvais coup ». Mais ce sera peine perdue. Ils n’y réussirons pas… Allons, assez causé… partons.

Je pris la pelisse qui était sur le coffre et je l’aidai à la mettre sur ses épaules.

- Et mon argent que j’oubliais, dit tout à coup Raspoutine en marchant rapidement vers le coffre qu’il ouvrit. J’aperçus alors quelques rouleaux enveloppés dans du papier journal.

Après avoir pris une partie de son argent et refermé soigneusement son coffre, Raspoutine souffla la bougie. La chambre fut de nouveau plongée dans une demi-obscurité.

Une immense pitié pour cet homme s’empara tout à coup de moi. J’eus honte des moyens abjects, de l’horrible imposture auxquels j’avais recours. A ce moment, je fus pris d’un sentiment de mépris pour moi-même. Je me demandai comment j’avais pu concevoir une crime aussi lâche.

Je regardai avec effroi ma victime, tranquille et confiante devant moi.

Qu’était devenue sa clairvoyance ? A quoi lui servait son don de prédire l’avenir, de lire les pensées des autres, s’il ne voyait pas le terrible piège qu’on lui tendait ? On aurait dit que le destin jetait un voile sur son esprit… pour que justice se fasse.

Mais tout à coup, je revis comme dans un éclair toutes les phases de la vie infâme de Raspoutine. Mes remords de conscience et mon sentiment de repentir s’évanouirent et firent place à la ferme détermination de mener à bout la tâche commencée.

Nous sortîmes sur le palier obscur et Raspoutine ferma la porte derrière lui.

Nous fîmes un détour pour arriver à la Moïka, et nous entrâmes dans la cour où l’automobile s’arrêta de nouveau devant le petit perron.

Protégé contre le mauvais sort

En entrant dans la maison, j’entendis les voix de mes amis, ainsi qu’une chansonnette américaine au gramophone. Raspoutine tendit l’oreille :

- Qu’est-ce que cela, dit-il, fait-on la fête ici ?

- Non, ma femme reçoit quelques amis qui vont partir bientôt. Allons en attendant dans la salle à manger, prendre un tasse de thé.

Nous descendîmes. A peine entré dans la chambre, Raspoutine enleva sa pelisse et se mit à examiner l’ameublement avec curiosité. La petite armoire aux multiples miroirs fixa tout particulièrement son attention. Il paraissait ravi, comme un enfant, il s’en approchait à tout moment, l’ouvrait, la fermait, et l’examinait au-dedans et au-dehors.

A mon grand désappointement, il commença par refuser le vin et le thé.

- Aurait-il deviné quelque chose ? pensai-je. Mais aussitôt je pris la ferme décision que quoi qu’il advînt, il ne sortirait pas vivant de la maison.
Nous nous assîmes à table et la conversation s’engagea.
Nous passions en revue nos connaissances communes. On parla naturellement de Tsarskoïe Selo .

- Grégoire Ephimovitch, lui demandai-je, pourquoi Protopopov a-t-il été chez vous ? A-t-il toujours peur d’un complot ?

- Et bien ! oui, mon cher, il paraît que mon franc-parler gêne beaucoup de personnes. Les aristocrates ne peuvent pas s’habituer à l’idée qu’un simple paysan se promène dans les salles du palais impérial… Ils sont rongés par l’envie et la colère… Mais je ne les crains pas. Je suis protégé contre le mauvais sort. Il arrivera malheur à tous ceux qui lèveront la main sur moi.

Ces paroles de Raspoutine résonnaient d’une façon lugubre dans l’endroit même où il devait périr. Mais rien ne pouvait plus me troubler. Pendant tout le temps qu’il parlait je n’avais qu’une seule pensée : le forcer à boire du vin dans les petits verres et le faire goûter aux gâteaux.

Au bout de quelques temps, après avoir épuisé ses sujets habituels de conversations, Raspoutine me pria de lui donner du thé.

Je m’empressai de le faire et lui présentai l’assiette de biscuits. Pourquoi lui ai-je offert précisément les biscuits qui n’étaient pas empoisonnés ? C’est à quoi je ne saurais répondre…

Ce n’est qu’un moment après que je lui passai l’assiette de gâteaux contenant le cyanure.

Il commença par les refuser.

- Je n’en veux pas, dit-il, ils sont trop doux.

Pourtant, il en prit bientôt un, puis un autre… Je le regardai avec effroi. L’effet du poison devait se manifester tout de suite mais, à ma grande stupeur, Raspoutine continuait à me parler comme si de rien n’était.

Du bon madère

Je lui proposai alors de goûter de nos vins de Crimée. Il refusa de nouveau.

Le temps passait. Je devenais nerveux. Malgré son refus, je pris deux verres qui ne contenaient pas de poison ; je remplis l’un pour lui, l’autre pour moi ? Pourquoi répétai-je la même manœuvre ? Je ne puis me l’expliquer. Changeant d’avis, Raspoutine accepta le verre que je lui tendais.

Il but avec plaisir, trouva le vin à son goût et me demanda si nous en faisions beaucoup en Crimée. Quand je lui dis que nous en avions des caves pleines, il parut très étonné.

- Verse-moi du madère, me dit-il.

A ce moment, je voulus lui tendre un autre verre qui contenait du poison, mais il protesta en me dit :

- Verse dans le même verre.

- Cela ne se peut pas, Grégoire Ephimovitch, lui répondis-je, il ne faut pas mélanger ces deux vins.

- Tant pis, verse ici… te dis-je.

Il fallut céder sans insister davantage.

A ce moment, je fis tomber, comme par mégarde, le verre dans lequel il avait bu et j’en profitai pour lui verser du madère dans un verre contenant du cyanure.

Raspoutine ne fit plus d’objection.

Je me tenais debout devant lui et suivais chacun de ses mouvements, m’attendant à tout moment à le voir s’écrouler…

Mais lui continuait à boire, lentement, à petites gorgées, dégustant son vin comme seuls les connaisseurs savent le faire.

Sa figure ne changeait pas. De temps à autre seulement, il portait la main à son cou comme s’il avait de la peine à avaler. Il se leva et se mit à marcher dans la chambre. Et quand je lui demandai ce qu’il avait, il me répondit :

- Mais rien, tout simplement un chatouillement dans la gorge.

Le poison n’agit pas

Il y eut quelques minutes pénibles.

- Le madère est bon, donne m’en encore, me dit-il.

Cependant, le poison n’agissait toujours pas. Je pris alors un autre verre contenant du cyanure, le remplis de vin et le tendis à Raspoutine.

Il le vida comme les précédents, mais sans plus de résultat.

Il ne restait plus sur le plateau que le troisième et dernier verre.

Alors, en désespoir de cause, pour forcer Raspoutine à m’imiter, je me mis moi-même à boire.

Nous étions assis l’un en face de l’autre et nous buvions en silence.

Il me regardait. Ses yeux avaient une expression de malice. Ils semblaient dire :

- Vois-tu, tu as beau faire, tu ne peux rien contre moi.

Tout à coup, son visage prit une expression féroce et pleine de colère. Jamais je ne l’avais encore vu si effrayant.

Il attacha sur moi son regard satanique. En ce moment, j’avais pour lui un sentiment de haine particulière et j’étais prêt à me jeter sur lui pour l’étrangler.

Un silence de mauvaise augure régnait dans la chambre. Il me parut qu’il savait pourquoi je l’avais amené ici et ce que j’étais en train d’exécuter.

Il y eut entre nous une sorte de lutte muette, étranger et terrible. Encore un moment, et j’allais être vaincu, anéanti. Je sentais que sous le lourd regard de Raspoutine mon sang-froid s’échappait : une torpeur indicible s’emparait de moi. La tête me tournait.

Quand je revins à moi, je vis Raspoutine toujours assis à la même place, la tête dans les mains ; on ne voyait pas ses yeux.

J’avais repris mon équilibre et je lui offris encore une tasse de thé.

- Verse, me dit-il, d’une voix éteinte. J’ai grand-soif.

Il releva la tête. Ses yeux étaient ternes et il me semblait qu’il évitait de me regarder.

Une chanson triste

Pendant que je versais le thé, il se leva et fit quelques pas dans la chambre. Ayant aperçu ma guitare que j’avais laissée sur une chaise, il me dit :

- Joue-moi quelque chose de gai, j’aime à t’entendre.

Il était difficile de chanter, en un moment pareil, surtout quelque chose de gai.

- Je n’en ai pas vraiment le cœur, lui dis-je, mais je pris tout de même ma guitare et commençai une chanson triste.

Il s’assit et écouta d’abord avec attention : ensuite, il pencha la tête sur la table et ferma les yeux. Il me parut qu’il s’était assoupi.

Quand j’eus terminé la romance, il rouvrir les yeux et me regarda tristement.

- Chante encore un peu. J’aime beaucoup cette musique, tu y mets tant d’âme.

Je me remis à chanter.

Et le temps passait, la pendule marquait déjà deux heures et demie du matin… il y avait deux longues heures que durait ce cauchemar.

- Qu’arrivera-t-il, pensais-je, si mes nerfs ne résistent pas ?

En haut, on paraissait perdre patience également. Le bruit qui arrivait jusqu’à nous ne faisais qu’augmenter. Je craignais que mes amis, n’y tenant plus, fissent irruption dans la chambre.

- Pourquoi fait-on tant de tapage ? me demanda Raspoutine en relevant la tête.

- Ce sont probablement les invités qui s’en vont, lui répondis-je : je vais monter voir ce qui en est.

Là-haut, dans mon cabinet, le grand-duc Dimitri, Pourichkevitch et Soukhotine, revolver au poing, se précipitèrent vers moi.

Les questions commencèrent à pleuvoir de tous côtés.

- Et bien ! Est-ce fait ? Est-ce fini ?

- Le poison n’a pas agi, répondis-je.

Abasourdis par cette nouvelle, tous gardèrent le silence.

- Ce n’est pas possible, s’écria le grand-duc !

- La dose était pourtant énorme ! Est-ce qu’il a tout avalé ? demandèrent les autres.

- Tout, répondis-je

La tête un peu lourde

Nous nous mîmes à discuter sur ce qu’il y avait à faire et il fut décidé que nous devions descendre nous jeter sur Raspoutine et l’étrangler. Déjà nous étions dans l’escalier lorsque la crainte me vint de compromettre par ce moyen toute l’affaire. L’apparition soudaine de personnes étrangères éveillerait les soupçons de Raspoutine et qui sait de quoi cet être diabolique était capable.

Je rappelai mes amis et leur dis mes appréhensions.

J’eus grand-peine à les convaincre de me laisser descendre seul et d’en finir avec Raspoutine sans leur aide.

Je pris le revolver du grand-duc, et je descendis dans la salle à manger.

Raspoutine était toujours assis à la même place où je l’avais laissé. Il avait la tête tout à fait penchée et respirait difficilement.

Je m’approchai tout doucement de lui et m’assis à ses côtés ; il ne fit aucune attention à moi. Après quelques minutes d’un affreux silence, il releva lentement la tête et me regarda. Ses yeux ne voyaient plus rien ; ils paraissaient morts.

- Vous sentez-vous mal, lui demandai-je ?

- Oui, j’ai la tête lourde et une sensation de brûlure dans l’estomac. Verse-moi encore un petit verre. Cela me fera du bien.

Je lui versai du madère qu’il avala d’un trait. Après quoi il se ranima et redevint gai.

Après avoir échangé quelques mots avec lui, je vis qu’il avait sa pleine conscience et qu’il raisonnait d’une façon tout à fait normale. Tout à coup, il me proposa de l’accompagner chez les bohémiens. Je refusai sous prétexte qu’il était trop tard.

- Cela ne fait rien, dit-il. Ils y sont habitués, quelquefois, ils m’attendent toute la nuit. Il m’arrive d’être retenu à Tsarskoïe Selo par des affaires importantes, ou tout simplement pour parler de Dieu… Alors je me rends directement chez eux en automobile. Le corps, lui aussi, a besoin de repos… n’est-ce pas vrai ce que je dis ? Les pensées sont toutes pour Dieu, mais le corps est pour les hommes. Et voilà ! ajoutait Raspoutine avec un clignement d’œil fripon.

Le crucifix de cristal

Je ne m’attendais certes pas à entendre de telles paroles de celui auquel j’avais fait prendre une dose énorme du plus inexorable des poisons. Ce qui me frappait surtout dans tout cela, c’est que Raspoutine qui, par une intuition extraordinaire, saisissait et devinait généralement tout, était si loin de penser qu’il allait mourir.

Comment ses yeux perçants n’avaient-ils pas vu que je tenais derrière mon dos un revolver qui, d’une minute à l’autre, serait braqué sur lui ?

Je tournai machinalement la tête et j’aperçus le crucifix en cristal. Je me levai pour m’en approcher.

- Qu’as-tu à regarder si longtemps ce crucifix ? me demanda Raspoutine.

- Il me plaît beaucoup, répondis-je, il est si beau.

- En effet, dit-il, il est très beau, il a dû coûter cher. Combien l’as-tu payer ?

En disant ces mots, il fit quelques pas vers moi et, sans attendre ma réponse, il ajouta :

- Quant à moi, l’armoire avec le labyrinthe me plaît davantage ; et allant vers elle, il l’ouvrit, et se remis à l’examiner.

- Grégoire Ephimovitch, lui dis-je, vous feriez mieux de regarder le crucifix et de dire une prière.

Raspoutine jeta sur moi un regard étonné, presque effrayé. J’y vis une expression nouvelle que je ne lui connaissais pas. Ce regard avait quelque chose à la fois de doux et de soumis. Il vont tout près de moi et me regarda bien en face. On aurait dit qu’il avait enfin lu dans mes yeux quelque chose à quoi il ne s’attendait pas. Je compris que le moment suprême était venu.

- Seigneur, implorai-je, donnez-moi la force d’en finir.

Il est mort

D’un geste lent, je tirai le revolver de derrière mon dos. Raspoutine se tenait toujours debout devant moi, immobile, la tête penchée à droite ; ses yeux hypnotisés par le crucifix, restaient figés sur lui.

- Où faut-il viser, pensai-je, à la tempe ou au cœur ?

Un frisson me secoua tout entier. Mon bras s’était tendu. Je visai au cœur et pressai la détente.

Raspoutine poussa un rugissement sauvage et s’effondra sur une peau d’ours.

Au même instant, j’entendis du bruit dans l’escalier. C’étaient mes amis qui accouraient. Dans leur précipitation, ils avaient accroché un commutateur électrique et nous étions plongés dans l’obscurité la plus complète.

Quelqu’un se cogna à moi et poussa un cri ; je ne bougeais pas de peur de marcher sur le cadavre. Enfin, la lumière reparut et tout le monde se précipita vers le corps de Raspoutine.

Il était étendu sur le dos. Ses traits se contractaient par moments. Il avait les yeux fermés. Sa blouse de soie était rougie d’une tache sanglante. Nous nous penchâmes tous sur le corps pour l’examiner.

Au bout de quelques minutes, Raspoutine qui n’avait plus rouvert les yeux, cessa de bouger.

On examina sa blessure, la balle avait traversé la région du cœur. Il n’y avait plus à en douter, il était bien mort. Le grand-duc et Pourichkevitch transportèrent le cadavre de la peau d’ours sur les dalles. Nous éteignîmes l’électricité et montâmes dans mon cabinet après avoir fermé à clef la porte de la salle à manger.

Tous nous nous sentions le cœur plein d’espérance tellement nous avions la conviction que l’événement qui venait de se passer sauverait la Russie de la ruine et du déshonneur.

Conformément à notre plan, le grand duc Dimitri, Soukhotine et le docteur devaient faire semblant de raccompagner Raspoutine chez lui pour le cas où la police secrète nous eût suivis à notre insu. A cet effet, il était entendu que Soukhotine se ferait passer pour le « starets » en mettant sa pelisse et son bonnet et partirait en compagnie du grand-duc et du docteur dans l’automobile verte de Pourichkevitch.

Ils porteraient ensuite les vêtements de Raspoutine à la gare de Varsovie, lez brûleraient dans le train sanitaire de Pourichkevitch et laisseraient l’automobile découverte à la gare.

Prenant alors un fiacre, ils devaient se rendre au palais du grand-duc où ils trouveraient son automobile fermée qui le ramènerait à la Moïka. Là, ils chargeraient le cadavre qu’ils transporteraient jusqu’à l’île Petrovsky.

Nous priâmes le docteur, qui devait conduire l’automobile, de rouler le plus rapidement possible, en faisant un détour afin de dépister éventuellement les agents de police.

Pourichkevitch et moi restâmes à la Moïka. En attendant le retour de nos amis, nous parlions de l’avenir de notre patrie à tout jamais délivrée de son mauvais génie.

Pendant que nous causions, je fus saisis soudain d’une vague inquiétude et d’un désir irrésistible de descendre dans la salle à manger où reposait le corps. Je me levai et je descendis.

Par terre, à l’endroit même où nous l’avions laissé, gisait Raspoutine. Je lui tâtais le pouls. On ne percevais plus aucun battement. Raspoutine était bien mort.

Je ne m’expliquepas pourquoi je saisistoutàcoup le cadavre par les deux gras et le secouai si violemment qu’il enfut soulevé, se penchad’un côté,puis retomba.

Après être resté quelques temps à côté de lui, je me disposais à m’en aller lorsque mon attention fut subitement attirée par un tressaillement presque imperceptible de sa paupière gauche. Je me penchai sur lui et je l’observai avec attention ; de légers tremblements contractaient son visage.

Tout à coup, je vis s’entrouvrir son œil gauche.

Le mort qui ne l’étaitpas

Quelques instants aprèss a paupière droite commença à trembler à son tour et se souleva. Je vis alors les deux yeux de Raspoutine, des yeux verts de vipère, fixés sur moi avec une expression de haine satanique.

Mon sang se figea dans mes veines. Je voulus m’enfuir, appeler au secours, mais mes jambes refusaient de m’obéir, et aucun son ne sortait de ma gorge oppressée.
Raspoutine bondit

Alors, il se passa une chose atroce. D’un mouvement brusque et violent, Raspoutine bondit sur ses jambes, l’écume à la bouche. Il était effroyable à voir. Un rugissement sauvage retentit dans la chambre et je vis ses mains convulsées battre l’air. Puis il se précipita sur moi ; ses doigts cherchant à me saisir la gorge s’enfonçaient dans mon épaule. Ses yeux sortaient de leur orbite, le sang coulait de ses lèvres.

D’une voix basse et rauque, Raspoutine m’appelait tout le temps par mon nom.

Rien ne peut se comparer au sentiment d’horreur qui me saisit. Je tâchai de me libérer de son étreinte mais j’étais pris comme dans un étau. Une lutte terrible s’engagea entre nous.

Cette créature qui mourait empoisonnée, la région du cœur traversée par une balle, ce corps que les puissances du mal paraissaient avoir ranimé pour se venger de leur déroute avait quelque chose de si effrayant, de si monstrueux que, lorsque j’y repense, je ne parviens pas à me libérer d’un sentiment d’effroi.

Il me sembla comprendre encore mieux qui était Raspoutine. J’avais l’impression d’avoir devant moi Satan lui-même incarné dans ce paysan et qui m’avait saisi dans ses griffes pour ne plus me lâcher.
Grâce à un effort surhumain, je parvins à me dégager de son étreinte.

Il retomba sur le dos, râlant affreusement et serrant dans sa main mon épaulette qu’il avait arrachée pendant notre lutte ; il gisait de nouveau sans mouvements sur le sol. Au bout de quelques instants, il remua. Je me précipitai dans l’escalier en appelant Pourichkevitch.
- Vite, vite, descendez ! cria-je, il vit encore.

Quatre coups de feu

A ce moment, j’entendis du bruit derrière moi ; je me précipitai dans mon cabinet où j’avais laissé le bâton en caoutchouc que m’avait donné « à tout hasard » le député Maklakoff. Je m’en saisis et me jetai dans l’escalier, suivi de près par Pourichkevitch qui armait son revolver.

Rampant sur ses genoux et sur le ventre, râlant et rugissant comme un bête fauve blessée, Raspoutine grimpait rapidement les marches de l’escalier.
Ramassé sur lui-même, il fit un dernier bond et réussit à atteindre la porte secrète qui donnait accès dans la cour. Sachant que cette porte était fermée à clef, je me plaçai sur le palier supérieur, serrant fortement dans ma main le bâton en caoutchouc.

Quels ne furent pas ma stupéfaction et mon effroi en voyant la porte s’ouvrir et Raspoutine disparaître dans la nuit ! Pourichkevitch s’élança à sa poursuite. Deux coups de feu se firent entendre, répercutés dans la cour. La pensée qu’il pouvait nous échapper m’était intolérable.

Sortant par l’escalier principal, je courus le long de la Moïka, dans l’espoir d’arrêter Raspoutine près de la porte de sortie au cas où Pourichkevitch l’eût manqué.
La cour avait trois portes dont seule celle du milieu n’était pas fermée à clef. Je vis à travers la grille que c’était précisément vers cette porte-là que se dirigeait Raspoutine, guidé par un instinct d’animal.

Un troisième coup de feu retentit, puis un quatrième… Je vis Raspoutine chanceler et tomber près d’un tas de neige.

Pourichkevitch courut à lui, resta quelques secondes auprès du corps, puis, ayant la certitude que tout était fini cette fois, il se dirigea à grand pas vers la maison.

Je l’appelai, mais il ne m’entendait pas.

Le quai, ainsi que les rues environnantes, étaient déserts ; il y avait beaucoup de chances pour que les coups de feu n’eussent point été entendus. Rassuré sur ce point, je rentrai dans la cour et m’approchai du tas de neige derrière lequel était couché Raspoutine.
Il ne donnait plus aucun signe de vie. Il avait à la tempe gauche une plaie béante produite, comme je le sus plus tard, par le coup de talon que lui avait donné Pourichkevitch.

La police s’inquiète Mais à ce moment, quelques personnes coururent vers moi. C’était, d’un côté, deux de mes serviteurs et, de l’autre, un sergent de ville, tout trois alertés par les coups de feu.

J’allais à la rencontre du sergent de ville et je lui adressai la parole en me plaçant de façon à lui faire tourner le dos à l’endroit où gisait Raspoutine.

- Excellence, fit-il en me reconnaissant, il y a eu des coups de feu échangés ici ; que s’est-il passé ?

- Rien de particulier, répondis-je, c’est une sotte affaire. J ’avais ce soir une petite réunion chez moi ; un de mes camarades, qui avait bu un peu trop, s’est amusé à tirer des coups de feu et à déranger inutilement tout le monde. Si quelqu’un te demande ce qui est arrivé, tu n’auras qu’à répondre qu’il n’y a rien et que tout va bien.

Tout en parlant, je le reconduisis jusqu’à la porte.

Puis je revins vers le cadavre : les deux domestiques se tenaient auprès de lui.

Raspoutine, qui était toujours à la même place, tout recroquevillé, avait pourtant changé de position.
Mon Dieu, pensai-je, il vit encore ?

L’épouvante me saisit à la seule pensée qu’il pût se relever et je me dirigeai rapidement vers la maison. A peine rentré, j’appelai Pourichkevitch, mais il n’était pas là. Je ne me sentais pas bien, ma tête tournait.

J’entendais toujours la voix sourde de Raspoutine m’appelant par mon nom. Tout chancelant, je parvins à mon cabinet de toilette et je bus un verre d’eau. C’est à ce moment qu’entra Pourichkevitch.

- Ah, vous voilà ? Et moi qui vous cherchais partout ! s’écria-t-il. Je voyais trouble. Je croyais que j’allais tomber. Pourichkevitch, en me soutenant, m’emmena dans mon cabinet de travail.

A peine y étions-nous que mon valet de chambre vint m’annoncer que le sergent de ville auquel j’avais parlé quelques moments auparavant désirait me revoir, et que cette fois-ci, il était entré par la porte principale et non par la cour.

Les coups de feu avaient été entendus au poste de police et l’on avait mandé au sergent de ville de service pour qu’il fournisse des explications sur ce qui s’était passé. Sa version n’ayant pas été trouvée satisfaisante, la police insistait pour avoir de plus amples détails.

Aussitôt que le sergent de villa entra, Pourichkevitch lui dit d’une voix forte :

- As-tu entendu parler de Raspoutine ? Celui qui tramait la perte de notre patrie, celle du tsar et des soldats tes frères, celui qui nous trahissait au profit des Allemands, entends-tu !

Le sergent de ville, qui ne comprenait pas ce qu’on lui voulait, gardait le silence l’air hébété.

- Et sais-tu qui je suis ? poursuivit Pourichkevitch. Tu as devant toi Vladimir Mitrophanovitch Pourichkevitch, membre de la Douma. Les coups de feu que tu as entendus ont tué Raspoutine ; et si tu aimes ta patrie, tu garderas le silence.

Epouvanté, j’écoutais ces paroles ahurissantes qui furent si vite lâchées que je n’eus pas le temps d’intervenir. Pourichkevitch était dans une telle surexcitation qu’il ne se rendait pas compte de ce qu’il disait.

- Vous avez bien fait, finit par dire l’agent. Je garderai le silence, mais si l’on me fait prêter serment, il faudra bien que je dise tout ce que je sais : ce serait un péché de cacher la vérité. Ce disant, il sortit fort impressionné. Pourichkevitch courut après lui. Dans la Néva

A ce moment mon valet de chambre vint m’annoncer que le cadavre de Raspoutine avait été transporté sur le palier inférieur de l’escalier. Je me sentais très mal ; la tête continuait à me tourner. Je pouvais à peine marcher.

Je me levai pourtant, bien qu’avec difficulté, pris machinalement la matraque de caoutchouc et me dirigeai vers la porte de mon cabinet de travail.

En descendant l’escalier, j’aperçus le corps de Raspoutine étendu sur le palier. Le sang coulait de ses nombreuses blessures. Un lustre l’éclairait d’en haut et l’on voyait jusqu’au moindres détails de son visage défiguré.

Ce spectacle était profondément repoussant.

J’avais envie de fermer les yeux et de m’enfuir bien loin pour oublier, ne fût-ce qu’un instant, l’horrible réalité, et pourtant, malgré tout, j’étais attiré vers ce cadavre. Ma tête éclatait, mes idées se brouillaient. La rage et la haine m’étouffaient. J’eus une sorte d’accès. Je me précipitai sur lui et me mis à le frapper avec le bâton de caoutchouc comme si j’étais atteint de folie.

A ce moment, je ne connaissais plus ni loin divine ni loi humaine. Pourichkevitch me dit plus tard que cette scène était si affreuse que jamais il ne pourrait l’oublier. On essayait en vain de m’arracher à cette crise.

Lorsqu’on y parvint, j’avais perdu connaissance. Sur ces entrefaites le grand-duc Dimitri, le capitaine Soukhotine et le docteur Lazovert revinrent en automobile fermée chercher le corps de Raspoutine.

Quand Pourichkevitch leur eut raconté ce qui s’était passé, ils résolurent de me laisser en repos et de partir sans moi. Ils enveloppèrent le cadre dans une toile épaisse et le chargèrent sur l’automobile qui partit pour l’île Petrovsky. Là, du haut du pont, ils le précipitèrent dans la rivière.

Note finale qui n’est pas du prince Youssoupoff

C’est à cause d’une botte oubliée sur le pont qu’une enquête fut ouverte. Un scaphandrier remonta le corps, gelé et recouvert d’une épaisse couche de glace entourant le manteau de castor de Raspoutine. L’autopsie révéla trois points d’impacts de balles, qui avaient traversé le cœur, le cou et le cerveau. On trouva dans l’estomac « une masse épaisse de consistance molle et de couleur brunâtre », sans doute le poison. Mais surtout, l’autopsie révéla cette chose inouïe, que Raspoutine n’était mort ni du poison, ni des balles, ni des commotions et des coups assénés. La présence d’eau dans les poumons prouve sans appel qu’il respirait encore au moment où on le jeta dans la rivière. Raspoutine était mort noyé, ou de froid…


Liens

http://youtu.be/rMFFxfAS0MM Raspoutine L'ombre d'un doute
http://youtu.be/Qq9fVfrrDxU Raspoutine
http://youtu.be/wH2za5goGdk dossier Raspoutine
http://youtu.be/HNk2V60a9gs Raspoutine secret d'histoire
http://youtu.be/dT5dzrUf8z8 dossier secret 1
http://youtu.be/kIEzTq5AWHc Raspoutine Dossier secret 2
http://youtu.be/SYnVYJDxu2Q Boney M




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Posté le : 28/12/2013 16:15

Edité par Loriane sur 29-12-2013 15:53:26
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Raspoutine
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Dans la nuit du 29 au 30 Décembre 1916, à 47 ans, à Saint Pétersbourg

est assassiné Grigori Efimovitch Raspoutine,


guérisseur russe né autour du 21 Janvier 1869 à Pokrovskoïe
Paysan sibérien, surnommé Raspoutine : le Dépravé à cause de sa vie dissolue, il n'était ni moine, ni pratiquant de l'Église orthodoxe, mais appartenait très probablement à l'une des sectes chrétiennes fort nombreuses en Russie. Il fut recommandé à l'impératrice parce qu'il avait le pouvoir d'arrêter les hémorragies et pouvait soulager le grand-duc héritier, atteint d'hémophilie ; il ne put cependant jamais le guérir. Il mène une vie débauchée et s'entoure de gens sans aveu et d'aventuriers qui désirent profiter de son crédit.
Dès 1912, toute la Russie bien pensante est dressée contre Raspoutine, mais celui-ci, usant de chantage à l'amour maternel, impose sa volonté à l'impératrice et, par elle, à l'empereur.

Le rôle politique de Raspoutine a été beaucoup exagéré, mais certaines nominations de hauts fonctionnaires sont dues à son influence. Quand, au mois de décembre 1916, le grand-duc Dimitri Pavlovitch, cousin du tsar, le prince Youssoupov et le député d'extrême droite Pourichkevitch organisent l'assassinat de Raspoutine, cet acte et surtout la manière dont il est perpétré desservent la dynastie. Raspoutine est empoisonné pendant un dîner avec les conjurés et, comme il n'arrive pas à mourir, il est achevé à coups de revolver.
Raspoutine ne manquait pas de clairvoyance et répétait souvent qu'une guerre mènerait la Russie vers une révolution, d'où peut-être les rumeurs l'accusant d'être à la solde de l'Allemagne.

Grigori Efimovitch Raspoutine, par la suite Raspoutine-Novyi, en russe : Григорий Ефимович Распутин-Новый, probablement né le 21 janvier 1869 dans le village de Pokrovskoïe, est un pélerin, mystique et guérisseur russe. Il devint le confident d'Alexandra Feodorovna, épouse du tsar Nicolas II, ce qui lui permettra d'exercer une forte influence au sein de la cour impériale russe, jusqu'à son assassinat, à Saint-Pétersbourg, dans la nuit du 16 au 17 décembre 1916 du calendrier Julien, c'est à dire du 29 au 30 Décembre du caliendrier grégorien, suite à un complot fomenté par des membres de l'aristocratie.
Originaire des confins de la Sibérie, c'est un mystique errant, peut-être un starets, parfois surnommé le moine fou. Aucune source cependant n’atteste qu'il aurait été réellement moine, comme lui-même l'affirmait. À plusieurs reprises, il sera suspecté d'avoir fait partie de la secte des khlysts. L'hypothèse la plus généralement retenue est qu'il fut surtout un pélerin doté d'un grand pouvoir de séduction.
En 1907, Raspoutine, qui s'est acquis une réputation comme guérisseur, est pour la première fois invité par le couple impérial au chevet de leur fils Alexis, leur unique garçon et l'héritier du trône, atteint d'hémophilie. Ce n'est que plus tard durant le règne du tsar que Raspoutine serait devenu un personnage influent, en particulier après septembre 1915. On a pu prétendre que Raspoutine avait participé à jeter le discrédit sur la famille impériale, et constituer l'un des éléments qui causèrent la chute des Romanov. La tsarine et sa famille ont pu le considérer comme un guérisseur, un mystique, voire un prophète, mais ses ennemis le voyaient comme un charlatan débauché, mu par un appétit sexuel démesuré, et, ou comme un espion.
Certaines zones d'ombre subsistent concernant la vie et l'influence de Raspoutine, ce que l'on sait de lui étant souvent basé sur des témoignages partiaux, en partie alimentés par la propagande anti-monarchiste, des rumeurs et des légendes.
Alors que le personnage a longtemps été diabolisé, bon nombre de personnes en Russie ont aujourd'hui de lui une opinion favorable. Quoi qu'il en soit, un véritable mythe s'est construit autour de Raspoutine qui, de nos jours encore, continue à inspirer écrivains et artistes.

Des origines mystérieuses

La plupart des archives ayant été détruites, même l’année de naissance de Grigori Raspoutine est sujette à caution. Selon la Grande Encyclopédie soviétique, il serait né en 1864 ou 1865. Certains ont pu soutenir que Raspoutine était un surnom, issu de l’adjectif russe распутный : raspoutnyi, signifiant à l'origine débâcle, la fonte des eaux après le dégel, puis débauché. Toutefois, dans une biographie, l’écrivain et historien russe Edvard Radzinsky affirme que les archives officielles de Tioumen, en Sibérie, contiennent un recensement des habitants de Pokrovskoïe qui mentionne clairement le nom de Raspoutine, qui serait donc son vrai nom.

En 1995, l’historien russe Oleg Platonov se penche sur la question à la demande du clergé et du métropolite Yoann, qui sont désireux de tirer les choses au clair sur le mystérieux personnage. C'est ainsi que, l'année suivante, Platonov publie à Saint-Pétersbourg une étude consacrée au sujet. Si presque tous les registres d’époque ont disparu, Platonov a tout de même pu mettre la main sur de nombreux renseignements relatifs aux baptêmes, mariages et décès dans le village de Pokrovskoïe entre 1862 et 1868.
Iefim Iakovlevitch Raspoutine et Anna Vassilievna Parchoukova, les futurs parents de Grigori Raspoutine, se marient à Pokrovskoïe le 21 janvier 1862, alors qu'ils sont âgés respectivement de vingt et vingt-deux ans. Le couple a plusieurs enfants qui, tous, meurent en bas âge : trois filles – Evdokia, née le 11 février 1863, une autre Evdokia, née le 2 août 1864, et Glikerya, née le 8 mai 1866 – et un garçon, Andreï. En 1868, les registres ne font mention d’aucune naissance dans la famille, ce qui voudrait dire que Grigori Raspoutine n’est pas né avant 1869.
Après 1868, il n'existe plus, apparemment, de registres consultables, mais ont toutefois subsisté certains formulaires originaux remplis à l'occasion d'un recensement de tout l'Empire. Le recensement de 1897 est soigneusement fait. Au nom de Grigori Iefimovitch Raspoutine, il est mentionné que celui-ci était dans sa 28e année et son année de naissance est elle aussi indiquée : 1869. Il n’y a pas d'autre précision concernant sa naissance. Pour Yves Ternon, qui s’en tient à 1863 ou 1864 comme année de naissance de Raspoutine, il serait né sans doute le dix janvier, jour que l’Église orthodoxe dédie à Grégoire de Nicée.
S’il est vrai que le nom de famille Raspoutine est bien mentionné dans certains registres, le nom de baptême du père de Raspoutine, Novykh, Новых, est également clairement indiqué. Par ailleurs, dans les archives consultées par Platonov, pas moins de sept familles du même village étaient appelées Raspoutine. L’historien rappelle alors qu’outre débauché, le mot raspout'e signifiait également, à l’époque, croisée des chemins ou carrefour, et était donc fréquemment utilisé comme surnom pour ceux qui habitaient de tels endroits. De surnom, Raspoutine se muait souvent en nom de famille, ce qui fut probablement le cas avec la famille d'Iefim.
Aujourd’hui encore, Raspoutine est un nom qui se rencontre en Sibérie.

Sa jeunesse

Très religieuse, sa mère, Anna Vassilievna Parchoukova, et son père, Iefim Iakovlevitch Raspoutine, étaient fermiers dans le village sibérien de Pokrovskoïe, district de Tioumen, province de Tobolsk, à 2 500 km à l’est de Saint-Pétersbourg. Son père n'est pas un simple moujik, car il est propriétaire de sa ferme, de sa terre, de vaches et de chevaux. La légende veut que le 10 janvier 1869, un météore ait traversé le ciel au-dessus du village de Pokrovoskoïe, et ce phénomène annonçait, disait-on, la venue au monde d’un personnage exceptionnel. Une autre légende veut que son père, maquignon-voiturier, se soit occupé de chevaux avec lesquels il entretenait des rapports magiques. Dès son enfance, Raspoutine manifeste des dons de guérisseur et de voyant.

La vie était rude, l’existence rustique, la vodka une boisson courante, l’instruction existait peu dans les campagnes. Raspoutine n’apprendra les rudiments de la lecture et de l’écriture qu’au cours de ses voyages, à l’âge adulte, mais certaines personnes lui trouvaient un pouvoir d’apaisement, voire de guérison, sur les animaux.
À la suite d'une chute accidentelle dans les eaux glacées d’une rivière alors qu’ils jouaient ensemble, son frère aîné, Andreï, et lui, qui s’est jeté à l'eau pour le secourir, sont victimes d’une pneumonie. Andréï meurt, mais Grigori guérit de sa fièvre ardente. Celui-ci traverse cependant des périodes de dépression et de surexcitation incontrôlables. Il aide son père dans les travaux de la ferme et conserve de cette enfance les manières frustes des paysans sibériens, les vêtements amples et peu soignés, et les mains calleuses.
Dès l’âge de seize ans, il est sujet à des crises mystiques et des apparitions mariales, à la suite de la vision d’un ange lumineux apparu dans la campagne. Il se plonge dans la lecture de la Bible, au point d’en devenir un exégète. Il pratique l’ascétisme : parfois, il reste trois semaines reclus dans la cave de son père et, lorsqu’il en ressort, les paysans vont au devant de lui pour recueillir ses oracles. Pendant quinze ans, il alterne la vie de paysan moujik au village et des retraites dans des monastères où il rencontre les starets pour suivre leur enseignement. Mais il fait aussi preuve de débordement d’énergie et de pulsions diverses, dont une sexualité débordante qu’il assouvit facilement.

En 1888, à l’âge de dix-neuf ans, il épouse une jeune paysanne du village de Doubrovnoïé, Praskovia Feodorovna. Cinq enfants naissent de ce mariage : Mikhail et Georguiï décèdent prématurément, Dimitri, né en 1895, Maria en 1898 et Varvara en 1900. Malgré de multiples incartades sexuelles, il revient toujours auprès de son épouse.

Vie d’errance

En 1894, alors qu'il travaillait dans les champs, il aurait eu la vision d'une Vierge lumineuse. Makari, un moine ascète à qui il en parle et qu'il considère comme son père spirituel, lui conseille d'abandonner son métier de fermier, de se plonger davantage dans la religion et de se rendre au mont Athos, en Grèce. Il part pour un voyage à pied de plus de 3 000 km qui dure plus de dix mois, mais il est déçu par les moines du mont Athos. Sur la route du retour, il fait halte dans de nombreux monastères et c'est plus de deux ans après son départ qu'il retrouve sa femme et son jeune fils Dimitri, né en 1895.
Cependant, il continue à vivre des périodes de mystique et d'ermite, parcourant la Sibérie occidentale et survivant grâce à la prédication, la charité et l'aumône, frappant aux portes des monastères et acquérant au fur et à mesure de ses pérégrinations une réputation de sage et de guérisseur : "Ce n'est pas moi qui guéris, c'est Dieu ".
Il effectue de nombreux pèlerinages, particulièrement à Kazan et à Kiev : les gens commencent à venir de toute la région pour écouter ses prêches. Le clergé orthodoxe s'inquiète de son succès, mais ne peut rien y trouver à redire. De plus en plus de fidèles viennent à ses réunions, amenant des malades sur lesquels il exerce ses talents de guérisseur. Sa réputation s'étend mais, en même temps, il continue une vie de débauché, de buveur, de bagarreur, de séducteur et même de voleur.

Durant toutes ces années, il entre en contact avec de multiples sectes qui fleurissaient sur le terreau de la religion orthodoxe. Il est notamment chargé d'accompagner un jeune moine au monastère de Verkhotourié, où il séjourne trois mois. Ce cloître est en réalité tenu par la secte des khlysts qui mêlent, par la danse, la flagellation, d'où leur nom de "flagellants" et l'extase, l'érotisme et la religion… ce qui lui convient parfaitement. Son mysticisme devient doctrinaire et le conduit à l'élaboration d'obscures théories sur la régénération par le péché, son plus célèbre précepte est Pour se rapprocher de Dieu, il faut beaucoup pécher et les excès en tous genres. Il aurait été un étudiant de cette secte, mais sans jamais y avoir été initié, y perfectionnant son don pour l'hypnose et la magie.

L’arrivée à Saint-Pétersbourg

À l'invitation de la grande-duchesse Militza, qui l'avait rencontré à Kiev, Raspoutine se rend à Saint-Pétersbourg, capitale de l'Empire russe depuis le règne de Pierre le Grand. Le tsar Nicolas II règne depuis 1894. En cours de route, à Sarov, il assiste en 1903 à la canonisation du starets Séraphin de Sarov et, devant l'assistance réunie, Raspoutine entre en transe et prédit la naissance d'un héritier mâle au trône impérial. Le 12 août 1904 naît le tsarévitch Alexis, qui se révélera être atteint d'hémophilie.
Arrivé au printemps 1904 à Pétersbourg, Raspoutine demande l'hospitalité à l'évêque Théophane, inspecteur de l'Académie de théologie de la capitale, qui l'aide par des lettres de recommandation. Son but était de rencontrer Nicolas II, trop occidentalisé à ses yeux, pour l'initier à la véritable âme russe. Son protecteur, le vicaire de Kazan, lui avait remis une lettre de recommandation destinée à l'évêque Sergui, qui s'inquiétait aussi de la crise spirituelle qui minait la Russie.
Conquis par Raspoutine, l'évêque le prit sous sa protection et le présenta à l'archevêque Théophane de Poltava, confesseur d'Alexandra Fedorovna, au père Jean de Cronstadt et à l'évêque Hermogène de Saratov. Tous furent stupéfaits de la ferveur religieuse de Raspoutine et de son talent de prédicateur. Ils le bénissent, le considèrent comme un starets, voire comme un envoyé de Dieu, et l'introduisent auprès de la grande-duchesse Militza et de sa sœur la grande-duchesse Anastasia, filles du roi Nicolas Ier du Monténégro, mariées à deux frères, respectivement le grand-duc Peter Nicolaïévitch et le grand-duc Nicolaï Nicolaïevitch, cousins d’Alexandre III. Cependant, Raspoutine retourna dans son village sibérien et ne revint à Pétersbourg qu’en 1905.

Auprès de la famille impériale

La tsarine attirant autour d'elle de nombreux mystiques, comme Maître Philippe ou Papus, est séduite par Raspoutine, d'autant plus qu'un ancien prédicateur français, qui lui avait annoncé quelques années auparavant la naissance de son fils Alexis, lui avait annoncé la venue d'un autre grand prédicateur qu'il avait nommé Notre Ami . Une audition auprès de l'archiprêtre thaumaturge Jean de Cronstadt convainc ce dernier de l'authenticité de ses pouvoirs.
Par l'entremise de la grande-duchesse Militza et de sa sœur, la grande-duchesse Anastasia, le starets est présenté à la famille impériale in corpore dans le palais Alexandre, le 1er novembre 1905. Il offre des icônes à chacun. Le tsarévitch Alexis souffrant d'hémophilie, Raspoutine demande à être conduit au chevet du jeune malade, lui impose les mains, lui raconte plusieurs contes sibériens et parvient ainsi, semble-t-il, à enrayer la crise et à le soulager. Selon certains, cela s'expliquerait par le simple fait que la médecine de l'époque ignorait les propriétés de l'aspirine qui était donnée au jeune malade. Ce médicament est un anticoagulant, facteur donc aggravant de l'hémophilie. Le simple fait de balayer de la table et de jeter les remèdes donnés au malade – dont l'aspirine – ne pouvait qu'améliorer son état.
Les parents sont séduits par les dons de guérisseur de cet humble moujik qui semblait aussi avoir celui de prophétie. Alexandra se convainc que Raspoutine est un messager de Dieu, qu'il représente l'union du tsar, de l'Église et du peuple et qu'il a la capacité d'aider son fils par ses dons de guérisseur et sa prière.
Sa réputation permet à Raspoutine de se rendre indispensable ; il prend très vite un ascendant considérable sur le couple impérial. Invité à de nombreuses réceptions mondaines, il fait la connaissance de nombreuses femmes riches. Raspoutine inquiète et fascine : son regard perçant est difficile à soutenir pour ses admiratrices, et beaucoup cèdent à son charme hypnotique et le prennent pour amant et guérisseur.

Le regard de Raspoutine.

L'une d'entre elles, Olga Lokhtina, épouse d'un général influent mais crédule, devient sa maîtresse, le loge chez elle et le présente à d'autres femmes d'influence, comme Anna Vyroubova, amie et confidente de la tsarine, et Mounia Golovina, nièce de celle-ci. Grâce à d'habiles mises en scène, il se produit à Saint-Pétersbourg ou au Palais impérial de Tsarskoie Selo, la résidence principale du tsar, dans des séances d'exorcisme et de prières. Des récits de débauches, prétendues ou avérées, commencent alors à se multiplier et à faire scandale.
En 1907, le tsarévitch, à la suite de contusions, est victime d'hémorragies internes que les médecins n'arrivent pas à contrôler et qui le font énormément souffrir. Appelé en désespoir de cause, Raspoutine, après avoir béni la famille impériale, entre en prière. Au bout de dix minutes, épuisé, il se relève en disant : Ouvre les yeux, mon fils.Le tsarévitch se réveille en souriant et, dès cet instant, son état s'améliore rapidement.
Dès lors, il devient un familier de Tsarskoie Selo : il est chargé de veiller sur la santé de la famille impériale, ce qui lui donne des entrées permanentes au Palais. Il est reçu officiellement à la Cour. Cependant, malgré la pleine confiance du tsar, il se rend vite très impopulaire auprès de la Cour et du peuple et est rapidement considéré comme leur mauvais ange. Il est ainsi tout à la fois aimé, détesté et redouté. On le soupçonne de s'enrichir, ce qui ne semble nullement être le cas, son seul luxe étant de porter une chemise de soie confectionnée par Alexandra et une magnifique croix qu'il porte autour du cou, également offerte par la tsarine.
Il continue par contre toujours à mener une vie dissolue de beuveries et de débauches, conserve cheveux gras et barbe emmêlée. Il organise des fêtes dans son appartement, où dominent le sexe – jusqu'à dix relations sexuelles par jour – et l'alcool. Il prêche sa doctrine de rédemption par le péché parmi ces dames, impatientes d'aller au lit avec lui pour mettre en pratique sa doctrine, ce qu'elles considérent comme un honneur.

Après la révolution de 1905, Raspoutine se heurte au Président du Conseil Piotr Stolypine. Nommé en juillet 1906, réformateur énergique, celui-ci veut moderniser l'Empire russe, en permettant aux paysans d'acquérir des terres, en organisant une meilleure répartition de l'impôt et en accordant à la Douma, le parlement russe, davantage de pouvoirs. Par une répression féroce, il endigue les vagues d'attentats, améliore le système ferroviaire et augmente la production de charbon et de fer. Stolypine ne comprend pas l'influence de ce moujik mystique sur le couple impérial, tandis que Raspoutine reproche au Premier ministre sa morgue, caractéristique de la classe des grands propriétaires terriens dont il était issu.
Lors de l'affaire des Balkans, en 1909, Raspoutine se range dans le parti de la paix aux côtés de la tsarine et d'Anna Vyroubova contre le reste du clan Romanov. Il pense que l'armée impériale est sortie affaiblie de la défaite de 1905 contre le Japon et n'est pas prête à se lancer dans un nouveau conflit. Il ne peut arrêter les événements, mais lorsque la France et le Royaume-Uni interviennent contre la Russie, il réussit à convaincre Nicolas II de ne pas étendre le conflit à toute l'Europe.
Stolypine fait surveiller Raspoutine par l'Okhrana, la police secrète. Les rapports accablent le starets. Le scandale Raspoutine éclate en 1910 lors d'une campagne de presse orchestrée par des députés de la Douma et des religieux, qui dénoncent la nature débauchée de Raspoutine, visant indirectement le tsar. En 1911, Raspoutine est écarté de la Cour et exilé à Kiev, mais, lors d'une transe, il prédit la mort prochaine du ministre : La mort suit sa trace, la mort chevauche sur son dos. Il décide alors de partir en pèlerinage vers la Terre sainte, mais revient à la Cour dès la fin de l'été.

Le 14 septembre 1911, alors que Stolypine vient d'autoriser les paysans à quitter le mir, leur permettant ainsi d'accéder à la propriété individuelle de la terre, et que cette réforme est acclamée à travers toute la Russie, le Premier ministre est assassiné par le jeune anarchiste Dmitri Bogrov, à l'Opéra de Kiev, en présence de la famille impériale, des ministres, des membres de la Douma et de Raspoutine. Cet assassinat marque la fin des réformes, alors que la situation internationale devient instable.
Le 2 octobre 1912, le tsarévitch Alexis, en déplacement en Pologne, est victime, suite à un accident, d'une nouvelle hémorragie interne très importante, qui risque d'entraîner sa mort. Aussitôt averti, Raspoutine entre en extase devant l'icône de la Vierge de Kazan, et quand il se relève, épuisé, il expédie au Palais le message : N'ayez aucune crainte. Dieu a vu vos larmes et entendu vos prières, Mamka. Ne vous inquiétez plus. Le Petit ne mourra pas. Ne permettez pas aux docteurs de trop l'ennuyer. Dès la réception du télégramme, l'état de santé du tsarévitch Alexis se stabilise et, dès le lendemain, commence à s'améliorer : l'enflure de sa jambe se résorbe, et l'hémorragie interne s'arrête. Les médecins peuvent bientôt le déclarer hors de danger et même les plus hostiles au starets doivent convenir qu'il s'est produit là un événement quasi miraculeux de guérison à distance. Sauveur, il revient triomphalement à Saint-Pétersbourg.

La Grande Guerre

Derrière le démembrement de l'Empire ottoman et la question des Balkans se mettent en place les conditions d'une guerre générale. Raspoutine et ses alliés de la paix freinent la marche de la Russie vers la guerre. Le service du renseignement britannique estime qu'il est en effet en lien avec le banquier Serge Rubinstein et ses réseaux allemands. Le 29 juin, Raspoutine est poignardé par une mendiante, Khionia Gousseva, une ancienne prostituée, au sortir de l'église de son village sibérien. L'enquête démontre que l'ordre est venu du moine Iliodore de son vrai nom Sergei Mikhailovich Troufanov qui lui reproche ses croyances khlyst.

Après cet attentat et son rétablissement, l'importance de Raspoutine devient primordiale et son influence s'exerce dans tous les domaines : il intervient dans les carrières des généraux, dans celle des métropolites et même dans la nomination des ministres, mais la peur l'a envahi. Il se met à boire encore plus d'alcool, à participer à encore plus de soirées de débauche et d'orgies dans les cabarets tsiganes. Il n'est plus le starets ascétique que tout le monde respectait. Cependant, malgré son caractère débauché et son aspect de moins en moins engageant, ses conquêtes féminines sont de plus en plus nombreuses dans la haute société.
Le 1er août, l'Allemagne déclare la guerre à la Russie. Le patriotisme russe s'exalte – surtout en raison des premiers succès militaires – et Raspoutine voit sa faveur décliner. Rapidement cependant, la situation militaire se détériore : hiver rigoureux, manque d'armement, d'approvisionnement, commandement indécis. Décidé à prendre la situation en main, Nicolas II s'installe sur le front, laissant la régence à son épouse et à son conseiller privé, Raspoutine.
Ce dernier se fait alors de plus en plus d'ennemis, en particulier chez les politiques, les militaires et dans le clergé orthodoxe qui, au début, l'a pourtant bien accueilli, mais que son inconduite révolte. Les pires calomnies se répandent en même temps que la guerre tourne au désastre. En 1916, à la Douma, la tsarine, qui est d'origine allemande, et Raspoutine sont ouvertement accusés de faire le jeu de l'ennemi.

L’assassinat de Raspoutine

L’historien Edvard Radzinsky a pu donner les détails de cet assassinat grâce aux archives de la Commission extraordinaire de 1917 et le dossier secret de la police russe.
La famille Romanov, jalousant les faveurs dont bénéficie Raspoutine, choquée par sa réputation scandaleuse, ses débauches, dans lesquelles des noms de femmes de la haute noblesse sont mêlés, s'oppose de plus en plus ouvertement au starets. De plus, en pleine guerre mondiale, le bruit court qu'il espionne au profit de l’Allemagne. Plusieurs complots se trament contre lui.
Une conjuration aboutit à son assassinat dans la nuit du 16 au 17 décembre 1916 alors qu'il est l'invité du prince Félix Ioussoupov, époux de la grande duchesse Irina, nièce du tsar.
Parmi les principaux conjurés se trouvent le Grand-duc Dimitri Pavlovitch, cousin de Nicolas II, le député d'extrême-droite Vladimir Pourichkevitch, l'officier Soukhotine et le docteur Stanislas Lazovert. Ioussoupov, chez qui est commis l'assassinat, en publie, en 1927, le récit détaillé mais quelque peu arrangé.

Le cadavre est retrouvé le 19 décembre 1916 au petit matin. Gelé et recouvert d’une épaisse couche de glace entourant le manteau de castor, le cadavre est remonté à la surface de la Neva au niveau du pont Petrovsky. L’album de photos de police exposé au Musée d'histoire politique de la Russie de Saint-Pétersbourg révèle le visage de Raspoutine défoncé par des coups et son corps transpercé de quatre impacts de balles qui ont traversé le cœur, le cou et le cerveau. L’autopsie, faite le jour même de la découverte du corps à l'Académie militaire par le professeur Kossorotov, révèle que Raspoutine n’est mort ni du poison, ni des balles, ni des commotions et des coups assénés, mais que la présence d’eau dans les poumons prouverait qu’il respirait encore au moment où on le jeta dans la petite Neva, la Nevka.
Plusieurs personnes ayant eu vent de la nouvelle viendront récolter l'eau dans laquelle Raspoutine avait été trouvé mort : elles espéraient ainsi recueillir un peu de son pouvoir mystérieux.
Raspoutine est inhumé le 3 janvier 1917 – 22 décembre du calendrier russe – dans une chapelle en construction, près du palais de Tsarskoïe Selo.
Au soir du 22 mars, sur ordre du nouveau Gouvernement révolutionnaire, on exhume et brûle le corps de Raspoutine, et on disperse ses cendres dans les forêts environnantes. Mais, selon la légende, seul le cercueil brûla, le corps de Raspoutine restant intact sous les flammes.

La légende

Raspoutine aurait prédit à la tsarine : Je mourrai dans des souffrances atroces. Après ma mort, mon corps n'aura point de repos. Puis tu perdras ta couronne. Toi et ton fils vous serez massacrés ainsi que toute la famille. Après, le déluge terrible passera sur la Russie. Et elle tombera entre les mains du Diable.
Des journalistes et hommes politiques hostiles à la Maison Romanov ont fait courir la rumeur que Raspoutine fut l'amant de la tsarine. L’historien Edvard Radzinsky, d'après le dossier secret de police russe acquis chez Sotheby's, relativise l'érotomanie et la débauche sexuelle de Raspoutine : le déflorage de nonnes ou le viol de dames de la haute aristocratie serait là aussi essentiellement des rumeurs colportées par des personnes inquiètes de son influence sur la Cour ou hostiles au régime monarchique.

Comme il l'avait prédit, son assassinat sera suivi d'événements terribles. Trois mois après la fin de Raspoutine, le tsar Nicolas II dut abdiquer, et quelques jours après, la tombe du starets fut profanée par les bolcheviks, son corps brûlé et ses cendres dispersées. La famille impériale fut massacrée dans les caves de la villa Ipatiev, à Iekaterinbourg, dans la nuit du 16 au 17 juillet 1918. La Russie se déchira dans une terrible guerre civile pendant plus de trois ans…
Après 1917, son image a été largement utilisée par la propagande bolchévique pour symboliser la déchéance morale de l'ancien régime. Puis elle fut reprise, déformée, amplifiée, dès 1917, par la littérature puis, à partir de 1928, par le cinéma et la télévision, qui en ont fait l'exploitation à la limite du fantastique et de l'érotisme.
Un pénis momifié de 29 cm, qui serait le sien, est conservé et exposé au Musée de l'érotisme de Saint-Pétersbourg. Selon Secrets d'histoire, présenté par Stéphane Bern, il est très peu probable que celui-ci soit d'origine humaine car, après l'enterrement de Raspoutine, ses restes furent brûlés pour empêcher toute personne de rendre un culte sur sa tombe.

Pénis de Raspoutine.

Au cours des années, Raspoutine est finalement devenu un mythe, servant de prétexte à beaucoup de dirigeants politiques russes et européens pour s'exonérer de leurs propres responsabilités dans les événements tragiques survenus en Russie.

Arts et culture populaire

Le personnage de Raspoutine et les mystères qui l'entourent n'ont cessé d'intriguer et continuent jusqu'à aujourd'hui à stimuler l'imaginaire créatif. Ainsi, bon nombre d'œuvres le mettent en scène qui, tantôt tentent de s'approcher de la réalité historique, tantôt – le plus souvent – s'en écartent allègrement.
Alors que le personnage, en tant que tel, est ambivalent – Raspoutine est aussi celui qui réussit, de manière difficilement explicable, à guérir, ou du moins soulager, le jeune tsarévitch –, c'est le côté diabolique,débauché, manipulateu, symbole de la chute d'un Empire, qui est, la plupart du temps, voire toujours, retenu et, d'une façon ou d'une autre, exploité.

Littérature

1924 : Les Ténébreuses. Roman de Gaston Leroux.

Musique
Rasputin est une chanson du groupe disco Boney M, 1978. Cette même chanson fut reprise par le groupe de viking métal Turisas, en 2007.
Rasputin 2001-2003 est un opéra du Finlandais Einojuhani Rautavaara.
Il apparaît sur le dernier album du groupe de metal industriel Type O Negative, Dead Again, paru en 2007. Le groupe explique que personne d'autre n'aurait pu représenter mieux que lui la signification du titre car Raspoutine a tenté de mettre fin à ses jours de nombreuses fois d'après les légendes.
Rasputin est une chanson du groupe de thrash metal Cavalera Conspiracy, figurant sur l'album Blunt Force Trauma, sorti en 2011.

Cinéma

La figure de Raspoutine a inspiré bon nombre d'œuvres cinématographiques, dont voici les plus marquantes :
1917 : The Fall of the Romanoffs, film américain de Herbert Brenon. Considéré comme le premier film sur la Révolution russe. Le rôle de Raspoutine y est tenu par Edward Connelly.
1933 : Raspoutine et sa cour Rasputin and the Empress de Richard Boleslawski. Seul film à réunir les trois aînés de la famille Barrymore : Lionel, John et Ethel. Lionel Barrymore incarne Raspoutine.
1937 : La Tragédie impériale de Marcel L’Herbier retrace la vie de Raspoutine, avec Harry Baur dans le rôle du starets.
1966 : Raspoutine le moine fou, film britannique produit par la Hammer, de Don Sharp, avec Christopher Lee et Barbara Shelley. Christopher Lee incarne Raspoutine.
1967 : J’ai tué Raspoutine de Robert Hossein, récit de la vie de Raspoutine et du complot, avec Gert Fröbe dans le rôle de l'assassiné du titre.
1971 : Nicolas et Alexandra Nicholas and Alexandra de Franklin J. Schaffner. Tom Baker incarne le guérisseur.
1974 : Raspoutine, l’agonie Агония d'Elem Klimov. Alexéï Petrenko incarne Raspoutine.
1997 : Anastasia, long-métrage d'animation de Don Bluth et Gary Goldman. Raspoutine y est présenté comme un sorcier qui fait tout pour supprimer la dernière des Romanov.
2004 : Hellboy de Guillermo del Toro, adaptation de la bande dessinée. Raspoutine, joué par Karel Roden, est l'un des plus grands adversaires de Hellboy ; allié des nazis autour d'expériences ésotériques et surnaturelles, Raspoutine amène Hellboy sur Terre pour déclencher l'Apocalypse.
2011 : Raspoutine, de Josée Dayan, avec Gérard Depardieu dans le rôle de Raspoutine, Fanny Ardant... Cette production franco-russe est sortie directement en DVD en France en janvier 2012 et dans les salles de cinéma russes en novembre 2013 avec un montage différent.

Télévision

1996 : Rasputin, the Dark Servant of Destiny, téléfilm réalisé par Uli Edel, diffusé en 1996. Le rôle-titre est interprété par Alan Rickman.
2011 : Raspoutine. Gérard Depardieu incarne Raspoutine aux côtés de Fanny Ardant et Vladimir Mashkov.
Dans la série Warehouse 13, saison 2, épisode 2, un certain chapelet ayant soi-disant appartenu à Raspoutine est un artefact possédant apparemment le pouvoir de ressusciter les morts.
Dans la série Buffy contre les vampires, l'héroïne prétend que Raspoutine était un vampire, expliquant de fait, les mystères entourant sa vie, origine, errance, assassinat.
Raspoutine est le nom d'un catcheur russe dans l'un des épisodes de la série animée Les Simpson.
Raspoutine se voit caricaturé dans l'épisode Nothing but the Tooth du dessin animé Animaniacs, où on le voit comme un hypnotiseur.
Dans le film manga Détective Conan - Le Magicien de la fin du siècle, une descendante de Raspoutine Scorpion apparaît, pour le venger.
Raspoutine est présent dans la série animée Blood+ épisode 17, où il est l'un des chevaliers de Diva, chassé par Saya.

Bande dessinée

Raspoutine est le nom d'un personnage de la série Corto Maltese créée en 1967 d'Hugo Pratt, lequel s'est inspiré du Raspoutine de la légende, le Raspoutine aux neuf vies.
Raspoutine est l'un des personnages du manga La Fenêtre d'Orphée 1976 de Riyoko Ikeda.
Raspoutine, un chat anthropomorphe, est l'adversaire de l'inspecteur Canardo, le personnage créé par Benoît Sokal. Il apparaît pour la première fois dans le deuxième album de la série, La Marque de Raspoutine (1982).
Raspoutine joue un rôle essentiel dans la série de comics Hellboy, créée par Mike Mignola en 1994, puisque c'est à cause – ou grâce – à l'invocation du personnage qu'Hellboy apparaît sur terre.
Il figure sur la couverture du Grand Complot (1996), septième album de la série Ian Kalédine, sans néanmoins apparaître dans l'histoire.
Il fait partie de l'intrigue du Secret de Raspoutine (2003), neuvième album de la série Harry Dickson, parue aux éditions Soleil. Étant déjà mort au moment où l'histoire est censée se dérouler, il apparaît dans des scènes de flashback.
Raspoutine est le chien de fiction de l'album Le Septième Code (2004), vingt-quatrième de la série Yoko Tsuno de Roger Leloup.
L'un des X-Men – éditions Marvel Comics –, Colossus, apparu en 1975, est russe et a pour véritable nom Piotr Nikolaievitch Rasputin. Dans une mini-série de 2005, Colossus : Bloodline – traduite dans X-Men, hors-série 26 – qui lui est consacrée, on découvre que l'arrière-grand-père du héros n'est autre que Grigori Raspoutine.
Raspoutine 2006-2008 est une série trois volumes de Tarek et Vincent Pompetti Emmanuel Proust.
Dans le manga Afterschool Charisma 2008, un clone de Raspoutine a été créé.
Dans Assassin's Creed: The Fall 2010, son cadavre est déterré par l'assassin Nikolaï Orelvov. On découvre alors qu'il possède un éclat de métal forgé dans la même matière que les fragments d'Éden, objets qui, dans la série Assassin's Creed, permettent à leurs possesseurs de contrôler l'esprit et les sens de leur interlocuteur, qu'il aurait récupéré à la suite de l’événement de la Toungouska. Dans cette série, on tente ainsi d’expliquer l'influence de Raspoutine sur le tsar et la tsarine.

Jeux vidéo

Raspoutine est un personnage de la série World Heroes.
Raspoutine fait une apparition remarquée dans Shadow Hearts: Covenant sur PlayStation 2.
Raspoutine est un personnage secondaire de Shin Megami Tensei: Devil Summoner: Raidou Kuzunoha vs. The Soulless Army, dans lequel il invoque des démons.
Raspoutine est le nom d'un succès du jeu vidéo Team Fortress 2. Il consiste à subir des dommages venant de balles, feu, coups de combat rapproché et d'explosion en une seule vie.
Ce succès ne peut être réussi qu'en étant un Heavy.
Il apparaît en photographie à de nombreuses reprises dans Assassin's Creed II, à condition que le joueur se donne la peine de découvrir et de décrypter les glyphes dissimulés dans les décors. L'antépénultième décryptage révèle que sa mort fut causée par les assassins, qui le voyaient comme un tyran à part entière.

Utilisations commerciales

Rasputin est le nom d'une bière de la brasserie De Molen.



Récits de l'assassinat de Raspoutine par le prince Youssoupoff


Analysé par un criminologue E. De Greeff, Introduction à la criminologie

Observation préliminaire du Dr De Greeff : Le Prince Youssoupoff nous a laissé un récit circonstancié de la mort du Starets dans un livre intitulé « La fin de Raspoutine » qui parut chez Plon en 1927. Ce livre est une confession, car c’est le Prince Youssoupoff qui perpétra cette mort.

Dans le crime politique utilitaire, le meurtrier n’a théoriquement en vue que l’intérêt général. Mais le problème se complique, parce que, sous l’intérêt général, se cache un intérêt individuel. Le meurtrier doit vaincre exactement les mêmes résistances qu’il aurait à vaincre s’il s’agissait simplement de supprimer un rival, et nous le voyons passer par les mêmes stades que les criminels ordinaires.


Nous donnons ci-dessous une courte analyse d’un meurtre politique normal :

Le meurtre de Raspoutine
Le prince Youssoupoff était l’homme le plus riche de toutes les Russies, le plus beau parti et était considéré comme devant jouer un grand rôle dans la vie de son pays. Il termine ses études en 1912 et arrive à Saint-Petersbourg où il trouve la route barrée par Raspoutine.

A partir de 1915, l’autorité du Starets est complète. C’est à ce moment que paraît nettement en l’esprit du prince l’idée qu’il faut le faire disparaître. Mais ce n’est qu’un « assentiment inefficace». En ce sens que le prince ne se sent nullement engagé à agir personnellement. Il s’agit encore d’une idée collective. Plusieurs personnages en sont au même stade que lui et ne le dépasseront pas.

Mais l’idée de tuer rencontre de la résistance; elle ne peut progresser que si Raspoutine est ramené à ce qu’il est réellement, que si on peut être certain qu’il est aussi ignoble qu’on le dit, que si le meurtre peut recevoir une justification morale. Presque un an se passe à cette préparation et, cette culpabilité étant bien établie, après en avoir discuté et traité de nombreuses fois, dans le petit groupe politique qui médite sa mort, le Prince passe à l’« assentiment formulé » un jour qu’il entend un personnage vénérable s’écrier que – « S’il n’était pas si vieux il s’en chargerait ». Ce soir-là Youssoupoff prend la décision de tuer Raspoutine ... Mais cette décision précède de bien loin les dispositions réelles du futur meurtrier. Les hésitations, l’irrésolution, les tergiversations caractérisent cette période. Il va jusqu’à se faire soigner par le Starets et au moment où l’on croit l’affaire parvenue à un moment décisif, tout est remis à plus tard à cause d’un examen au Corps des Pages ... A ce moment Youssoupoff commence à employer les équivalents : on essaie de faire peur à Raspoutine, de lui faire entendre qu’on va l’assassiner ...

Enfin : la crise. C’est le poison qui a été choisi. Il faudra inviter la victime ; elle accepte et le prince en est terrorisé.

« C’est avec surprise et effroi que je pensais à la grande facilité avec laquelle il acceptait tout ! »

Aussi nous ne serons pas surpris de constater que l’acte criminel commencera par être raté, malgré le cyanure dans les pâtés. Voici quelques extraits concernant la scène finale.

Le prince, qui est allé chercher Raspoutine chez lui, l’aide à mettre sa pelisse sur les épaules ...

« Une immense pitié pour cet homme s’empara tout-à-coup de moi. J’eus honte des moyens abjects, de l’horrible imposture auxquels j’avais recours. A ce moment, je fus saisi d’un sentiment de mépris pour moi-même. Je me demandais comment j’avais pu concevoir un crime aussi lâche. Je ne comprenais plus comment je m’y étais décidé ».

« Je regardais avec effroi ma victime, tranquille et confiante devant moi ».

« Qu’était devenue sa clairvoyance ? A quoi lui servait le don de -prédire l’avenir, de lire la pensée des autres s’il ne voyait pas le terrible piège qu’on lui tendait ? On aurait dit que le destin jetait un voile sur son esprit pour que justice se fasse ».

« Mais tout-à-coup je revis comme dans un éclair toutes les phases de la vie infâme de Raspoutine. Mes remords de conscience, mon sentiment de repentir s’évanouirent et firent place à la ferme détermination de mener à bout la tâche commencée ».

Remarquons le besoin qu’éprouva le prince à ce moment encore de « reprendre» une ferme détermination.

On est arrivé. Le récit continue.

« A mon grand désappointement il commença par refuser le vin et le thé ».

« Aurait-il deviné quelque chose ? pensai-je. Mais aussitôt je pris la ferme décision que quoiqu’il advint il ne sortirait pas vivant de la maison ».

Remarquons encore ici à la dernière minute l’obligation pour le coupable de raffermir encore sa décision.

« Au bout de quelque temps, après avoir épuisé ses sujets habituels de conversation, Raspoutine me pria de lui donner du thé. Je m’empressai de le faire et lui présentai l’assiette de biscuits. Pourquoi lui ai-je offert précisément les biscuits qui n’étaient pas empoisonnés ? C’est à quoi je ne saurais répondre. Ce n’est qu’un moment après que je lui passai l’assiette aux gâteaux contenant le cyanure. »

- « Je n’en veux pas, dit-il, ils sont trop doux ».

« Pourtant il en prit bientôt un, puis un autre. Je le regardai avec effroi. L’effet du poison devait se manifester tout de suite mais à ma grande stupeur, Raspoutine continuait à me parler comme si de rien n’était ».

« Je lui proposai alors de goûter de nos vins de Crimée. Il refusa de nouveau. Le temps passait. Je devenais nerveux. Malgré son refus je pris deux verres qui ne contenaient pas de poison; je remplis l’un pour lui, l’autre pour moi. Pourquoi répétai-je la môme manœuvre ? Je ne puis me l’expliquer !»

L’empoisonnement ayant échoué, le prince Youssoupoff va chercher un revolver…

La scène continue :

- « Qu’as-tu à regarder si longtemps ce crucifix ? me demanda Raspoutine. »

- « Il me plaît beaucoup, répondis-je. Il est si beau. »

- « En effet, dit-il, il est très beau. Combien l’as-tu payé ? »

« En disant ces mots, il fit quelques pas vers moi et sans attendre ma réponse ajouta :

-« Quant à moi, l’armoire avec le labyrinthe me plaît davantage».

« En allant vers elle il l’ouvrit et se remit à l’examiner.

- « Grégoire Ephimovich, lui dis-je, vous feriez mieux de regarder le crucifix et de dire une prière ».

« Raspoutine jeta sur moi un regard étonné, presque effrayé. J’y vis une expression nouvelle que je ne lui connaissais pas. Ce regard avait quelque chose à la fois de doux et de soumis. Il vint tout près de moi et me regarda bien en face. On aurait dit qu’il avait lu enfin dans mes yeux quelque chose à quoi il ne s’attendait pas. Je compris que le moment suprême était venu ».

« Seigneur, implorai-je, donnez-moi la force d’en finir ».

« D’un geste lent, je tirai le revolver de derrière mon dos. Raspoutine se tenait toujours debout devant moi, immobile, la tête penchée à droite, ses yeux hypnotisés par le crucifix restaient fixés sur lui. »

« Où faut-il viser pensai-je, à la tempe ou au cœur ? »

« Un frisson me secoua tout entier. Mon bras s’était tendu, je visai au cœur et pressai la détente... »

Raspoutine n’était pas mort; quelques moments après il sauta au cou du prince et faillit l’étrangler. Il retomba, puis s’enfuit en rampant et ce fut Pourichkevitch qui l’acheva dans la cour au moment où il allait réussir à s’échapper.

Un peu plus tard, le prince Youssoupoff, toujours sous le coup de la terreur, se mit à frapper le cadavre jusqu’à ce que lui-même fut épuisé.

Tout le récit est celui d’un meurtre ordinaire que son auteur n’était pas de taille à réaliser et qui échoua parce que le criminel n’était pas psychologiquement prêt au moment où il passa à l’acte.

Note en bas de page du Dr De Greeff : Les hésitations de Youssopoff offrent de nombreux points de comparaison avec celles d’Hamlet, dont le drame intérieur ressemble fort à celui du prince.



Récit de la mort par le prince lui-même cliquez ici -> http://www.loree-des-reves.com/module ... ost_id=4248#forumpost4248


Posté le : 28/12/2013 16:08
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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