| A + A -
Connexion     
 + Créer un compte ?
Rejoignez notre cercle de poetes et d'auteurs anonymes. Lisez ou publiez en ligne
Afficher/Cacher la colonne
Accueil >> newbb >> Les Forums - Tous les messages

 Bas   Précédent   Suivant

« 1 ... 27 28 29 (30) 31 32 33 ... 46 »


Jan Huss
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
Le 6 juillet 1415 à env. 45 ans, à Constance en Allemagne Jan Hus

ou Jean Huss meurt sur le bûcher,


prêtre théologien, universitaire, recteur de l'université de Prague et réformateur religieux tchèque, né entre 1369 et 1373. Son excommunication en 1411, sa condamnation par l'Église pour hérésie, puis sa mort sur le bûcher en 1415, lors du concile de Constance, enclenchent un processus qui mène à la création de l'Église hussite puis aux croisades contre les hussites. Le protestantisme voit en lui un précurseur.
Passionnément attaché à la réforme de l'Église catholique, Jan Hus a dépassé les enseignements de John Wyclif par la hardiesse et l'étendue de son action qu'il a menée jusqu'au sacrifice suprême. Il apparaît ainsi comme le précurseur, à plus d'un siècle de distance, des grands réformateurs du XVIe siècle, de Luther en particulier, qui préfacera la publication de ses œuvres en Allemagne.
Aussi soucieux de justice sociale aspect sur lequel insistent surtout les historiens marxistes que de morale religieuse, il fut en même temps un patriote qui demeure pour les Tchèques l'incarnation de leur conscience nationale forgée dans les guerres hussites, l'auteur de l'affirmation qu'ils n'ont cessé de répéter dans les heures difficiles : La vérité vaincra.
La langue tchèque lui doit son diacritique le háček. Les Tchèques ont fait de lui l’allégorie de leur nation face à l'oppression catholique, impériale et allemande : c'est un héros national, commémoré le 6 juillet, jour de sa mort sur le bûcher, par un jour férié.

La Bohême et la chrétienté à la charnière des XIVe et XVe siècles Grand

Schisme d'Occident.

Le 15 août 1373, Charles IV obtient pour son fils la marche de Brandebourg, et avec lui, le titre de Prince-Électeur attaché à cette possession. En 1376, il obtient des Princes-Électeurs l'élection de son fils en tant que roi des Romains, futur empereur du Saint-Empire. L'autorité de Charles est suffisante pour établir une succession dynastique, remettant en cause les clauses de la Bulle d'or de Metz.
Venceslas succède à son père le 29 novembre 1378. Dans le cadre de l'héritage, la marche de Brandebourg va à son frère cadet Sigismond, son autre frère, Jean obtient la marche de Lusace ; la Moravie va à ses cousins Jobst et Procope.

1378 est l'année fatidique du début du Grand Schisme d'Occident, l'Église traverse une crise morale, éthique et financière sans précédent. Cette même année, en ce qui concerne la Bohême, Jean de Jenstein de devient archevêque de Prague et il entre rapidement en conflit ouvert avec l'empereur et roi de Bohême Venceslas sur la question des investitures. Ce conflit débouche, en 1393, sur la mise à mort de Jean Népomucène, trop fidèle soutien de l'archevêque de Bohême, par des hommes d'armes du roi. Le nœud du conflit a été la nomination de l'abbé du riche monastère de Kladruby que le roi réservait à un protégé.
La mort de Jean de Nepomuk entraîne l'union seigneuriale, une rébellion des nobles tchèques, qui dure de 1394 à 1402. Les nobles bohémiens ligués font emprisonner leur roi en 1394 et nomment son cousin Jobst de Moravie, régent du royaume.
Grâce à l'intervention de son frère Sigismond, il est libéré et remonte sur le trône en échange de quoi, Venceslas, sans enfant, reconnait Sigismond comme son héritier.
Mais à cause des problèmes en Bohême, Venceslas délaisse les affaires de l'Empire, une foule en colère lui fait face lors de la Diète de Nuremberg 1397 et lors de celle de Francfort 1398. On lui reproche ses soûleries, son incompétence et surtout de ne rien faire pour mettre un terme au Grand Schisme : il est, fait rarissime, démis de son titre impérial en août 1400 par les Princes-Électeurs, en faveur de Robert Ier dont Venceslas refuse de reconnaitre la légitimité.
De 1402 à l'automne 1403, Venceslas se retrouve de nouveau en prison à Vienne, cette fois sur décision de son benjamin, Sigismond et toujours avec le soutien de la noblesse tchèque. Il en est libéré grâce à Johann von Liechtenstein, accompagné d'une bande armée.
C'est dans ce cadre trouble, tant au niveau politique que religieux, que Jan Hus étudie puis prêche et enseigne.

La vie de Jean huss

Originaire de la région de Prachatice, en Bohême méridionale, Jan Hus tient son nom de son village natal, Husinec. Étudiant pauvre à l'Université de Prague, il devient bachelier en théologie 1394, puis maître ès arts libéraux 1396. Ordonné prêtre en 1400, doyen de la Faculté de théologie de Prague l'année suivante, Jan Hus apparaît surtout comme le plus illustre représentant de ce courant de prédication réformatrice, né au milieu du XIVe siècle de la crise morale de l'Église tchèque, que le grand schisme d'Occident aggrave encore.
À partir de mars 1402, ses sermons rassemblent régulièrement plus de trois mille personnes dans la chapelle de Bethléem, destinée aux prédications en langue tchèque. Orateur officiel des synodes annuels de Bohême et confesseur de la reine, Hus bénéficie d'abord de l'appui de l'archevêque et du roi Venceslas IV 1378-1419 : jusqu'en 1408, c'est légalement qu'il prêche la réforme de l'Église et oppose la richesse corruptrice à la pauvreté évangélique. Car l'Évangile est, selon lui, la seule règle infaillible et suffisante de la foi, et tout homme a le droit de l'étudier pour son propre compte ; il entreprend donc de le traduire en tchèque.
Alors que les querelles du schisme et la misère exaspèrent la haine entre Tchèques et Allemands de Bohême, Hus rappelle qu'il préfère un bon Allemand à un méchant frère ; mais il lutte pour que les Tchèques soient maîtres en leur patrie. Revendiquant l'emploi de la langue tchèque dans la vie publique contre la prépondérance de l'allemand, il bannit les tournures germaniques et simplifie l'orthographe tchèque par l'introduction des signes diacritiques. Il écrit certains de ses ouvrages dans sa langue nationale.
En 1409, il obtient du roi Venceslas le décret de Kutná Hora qui met fin, au profit des Tchèques, à la mainmise allemande sur l'Université, dont il est élu recteur. Il célèbre dans la victoire polonaise de Grunwald 1410 le triomphe de la justice et des Slaves opprimés.

L’universitaire

Jan Hus étudie à l'université de Prague où il obtient sa licence en 1393 et la maitrise en arts libéraux en 1396. En 1400, il est nommé professeur à l'université, ordonné prêtre et il commence à prêcher à l'église de Saint-Michel. En 1401, il devient doyen de la faculté de philosophie et, un an plus tard, recteur de l'université de Prague.

De 1400 à 1408

Ordonné prêtre en 1400, Hus est, dès l'année suivante, doyen de la faculté de théologie de Prague ; il commence à prêcher à la chapelle de Bethléem, réservée à la langue tchèque, où des milliers de personnes s'entassent debout pour l'entendre. Prédicateur synodal, confesseur de la reine, appuyé au départ par les autorités civiles et ecclésiastiques, il annonce un message de radicale réforme évangélique, il traduit le Nouveau Testament en tchèque, persuadé qu'il doit être mis entre toutes les mains, donnant par là même un statut culturel à sa langue maternelle.
Les trois périodes de la vie de Hus
Son action réformatrice est soutenue par ses supérieurs. Il publie plusieurs ouvrages : Contre l'adoration des images ; De la glorification du sang tout entier de Jésus-Christ ; Vie et Passion de Jésus-Christ, d'après les quatre Évangiles ; une série de commentaires bibliques et de conférences à l'usage du clergé pragois.

Un linguiste économe

En linguistique, dans De orthographia bohemica (De l'orthographe du tchèque), Jan Hus invente une orthographe utilisant des diacritiques comme le point suscrit, devenu ensuite le háček pour noter ce que les langues slaves considèrent grammaticalement comme des consonnes molles. Il préconise l'usage de l'accent au lieu du redoublement des voyelles pour noter les voyelles longues. À l'époque, le papier ou le parchemin est un produit de luxe et économiser de l'espace lors de l'écriture constitue une économie précieuse.
Comparez sch et š - tsch et č.
Ce diacritique, adopté par le croate, le slovaque et le slovène, est parfaitement adapté au slave, à sa grammaire, ses flexions. Globalement, il correspond, dans l'alphabet latin, aux modifications apportées par Cyrille et Méthode au grec lorsqu'ils créent l'alphabet glagolitique avec lequel maitre Hus a pu se familiariser au cloître d'Emmaüs de Prague, fondé le 21 novembre 1347, qui est alors un centre important de la culture et de la liturgie en vieux slave.

Recteur d'une université divisée

Prague est capitale du Saint-Empire romain germanique et son université, véritablement internationale, est divisée en sections aussi appelées nations bavaroise, tchèque, saxonne et polonaise. Chacune des nations dispose d'une voix lors des votes décisifs sur l'administration de l'université.
En 1407, l'archévêque de Prague est chargé par le pape Grégoire XII d'interdire la diffusion des thèses hérétiques de John Wyclif. L'université le système éducatif est alors religieux et dominé par l'Église condamne comme hérétiques les théories de Wyclif, qui ont été introduites en Bohême une vingtaine d'années auparavant : en 1381, son opinion sur l'eucharistie est débattue par Mikuláš Biskupec et, en 1393, c'est l'archevêque de Prague, Jean de Jenstein, qui prêchait contre les idées wycliffiennes au regard de la richesse ou plutôt de la pauvreté nécessaire de l'Église.
Jan Hus avait traduit le Trialogus de Wyclif en tchèque.
Il louvoie entre son allégeance envers l'Église et son idéal wycliffien : le 14 mai 1408, la nation tchèque de l'université de Prague sous la houlette de Hus rejette publiquement les articles de Wyclif mais souligne que, correctement interprétés dans leur contexte, ces articles ne sont pas totalement hérétiques. L'archevêque de Prague, benoîtement, écrit au pape Grégoire XII qu'il n'y a pas d'âme errante en Bohême.
Les autres nations décident de se ranger fermement auprès de Grégoire XII mais Hus utilise, pour défendre son idéal, l'opposition du roi Venceslas à Grégoire XII2 et obtient, en 1409, que la nation tchèque eut trois voix lors des votes décisifs sur l'administration de l'université, les autres nations n'en bénéficiant que d'une voix chacune.
Cette décision, appelée aussi décret de Kutná Hora, provoque le départ des professeurs allemands qui contribuent à la fondation de l’université de Leipzig en mai 1409.
L'université de Prague perd alors la majorité de ses étudiants et de sa faculté et décline pour devenir un établissement au rayonnement tout au plus national. Pendant quelques décennies, aucun titre n'est distribué. Il faut attendre l'empereur Sigismond puis surtout Rodolphe II qui refait de Prague sa capitale, pour voir l'université renaître de ses cendres.

Le théologien

Influencé par l'Anglais John Wyclif, il s'interroge sur les conséquences pratiques de l'obéissance au Christ, prononce des sermons, en particulier au sein de la Chapelle de Bethléem, à Prague, contre ce qu'il appelle les erreurs du catholicisme et se consacre à la réforme de l'Église.
Il se trouve bientôt à la tête d'un mouvement national de réforme et prend publiquement la défense des écrits de John Wyclif condamnés par une bulle pontificale en date du 20 décembre 1409 qui ordonne la destruction des ouvrages de Wyclif et l'interdiction de prêcher sa doctrine. Jan Hus fait appel au pape de Pise Alexandre V mais en vain.

De 1408 à 1412

Hus entre en conflit avec la hiérarchie. Il a en effet dénoncé publiquement les droits et privilèges du clergé, et il a ouvertement manifesté ses sympathies pour Wycliffe. Lorsqu'en 1410 les ouvrages de ce dernier sont brûlés sur ordre de l'archevêché de Prague, et que sont interdites les prédications des bacheliers en théologie à la chapelle de Bethléem, Hus rédige un Appel au pape Jean XXIII et deux traités : Il faut lire et non brûler les livres des hérétiques et Apologie de l'ouvrage de Wycliffe sur la Sainte Trinité. Il demande que l'hérésie ne soit définie que par rapport à l'Écriture.
Excommunié une première fois en 1411, Hus est relevé de cette peine sur intervention de la reine Sophie, mais, en mai 1412, les indulgences émises par l'antipape Jean XXIII pour financer sa guerre contre le roi de Naples lui fournissent l'occasion de violents réquisitoires contre les abus de pouvoir temporel de l'Église. Cité devant les légats romains, il déclare : Je suis prêt à obéir au pape tant que ses ordres sont conformes à ceux des apôtres, mais s'ils y sont contraires, je n'y obéirai point, eussé-je mon bûcher dressé devant moi.
Il publie douze thèses contre la bulle pontificale et, sur cette base, rédige son Traité des indulgences et dix sermons sur l'anatomie de l'Antichrist, comparé à Jésus-Christ, virulente attaque contre la cour de Rome, ainsi que quinze lettres dans lesquelles son esprit réformateur se précise en s'étendant notamment au domaine de la justice sociale. Comme trois de ses disciples sont exécutés, il en appelle du pape à Jésus-Christ, seul vrai chef de l'Église ; soutenu par le peuple et la noblesse de Prague unanimes, il n'en est pas moins frappé d'excommunication majeure et, pour éviter les troubles, s'exile volontairement à la campagne, où il poursuit son activité de prédicateur.
Son admiration pour le théologien John Wyclif 1320 env.-1380, auquel souvent il se réfère, permet à ses ennemis de confondre sa cause avec celle du réformateur anglais et de l'accuser d' hérésie. Comme il refuse d'accepter la condamnation de Wyclif dont les ouvrages sont brûlés à Prague le 16 juillet 1410, une première excommunication le frappe en 1411, malgré l'appel adressé à Rome et le soutien du roi et des Praguois. Il n'en continue pas moins ses prédications ; en 1412, il prononce d'ardents réquisitoires contre les indulgences dont la vente doit financer la guerre de l'antipape Jean XXIII contre Ladislas de Naples. L'exécution de trois de ses jeunes disciples dresse le peuple de Prague derrière son prédicateur. Cette fois, il est l'objet d'une excommunication majeure, et la ville est frappée d'interdit du moment qu'il y séjourne.

Hus se retire alors en Bohême méridionale, à Kozí Hrádek, où il prêche dans les campagnes et écrit des traités de théologie De Ecclesia, 1413. En 1414, il est cité devant le concile de Constance. Muni d'un sauf-conduit glejt de l'empereur Sigismond, il repousse les conseils de prudence et se met en route, logique avec lui-même : Cherche la vérité, écoute la vérité, apprends la vérité, aime la vérité, soutiens la vérité, défends la vérité, jusqu'à la mort, avait-il enseigné à ses frères de Prague.
À peine arrivé, il est jeté en prison ; il y écrit ses Lettres de Constance. Ni les tentatives de persuasion, ni les sévices des pères du concile, ni l'appel à l'autorité de la tradition ne parviennent à lui arracher une rétractation. Ses écrits sont condamnés au feu ; lui-même monte sur le bûcher des hérétiques le 6 juillet 1415, et ses cendres sont jetées dans le Rhin. Sa mort, dont l'anniversaire sera célébré avec ferveur, fait de la réforme une révolution nationale.

Indulgence

Alexandre V meurt en 1410, Jean XXIII lui succède et entreprend, en 1411, une croisade contre le roi Ladislas Ier de Naples, protecteur du « pape de Rome Grégoire XII Ladislas avait surtout envahi Rome et est l'allié des Colonna. Cette croisade doit être financée et les indulgences sont un moyen pratique pour la papauté pour lever des fonds.
Hus s'élève contre ce trafic dans son adresse Quaestio magistri Johannis Hus de indulgentiis, quasiment une copie conforme du dernier chapitre du De Ecclesia de Wyclif. Le pamphlet hussite déclare qu'aucun prêtre, qu'aucun évêque, aucun religieux ne peut prendre l'épée au nom du Christ ; ils doivent prier pour les ennemis du Christ et bénir ceux qui le combattent. Le repentir de l'homme passe par l'humilité, pas l'argent ni les armes ni le pouvoir. Remarquable orateur, il provoque l’émeute du peuple de Prague qui est durement réprimée. Le 24 juin 1412, un cortège d’étudiants conduit par le disciple de Hus, Jérôme de Prague, va clouer au pilori la bulle du pape et la brûle ensuite. Trois étudiants, qui ont interrompu un prêtre pendant qu’il prêchait l’achat d’indulgence, sont exécutés à la hache.

Excommunication

Les détracteurs de Jan Hus, ne pouvant s’appuyer sur les aspects sociaux ou patriotes vont chercher à l’atteindre à travers ses positions religieuses. Ils vont tout d’abord s’appuyer sur sa pseudo admiration pour l’approche théologique de Wyclif pour l’accuser d’hérésie.

Excommunié le 21 février 1411 par Grégoire XII, Hus en appelle au jugement du Christ, instance inconnue du droit canonique. Il ne limite pas aux seules autorités ecclésiastiques ses diatribes et reste soutenu par les pragois. Hus entre, cette année-là, en conflit avec le roi de Bohême Venceslas IV, qui avait autorisé des envoyés du pape à vendre des indulgences pour l'organisation d'une croisade contre le roi de Naples. Il devient Persona non grata à Prague. Le soutien pragois donnera lieu à des manifestations à l’occasion desquelles trois disciples seront exécutés en public ce qui dressera ainsi le peuple contre le roi et l’église. Jan Hus se retire au château de Kozí Hradek, dans le sud de la Bohême, afin d’y rédiger son ouvrage De ecclesia et une Explication des Saints Évangiles 1413.

De 1412 à 1415

Hus publie encore plusieurs ouvrages et, notamment, son traité De l'Église, dans lequel il fait la distinction entre l'institution romaine, communauté de foi fondée par les apôtres, et l'Église universelle, régie par le seul Jésus-Christ.
C'est ce dernier qu'il convient de servir, fût-ce, si cela se révèle nécessaire, en désobéissant à son vicaire devenu infidèle. C'est l'Écriture qui est donc la norme de la fidélité de l'Église ; c'est d'elle, témoignage de Jésus-Christ, que vient la Parole du salut. Tout chrétien dont la vie est conforme à l'Évangile est donc un missionnaire du Christ. La confession du cœur lui suffit pour obtenir l'absolution ; il a normalement droit au calice eucharistique, par lequel, comme le pain, il entre en communion vivifiante avec le Christ réellement présent qui donne son salut et crée dans le chrétien les bonnes œuvres, fruits de la vie régénérée. En cas de conflit avec l'autorité ecclésiastique, c'est au seul seigneur de l'Église qu'il faut se soumettre.
Ayant révisé sa traduction de la Bible en tchèque et écrit une série de lettres à ses compatriotes où s'expriment sa foi en l'Évangile, son amour de son peuple et son espérance de justice, Hus, reconnu orthodoxe par l'inquisiteur Nicolas de Husinec, quitte Prague, avec un sauf-conduit, pour se rendre à Constance, devant le concile général où il a été cité. Arrivé le 3 novembre 1414, il est d'abord bien reçu, puis, au bout de quelques semaines, dénoncé par ses adversaires de Bohême et attaqué par les sorbonnards Jean Charlier de Gerson 1363-1429 et Pierre d'Ailly 1350-1420. Le sauf-conduit violé, il est mis en prison dans un couvent ; là, il rédige à l'intention de ses gardiens une série d'explications sur le Symbole apostolique, le Décalogue et l'Oraison dominicale, qui préfigurent les grands catéchismes de la Réforme luthérienne et calviniste.

Le Concile de Constance

Vient le concile de Constance, dont l'antipape Jean XXIII a signé la convocation. Sigismond, voulant donner l’apparence d’un soutien à Hus s'engage à l'accompagner à Constance. En pratique il n’accompagnera pas Hus. Hus s'y rend, muni d'un sauf-conduit signé de Sigismond Ier du Saint-Empire afin d'y défendre ses thèses. Ce sauf conduit sera renié par Sigismond.

Arrivée à Constance et débuts du Concile

À Constance, ont accouru, en grand apparat, les représentants des grandes nations catholiques, tous les prélats et les princes que compte la Chrétienté, y compris des orthodoxes, des lithuaniens, des coptes. Le premier but du Concile, réuni sous la pression de Sigismond, n'est pas de le juger, mais de mettre fin à ce scandale que représente le Grand Schisme d'Occident. Trois papes se disputent le trône de saint Pierre, Grégoire XII, pape de Rome , Jean XXIII, pape de Pise et Benoît XIII, pape d'Avignon.

Hus part le 11 octobre 1414 et arrive le 3 novembre 1414 à Constance. Le jour suivant, un bulletin sur les portes des églises annonce que Michal de Nemecky Brod sera l'opposant de Hus l'hérétique . Il est tout d'abord libre de ses mouvements mais, de peur de le voir s'échapper, le 8 décembre 1414, il est enfermé dans un monastère dominicain de la ville.
Le sauf-conduit impérial, apparemment, ne s'applique pas ou plus légalement aux hérétiques… Peu auparavant, le 4 décembre 1414, Jean XXIII nomme trois évêques pour entamer les investigations contre Hus.
Sous la pression impériale, le mode de scrutin est changé : non pas une voix par cardinal ce qui avantage considérablement l'Italie mais une voix par nation ce qui apporte une solution inédite aux problèmes nationaux qui déchirent alors l'Église.
Le 20 mars 1415, comprenant qu'il perd le soutien impérial, Jean XXIII s'enfuit.
Le 6 avril 1415, le concile adopte le décret Hæc sancta, affirmant la supériorité du concile sur le pape. Les questions institutionnelles en passe d'être réglées, le procès de Hus peut reprendre.

Le procès de Jan Hus

Au premier rang des censeurs de Jan Hus, outre le cardinal Pierre d'Ailly et son disciple Jean de Gerson, doctor christianissimus et chancelier de l'université de Paris, se trouvent les grands inquisiteurs, secondés par les plus brillants canonistes romains. Les juges procèdent à des interrogatoires ex cathedra.
Au cachot, après des semaines d'interrogatoires incessants, il sera condamné comme hérétique à être brûlé vif. La censure passera au crible ses ultimes lettres, écrites de sa cellule, à ses amis de Prague. Le 27 juin 1415, ses livres sont condamnés comme hérésies.

Son procès, ouvert le 5 juin 1415, n'est qu'une longue suite d'accusations et d'humiliations. Comme on le somme de se rétracter, il répond : Parmi les articles que je dois abjurer, beaucoup n'ont jamais été acceptés par moi et je ne puis, sans mentir à ma conscience, me reconnaître coupable d'erreurs que je n'ai pas commises ; d'autres me paraissent vrais et je les soutiendrai tant qu'on ne m'aura pas démontré leur fausseté par l'Écriture. Je ne veux pas scandaliser le peuple que j'ai conduit dans la vérité et compromettre le salut de mon âme.

Le bûcher

Après un mois durant lequel vexations et tortures alternent, lui laissant cependant la force d'écrire de bouleversantes lettres d'adieu, il est conduit au bûcher, le 6 juillet, et y meurt en s'écriant : Jésus-Christ, fils du Dieu vivant, aie pitié de moi ! Dès lors, la Bohême entière le vénère comme un martyr, la conscience populaire tchèque est marquée par lui de façon décisive, et les historiographes modernes de Hus pourront parler à son propos de la première réforme .
Le 6 juillet 1415, selon le jugement qui le condamne solennellement comme hérétique, Jan Hus doit être réduit à l'état laïc et est immédiatement conduit au bûcher. Le bourreau lui arrache les vêtements. Coiffé d'une mitre de carton sur laquelle sont peints des diables, il est emmené vers le bûcher au milieu d'une foule en colère : on le lie au poteau, entouré de paille humide et de fagots et le feu est mis au bûcher.

Les guerres hussites 1419-1437

Dès septembre 1415, la Diète des seigneurs de Bohême envoie une protestation indignée contre la décision du concile. Le peuple vénère Hus comme un saint et un martyr. La foi nouvelle et la nationalité tchèque se confondent dans l'emblème du calice symbole de la communion sous les deux espèces, sub utraque specie derrière lequel les Tchèques résistent à Rome et à l'empereur germanique, héritier honni du roi Venceslas. La défenestration à Prague, le 30 juillet 1419, des notables catholiques est le signal de l'insurrection ouverte des hussites qui, durant dix-huit ans, tiennent tête aux cinq croisades que l'Europe envoie à l'appel du pape et de Sigismond pour écraser les hérétiques.
Dans le vocabulaire français, praguerie remplace alors révolution.
Les quatre Articles de Prague 1420 forment le programme commun des hussites. Ils exigent la libre prédication de l'Écriture, la communion sous les deux espèces, la confiscation des biens du clergé, la répression des péchés mortels et spécialement des scandales publics. Le principe de la libre interprétation de l'Évangile et les clivages sociaux divisent les hussites en partis ennemis.
Prague, après l'élimination des gueux 9 mars 1422, devient un centre du parti modéré, dit utraquiste ou calixtin, ouvert à un compromis avec Rome. Tábor, en Bohême du Sud, camp retranché fondé en 1420 par les pauvres des cités et des campagnes exaltés par les prédications chiliastiques ou millénaristes, est le bastion des radicaux et proclame la communauté des biens, l'égalité absolue, la souveraineté du peuple et le sacerdoce universel. Autour des taborites, Jan Žižka, seigneur de Trocnov, unifie les troupes populaires en une armée : celle-ci, remarquable par sa rigueur morale, sa discipline, son fanatisme, et célèbre pour la beauté de ses chants de combat et de prière, préfigure les têtes rondes de Cromwell. Jusqu'à sa mort en 1424, Frère Žižka du Calice, le chef borgne puis aveugle, terrifie les croisés par les manœuvres de ses célèbres chars et le tir des canons et des arquebuses que son infanterie manie aussi habilement que les fléaux et les piques.
Grâce aux victoires remportées à Vitkov devenue Žižkov, 1420, à Pankrác 1420, à Kutná Hora 1422, les Combattants de Dieu sauvent Prague et dominent toute la Bohême. À partir de 1426, Procope le Grand conduit les chevauchées magnifiques des hussites en Allemagne, en Autriche et en Hongrie, afin de propager la vérité de Dieu . La défaite de la croisade du cardinal Cesarini à Domažlice 1431 incline l'Église à composer avec l'hérésie pour la première fois de son histoire.
La bataille de Kratzau 11 novembre 1428 oppose Hans von Polenz aux forces hussites
Dès septembre 1415, la diète des seigneurs de Bohême envoie une protestation indignée sur la décision du concile. Le peuple vénère Hus comme un martyr et un saint.
La foi nouvelle et le sentiment de nationalité tchèque se confondent dans l’emblème du calice symbole de la communion sous deux espèces, sub utraque specie derrière lequel les Tchèques résistent à Rome et à l’empereur germanique. Parallèlement, après l’exécution de Hus les pères conciliaires envisagent pour les Tchèques rebelles, le même sort que pour les Albigeois c'est-à-dire l’extermination. Toute la noblesse et le peuple tchèque se rebellent et Sigismond après le décès de son frère Venceslas est obligé de prendre position. Les quatre articles de Prague principe d’une vraie réforme/christianisme primitif deviennent prétexte à des abus et donnent lieu à des affrontements à l’intérieur du camp hussite.
Les croisades contre les hussites, événement de première grandeur dans l'histoire européenne, commencent. Un peuple révolté s'organise militairement pour tenir tête 25 ans durant aux armées européennes coalisées :

Défenestration de Prague des notables catholiques 1419.

Jan Želivský prône la révolte des petits et prend d’assaut l’hôtel de ville de Prague. Les édiles municipaux sont jetés par les fenêtres. Ceci est le point de départ d’une insurrection de 18 ans et de 5 croisades que l’Europe envoie à l’appel du pape Martin V et de Sigismond ; croisades auxquelles les Tchèques résistent
Parcours par des fanatiques de la Bohême, la moitié de l’Allemagne et la Hongrie qui sèment la terreur.
Antagonisme grandissant entre Tchèques et Allemands ces derniers étant dans le camp papal.
Leurs chefs élus, Jan Žižka (qui résiste à Prague, puis à sa mort, le prêtre Procope Le Chauve mènent de grandes batailles en Allemagne, Autriche et en Hongrie, et écrasent les croisés à Tachov 1427 puis à Domažlice 1431. La supériorité militaire et technique d'une armée de volontaires et les défaites successives des croisades obligent l’Église à accepter de composer avec l’hérésie.
Le concile de Bâle 1443 est amené à envisager d’accepter des aménagements de la doctrine officielle de l’Église face aux quatre articles de Prague. Ce qui fut refusé à Hus fut donc accepté pour Procope, à savoir s’exprimer librement en langue tchèque, ainsi que la communion sous les deux espèces. L’évêque de Tábor exposa les quatre articles et rappela qu’aucune autorité religieuse n’a le droit d’ôter la vie, a fortiori à des chrétiens. Pour le reste, les pourparlers traînaient en longueur, les combats reprirent et Procope fut écrasé à Lipany en mai 1434 marquant ainsi la défaite des Taborites ouvrant ainsi la voie du trône à un hussite modéré, Georges de Poděbrady. À l’issue de ces combats, l’Église accorde quelques concessions supplémentaires aux hussites tchèques accord Jihlava 1436.
Les Compactata de Bâle 1433, conclus avec les modérés, accordent aux Tchèques la communion sous les deux espèces et la lecture en tchèque de l'Épître et de l'Évangile. La lassitude et l'or du concile contribuent à grossir le camp utraquiste qui écrase, le 30 mai 1434, à Lipany, Procope et les taborites, défenseurs irréductibles des quatre Articles. La Bohême fait sa soumission à l'empereur-roi Sigismond 1436. Au printemps 1437, Sion, dernier retranchement taborite, est pris d'assaut. Paix boiteuse, bientôt violée par Rome ; ce n'est qu'après 1512 que les Compactata procurent la sécurité à l'utraquisme : pour les avoir défendus contre les nouvelles croisades, Georges de Poděbrady demeure le roi hussite 1458-1471. Par la suite, l'utraquisme perd peu à peu de ses forces vives : l'Unité des frères s'en sépare pour demeurer plus fidèle aux leçons de Hus ; la réforme luthérienne attire les deux tiers de la population tchèque qui reconnaît la Confession de 1575, inspirée de celle d'Augsbourg. Enfin, la répression qui suivit le désastre de la Montagne Blanche 8 nov. 1620, où les Tchèques furent écrasés par les troupes impériales de Ferdinand II, anéantit définitivement le mouvement hussite.

La postérité : les hussites

Dès 1415, le peuple de Bohême, galvanisé par la mort de son héros, se dresse contre Rome et contre l'empereur. Après avoir défenestré, le 30 juillet 1419, les notables catholiques, les hussites se soulèvent ouvertement et résistent durant dix-huit ans à toutes les tentatives faites pour les écraser. En 1420, ils formulent leur programme : libre prédication de l'Évangile, communion sous les deux espèces, confiscation des biens du clergé, répression des scandales publics, tout cela dans le contexte d'une praguerie, révolution sociale et nationale.
Il s'ensuivra une longue période de troubles, au cours desquels le mouvement se divisera en une aile radicale les pauvres, fanatisés par des prédicateurs millénaristes, créateurs de structures égalitaires de vie commune, organisateurs d'une armée redoutable, qui, après avoir libéré toute la Bohême des troupes étrangères, entreprend des chevauchées magnifiques, raids victorieux et missionnaires à travers l'Allemagne, l'Autriche et la Hongrie, et une aile modérée les notables et riches des villes et des campagnes, qui, redoutant pour leurs privilèges les conséquences des victoires des radicaux taborites, finissent par conclure un compromis avec Rome et par écraser, en 1434, les révolutionnaires.
Cependant que la majorité de la population tchèque abandonnera le mouvement et passera, pour une bonne part, au luthéranisme lorsqu'il se répandra en Europe, l'Unité des frères se crée en 1457, qui va maintenir vivant l'héritage de Hus. C'est encore lui que représente aujourd'hui l'Église des frères tchèques, rattachée au Conseil œcuménique des Églises, remarquable par sa vigueur en face des oppressions successives auxquelles elle a dû faire face.
La faculté Comenius de Prague est le centre vivant d'une recherche théologique qui s'inscrit dans la ligne du mouvement hussite. Elle a été illustrée par de grands théologiens, à la tête desquels Josef L. Hromádka 1889-1969, qui a été un des animateurs de la résistance spirituelle œcuménique au national-socialisme, l'initiateur d'une approche chrétienne positive du socialisme marxiste et, ainsi, un des pères des théologies contemporaines de l'histoire et du politique et un des interlocuteurs éminents du dialogue entre chrétiens et marxistes entre 1958 et l'écrasement du printemps de Prague. C'est sur la devise de Hus : La vérité vaincra, qu'il avait fondé la Conférence chrétienne pour la paix, mouvement international de mobilisation des chrétiens contre la menace atomique, la guerre froide, les conflits entre les peuples et le sous-développement.

Conséquence des guerres Hussites

Les guerres hussites provoquent des dégâts importants sur le plan ecclésial car, à côté d’une Église unifiée de Rome cohabite une Église nouvelle issue des doctrines hussites église calixtine, dirigée par des laïcs qui nomment les prêtres et les rétribuent. Plus tard, l’unité des frères se sépare de l’utraquisme, caractéristique des modérés, pour demeurer plus fidèle aux principes de Hus.
Dans la mesure où Hus est un précurseur de la Réforme de nombreux concepts seront repris par Luther, la réforme luthérienne6 trouvera un terrain favorable chez les Tchèques dont près des deux tiers reconnaissent la confession de 1575, inspirée de celle d’Augsbourg. La répression qui suit le désastre de la Montagne Blanche novembre 1620 où les Tchèques sont écrasés par les troupes de Ferdinand II du Saint-Empire anéantit définitivement le courant hussite.

L'héritage de Jan Hus

Monument à Jan Hus sur la place de la Vieille-Ville de Prague. Le réformateur religieux au centre y symbolise l'intégrité morale, les groupes qui l'entourent les gloires et les souffrances du peuple tchèque
Ses disciples le considèrent comme un patriote et un martyr de la nation tchèque et de la foi chrétienne. Précurseur de la Réforme, sa mort déclenche une véritable révolution religieuse, politique et sociale qui secoue la Bohême et la Moravie pendant encore des décennies. Au-delà de la foi et de la pratique religieuse, on ne peut passer sous silence quelques effets secondaires à caractère politique : l'identité nationale tchèque et la volonté de libération de l'emprise allemande. Ces effets apparaîtront pleinement à l'occasion de l'éclatement de l'empire austro-hongrois.

L'association Jan Hus, fondée en 1981 par un groupe d'enseignants français qui souhaitent venir en aide à leurs collègues tchécoslovaques opposés au processus de Normalisation » du régime communiste à l'instar de la charte 77, est une branche de la Jan Hus Educational Foundation en créée en France à l'initiative d'Alan Montefiore et Catherine Audard. Elle organisa des voyages d'intellectuels français (Paul Ricoeur, Jacques Derrida, Jean-Pierre Vernant en Tchécoslovaquie pour débattre et enseigner dans des séminaires clandestins ayant lieu dans des caves ou appartements d'intellectuels tchécoslovaques.

Liens

http://youtu.be/PAxhakZfxN4 Histoire de Jean Hus
http://youtu.be/0rv2zY4IdbM


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l
Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l





Posté le : 05/07/2014 23:15

Edité par Loriane sur 06-07-2014 15:07:24
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Lucie Aubrac
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
Le 29 juin 1912 à Paris naît Lucie Bernard , dite Lucie Aubrac Lucie Samuel

née de parents originaires de Saône-et-Loire, morte à 94 ans le 14 mars 2007 à Issy-les-Moulineaux Hauts-de-Seine, est une résistante française à l'Occupation allemande et au régime de Vichy pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle est l'épouse de Raymond Aubrac, Grand officier de la Légion d'honneur
" Lumière rayonnante de la Résistance " : en définissant ainsi Lucie Aubrac, le président de la République Jacques Chirac a illustré la force en marche qu'a été, dans la clandestinité en France puis à Londres, cette agrégée de l'université, cofondatrice du mouvement Libération. Disparue à quatre-vingt-quatorze ans, cette dignitaire de la Légion d'honneur, grand-croix de l'Ordre du mérite, avait été la première femme déléguée à l'Assemblée consultative provisoire.

En Bref

Issue d'une famille de vignerons bourguignons, son père est jardinier. Reçue à l'école normale d'institutrice, elle refuse ce couvent laïc et choisit de travailler pour payer ses études. Elle réussit son baccalauréat et milite aux Jeunesses communistes, dont elle vend le journal L'Avant-Garde ; en 1938, elle obtient son agrégation d'histoire et de géographie et part enseigner à Strasbourg.
Mariée à l'ingénieur civil des Ponts et Chaussées Raymond Samuel, en décembre 1939, elle renonce à une bourse d'études américaine pour devenir professeur à Lyon à l'automne de 1940.
C'est à cette époque qu'elle rencontre le journaliste Emmanuel d'Astier de La Vigerie ; avec le philosophe Jean Cavaillès et le fondateur de la Ligue contre l'antisémitisme Georges Zérapha, elle fait partie du petit groupe clandestin appelé La Dernière Colonne, qui donnera naissance à Libération, l'un des trois grands mouvements de résistance de la zone libre – avec Combat et Franc-Tireur.
Son goût de l'action en commandos trouve tout son sens en octobre 1943 : enceinte de sa première fille, elle participe à l'attaque d'un fourgon et libère quatorze résistants dont son mari. Chef d'état-major de l'Armée secrète, celui-ci avait été arrêté à Caluire, en juin, par la Gestapo, dans une réunion qui devait sceller le destin de Jean Moulin, délégué clandestin du général de Gaulle, torturé puis déclaré mort le 8 juillet 1943.
Avant même que la propagande alliée ne transforme cette action d'éclat en bande dessinée, Lucie to the Rescue, Maurice Schumann salue cette héroïne, qui est arrivée à Londres en février 1944 juste avant son deuxième accouchement, sur les ondes de la B.B.C. : elle se bat pour sa terre et pour la dignité des siècles qu'elle avait mission d'enseigner .
Le 20 avril 1944, dans l'émission radiophonique Les Français parlent aux Français, Lucie Aubrac évoque la grande solidarité des femmes de France pour les enfants juifs ou de patriotes sauvés des trains qui emmènent leurs parents vers les grands cimetières d'Allemagne et de Pologne. Elle explique que, dans la grande armée sans uniforme du peuple français, la mobilisation des femmes les place à tous les échelons de la lutte : dactylos, messagères, agents de liaison, volontaires même dans les rangs des Groupes francs et des Francs-Tireurs, patiemment, modestement, les femmes de France mènent le dur combat quotidien.
À la Libération, les époux Samuel adoptent définitivement le nom d'Aubrac, l'un des pseudonymes de Raymond. Pendant que son mari est commissaire de la République à Marseille, Lucie Aubrac siège à l'Assemblée consultative provisoire, puis reprend son métier d'enseignante. Engagée dans les combats de la décolonisation, elle héberge, en 1946, le dirigeant vietnamien Hô Chi Minh. Puis elle enseigne l'histoire au Maroc et y dialogue avec l'indépendantiste Mehdi Ben Barka, lui expliquant que sa femme doit avoir les mêmes droits que lui. Lucie Aubrac achève sa carrière au lycée français de Rome alors que son mari exerce des fonctions de direction dans l'Organisation mondiale pour l'agriculture F.A.O..
En 1984, les éditions du Seuil publient ses souvenirs de Résistance, Ils partiront dans l'ivresse, Lyon mai 1943-Londres février 1944, qui deviennent un succès et seront adaptés au cinéma dès 1991, avec le film Boulevard des Hirondelles. En 1996, Lucie Aubrac est le film français au plus gros budget ; Carole Bouquet et Daniel Auteuil y interprètent les Aubrac. Lucie Aubrac poursuit, pendant dix ans encore, son métier de témoin : elle est, selon l'historien Laurent Douzou, une « passeuse de mémoire ». Accueillie, dans toute la France, par des auditoires scolaires de plus en plus nombreux, elle incarne la Résistance française. Devant des centaines de milliers d'enfants, elle martèle sa conviction qu'un état d'esprit résistant doit se manifester constamment. Défendant les droits des femmes, les droits des étrangers sans papiers, elle demeure sur la brèche ; pour elle, il faudra toujours conjuguer au présent le verbe résister.

Formation et itinéraire avant le début de la Résistance

Louis Bernard, le père de Lucie, était d'une famille de cultivateurs de la région de Cluny en Saône-et-Loire, alors que la mère de Lucie, Louise Vincent, était d'une famille de vignerons pauvres de La Chapelle-de-Guinchay, toujours en Saône-et-Loire. Au moment de la naissance de Lucie, en 1912, dans le 14e arrondissement ses parents sont établis en région parisienne. Jardinier de formation, son père travaillait à la maison Vilmorin, mais les deux époux Bernard louent un bistrot dans Paris. La maladie de Louis oblige les Bernard à quitter leur bistrot et tous deux travaillent en banlieue dans une blanchisserie de Dugny en 1913, au moment de la naissance de Jeanne, l'unique sœur de Lucie. C'est pour que Louis exerce son métier de jardinier que la famille s'installe dans l'Eure, à Bernay. Mobilisé en 1914, Louis est blessé en 1915 et réintègre son foyer, partiellement invalide, en 1918. Les deux filles sont reconnues pupilles de la nation en 1924. En l'absence de son mari, Louise est placée comme laitière, puis, chez une comtesse, dans l'Eure, puis, installée en ville, elle est couturière pour l'armée. Lucie et sa sœur sont envoyées en 1916 chez les grand-mères de Saône-et-Loire où toute la famille se retrouve au cours de l'été 1918.

En 1918, les parents de Lucie trouvent un emploi au château du Plessis à Blanzy, lui comme jardinier, elle comme laitière chez le comte et la comtesse de Barbentane. À partir de 1919, les parents Bernard louent une maison à Montchevrier près de Blanzy et la vie des deux filles devient plus calme. Lucie fait sa première communion et fréquente l'école primaire de Blanzy où elle passe son certificat d'études en 1925. Les parents Bernard poussent leurs filles à poursuivre leurs études, avec des bourses de pupilles de la nation, au cours complémentaire de filles de Montceau-les-Mines, et pour que les études de Lucie puissent se poursuivre dans les meilleures conditions, ils déménagent en 1928 à Vitry-sur-Seine. Lucie entre à l'École normale des Batignolles qui prépare à devenir institutrice, alors que ses parents travaillent aux tréfileries de Vitry, elle comme ouvrière et lui comme jardinier. Lucie échoue en 1929 et en 1930 mais réussit en 1931 le concours d'entrée à l'École normale d'institutrices. Elle choisit pourtant de ne pas y entrer L'idée d'être interne, empêchée de circuler, m'était insupportable ! a-t-elle écrit, explication qui ne paraît pas absurde à son biographe Laurent Douzou5. Cette décision est évidemment mal prise par ses parents, ce qui l'amène à prendre une chambre au quartier latin et à essayer de vivre par ses propres moyens.

À dater de son renoncement à l'École normale, Lucie devient complètement indépendante et acquiert une liberté qu'elle revendiquera plus tard comme une composante essentielle de son itinéraire. Elle effectue probablement des remplacements d'institutrice, fait la plonge dans un restaurant proche du lycée Chaptal où elle aurait rencontré des professeurs qui l'auraient poussée à faire des études supérieures d'histoire. Pour faire des études à la Sorbonne, elle doit d'abord passer le baccalauréat qu'elle prépare en autodidacte et dont elle obtient la première partie en juillet 1932 et la deuxième partie B-philosophie en 1933. Elle a alors 21 ans, mais elle avait commencé à préparer des certificats d'histoire et géographie en même temps que la deuxième partie du bac. Sa préparation à l'École normale d'institutrice ne l'a évidemment pas préparée à faire des études supérieures. En particulier, elle n'avait jamais fait de latin, pourtant indispensable pour décrocher le certificat d'histoire ancienne auquel elle échoue à trois reprises consécutives, mais elle finit néanmoins par obtenir tous les certificats nécessaires pour avoir le titre de licenciée ès lettres qui lui permet de préparer l'agrégation d'histoire et géographie qu'elle réussit du premier coup en septembre 1938. Elle avait abandonné toute activité militante pour préparer le concours.
Parallèlement à ses études et aux divers emplois qui lui permettent de gagner sa vie, Lucie fréquente le Cercle international de jeunesse, fondé par la section française des quakers. Cette association à coloration pacifiste et qui cultive la tolérance fait venir des conférenciers souvent de grande notoriété pour des causeries-débats hebdomadaires, mais elle organise également des réunions amicales et des excursions dominicales. C'est avec le cercle international que Lucie se rend à Berlin en 1932 et qu'à son retour elle écrit un article dans L'Écho des Amis et c'est également par le cercle qu'elle se rend en Angleterre. Ayant assisté à une conférence de Jean Zay, elle participe à sa campagne électorale dans le Loiret en 1936. Il semble qu'en 1937, elle a cessé de fréquenter assidûment le cercle.

Parallèlement à ses activités au Cercle, Lucie milite ardemment aux Jeunesses communistes JC. Son adhésion date du début de 1932. Dans l'autobiographie qu'elle rédigera en 1945 à l'usage de l'appareil du Parti communiste, elle écrira :
"J'ai adhéré aux Jeunesses en 1932. Mes contacts avec les quakers m'avaient donné de premières idées pacifistes. Les difficultés matérielles que j'ai connues m'ont fait adapter mon pacifisme à des idées plus combatives et j'ai adhéré aux JC sans savoir rien de plus sur le PC que son côté alors antimilitariste."

Physiquement courageuse, douée d'une repartie facile, Lucie devient populaire auprès des JC du rayon du 13e arrondissement auquel est rattachée sa cellule du 5e arrondissement et elle devient membre du bureau de Paris-Ville. André Marty qui la fréquente dans le 13e arrondissement écrira en 1952 que le seul moment où il y avait eu une Jeunesse communiste digne de ce nom dans le 13e arrondissement était celui où Lucie Bernard en avait tenu les rênes en sa qualité de secrétaire. À la Sorbonne, elle s'inscrit à l'Union fédérale des étudiants, toujours dans la mouvance communiste et elle y noue des amitiés durables avec Victor Leduc, Joseph Epstein, Jean-Pierre Vernant et son frère. En 1935, elle aurait refusé la proposition faite par Raymond Guyot de suivre l'École des cadres de Moscou. Dans le cadre de l'UFE, elle collabore à la revue l'Avant-garde et elle a des contacts assez étroits avec Ricard, un groupe secret qui réunit les étudiants de grandes écoles, non encartés, appelés à occuper peut-être de hautes fonctions. Lucie et le groupe Ricard sont rattachés à une cellule de Panhard & Levassor.
En 1938, Lucie qui se concentre sur la préparation de l'agrégation prend ses distances avec le Parti.

Avec son statut de professeur agrégé, Lucie met un terme à la vie de privations qui aura été son lot de 1930 à 1938. Nommée professeur à Strasbourg, elle rencontre Raymond Samuel, un jeune ingénieur des ponts et chaussées qui faisait son service militaire comme officier du génie. Raymond avait fait partie du groupe Ricard, mais il semble que Lucie, contrairement à Raymond, n'a pas gardé le souvenir d'une rencontre antérieure à Strasbourg. Bénéficiaire d'une bourse David-Weil pour aller travailler un an aux États-Unis en vue de préparer une thèse de géographie sur la colonisation des Montagnes Rocheuses du sud, la déclaration de guerre diffère son départ, car elle ne veut pas quitter Raymond qu'elle épousera le 14 décembre 1939 à Dijon. Elle enseigne quelques mois à Vannes, où elle a, entre autres, pour élève Simone Signoret, coincée en Bretagne par la guerre.

La Résistance

En août 1940, elle organise l'évasion de son mari, prisonnier de guerre à Sarrebourg. Le couple se réfugie à Lyon où Raymond a trouvé un emploi d'ingénieur dans un cabinet de brevets d'invention mais Lucie garde le bénéfice de sa bourse et n'enseigne pas l'année scolaire 1940-1941. Elle obtiendra un poste au lycée Edgar-Quinet de Lyon en octobre 1941, sous son nouveau nom d'épouse, Lucie Samuel. En automne 1940, de passage à Clermont-Ferrand ou peut-être tout simplement à Lyon elle retrouve Jean Cavaillès, professeur de philosophie et qui a été son collègue à Strasbourg. Celui-ci lui présente Emmanuel d'Astier de La Vigerie, journaliste, qui a créé deux mois plus tôt une organisation anti-nazie et anti-vichyste dénommée La dernière Colonne. Cette rencontre est décisive. Raymond et elle consacrent alors tout leur temps libre aux activités de cette organisation : diffusion de tracts, recrutement, sabotages… Alors qu'elle est déjà engagée avec le groupe de Cavaillès et d'Astier, Lucie retrouve un ancien camarade communiste André Ternet qu'elle aurait aidé à mettre sur pied des moyens d'édition et d'émission clandestine. Elle a également un contact avec Georges Marrane qui représente le Parti communiste français en zone Sud.
À partir du mois de mai 1941, après la naissance de Jean-Pierre, leurs fils ainé, Raymond et Lucie aident Emmanuel d'Astier à faire un journal dont la parution du 1er numéro, deux mois plus tard, marque la naissance du mouvement Libération-Sud. Sous divers pseudonymes, on retiendra Catherine pour Lucie et Aubrac pour Raymond, Lucie et Raymond contribuent à faire de Libération le mouvement de Résistance le plus important en zone Sud après le mouvement Combat fondé par Henri Frenay. Enseignante bien notée et assidue au cours de l'année scolaire 1941-1942, les activités clandestines de Lucie Samuel sont la cause de multiples retards au premier trimestre de l'année scolaire 1942-1943. Elle est en congé maladie sans discontinuer du 9 janvier au 4 mai, puis du 22 mai au 21 juin. De passage à Lyon en janvier 1942, Jacques Brunschwig, adjoint d'Emmanuel d'Astier, donne une idée des activités de Lucie Samuel à cette époque :
[…] Le mari formait l'élément pondérateur. Lucie Aubrac est une intellectuelle, peu pondérée, n'ayant pas d'esprit d'organisation, confuse et bouillonnante, douée d'un dynamisme excessif. Elle est d'un courage étonnant et donna un travail considérable. Bien qu'ayant un jeune bébé, elle travaillait la nuit, allait coller des tracts et papillons en ville, etc.

Lucie et Raymond Aubrac font partie du noyau de Libération-Sud. Elle assiste aux réunions de la direction qui se passent souvent à son domicile. Lucie est chargée des liaisons avec Libération-Nord et à ce titre, se rend souvent à Paris18.

À partir de novembre 1942, les Allemands occupent la zone Sud et donc Lyon. Les résistants sont alors pourchassés par la Gestapo mais aussi par la milice créée en janvier 1943. Un premier coup dur frappe Libération-Sud le 15 mars 1943 avec l'arrestation par la police lyonnaise d'un agent de liaison inexpérimenté qui entraîne celle de neuf autres personnes dont Raymond Aubrac. Ce dernier avait été chargé par d'Astier à l'été 1942 de diriger la branche paramilitaire du mouvement, c'est-à-dire de former des groupes francs, sortes de commandos qui forment le bras armé du mouvement. Catherine, alias Lucie Samuel, n'a de cesse de monter des coups pour libérer ses camarades avec l'aide des groupes francs nouvellement formés19. Son zèle est parfois jugé intempestif : Jacques d'Andurain, membre de ces groupes francs, se montrera critique en 1946 vis-à-vis de l'attitude de Lucie Aubrac qui, après l'arrestation de son mari, voulait que toutes les forces de Libération, toutes affaires cessantes, fussent mises au service de l'évasion. Faute de pouvoir faire agir les corps francs, Lucie se rend directement chez le procureur qui a l'affaire en charge, se présente comme une envoyée des services gaullistes et le menace de mort si François Vallet — c'est le nom d'emprunt sous lequel Raymond a été arrêté — n'était pas libéré. De fait, Raymond est mis en liberté provisoire entre le 10 et le 12 mai. Le 24 mai21Lucie organise, avec la participation de son mari, l'évasion de l'hôpital de l'Antiquaille des comparses de Raymond qui, eux, n'avaient pas été mis en liberté provisoire : Serge Ravanel, Maurice Kriegel-Valrimont et François Morin-Forestier. Ils leur avaient d'abord procuré des médicaments pour les rendre malades afin qu'ils soient transférés à l'hôpital de l'Antiquaille où il était plus facile d'organiser l'évasion.
Après ce coup, Lucie et Raymond prennent quelques jours de vacances dans une pension sur la Côte d'Azur, à Carqueiranne, avec leur fils âgé de deux ans.
Le 21 juin, Raymond est à nouveau arrêté, cette fois-ci par la Gestapo, à Caluire, avec Jean Moulin notamment. En outre, sont arrêtés : le Dr Frédéric Dugoujon, leur hôte de la villa Castellane, Henri Aubry, du mouvement Combat, Bruno Larat, André Lassagne, de Libération-Sud, le colonel Albert Lacaze, du 4e bureau de l'Armée secrète et le colonel Émile Schwarzfeld, responsable du mouvement lyonnais France d'abord. René Hardy parvient à s'enfuir dans des conditions controversées qui le rendent suspect de trahison. C'est évidemment un coup très dur pour Lucie. Une de ses amies la dépeint au bord du désespoir le 24 juin, mais sur la voie du rétablissement six jours plus tard. Elle envoie Jean-Pierre à la campagne avec la bonne et prépare à nouveau l'évasion de son mari, ce qui ne l'empêche pas de participer à d'autres opérations : en septembre 1943, elle se fait passer pour un médecin pendant quelques jours, le temps de prendre contact, à l'hôpital de Saint-Étienne, avec quatre résistants arrêtés dans cette ville, blessés, dont Robert Kahn — chef des Mouvements unis de la Résistance MUR de la Loire, et frère de Pierre Kahn-Farelle, Pierre-des-Faux-papiers — et d'organiser le 6 septembre une exfiltration des quatre résistants avec un commando de faux gestapistes censé les conduire à un interrogatoire.

Raymond Aubrac est emprisonné à la prison Montluc de Lyon. Dès la fin du mois de juin et en septembre, elle va voir en personne le chef de la Gestapo à Lyon, Klaus Barbie, et le prie de la laisser voir son prétendu fiancé dont elle était enceinte — ce qui était vrai — et d'autoriser leur mariage en prison. Elle se présente sous le nom de Guillaine de Barbentane, et trompe Barbie en lui disant qu'une personne de sa condition ne pouvait être mère sans être mariée. Lors de cette visite, elle fait parvenir à Raymond les plans de l'évasion. C'est pendant un transfert, le 21 octobre 1943, que Lucie et ses compagnons attaquent, avenue Berthelot, à 300 mètres avant le boulevard des Hirondelles, le camion allemand dans lequel se trouvent quatorze résistants dont son mari. Six Allemands, le chauffeur du camion cellulaire et les cinq gardes qui croyant à une soudaine panne ne s'étaient pas méfiés sont tués pendant l'attaque et les résistants parviennent à s'évader.

Londres et la Libération 1944-1945

Après cette évasion, Lucie enceinte, Raymond et leur fils Jean-Pierre entrent dans la clandestinité, de refuge en refuge. Ils parviennent à rejoindre Londres le 8 février 1944. Lucie Aubrac, c'est désormais le nom sous lequel on l'appelle, y a été précédée de sa légende, tissée avec enthousiasme par Emmanuel d'Astier. Lucie accouche le 12 février d'une fille, Catherine, qui a pour parrain le général de Gaulle. Lucie est désignée pour siéger à l'Assemblée consultative provisoire d'Alger mais son accouchement rend inopportun son transfert à Alger et c'est Raymond qui siège à sa place pour représenter Libération-Sud. Le 24 mars, Maurice Schumann consacre l'essentiel de son émission radiophonique Honneur et Patrie à destination de la France, aux exploits de la première Française que la France combattante du dedans a envoyé à l'Assemblée consultative. Lucie intègre d'ailleurs le comité exécutif de propagande qui définit les orientations de la propagande en direction de la France et prend directement la parole le 5 avril 1944 au micro de la BBC pour commenter l'entrée de ministres communistes dans le CFLN. À la radio ou lors de conférences, elle s'exprime avec aisance et sait trouver le mot juste. C'est pourquoi on lui donne souvent la parole : elle intervient à nouveau le 20 avril pour exalter le combat des femmes, le 28 avril pour donner des consignes pour le 1er Mai et le 7 juin, juste après le débarquement, pour s'adresser aux femmes.

Le 27 juillet 1944, elle se fait confier par d'Astier un ordre de mission pour accomplir une mission de liaison en France libérée auprès des Comités de Libération et des mouvements de Résistance. Laissant ses enfants à Londres, elle s'installe ensuite à Paris pour siéger à l'Assemblée consultative, ne rejoignant que rarement son mari qui a été nommé commissaire régional de la République à Marseille34. Lors de la visite du général de Gaulle à Marseille, le 15 septembre, elle modifie le plan de table établi par le protocole et place les responsables locaux FFI et chefs de la Résistance aux places d'honneur. De Gaulle ne desserre les dents que pour faire honneur au repas34. Elle fait également ouvrir des maisons d'enfants en Provence pour accueillir les orphelins de résistants, dont une ouvre le 19 novembre 1944 dans la propriété du maréchal Pétain, à Villeuneuve-Loubet et quatre autres le 1er janvier 1945. Elle va chercher ses propres enfants à Londres au début du mois d'octobre34. Révoqué de ses fonctions de commissaire de la République, Raymond Aubrac rejoint Paris en janvier 1945 et s'installe avec sa famille dans un appartement réquisitionné de la rue Marbeuf. À l'Assemblée consultative, Lucie siège dans les commissions de l'Éducation nationale, de la Justice, de l'Épuration, et enfin, du Travail et des Affaires sociales. Elle est aussi active dans les instances dirigeante du MLN qui a succédé aux MUR. Elle est la directrice de Femmes, l'hebdomadaire pour femmes du mouvement. Sympathisante communiste, Lucie Aubrac est favorable à l'unification du MLN avec le Front national et c'est peut-être la raison pour laquelle, minoritaire, elle quitte la direction du journal en juillet 1945, mais lorsqu'en tant que présidente des femmes du MLN, elle veut prendre contact avec l'organisation communiste Union des femmes françaises, elle se fait recevoir de façon exécrable par Claudine Chomat qui lui aurait déclaré : Nous n'avons rien à dire aux agents du BCRA.
Libérée de ses obligations vis-à-vis du MLN, Lucie Aubrac publie en octobre 1945 un petit livre de 114 pages, La Résistance naissance et organisation où elle présente une vision assez éclectique de la Résistance, minimisant ses responsabilités dans Libération-Sud, mais exploitant son expérience personnelle par des anecdotes qui éclairent la compréhension. Son titre de cofondatrice d'un mouvement de Résistance lui donnant droit à un crédit de papier, elle fonde avec l'appui de quelques amis, dont Marcel Bleustein-Blanchet qu'elle a connu à Londres, un hebdomadaire, Privilèges des femmes dont le titre évoque les nouveaux droits acquis par les femmes, notamment le droit de vote. Le premier numéro sort en octobre 1945 et le septième et dernier numéro, en décembre de la même année. Le journal n'a pas réussi à se faire une place entre les deux journaux concurrents, celui du MLN et celui de l'UFF. Le couple Aubrac devra s'acquitter des dettes contractées pour ce projet pendant plusieurs années.

Relations avec le parti communiste 1945-1948

Entre 1945 et 1947, Lucie Aubrac effectue des démarches répétées pour réintégrer au grand jour le Parti communiste. La chose n'est pas simple pour cette ancienne militante qui a accédé au vedettariat sans que l'image du Parti n'en tire de bénéfice. Pour les élections législatives de 1946, elle se présente en troisième position sur la liste communiste et d'union républicaine et Résistance de Saône-et-Loire emmenée par Waldeck Rochet. Elle n'est pas élue. Dans les archives du Parti communiste, Laurent Douzou a retrouvé quantité d'appréciations positives à son égard, provenant aussi bien de militants de base ou de dirigeants de premier ordre comme Georges Marrane ou André Marty, mais aussi des annotations très sévères sur son opuscule La Résistance où sa lecture des événements n'a rien à voir avec celle du Parti.
Dans une note de synthèse de juin 1947, les points positifs dont Lucie Aubrac se voit créditée sont son dynamisme, sa hardiesse et sa notoriété, mais aussi le fait qu'elle soit professeur, mère de quatre enfants et que son mari a montré son attachement au Parti à différentes reprises. Dans les points négatifs, sont retenus : son séjour à Londres où elle a été mise en avant par les Anglais et les services de De Gaulle, mais aussi le fait qu'elle soit assez ambitieuse. Son livre, très négatif pour le Parti est évidemment mis dans les éléments à charge. L'auteur de la note estime qu'après le procès de René Hardy, elle et son mari sortent complètement blanchis des éléments obscurs des arrestations de Caluire.
Le dernier point négatif mentionné de la note de 1947 était : Vient de reprendre sa place au Parti. Autrement dit, le Parti préférait un Raymond Aubrac qui n'adhère pas au Parti mais le soutient à une Lucie qui veut adhérer au Parti mais que l'on sait définitivement indépendante. À défaut de militer sous la casaque communiste, Lucie fera partie, comme Raymond, des compagnons de route qui sont actifs dans le Mouvement de la Paix, lequel reçoit l'aval du Parti communiste dès sa fondation.

Le Mouvement de la paix et autres engagements 1948-1958

Raymond Aubrac figure en effet parmi les fondateurs du Mouvement de la paix, en février 1948, mais par la suite, Lucie s'y montre beaucoup plus active et intervient fréquemment dans les meetings, effectue des déplacements à l'étranger. Elle est, par exemple, à Stockholm en mars 1950, lorsqu'est lancé l'appel de Stockholm qui exige l'interdiction absolue de l'arme atomique. Ces déplacements sont difficilement conciliables avec son métier de professeur et l'Éducation nationale n'accordant pas forcément les mises à dispositions nécessaires pour toutes ces manifestations. Lucie est affectée au lycée Racine, puis au lycée Jules-Ferry et enfin au lycée d'Enghien, établissement expérimental où elle est à son aise et où elle s'installe pour une longue durée.
Au long de la décennie qui suit la Libération, les engagements et activités de Lucie Aubrac sont multiples. Elle soutient Henri Martin lorsque ce matelot communiste est poursuivi pour propagande hostile à la Guerre d'Indochine. À partir de 1956, elle est associée au travaux du Comité d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale. Elle est également liquidatrice nationale de Libération-Sud, ce qui consiste à homologuer l'appartenance des différents membres au mouvement de façon à ce qu'ils puissent faire des demandes de pension.
En 1946, Lucie avait donné naissance à un troisième enfant, Élisabeth Babette, dont Hô Chi Minh s'était proclamé le parrain.

L'étranger : le Maroc, Rome 1958-1976

Pendant vingt-deux années, les Aubrac vont vivre à l'étranger, à Rabat au Maroc, d'abord, et, à partir de 1964 à Rome. Lucie et Raymond Aubrac ont chacun écrit que le départ au Maroc, en 1968 était en partie lié à une prise de distance vis-à-vis du mouvement communiste, au niveau national pour Lucie, et international pour Raymond. En 1995, Lucie écrit en effet :
Que le PC accepte de voir partir le contingent en Algérie et l'envie de ne pas condamner le PC nous a incités à nous expatrier .... Vivre au Maroc était une manière de marquer ma solidarité avec les peuples colonisés par la France, tout en prenant mes distances par rapport à cette guerre dans laquelle je ne savais comment intervenir.
Quant à Raymond, il avait œuvré pendant dix années dans BERIM, un bureau d'études qu'il avait créé avec des camarades plus ou moins communistes et qui était très investi dans les échanges économiques Est-Ouest. En 1996, il écrit :
D'autres raisons que celles relatives à BERIM me poussèrent à changer d'air et à modifier ma trajectoire. Le contexte politique était plus difficile à vivre. Ces démocraties populaires au contact desquelles j'avais travaillé presque dix ans ne parvenaient manifestement pas à créer les conditions d'une vie harmonieuse .... Il fallait partir : Lucie et moi en étions convaincus.

À Rabat, Lucie enseigne au lycée Moulay-Youssef. Ce sont pour elle de bonnes années. L'installation au Maroc résultait d'une proposition faite à Raymond de travailler comme conseiller technique en liaison avec le Gouvernement marocain. C'est encore pour suivre son mari devenu fonctionnaire international à la FAO que Lucie s'installe à Rome avec ses deux plus jeunes enfants. Cette fois-ci, son intégration au lycée Chateaubriand se passe moins bien. Elle fait valoir ses droits à la retraite en 1966. Elle a alors 54 ans et n'aura finalement passé que dix-huit années de sa vie à exercer la profession de professeur de lycée. Elle adorait autant enseigner qu'elle abhorrait être sous le joug, note son biographe Laurent Douzou qui observe que ses relations avec les différents proviseurs n'ont pas été toujours excellentes. Passionnée d'archéologie et d'histoire ancienne, elle ne s'ennuie évidemment pas dans la ville aux sept collines : conférences, publication d'une étude sur Rome.

Paris 1976-2007

Après un passage par New York, les Aubrac sont de retour à Paris en 1976 quand Raymond prend sa retraite. Inutile de dire que celle qui fut une star à Londres en 1944 a été quelque peu oubliée des Français. Lucie renoue avec la vie militante à la Ligue des droits de l'homme. Elle soutient la candidature de François Mitterrand aux élections présidentielles de 1981 et de 1988.

L'organisation de l'évasion de son mari quelques mois après l'arrestation de Caluire du 21 juin 1943 a beaucoup contribué à la célébrité de Lucie Aubrac lors de son arrivée à Londres en février 1944. René Hardy qui participait à la réunion avait tout de suite été soupçonné d'être responsable de cet événement catastrophique dans lequel était tombé Jean Moulin, chef de la Résistance française. Hardy avait été acquitté au bénéfice du doute à l'issue d'un procès ouvert en 1947. Bien que Combat, le mouvement auquel il avait appartenu l'ait lâché, il est à nouveau acquitté lors d'un second procès en 1950.
Deux événements vont conduire Lucie Aubrac à revenir sur les événements de Caluire et à publier en septembre 1984 Ils partiront dans l'ivresse un récit autobiographique sous forme d'un journal recomposé couvrant les neuf mois de sa grossesse, de mai 1943 à février 1944 : d'une part, la publication par René Hardy, en avril 1984, d'un ouvrage dans lequel il met en cause Aubrac et Bénouville, et d'autre part, l'extradition en France de Klaus Barbie qui avait menacé de faire des révélations compromettantes pour la Résistance. Après une prestation brillante à l'émission de Bernard Pivot, Apostrophes, Lucie Aubrac revient sur le devant de la scène, invitée aussi bien à la télévision dans les diverses émissions sur la Résistance que dans de nombreux établissements scolaires où elle donne son témoignage sur la Résistance, souvent en compagnie de Raymond qui devient ainsi le mari de Lucie alors qu'à Rome et à New York, Lucie était la femme de Raymond.
En 1983, Klaus Barbie est extradé de Bolivie et il est jugé à Lyon en 1987, non pas pour les arrestations de Caluire ou des crimes perpétrés dans le cadre de la lutte contre la Résistance — pour lesquels il y a prescription — mais pour crimes contre l'humanité. Il est condamné à la peine maximum, la réclusion à perpétuité. Le 4 juillet 1990, Barbie demande à comparaître devant le juge Hamy accompagné de son avocat Jacques Vergès pour lui remettre un texte de 63 pages que l'on appellera Testament de Barbie, qui circulera dans les salles de rédaction dès la mort de Barbie en 1991, mais ne sera connu du grand public qu'en 1997, avec la publication du livre de Gérard Chauvy : Aubrac, Lyon, 1943

Un téléfilm de 1993 reprend la trame du récit Ils partiront dans l'ivresse et, en mars 1997, on annonce la sortie d'un film, Lucie Aubrac de Claude Berri. C'est donc le moment que choisit le journaliste et historien lyonnais Gérard Chauvy pour publier son livre Aubrac, Lyon, 1943 dans lequel il dévoile le document connu sous le nom Testament de Barbie et produit un certain nombre de documents d'archives connus ou inédits qui mettent en évidence les incohérences dans les différents récits et témoignages que Lucie et Raymond Aubrac ont fait depuis leur arrivée à Londres en 1944 sur les événements survenus à Lyon entre mars et octobre 1943. Il fait ainsi largement état, sans l'accréditer, de ce testament dans lequel Raymond Aubrac est présenté comme un agent au service de Barbie, retourné lors de sa première arrestation de mars 1943. Toujours selon ce document de Barbie, Lucie aurait été l'agent de liaison entre Aubrac et lui et ce serait elle qui lui aurait téléphoné la date et le lieu de la réunion de Caluire. En conclusion, Chauvy, sans adhérer à la thèse de la trahison du Testament de Barbie, indique : Aujourd'hui, aucune pièce d'archives ne permet de valider l'accusation de trahison proférée par Klaus Barbie à l'encontre de Raymond Aubrac, mais au terme de cette étude, on constate que des récits parfois fantaisistes ont été formulés.Le livre de Chauvy contenait cependant suffisamment d'ambiguïtés tendant à crédibiliser le testament de Barbie pour que le couple Aubrac obtienne d'un tribunal la condamnation de Chauvy pour diffamation.

Pour pouvoir répondre à la calomnie dont il estime être victime, Aubrac demande au journal Libération d'organiser une réunion d'historiens. Sous le nom de table ronde, celle-ci se tient le samedi 17 mai 1997 dans les locaux du journal qui reproduit l'intégralité des débats dans un numéro spécial du 9 juillet. Les participants à cette table ronde ont été choisis par Libération et Raymond Aubrac : François Bédarida, Jean-Pierre Azéma, Laurent Douzou, Henry Rousso et Dominique Veillon, spécialistes de l'histoire des années noires et de l'histoire de la Résistance. Daniel Cordier, compagnon de la Libération, historien amateur biographe de Jean Moulin est également présent. À la demande des Aubrac, sont également présents l'anthropologue de l'histoire de l'Antiquité Jean-Pierre Vernant, en tant que Résistant de la première heure et Maurice Agulhon, historien du XIXe siècle.
Les historiens des arrestations de Caluire retiennent de ce débat que Lucie Aubrac a précisé que des livres qu'elle avait écrits comme Ils partiront dans l'ivresse ou Cette exigeante liberté n'étaient pas des ouvrages historiques mais des récits qui se voulaient justes, et que Raymond Aubrac ne savait pas expliquer pourquoi il avait donné plusieurs versions concernant la date exacte où il avait été reconnu par la Gestapo comme Aubrac. La raison pour laquelle Aubrac n'avait pas été transféré à Paris, comme ses camarades reste également un sujet d'interrogation pour les historiens présents dont aucun ne déclare donner un quelconque crédit aux accusations de Barbie-Vergès.
Cette table ronde fut par ailleurs l'occasion d'une vaste polémique entre historiens sur la façon de traiter des témoins comme les Aubrac. Du côté des historiens ayant participé à la table ronde, Henri Rousso, par exemple, justifie l'interrogatoire quelque peu sévère du couple Aubrac, car, écrit-il un film comme Lucie Aubrac produit une confusion entre l'héroïne et la star, le héros, libre devant l'histoire n'ayant de compte à rendre à personne. Pour un historien comme Serge Klarsfeld, au contraire, il est inconvenant de soupçonner à l'excès des héros de la Résistance Personnellement, quand je suis confronté à l'un de ces acteurs ayant joué le rôle du méchant, je ne lui reproche jamais que les actes qu'il a commis et je me sens blessé de voir reprocher à ceux qui ont joué le rôle du gentil les actes qu'ils auraient pu commettre.

Après la table ronde, Jean-Pierre Vernant publiait un commentaire sur l'ensemble des débats où il écrivait notamment :

« Combien ai-je connu de ces femmes, de tout âge et de toute condition, sans qui la Résistance n'eût pas été possible. Qui dira la fermeté de leur caractère, leur énergie, leur résolution, leur modestie ? Mais cela ne m'empêche pas d'affirmer, légende ou histoire, que Lucie est un être d'exception, incomparable à sa façon, et qu'on doit admirer en bloc, comme elle est, et sans réserve. En 2009, douze ans après la sortie du livre de Chauvy et dix-neuf ans après la rédaction du Testament de Barbie, aucun élément n'est venu étayer la thèse de Barbie ou donner un sens particulier aux contradictions relevées par Chauvy. Après le décès de Lucie Aubrac, l'historien Laurent Douzou qui la connaissait bien depuis son travail de thèse sur le mouvement Libération-Sud décide d'écrire une biographie de Lucie en s'en tenant à la méthode historique. Il confirme que d'une façon générale, les récits autobiographiques de Lucie s'écartent notablement des faits historiques :

Je ne tardai pas à découvrir que sur de nombreux aspects de son enfance et de ses premiers pas d'adulte, tantôt anecdotiques, tantôt importants, Lucie Aubrac avait transformé la réalité, parfois par omission, parfois avec un étonnant luxe de détails .... Pour l'essentiel, les libertés prises par Lucie Aubrac ont surtout eu trait ... à sa jeunesse.
Douzou montre aussi que les historiens ont accueilli sans aucun esprit critique la parution du récit de 1984, Ils partiront dans l'ivresse, dont rien ne signalait qu'il était en partie romancé48. Par ailleurs, Douzou montre aussi que si les détails peuvent s'écarter de la réalité, les grandes lignes des différents récits que Lucie a fait de l'année 1943, y compris les évènements les plus rocambolesques ne sont pas prises en défaut par une critique faisant appel à la méthodologie historique.
Son engagement est aussi social et politique, lorsqu'elle signe, pour la commémoration du 60e anniversaire du Programme du Conseil national de la Résistance du 15 mars 1944, avec plusieurs figures de la Résistance dont Maurice Kriegel-Valrimont, Germaine Tillion et Daniel Cordier, un appel aux jeunes générations à réagir devant la remise en cause du socle des conquêtes sociales de la Libération et ... à faire vivre et retransmettre l'héritage de la Résistance et ses idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale et culturelle; ou encore lorsqu'elle signe, pendant le mouvement anti-CPE, un appel des résistants appelant les Français à mettre un terme à la casse du pouvoir actuel. Elle fut de même, en 2001, présidente du Comité national de soutien à la candidature présidentielle de Jean-Pierre Chevènement.
Avec son mari, elle signe la préface du livre collectif L'Autre Campagne La Découverte, 2007 faisant des propositions alternatives à celles des divers candidats aux élections présidentielles de 2007.
Elle fut aussi membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence.

Décès

Elle meurt le 14 mars 2007 à l'hôpital suisse de Paris à Issy-les-Moulineaux où elle était hospitalisée depuis deux mois et demi à l'âge de 94 ans. L'hommage de la classe politique d'époque est unanime, du président de la République, Jacques Chirac, au premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande, en passant par le Premier ministre Dominique de Villepin, ou encore tous les candidats à l'élection présidentielle française de 2007.
Ses obsèques, avec les honneurs militaires, ont eu lieu le 21 mars aux Invalides, en présence du chef de l'État, du Premier ministre, de plusieurs ministres, ainsi que d'un grand nombre de personnalités politiques Marie-George Buffet, Jean-Pierre Chevènement, Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy....
Les cendres de Lucie Aubrac ont été transférées au cimetière de Salornay-sur-Guye, village du Clunisois où est né son père. Des voix de tous bords politiques se sont élevées pour demander son transfert au Panthéon. Son mari, Raymond Aubrac, décédé le 10 avril 2012, a été incinéré comme elle et l'a rejointe dans le cimetière du village, le 12 mai 2012, après des honneurs nationaux aux Invalides.

Hommages

Afin d'honorer l'action de la résistante, un certain nombre d'établissements scolaires portent le nom de Lucie Aubrac. Une rue et un programme immobilier d'habitat social portent son nom, dans la commune d'Annemasse en Haute-Savoie, haut lieu de la Résistance plateau des Glières.

Un amphithéâtre à l'Université Lumière Lyon 2 porte son nom.

Une rue à Vesoul Haute-Saône et une place à Lure Haute-Saône portent les noms de Lucie et Raymond Aubrac.

Centenaire de sa naissance

À la demande de la Mission aux commémorations nationales, Archives de France, ministère de la Culture et de la Communication et sous l'autorité du Haut comité des commémorations nationales présidé par Danièle Sallenave de l'Académie française, Laurent Douzou professeur d’histoire contemporaine, a rédigé une biographie de Lucie Aubrac, parue dans le Recueil des Commémorations nationales 2012.

Distinctions

Grand officier de la Légion d'honneur
Grand-Croix de l'ordre national du Mérite
Croix de guerre 1939-1945
Médaille de la Résistance avec rosette
Commandeur des Palmes académiques
Membre fondateur de l'Académie des Hauts Cantons fauteuil II

Légende

Un comics, Lucie to the Rescue, retraçant l’évasion d'octobre 1943, a été édité en 194471.

Son livre autobiographique Ils partiront dans l'ivresse fut adapté deux fois au cinéma :

en 1992, Boulevard des hirondelles de Josée Yanne ;
en 1997, Lucie Aubrac de Claude Berry.
Son personnage fut respectivement incarnée à l'écran par Élisabeth Bourgine et Carole Bouquet.

Le film Les Femmes de l'ombre a été inspiré à son réalisateur par la mort de Lucie Aubrac en 2007.

Divers : Jeanne et Pierre Norgeu

Jeanne, la sœur de Lucie Aubrac, s'est mariée en 1933 avec Pierre Norgeu. Jeanne et Pierre Norgeu ont fréquenté, comme Lucie le Cercle international de jeunesse. Ils étaient résistants à Lyon en même temps que le couple Aubrac. Ils étaient également au Maroc à la même époque que Lucie et Raymond.

Liens

http://youtu.be/cVIgl5p4cYw Interview
http://youtu.be/EPGd30Yvuqw Extrait
http://youtu.be/RNMwbD6GIsI La résistance
http://youtu.be/GQuG_YF9XwI Mort de Lucie Aubrac
http://youtu.be/8fav_iSNqSM Hommage à Lucie Aubrac


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


[img width=600]http://www.paris.fr/viewmultimediadocument?multimediadocument-id=48676&role=2[/img]

Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l

Posté le : 29/06/2014 00:23

Edité par Loriane sur 29-06-2014 14:02:24
Edité par Loriane sur 29-06-2014 14:06:39
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


L'annexion de Tahiti et de ses îles
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
Le 29 juin 1880, La France annexe Tahiti ,

le dernier souverain tahitien, Pomare V cède après trois ans de règne les territoires du Protectorat à la France, en échange d'une rente viagère pour lui-même et trois personnes de sa famille et moyennant le maintien des symboles de sa royauté. Cette décision a été approuvée par l'ensemble des chefs de Tahiti. Les territoires tahitiens, réunis avec les autres possessions françaises, deviennent une colonie appelée Établissements français de l’Océanie jusqu’en 1957.
L'histoire de la Polynésie française se décompose en plusieurs périodes : avant l'arrivée des Européens, l'évolution vers le Protectorat Français, les Établissements Français de l’Océanie, et enfin l'évolution sous la Ve République.

Histoire préeuropéenne

Le peuplement des cinq archipels polynésiens Peuplement de l'Océanie.

L'hypothèse généralement retenue à l'heure actuelle est celle d'un peuplement de la Polynésie à partir du Sud-Est asiatique.
Vers 3 000 av. J.-C., des habitants du littoral de la Chine du Sud commencent à traverser le détroit pour s'installer à Taïwan. Vers 2 000 avant J.-C., de nouvelles migrations ont lieu de Taïwan vers les Philippines, puis vers Sulawesi et Timor et de là, vers les autres îles de l'archipel indonésien. Vers 1 500 av. J.-C., un autre mouvement mène des Philippines en Nouvelle-Guinée et au-delà, les îles du Pacifique, notamment les îles Fiji. Les Austronésiens sont sans doute les premiers navigateurs de l'histoire de l'humanité.
En ce qui concerne la Polynésie, ce sont les îles Marquises aux alentours du ier siècle, puis les îles de la Société qui sont les premières atteintes, vers 300 de notre ère, puis, de là, l'île de Pâques 500, Hawaii (900 et la Nouvelle-Zélande 1100.

De l'apparition des Européens au Protectorat français 1521-1880

La période des contacts avec les explorateurs de l'océan Pacifique 1521-1797

Le 24 janvier 1521, le Portugais Fernand de Magellan découvre San Pablo, fortuitement, une des deux îles Infortunées, sans doute Puka Puka dans les Tuamotu. En 1595, les Espagnols Álvaro de Mendaña et Pedro Fernández de Quirós découvrent les îles Marquises. Le 4 février 1606, Quirós découvre le groupe Actéon, puis le 10 février 1606 Hao. En 1616, les Néerlandais Jacob Le Maire et Willem Schouten sont à Takaroa, Takapoto, Ahe et Rangiroa. Puis plus aucun contact avec les Européens pendant un siècle.
Le 2 juin 1722, le Néerlandais Jakob Roggeveen découvre Makatea et, le 6 juin 1722, Bora Bora. Charles de Brosses nomme Polynésie les îles des Terres australes en 1756. Le 5 juin 1765, le Britannique John Byron est à Napuka et Tepoto. Le Britannique Samuel Wallis découvre Tahiti en 1767, suivi par le Français Louis Antoine de Bougainville en 1768. En 1769, le Britannique James Cook explore l'archipel de la Société puis découvre Rurutu. Il revient en 1773, 1774 et 1777. Parallèlement l'Espagnol Domingo de Boenechea arrive à Tahiti en 1772, puis en 1774 pour installer une mission permanente. Cette mission échoue comme le raconte Máximo Rodríguez, et tous repartent en 1775. En 1788 le Bounty du capitaine Bligh fait escale pour acquérir des plants d'arbre à pain pour les Caraïbes ; mais l'équipage se révolte ; les mutins restés à Tahiti sont arrêtés en 1791 par la marine anglaise, à la différence de ceux qui se sont réfugiés à Pitcairn. Le 5 mars 1797 - date qui est encore commémorée à Tahiti -, a lieu l'arrivée d'une mission anglaise de la London Missionary Society, avec 4 pasteurs et 14 artisans et agriculteurs, dont Henry Nott 1774-1844. Refoulée de Tahiti, la mission s'implante avec succès à Moorea où elle alphabétise les indigènes et traduit la Bible en tahitien.

L'ascension des Pomare de Tahiti 1767-1842 et la prédominance britannique

Pomare Ier

Le contact avec les Britanniques profite à l'arii Tu ca 1750-1803, chef du district de Porionuu, où se trouve le mouillage le plus pratique, la baie de Matavai. Pourvu d'armes à feu grâce aux Anglais, il acquiert une influence prédominante à Tahiti sans prendre cependant le titre de arii rahi détenu par Amo ou Eimao, du clan Teva. Tu change cependant son nom en celui de Pomare.

Le règne de Pomare II 1815-1821

Son fils Pomare II 1782-1821 se heurte à l'opposition des autres arii et doit se réfugier à Moorea où il se convertit au christianisme. De retour à Tahiti, il s'impose comme roi de l'île en infligeant au frère de Amo une défaite à Punaauia victoire dite de Fei Pi, 1815.
Deux grandes mesures marquent son règne, placé sous la protection des pasteurs britanniques : l'interdiction des cultes traditionnels ; l'institution du Code Pomare, dans lequel se mélangent la Bible, les lois anglaises et certaines coutumes tahitiennes. Les Tahitiens deviennent à leur tour protestants.

Le règne de Pomare IV. La période britannique 1827-1842

Pomare III 1820-1827 ne règne que 6 ans, sous le contrôle d'un régent. Lui succède sa sœur Aimata, qui devient la reine Pomare IV 1813-1877. Elle tente d'abord un retour vers la société traditionnelle avec la secte des Mamaia, mais c'est un échec. Les arii chrétiens lui imposent leur contrôle et gouvernent en accord avec le consul anglais, le pasteur George Pritchard. Durant cette période, la baie de Papeete, lieu d'implantation d'une mission en 1818, devient le mouillage principal de l'île ; une agglomération active s'y développe. La résidence des Pomare reste d'abord à Arue, puis à Tarahoi sous Pomare IV.
En 1834, une mission catholique française ordre des Pères de Picpus s'implante aux îles Gambier ; elle est refoulée de Tahiti en 1838. Or, c'est l'époque où se développe une politique française dans le Pacifique, dans le but de limiter l'extension de la domination britannique, installée en Australie et qui prend le contrôle de la Nouvelle-Zélande en 1840.

L'implantation française de 1842 à 1880 : le protectorat sur Tahiti.

La colonisation française en Polynésie commence en mai 1842 lorsque l'amiral Abel Aubert Du Petit-Thouars, chef de la flotte française en Océanie annexe les îles Marquises.

L'établissement du protectorat


Du Petit-Thouars intervient ensuite à Tahiti, sans consignes précises du gouvernement, sous prétexte d'établir la liberté religieuse pour les missions catholiques, que Pomare IV accepterait, mais exclusivement à Papeete.

En 1842, il impose à Pomare IV la signature d’un traité de protectorat. Après la crise franco-anglaise dite affaire Pritchard et une guerre entre les Français et les Tahitiens anglophiles 1844-1846, Pomare IV, qui avait dû s'exiler, est rétablie sur son trône et le protectorat français est confirmé en 1847 accord franco-anglais de Jarnac.
Le protectorat concerne alors les îles du Vent, les îles Tuamotu et les îles Tubuai et Raivavae dans les Australes. En revanche les îles Sous-le-Vent ont été explicitement exclues du protectorat.
Les îles Gambier sont formellement indépendantes, mais sont gouvernées sous le contrôle de l'ordre de Picpus.

L'organisation du Protectorat

La direction en est assurée par un Commissaire police des étrangers, affaires extérieures, armée secondé par des administrateurs : l'Ordonnateur finances, le Secrétaire général ou Directeur de l'Intérieur affaires indigènes et les responsables de secteur royaume de Tahiti, îles Marquises et, de 1853 à 1860, Nouvelle-Calédonie.
La reine est responsable des affaires intérieures, mais ses décisions doivent être acceptées par le gouverneur.
L'administration tahitienne comporte, en dehors de la cour royale, des mutoi agents de police et des toohitu juges des affaires foncières.
Dans les îles, les chefs de districts tavana sont d'abord maintenus, mais une grande évolution a lieu : remplacement de l'hérédité par l'élection et institution de Conseils de districts.

Faits historiques notables

En 1863, les missions protestantes sont transférées de la London Missionary Society à la Société des Missions Evangéliques de Paris.
En 1865 a lieu l'introduction du premier groupe de travailleurs chinois, en provenance du Kouang Tong province de Canton, à la demande d'un planteur de Tahiti, William Stewart, pour une plantation de coton. Son entreprise ayant fait faillite en 1873, certains travailleurs chinois rentrent dans leur pays, mais un groupe important reste à Tahiti.

L'annexion

Le 29 juin 1880, le dernier souverain tahitien, Pomare V cède après trois ans de règne les territoires du Protectorat à la France, en échange d'une rente viagère pour lui-même et trois personnes de sa famille et moyennant le maintien des symboles de sa royauté. Cette décision a été approuvée par l'ensemble des chefs de Tahiti. Les territoires tahitiens, réunis avec les autres possessions françaises, deviennent une colonie appelée Établissements français de l’Océanie jusqu’en 1957.

Pomare V meurt en 1891 Gauguin qui vient d'arriver à Tahiti assiste à ses funérailles.

Les Établissements français de l’Océanie de 1880 à 1946

Notons que les îles du groupe Wallis-et-Futuna font partie des EFO avec un résident à Wallis ; cependant, elles sont à part en raison de l’inexistence d’autres liens avec la Polynésie française et ne sont donc pas traitées ci-dessous.

Les débuts de la Troisième République

La fin du processus de colonisation
En 1887, la convention de Jarnac 1847 est abrogé et la France peut prendre en main les îles Sous-le-Vent qui sont soumises à un protectorat 1888, mais opposent une résistance tenace à la présence française, menée en particulier par le chef de Raiatea, Teraupoo. Elles n'entrent vraiment dans les EFO qu'en 1897 annexion.
Les îles Gambier sont annexées en 1891, à la demande de leurs habitants.
Les îles Australes encore indépendantes sont aussi annexées à la même époque : Rapa en 1887 ; Rurutu en 1900 ; Rimatara en 1901.

Organisation administrative des EFO

Comme le Protectorat auparavant, les EFO dépendent du ministère de la Marine Service des Colonies jusqu'en 1894, date de création du ministère des Colonies, lequel fut le seul interlocuteur en métropole, dans la mesure où il a des services Santé, Instruction publique, etc.
La colonie est dirigée par le gouverneur, représentant le président de la République, soit officiers de Marine, soit fonctionnaires civils de l'administration coloniale, issus de l'École coloniale créée en 1889 ; à partir de 1919, les gouverneurs viennent tous de cette école. Il y a 34 gouverneurs de 1880 à 1914, 18 de 1919 à 1939. Le gouverneur est logé dans le palais du Gouvernement.
L'organisation des EFO est précisée par un décret de décembre 1885, instituant un Conseil général qui n'équivaut pas à ceux de métropole et un Conseil privé du gouverneur, supprimés au début du XXe siècle 1903 et 1912. En 1903 est instituée le Conseil d'administration, qui va durer jusqu'en 1932. Le Conseil d'administration, formé par huit fonctionnaires et trois notables infra, a un rôle consultatif en matière économique et financière.

Les services administratifs Affaires judiciaires, Douanes, Enregistrement, Contributions, Travaux publics, Instruction publique, Imprimerie, Port...emploient un assez grand nombre de cadres métropolitains et des auxiliaires nommés et révoqués par le gouverneur 400 à 600 employés au total.
Les administrateurs de secteur sont au nombres de cinq de en 1939 : Tahiti, Tuamotu, ISLV, Australes, Marquises. Les circonscriptions inférieures districts sont administrées par des agents spéciaux qui sont souvent des gendarmes ex. : Moorea, Tubuai-Raivavae....
Institutions représentatives
Une Chambre de commerce est créée en 1880 12 membres élus par les chefs d'entreprises ; une Chambre d'agriculture en 1884, 13 membres dont 10 élus). Chaque chambre délègue un représentant au Conseil d'administration.
Papeete reçoit le statut de commune en 1890. La municipalité délègue un représentant au Conseil d'administration.
Les Conseils de districts ont 5 membres titulaires et 2 suppléants élus ; les présidents ou chefs de ces conseils sont nommés par le gouverneur. Ils n'ont pas de budget propre.

Évolution socio-économique des EFO

Les années 1880 sont marquées par une immigration de métropolitains, notamment le peintre Paul Gauguin.
Une nouvelle immigration chinoise a lieu à la fin du siècle.
En 1911, débute l'exploitation des gisements de phosphate de Makatea îles Tuamotu par la Compagnie française des phosphates d’Océanie CFPO qui fonctionnera jusqu'en 1966, atteignant un effectif de 3000 employés à son apogée.

La Première Guerre mondiale

Les résultats du bombardement allemand sur Papeete du 22 septembre

1914.

Une rue de Papeete rappelle le bombardement allemand du 22 septembre 1914
En 1914, Papeete est bombardée par deux croiseurs de la Marine allemande qui cherche à s'emparer du stock de charbon. Celui-ci est incendié alors que les canons de marine, installé à terre, tirent sur les bâtiments allemands. En représailles, ceux-ci bombardent la ville puis se retirent. Un navire allemand qui avait été saisi quelques jours plus tôt est coulé dans le port ainsi qu'un canonnière française.
Les EFO participent avec la Nouvelle-Calédonie au bataillon du Pacifique qui part combattre en Europe. 1000 soldats du bataillon viennent de Polynésie au cours de la guerre parmi eux, Pouvanaa Oopa, de Huahine, engagé volontaire en 1917, qui combat sur le front de Champagne en 1918 ; 300 sont tués. Cette unité est dissoute en 1919.
En 1918-1919, le territoire est frappé par l'épidémie mondiale de grippe espagnole.

L'entre-deux-guerres Organisation des EFO


En 1931, Uturoa reçoit le statut de commune mixte ; sa commission municipale est formée par 4 élus 2 Français et 2 autochtones, le président est nommé par l'administrateur des Iles sous le Vent.
En 1932, le Conseil privé est rétabli et le Conseil d'administration est remplacé par un conseil appelé Délégations économiques et financières DEF ; ces institutions fonctionnent jusqu'en 1945. Les DEF sont formés par 6 membres de droit le maire de Papeete, les présidents des Chambres de commerce et d'agriculture, les administrateurs des ISLV, des Tuamotu, des Marquises et 7 membres élus dont des délégués de Papeete, d'Uturoa, et des deux Chambres.

Quelques personnalités

Pendant l’entre-deux-guerres, le futur leader autonomiste Pouvanaa Oopa, qui a eu une expérience de la démocratie en France après la fin de la guerre, commence une activité politique encore modeste. Rentré en juillet 1919, il se fixe à Tahiti où il reprend son travail de menuisier-charpentier tout en se manifestant comme une personnalité charismatique au sein de la société indigène. De religion protestante, il connaît très bien la Bible et ses discours sont fortement marqués par sa culture religieuse. Son action est dirigée contre les abus du système colonial, mais cela ne l’empêche pas de faire partie du Comité de la France libre en 1940.
Parmi les Européens, on peut noter le rôle de la famille Bambridge, à la tête de l'entreprise commerciale Bambridge Dexter et Cie avec Georges Bambridge 1887-1942, maire de Papeete de 1933 à 1941 et son frère Tony tous deux membres du Comité pour la France libre en 1940. Une autre personnalité notable est le pasteur Charles Vernier 1883-1966, président du synode de l'Église protestante à partir de 1937.
On peut aussi citer l'homme d'affaires Emmanuel Rougier, mort à Tahiti en 1932, ancien membre de l'ordre des Maristes.

La Seconde Guerre mondiale

Durant l'été 1940, deux comités sont formés à Tahiti : le Comité des Français d'Océanie, pétainiste, et le Comité de la France libre qui est nettement plus important et impose au gouverneur Jean Chastenet de Géry, hésitant, mais plutôt pétainiste, la tenue d'un référendum ; celui-ci a lieu seulement à Tahiti et Moorea 2 septembre 1940 ; le résultat est massivement favorable à la France libre. Jean Chastenet de Géry est remplacé par un Comité provisoire de gouvernement, incluant Edouard Ahnne et Georges Bambridge, puis trois titulaires se succèdent comme gouverneurs de septembre 1940 jusqu'à l'arrivée de Georges Orselli en novembre 1941, ce qui traduit des tensions au sein du Comité : Emile de Curton, un médecin militaire, gouverneur de novembre 1940 à juin 1941, mène une politique cherchant à intégrer économiquement les Polynésiens dans le combat projet de coopératives, ce qui va à l'encontre des intérêts économiques coloniaux, d'où son remplacement assez rapide. Le Bataillon du Pacifique est réactivé dans le cadre de la France libre.
Malgré l’engagement gaulliste de Pouvanaa Oopa et de son fils Marcel, qui, engagé dans le Bataillon du Pacifique, est gravement blessé à Bir Hakeim, le premier subit la persécution du gouverneur Orselli, en raison de ses critiques contre les abus de certains fonctionnaires ou commerçants. Il finit par être assigné à résidence à Huahine jusqu’au départ du gouverneur Orselli en décembre 1945.
De 1942 à 1945, Bora-Bora est le lieu d’implantation d’une importante base de l’armée américaine environ 5000 soldats.

Les premiers députés : Charles Vernier 1945 et Georges Ahnne 1946

Les EFO élisent leur premier député en octobre 1945 à l'occasion des élections à l'Assemblée Constituante. Le scrutin a lieu entre un candidat proche du Parti communiste, un candidat plus ou moins vichyste et le pasteur Charles Vernier, qui est élu ; à l'Assemblée nationale, il s'inscrit au groupe Résistance démocratique et socialiste, formé par les députés de l'UDSR de René Pleven et François Mitterrand. En juin 1946, pour la seconde Constituante, il laisse volontairement la place à un proche, Georges Ahnne 1903-1949, réélu à la Légistalive en octobre. Les deux hommes sont sur une ligne de maintien de la présence française et d'évolution du statut vers une certaine autonomie.
Pouvanaa Oopa s'est présenté aux élections pour la seconde Constituante, mais ses voix n'ont pas été comptées. Son épouse, candidate contre Georges Ahnne à la Législative, obtient 37 % des voix.
L'Assemblée territoriale, qui remplace le Conseil général de 1885, est créée en 1945.
L'année 1945 voit aussi la création de la seconde municipalité élue des EFO, celle d'Uturoa, à Raiatea, qui s'ajoute à celle de Papeete.

Les EFO sous la Quatrième République 1946-1958

En 1946, dans le cadre de la Constitution de la IV° République et de l'Union française, les EFO deviennent un Territoire d'outre-mer et les Polynésiens obtiennent le droit de vote. Dès lors, le mouvement anticolonialiste s'affirme autour de la figure de Pouvanaa Oopa.
Les EFO ont désormais trois mandats électifs nationaux à pourvoir : député, sénateur et conseiller de l'Union française.

Le mouvement pouvaniste : du Comité Pouvanaa au RDPT

Le mouvement pouvaniste s’organise autour de la personnalité de Pouvanaa Oopa, surnommé metua père. Mais il faut reconnaître l’importance de son bras droit : Jean-Baptiste Céran-Jérusalémy, qui joue un rôle d’organisateur : en février 1947, il lance le Comité de soutien à Pouvanaa ou : Comité Pouvanaa. Son rôle est d’autant plus grand qu’il parle aussi bien tahitien que français, alors que Pouvanaa n’est pas parfaitement à l’aise en français.
L’action concrète des pouvanistes est toujours dirigée contre les abus des fonctionnaires métropolitains. On peut citer l’affaire du secrétaire général Lestrade au début de 1947. Puis en juin survient l’affaire dite de la Ville d’Amiens. Les manifestations organisées sur le port de Papeete contre la venue de trois fonctionnaires métropolitains sont réprimées par plusieurs arrestations, dont celle de Pouvanaa. Mais lors du procès en novembre 1947, les inculpés sont tous relaxés.
En août 1949, Pouvanaa est élu député à la suite du décès de Georges Ahnne. Il l'emporte contre Charles Vernier, qui s'est représenté pour barrer la route à un mouvement qu'il trouve trop radical. Cet épisode marque une rupture entre les élites protestantes et les Polynésiens.
Un véritable parti est créé en novembre : le RDPT Rassemblement démocratique des populations tahitiennes. Pouvanaa sera réélu en 1951 et en 1956. Le RDPT remporte aussi les élections territoriales de 1953 17 élus sur 25 et dans la foulée, les élections à l’Assemblée de l’Union française Céran-Jérusalémy et au Conseil de la République, dit Sénat Jean Florisson, un métropolitain.
Cette domination du mouvement pouvaniste s’explique par son influence massive sur les Polynésiens des Iles de la Société, élément majoritaire en Polynésie française ; le RDPT apparaît comme le parti des protestants polynésiens, alors que les habitants des Marquises, qui sont catholiques, votent contre le RDPT. Quant aux non Polynésiens, ils votent aussi contre le RDPT, à quelques exceptions près.

Le mouvement anti-pouvaniste : Rudy Bambridge et l'Union tahitienne

En 1951, Charles Vernier quitte Tahiti pour la métropole, où, par ailleurs, il poursuit ses recherches sur la langue tahitienne, dont il est un spécialiste reconnu. Le mouvement anti-autonomiste se cristallise dès lors autour d'une nouvelle figure : l'avocat Rudy Bambridge, fils de Tony Bambridge. Comme il l’a expliqué en 1974, après son retrait de la vie publique, dans un interview aux Nouvelles de Tahiti, Rudy Bambridge, à la demande du gouverneur Petitbon, lance l’Union tahitienne, un parti de défense des intérêts français, lié lui aussi, au départ, à l’UDSR de François Mitterrand. Aux élections de 1956, Rudy Bambridge, président de l’UT, ne parvient pas à battre Pouvanaa Oopa, mais obtient tout de même 45 % des voix. Parmi les autres personnalités de l’UT, on trouve : Alfred Poroi, maire de Papeete depuis 1945, Frantz Vanizette, secrétaire général de l’UT, Gérald Coppenrath.
En 1956, le général de Gaulle fait, à titre privé, un bref passage à Tahiti fin août-début septembre.

La loi Defferre 1957 : vers l'autonomie interne

La loi-cadre sur les Territoires d'outre-mer de l’Union française a pour promoteurs non seulement Gaston Defferre, mais aussi François Mitterrand et Félix Houphouët-Boigny. Votée le 23 juin 1956, elle ne prend effet dans les EFO, qui deviennent à cette occasion la Polynésie française, que le 22 juillet 1957. Elle se traduit ici par la création d’un Conseil de gouvernement de cinq ministres ; ce Conseil est présidé par le gouverneur, mais avec un vice-président choisi parmi les ministres. Dans le premier Conseil de gouvernement, Pouvanaa Oopa occupe le poste de ministre de l’Intérieur et la fonction de vice-président. Le RDPT remporte de nouveau les élections territoriales du 3 novembre 1957 avec 17 élus sur 30.

La crise de 1958

En février 1958, l’assemblée territoriale vote la mise en place d’un impôt sur le revenu. Cette mesure suscite une intense opposition de la part des anti-pouvanistes. Rudy Bambridge prend contact dès mars 1958 avec le parti gaulliste en métropole, qui à cette époque consécutive au retrait de de Gaulle et à la mise en sommeil du RPF s’appelle Centre national des Républicains sociaux. Le correspondant de Bambridge à Paris est le secrétaire général Roger Frey, originaire de Nouvelle-Calédonie, qui envoie à Tahiti un émissaire : André Rives-Henrÿs. Celui-ci réorganise l’UT lors d'une réunion le 17 avril 1958 : l’UT devient UTD Union tahitienne démocratique, désormais officiellement liée au parti gaulliste de métropole.
Les 29 et 30 avril, à la reprise de la session de l’Assemblée territoriale, des manifestations relativement importantes ont lieu à Papeete, au terme desquelles, grâce à l’appui du gouverneur Camille Bailly, l’impôt sur le revenu est abrogé avant d’avoir été appliqué. L’évolution politique en Algérie et en métropole au cours du mois de mai 1958 ne permet évidemment pas au RDPT d’essayer de surmonter cet échec.
En dehors de ces vicissitudes politiques, on peut signaler la notoriété de la Polynésie en raison des expéditions transocéanique qui ont lieu durant cette période : celui de Thor Heyerdahl en 1947, du Pérou à l'île de Raroia aux Tuamotu ; ceux d'Eric de Bisschop de 1956 à 1958, de Papeete au Chili, puis du Pérou à Rakahanga sur les îles Cook, où le navigateur trouve la mort. Entre temps, un des membres de l'expédition du Kon-Tiki, le Suédois Bengt Danielsson, étudie longuement l'atoll de Raroia, sujet de plusieurs de ses livres et de sa thèse de doctorat, Work and Life on Raroia 1955 ; traduction en français11 en 2002. Il s'installe à Tahiti en 1953.

La Polynésie sous la V° République : avec le général de Gaulle 1958-1969

Les débuts du nouveau régime
En 1958, dans le cadre de la constitution de la V° République et de la Communauté française, la Polynésie française, en donnant une majorité de Oui lors du référendum constitutionnel, opte pour le maintien du statut de Territoire d'outre-mer comme à la même date les autres membres de l'Union française, à l'exception de la Guinée.

Le RDPT face au régime du général de Gaulle

Pour la Polynésie française, le retour au pouvoir du général de Gaulle marque un recul du point de vue du statut : le conseil de gouvernement est maintenu, mais ses membres perdent le rang de ministres, devenant des conseillers de gouvernement et la vice-présidence revient au secrétaire général du gouverneur.

D’autre part, le RDPT connaît plusieurs difficultés :

alors qu’il a préconisé le NON au référendum constitutionnel du 28 septembre 1958, c’est le OUI qui l’emporte ;
Jean-Baptiste Céran-Jérusalémy, qui a été partisan, pour des raisons tactiques, du OUI, quitte le RDPT et fonde un autre parti indépendantiste, le Pupu Tiama Maohi Parti indigène de l’indépendance, avec une publication mensuelle Te Aretai.
Les médias en Polynésie française au début de la V° République
Le principal média est la radio d’État, Radio Tahiti, intégrée à l’ORTF à partir de 1964. En ce qui concerne la presse, on ne trouve jusqu’en 1957 que des mensuels ou des hebdomadaires émanant de groupes notamment religieux. Le premier quotidien apparaît en 1957: Les Nouvelles au départ sous la forme d’un bulletin ronéotypé. En 1958 apparaît l’hebdomadaire Les Débats, dirigé par un journaliste métropolitain, Jacques Gervais. En avril 1963 est fondé le quotidien Le Journal de Tahiti, dirigé par Philippe Mazellier. Un autre quotidien apparaît en 1964 : La Dépêche de Tahiti. Enfin, en 1964, à l’occasion d’une visite du ministre de l’Information, Alain Peyrefitte, est annoncée la création d’une station de télévision qui est opérationnelle à la fin de 1965, pendant la campagne des élections présidentielles.

La deuxième crise de 1958. L'incarcération de Pouvanaa.

Peu après la victoire gaulliste au référendum, le gouverneur Bailly dissout le Conseil de gouvernement le 8 octobre 1958 et Pouvanaa est arrêté le 11, en dépit de son statut de parlementaire, ainsi que 13 autres membres du RDPT. Leur procès a lieu seulement en octobre 1959. Pouvanaa est condamné à 8 ans de prison 13 et à 15 ans d’interdiction de séjour. Il est déchu de ses mandats ; en juin 1960, son fils Marcel Oopa est élu député, et sa brue Céline Oopa conseiller territorial. Après la mort de Marcel Oopa le 14 juillet 1961, son suppléant John Teariki 15 le remplace. Le mandat de sénateur Polynésie française est conquis par l’UTD Gérald Coppenrath en 1959.

La Polynésie française à l'heure du Centre d'expérimentations du Pacifique

L’année 1959 est celle d'une nouvelle phase de la modernisation du territoire : la construction de l’aéroport international de Papeete-Faaa est décidée, dans le but de favoriser le développement du tourisme, qui ne concerne encore que quelques milliers de personnes alors qu’Hawaii reçoit déjà 600 000 visiteurs par an. L’aéroport est achevé en 1961. Deux ans plus tard, commencent les grands travaux de l'installation du Centre d'expérimentations du Pacifique

Les origines du CEP

En 1961 et 1962, une certaine opacité règne sur les tenants et les aboutissants des opérations concernant les essais nucléaires français dans le Pacifique. Des témoignages ultérieurs montrent que les îles Gambier ont dès 1957 été envisagées comme lieu d’expérimentation. La priorité a cependant été donnée au Sahara, jusqu’en 1961. La réorientation vers la Polynésie résulte de la perspective de devoir quitter l’Algérie ; effectivement, en 1962, les accords d’Evian donnent à la France un délai de 5 ans pour l’utilisation des installations sahariennes les derniers essais y auront lieu en 1966. Le CEP est créé le 27 juillet 1962 par le Conseil de défense, sans que soit publiquement indiquée la nature des expérimentations nucléaires ou spatiales.

La question nucléaire et la crise de l’UTD. Le départ d’Alfred Poroi

Les études à propos des îles Gambier ont commencé en 1961, mais de façon plus ou moins détournée. Dans l’ensemble, la population du territoire, familiarisée avec le problème nucléaire en raison des essais américains et britanniques dans le Pacifique de 1946 à 1962, à Bikini, Eniwetok et Christmas, est peu enthousiaste pour l’installation d’un centre nucléaire.
L’attitude peu claire du gouvernement français suscite en 1962 un désaccord entre Rudy Bambridge et Alfred Poroi. En juin 1962, l’UTD devient Union tahitienne-UNR nom du parti gaulliste fondé en 1958 dont Poroi est exclu : il reprend alors l’UTD, avec ses bases électorales de Papeete et Raiatea. Il l’emporte largement aux élections sénatoriales de 1962 le mandat de Polynésie française fait partie du tiers renouvelable, avec 32 voix contre 20 à Gérald Coppenrath et 10 au RDPT Jacques Drollet.
Aux élections territoriales d'octobre 1962, le RDPT n’a plus que 14 sièges, mais peut former une coalition avec l’UTD maintenue 5 sièges et 2 indépendants Céran-Jérusalémy et Colombani. Le président de l’Assemblée territoriale est le RDPT Jacques Tauraa.
Au référendum du 28 octobre 1962 sur l’élection au suffrage universel du Président de la République, le OUI l’emporte par 14 000 voix contre 9 000, mais il y a eu 11 000 abstentions.
L'année 1963 et les problèmes de la mise en place du CEP
La mise en route du CEP marque fortement l’année 1963, sur les plans pratique début des travaux en juillet et politique.
Le 3 janvier 1963, une délégation de l’Assemblée territoriale à Paris reçoit confirmation du caractère nucléaire de la base des Gambier, à l’occasion d’une rencontre avec le général de Gaulle. Cette nouvelle va entraîner un certain nombre de réactions des élus territoriaux, sur trois plans :
le problème de la sécurité sanitaire ;
le problème de la présence de nombreux militaires, notamment d’éléments de la Légion étrangère ;
le problème du statut du territoire.
Jean-Baptiste Céran propose une motion visant à obtenir un statut de république indépendante associée avec la France.
Le ministre de l'Outre-mer, Louis Jacquinot, est en Polynésie du 30 juin au 7 juillet 1963. La plus grande partie du séjour a un aspect protocolaire et touristique ; Louis Jacquinot ne se trouve confronté à l’Assemblée territoriale que le 1° juillet ; le résultat de l'entrevue est très décevant pour les autonomiste.

Vers l'indépendance ?

Le congrès du RDPT a lieu immédiatement après cette visite, les 8 et 9 juillet ; les participants se positionnent sur :
la nécessité de la libération de Pouvanaa
la perspective de l'indépendance. Les désaccords entre les dirigeants Jacques Drollet et Jacques Tauraa sur les modalités de cette indépendance amènent le report du sujet à un congrès extraordinaire après avoir pris l’avis de Pouvanaa.
En juillet, deux délégations se trouvent en métropole : une pour le 14 juillet avec Céline et Pita Oopa, neveu de Pouvanaa, une dans le cadre d'une visite des sites d’essais sahariens avec Jean-Baptiste Céran. À la fin de juillet, ces trois personnalités obtiennent le droit de visiter Pouvanaa à Pierrefonds. Celui-ci préconise l’organisation d’un référendum territorial sur le sujet de l’indépendance.
Le 1° septembre 1963, l’Église protestante de Polynésie devient indépendante de la Société des missions évangéliques de Paris ; elle est désormais dirigée par un synode formé de pasteurs polynésiens, dont le premier président est Samuel Raapoto. Cette évolution est intéressante pour le RDPT à la fois sur un plan symbolique et sur un plan pratique, étant donné les liens nombreux qui existent entre le parti et l’Église protestante.

La crise de l’automne 1963. Dissolution des partis indépendantistes

À l’automne 1963, s’ouvre la session budgétaire de l’Assemblée territoriale. Très rapidement il apparaît que le budget ne sera pas prêt avant le début de 1964. Le RDPT décide alors de ne pas attendre et convoque un congrès extraordinaire pour le 2 décembre 1963. En réponse, dès le 6 octobre, le gouvernement français, à la demande du gouverneur, procède à la dissolution du RDPT, et, dans la foulée, à celle du parti de Jean-Baptiste Céran celui-ci recrée immédiatement un nouveau PTM : Pupu Tahoeraa Maohi. Le même jour, le gouverneur prend aussi un arrêté d’interdiction de séjour à l’encontre du député de Nouvelle-Calédonie, proche de Pouvanaa Oopa et adversaire des essais nucléaires, Maurice Lenormand.

La crise du début 1964. Départ de Jacques Drollet

Après le règlement en février 1964 de la question budgétaire, une crise se noue sur la question du statut de Moruroa, qui n’avait encore pas été soulevé. L’atoll, considéré comme terre domaniale, releve, depuis la loi Deferre, de la compétence de l’Assemblée territoriale. La commission permanente de l'Assemblée est saisie et vote la cession gratuite au CEP. Le conseiller RDPT Jacques Drollet ayant voté contre l’avis de son parti, est immédiatement exclu. Le gouverneur Grimald valide la proposition de la commission permanente, désormais considérée comme légale, malgré son invalidation par l’Assemblée territoriale.

Les grands travaux du CEP et leurs conséquences

Les travaux sont effectués par l’Armée Génie, notamment la Légion étrangère, et par plusieurs sociétés privées Dumez, Grands Travaux de l'Est, etc.. Les travailleurs non qualifiés sont pour une part recrutés à l’extérieur, mais la plupart sont des Polynésiens. Dans l’ensemble, les travaux occasionnent la venue de 7000 personnes extérieures et provoquent un exode rural des îles vers Papeete. Les travaux ont lieu sur 4 points :
-Mururoa site d’essais . Aménagement de la passe, aérodrome, construction de deux gigantesques blockhaus d’observation automatique ;
-Fangataufa : site d’essais ;
-Hao : base avancée . Cet atoll est le seul habité des trois, avec 200 habitants à l'origine et 600 en 1965. Aérodrome de classe internationale, aménagement de la passe, laboratoire du CEA professeur Rocard ;
-Papeete : la ville 21000 habitants en 1961 a été choisie comme base arrière du CEP, ce qui implique un accroissement important de population encadrement militaire de l’opération, militaires en permission, travailleurs extérieurs, familles des travailleurs polynésiens sur les autres sites. La ville connaît une crise du logement avec apparition d’habitat précaire camp de toile du CEP, bidonvilles. À Papeete, les travaux concernent : l’extension du port achevée en 1966 ; l’édification de casernes et de cités pour les militaires et les expatriés.
Il semble que les années 1964-65 soient marquées par des tensions entre Polynésiens et militaires, notamment en raison du niveau élevé des rémunérations des personnels extérieurs et des effets d’éviction que cela provoque. Au début de 1966, une polémique éclate à propos d’un projet de maisons closes, finalement écarté par le ministre des Armées.

L’évolution de la vie politique dans les années 1965-69

Les élections municipales de 1965. Gaston Flosse maire de Pirae.
Un changement important est dû à la création de deux nouvelles municipalités, par démembrement de Papeete : Pirae et Faaʻa.
À Pirae, commune à forte présence de métropolitains du CEP, les élections sont emportées par Gaston Flosse, un des jeunes leaders de l’UT-UNR.
À Faaa, c’est un indépendant qui est élu : Francis Sanford qui, peu après, crée son propre parti : Te Ea Api.
À Papeete, les élections de 1965 sont remportées par Alfred Poroi, mais le scrutin est cassé et de nouvelles élections ont lieu en octobre 1966 : Poroi est battu par Georges Pambrun.

Les élections présidentielles de 1965. Création du Pupu Here Aia.

Les élections présidentielles de décembre 1965 provoquent une dissension au sein de l’ex-RDPT : la plupart des conseillers territoriaux soutiennent le général de Gaulle alors que John Teariki prend catégoriquement parti pour François Mitterrand. Il semble que la campagne électorale, marquée par la mise en route de la station de télévision promise par Alain Peyrefitte en 1964, ait été biaisée au détriment de Teariki. Au second tour, de Gaulle l’emporte par 60 % des voix, ce qui est relativement faible, mais tout de même supérieur aux 55 % de la métropole.
Début 1966, a lieu le premier congrès du parti de John Teariki, le Pupu Here Aia Parti des patriotes. Les "gaullistes" de l'ex-RDPT sont évincés, notamment Jacques Tauraa.

Les élections législatives de mars 1967. Francis Sanford député de Polynésie.

Trois candidats s’opposent : John Teariki, Francis Sanford et Nedo S UT-UNR.
Au second tour, l’UNR-métropole soutient Francis Sanford pour barrer la route à Teariki alors que l’UNR locale se méfie de lui. Sanford est élu de peu ; inscrit dans le groupe des Républicains indépendants de Valéry Giscard d’Estaing, il donne à la majorité présidentielle UNR-RI la voix qui lui manquait pour atteindre la majorité absolue.
Mais Francis Sanford met très vite l’accent sur la nécessité d’un changement de statut pour la Polynésie ; un projet ayant été repoussé à l’Assemblée en l’absence des députés RI, il quitte le groupe pour devenir non-inscrit avant de rallier le PDM de Jacques Duhamel, où il se trouve avec Rock Pidjot, député de Nouvelle-Calédonie.

Les élections territoriales de 1967. Alliance Sanford-Teariki.

Elles occasionnent un renouvellement important du personnel politique. Le parti de Sanford, Te Ea Api, obtient 9 élus ; le Pupu Here Aia 7 ; l’UT 7 ; l’UTD 3. Des 4 élus indépendants Frantz Vanizette, Charles Taufa et 2 chefs locaux), un se rallie au Te Ea Api.
Disparaissent de l’Assemblée territoriale : Jean-Baptiste Céran ; Jacques Drollet ; Jacques Tauraa.
En revanche on peut noter l’apparition de :
Henri Bouvier PHA, beau-frère de John Teariki
Jean Meillond TEA qui est élu président de l’Assemblée.
Daniel Meillond, son neveu.
Une alliance est établie entre Sanford et Teariki, qui vont vainement essayer de faire avancer la question du statut et d’obtenir la libération de Pouvanaa. Ils échouent aussi dans une nouvelle tentative d'établir l'impôt sur le revenu, à laquelle s'opposent de nouveau des manifestations. En mars-avril 1968, une délégation de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie se rend à Paris. Le gouvernement oppose un refus à toute discussion, alors que l'année même, il a dû accorder une forte autonomie aux Comores et à Djibouti. Le Premier ministre, Georges Pompidou se montre particulièrement borné sur la question de la Polynésie, en ce qui concerne le statut comme les essais nucléaires. En revanche, des contacts intéressants ont lieu avec la FGDS de Gaston Defferre et François Mitterrand.

Mai 68 et les élections législatives de juillet 1968

Les événements de mai épargnent presque totalement la Polynésie française.
Mais, aux élections, qui ont lieu avec 15 jours de retard sur la métropole, Francis Sanford, dont le suppléant est John Teariki, l’emporte dès le premier tour, écrasant le candidat gaulliste Nedo Salmon, alors qu'en métropole, l'UDR nouveau nom de l'UNR a obtenu trois-quart des sièges.

L'après-Mai. Le retour de Pouvanaa.

La fin de l'année 1968 est marquée par le retour de Pouvanaa en Polynésie. Il bénéficie d'une grâce présidentielle à l'occasion du 11 novembre. On peut penser que cette grâce est due, au moins pour une part, à l'intransigeance manifestée par Francis Sanford, en particulier dans un courrier adressé à Jacques Foccard au début de novembre.

L'échec du gaullisme en Polynésie

Le début de 1969 est essentiellement consacré à la préparation du référendum voulu par le général de Gaulle sur la régionalisation et le Sénat, qui intéresse directement la Polynésie française. La réforme prévoit d'abord l'adjonction de représentants des organisations professionnelles aux élus de l'Assemblée territoriale, puis la possibilité de cette adjonction. Les partis autonomistes expriment leur refus de cette évolution. Le 27 avril, les votants polynésiens donnent la majorité au NON, comme la métropole, résultat qui entraîne la démission du général de Gaulle. Lors des élections présidentielles qui s'ensuivent, Alain Poher obtient la majorité des votes polynésiens, ce qui marque une rupture par rapport à la tradition gaulliste de la Polynésie française.

Le statut des habitants d'origine chinoise

À cette époque, ils sont nombreux à être soit apatrides, soit citoyens de Taiwan. La reconnaissance de la Chine populaire par la France en 1964, et la rupture consécutive avec Taiwan, nécessite une mise au point de leur statut dans le territoire. La décision est prise de les autoriser à obtenir la nationalité française par naturalisation le gouverneur étant responsable en dernier ressort, procédure qui avait été abandonnée en 1933. Les partis autonomistes étaient d'ailleurs favorables à la normalisation de leur situation. Dans l'ensemble les citoyens d'origine chinoise soutiennent cependant majoritairement l'Union tahitienne.

La Polynésie sous la V° République : après de Gaulle depuis 1969

La présidence de Georges Pompidou 1969-1974

Le blocage institutionnel du gouvernement Chaban-Delmas
L'arrivée à la tête du gouvernement de Jacques Chaban-Delmas, personnalité supposée libérale, est plutôt négative pour les autonomistes : il prend pour chef de cabinet le gouverneur de Polynésie Jean Sicurani et nomme gouverneur janvier 1970 Pierre Angeli, chef de cabinet des Ministres de l'Outre-Mer depuis 1966 : deux personnages hostiles à toute évolution statutaire. Cette situation de blocage est confirmée lors de la visite du ministre Henri Rey en septembre 1970, peu après une nouvelle campagne d'essais : comme il élude sous des prétextes protocolaires toute entrevue avec les élus de l'Assemblée territoriale, ceux-ci arborent ostensiblement en représailles le drapeau tahitien aux côtés du drapeau français, ce qui aboutit à un incident à l'aéroport au moment du départ du ministre.

La généralisation du régime communal

Par ailleurs, au cours de sa visite, Henri Rey annonce l'intention du gouvernement de créer une trentaine de nouvelles communes. L'opposition de l'Assemblée territoriale amène le blocage de cette réforme par le Sénat à la fin de 1970. Une loi amendée finit par être votée en décembre 1971 : elle crée 44 nouvelles communes. Les élections y ont lieu en juillet 1972 et les élus sont généralement des personnalités locales apolitiques.

Apparition d'un indépendantisme radical

Au début de 1972, l'affaire du "commando Teraupoo" indique l'apparition d'une mouvance indépendantiste radicale : il s'agit d'un vol de caisses de munitions dans la caserne du BIMAT par un groupe de jeunes gens parmi lesquels Charlie Ching, un neveu de Pouvanaa. Arrêtés, les prévenus sont à l'origine d'une mutinerie à la prison de Nutaania, la nouvelle prison de Papeete. Ils sont condamnés à plusieurs années de détention.

Les essais nucléaires

Après la campagne de 1971, la protestation s'accentue dans les pays du Pacifique, notamment les pays andins. Il semble que les études en vue d'essais souterrains commencent cette année-là, en particulier à Eiao dans les Marquises, site qui ne sera pas retenu.
L'année 1972 voit la première intervention extérieure, avec le voilier Greenpeace III conduit par David McTaggart au nom de l'organisation Greenpeace, de constitution alors très récente. Le bateau est arraisonné dans la zone d'interdiction, puis reconduit vers les îles Cook. En novembre, l'Assemblée générale de l'ONU condamne les essais français en Polynésie.
En 1973, l'activisme antinucléaire se développe avec l'intervention de personnalités de métropoles. D'une part Jean-Jacques Servan-Schreiber, avec 3 autres députés, participe à Papeete au meeting organisé le 23 juin par les leaders autonomistes ; d'autre part, le voilier Fri conduit par David Moodie prend à son bord 4 Français dont le général Jacques de Bollardière et Brice Lalonde. Le navire est arraisonné, ainsi que de nouveau le Greenpeace III. À la fin de l'année, le gouvernement français publie un Livre blanc pour justifier les essais.

Les événements politiques

En 1971, les élections municipales dans les 4 municipalités renforcent les autonomistes qui gagnent la totalité des sièges à Papeete, où Georges Pambrun est réélu. Dans ces conditions, Pouvanaa, amnistié mais non réhabilité, se présente aux élections sénatoriales et est élu contre un ancien membre du RDPT, Emile Le Caill.
Rudy Bambridge se retire de la vie politique et laisse la direction de l'UT à Gaston Flosse.
Formation du parti Autahoeraa Union par des dissidents de l'UT-UDR : Charles Taufa, Frantz Vanizette.
En septembre 1972, les élections territoriales donnent 13 sièges aux autonomistes et 9 aux gaullistes. Mais c'est tout de même l'UT-UDR qui forme une coalition avec les autres élus 4 d'Autahoeraa et 4 indépendants, ce qui met fin à une longue période de domination autonomiste. Gaston Flosse est élu président de l'Assemblée territoriale.
Aux élections législatives de 1973, Francis Sanford est reconduit contre Gaston Flosse et Charles Taufa.
Aux élections présidentielles de 1974, les autonomistes soutiennent François Mitterrand, qui s'est engagé à mettre fin aux essais nucléaires aériens, l'UT Jacques Chaban-Delmas et Autahoeraa Valéry Giscard d'Estaing. En Polynésie, François Mitterrand est légèrement majoritaire, malgré son alliance avec le PCF, qui a été un thème de propagande important durant la campagne.

La présidence de Valéry Giscard d'Estaing 1974-1981

Les essais nucléaires
L'année 1974 est marquée par la poursuite des essais nucléaires, ce qui entraîne l'exclusion du gouvernement Chirac de Jean-Jacques Servan-Schreiber, ministre des Réformes, à la suite d'une déclaration faite en conférence de presse.
En 1975, les premiers essais souterrains sont réalisés à Fangataufa.

Développement de l'indépendantisme

Plusieurs formations apparaissent durant cette période : Te Taata Tahiti Tiama, créé par Charlie Ching libéré en octobre 1975 ; Indépendance des territoires polynésiens ; E amui Tatou no te Tiamaraa Tahiti ; mais surtout les deux destinés à prendre de l'importance :
Ia Mana te Nunaa, d'orientation socialiste autogestionnaire, créé en novembre 1975 par Jacqui Drollet ;
le Front de libération de la Polynésie FLP, créé en 1977 par Oscar Temaru Tavini Huiraatira depuis 1983.
L’année 1977 est aussi marquée par la seconde affaire de violence politique : le 12 août, attentat contre la Poste de Papeete ; le 27, assassinat d’un homme d’affaires métropolitain, ancien militaire, Pierre d’Anglejean. Assez rapidement, la police identifie les coupables, membres d’un groupuscule Te Toto Tupuna Le sang des ancêtres. Il apparaît que l’attentat contre la Poste a été substitué à un plasticage du palais du gouvernement où se trouvait en visite le ministre Olivier Stirn. Le procès a lieu en janvier 1979 ; des peines de prison de 5 à 20 ans sont prononcées.

La crise de 1975-77 et le changement de statut de la Polynésie

Le responsable de l'Outre-Mer sous Valéry Giscard d'Estaing, Olivier Stirn, envisage très vite un changement de statut pour le territoire et établit des relations assez cordiales avec les leaders autonomistes. C'est durant cette phase de discussions que Autahoeraa se rapproche des autonomistes jusqu'à leur donner la majorité formation de la coalition du Front uni à l'Assemblée territoriale mars 1975. Cependant, le projet proposé par Olivier Stirn à l'automne 1975 ne paraît pas acceptable aux autonomistes.
Une crise politique s'enclenche alors parce que l'UT-UDR, ayant attiré à elle 3 élus autonomistes, regagne la majorité à l'Assemblée territoriale. À partir du 19 novembre 1975, le président de l'Assemblée, Frantz Vanizette Autahoeraa, réplique en refusant de la convoquer, afin de forcer une dissolution ; mais celle-ci est refusée par le gouvernement de Jacques Chirac. La crise s'aggrave en juin 1976, début d'une nouvelle session, ce qui donne au gouverneur le droit de convoquer la première séance de l'Assemblée. Les autonomistes décident alors d'occuper les locaux de l'assemblée. Pour accroître la pression, Francis Sanford démissionne de son mandat de député ; les élections partielles le reconduisent dès le premier tour 22 000 voix contre 10 000 à Gaston Flosse et 2 500 à Charles Taufa. L'occupation va tout de même durer jusqu'au début de 1977 ; c'est la dernière action militante de Pouvanaa qui décède le 10 janvier 1977. Peu après, Michel Poniatowski, ministre de l'Intérieur dans le gouvernement de Raymond Barre, engage des négociations avec l'ensemble des partis polynésiens, ce qui permet d'arriver à un accord acceptable par tous. Le gouvernement dissout l'Assemblée mars 1977 et les élections 29 mai donnent la majorité au Front Uni.
Le 12 juillet 1977, la Polynésie française reçoit enfin son nouveau statut, dit d'autonomie de gestion, voté à l'unanimité par le Parlement. Changements : le gouverneur devient haut-commissaire chef du territoire ; le Conseil de gouvernement est formé par 7 membres responsables individuellement, élus par l'Assemblée, dont un vice-président ; celui-ci préside à la place du haut-commissaire lorsque sont évoqués des sujets de la compétence territoriale : Travaux publics, Enseignement primaire, Santé, Prisons, Taxes douanières et portuaires. En fait le gouvernement central conserve de vastes compétences.

Évolution politique dans le cadre du nouveau statut

En 1977, la circonscription législative de Polynésie est scindée en deux : Tahiti-ouest avec les Australes et les Iles sous le Vent et Tahiti-est (avec les Tuamotu, les Gambier et les Marquises. Aux élections de mars 1978, ce découpage, largement fondé sur une répartition entre catholiques et protestants, permet à Gaston Flosse d'être élu député pour Tahiti-est tandis que l'autre circonscription reste au candidat du Front Uni, Jean Juventin, Pupu Here Aia, qui a remplacé Georges Pambrun à la mairie de Papeete. Ni Francis Sanford ni John Teariki n'ont été candidats, préférant occuper des fonctions territoriales, respectivement vice-président du Conseil de gouvernement et président de l'Assemblée territoriale.
La même année, l'Union tahitienne Tahoeraa maohi devient le Tahoera Huiraatira Rassemblement populaire, section polynésienne du RPR (nouveau nom de l'UDR après sa prise en main par Jacques Chirac. La période 1977-1981 est marquée par un rapprochement sensible de Gaston Flosse vis-à-vis des positions autonomistes.
En février 1980, à la suite d'accidents survenus à Moruroa durant l’été 1979 et à l’attitude peu franche des autorités sur ce sujet, Gaston Flosse décide profiter de ses relations avec Jacques Chirac pour faire avancer la cause d’une évolution du statut. En février 1980, il lui transmet un projet assez proche du futur statut qui donne lieu à une proposition de loi du 13 mai 1980 non votée.

Élections présidentielles de 1981

En 1978, le PS a adopté le point de vue gaulliste sur la force de frappe, notamment sous l’influence de Charles Hernu. Dans ces conditions, les autonomistes n’ont plus de motif de soutenir la candidature de François Mitterrand ; anticipant une victoire de Valéry Giscard d’Estaing, ils décident de soutenir celui-ci ; le soutien à François Mitterrand est repris par les indépendantistes, tandis que le Tahoeraa soutient logiquement Jacques Chirac. Le 10 mai second tour, Giscard d'Estaing obtient 76 % des voix exprimées en Polynésie.

Le tahitien reo maohi est devenu langue officielle régionale en 1980.

Les présidences de François Mitterrand 1981-1995

Élections législatives anticipées de 1981
Gaston Flosse est réélu dans la circonscription Est ; dans la circonscription Ouest, Jean Juventin paraît menacé face à Alexandre Léontieff, dirigeant montant du Tahoeraa, du fait des nombreuses candidatures indépendantistes. Il est tout de même réélu.

Évolution générale

C’est une période assez complexe. D’une part la popularité du Front uni est en baisse en raison du bilan limité de son action gouvernementale locale ; d’autre part Gaston Flosse assume de façon assez crédible des principaux éléments du programme du Front uni. Enfin, celui-ci connaît des vicissitudes : en 1982 Te Ea Api subit une scission menée par son secrétaire général, Émile Vernaudon, maire de Mahina, qui fonde Ai'a Api. D'autre part, Autahoeraa devenu Parti social démocrate de Polynésie début 1980, abandonne l'alliance, menant une campagne à part pour les élections territoriales de 1982.

Les élections territoriales mai 1982

Elles sont marquées par la chute des positions du Front uni et l'apparition d'élus indépendantistes. Le résultat des élections est donc assez favorable au Tahoeraa :

Tahoeraa : 13 élus
Pupu Here Aia : 6 élus
Te Ea Api : 1 élu Francis Sanford
MSD : aucun élu
Aia Api : 3 élus
Ia Mana : 3 élus
Indépendants maires : 4 élus
À la suite de ces élections, Gaston Flosse conclut une alliance avec Emile Vernaudon : le premier devient vice-président du Conseil de gouvernement, le second président de l’Assemblée territoriale.

La fin 1982

Des négociations statutaires sont engagées dès juin avec le gouvernement, spécialement avec Gaston Deferre Intérieur et Henri Emmanuelli DOM-TOM ; le statut envisagé par ce dernier en novembre est en retrait sur les attentes ; les discussions ultérieures, avec un contre-projet du sénateur Daniel Millaud provoquent une rupture entre Gaston Flosse et Emile Vernaudon. Flosse maintient cependant sa majorité grâce à des indépendants et aux autres élus de Aia Api.

L’année 1983. Élections municipales. Décès de John Teariki

De décembre 1982 à mars 1983, la Polynésie française subit une séquence exceptionnelle de 4 cyclones. L’attitude de Gaston Flosse à cette occasion accroît sa popularité, ce qui assure au Tahoeraa un succès d'ensemble aux élections municipales mars, qui permettent par ailleurs à Oscar Temaru de devenir maire de Faaa ; Jean Juventin est tout de même reconduit comme maire de Papeete. Il devient président du Pupu Here Aia après le décès accidentel de John Teariki.

Le statut de 1984

Le 9 septembre 1984, à la suite des lois de décentralisation de 1982 dites elles aussi lois Defferre, le territoire bénéficie d'un changement de statut. Notamment : le haut-commissaire cesse d'être président du conseil de gouvernement, dont les membres obtiennent le statut de ministres. Désormais il y a un véritable gouvernement de la Polynésie française, avec un premier ministre, dont le titre est Président du gouvernement : le premier est Gaston Flosse. Par ailleurs, le nombre de membres de l'Assemblée est porté à 41.

Le CEP sous François Mitterrand

Il faut reconnaître que l'attitude gouvernementale ne change pas vraiment, malgré une certaine ouverture aux demandes des partis polynésiens, désormais sur des positions communes ; la première présidence de François Mitterrand est même marquée par l'affaire du Rainbow Warrior (1985), dans laquelle le ministre de la Défense, Charles Hernu, a joué un rôle essentiel.
Les essais nucléaires sont donc poursuivis jusqu'en 1992, où une suspension d'un an est décidée.

Personnalités de Polynésie française

Cette rubrique a été affectée à une page spéciale homonyme, qui comprend les listes suivantes :

Responsables du protectorat
Gouverneurs
Hauts commissaires
Députés
Sénateurs
ainsi que les biographies sommaires de quelques personnalités Charles Vernier, Rudy Bambridge, Alfred Poroi, Gérald Coppenrath, John Teariki, Frantz Vanizette et la présentation des familles notables du territoire famille Bambridge.

Liens

http://youtu.be/4pLD-IY2MEo Annexion en 1880
http://youtu.be/vhttp://youtu.be/4pLD-IY2MEo0habe2xMwA Pomaré
http://youtu.be/JfmmF_2ow-Q L'Onu la France doit rendre Tahiti
http://youtu.be/RLCMG0SwGoE Les pomare
http://youtu.be/OUzS3AptEbs Navigation ancestrale Tahitienne
http://youtu.be/2_LwH9qhzLU L'Odyssée polynésienne


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


[img width=600]http://t2.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcRkAxcbSD8R7YriUYpesYQxPd7lHYrZOXXTJXp5jbYYtomCHxaPrgP2vXTu-w[/img]

Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


[img width=600]http://www.ville-papeete.pf/UserFiles/Image/Marau-TAAROA(1).jpg[/img]

Cliquez pour afficher l

Posté le : 28/06/2014 23:45
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Opération Barbarossa 1
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
Le 22 Juin 1941 Hitler lance l'opération Barbarossa

en allemand, "Unternehmen Barbarossa", nommée en référence à l'empereur Frédéric Barberousse, est le nom de code désignant l'invasion par le IIIe Reich de l'Union des républiques socialistes soviétiques pendant la Seconde Guerre mondiale
A la veille du déclenchement de l'opération Barbarossa, on peut voir une oncentration de véhicules et de tanks panzer III en Pologne,
cette campagbe de combat se déroule du 22 juin 1941 au 5 décembre 1941 en Biélorussie, Ukraine, Lituanie, Lettonie, Estonie, Ouest de l'Union soviétique
L'issue est une victoire opérationnelle allemande provisoire mais une défaite stratégique majeure
Les belligérants sont, d'une part Reich allemand et en face l'Union soviétique, Roumanie, Finlande, Italie, Hongrie, Slovaquie. Les commandants

sont Joseph Staline et Adolf Hitler. Les forces en présence au 22 juin 1941 sont constituées de : 2 680 000 soldats, puis 5 500 000, 15 000 à 25 000 chars, 35 000 à 40 000 avions dont 11 357 prêts au combat le 22 juin 1941
Au 22 juin 1941 :se trouvent sur le terrain, 3 800 000 soldats, 4 300 chars, 4 389 avions.
Les pertes sont estimées au total à : 7 500 000 dont 3 137 673 morts ou disparus, 1 336 147 blessés, 3 355 499 prisonniers, 17 000 chars détruits
La moitié des blindés et des avions engagés est hors de combat
Les batailles sur le front de l’Est sont :
Campagne de Pologne · Guerre d’Hiver · Opération Barbarossa · Guerre de Continuation · Bataille de Białystok–Minsk · Opération Silberfuchs · 1re bataille de Smolensk · Bataille de Kiev · Siège d'Odessa · Siège de Léningrad · Offensive de Siniavino · Campagne de Crimée · Bataille de Moscou · Seconde bataille de Kharkov · Bataille du Caucase Opération Fall Blau · Poche de Demiansk · Poche de Kholm · Bataille de Stalingrad · Opération Uranus · Opération Mars · Opération Saturne · Opération Iskra · Offensive Ostrogojsk-Rossoch · Offensive Voronej-Kastornoe · Bataille de Krasny Bor · Troisième bataille de Kharkov · Bataille de Koursk · 2e bataille de Smolensk · Bataille du Dniepr · Offensive Dniepr-Carpates · Bataille de Tcherkassy · Offensive de Crimée · Opération Bagration · Offensive de Lvov-Sandomierz · Insurrection de Varsovie · Soulèvement national slovaque · Guerre de Laponie · Bataille de Budapest · Offensive de Poméranie orientale · Siège de Breslau · Offensive de Prusse-Orientale · Offensive Vistule-Oder · Bataille de Königsberg · Offensive de Vienne · Bataille de Seelow · Bataille de Bautzen · Bataille de Berlin · Insurrection de Prague · Offensive de Prague · Bataille de Slivice · Capitulation allemande

Bien que l'U.R.S.S. exécute scrupuleusement, au bénéfice de l'Allemagne, les clauses économiques du pacte germano-russe, Hitler a décidé de la bouter hors de l'Europe avant de se retourner vers le Royaume-Uni. Le 21 juin 1941, sans déclaration de guerre, la Wehrmacht attaque l'Armée rouge. Hitler espère ainsi donner à l'Allemagne, comme il l'a écrit dans Mein Kampf, son « espace vital » dans la direction tracée autrefois par les chevaliers Teutoniques. Il désire enfin s'assurer les matières premières et les produits alimentaires – pétrole et blé – qui manquent à l'économie allemande.

L'attaque contre l'U.R.S.S en bref

Joseph Staline s'est garanti diplomatiquement contre un second front en Asie, par la signature d'un pacte de non-agression avec le Japon avr. 1941 ; malgré les avertissements de Beneš et de Churchill, l'attaque allemande le surprend ; une grande partie des avions russes est détruite au sol dès le premier jour. Désorientée, l'Armée rouge bat en retraite en perdant une énorme quantité de matériel et des centaines de milliers d'hommes, tués ou faits prisonniers, mais l'immensité du pays – le front s'étire sur 1 800 kilomètres – lui donnera le moyen de ne pas être anéantie, de se reprendre et de se réorganiser.
La Wehrmacht, qui comprendra progressivement des contingents plus ou moins volontaires de tous les pays occupés, attaque en trois groupes d'armées commandés au nord par von Leeb, au centre par von Bock, au sud par von Rundstedt. En tout 180 divisions sont lancées à l'attaque, dont 25 divisions blindées. Se joignent à elle des armées finlandaises et roumaines et, un peu plus tard, hongroises et italiennes. Aux 3 000 avions modernes de la Luftwaffe, les Russes opposent 4 000 avions anciens.
Le groupe d'armées du nord s'empare des pays Baltes et entreprend le siège de Leningrad, le groupe du centre, après avoir encerclé des armées russes à Bialystok et à Minsk, arrive à Smolensk en août. En octobre, il n'est plus qu'à 100 kilomètres de Moscou. Il ne peut amorcer une offensive contre les défenses de la ville que le 16 novembre. En novembre, la résistance soviétique l'oblige à s'arrêter, puis à reculer, enfin à s'immobiliser dans ses quartiers d'hiver, alors que les troupes sont mal protégées contre le froid.
Le groupe du sud, après une grande bataille entre le Bug et le Dniepr, s'empare de l'Ukraine et du bassin industriel du Donetz. Odessa, Kiev, Kharkov sont pris, le Don et la mer d'Azov atteints ; la Crimée occupée jusqu'à Sébastopol.
Ainsi, à la fin de l'année 1941, si Moscou n'a pas été pris, le gouvernement soviétique a dû quitter la capitale. Les territoires les plus riches de l'U.R.S.S. sont occupés et dévastés ; un mouvement autonomiste est à craindre, en Ukraine surtout. Un immense matériel a été perdu, 1 500 000 hommes faits prisonniers. Cependant l'U.R.S.S. n'est pas battue décisivement ; l'Armée rouge n'a pas été détruite ; des usines entières et des populations ouvrières ont pu être repliées vers l'Oural. Staline a repris la tactique de Koutousov contre Napoléon, celle de la « terre brûlée ». Les récoltes sont incendiées, les usines et les barrages détruits. Dès ce moment, la guerre soviétique devient une guerre populaire, favorisée par les mesures d'extermination des cadres politiques et administratifs prises par les SS, ainsi que celle des Juifs. Menacée dans son existence, la population se groupe derrière son gouvernement. Il est clair cependant que l'U.R.S.S. aura besoin de matériel et d'armes ; des convois, britanniques d'abord, américains ensuite, commencent à sillonner les mers arctiques vers Mourmansk, ou l'océan Indien à destination de l'Iran, que Russes et Britanniques ont occupé d'un commun accord à cette fin.

L'opération

Le 23 août 1939, l’Allemagne nazie et l’Union soviétique signent un traité de non-agression et de partage de l'Est de l'Europe.
Cependant, le 21 juillet 1940, moins d’un an après, Hitler demande à son état-major de préparer un plan d’invasion de l’Union soviétique.
Confiant, il déclenche le 22 juin 1941, le même jour que Napoléon autrefois et un an jour pour jour après la signature de l'armistice entre la France et le IIIe Reich, l’opération Barbarossa qui ouvre le front de l'Est qui devient le principal théâtre d'opérations de la guerre terrestre en Europe de 1941 à 1945, 80 % des pertes de la Wehrmacht sont subies sur le front russe et le facteur crucial dans le succès ou la défaite du Troisième Reich nazi. Ce front va être le théâtre des plus grandes et des plus sanglantes batailles terrestres de la Seconde Guerre mondiale.
C'est la plus grande invasion de l'histoire militaire de par le nombre de soldats mobilisés et de pertes. Ce sont près de 4 millions de soldats de l'Axe qui pénètrent en Union soviétique. En plus des troupes, l'opération Barbarossa a mobilisé 600 000 véhicules et 600 000 chevaux. Cette invasion marque aussi un tournant dans la guerre, jusqu'alors encore assez localisée et européenne. Elle va bientôt embraser le monde entier.
La Wehrmacht possède une supériorité initiale considérable en hommes de 2 contre 1 au minimum et en équipements. Elle est mieux organisée, bien mieux commandée et dispose, du moins jusqu’à la gigantesque bataille de Koursk de juillet 1943, d'une incontestable supériorité tactique. Elle bénéficie de l'effet de surprise. L'Armée rouge, si elle est loin d'être préparée au choc avec l'Allemagne, décapitée par les Grandes Purges, dispose cependant d'importantes réserves humaines, d'avantages matériels certains base industrielle, armements et d'un patriotisme russe que Staline saura opportunément réactiver après vingt ans de répression sous la férule d'un État en guerre permanente contre sa propre société. Le nazisme, qui ne laissera aux Untermenschen d'autre alternative que la mort ou l'esclavage, jouera également un rôle important dans le sursaut patriotique.
Comme en 1914 au début de la Première Guerre mondiale, l'Allemagne entend agir rapidement : le plan Barbarossa fixe à quatre mois le délai nécessaire à l’anéantissement militaire de la Russie, cœur névralgique de l’Union soviétique. En pratique, l'opération Barbarossa s'étendra de juin 1941 à janvier-février 1942, l'échec allemand de la bataille de Moscou étant le dernier épisode de la première phase du conflit sur le front russe.
Les justifications de cette invasion sont historiques l'échec du plan Schlieffen en 1914 qui a conduit au traité de Versailles, ressenti comme une humiliation par l'Allemagne de 1919. la mise en œuvre géopolitique du nazisme, l'aboutissement affiché de la politique nazie étant la conquête d'un espace vital à l'Est : le Lebensraum.

Situation politique et diplomatique


La situation au printemps 1941 semble largement en faveur de l'Axe. La France a été vaincue en quelques semaines, le corps expéditionnaire britannique a été défait. Une partie majeure de l'Europe est occupée. À l'Est, Hitler a mis en place des régimes alliés de gré ou de force : Hongrie, Roumanie, Bulgarie, Slovaquie. Le seul ennemi en guerre qui lui tienne encore tête est la Grande-Bretagne et son empire, qui résistent en grande partie grâce à une volonté collective incarnée par Winston Churchill, mais elle n'a été sauvée jusqu'alors que par son insularité. Au demeurant, la Grande-Bretagne ne constitue pas, en Europe continentale, une menace militaire terrestre suffisamment significative pour inquiéter la Wehrmacht.
Hitler connaît les risques d'attaquer l'Union soviétique, mais il estime qu'il doit agir immédiatement car, en 1941, l'Armée rouge est désorganisée et profondément affaiblie par les Grandes Purges staliniennes. Encore éloignés de la guerre, les États-Unis d'Amérique penchent cependant de plus en plus du côté des Alliés. Invaincue, la Wehrmacht, fait figure de première armée du monde en 1941. La situation semble donc favorable à la conquête du Lebensraum. Une seule puissance continentale peut encore empêcher cette conquête : l'Union soviétique. Depuis la signature du Pacte germano-soviétique 1939, dans lequel l'URSS voit un moyen de se protéger après les accords de Munich Allemagne-France-Grande-Bretagne de 1938, et grâce auquel l'Allemagne et l'Union soviétique se sont partagés le territoire de la Pologne le long de la frontière orientale actuelle, les deux pays, malgré l'opposition inconciliable des idéologies qui les dirigent, ont ostensiblement établi des relations amicales de façade et des relations commerciales qui profiteront surtout au Troisième Reich jusqu'en juin 1941. L'Allemagne signe par ailleurs un pacte de non-agression avec la Turquie le 18 juin 1941, ce qui lui permet de sécuriser un accès aux ressources pétrolifères du Caucase.

Montée des tensions

L'évolution de la situation dans les Balkans, après l'occupation de la Bessarabie, destinée à donner à l'Union soviétique le contrôle de l'embouchure du Danube, et de la Bukovine du Nord, contribue à pousser davantage encore la Roumanie dans la sphère d'influence allemande, malgré des tentatives soviétiques à l'automne 1940 pour se concilier ce royaume. Dans le même temps, l'URSS recherche, dans la tradition de la diplomatie russe du début du XXe siècle, un accord avec l'Italie, pour s'opposer à une mainmise progressive mais systématique du Reich dans les Balkans. Ainsi, la diplomatie soviétique cherche-t-elle à ressusciter, malgré les réserves du roi et de ses proches, l'alliance avec la Bulgarie, dont la population affiche des sentiments pro-soviétiques sincères ; ainsi, en novembre 1940, la mission diplomatique soviétique dans les Balkans, menée par des officiers généraux soviétiques, insiste-t-elle auprès du roi Boris pour que ce dernier n'adhère pas au pacte tripartite.
Les Allemands, de leur côté, ne voient pas d'un très bon œil les velléités soviétiques de prendre pied en Bulgarie et ne veulent à aucun prix remettre en cause leur suprématie sur le Danube, et tentent, lors du second arbitrage de Vienne, de faire du Danube un fleuve sous influence allemande exclusive, malgré les quelques contre-feux allumés par une diplomatie soviétique parfaitement consciente de cette politique. En outre, à l'automne 1940, des incidents de frontière, le long du Danube, se déroulent entre la Roumanie et l'Union soviétique : occupant de manière unilatérale des petites îles sises dans les bras du delta du Danube, des bâtiments de guerre soviétiques affectés à cette mission essuient des tirs roumains, puis se retirent, cessions de territoires à l'URSS étaient temporaires et réversibles, ce qui ne manque pas de susciter des inquiétudes en Union soviétique.

Les derniers jours : le mois de juin 1941

Lors du déclenchement des opérations, il apparaît aux responsables soviétiques, l'ambassadeur en poste à Berlin, le ministre des Affaires étrangères, que la guerre n'a pas été voulue par les diplomates. En effet, autant Ribbentrop que Schulenburg semblent désolés de devoir déclarer aux Soviétiques, non la guerre, mais que la situation créée par la politique soviétique et les mesures défensives soviétiques le long de la frontière, mettaient le Reich dans l'obligation d'engager les hostilités de manière préventive. En effet, l'ambassadeur du Reich à Moscou doit remettre à Molotov, à 4 heures du matin, peu de temps après le déclenchement des hostilités, un rapport détaillé des prétendues violations soviétiques de l'accord de 1939.

L'invasion crée le front stratégique majeur du second conflit mondial

En déclenchant l'opération Barbarossa, le régime nazi provoque l'ouverture d'un front auquel le Reich doit désormais consacrer l'essentiel de ses moyens militaires, de ses ressources industrielles et humaines. Engagée dans une guerre totale contre l'Union soviétique, l’industrie de guerre allemande tourne au maximum de ses capacités et ne cesse de se développer jusqu’au début de 1945. Le Reich consacre ainsi 35 % de son PNB en 1940, puis 65 % en 1944, à ses dépenses militaires. Non seulement l’Allemagne, première puissance industrielle du continent, affecte la totalité de ses ressources économiques à sa production de guerre, mais elle exploite également systématiquement à cette fin les ressources industrielles, économiques, démographiques deux millions de prisonniers français travaillent en Allemagne de l’Europe occupée.
Du déclenchement de Barbarossa aux dernières étapes de la guerre, en mai 1945, la Wehrmacht consacre l’essentiel de ses ressources en hommes et en matériels au front de l'Est, sans jamais être en mesure, à partir de l’hiver 1942-1943 échec de Stalingrad, de prendre l’initiative, si ce n’est dans des secteurs de plus en plus étroits du front. En juillet 1943, lors de la gigantesque bataille de Koursk, à peine sept divisions et deux brigades 2,7 % des forces allemandes étaient engagées face aux Américains et aux Britanniques dans les affrontements de la guerre du désert. Le reste 91 divisions et 3 brigades se trouvait cantonné dans les territoires de l’Europe occupée. Les Alliés prennent pied en Afrique du Nord en novembre 1942 débarquement de 70 000 hommes à Alger et Oran et au Maroc, en Sicile en juillet 1943 débarquement de 160 000 hommes, en Italie à Salerne sud de Naples en septembre 1943 et à Anzio en janvier 1944, mais les moyens engagés pèsent de peu de poids la Wehrmacht dispose de 23 divisions en Italie début 1944, comparés à la démesure des effectifs et des matériels présents depuis juin 1941 sur le front soviétique. Durant les quatre années que dura le conflit germano-soviétique il y eut, en permanence, une moyenne de 9 millions d'hommes simultanément impliqués dans les opérations de ce front.
Le cumul des pertes militaires de l'Union soviétique et de l'Allemagne nazie, dans sa guerre d'invasion de l'Union soviétique, se monte à 80 % du total de toutes les pertes militaires enregistrées sur le théâtre d’opération européen de 1940 à 1945. C'est sur le front russe que la Wehrmacht a les reins brisés, bien avant le débarquement des Alliés en France. Après le débarquement de Normandie d'un corps expéditionnaire en juin 1944, c’est encore à l’Est que les Allemands continuent à engager et à perdre la majorité de leurs hommes. La comparaison des pertes subies par la Wehrmacht sur les deux fronts à partir de juin 1944 montre la part presque exclusive du front russe même après ce débarquement. Du 1er juillet au 31 décembre 1944, pendant cinq mois, lors de la grande offensive soviétique contre le groupe d’armées Centre, les Allemands perdront chaque mois en moyenne 200 000 soldats et près de 4 000 Hiwis, des auxiliaires étrangers russes de l'armée allemande. À l’Ouest, au cours de la même période, c’est-à-dire après le débarquement allié en France, la moyenne des pertes allemandes s’élèvera à 8 000 hommes par mois soit un rapport de 1 à 25.
Les pertes en vies humaines sont colossales et les conditions de vie effroyables pour les deux camps. En 2001, les historiens russes estimaient les pertes du conflit germano-soviétique à 26,2 millions de tués environ 16 % de la population de l’Union soviétique de 1940 dont plus de 11 millions de soldats et officiers 6,8 millions de tués directs et 3,8 millions de prisonniers de guerre décédés entre les mains de la Wehrmacht, et surtout 15,6 millions de civils puisque l’importance sans précédent des pertes civiles est d’abord la conséquence d'une guerre d’anéantissement menée en Union soviétique par le Reich nazi. Trente-quatre millions de Soviétiques ont été mobilisés dans les rangs de l'Armée rouge de 1941 à 1945. L’ampleur de l’engagement allemand a été gigantesque : quelque 20 millions d’Allemands ont porté, à un moment ou à un autre, l’uniforme de la Wehrmacht sur le front russe, de sorte que c’est toute la société allemande qui fut impliquée dans l’expérience de la guerre sur le front de l'Est. Celle-ci a été voulue, dès sa phase de préparation, comme une lutte à mort, exigeant un engagement sans limite, une obéissance absolue, la destruction totale de l’ennemi. À ce titre, la guerre totale déclenchée contre l'URSS constitue non seulement le sommet du régime nazi, mais aussi l’élément essentiel de son image dans la mémoire collective des Allemands après la guerre. Pour l’écrasante majorité des soldats allemands, l’expérience de la guerre est celle du front russe.
À la fin du mois de mars 1945, la totalité des pertes de l’Ostheer le nom de la Wehrmacht sur le front russe s’élève à 6 172 373 hommes tués, mutilés, disparus, soit près du double de ses effectifs initiaux, au 22 juin 1941. Ce chiffre représente 80 % des pertes subies par la Wehrmacht sur tous les fronts depuis le déclenchement de l’invasion de juin 1941. En mai 1945, on dénombre plus de 3 millions de prisonniers allemands détenus en Union soviétique. Tous camps confondus, les tués de l’Armée rouge, hors les 3,8 millions de prisonniers de guerre soviétiques décédés après leur capture, constituent 52 % du total des pertes militaires en Europe, ceux de la Wehrmacht 28 % moins de 2 % pour l'armée des États-Unis. Les pertes militaires de l’Union soviétique représentent 85 % du total des pertes alliées en Europe Royaume-Uni 3,7 % - France 2,9 % - États-Unis 2,6 %. Enfin, le front ouvert en juin 1944 en France a eu, militairement, environ 11 mois d’existence contre 47 mois pour le front russe ouvert en juin 1941.

Préparatifs allemands

Le Reich prépare l'invasion de l'Union soviétique minutieusement, jusque dans ses moindre détails ; cette préparation, à la fois politique, militaire et économique, se propose non seulement de réaliser des objectifs politiques raciaux et territoriaux précisément définis, mais aussi de mettre en place la répartition des rôles entre militaires et de définir la place des acteurs économiques dans le conflit qui s'annonce.

Motivations et justifications idéologiques et politiques

La volonté allemande d'écraser définitivement la Russie, adversaire oriental de l'Allemagne dans le cadre d'une guerre sur deux fronts, remonte à la Grande Guerre. Cette volonté est renforcée par la mise en place du régime communiste.
En effet, dans Mein Kampf, Hitler, qui n'est ici qu'un avatar parmi d'autres de la pensée de l'extrême-droite allemande des années 1920, amalgame la figure du Juif et la représentation du bolchevik, entre autres dans la figure fantasmagorique du Judéo-Bolchevik, représentation dans l'idéologie nazie du mal absolu, le Juif, nuisible schädling à la Nation allemande. Cette conception, relayée par la propagande, est partagée par de nombreux officiers de la Reichswehr, puis de la Wehrmacht : des documents internes de cette institution propagent cette conception chez les officiers, qui perçoivent les territoires occupés de l'URSS à travers ces prismes. Cette propagande touche non seulement les officiers, mais aussi les soldats engagés dans les opérations de 1941, qui endurent à partir de 1943 défaites et retraites sans cesser de se battre. Elle est en outre instillée dès les années 1930 dans la police allemande, sous le contrôle de Himmler à partir de 1936 ; cet arrière plan idéologique fournit la préparation psychologique des policiers ayant participé aux tueries de 1941.
En outre, la défense de la civilisation contre le déluge Moscovite-asiatique, joue une rôle non négligeable dans les motivations des soldats : il s'agit pour eux de reprendre le combat des Germains contre les Slaves, arriérés ; relayés par la propagande, ces stéréotypes sont fermement ancrés dans les représentations des soldats et des officiers envoyés sur le front de l'Est : aux officiers qui s'offusquent de la brutalité des ordres reçus, Keitel répond que dans cette guerre la conception militaire d'une guerre chevaleresque n'entre pas en ligne de compte, puisqu'il s'agit de détruire une conception du monde Weltanschauung. En effet, pour Hitler, mais peut-être davantage encore pour Himmler, la guerre à l'Est constitue la continuation du conflit qui oppose l'Occident au "principe asiatique" : en décembre 1941, Himmler, dans un discours à ses troupes, établit un lien entre les diverses invasions, Hunniques, mongoles et la soi-disant invasion bolchevique de l'Europe, la plus dangereuse de toutes les menaces, reprenant ainsi des thèses développées dans les années 1930 par Fritz Schachermeyr et Fritz Taeger : aux yeux des théoriciens et des acteurs du nazisme, l'invasion de l'Union Soviétique plonge ainsi ses racines dans la plus haute Antiquité, puisqu'il s'agirait, selon ces intellectuels, du combat final entre l'Occident, représenté par le Reich, et l'Orient, qui a pris la forme du marxisme soviétique, combat qui mettrait fin à 6 000 ans de guerre raciale. Dans cette perspective, Staline est représenté en nouvel Hannibal, repoussoir phénicien aux yeux de Goebbels, menaçant la civilisation occidentale, jusque tard dans le conflit.
Enfin, réparer l'humiliation de la défaite non reconnue de la Première Guerre mondiale face à l'alliance russo-franco-britannique de 1914 est aussi une motivation importante : en effet, sur le front russe, l'Allemagne et ses alliés ont signé une paix de victoire à Brest-Litovsk en mars 1918, mais ont dû évacuer les territoires qu'ils occupaient à l'hiver 1918-1919. Ainsi, pour les militaires de haut rang, qui ont tous fait la Grande Guerre, comme pour les décideurs nazis, la défaite de 1918 ne peut être que la conséquence du coup de poignard dans le dos donné par les socialistes allemands, marxistes donc nécessairement juifs, la guerre à l'Est venge donc 1918-1919. Un certain nombre de théoriciens nazis font, précocement dans l'histoire du NSDAP, l'assimilation entre marxistes et Juifs, mais ne font alors que reprendre des stéréotypes largement diffusés, sinon dans la société, au moins dans les cercles conservateurs où se recrutent les officiers généraux de la Wehrmacht.
Ainsi est fait le lien, dans l'imaginaire nazi, entre la figure du Juif, le communisme et le Slave ; cet imaginaire est à l’œuvre dans la propagande allemande depuis 1933. Le refus de la Grande-Bretagne de mettre fin à la guerre après la défaite de la France conduit aussi Hitler à voir dans le maintien d'une URSS puissante, dans le dos de l'Allemagne, le dernier espoir des dirigeants britanniques ; l'élimination de ce facteur permettra donc d'amener la Grande-Bretagne à résipiscence ; de ce fait, l'hégémonie allemande sur l'Europe sera indiscutée et l'allié japonais en sera renforcé face aux États-Unis.
Dès le 22 juin, les propagandistes allemands développent le thème de la nécessaire lutte contre les bolcheviks, qui, alliés aux Juifs, seraient responsables de la misère que connaît le peuple russe. Jusqu'au dernier jour du conflit, la propagande allemande exploite le thème du judéo-bolchevisme jusqu'à la fin.

Objectifs territoriaux et projets nazis

Les vastes espaces de l'Union soviétique sont destinés, dans la direction tracée autrefois par les chevaliers Teutoniques, à devenir le Lebensraum, l'espace vital allemand, une fois débarrassé de ses populations. Les populations urbaines doivent être exterminées par la famine, les populations rurales sont destinées à constituer la main-d’œuvre servile pour fournir des surplus alimentaires destinés à l'Allemagne et à la colonisation aryenne.
Dès la fin de l'année 1940, les rapports des services de renseignements soviétiques fourmillent d'indications sur les objectifs territoriaux nazis. Ainsi, en février 1941, le directeur de ces services est en mesure de fournir à Staline la nature des objectifs territoriaux allemands dans la guerre, alors en préparation, qui se dessinent à l'Est : création d'entités étatiques sensibles aux intérêts du Reich de la Baltique à la mer Noire et contrôle direct des régions industrielles, ce qui explique la priorité donnée à la conquête et au contrôle des bassins industriels ukrainiens. La limite de l'avancée allemande serait l'Oural, au-delà de laquelle les Soviétiques seraient repoussés. Toutes les informations rapportées dans les rapports soviétiques, collectées par des informateurs auprès d'officiers allemands parfois exceptionnellement détendus confirment l'importance des objectifs territoriaux assignés aux troupes qui se préparent à attaquer l'URSS et l'ampleur des moyens pour parvenir à cet objectif.
De plus, les préparatifs de Barbarossa redonnent de l'influence à Alfred Rosenberg, le rédacteur du Völkischer Beobachter. En effet, natif de Reval, celui-ci, au printemps 1941, joue un rôle non négligeable dans les discussions autour des projets de recomposition territoriale et raciale des zones conquises, discussions dont le Generalplan Ost constitue l'aboutissement : il propose un redécoupage des territoires en quatre Reichskommissariat, l'Ostland comprenant les pays baltes et la Biélorussie, celui d'Ukraine, le Kaukasus avec la zone autour des monts du Caucase et celui de Moskowien pour le reste de la Russie européenne. Il esquisse des politiques de court terme différentes dans chacune de ces circonscriptions : en Ukraine, il propose la création de ghettos, sur le modèle du ghetto de Lodz et la création de colonies de travail, l'Ostland doit être germanisé sans ménagement ; il ne s'étend pas sur les commissariats de Moscovie et du Caucase, mais fait parvenir aux futurs commissaires du Reich des directives dans lesquelles il insiste sur la nécessité d'une exploitation très sévère, y compris des mesures organisant une famine de masse dans les territoires placés sous leur juridiction.
Dans le même ordre d'idées, les planificateurs économiques de la guerre à l'Est proposent une exploitation sans merci des espaces conquis, en créant deux zones distinctes de production agricole, étanches du point de vue économique : une zone déficitaire Zuchusszone, appelée zone forestière Waldbauzone ou aire de famine Hungergebiet, centrée autour de Moscou et Léningrad, dont la population est promise à la mort, et une zone de surplus Überschusszone, appelée zone de terres noires Schwarzerderzone, comprenant l'Ukraine et le Caucase, dont la population peut espérer, en raison de son utilité dans la production de matières premières agricoles, survivre.
De même, Himmler voit la guerre à l'Est comme un moyen de recomposer la carte ethnique de l'Est de l'Europe au profit de l'Allemagne, en créant des colonies de peuplement dans les territoires nouvellement conquis. En effet, les concepteurs des plans, qui se succèdent à ce sujet au printemps 1941, prévoient l'expulsion des Slaves en grand nombre, entre 30 et 50 millions, vers la Sibérie.

Hitler et le Parti dans la phase de préparation de Barbarossa

Du fait de son caractère éminemment politique, l'opération est principalement une création d'Hitler35. L'état-major de la Wehrmacht est alors réticent car il craint de devoir combattre sur deux fronts simultanément : un front terrestre contre l'URSS, un front maritime et aérien contre la Grande-Bretagne. Mais le Führer, auréolé du prestige des victoires fulgurantes en Pologne et surtout en France, croit en son génie politique et militaire et refuse de leur prêter l'oreille. Opposé, lui aussi, par principe, à la division de ses forces sur deux fronts qui fut, à ses yeux, la grande erreur du Reich lors de la Première Guerre mondiale, il finit par se convaincre lui-même que le Royaume-Uni est à bout de souffle et demandera la paix une fois l'Union soviétique vaincue et démantelée, car il ne veut pas différer plus longtemps sa grande conquête à l'Est. Il surestime ses forces, prenant en compte ses victoires éclairs contre la Pologne puis la France, et sous-estime celles de la Russie soviétique, du fait des piètres résultats et des fortes pertes essuyées par l'Armée rouge au cours de la guerre d'Hiver contre la Finlande : 125 000 soldats soviétiques y périrent contre 48 000 hommes pour l'armée finlandaise. La préparation de l'armée allemande souffre donc de plusieurs carences qui se révèlent fatales à terme pour la réalisation des objectifs.
Mais cette phase de préparation voit également la mise en place de quartiers généraux pour Hitler et ses fidèles directement impliqués dans la guerre à l'Est : le quartier général de Rastenburg, aménagé dans une zone de forêts en Prusse-Orientale, est occupé par Hitler le 23 juin : il comprend à la fois des maisons en bois et des bunkers en béton, reliés par des routes et des voies ferrées. C'est sur ce modèle qu'Himmler fait bâtir son propre quartier général à Angerburg, à 30 km de Rastenburg. À cet endroit, il reçoit le résumé des rapports quotidiens des Einsatzgruppen, par l'entremise du siège central du RSHA.

La préparation opérationnelle Plans élaborés dès 1940

La première mention d'une invasion de la Russie soviétique apparaît dans la directive no 21 du Führer, mise en circulation restreinte fin 1940."Les armées allemandes précisait la directive, doivent être prêtes, avant même la conclusion de la guerre contre l'Angleterre, à écraser la Russie soviétique à la faveur d'une rapide campagne. La directive indique déjà la date de l'invasion: le 15 mai 1941. Dès ce document, le plan de conquête et les objectifs à atteindre sont tracés, avec la séparation en deux du champ de bataille : le nord et le sud des marais du Pripet. Les deux groupes d'armées au nord doivent dans un premier temps détruire le maximum de forces soviétiques en appliquant les tactiques de la Blitzkrieg, puis prendre d'abord Léningrad et son port de guerre de Kronstadt, et seulement ensuite la capitale Moscou. Le groupe sud, lui, doit progresser vers Kiev, son flanc droit étant couvert par l'armée roumaine et quelques divisions allemandes. Par la suite, les opérations au sud ont pour objectif l'occupation du bassin du Donets et au-delà le pétrole du Caucase, le combat des unités blindées et à la capture des grands centres économiques. Il rencontre une certaine défiance de la part d'une partie de l'état-major de la Wehrmacht, davantage attaché à des stratégies plus conventionnelles, où la capture de la capitale politique, objectif symbolique, est prédominante. Même si Hitler considère ces préoccupations d'un autre temps, il concèdera la poursuite simultanée des objectifs que sont Moscou et Léningrad. Lors de la mise en œuvre de ce plan, le groupe Nord sera incapable de prendre Léningrad seul, malgré sa supériorité en effectifs et en artillerie sur la faible garnison qui protège la ville de Pierre le Grand et décidera de l'affamer.

Plan d'origine des Allemands.

Hitler décide que le premier but à atteindre est l'anéantissement de l'Armée rouge le plus tôt possible, pour l'empêcher de se replier et d'appliquer la politique russe traditionnelle de défense devant toute invasion majeure : la terre brûlée. Pour ce faire, la Wehrmacht doit encercler, chaque fois qu'il sera possible, des portions importantes des forces soviétiques pour les anéantir.
Le plan adopté est une sorte de mélange des deux stratégies. Il prévoit une attaque sur trois axes, avec du nord au sud :
Une poussée vers Léningrad, à travers les pays baltes, menée par les 16e et 18e armées, ainsi que le 4e groupe blindé, regroupé dans le groupe d'armées Nord commandé par le maréchal Wilhelm von Leeb et appuyé par la 1re flotte aérienne du général Alfred Keller.
L'attaque principale menée par le groupe d'armées Centre, commandé par le maréchal Fedor von Bock, et comprenant les 2e et 4e armées, ainsi que les 2e et 3e groupes blindés, le tout étant soutenu par la 2e flotte aérienne du général Albert Kesselring. L'objectif de ce groupe est Moscou, mais grâce à sa position centrale, il doit appuyer les deux autres mouvements et s'attacher à anéantir le maximum d'unités soviétiques.
Le groupe d'armées Sud, commandé par le maréchal Gerd von Rundstedt et comprenant les 6e, 11e et 17e armées ainsi que le 1er groupe blindé, appuyé par la 4e flotte aérienne du général Alexander Löhr. Il doit bénéficier de plus, dès leur entrée en guerre, de l'appui non négligeable des 3e et 4e armées roumaines. Il a pour objectifs premiers la ville de Kiev, le port d'Odessa, puis les grandes villes industrielles de Kharkov, Dniepropetrovsk et Donetsk. Ses objectifs finaux étant les ports de Sebastopol en Crimée, Rostov-sur-le-Don et la grande ville de Stalingrad, clé du contrôle de la Volga.
L'objectif final de la campagne est d'établir, avant l'hiver, un front qui partant de Léningrad suivrait le cours de la Volga, jusqu’à son embouchure. D'ici là, l'Allemagne compte sur une destruction complète de l'Armée rouge, car les effectifs engagés seront incapables de mener les tâches d'occupation du pays conquis et la tenue de ce gigantesque front, long de plusieurs milliers de kilomètres. Le 12 août 1941, le maréchal Wilhelm Keitel, chef de l'Oberkommando de la Wehrmacht, indique dans sa directive 34a le principal objectif opérationnel de l'offensive: L'objet des opérations doit être de priver l'ennemi, avant la venue de l'hiver, de son gouvernement, de son armement et de son centre de communication dans la région de Moscou, et de l'empêcher ainsi de reconstituer ses forces et de faire fonctionner de façon ordonnée ses organes de gouvernement.
Initialement fixée au 15 mai 1941, l'invasion est finalement reportée au 22 juin afin de terminer les opérations de conquête de la Grèce et de la Yougoslavie, rendues nécessaires, dans l'esprit de Hitler, par le putsch de Belgrade de mars 1941 à la suite des déboires de Mussolini en Grèce.

Déploiements de troupes et derniers préparatifs

Déployer plus de 2 millions de soldats le long de la frontière est une action de longue haleine.
En effet, dès le mois de juillet 1940, les services de renseignement soviétiques prennent conscience de l'ampleur des déploiements de troupes allemandes le long de leur frontière occidentale.
Dans les dernières semaines précédant le déclenchement de l'opération, des concentrations de troupes allemandes sont repérées par les services de Beria : au mois de juin, les agents de ces services en postes en Ukraine et dans les pays baltes informent le gouvernement soviétique non seulement des concentrations de troupes allemandes, mais aussi de l'impact de ces concentrations de troupes sur les transports ferroviaires : le renseignement soviétique dresse au fur et à mesure des mois précédant le conflit non seulement l'inventaire des unités de plus en plus nombreuses cantonnées sur la frontière occidentale de l'Union soviétique, mais aussi la cartographie de leur déploiement et de l'implantation de leur commandement. Les agents soviétiques comptent, le 9 juin 1941, par exemple, le nombre de convois militaires transitant par Königsberg en direction de l'Est : sur dix-sept trains, douze assuraient le transport d'unités mécanisées, trois le transport de chars d'assaut, un le transport d'artilleries de campagne, et un train de matériel médical ; de même, en Roumanie, des unités sont acheminées par train au plus près de la frontière soviétique. un agent soviétique de retour en URSS, empruntant le train depuis Varsovie, note la présence de nombreuses unités cantonnées dans les forêts à proximité de la frontière, des convois de camions d'une longueur importante.
Dans les semaines précédant l'invasion, le réseau de communications est remis en état : les routes stratégiques sont réparées et pavées, le réseau ferroviaire, dans les parties de la Pologne anciennement russe occupée par le Reich, adapté pour l'écartement du matériel allemand et les ponts gardés par des unités d'artillerie légère. Dans le même temps, des aérodromes sont aménagés, des dépôts d'essence et de munitions sont mis en place à proximité de la frontière.
De plus, au cours du printemps 1941, la Luftwaffe multiplie les vols de reconnaissance sur le territoire soviétique : le 21 juin, l'ambassadeur allemand, Schulenburg, est convoqué par Molotov qui se plaint de la quantité des vols de reconnaissance allemands violant l'espace aérien soviétique, 180 depuis le début du mois d'avril, selon la note de l'ambassade soviétique remise au ministère allemand des affaires étrangères. Aux mois de mai et juin, dans les jours précédant l'invasion, ces vols de reconnaissance se font de plus en plus nombreux et comptent à leur bord des officiers supérieurs : le NKVD en dénombre 91, soit autant que dans les six mois précédents. Au cours du mois de juin 1941, Göring, chef de la Luftwaffe reçoit l'ordre de transférer les quartiers généraux des flottes aériennes allemandes Luftflotten en Roumanie, et, ainsi, de quitter Berlin ; dans le même temps, la deuxième ligne de la Luftwaffe, sorte de réserve opérationnelle, est transférée vers l'Est, alors qu'elle se trouvait jusqu'alors en France et dans l'Ouest du Reich, tandis que son état-major est transféré à Posen.

Consignes et ordres donnés aux commandants

Dès ses prémisses, la préparation opérationnelle est doublée de la préparation d'un certain nombre de consignes distribuées à l'ensemble des commandants de corps engagés dans les opérations militaires. Ces consignes font l'objet de discussions entre le haut-commandement et la SS durant tout le printemps 1941. En effet, le 3 mars 1941, Jodl rencontre Hitler pour lui faire état des propositions des militaires relatives à l'occupation de larges portions du territoire soviétique. Ces propositions sont débattues entre les intéressés durant tout le printemps.
Tout d'abord, toutes les consignes données sont élaborées ; influencées par un ordre de Jodl qui suit sa discussion avec Hitler le 3 mars 1941 :
La zone de compétence de l'armée doit être la moins profonde possible, avec le moins possible de cadres administratifs militaires ;
Les tribunaux militaires sont incompétents pour juger les partisans capturés, compétence qui relève du ressort de la SS ; celle-ci dispose en outre de la liberté d'action dans les zones de combat ;
Les territoires occupés à l'Est seront placés sous l'autorité du Reichsführer SS, qui dispose d'une totale autonomie d'action ;
Non seulement les Juifs, mais aussi les commissaires et les fonctionnaires du parti, doivent être exterminés.
Le 30 mars 1941, à l'OKW, Hitler présente aux généraux qui seront responsables du front certaines consignes qui seront données aux troupes : il propose aux officiers présents de mener une guerre d'extermination contre l'URSS, dont les cadres sont considérés comme des criminels asociaux, et contre le bolchevisme désintégrateur, dont le Juif est la figure de proue. Dans les deux mois précédant l'invasion, d'autres directives autorisent les exécutions de représailles de grande ampleur, accordent de fait l'impunité aux soldats auteurs d'exactions contre les civils, justifient les exécutions des commissaires.
Enfin, les directives distribuées au niveau des divisions comportent non seulement la seule mention explicité du sort réservé aux Juifs, mais fournit aussi surtout un cadre légal au comportement d'une troupe d'occupation impitoyable.
La guerre à l'Est est donc bien présentée comme une guerre idéologique totale contre le Judéo-bolchevisme, contre une sous-humanité Untermenschtum ; dans ce contexte, ces ordres impitoyables tendent tous à extirper le bolchevisme Juif. Mais ces ordres demeurent flous, sujets à interprétations par les soldats et les officiers qui sont appelés à les exécuter.

Préparatifs économiques de l'invasion

Dans ses propos au début de l'année 1941, Hitler développe également un argumentaire économique de justification de l'invasion, mettant en exergue les immenses richesses de la Russie d'Europe, que le Reich pourrait utiliser dans des conflits à l'échelle continentale. L'exploitation de ces richesses est confiée à une administration dépendante du Plan de Quatre Ans, dirigée par Göring, qui doit, dès les premiers jours de l'occupation, assurer l'approvisionnement de l'armée en nourriture, donner au Reich des moyens alimentaires supplémentaires et remettre en marche l'appareil productif des régions occupées. Organisé en groupes spécialisés, l'état-major économique Est se voit représenté au sein de chaque groupe d'armées par un service spécifique. Les arguments développés par Hitler ne laissent pas insensibles les responsables militaires : anticipant une victoire rapide, Halder inclut Bakou et les champs pétrolifères de la mer Caspienne.
Des conférences sont organisées dans le courant de mai 1941 entre les chefs des services économiques de l'OKW et les représentants des ministères économiques. Dans le même temps, le secrétaire d'État à l'agriculture Herbert Backe propose une politique de réduction par la famine, conséquence de la priorité accordée aux prélèvements allemands, et par l'exil en Sibérie des populations urbaines du Nord de la Russie d'Europe régions de Moscou, et la mise en place de deux zones de production de denrées alimentaires.
De plus, la guerre à l'Est doit autant que possible ménager le contribuable allemand, selon une note des services de Göring et se faire à coût réduit pour le Reich: les bénéfices tirés de l'exploitation des territoires à conquérir doivent être utilisés pour rembourser les dettes de guerre, générées par leur conquête.
Enfin, à cette préparation économique est adjoint un volet bancaire, dans lequel la Reichsbank joue un rôle essentiel. En effet, au début du mois de juin 1941, sont organisées des caisses de crédit motorisées de la Reichsbank, créditée dans un premier temps de la somme totale de 1,5 milliard de marks de campagne, émis pour l'occasion par la Reichsbank à la demande de la Wehrmacht à partir du 12 juin 1941. Ces marks de campagne doivent constituer dans les zones envahies la seule monnaie ayant cours légal au fur et à mesure de l'avance des troupes allemandes, les autres pièces étant confisquées par les agents de ces caisses de campagne motorisées.
Dans le même temps, les responsables de la Reichsbank qui mettent au point les modalités de la circulation monétaire dans les territoires occupés, planifient la reprise par les entreprises allemandes des unités de production soviétiques : une politique de prêts, destinée à accélérer la remise en marche de ces industries, est ainsi définie : les prêts sont octroyés directement et en l'absence de toute garantie, contrairement aux usages.
L'ensemble des préparatifs économiques du Reich et de ses alliés, en vue de l'invasion de l'URSS, n'échappe ni aux diplomates, ni aux agents de renseignements soviétiques : en effet, au cours du printemps 1941, les responsables soviétiques sont parfaitement informés de l'ensemble des paramètres industriels de l'invasion. Ainsi, le NKGB renseigne-t-il sur la nature des productions de guerre : bombardiers tactiques et projets de bombardiers stratégiques, chars d'assaut.

La réalité de la préparation soviétique

L'inéluctabilité d'une guerre avec une Allemagne nazie qui considère l'URSS comme son espace vital en allemand Lebensraum ne fait guère de doutes en URSS. Peu avant la signature du pacte, l'URSS rappelle ainsi à l'Allemagne qu'elle n'a pas oublié ce que Hitler a écrit dans son livre Mein Kampf. En outre, après la défaite de la France, c'est un secret de polichinelle que l'Allemagne a déployé son armée vers l'Est, le gouvernement soviétique estimant que 94 divisions d'infanterie nazies sont désormais positionnées sur la frontière orientale de l'Allemagne. Staline lui-même déclare que l'effet du pacte germano-soviétique est que nous soviétiques seront épargnés par la guerre un peu plus longtemps, tandis que Hitler souligne que l'URSS est en attente d'une situation difficile pour l'Allemagne et que Staline se révèle plus effronté pendant les mois d'hiver, où il se sent à l'abri d'une attaque nazie. L'effet des purges sur le commandement de l'Armée rouge avait fortement affaibli l'armée, même si ces purges ont aussi contribué à renouveler l'armée par une génération plus éduquée. Le pacte germano-soviétique était en partie justifié par les Soviétiques par la volonté de bénéficier de temps pour s'armer. En juin 1941, les violations de l'espace aérien soviétique par des avions de reconnaissance allemands ne provoquent aucune réaction et malgré les signes croissants d'une attaque allemande, Staline refuse les mesures les plus élémentaires de préparation au combat, comme la création de fortifications de campagne, la dispersion des matériels et la mise en alerte de l'Armée rouge. Staline interprétait les mouvements allemands comme des provocations, auxquelles il ne fallait pas répliquer en engageant des préparatifs de combats. C'est donc dans un relatif état d'impréparation que l'attaque allemande du 22 juin surprend l'URSS

L'encadrement soviétique à la veille du déclenchement des opérations

Vassili Grossman, témoin direct du front, raconte dans ses Carnets de guerre : "Au moment où la guerre a commencé, beaucoup de commandants en chef et de généraux étaient en villégiature à Sotchi. Beaucoup d’unités blindées étaient occupées à changer les moteurs, beaucoup d’unités d’artillerie n’avaient pas de munitions, pas plus que, dans l’aviation, on n’avait de carburant pour les avions…. Lorsque, depuis la frontière, on commença à avertir par téléphone les états-majors supérieurs que la guerre avait commencé, certains s’entendirent répondre : Ne cédez pas à la provocation. Ce fut une surprise, au sens le plus strict, le plus terrible du terme".
Les unités sont cruellement handicapées par le manque d’officiers correctement formés. L’armée a perdu la plupart de ses représentants les plus compétents. Après la Grande Terreur communiste de 1936-1938 près de 750 000 Russes fusillés, et sans doute 200 000 morts dans les camps du Goulag une grande partie de l’encadrement de l’Armée rouge a disparu. Ont été fusillés : 11 000 officiers sur 70 000 et plus de 20 000 sont internés dans les camps, 154 généraux de division sur 186 82 %, 50 généraux de corps d’armées sur 57 88 %, 13 commandants d'armée sur 15 87 %, la quasi-totalité des maréchaux 90 % et des amiraux 89 %. Khrouchtchev devait souligner que cette épuration massive des cadres de l'armée avait été l'une des causes principales de l'état d'impréparation des forces soviétiques en juin 1941: "Tant d'hommes avaient été exécutés que le haut commandement avait été dévasté, ainsi que tous les échelons du corps des officiers". À noter que cette épuration continuait alors même que l'invasion allemande se développait, ce qui faisait dire à Stepan Anastasovich Mikoyan: "Une grande guerre s'était engagée, notre armée souffrait de lourdes pertes et essuyait des défaites, et, dans le même temps, des chefs militaires expérimentés, au lieu d'être appelés à sauver la situation, étaient mis à mort en toute hâte…".
Durant les purges ont non seulement été exécutés les militaires, mais aussi les conceptions militaires permises dans le contexte révolutionnaire des années 1920-1936 : rompant partiellement avec les conceptions héritées de Clausewitz, des théoriciens militaires, regroupés autour de Toukhatchevsky, théorisent un troisième niveau de décision militaire, à mi-chemin entre le tactique et le stratégique : le niveau opérationnel, qui permet d'associer le but à atteindre et les moyens, ceux dont disposent le commandement et ceux à mettre en œuvre pour la réalisation des buts définis. Ainsi, la doctrine militaire soviétique allie la mise en place de troupes de couverture et l'ordonnancement d'unités sur de grandes profondeurs, pour permettre une contre-attaque rapide.
Les conséquences sur la qualité du corps des officiers sont tragiques. Au moment où l’armée française s’effondre sous les coups de l’armée allemande, à peine 7,1 % des officiers soviétiques possèdent une formation militaire développée ; près de 25 % sont dans des cours de formation accélérée et 12 % n’ont aucune formation militaire. Plus d’un tiers des officiers soviétiques est donc incapable de remplir un commandement à la veille de l’attaque allemande. Le commandement est tétanisé. En outre, beaucoup des officiers en place en 1941 ont d'abord été choisis pour leur fidélité au régime et non pour leur compétence. S'ajoutant aux consignes de modération données à l'égard des préparatifs allemands, leur incompétence favorisa la désorganisation et le déploiement hasardeux des unités chargées de la défense de la frontière. Les troupes étaient, en effet, pour la plupart placées trop près de la frontière et s'appuyaient sur une ligne de fortification encore en cours de réalisation, la Ligne Molotov. Enfin, les officiers soviétiques de 1941 sont placés sous l'autorité des commissaires politiques de l'Armée rouge. Le contrôle de ces derniers sur les ordres d’opérations ne sera levé qu’à la mi-1943 et après Stalingrad, l’Armée rouge remet en vigueur les grades et les épaulettes de l’Armée Impériale de la monarchie.
De plus, les Grandes purges ont abouti à priver l'Armée Rouge de cette doctrine et de ses cadres.

Des changements au sommet de la hiérarchie militaire soviétique

En juin 1940, le remplacement de Vorochilov par Timochenko met un terme à cette hémorragie : 4000 officiers sont libérés et rappelés par l'Armée, un certain nombre d'officiers ayant fait leurs preuves sont promus ils forment l'épine dorsale du commandement soviétique durant le conflit, le commandement de la flotte est reconstitué, mais, par manque d'expérience, il n'est pas en mesure d'obtenir les mêmes succès que les commandants des troupes terrestres. Parallèlement à ce renforcement du commandement, de nouveaux règlements sont édictés, réintroduisant la discipline, les grades et supprimant les compétences militaires du commissaire politique.
Timochenko se propose de revoir également la totalité du dispositif défensif et offensif soviétique : en septembre 1940, il présente ses projets de défense à Staline et insiste sur la possibilité d'une guerre contre une coalition dirigée par le Reich et comprenant l'Italie, les États balkaniques, la Hongrie, la Roumanie et la Finlande : différents projets sont élaborés, axés sur une concentration des opérations soit au centre du front (Pologne, Biélorussie), soit au sud, pour s'emparer de la péninsule balkanique.
Dans les heures précédant l'invasion, le commandement soviétique connait une dernière mue, dans la lignée des changements de 1940 : Joukov, chef de l'armée d'Orient qui vient de vaincre l'armée japonaise en Mandchourie du Nord, promoteur de la mobilisation préventive contre le Reich, alors de plus en plus agressif, est nommé le 21 juin, commandant des fronts Sud et Sud-Est, où l'on imagine alors le principal axe de l'attaque allemande et son ancien chef d'état-major, promoteur comme lui d'une préparation accélérée du conflit, est nommé au commandement du front Nord, stationné dans les Pays baltes. Aussitôt nommés, ces généraux donnent des consignes en vue d'une mobilisation accélérée des troupes de couvertures, et ordonnent la mise en place de mesures spécifiques sur les villes et les installations militaires, à mettre en place pour le petit matin du 22 juin.

Les services du renseignement soviétiques face aux préparatifs allemands

La surprise ne fut pas totale pour le pouvoir soviétique puisqu'il a été établi que l'espion Richard Sorge et les analystes suédois menés par Arne Beurling avertirent Staline de la date exacte de l'invasion allemande. Plus de 80 avertissements furent transmis, d'une manière ou d'une autre, à Staline, qui pensait que l'attaque lui était politiquement interdite. Il semble que Staline se soit entêté dans l'idée qu'Hitler n'ouvrirait pas un second front sans en avoir fini avec l'Angleterre, conformément au conseil formulé autrefois par le chancelier allemand Bismarck intimant à l'Allemagne de ne pas avoir deux fronts simultanément à l'est et à l'ouest. Il refusa catégoriquement toute mesure risquant d'être perçue comme une provocation par le régime de Berlin.
De plus, les préparatifs allemands n'échappent cependant ni aux agents de renseignement soviétiques, ni aux militaires, qui, de leur côté, donnent l'ordre aux unités stationnées à la frontière occidentale de se tenir prêtes à toute initiative allemande, malgré les réserves de Staline ; dans la deuxième quinzaine de juin, Joukov ordonne de camoufler pour le 1er juillet les installations militaires, les concentrations de troupes et de blindés soviétiques : dans ses consignes du 19 juin, Joukov accorde une place importante aux terrains d'aviation, ordonnant des mesures à mettre en place au 1er juillet : camouflage des pistes d'atterrissage et des installations, enterrement des citernes de carburant, création de terrains factices. De même, les commandants d'unités reçoivent l'ordre de se tenir prêts au combat, dans les deux ou trois heures, selon qu'ils exercent leur commandement dans des unités d'infanterie, d'artillerie ou de blindés, y compris dans le détail : plein d'essence pour les véhicules, obus à déballer des boîtes de stockage, bandes de mitrailleuses à tenir prêtes, rations de nourriture conditionnées et cuisines roulantes opérationnelles…
Dans le même temps, les services soviétiques sont informés de certains aspects de la préparation politique de l'invasion : les tentatives de la propagande allemande de désigner courant juin un autre adversaire que l'Union soviétique laissent de marbre les responsables du renseignement soviétiques, mais dupent Staline. Cependant, ces rumeurs alimentées par la presse allemande laissent sceptiques les relais soviétiques dans le Reich ; ces sources soviétiques sont conscientes du rôle dévolu à Alfred Rosenberg, qui déclare vouloir rayer de la carte le nom de Russie, comme elles sont informées de l'identité des futurs responsables nazis des territoires occupés85. De même, les services de renseignement s'interrogent sur l'évacuation des personnels, de leur famille et de certaines archives d'autres sont brûlées dans la cour de l'ambassade de l'ambassade du Reich à Moscou à partir du 10 juin, tandis que l'Intourist doit faire face à une demande exceptionnelle de billets d'avions à destination du Reich pour le mois de juin ces demandes de billets étant liées à des demandes de visas, les services du NKVD en sont automatiquement informés.
Dans le même temps, la forte activité des indépendantistes ukrainiens n'échappe pas non plus aux services soviétiques. Le directeur du KGB de la République Socialiste Soviétique d'Ukraine signale l'existence d'une bande armée d'un millier d'hommes regroupés autour de Stephan Bendera : ce millier d'hommes réfugiés dans les forêts à proximité de la frontière avec le Reich et la Roumanie attaquent les Kolkhozes ; en outre des nationalistes ukrainiens sont interceptés par des patrouilles soviétiques ; de plus, de nombreux cas de sabotages de la production agricole sont rapportés. En Moldavie, des activistes entretiennent l'agitation les jours de marché, en affirmant par exemple, que l'Armée Rouge, dans sa retraite, emportera avec elle tout le bétail des paysans ; ces derniers apeurés quittent le marché et s'empressent de mettre leurs troupeaux hors d'atteinte.

Les services de renseignement soviétiques sont également informés par leurs homologues britanniques. Parfaitement informé des concentrations de troupes allemandes, les Britanniques, sur les ordres de Eden, informent les responsables du renseignement soviétique de cet état de fait le 9 juin ; le 13 juin, Eden convoque l'ambassadeur soviétique à Londres pour le tenir informé des derniers renseignements dont il a eu connaissance, mais ce dernier reprend la position officielle soviétique, à savoir que la Grande-Bretagne souhaite faire basculer l'Union soviétique dans le conflit. Cependant, à la réception de ces informations, l'ambassadeur soviétique à Londres demande, puis obtient le 15 juin 1941, après accord de Churchill, que les messages allemands interceptés et décodés par les Britanniques soient communiqués au gouvernement soviétique. Le lundi 16 juin 1941, alors que, sceptique, Maisky, l'ambassadeur soviétique est convoqué, à sa grande surprise, au Foreign Office, il est abasourdi par le détail des renseignements militaires fournis par les britanniques, et câble en urgence un rapport précis de l'entretien, dressant un tableau relativement précis des mesures de concentration allemandes. L'avant veille du déclenchement de l'opération, le 20 juin, alors qu'il se repose dans la campagne anglaise, Maisky est à nouveau convoqué au Foreign Office, pour recevoir les derniers renseignements britanniques sur les concentrations allemandes : sur la foi de décryptages de messages allemands, l'attaque aurait lieu le 21 ou le 22 juin. Dans la semaine précédant l'attaque, la diplomatie soviétique s'accroche à l'idée d'un ultimatum allemand précédant l'attaque que le gouvernement de Moscou trouve néanmoins inéluctable. Le 21 juin, alors que l'ambassadeur allemand oppose une fin de non-recevoir à toutes les demandes soviétiques, alors que Ribbentrop souhaite savoir où se trouve l'ambassadeur soviétique à Berlin94, deux transfuges allemands porteurs d'informations importantes relatives à l'attaque du lendemain sont interceptés en territoire soviétique, l'un dans la journée du 21, l'autre quatre heures seulement avant le déclenchement des hostilités ; à la réception de ces informations, malgré les dernières réserves de Staline, des ordres de mobilisation sont préparés et les troupes de couverture maintenues en état d'alerte.

Les mesures de concentration soviétiques

Au cours des mois d'avril et mai, Joukov et Timochenko préparent des plans de mobilisation en vue de mener une guerre défensive sur les frontières soviétiques, et les mettent à jour à la mi-juin, dans des consignes diffusées aux commandants des forces de couverture, disséminées le long des frontières occidentales de l'Union soviétique, mais toutes les mesures préconisées sont écartées pour éviter qu'elles n'induisent de la part du Reich un sentiment de provocation soviétique. En outre, courant juin, des unités reçoivent des ordres de transfert à proximité de la frontière allemande et en Ukraine, ces transferts devant se faire de manière discrète et devant aboutir par la mise en état de combat des zones dans lesquelles les unités ont été transférées au 1er juillet. De plus, à partir du 10 juin, Joukov et Timochenko se font plus insistants auprès de Staline, à qui ils demandent de mettre les troupes stationnées en Europe en état d'alerte maximum : le 18 juin, par exemple, ces deux officiers participent à une réunion avec Staline, à qui ils présentent des cartes établies par leurs services, des concentrations de troupes du Reich et de ses alliés le long de la frontière soviétique, ce que l'homme fort de l'Union soviétique refuse dans un déchainement de violence et de menaces contre ses généraux.
En outre, le jour de l'invasion, beaucoup d'unités sont paralysées par des carences en matériels de guerre. Les armes individuelles ont été distribuées en quantités insuffisantes. Déjà, en mars 1941, 30 % seulement des unités blindées disposaient des pièces de rechange nécessaires à leur fonctionnement. Un mois avant l'attaque allemande, les généraux signalaient que "l'exécution du plan pour la fourniture des équipements militaires dont l'Armée rouge a un besoin si aigu est extrêmement peu satisfaisante".
Lire la suite -> http://www.loree-des-reves.com/module ... ost_id=5999#forumpost5999

Posté le : 22/06/2014 17:04
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Opération Barbarossa suite 2
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
Un complexe militaro-industriel en pleine mutation

Pourtant, l'Union soviétique de 1941 est loin d'être un pays faible : l'industrialisation forcée des années 1930 lui permet de n'être dépassée que par les États-Unis en termes de production industrielle industrie lourde principalement. Ses matériels militaires sont souvent à la pointe de l'industrie mondiale, comme les chasseurs I-16 ou le char T-26. Cependant, depuis 1939, l'industrie d'armement du pays traverse une crise de transition, les nouveaux matériels ont beaucoup de mal à entrer en production de masse. D'autant que depuis le pacte germano-soviètique le transfert vers l'est de l'appareil militaro-industriel machines+personnel est effectif.Le déclenchement de la guerre contraindra le système soviétique à davantage d'efficacité, comme le montre la rapide montée en puissance de nouveaux matériels de guerre performants. Considéré comme le meilleur char tout emploi de la Seconde Guerre mondiale, le T-34 sera le tank le plus important des forces alliées. Il influencera nettement tous les chars conçus ultérieurement. Il sera le premier char capable de rivaliser et de surpasser ses adversaires tant par sa puissance de feu que par ses performances. Quand les premiers exemplaires de série sortirent en juin 1940, il n'avait pas d'équivalent. Produit en grand nombre dans différentes usines en fonction de l'avancée de la Wehrmacht en territoire soviétique usines de Stalingrad, de Kharkov, de Nizhnij Tagil, d’Omsk, etc., il pesait 32 tonnes et emportait un équipage de 4 hommes. Il existait à peine plus de 1 000 T-34 lorsque les Allemands attaquèrent la Russie. Seuls 10 % des chars soviétiques étaient alors des T-34, mais à la mi-1943 ce taux montait à 60 % avant que le T-34 n'ait totalement remplacé en 1944 les modèles les plus anciens. De 1941 à 1945, dans ses différentes versions, l’industrie russe en produisit près de 52 000 exemplaires.

Les forces en présence Forces de l'Axe

Le dispositif d'invasion de l'Axe est sans équivalent dans l'histoire militaire excepté l'immense offensive soviétique de conquête de l'Allemagne lancée le 12 janvier 1945 avec 6,7 millions de combattants. Hitler a mobilisé 3 millions de soldats du Reich qui commencent à se déployer en février, en Prusse-Orientale, en Pologne, en Slovaquie et en Moldavie.
L'Ostheer inclut également des divisions hongroises, roumaines et finlandaises 500 000 hommes pour ces trois nationalités et, par la suite, italiennes l’Italie aura jusqu’à 200 000 hommes sur le front : soit 201 divisions dont 42 de pays satellites, 3 650 chars d’assaut 85 % des disponibilités en blindés du Reich, 2 770 avions, plus de 47 000 canons et mortiers de campagne.
Avec ses alliés, l'Allemagne aligne 3 800 000 soldats97, 4 300 chars, dont 444 d'un modèle récent, le Panzer IV98, appuyés par 4 389 avions.
L’Allemagne engage 159 divisions sur les 220 dont elle dispose alors 73 % des effectifs totaux de la Wehrmacht. Ce sont pour la plupart des troupes aguerries par les campagnes précédentes, bien équipées et bien motorisées 600 000 véhicules grâce en particulier aux prises de guerre de la bataille de France. On note cependant l’utilisation en juin 1941 de 600 000 chevaux par les équipages du train.
Si ces effectifs sont sans précédent dans une guerre de conquête, ils semblent insuffisants au regard du potentiel de l'Union soviétique et des immensités russes. L'armée d'invasion compte seulement 800 chars et 30 divisions de plus qu'au déclenchement du Fall Weiss contre la France. Il reste que, sur les axes de pénétration et les points de percée, la supériorité de la Wehrmacht en matériels et en effectifs est écrasante, dans un rapport de 4 à 5 contre 1 et que l'armée allemande est remarquablement rompue au combat tactique, capacité qui fait cruellement défaut aux troupes soviétiques au moins jusqu'à la bataille de Koursk. La Blitzkrieg est donc la carte maîtresse qui décide de l'issue du front que le Reich nazi décide d'ouvrir contre la Russie.

Forces soviétiques

Les chars récents équipant l'armée rouge au moment de l'invasion : de gauche à droite, un BT-7, le prototype A-20, le T-34 modèle 1940 et le T-34 modèle 1941. La découverte du T-34, non signalée par les services de renseignement de l'Abwehr, sera une surprise si frappante pour l'État-major allemand que le général Von Kleist le considèrera comme "le meilleur char du monde" ; l'URSS en produira 55 000 avant la fin de la Grande guerre patriotique.
L’Armée rouge dispose au total, en juin 1941, de 209 divisions d’infanterie dont 160 sont stationnées en Russie occidentale, soit en principe 2 680 000 soldats à effectifs pleins en 1941 la division d’infanterie allemande compte à effectif au complet 16 500 hommes contre 14 474 pour la soviétique. En réalité, 144 divisions comptent seulement la moitié de leurs effectifs et 65 un tiers. C’est donc à peine un peu plus d’un million de soldats, pris au dépourvu, qui vont devoir s’opposer à la déferlante allemande sur un front de plusieurs milliers de kilomètres. Les Soviétiques peuvent mettre en ligne 37 500 canons, 1 540 chasseurs de dernière génération, mais un nombre considérable de vieux avions 35 000-40 000 et de tanks sont déclassés. L’Armée rouge n’a plus, depuis leur dissolution par le pouvoir soviétique en 1939, de corps mécanisés à opposer à la Wehrmacht, corps blindés qui sont en grande partie une création du maréchal Mikhaïl Toukhatchevski fusillé en juin 1937 - sa femme, sa mère et son fils, élève-officier, sont également exécutés en 1937. Enfin, l’Union soviétique doit se garder sur deux fronts : une quarantaine de divisions restent stationnées jusqu’en août 1945 en Extrême-Orient russe face aux armées japonaises qui occupent la Mandchourie.
L’état-major allemand entend profiter à plein de la faiblesse militaire de la Russie soviétique. Hitler devait ainsi déclarer au général Jodl : Nous n'avons qu'à donner un coup de pied dans la porte et toute cette structure pourrie s'effondrera. Pourtant, d’après le rapport entre les effectifs humains engagés et le nombre d’engins, la Wehrmacht sur le front russe l’Ostheer était moins moderne que son adversaire direct, l’Armée rouge, même si, malgré les enseignements de Toukhatchevski, les Soviétiques, comme leurs alliés occidentaux, n’avaient pas encore appris à tirer le maximum de leur puissance matérielle. En juin 1941, sur les 3 648 chars qui se ruent sur la Russie, seuls 444 sont des modèles relativement récents Panzer IV. Face à eux se trouvent un million d’hommes, soutenus par 4 300 chars. Si la grande majorité de ces engins étaient des modèles périmés, 1 861 d’entre eux étaient des chars T-34 et des chars lourds KV, supérieurs aux meilleurs engins produits à l’époque en Allemagne, mais handicapés par l'absence de radios en nombre suffisant.

L'invasion

Les conditions sont donc très favorables pour l'Allemagne nazie. Le dimanche 22 juin 1941, l'armée allemande s'ébranle. Les unités d'assaut élite franchissent la frontière et attaquent les premières lignes soviétiques constituées de formations tout-venant les troupes d'élite ne seront engagées que sur la bataille de Moscou ce front. Cette attaque commence sans déclaration de guerre à 3 h 30103 et vise 66 aérodromes soviétiques. Elle a des résultats désastreux pour l'Armée rouge, puisqu'elle donne à la Luftwaffe la maîtrise absolue du ciel soviétique pendant plusieurs semaines. Les bombardiers allemands trouvent les avions soviétiques alignés ailes contre ailes à leur base, généralement sans camouflage ni protection. La plupart du temps, l'alerte n'a même pas été donnée et peu d'avions de chasse peuvent décoller. Les pertes de l'Armée de l'air russe sont terribles : attaquée sur 66 aérodromes, à midi elle a perdu 1 200 avions, dont 800 cloués au sol ; le soir, 1 489 appareils ont été détruits au sol et 389 autres abattus en vol. La Luftwaffe ne perd que 63 avions le 22 juin et 150 en tout les deux premiers jours de l'offensive.

Déroulement de l'opération sur l'année 1941.

Le franchissement de la ligne de démarcation germano-soviétique qui séparait le Reich de l'URSS depuis l'invasion de la Pologne et son équivalente soviétique était éminemment symbolique pour l'opération Barbarossa ; la propagande se targua d'une première dans l'utilisation des véhicules amphibies.
À 4 h 15, l'artillerie allemande se met à pilonner les positions avancées de la défense soviétique sur la frontière et, à 4 h 45, les premières unités terrestres franchissent celle-ci. La surprise chez les Soviétiques est totale : la Stavka avait bien émis un ordre qui avertit les unités frontalières de l'imminence de la guerre, mais la plupart des unités ne l'avaient pas reçu. La première opération est menée sur le front central, par un coup de main d'un corps franc de la 3e Panzerdivision, qui s'empare du pont de Koden, sur le Bug. Dans la matinée, un pont de bateaux est lancé à Drohizyn, 80 km plus au nord. La tête de pont ainsi créée est appuyée par l'emploi de 80 chars Pz-III submersibles. À l'extrémité Nord du front, le long de l'ancienne frontière lituanienne, le 22 juin dès le déclenchement de l'invasion, un bataillon allemand tente de prendre la ville de Garsden ; jusque tard dans l'après-midi, ils doivent affronter les gardes frontières soviétiques, armés de pistolets, dans plusieurs quartiers de la ville.
La résistance des Soviétiques est assez décousue sur la plus grande partie du front : des groupes de soldats se rendent au premier blessé, d'autres ne cèdent rien. Lorsque, à partir de 3 h 30 du matin, les premiers pilonnages ont lieu, Staline, perplexe sur les motivations allemandes, interdit aux militaires de répliquer, ou d'ordonner les déploiements prévues par les plans de mobilisation, pensant n'avoir affaire qu'à une attaque locale, malgré les renseignements de Timochenko concernant toute la longueur de la frontière occidentale de l'Union Soviétique ; ce n'est que tard dans la journée, après une réunion du Politburo et des échanges en parallèle entre certains de ses membres, Staline, Kaganovitch, Molotov, Malenkov et Vorochilov et lorsque les contre-mesures prévues de longue date sont devenues inapplicables, que les unités reçoivent l'ordre de répliquer aux troupes allemandes.
Improvisée dans son ensemble, malgré les directives de Joukov et Timochenko, la résistance soviétique est cependant acharnée sur quelques points, comme la citadelle de Brest-Litovsk défendue par les 6e et 42e divisions de tirailleurs, qui résistent, pratiquement sans eau, jusqu’à la fin juillet, bien qu'ayant été attaquée dès le matin du 22 juin. Sans appui d'aucune sorte, les soldats soviétiques de la citadelle sont totalement encerclés et sans espoir de secours puisque la nouvelle ligne de front est à 400 km plus à l'est. Ils continuent à se battre en dépit de la disproportion des forces et de l'emploi d'artillerie de siège lourde comme les mortiers de 620 mm. La seule 45e division d'infanterie affectée à la prise de la forteresse déplorera 482 tués dont 80 officiers et plus de 1 000 blessés. Les Russes perdront de 2 000 à 2 500 tués et autant de prisonniers. Mais par son action, cette résistance ralentit considérablement le mouvement des unités d'infanterie qui doivent empêcher les troupes soviétiques de s'échapper de la poche de Bialystok-Minsk.

Pendant ce temps, malgré quelques contre-attaques soviétiques, les unités mécanisées du groupe d'armées Centre franchissent le Bug, et s'enfoncent dans les arrières des unités de l'Armée rouge. Les deux groupes blindés du centre mènent alors, à partir du 26 juin, deux percées parallèles, pour finalement converger sur Minsk, le 9 juillet, créant la poche connue sous le nom de Bialystok-Minsk, où plus de 400 000 soldats soviétiques et d'énormes quantités de blindés et de matériels sont pris au piège. Relevés par l'infanterie des 2e, 4e et 9e armées, les blindés allemands continuent leur progression en direction de Smolensk. Ils franchissent la Bérézina le 28 juin, ayant parcouru 600 km depuis la frontière.
Au Nord, le groupe d'armées de Leeb progresse très rapidement grâce à l'attaque très en profondeur du 56e corps d'armée motorisé du général Manstein, qui s'empare du pont d'Ariogala situé à 80 km dans la profondeur du dispositif soviétique, dès 19 h 0, le 22 juin et renouvela l'exploit le 26, avec celui de Dunaburg à 350 km de la frontière, malgré une contre-attaque des chars du 3e corps mécanisé soviétique contre la 6e Panzerdivision au village de Rossiény. La bataille de chars qui en résulte fait rage pendant deux jours : l'Armée rouge y engage une centaine de chars de type KV-1 et KV-2, ce qui provoque une crise dans l'armée allemande, car ce char lourd est alors invulnérable aux canons des chars et aux armes antichar allemands ; l'usage de pièces d'artillerie de 88 et 105 mm employées en tir direct permet néanmoins aux Allemands d'endiguer la résistance soviétique. L'offensive marque un temps d'arrêt, car Hitler et son état-major préfèrent que les blindés attendent l'infanterie avant de poursuivre leur progression vers Léningrad. Mais le 3 juillet, Staline parle enfin à la radio, "l'ennemi est cruel…", et partout, l'Armée Rouge se raidit.
Le groupe d'armées Sud connaît pour sa part une progression bien plus difficile. Dans ce secteur sont massés le plus gros des chars de l'Armée rouge, dont de nombreux KV-1 et T-34. Bien que manquant complètement de coordination, les contre-attaques blindées coûtent cher aux Allemands. De plus, la Roumanie n'intervient qu'à partir du mois de juillet. Le 28 juillet, la situation empire brusquement pour les Soviétiques, quand le 1er groupe blindé et la 17e armée font leur jonction à l'est d'Ouman, enfermant dans une poche la majeure partie des 6e et 12e armées soviétiques. Les troupes encerclées résistent jusqu'au 8 août, mais elles sont contraintes à la reddition. Les pertes sont terribles pour l'Armée rouge, avec environ 200 000 tués et 100 000 prisonniers.

La bataille de Smolensk

Le 10 juillet, le groupe d'armées centre a commencé une opération d'encerclement contre les troupes défendant Smolensk, jalon important sur la route de Moscou ; le Dniepr est atteint et franchi le 11 juillet ; Smolensk tombe le 16, les troupes soviétiques étant coupées de leurs arrières. Mais cette fois, la réduction de la poche formée 323 000 soldats soviétiques va se révéler problématique : les troupes russes continuent à résister malgré leur isolement. À la suite d'une forte contre-attaque, l'encerclement est même rompu temporairement. Les combats vont durer jusqu'au 10 septembre, l'Armée rouge ramenant constamment de nouvelles troupes fraîches. Certes, ses pertes sont là aussi très importantes, mais la progression des Allemands est enrayée, et obligée de lutter pied à pied contre des troupes déterminées, l'armée allemande subit elle aussi une véritable hécatombe avec la perte de près de 250 000 hommes tués et blessés. 310 000 soldats et officiers soviétiques sont faits prisonniers, beaucoup seront sommairement exécutés. La bataille du chaudron de Smolensk porte à la Wehrmacht un coup dur dans sa progression vers l'est. Le général Blumentritt relève que "le comportement des troupes russes dans la défaite contrastait terriblement avec celui des Polonais ou des Occidentaux. Mêmes encerclés, les Russes s’accrochaient et combattaient".

La bataille de Kiev 1941. L'encerclement de Kiev et l'opération Typhon

À la mi-septembre, l'Armée rouge, à la suite des terribles pertes qu'elle a subies, a été contrainte de se replier sur une ligne de défense derrière la Divna et le Dniepr. Les armées allemandes ont regagné leur liberté de mouvement avec la fin de la liquidation de la poche de Smolensk. Les généraux réclament une attaque en direction de Moscou, désormais à 400 km du front. Il semble certain aux généraux allemands que, compte tenu de l'ampleur énorme de ses pertes, l'Armée rouge sera incapable de résister à une poussée dans cette direction. Hitler n'est pas de leur avis, il veut s'emparer de la région industrielle du Donbass. Il voit également la possibilité d'en finir avec les forces armées soviétiques qui ont mission de défendre l'Ukraine. Les arguments avancés par Hitler pour soutenir une avancée blindée vers le Sud sont que les lignes d'approvisionnement de l'armée centre seraient exposées sur un flanc de plus de 800 km si l'offensive continuait vers Moscou. En conséquence, il ordonne au 2e groupe blindé de Guderian de se porter vers le sud pour rejoindre le 1er groupe blindé du Generalfeldmarschall von Kleist qui remonte du sud après avoir traversé le Dniepr. Le 25 août, la 3e division blindée s'empare du point stratégique qu'est le pont sur la Desna, près de Novgorod-Severski. Lorsque les officiers d'état-major soviétiques prennent conscience du danger mortel qui se rue sur les armées du Sud, il est trop tard. Les deux pointes blindées allemandes se rejoignent à Lokhvitsa. Un gigantesque encerclement est réalisé autour de la région de Kiev et des marais du Pripet, dans lequel plus de 500 000 soldats soviétiques sont pris au piège. Kiev, la mère des villes russes dans la culture slave, tombe le 19 septembre et le reste de la poche suit dans le mois. Seuls 15 000 soldats et officiers parviennent à franchir le cordon allemand, dont Nikita Khrouchtchev, le général Semion Timochenko et le maréchal Boudienny. C'est le plus vaste encerclement militaire de l'Histoire. C'est aussi la plus grande défaite militaire ponctuelle de l'histoire soviétique. Au terme de la bataille de Kiev, l’armée allemande a encore 200 000 tués, blessés et disparus, mais les Soviétiques perdent près d'un million d’hommes 400 000 tués, 500 000 prisonniers exécutés sur place ou que les Allemands laisseront mourir de faim avant de déporter les survivants dans les camps d’Europe centrale.
Les principes de mobilité et d'effet de surprise, qui caractérisaient jusque ici les engagements stratégiques de la Wehrmacht sous le terme de Blitzkrieg, semblent encore prévaloir pendant l'été et l'automne 1941.
Partout, les unités de l'Armée rouge battent en retraite, dépassées par la rapidité de l'invasion. La plupart des habitants des zones envahies sont effondrés :

" La population. Ils pleurent. Qu'ils soient en route, qu'ils soient assis, qu'ils soient debout près des palissades, à peine commencent-ils à parler qu'ils pleurent, et on a soi-même envie de pleurer malgré soi. Quel malheur !"
— Vassili Grossman.

Pourtant, on commence à voir, çà et là, des habitants réserver un accueil prévenant aux troupes allemandes.
La route du Donbass est ouverte pour le groupe d'armées sud, qui atteindra Rostov-sur-le-Don le 21 septembre, mais les divisions blindées et motorisées de la Wehrmacht sont très éprouvées par les deux féroces batailles de la fin de l'été, et ce n'est que le 30 septembre que la progression peut reprendre en direction de Moscou. La saison des boues, la rapoutitsa, rend les routes impraticables, et provoque alors un arrêt des opérations mobiles pendant près de quinze jours, obligeant à patienter jusqu'aux premières gelées pour reprendre le mouvement.
Au nord, les troupes allemandes arrivent devant les premières lignes de défense de Léningrad, au début du mois de septembre. La prise de la ville, dont la défense est organisée par Joukov, s'avère vite impossible malgré les faibles moyens de défense de l'Armée rouge. Les Allemands s'abstenant d'un assaut direct, décident de l'investir progressivement pour l'affamer, avec l'aide des Finlandais, mais la ville, malgré des pertes humaines colossales 700 000 civils périrent de faim et des bombardements, résistera en fait jusqu’à son dégagement en 1944, au cours du siège le plus long et le plus impitoyable de l'histoire moderne.
En quelques semaines à peine, les divisions allemandes ont progressé de 500 km vers le Nord, de 650 km vers l’Est, de 350 km vers le Sud-Est. De juin à octobre 1941, l’Ostheer la Wehrmacht sur le front russe a fait au total plus de trois millions de prisonniers. Les premiers massacres en masse de Juifs, Russes et Tsiganes débutent quelques semaines seulement après le début de l’invasion.

L'échec de la bataille de Moscou

Les Allemands trouvent un pays las du communisme soviétique110, mais les Einsatzgruppen massacrent systématiquement les Juifs plus de 1 500 000 personnes, essentiellement des femmes et des enfants, seront assassinées de 1941 à 1944 et multiplient les atrocités dans le cadre de ce qui ressemble à une guerre d'anéantissement.
La population devient de plus en plus hostile à un envahisseur qui apparaît comme un ennemi venu pour anéantir et non pour libérer. Si les premières villes capturées avaient semblé accueillir favorablement l'envahisseur en Ukraine en particulier, du fait de la lassitude face à la férocité du régime stalinien et aux problèmes des nationalités, les très nombreux massacres de civils transforment rapidement cet a priori favorable. Les massacres de civils désarmés et l'intention déclarée de réduire les Slaves en esclavage retournent vite les populations. Le traitement inhumain réservé aux prisonniers de guerre a fini par filtrer. Les Allemands éprouvent des difficultés croissantes à capturer des prisonniers, les soldats soviétiques préférant lutter jusqu’à la mort plutôt que de mourir sommairement exécutés. Les opposants au régime se persuadent qu'il s'agit d'une lutte à mort où ils n'ont guère le choix du camp.
Les troupes allemandes traversent des régions affreusement pauvres et désertes, et l'étendue des espaces russes fait perdre tout son sens à la Blitzkrieg. Les lignes de communications de la Wehrmacht s'allongent démesurément. Assez rapidement, des groupes de partisans se forment sur les arrières de la Wehrmacht, obligeant celle-ci à consacrer une partie importante de ses forces au maintien de ses routes de ravitaillement. Ce dernier rencontre de nombreux problèmes, comme la différence d'écartement des voies de chemin de fer soviétiques avec celles d'Europe occidentale. Après des centaines de kilomètres parcourus dans les plaines russes, le matériel est usé et en mauvais état surtout pendant la raspoutitsa, la période des mauvaises routes à cause des intempéries. Surtout, le manque d'hommes disponibles, compte tenu de ses pertes, commence à poser un problème à la Wehrmacht. Après plus d’un mois de combats, elle a déjà perdu plus d’hommes qu’au cours de toutes ses campagnes à l’Ouest, tout en étant très loin d’avoir atteint ses objectifs opérationnels. En septembre 1941, les divisions combattantes, alors au nombre de 142, déclarent avoir perdu près de 50 % de leurs forces initiales en hommes et en matériel et, en novembre, la plupart des formations d’infanterie ont perdu la moitié de leurs effectifs.

L'armée allemande bloquée par la boue durant l'automne 1941.

Début septembre, les Allemands, bloqués par les boues, tiennent plusieurs conseils de guerre pour envisager la suite des opérations, dont la conférence d'Orcha, à laquelle participe Hitler. Il est désormais clair que malgré les pertes colossales infligées à l'Armée rouge, celle-ci n'a pas été détruite. Sa combativité, loin de s'écrouler, semble même s'accroître. Il apparaît que seul le groupe d'armées Centre sera capable de reprendre la progression quand les routes seront de nouveau praticables. Malgré l'aide des Finlandais, le groupe Nord est incapable de mener une action de vive force contre Léningrad, il arrive tout juste à maintenir un encerclement partiel et précaire, qui laisse passer le ravitaillement pour la ville par le lac Ladoga. Le groupe d'armées Sud est soumis à une forte pression soviétique et le corps blindé de von Kleist a été contraint de passer à la défensive, voire de céder du terrain comme à Rostov-sur-le-Don, aux portes du Caucase, face aux contre-attaques de Timochenko : c'est le premier recul allemand depuis le déclenchement de l'invasion.
Devant l'échec inéluctable de Barbarossa, on prépare une opération de rechange pour essayer d'en finir avant l'hiver, l'opération Taïfun typhon. Hitler adopte, malgré ses idées précédentes, l'idée qui veut que la prise de la capitale de l'adversaire doit briser sa volonté de résistance. Les objectifs initiaux de Barbarossa la ligne Arkhangelsk-Kouïbychev sont abandonnés, ce qui rend désormais impossible la destruction de l'industrie de guerre soviétique, mise à l'abri derrière l'Oural à partir du pacte de Munich. De plus, Staline a acquis la certitude, par les renseignements fournis par le réseau Orchestre rouge et Richard Sorge, mais surtout par des communications qui ont été interceptées, que la politique d'expansion japonaise n'a plus que des visées vers le Sud-Est asiatique et que le Japon s'apprête à attaquer la flotte des États-Unis à Pearl Harbor. Les troupes fraîches et expérimentées commandées par Joukov qui gardent la frontière extrême-orientale en Sibérie vont pouvoir être rapatriées en Russie occidentale. De fin 1941 à début 1942, près de 400 000 Sibériens sont ainsi transférés vers l'ouest à bord de trains spéciaux qui mettent de une à deux semaines pour arriver à destination. Sur ce total, 250 000 soldats furent assignés à la défense de Moscou.

En octobre 1941, Adolf Hitler décide la bataille de Moscou, déclarant à ses généraux son intention de raser la ville jusqu’à ses fondations et d’en faire un immense lac artificiel. Il donne l'ordre le 14 octobre 1941 d'un double enveloppement de Moscou, avec pour objectif la jonction à Noguinsk. Le Reich regroupe tous ses moyens disponibles en vue de l'assaut. Moscou renforce ses défenses : un demi-million d’hommes et de femmes creusent 8 000 km de tranchées et 100 km de fossés antichars.

De novembre à décembre, la Wehrmacht engage 1,8 million d’hommes dans cette bataille 80 divisions mais à effectifs incomplets, soit plus de 50 % de toutes ses divisions, 30 % de son artillerie, sur un front de 600 km de large et de 250 km de profondeur. En deux semaines de combats, l’Armée rouge perd 700 000 combattants faits prisonniers poches de Viazma, d’Orel, de Briansk, etc., 1 200 chars et 5 000 canons. Le 7 novembre 1941, dans un discours resté célèbre, prononcé sur la place Rouge, devant les troupes qui partent au front, Staline délaisse l’idéologie et en appelle aux valeurs et aux grandes figures historiques de la nation russe. Le front de Kalinine un front est un groupe d'armées dans la terminologie soviétique, au nord de Moscou, lance sa contre-attaque le 5 décembre dans une neige de plus d'un mètre d'épaisseur et par des froids de -20 °C à -30 °C. L’offensive hitlérienne est stoppée à 30 km de Moscou, non loin du faubourg de Khimki, à proximité de l'actuel aéroport international Cheremetievo, grâce également à un terrible hiver pour lequel elle n'est pas équipée. Une contre-offensive menée fin décembre par des bataillons sibériens casse enfin le front allemand et rejette de 100 à 200 km en arrière le groupe d’armées centre. Le 22 janvier, la bataille de Moscou est gagnée par Joukov. Guderian est contraint à une retraite précipitée, abandonnant une grande partie de son matériel. L’armée allemande perd encore 615 000 hommes. C’est le retour de balancier. Jusqu'en janvier 1942, la Wehrmacht recule partout.
Une étude récente réévalue la bataille de Moscou et fait de celle-ci

" la bataille la plus importante de la Seconde Guerre mondiale et, de façon indiscutable, le plus vaste engagement militaire de tous les temps. En additionnant les effectifs des deux camps, environ 7 millions d'hommes furent engagés, à un moment ou à un autre, dans ces combats. Sur ces 7 millions de soldats, 2,5 millions furent tués, faits prisonniers, portés disparus ou assez grièvement blessés pour être hospitalisés, avec des pertes beaucoup plus lourdes du côté soviétique que du côté allemand. Selon les archives militaires russes, 958 000 soldats soviétiques ont péri, ce qui comprend les tués, les disparus et les hommes faits prisonniers. Étant donné le traitement que leur réservaient les Allemands, la plupart des prisonniers de guerre soviétiques étaient, de fait, condamnés à mort. De plus, 938 500 de leurs camarades furent hospitalisés pour blessures sans oublier les maladies consécutives au froid et à l'humidité, ce qui porte le total des pertes soviétiques à 1 896 500 hommes. Pour les Allemands, le total des pertes était de 615 000 hommes. "

Collaboration avec l'occupant Auxiliaire cosaque de l'armée allemande.

Durant l'occupation de leur territoire, près de deux millions de Soviétiques se rangèrent du côté des Allemands : des Baltes, des Ukrainiens, des Russes, quelques Polonais enrôlés de force entre autres, soit moins de 3 % de la population de la zone occupée par le Reich dans la partie occidentale de l'Union soviétique. Pour les enrôlés volontaires, les motivations sont nationalistes comme dans les régions baltes, anticommunistes et antisémites. Dès la conquête de certaines villes, des pogroms furent perpétrés, par ces collaborateurs, comme à Kaunas, à Lviv, etc. Mais rapidement, cette violence devient multidimensionnelle et de moins en moins contrôlable par les militaires et les policiers allemands, ce qui incite Heydrich et la SS à encadrer étroitement ces collaborateurs par l'emploi localisé de ces supplétifs, par l'armement qui leur est donné, par le contrôle de leurs actions.
En 1943, certaines divisions allemandes comptaient plus de 20 % d'auxiliaires russes les Hiwis. Il y eut deux divisions SS russes, la 29e division SS de grenadiers RONA et la 30e division SS de grenadiers, les deux divisions de l'armée Vlassov et le 15e SS Kosaken-Kavalerie-Korps constitué de Cosaques du Don. Beaucoup agissaient par nationalisme, les pays baltes et l'est de la Pologne, qui faisaient partie de l'Empire russe jusqu'en 1917, ayant été de nouveau annexés par l'Union soviétique en 1939.
Exemple parmi d'autres du soutien que reçurent les envahisseurs de la part de certaines populations locales à certains endroits : les milices pro-allemandes étaient assez efficaces pour rendre inutiles des représailles. Tel était le cas du district administratif autonome de Lokot, dans la région d'Orel-Koursk, au sud de Briansk. Comptant 1 700 000 habitants, ce district fut défendu par une milice intégralement russe en 1941-1942. Ici, la base de la collaboration était de nature politique anti-communisme et la milice de Lokot créée par le général Rudolf Schmidt de la IIe Armée Panzer conjointement avec un ingénieur russe remplacé plus tard par le fameux Bronislaw Kaminski, fut connue sous le nom de Russkaya Osvoboditelnya Narodnaya Armiya Armée de libération russe. Certaines de ces milices, dans les pays baltes et en Ukraine en particulier, apportèrent aux autorités d'occupation un soutien non négligeable dans la politique d'extermination des populations juives.
Un élément capital des transactions fut que les SS avaient interdiction d'opérer dans toute cette région où les Allemands acceptèrent de s'abstenir de toute action de représailles du fait des activités de la résistance qui se poursuivaient toujours. De tels arrangements, bien que généralement moins formels, étaient monnaie courante dans les régions occupées par les Allemands. Ils trouvaient des avocats fervents parmi les officiers de la Wehrmacht. Les SS s'y opposaient de façon tout aussi véhémente, car ils refusaient d'armer des sous-hommes. Par la suite, la situation ayant empiré pour le Reich nazi et le besoin d'effectifs devenant criant, les SS furent amenés à tempérer leur refus initial. Ils s'opposaient toujours à la création de milices, mais seulement parce qu'ils voulaient recruter tous les hommes disponibles pour leurs nombreuses unités ethniques.

Bilan de l'opération Barbarossa

L'épuisement et le 1er recul allemand à Rostov sur le Don. Situation tactique

Les Allemands réussissent à stabiliser la ligne de front de la Baltique à l’Ukraine au prix de pertes énormes en hommes et en matériels l’essentiel des 3 500 chars engagés est resté sur le terrain, soit 50 % du matériel roulant est hors d’état de marche. Les divisions aériennes ne disposent plus que de 25 à 50 % de leurs appareils de combat. La Luftwaffe se voit disputer la maîtrise du ciel avec la montée en ligne de nouveaux chasseurs soviétiques Mikoyan-Gourevitch MiG-1, Sturmovik « tueur de chars. L'infanterie d'invasion ne parvient pas à maintenir le contact avec ses fers de lance blindés sur de longues distances. Compte tenu de ses pertes et de l’étendue des espaces russes, l’armée allemande doit donc renoncer à la Blitzkrieg tout en devant faire face à un adversaire qui ne cesse de se moderniser. À ce moment, il apparaît que c’est à l’impréparation des armées soviétiques de juin 1941, à l’effet de surprise, que le Reich doit d’avoir évité de graves difficultés dans ses combats contre l'Armée rouge lors de l'invasion de juin 1941.
Pour l'Allemagne, si déjà les pertes avaient été lourdes pendant la bataille de France avec près de 1 500 tués par jour du 10 mai au 22 juin 1940, c’est en Union soviétique que la Seconde Guerre mondiale commence vraiment, avec une campagne qui du 22 juin 1941 au 22 janvier 1942 voit tomber en moyenne 3 200 soldats allemands par jour. Alors que pendant les deux premières années de la guerre 1939 et 1940, 1 253 officiers seulement étaient morts au combat, entre juin 1941 et mars 1942 ; 15 000 officiers furent tués, ce qui indique un changement radical dans l’évolution des pertes. Au cours des six premiers mois de l’invasion, les pertes de l’Ostheer la Wehrmacht sur le front de l'Est s’élevèrent à 750 000 hommes, qui furent portées à un million à la fin de mars 1942, dont plus d’un tiers de tués ou de disparus. Au total, lors de la première année de la campagne contre l'URSS, le Reich perd 1,3 million d’hommes, sans compter les malades, soit 40 % des 3,2 millions d’hommes de l’Ostheer. Le manque général d’hommes dans le Reich ne permet pas d’assurer les remplacements à une pareille échelle.
Sonderkraftfahrzeug 251 se concentrant dans les steppes sud de la Russie le 21 juin 1942, à la veille de l'opération Fall Blau, l'offensive allemande de l'été 1942.
À la fin de 1941, la Wehrmacht s’est enfoncée de 800 km en Union soviétique et a conquis plus de 1 500 000 km2 de territoire soviétique, comptant 65 millions d’habitants 17 millions de personnes sont parvenues à fuir. En 1942, la longueur du front russe, de la Finlande au Caucase, passe à 6 200 km. L’Allemagne occupe alors l’Ukraine, la Biélorussie, une grande partie du nord de la Russie, soit plus de la moitié de la Russie d’Europe qui concentre 80 % des industries lourdes et de la population, acculant les Russes sur des zones moins peuplées et les privant d’une grande partie de leur potentiel économique de 60 à 70 %. Mais le Reich a perdu ses meilleures troupes.
Les pertes de l’Armée rouge sont colossales : 1,5 million de tués, 4 millions de prisonniers dont 2 millions au moins seront anéantis. Fin 1941, les Allemands estiment avoir détruit plus de 20 000 blindés et 35 000 canons soviétiques.

L'Union soviétique en guerre totale

C’est pourtant à ce moment que la société soviétique se lance dans une mobilisation de ses forces et de ses ressources, totale et éperdue, dans le cadre d'une économie de guerre d'une extrême rigueur. Le 3 septembre 1941, le pouvoir soviétique décrète la mobilisation de tous les hommes de plus de 18 ans. Dès l’automne 1941, plus de 2 000 groupes de partisans se constituent en territoire occupé. Tout pour le front ! Tout pour la victoire ! , Encore plus d’armes pour le front deviennent les slogans dans les usines. Les bureaux de recrutement de l’Armée rouge sont submergés par les volontaires désireux de se battre pour la défense du sol natal. De nombreuses jeunes filles s’engagent dans l’Armée rouge de 1941 à 1945 plus de 800 000 femmes ont combattu comme volontaires sur le front. La journée de travail monte à 12 heures par jour, voire davantage. Les décès par épuisement au travail ne sont pas rares dans les usines. La législation, déjà très dure, du 26 juin 1940 est encore aggravée par la loi du 26 décembre 1941, qui assimile tout changement de travail non autorisé, tout départ ou toute absence injustifiée à une désertion, passible des tribunaux militaires et sanctionnée d’une peine de 5 à 10 ans de camp plus de 900 000 personnes furent condamnées en vertu de la loi du 26 décembre 1941. Un décret de février 1942 instaure la mobilisation totale des femmes âgées de 15 à 45 ans, femmes dont la part dans la main-d’œuvre industrielle passa de 37 à 60 % entre 1941 et 1945 alors que Hitler était réticent à faire travailler les femmes allemandes dans les usines d'armement.
Entre juillet 1941 et janvier 1942, en Russie d’Europe, 17 millions de personnes participent dans des conditions exténuantes au démontage et au transfert de plus de 1 500 grandes entreprises industrielles dans l’Oural, la Volga, l’Asie centrale Kazakhstan surtout et la Sibérie ; transfert nécessitant la construction en quelques mois de plus de 10 000 km de voies ferrées. Plus de 2 600 usines auront été évacuées et reconverties dans l’industrie de guerre. Leur remise en route, en plein hiver, n’exigera pas un effort moins gigantesque. Au terme d’opérations titanesques d’une grande complexité logistique, plus de 10 millions d’ouvriers prennent le chemin de l’Oural et, dès le début de 1942, après cet effort pharaonique dont il n’existe aucun équivalent dans l’histoire industrielle de l’Europe, la production de guerre est remontée à 48 % de son niveau de 1940. Alors qu’en 1940, 358 chars de dernier modèle avaient été construits, au cours des six premiers mois de 1941 seulement leur nombre s’éleva à 1 503 et dans les six derniers mois de cette année-là, malgré l’occupation par les Allemands du cœur industriel de l'Union soviétique, 4 740 chars dernier modèle supplémentaires furent produits. Dès la fin de 1942, l'URSS dépasse l’Allemagne dans sa production d’armements alors que la Wehrmacht occupe plus de 50 % de la partie européenne du territoire soviétique. La production de blindés et d’avions est alors le double 50 000 de la production allemande, en 1944 celle de canons usinés est trois fois supérieure 122 000. Par ailleurs, depuis le 7 décembre 1941, l'Union soviétique pouvait compter sur l'aide américaine.

Interprétations historiographiques

L'opération Barbarossa se solde, fin 1941/début 1942, par une défaite stratégique considérable pour l'Allemagne puisqu'il apparaît, dès ce moment, que le Troisième Reich n'avait peut-être pas les moyens de vaincre l'Union soviétique en juin 1941. En mai 1945, les fantassins soviétiques planteront leur drapeau au sommet du Reichstag, au terme d'une bataille de Berlin, qui fera 78 000 tués dans leurs rangs.
Le général Volkogonov, biographe de Staline, pouvait écrire en 1996 :
" Il serait difficile de trouver pire début à une guerre que ce mois de juin 1941. Toutes les autorités politiques et militaires majeures ont pensé que l'URSS ne pourrait pas survivre plus de trois mois. Mais le peuple soviétique leur a finalement donné tort. Pourtant, le mérite de cette incroyable capacité de résistance allait être attribué à la “sage direction” de Staline, la personne même la plus directement responsable de la catastrophe ".
Et Stepan Mikoyan de préciser :" Nous avons gagné la guerre en dépit de la dictature de Staline."

Lire la suite -> http://www.loree-des-reves.com/module ... ost_id=5998#forumpost5998

Posté le : 22/06/2014 17:02
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Opération Barbarossa suite 3
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
La deuxième guerre mondiale dans le reste du monde


L'agression japonaise à Pearl Harbor

Au même moment, sans déclaration de guerre, l'aviation et la flotte japonaises ont détruit la flotte américaine du Pacifique à Pearl Harbor, à 6 000 kilomètres de Yokohama Le 7 déc. 1941. Les États-Unis sont surpris car ils n'y étaient absolument pas préparés, mais ils entreprennent aussitôt de convertir une grande partie de leur industrie, qui va faire d'eux l'arsenal de la coalition contre l'Axe. L'agression japonaise a comme effet de galvaniser une véritable unanimité nationale derrière le président Roosevelt, qui déclare :
" La guerre nazie est une répugnante affaire. Nous ne voulions pas y entrer ; mais nous y sommes et nous allons combattre avec toutes nos ressources ! "

La guerre dans le Pacifique

"En 1941, le Japon mène depuis déjà dix ans une politique d'expansion impérialiste. Après avoir imposé l'État satellite du Mandchoukouo en 1931, il a entamé la conquête de la Chine en 1937. En 1940, la défaite française lui permet de pénétrer en Indochine et de prendre la Thaïlande sous sa protectiàn.
Après l'occupation par la marine japonaise des îlots d'importance stratégique dans le Pacifique, l'Indonésie hollandaise est conquise, et la résistance américaine réduite dans les Philippines après le siège de Corregidor (avr. 1942). Ainsi les Occidentaux ont-ils perdu la face en Asie ; les empires coloniaux britannique, français, hollandais et américain sont disloqués. D'un coup, le Japon a conquis les matières premières dont son économie avait besoin.
Le Japon entreprend d'organiser la Grande Asie sous sa domination. Après avoir encouragé les nationalismes indigènes contre les puissances coloniales, il tend à se substituer à celles-ci et à exploiter à son profit les territoires occupés. D'autre part, toutes ses conquêtes ont été faites sans aucun lien avec la guerre que l'Allemagne mène en U.R.S.S. ; elles se sont arrêtées aux lisières de l'Australie sans avoir pu l'attaquer. Les territoires occupés sont si éloignés les uns des autres que la marine japonaise, disséminée dans le Pacifique, navigue en convois mal protégés, proies faciles pour les sous-marins américains.

L'offensive allemande en U.R.S.S. printemps 1942

En U.R.S.S., l'hiver de 1941 à 1942 avait permis à l'Armée rouge de marquer quelques points, notamment devant Moscou, où les Allemands reculèrent de 200 kilomètres, et dans la presqu'île de Kertch Crimée qui fut reprise par les Russes ; ceux-ci réussirent à ravitailler Leningrad par le lac Ladoga, mais non à la dégager. La Wehrmacht avait beaucoup souffert de l'hiver ; les radiateurs des chars éclataient faute d'antigel et les cantonnements étaient rares.
Au printemps de 1942, pourtant, l'armée allemande garde la supériorité. Elle reprend l'offensive avec une stratégie nouvelle, adaptée aux dimensions croissantes du territoire à conquérir à l'est. L'enveloppement et le débordement des armées ennemies sont abandonnés. Des groupes autonomes, disposant de blindés, avions, artillerie, infanterie, ateliers de réparation, ravitaillement, ont mission d'attaquer sur des fronts réduits, mais d'intérêt capital, et d'y forcer la décision. Les Soviétiques commencent à être équipés d'un armement nouveau, notamment en tanks et en avions chasseurs de chars ; mais leur production est encore insuffisante.
La principale attaque allemande est lancée vers le sud, une fois brisée une contre-offensive russe autour de Kharkov (Ukraine). Après avoir isolé et pris Sébastopol Crimée, la Wehrmacht lance, le 28 juin, une grande offensive, de Voronej à la mer Noire ; l'objectif est d'atteindre la Volga et les puits de pétrole du Caucase.
Au nord, la bataille de Voronej s'achève pratiquement en juillet ; au centre, von Bock atteint le Don et lance ses troupes vers Stalingrad, pour couper l'artère indispensable à l'économie russe, la Volga ; au sud, les troupes allemandes s'emparent de Sébastopol et de Rostov sur le Don et foncent dans la steppe du Kouban vers le Caucase ; en septembre, le drapeau à croix gammée flotte sur le mont Elbrouz, son point culminant.
Staline appelle ses alliés à l'aide et réclame l'ouverture d'un second front. Du 12 au 15 août, il confère à Moscou avec Churchill et l'ambassadeur américain Harriman, représentant de Roosevelt ; c'est la première tentative des trois alliés pour harmoniser leurs combats. Le 19 août, pour rappeler la possibilité d'un front occidental, des unités anglo-canadiennes effectuent un raid sur Dieppe. Surtout, pour rassembler toutes les énergies et faciliter l'union nationale, Staline, qui a pris en main tous les pouvoirs, y compris l'armée, abandonne apparemment les buts révolutionnaires de l'U.R.S.S. Il dissout le Komintern, rétablit la liberté religieuse et demande à tous les partis communistes de s'allier à leurs adversaires de la veille dans des « Fronts nationaux » formés contre l'Allemagne.
Au début de septembre s'engage la bataille décisive de Stalingrad. Inférieurs encore en aviation et en troupes motorisées, les Russes utilisent des chars lourds et des barrages d'artillerie. L'hiver arrive ; on se bat dans Stalingrad, dont la conquête prend, de part et d'autre, la valeur d'un symbole. Hitler donne au général Paulus, qui voulait décrocher, l'ordre de demeurer sur place ; mais son armée, avancée en pointe vers l'est, offre dangereusement ses flancs à des contre-attaques adverses, d'autant plus que les Russes concentrent des troupes de part et d'autre du saillant de Stalingrad ; ils ont également conservé des têtes de pont sur la rive droite.
Une fois encore, la Wehrmacht a remporté d'immenses succès ; mais elle n'a pas atteint totalement ses objectifs. Son front est dangereusement dilaté sur 2 000 kilomètres ; le ravitaillement des troupes devient de plus en plus lent et difficile. Hitler a vu trop grand. En prescrivant à la fois la prise de Stalingrad et la marche sur Bakou, il a disséminé ses forces.

Les succès de Rommel en Afrique

En Afrique, la situation était également très favorable aux Allemands. L'Australie avait rappelé ses divisions d'Égypte pour faire face à la menace japonaise. Au mois de mai 1942,Rommel lance une grande offensive contre le canal de Suez. Dans la sécheresse, la poussière, les tempêtes de sable, les rencontres de blindés sont décisives comme des batailles navales. La VIIIe armée britannique recule ; l'avance allemande est freinée quelques jours par le sacrifice, à Bir Hakeim, de la brigade des Forces françaises libres, commandée par le général Kœnig. Tobrouk est cependant pris sans coup férir et, à la fin du mois d'août, la route du Caire et de Suez semble ouverte aux colonnes blindées allemandes. Mais, ayant trop allongé ses lignes de ravitaillement dans le désert, Rommel doit s'arrêter à El-Alamein, ce qui permet à la VIIIe armée britannique, commandée par Montgomery, de se regrouper et de s'abriter derrière des fortifications consolidées.

La guerre aérienne et maritime

Dans les airs, les Allemands conservent la supériorité. Certes, leur aviation étant surtout engagée en U.R.S.S., le Royaume-Uni bénéficie d'un peu de répit, et même, contredisant les promesses de Göring, les bombardiers britanniques jettent chaque nuit des bombes sur les villes allemandes. Un corps de la Luftwaffe, basé en Sicile, bombarde sans trêve Malte qui reçoit 20 000 tonnes de bombes d'avril à juin 1942 et qui ne peut plus être défendue ni ravitaillée. Comme les batailles d'Afrique restent secondaires pour Hitler, il abandonne l'idée, un moment envisagée, de s'en emparer.
Dans l'Atlantique, l'offensive sous-marine allemande avait failli remporter des victoires décisives dans la guerre des convois. Faute d'une escorte et d'une protection aérienne suffisantes, ceux-ci sont, au milieu de l'Atlantique, une proie facile pour des groupes de sous-marins, qui les guettent et les suivent dès leur départ des États-Unis ; les pétroliers ont droit à une attention particulière. De janvier à mai 1942, 300 navires sont coulés ; en 1941, 4 millions de tonnes ont été perdues pour les Alliés – 690 000 pour le seul mois de juin ; 8 millions de tonnes sont perdues en 1942.
La course qui se livre entre la production et la destruction s'effectue en deux sens : construction de sous-marins par l'Allemagne et destruction de ces sous-marins par les Alliés ; construction de navires marchands par les Alliés et destruction de ces navires par les sous-marins allemands. Peu à peu les convois alliés sont mieux défendus ; le radar permet de détecter les sous-marins, la grenade sous-marine de les attaquer, les avions à long rayon d'action de les repérer ; de grands porte-avions sillonnent tout l'Atlantique ; de plus petits protègent les convois. La recherche scientifique prend ainsi de plus en plus d'importance. Des deux côtés, on commence à rechercher l'arme absolue, la bombe atomique, tout en améliorant sans cesse la vitesse et l'armement des avions, le blindage et la mobilité des tanks, l'armement et la motorisation de l'infanterie.
Ce conflit mondial et sa longue durée que laisse prévoir l'échec de l'offensive éclair de la Wehrmacht font de la guerre une guerre d'usure, qui exige et consomme un énorme matériel. La gagnera celui qui en fabriquera le plus. Aux États-Unis, 60 millions de personnes travaillent pour la guerre. Roosevelt fixe le programme de 1943 à 120 000 avions et 75 000 chars. Pour répondre à cet effort sans précédent, l'Allemagne doit mobiliser toutes les ressources des pays de l'Europe qu'elle occupe.

La collaboration en Europe

De toute façon, les victoires allemandes encouragent la collaboration dans les pays occupés qui participent à la croisade contre l'U.R.S.S. En France, le gouvernement de Vichy a offert en février 1942 à Hitler, qui a refusé, d'entrer en guerre contre le Royaume-Uni. Il a autorisé la levée d'une légion de volontaires français L.V.F. contre le bolchevisme. Pierre Laval, revenu au pouvoir en avril 1942, met l'économie française et la police de la zone sud au service des Allemands ; des agents de la Gestapo viennent donner la chasse aux résistants, plus particulièrement aux émetteurs clandestins de radio. La législation nazie antisémite est rigoureusement appliquée ; elle se traduit par des expropriations et des arrestations suivies de déportations vers les camps d'extermination d'Auschwitz-Birkenau.
Dans toute l'Europe, les nazis créent des groupes de collaborateurs, enrôlés dans la guerre contre l'U.R.S.S., présentée comme une croisade : Quisling en Norvège, Mussert en Hollande, De Clerk et Degrelle en Belgique, la Garde de fer en Roumanie, les Croix fléchées en Hongrie, Doriot et Déat en France, l'armée Vlassov en U.R.S.S.
À l'automne de 1942, la situation des Alliés apparaît précaire sinon désespérée. Une double question se pose : les États-Unis auront-ils le temps de lever et d'équiper des armées, de fabriquer le matériel de guerre nécessaire à toute la coalition ? Les trois grands Alliés, que les événements ont rassemblés, mais que séparent des divergences idéologiques et des vues différentes sur les buts de guerre, sauront-ils coordonner leurs politiques et leurs stratégies ?

Le tournant de la guerre nov. 1942-juill. 1943

Ces questions trouveront réponse dans la période qui va de novembre 1942 à juillet 1943. Non seulement la coalition alliée ne se disloquera pas, mais les armées de l'Axe seront contenues sur tous les fronts.

Le débarquement américain en Afrique du Nord

Les relations entre Anglo-Saxons et Soviétiques, sans être mauvaises, ne sont pas bonnes. Staline réclame à cor et à cri l'ouverture d'un second front, Churchill ne peut répondre que par l'offre d'une alliance conclue pour vingt ans. Pour soulager l'U.R.S.S., pour préparer aussi l'attaque en tenailles du continent européen, les Américains, qui ont commencé à envoyer des troupes en Grande-Bretagne et en Irlande du Nord, débarquent en Afrique du Nord française le 8 novembre 1942. Ils espéraient être reçus à bras ouverts par les autorités vichyssoises locales ; ils le sont à coups de canon. Préparé par une petite équipe de résistants, le débarquement réussit cependant. Mais, faute de moyens suffisants, faute de hardiesse aussi, il se limite au Maroc et à l'Algérie. Les Allemands peuvent occuper la Tunisie, que le gouvernement de Vichy leur abandonne : ainsi l'Afrikakorps conserve ses liaisons avec l'Italie.
En Algérie, pressés de mettre fin aux combats, les Américains ont reconnu l'autorité de fait de l'amiral Darlan, un des responsables de la collaboration à Vichy, venu à Alger par hasard. C'est le début d'un long imbroglio politique, marqué par une rupture entre les Américains, suivis des Britanniques, et le général de Gaulle, qu'approuve la Résistance clandestine. L'assassinat de Darlan et son remplacement par le général Giraud n'améliorent guère les choses. La législation et les hommes de Vichy demeurent en place en Afrique du Nord.
Cependant, une armée française très démunie a repris le combat en Tunisie, tandis que le général Leclerc lance des attaques hardies, à partir du Tibesti, contre les oasis de Mourzouk, enlevées en janvier 1943.
À peu près au même moment, l'entrevue des généraux Giraud et de Gaulle à Anfa, point de départ de laborieuses négociations, laisse envisager une fusion de tous les Français engagés dans le combat ; l'arrivée du général de Gaulle à Alger et la constitution du Comité français de Libération nationale consacrent cette fusion.
En France, l'occupation de la zone sud est la conséquence du débarquement américain. L'armée française de l'armistice est dissoute, la flotte se saborde à Toulon le 27 novembre, pour ne pas tomber aux mains des Allemands, après avoir refusé de rallier les ports d'Afrique du Nord. Désormais toute la France connaît le même régime d'occupation ; le mythe du Maréchal, sauveur du pays par la Révolution nationale, prend fin. Il ne reste aux Français que deux positions : celle de la collaboration où s'enlise une minorité ; ou celle de la Résistance derrière le général de Gaulle, qu'emprunte un nombre croissant d'entre eux.

El-Alamein, Midway et Guadalcanal

En Libye, Montgomery a minutieusement préparé la contre-attaque de la VIIIe armée, qui est désormais la mieux équipée en tanks et en avions. Menacé à l'ouest, courant le risque d'être emprisonné en Afrique, Rommel bat en retraite, après avoir subi à El-Alamein un sévère échec 3 nov. 1942. Il évacue la Tripolitaine, perdant 500 chars et 45 000 hommes faits prisonniers, et arrive à la frontière de la Tunisie en janvier 1943. Tandis que les troupes françaises d'Afrique du Nord contiennent les Allemands sur la frontière algéro-tunisienne, la VIIIe armée, à laquelle Leclerc a agrégé sa colonne, reprend l'offensive en mars. Au mois de mai 1943, Tunis est atteint ; 200 000 Italo-Allemands sont faits prisonniers ; il n'y a plus de soldats de l'Axe en Afrique ; la liberté de navigation est rétablie pour les convois alliés en Méditerranée ; l'Italie, où les défaites désorientent l'opinion et minent le régime fasciste, s'offre aux coups des Alliés, de leur aviation d'abord.

La bataille de Stalingrad

Toutefois, c'est à Stalingrad, sur le front russe, que les Allemands subissent leur plus grave échec, en plein hiver. L'offensive soviétique est lancée de part et d'autre du saillant de Stalingrad, de Voronej vers le sud-est, du sud vers le nord-ouest. De nuit, sur la Volga gelée, les Russes ont transporté des troupes qui, après cinq jours de combat, bousculent Italiens et Roumains et, le 23 novembre, encerclent dans Stalingrad la VIe armée de Paulus, à qui les ordres impératifs de Hitler ont interdit tout recul, voire toute manœuvre. En vain une armée commandée par von Manstein essaie de délivrer la VIe armée que la Luftwaffe ne peut pas ravitailler. Le 10 janvier 1943 commence l'ultime attaque soviétique, un canon tous les vingt mètres : après vingt jours de combat, le 2 février, Paulus se rend ; les Allemands ont perdu 400 000 hommes, dont 140 000 prisonniers, à la limite de l'épuisement. Hitler, responsable de l'échec, accable de son mépris Paulus qui, dit-il, « n'a pas su franchir le seuil de l'immortalité ».
Les avant-gardes russes, reprenant à leur profit la stratégie allemande, débordent par la mer d'Azov les troupes allemandes engagées vers le Caucase, qui reculent pour n'être pas prises dans le piège. L'Armée rouge reconquiert Koursk, Bielgorod, Kharkov, Rostov. Au printemps de 1943, les Allemands sont repliés au-delà de leurs bases de départ du printemps de 1942.
Ils entreprennent alors leur troisième grande offensive annuelle, les beaux jours revenus : pour la première fois elle est limitée, géographiquement, au secteur de Koursk, et se brise sur les défenses soviétiques. La situation a changé : ce sont les Allemands désormais qui prennent à leur compte la tactique jusque-là employée par les Russes, qui essaie d'enrayer l'avance de l'adversaire sans pouvoir l'arrêter.
Fort habilement, la propagande soviétique exploite les défaites allemandes et le désarroi de la Wehrmacht. Jusqu'alors, Hitler a imposé ses vues aux généraux allemands, et le succès lui a donné raison après coup. Stalingrad porte un rude coup à son prestige. Staline institue un Comité de l'Allemagne libre, auquel participent des officiers. Paulus lui-même donnera son adhésion en mai 1944. Ainsi commence la rupture entre l'armée allemande et le Führer, quelques chefs militaires commençant à se demander si celui-ci n'est pas un fléau pour l'Allemagne.

La guerre du matériel

L'arsenal américain fabrique à plein régime. Non seulement les Américains équipent et entraînent une armée d'un type entièrement nouveau, selon les méthodes de la grande industrie, dans laquelle la logistique joue le rôle capital, mais leurs envois de matériel de guerre au Royaume-Uni, en Afrique et en U.R.S.S. ne cessent d'augmenter. Pour commencer, en juin 1943, un tournant se dessine dans la bataille de l'Atlantique ; pour la première fois, le tonnage construit par les Alliés est supérieur au tonnage détruit par les Allemands ; les chantiers navals allemands sortent moins de sous-marins que les Alliés n'en coulent. La victoire a choisi son camp dans la guerre du matériel.
Première conséquence de cet état de choses : la supériorité alliée dans les airs. Des bombardiers de plus en plus nombreux, chargés d'explosifs de plus en plus puissants, auxquels l'aviation et la D.C.A. allemandes opposent une résistance qui va se réduisant, arrosent de bombes, toutes les nuits, les villes allemandes, italiennes et aussi des villes de pays occupés. Dans le Pacifique, les porte-avions américains vont détruire progressivement la flotte japonaise.
L'Allemagne pourra être attaquée désormais à la fois de l'ouest, de l'est et du sud. Elle l'est également, dans une « forteresse Europe » trop vaste pour être efficacement défendue, par une Résistance clandestine de plus en plus nombreuse, active et diversifiée.
La Résistance est née d'un réflexe de patriotisme ; mais la brutalité du comportement de l'occupant l'a accélérée et amplifiée. Si, dans les débuts, les populations des territoires de l'Europe occidentale eurent droit à quelques égards, les exigences du conflit généralisèrent un système de terreur et d'oppression.

Le sort des Juifs

Les Juifs en furent les principales victimes. La propagande nazie présentait le Juif comme un germe de corruption des sociétés humaines, à l'origine aussi bien du capitalisme que du communisme, et toujours étranger au pays qui l'héberge. Dans toute l'Europe, les Juifs sont l'objet de mesures vexatoires et discriminatoires. Obligés de porter l'insigne distinctif de l'étoile jaune (l'étoile de David), ils se voient interdire l'accès des lieux publics ; ils sont en même temps exclus de la fonction publique et des professions libérales, leurs biens sont confisqués, cette immense dépossession étant camouflée sous le vocable d'«aryanisation .
Surtout, Hitler estime que le moment est favorable pour appliquer la « solution finale » du problème juif – euphémisme pour désigner l'extermination des Juifs, confiée aux SS de Heinrich Himmler. Dans toute l'Europe des rafles monstres ont lieu. Comme du bétail, hommes, femmes et enfants juifs sont parqués dans des lieux d'hébergement improvisés – tels que le Vélodrome d'hiver à Paris – avec la complicité plus ou moins active des autorités des pays occupés.
D'abord internés dans des camps ouverts à leur intention, comme Pithiviers en France ou dans des ghettos devenus des prisons coupées de tout contact avec l'extérieur, comme en Pologne ou en Lituanie, les Juifs sont astreints au travail forcé et soumis à des conditions d'existence de plus en plus dures. Puis ils sont progressivement envoyés vers les camps d'extermination, mis en place à partir de la fin de 1941, à Auschwitz-Birkenau notamment, où les attendent chambres à gaz et fours crématoires. On estime à six millions le nombre de Juifs victimes du nazisme.

La Résistance en Europe

Très souvent, l'impitoyable rigueur du sort des Juifs a provoqué l'indignation et suscité la solidarité. En France, de hauts dignitaires des Églises élèvent une protestation ; des groupements se créent pour les sauver, surtout les enfants. Cet éveil de la conscience a été parfois à l'origine de la Résistance.
Les exactions de l'occupant ont achevé de dresser les populations contre lui. Plus ou moins dissimulés sous la forme d'achats avec de la monnaie d'inflation, les prélèvements des autorités allemandes, sans cesse accrus par les besoins de l'industrie de guerre, réduisent les populations occupées à la misère. La propagande nazie n'arrive pas à cacher cette vérité d'évidence.
La Résistance est un fait européen. Si elle n'a jamais été véritablement coordonnée, du moins a-t-elle connu à peu près dans tous les pays la même évolution et revêtu les mêmes formes.
Elle a consisté d'abord en diffusion de tracts et de journaux clandestins, guerre psychologique contre la propagande ennemie ; la contre-propagande était assortie de collecte de renseignements pour les Alliés, d'aide aux aviateurs tombés en parachute, de sabotages de portée limitée. On a recensé en France plus de 1 100 journaux clandestins, quelques-uns tirant à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires. Des réseaux d'évasion conduisaient de Belgique en Espagne, à travers les Pyrénées, Juifs, résistants menacés, prisonniers de guerre évadés, aviateurs alliés.
Les communistes, désireux de répondre à l'appel de Staline et d'aider l'U.R.S.S. en difficulté, appliquent dans toute l'Europe occupée une autre tactique dite « d'action immédiate » et « d'action des masses », par attentats contre les collaborateurs et les soldats de la Wehrmacht, grèves et manifestations de foules, destruction du potentiel économique pouvant être utilisé par l'occupant, création de « maquis » ruraux et urbains. Ce dynamisme, joint au langage patriotique qu'ils adoptent désormais, fait des communistes les incontestables animateurs de la Résistance, et souvent ses chefs.
En U.R.S.S., dans les zones occupées par la Wehrmacht, existent des unités de guérilla ravitaillées et dirigées par l'Armée rouge ; elles constituent l'avant-garde des unités régulières au cours de leur progression. En Yougoslavie, le communiste Tito (de son vrai nom Josip Broz), par son action inlassable, s'impose aux Alliés au détriment de Mihajlović, jugé trop attentiste. Dès le mois de juin 1943, la Yougoslavie constitue un véritable théâtre d'opérations où l'Allemagne doit engager plus de 100 000 hommes. Il en est de même en Grèce ; mais les rivalités, qui évoluent parfois en luttes ouvertes, entre les résistants communistes et les autres y font le jeu des occupants.
En Pologne, où n'a pas existé de groupe de collaboration, la population est unanime dans l'hostilité à l'occupant ; elle tend à le devenir dans les autres pays à mesure que les Allemands, désireux de combler les vides que la guerre multiplie dans leurs armées et dans leur main-d'œuvre ouvrière, organisent le service du travail obligatoire. Dans tous les pays, des milliers d'hommes jeunes, réfractaires à la réquisition, fuient les villes et se réfugient dans les campagnes, dans les montagnes surtout, où ils deviennent disponibles pour une guérilla généralisée. Les groupements de Résistance les aident et les regroupent de façon à transformer ces hommes traqués en combattants résolus.
La Résistance se manifeste même dans les pays de l'Axe. En Italie, des grèves éclatent à Turin, Milan et Gênes, en mars 1943. En Allemagne, ce sont les opposants allemands – catholiques, protestants, socialistes, objecteurs de conscience, communistes – qui remplissent les premiers camps de concentration Buchenwald, Dachau, Ravensbrück ; dans la troupe, les cas de mutineries se multiplient. La Gestapo découvre un réseau de renseignements prosoviétique dans l'administration allemande à la fin de 1942.
Dans les pays qui se sont rangés sous la bannière nazie – Roumanie, Slovaquie, Hongrie, Bulgarie –, les communistes savent attiser le mécontentement provoqué par la guerre contre l'U.R.S.S. De nombreuses désertions se produisent dans les unités sur le front.
En France, la Résistance, d'abord spontanée, est peu à peu encadrée et dirigée par la France libre. Jean Moulin, délégué du général de Gaulle, unifie les mouvements de zone sud, constitue une armée secrète unique, dote la Résistance de services communs de transmissions et de parachutage, crée enfin en mai 1943 le Conseil national de la Résistance, qui groupe toutes les tendances de l'opinion publique et dont la première manifestation est le vote d'une motion de fidélité au général de Gaulle.
La Résistance ne pouvait que harceler l'ennemi, sans le battre. Il est incontestable d'autre part que, livrée à elle-même, elle était condamnée progressivement à s'éteindre. Aussi bien les grands Alliés – les Britanniques surtout – ont-ils armé et ravitaillé les groupes de résistants, mais ils ne l'ont fait qu'avec beaucoup de réticences et après de nombreuses hésitations. Ils se méfiaient d'une activité dont la direction leur échappait et dont ils redoutaient les engagements inconsidérés. Par suite, ils n'ont pas pleinement tiré parti de cette cinquième colonne que le comportement nazi leur avait en quelque sorte offerte.
La Résistance coûtait cher aux peuples qui s'y engageaient. Pour la réduire, irritées souvent par son caractère insaisissable, les autorités d'occupation multiplièrent les sanctions, les arrestations, les fusillades, les destructions d'immeubles, de villes entières parfois : un maquis français attaque une colonne, et le bourg d'Oradour est incendié, les femmes et les enfants enfermés dans l'église ; la ville de Lidice est rasée parce qu'en est originaire un des auteurs tchèques de l'attentat qui avait coûté la vie au protecteur de la Bohême, Heydrich. Pour s'être tout entière soulevée, Varsovie sera rasée. On évalue en France le nombre de fusillés – résistants et otages – à 25 000.

Les camps de concentration

Mais surtout, les résistants arrêtés sont envoyés dans les camps de concentration. Ceux-ci, ont été ouverts, à partir de 1933 Dachau pour les Allemands antinazis. Sous la direction des SS, les concentrationnaires sont soumis à un régime de lente extermination, par le manque de nourriture et de soins, les mauvais traitements, la déchéance progressive. Fort habilement, les SS sèment la division entre eux en confiant à certains déportés – de préférence des criminels de droit commun – des tâches de surveillance ou d'administration.
D'abord destinés à mettre hors d'état de nuire les ennemis du nazisme, les grands camps – Buchenwald, Oranienburg, Dachau, Neuengamme, Mauthausen, Stuthof Pologne, Strutthof France, Ravensbrück pour les femmes – se divisent en commandos de travail, où une main-d'œuvre servile, peu coûteuse et indéfiniment renouvelable, est mise à la disposition des magnats de l'industrie du Reich : I. G. Farben, Krupp, H. Göring... Les besoins de la guerre exigent cette transformation. Les SS deviennent ainsi une grande puissance économique, qui possède ses propres ressources ; les déportés servent en outre à des expériences médicales comme de véritables cobayes humains. Lorsque les privations deviennent trop fortes, des épidémies éclatent typhus notamment ; les corps des nombreuses victimes étaient brûlés dans les fours crématoires. Outre les Juifs, on estime à près de six millions le nombre des victimes du système concentrationnaire. En majorité ce sont des Polonais, des Soviétiques notamment des prisonniers de guerre, des Yougoslaves, des Tziganes la deuxième communauté victime du nazisme avec 250 000 à 500 000 morts ; les Français furent environ 200 000.

La stratégie alliée

Britanniques et Américains ont constitué un état-major commun qui siège à Washington. Leurs armées sont placées, sur les divers théâtres d'opérations, sous le commandement unique de Dwight D. Eisenhower, en Afrique du Nord. Certes, les divergences de vues sont nombreuses, profondes parfois. Les Britanniques préconisent une stratégie périphérique, moins coûteuse en hommes, et de nature à protéger les intérêts de l'empire ; les Américains veulent au contraire porter la guerre directement au cœur de la citadelle ennemie. L'accord se fait néanmoins. Des conférences permettent à Roosevelt et à Churchill d'élaborer une politique et une stratégie communes, qu'ils préparent ou mettent au point par des conversations téléphoniques directes. La première décision, d'une importance capitale, est de faire porter l'effort principal de la lutte contre l'Allemagne, et non contre le Japon, comme le désirait l'opinion américaine.
En mai 1943, à Washington, sont décidés l'offensive contre l'Italie, l'extension du « tapis de bombes », aux effets psychologiques autant qu'économiques et militaires, le débarquement sur la côte française de la Manche à partir du Royaume-Uni.
Dans ces conditions, la guerre contre le Japon se limite momentanément au ravitaillement des troupes de Tchiang Kai-chek par la Birmanie, à l'extension de la guerre sous-marine ; à la conquête de la Nouvelle-Guinée et des îles Salomon, à la création de bases en Australie du Nord et en Nouvelle-Calédonie pour de futures opérations combinées, à la constitution aux États-Unis d'armadas aéronavales et d'unités de débarquement – les marines.
Si, sur ce front, les Alliés sont encore sur la défensive, ils peuvent passer à l'offensive sur tous les autres à la fois.

La grande offensive alliée en juillet 1943-août 1944

Désormais, les territoires occupés par l'Allemagne, attaquée à l'est, au sud et à l'ouest, se réduisent comme peau de chagrin.

La guerre en Italie et la chute de Mussolini

C'est l'Italie qui met bas les armes la première. Le 10 juillet 1943 se produit l'attaque sur la Sicile. La supériorité alliée est tellement écrasante que les aérodromes et les fortifications ont été entièrement détruits avant le débarquement. En deux jours, 80 000 hommes sont débarqués, avec 7 000 véhicules et 300 chars. La campagne de Sicile dure 39 jours, la résistance italienne est presque nulle, comme l'avait fait prévoir la capitulation, sous le seul effet des bombardements, de l'îlot de Pantelleria, jugé imprenable.
Cette défaite écrasante a pour effet la chute de Mussolini à la suite d'un complot fomenté par le roi d'Italie, le maréchal Badoglio et une partie du Grand Conseil fasciste, dont le comte Ciano, gendre de Mussolini. Le Duce est arrêté et interné.
Tout en déclarant qu'il continue la guerre contre les Alliés, Badoglio, successeur de Mussolini, négocie avec eux un armistice qui n'est révélé que le 8 septembre. Le 3 septembre, les américano-britanniques avaient débarqué en Calabre, puis à Salerne.
De leur propre initiative, les Français ont libéré la Corse, par un double mouvement de la Résistance intérieure et de troupes envoyées d'Afrique du Nord par le général Giraud.
La riposte allemande est très violente, 30 divisions sont envoyées en Italie ; la lutte se déroule dès lors dans les montagnes des Apennins, en batailles locales d'usure, avec pilonnage des positions adverses par l'aviation et l'artillerie, et combats sanglants pour la possession de sommets. La Wehrmacht se bat successivement sur les lignes du Volturno, puis du Garigliano-Sangro, où le front s'immobilise pendant l'hiver 1943-1944.
L'Italie connaît une situation anarchique. Dans le Sud, le roi et Badoglio sont reconnus par les Alliés ; par tactique, les antifascistes du Comité de Libération se sont ralliés à eux. Dans le Centre et le Nord, les Allemands règnent par la terreur – marquée par de nombreuses exécutions, aux fosses Ardéatines, à Rome, notamment. Dans les villes et les campagnes, la Résistance clandestine est dirigée par les comités de Libération où coopèrent tous les partis, antiroyalistes autant qu'antifascistes. Mussolini, libéré par les SS, a installé à Salo, dans le Nord, une république néo-fasciste ; il fait juger et exécuter, à Vérone, quelques-uns de ceux qui l'ont abandonné, comme son gendre Ciano.
Le corps expéditionnaire français, commandé par le général Juin, force les lignes allemandes du mont Cassin ; traversant des hauteurs jugées inaccessibles, il exécute une manœuvre conçue par le général de Monsabert, qui permet l'entrée des Alliés à Rome le 4 juin 1944. Puis, en application de la stratégie alliée, le front italien s'immobilise à nouveau sur la ligne gothique, entre Pise et Rimini. Malgré Churchill, les Anglo-Saxons ont en effet décidé de ne pas porter la guerre en Europe centrale et dans les Balkans, mais de rassembler le plus de forces possible pour un débarquement, qu'on veut décisif, en Normandie. Pourtant, à partir des aérodromes du sud de l'Italie, toute l'Allemagne peut être atteinte par les bombardiers alliés. D'autre part, la navigation est libre en Méditerranée, ce qui permet le transport d'un tonnage considérable.

L'offensive de l'Armée rouge

Au printemps de 1943, l'Armée rouge compte 381 divisions, dont 51 blindées ; elle possède l'avantage en hommes, en chars, et surtout en artillerie : plus de 100 000 canons ont été fabriqués ; dans les airs, son aviation est à égalité avec la Luftwaffe.
Pour la première fois, l'Armée rouge prend l'offensive en été, après avoir stoppé l'attaque allemande sur Koursk. La Wehrmacht doit opérer un « retrait élastique » de plusieurs centaines de kilomètres, qui l'amène jusqu'au Dniepr. Kharkov est libérée le 25 août ; au début de septembre, tout le bassin du Donetz est réoccupé et Smolensk, au nord, est reprise le 25 du même mois. Hitler refuse de raccourcir le front, comme le demande von Manstein, pour ne pas exposer les pétroles de Roumanie aux coups de l'aviation russe.
Les Russes adoptent alors une tactique d'offensives incessantes, à tiroir, en des secteurs différents, sans interruption, hiver comme été, une attaque étant lancée sur un point avant que s'achève l'attaque précédente sur un autre. En novembre 1943, Kiev est libérée. Les réactions allemandes sont désormais sporadiques ; il n'y aura pas au printemps de 1944 de quatrième offensive générale allemande. Au contraire, les Russes libèrent Odessa, Sébastopol et dégagent Leningrad.
Le front se stabilise en mai 1944 pour permettre à l'Armée rouge de reprendre souffle. Mais son mouvement d'attaque au sud, lancé sur un front de 600 kilomètres, a progressé de 500 kilomètres, pénétrant en Pologne et en Roumanie.

L'offensive américaine dans le Pacifique

Dans le Pacifique, les Américains lancent deux offensives qui vont au but, par approches successives, en négligeant et en isolant les points d'appui japonais secondaires. C'est la tactique dite du « saut de mouton ».
À travers le Pacifique, au plus court, d'atoll en atoll, l'amiral Nimitz mène une guerre aéronavale droit vers l'archipel japonais. Il déploie des escadres autonomes, l'équivalent des Panzerdivisionen sur mer, ou Task-Forces, qui associent cuirassés, porte-avions 1 000 avions pour la Task-Force 58, navires et troupes de débarquement marines, navires de ravitaillement, navires-ateliers, et même bassins de radoub flottants.
Nimitz attaque les îles Gilbert en novembre 1943, puis les îles Marshall en janvier 1944. Chaque îlot est chèrement défendu par les Japonais qui, aux îles Gilbert par exemple, perdent 4 000 hommes.
Le 19 juin se livre aux îles Mariannes la plus importante bataille aéronavale depuis celle des îles Midway. À nouveau les avions américains gagnent la bataille, dans les airs d'abord, sur mer ensuite. Les Japonais, qui ne disposaient que de neuf porte-avions contre les quinze porte-avions américains, en perdent trois ; quatre autres sont gravement endommagés.
Le général MacArthur, de son côté, se dirige vers les Philippines, par les nombreux archipels du sud du Pacifique. Il procède par enveloppements successifs, occupant les points faibles, négligeant les points forts qui, bloqués, seront réduits par la suite. Partout où ils prennent pied, les Américains aménagent des aérodromes, qui deviennent des bases de départ de bombardements stratégiques aux objectifs de plus en plus lointains.
En juin 1943, Américains et Australiens débarquent en Nouvelle-Guinée ; ils mettront un an pour avancer de 2 000 kilomètres dans la jungle au climat chaud et humide, générateur de dysenterie et de fièvre jaune. En juin 1944, 135 000 Japonais, complètement isolés, sont pris au piège, et il ne leur reste qu'à attendre la fin de la guerre.
En même temps, les Britanniques se battent opiniâtrement en Birmanie, pour protéger l'Inde et enrayer l'avance japonaise d'abord, pour reconquérir ensuite et aménager la route birmane, qui permettra de ravitailler les armées de Tchiang Kai-chek, avec lesquelles ils font leur liaison en août 1944.
En Chine, après s'être battues contre les troupes de Tchiang Kai-chek, les unités communistes de guérilla de Mao Zedong ont recommencé à attaquer les Japonais. Mais les Russes sont dans l'impossibilité de les aider.
Les Américains éprouvent aussi de sérieuses difficultés à secourir Tchiang Kai-chek, à qui le général Stilwell sert de conseiller peu écouté. Les Japonais lancent une grande offensive dans la Chine du Sud. En dépit de leur avance, ils ne peuvent s'emparer des aérodromes, d'où la XIXe armée aérienne américaine harcèle leur trafic maritime dans la mer de Chine.

Les rapports entre les Alliés. La conférence de Téhéran

Les problèmes de Grèce, de France et de Pologne posent ceux de l'organisation du monde après la guerre et obligent les Alliés à préciser leurs buts de guerre. Ils comprennent la nécessité de se mettre d'accord.
À Moscou, du 19 au 30 octobre 1943, les ministres des Affaires étrangères de Grande-Bretagne, des États-Unis et de l'Union soviétique Anthony Eden, Cordell Hull et Molotov s'entendent sur la création, après la guerre, d'un système de coopération et de sécurité internationales, le jugement des criminels de guerre, la suppression totale des régimes fascistes. Les questions de frontières seront laissées en suspens jusqu'à la fin des hostilités.
À Téhéran, du 28 novembre au 1er décembre 1943, Staline, Roosevelt et Churchill prennent la décision d'opérer un vaste débarquement à l'ouest, dont le commandement est confié au général Eisenhower, en liaison avec une grande offensive soviétique. Les stratégies sont ainsi harmonisées, mais des différences de vues politiques se sont manifestées. Roosevelt s'est posé parfois en arbitre entre Churchill et Staline. L'alliance, provoquée par Hitler, entre les démocraties anglo-saxonnes et le totalitarisme soviétique, s'avère paradoxale et fragile.

Le débarquement en Normandie

Les préparatifs du débarquement en Normandie avaient commencé à la fin de 1943 : construction de péniches de débarquement et d'éléments de ports préfabriqués ; étude des problèmes posés par le ravitaillement, avec construction d'un oléoduc ; concentration et entraînement des troupes, élaboration d'un plan à la fois extrêmement complexe et soigneusement minuté ; destruction par l'aviation des voies ferrées, ponts, canaux et moyens de transport ; encadrement et armement des Forces françaises de l'intérieur par des équipes d'officiers spécialisés dites Jedburgh ; intensification du renseignement pour prendre la mesure des défenses allemandes.
Retardée une première fois en raison du mauvais temps, les bateaux déjà partis étant obligés de tourner en rond sur place, l'opération est fixée au 6 juin, bien que les conditions météorologiques ne se soient pas améliorées. Dans la nuit, des hommes-grenouilles viennent cisailler les barbelés posés par les Allemands dans la mer ; à 2 heures, les troupes aéroportées sont lâchées ; à 3 heures commence le bombardement aérien, à 5h50 le bombardement naval ; à 6h30, les premières troupes d'assaut et les chars prennent pied sur les plages. À la tombée du premier jour, 10 divisions ont débarqué, avec armes et bagages.
Du 6 au 12 juin, la tête de pont s'affermit ; Bayeux, Isigny et Carentan sont libérées. Les Allemands, qui ont adopté un système de défense sans profondeur, sont dans l'impossibilité d'amener en temps utile leur masse de réserve, massée pour la majeure partie en face du pas de Calais ; les bombardements alliés et les sabotages des résistants en sont la cause.
Glissant vers l'ouest, l'armée américaine s'empare de Cherbourg le 27 juin ; les Britanniques se heurtent à une énergique défense allemande devant Caen, qui n'est enlevée que le 9 juillet. La percée du front allemand est effectuée à Avranches le 31 juillet. Les troupes allemandes se replient vers l'est, évacuant tout l'ouest de la France. À son quartier général, Hitler échappe de peu à un attentat, et Berlin à un putsch de généraux.
Sans attendre que le succès soit affermi, le général de Gaulle est venu à Bayeux pour affirmer que le gouvernement provisoire de la République est le gouvernement de la France. Il a installé un commissaire de la République en Normandie et un sous-préfet à Bayeux. Puis il fait son entrée le 26 août dans Paris, libéré par l'insurrection des F.F.I. Forces françaises de l'intérieur et le secours de la 2e D.B. division blindée de Leclerc.

Le débarquement en Provence

Le 15 août a eu lieu en Provence le deuxième débarquement allié. Cette opération a été longtemps refusée par Churchill, qui préconisait une poussée à partir de l'Italie en direction des Balkans, appelés curieusement par lui « le ventre mou de l'Europe ». Les Américains refusèrent le plan de Churchill, et le corps de débarquement, sous le haut commandement de sir Maitland Wilson, comprenant la Ire armée française commandée par Jean de Lattre de Tassigny, fut prélevé sur les armées combattant en Italie. L'armada partit de Naples, Tarente, Malte, Oran et Ajaccio.
Dans la nuit du 14 au 15, les commandos immobilisent les batteries de la côte. Au lever du jour, les formations aéroportées sont lâchées au nord des Maures. Puis les premières vagues d'assaut américaines s'emparent rapidement des régions de Saint-Tropez, Sainte-Maxime et Saint-Raphaël. Le lendemain débarquent trois divisions françaises qui marchent sur Toulon. Le 18 août, le commandant allemand ordonne la retraite. Le 28 août, les garnisons allemandes de Toulon et Marseille déposent les armes.

La défaite de l'Allemagne

Il était temps que les armées lancent ensemble l'assaut final. Les Allemands ont mis en effet au point des armes nouvelles dont Hitler espère un retournement de situation en sa faveur.

Les armes nouvelles

À partir du printemps de 1944, leurs sous-marins sont équipés du tube schnorchel, qui permet d'employer les moteurs Diesel en plongée, autorisant ainsi des croisières quasi illimitées, tout en rendant le radar inutile et l'avion inefficace. Les sous-marins électriques permettront de reprendre la guerre des convois. Pour permettre leur construction, Hitler fixe des unités de la Wehrmacht sur les rives de la Baltique.
Les avions à réaction auraient pu redonner la suprématie dans les airs à la chasse allemande si Hitler n'avait pas hésité entre plusieurs prototypes et accordé sa préférence à la construction de bombardiers capables de rendre aux Alliés les coups que leurs « forteresses volantes » portaient aux villes et à l'économie du Reich.
Beaucoup plus prometteuse était l'utilisation des avions-fusées, V1 et V2. Ils commencent à tomber sur Londres le 13 juin 1944 et provoquent des pertes supérieures à celles des bombardements de 1940-1941. La Résistance apporte alors une aide capitale pour découvrir et bombarder d'abord les rampes de lancement, puis les ateliers de fabrication sont eux-mêmes repérés et bombardés à Peenemünde. Une sorte de course s'engage entre la paralysie de l'Allemagne sous les coups des Alliés et la construction d'armes nouvelles dans laquelle les savants allemands ont l'avantage.
Des deux côtés on recherche l'arme absolue : la bombe atomique. Dans cette direction, les Allemands sont battus par une extraordinaire coopération de savants américains, britanniques, canadiens, français, italiens, danois, réunis à Oak Bridge dans le Tennessee.

La libération de la France

Les armes nouvelles allemandes n'étant pas prêtes à temps, la libération de la France s'achève en quelques mois, bien que les Alliés aient hésité entre deux plans : Montgomery préconisait une attaque principale par les plaines du Nord ; Eisenhower impose son plan d'offensive généralisée sur tout le front, de la mer du Nord aux Vosges.
Au nord, les Anglo-Canadiens libèrent Rouen le 1er septembre ; le 5, ils sont à Bruxelles, et, le 6, ils délivrent Anvers, préservée par une initiative de la Résistance belge. Un grand port, à proximité du front, pourra ainsi être utilisé pour acheminer au plus près le ravitaillement des armées.
Pendant ce temps, les F.F.I. se battent à peu près seules dans tout l'Ouest ; mais, si les Allemands évacuent d'eux-mêmes le Sud-Ouest, ils s'enferment dans les « poches de l'Atlantique » d'où les Français, faute d'artillerie et d'aviation, ne peuvent pas les déloger.
Les armées franco-américaines du Sud remontent la vallée du Rhône, tandis que les F.F.I. tendent des embuscades aux colonnes allemandes. La jonction des troupes alliées du Nord et du Sud se fait en Bourgogne : 40 000 Allemands restent pris dans la nasse.
Vers le 15 septembre, les armées alliées sont parvenues devant les bouches de l'Escaut, la frontière hollandaise, la ligne Siegfried d'Aix-la-Chapelle à Trèves et les Vosges. Le front allemand se reforme sur la frontière allemande, où va s'engager une nouvelle bataille d'envergure.

La dernière offensive allemande dans les Ardennes

Le maréchal Montgomery, pour s'ouvrir l'accès des plaines d'Allemagne du Nord en sautant l'obstacle des bras du Rhin et de la Meuse, lance trois divisions aéroportées à Arnhem Pays-Bas, tout en déclenchant une offensive terrestre. La surprise indispensable ne joue pas, les Allemands ayant concentré par hasard des unités au bon endroit. Le mauvais temps, les bois qui rendent les parachutages difficiles, l'absence d'avions de transport condamnent à l'échec l'opération d'Arnhem après trois jours de combat sept. 1944. Mais les troupes britanniques sont au bord de la Meuse.
L'offensive alliée reprend en novembre de part et d'autre des Ardennes ; Aix-la-Chapelle au nord et Metz au sud sont atteints par les Américains, tandis que la Ire armée française parvient sur le Rhin à Mulhouse 20 nov. et la 2e D.B. à Strasbourg le 23 novembre ; mais les Allemands se cramponnent aux Vosges dans l'Alsace centrale. Profitant de l'étirement des lignes américaines, ils lancent leur dernière grande contre-attaque à l'ouest dans les Ardennes, le 16 décembre. Le plan de Hitler est grandiose ; l'objectif est le port d'Anvers, de façon à encercler le groupe d'armées anglo-canadien au nord, le dos aux polders de Hollande. Si l'opération réussit, tous les espoirs sont permis, y compris une répétition de l'encerclement de Dunkerque. Au pis, on peut espérer que les Américains auront besoin de plusieurs mois pour reprendre leur souffle. Le vieux maréchal von Rundstedt, qui dirige l'action, a bien émis quelques objections ; puis, comme les généraux allemands en ont pris l'habitude depuis longtemps, il obéit docilement au Führer. La Wehrmacht attaque le 16 décembre. La surprise est totale, et le mauvais temps interdit à l'aviation alliée de se manifester. Cependant, les blindés allemands ne possèdent que la moitié de la quantité d'essence nécessaire. En soixante heures, les Allemands avancent de 25 kilomètres ; le 19 décembre, ils sont à 25 kilomètres de Liège. Mais les Américains se sont maintenus, en hérisson, à Bastogne.
Les Alliés regroupent leurs forces ; une amélioration du temps permet à leur aviation d'intervenir. Le 27 décembre, le siège de Bastogne est levé. Mais Hitler ne veut pas reconnaître son échec. Il s'obstine dans une bataille d'usure où il engage ses dernières réserves stratégiques, au moment où a commencé la grande offensive soviétique d'hiver.

L'offensive de l'Armée rouge été-automne 1944

Conformément à la stratégie élaborée en commun à Téhéran, l'Armée rouge est passée à une offensive généralisée le 26 juin avec 400 divisions articulées en 11 groupes d'armées. Au nord, elle atteint les frontières de la Prusse-Orientale et oblige la Finlande à signer un armistice le 4 septembre.
Au centre, toute la Pologne reste toujours occupée par les Allemands. Le gouvernement polonais de Londres, pour devancer les Russes, décide l'insurrection de Varsovie, le 1er août, sans en avoir averti les Britanniques et les Américains. Les insurgés luttent seuls pendant quarante jours. L'Armée rouge reste l'arme au pied, sans les aider, sur l'autre rive de la Vistule, jusqu'au 10 septembre. Le 28 septembre, le général Bor-Komorovsky met fin à l'insurrection ; les Allemands achèvent de détruire Varsovie ; les insurgés survivants sont fusillés ou envoyés dans des camps de concentration.
Butant contre les Carpates, les Russes engagent au sud les combats les plus décisifs. Une offensive éclair de trois semaines contraint la Roumanie et la Bulgarie à demander un armistice en septembre, tandis que les Allemands évacuent la Grèce, où les Britanniques débarquent le 3 octobre. Les Russes font leur liaison avec les Yougoslaves : Belgrade est prise le 19 octobre.
Au courant d'octobre, la Hongrie est envahie par le sud ; une contre-attaque allemande, de part et d'autre du Danube, au nord de Budapest, remporte quelques succès initiaux, puis est stoppée. À la fin de 1944, le front se stabilise pour quelques semaines, de la Drave au lac Balaton, et le siège de Budapest commence.
Staline avait promis de ne pas modifier les structures politiques et sociales des pays que l'Armée rouge occupe. En fait, partout il installe les communistes au pouvoir, sans tenir compte des gouvernements légitimes réfugiés à Londres. Désormais se posent avec acuité les problèmes politiques de l'après-guerre.

La conférence de Yalta

L'avance soviétique en Allemagne, que personne n'avait prévue, va-t-elle troubler l'accord des Alliés, qui a jusqu'ici résisté à toutes les épreuves ?
En février 1945, à la conférence de Yalta, où les trois Grands se rencontrent et dont la France est absente, Roosevelt, très malade, est surtout préoccupé par le danger d'une hostilité russo-américaine après la guerre. Aussi bien, contre Churchill souvent, qui voit avec tristesse décliner de façon irrémédiable l'influence du Royaume-Uni, a-t-il fréquemment épousé les points de vue de Staline. L'U.R.S.S. obtient que sa frontière à l'ouest suive la ligne Curzon, c'est-à-dire qu'elle annexe des territoires polonais, comme au temps du pacte germano-soviétique. Des droits sont aussi reconnus à l'U.R.S.S. sur des territoires en Asie, de façon à réparer la défaite de l'Empire tsariste en 1905. En échange, Staline ne prend que de vagues engagements sur la formation de gouvernements démocratiques en Pologne et en Yougoslavie. Il accepte la conception américaine de l'O.N.U., mais impose le droit de veto des grandes puissances. Il promet d'intervenir contre le Japon trois mois après la défaite de l'Allemagne. Mais s'il consent à l'élaboration d'accords militaires limités, destinés à éviter des accidents lors de bombardements et en prévision de la jonction des armées alliées en Allemagne, Staline refuse toute révélation sur la stratégie qu'il entend appliquer, alors que Eisenhower lui fera part, en mars, de ses intentions. L'accord se fait unanimement sur l'occupation intégrale de l'Allemagne et son découpage en zones relevant chacune d'un des grands Alliés. Dans l'immédiat, le désaccord espéré par Hitler ne s'est pas produit.

La décomposition de l'Allemagne nazie

La décomposition de l'Allemagne est alors irrémédiable ; Hitler, vieilli, malade, soumis à l'influence d'un charlatan à la fois médecin et astrologue, drogué par lui, est de plus en plus despotique et irritable.
Depuis le complot du 20 juillet 1944, il a perdu toute confiance dans l'armée. Des centaines d'officiers ont été destitués, beaucoup traduits en justice, comme le maréchal von Witzleben, humilié par ses juges du tribunal du Peuple, avant d'être pendu. L'amiral Canaris, chef de l'Abwehr Service des renseignements, est envoyé dans le camp de concentration d'Oranienburg, où il mourra.
D'illustres maréchaux et généraux se sont suicidés : Beck, von Kluge, von Stülpnagel ; Rommel a été contraint au suicide par la Gestapo, Himmler menace de fusiller les familles de déserteurs ; tout soldat en permission injustifiée sera exécuté.
Ce sont des SS qui prennent le commandement des armées ; la plupart sont des soldats improvisés comme Himmler, petit employé, ou comme le garçon boucher Sepp Dietrich.
Goebbels n'arrive plus à fanatiser les foules allemandes qui, à leur tour, manquent du nécessaire. Tandis que les hommes ont été mobilisés et que la doctrine nazie de la femme au foyer interdit de faire travailler des millions de femmes dans les usines, l'Allemagne, où le désordre généralisé s'aggrave d'un exode incessant, devient une immense tour de Babel, avec des millions de prisonniers de guerre, de requis de travail forcé, de concentrationnaires répartis dans des commandos de travail de plus en plus nombreux.
La levée en masse a été proclamée ; les hommes âgés, les adolescents, les malades même ont été enrégimentés dans le Volkssturm (armée populaire) – pour organiser rationnellement le ravitaillement, on a formé un bataillon avec des malades de l'estomac. Hitler refuse partout toute idée d'abandon, et même de repli volontaire : il faut tenir sur place. Il pense à dénoncer la convention de Genève, à pratiquer une politique de la terre brûlée. Il déclare : Si la guerre est perdue, la nation doit périr !
Les bombardements aériens américano-britanniques ont entrepris la destruction de l'Allemagne. Aucune ville n'est désormais à l'abri ; partout les chasseurs peuvent accompagner les bombardiers. 500 000 tonnes de bombes seront jetées entre janvier et mai 1945 : 570 000 civils allemands tués, 800 000 blessés par ces raids, destinés à abattre le moral de la population ; au cours de trois raids successifs en février 1945, 135 000 personnes seront tuées à Dresde et la ville brûlera une semaine entière.
Ces bombardements anéantissent les armes secrètes allemandes avant qu'elles produisent leur plein effet : les sous-marins électriques ne pourront plus prendre la mer ; les avions à réaction seront incendiés sur leurs longues pistes d'envol aisément repérables ; la plupart des bombes volantes, trop hâtivement fabriquées, manqueront leur but ; l'essence fera défaut pour entraîner les pilotes et les parachutistes seront jetés au combat sans instruction suffisante.

L'Allemagne occupée à l'ouest

Contrairement aux suggestions britanniques de tenter une percée au nord, Eisenhower à décidé de livrer bataille sur toute la rive gauche du Rhin pour la nettoyer complètement et réserver le choix de la manœuvre pour lancer l'ultime attaque au-delà du Rhin. Il va, à peu d'intervalle, engager : au nord de la Ruhr, le groupe d'armées anglo-canadien de Montgomery ; entre la Ruhr et la Moselle, le groupe d'armées américain de Bradley ; entre la Moselle, la Sarre et le Rhin, le groupe d'armées franco-américain de Devers. Le prélude est joué par la Ire armée française qui, avec de Lattre de Tassigny en plein hiver, libère la haute Alsace, dans une campagne de dix-huit jours 20 janv.-7 févr. 1945.
Eisenhower n'a pas attendu la fin de la campagne pour lancer sa grande offensive sur l'ensemble du front, avec 90 divisions, dont 25 blindées et 6 aéroportées, 6 000 chars et la suprématie totale dans le ciel. En face, von Rundstedt a 65 divisions incomplètes et 1 000 chars pour tenir un front de 750 kilomètres.
Le 8 février, l'offensive est lancée contre la ligne Siegfried, le long de la Meuse. La première armée canadienne part de Nimègue malgré le terrain inondé et parvient jusqu'à Clèves.
L'attaque sur la Roer est retardée par les inondations provoquées par les Allemands qui ont détruit les digues. Mais, fin février, le front du Rhin inférieur, devant la Ruhr, est aux mains des Alliés. Comme toujours, Hitler a ordonné de se battre sur place jusqu'au bout. Les ponts sur le Rhin sautent les uns après les autres avant que les Américains arrivent ; sauf à Remagen, où les Américains parviennent le 7 mars à 15h 0, alors que le pont devait sauter à 16h. Quand le pont est détruit par les canons, les V1 et les avions allemands, ils ont eu le temps d'en construire deux autres. Le 23 mars, la tête de pont a 40 kilomètres de profondeur.
Cet événement oriente la stratégie d'Eisenhower. La principale avance alliée s'effectue par le centre de l'Allemagne : les fleuves y sont plus étroits et plus faciles à traverser. Cette attaque principale est flanquée de deux axes de progression : au nord vers la Baltique, au sud vers la Bavière et l'Autriche, pour empêcher Hitler d'installer dans les Alpes un dernier réduit de résistance, comme il semble qu'il en ait l'intention.
Selon le plan prévu, le 24 mars, sous les yeux de Churchill, qui s'est aventuré sur le Rhin à proximité des lignes ennemies, deux divisions aéroportées sont larguées, non derrière, mais sur les positions ennemies. La surprise est totale. Trois têtes de pont sont, à l'aube, déja installées au-delà du Rhin, que les chars amphibies ont traversé par leurs propres moyens.
Tandis que les Canadiens se tournent vers l'ouest pour isoler l'armée allemande de Hollande, les Britanniques peuvent commencer leur avance vers l'Elbe ; le 28 mars, la tête de pont est large de 55 kilomètres, à l'est de Wesel.
Auparavant, George Patton a atteint le Rhin au pas de course, pris Coblence, débouché vers Mayence, comme ses instructions le lui commandaient. Le 23 mars, il passe le fleuve à Oppenheim.
Plus au sud, la VIIe armée américaine et la Ire armée française ont brisé les dernières résistances allemandes et franchi le Rhin le 26 mars à Gernsheim et le 31 mars près de Karlsruhe, qui tombe le 4 avril. La Ire armée avance alors dans la Forêt Noire.
À cette date, la Ruhr est complètement encerclée par les Ire et IXe armées américaines. La densité des habitations peut exiger une véritable guerre de siège, qui risque de durer longtemps. Mais les troupes allemandes se désorganisent peu à peu ; en dépit de quelques points de résistance, la guerre a perdu toute envergure à l'ouest. La citadelle de la Ruhr est progressivement réduite par le nord, l'est et le sud. Le 17 avril, tout est consommé ; 320 000 prisonniers sont capturés, dont 29 généraux.
Désormais, l'avance alliée au cœur de l'Allemagne s'effectue d'un seul élan. Au nord, vers Brême, Hambourg et, au-delà, Lübeck, Montgomery cherche à atteindre la Baltique pour couper les armées allemandes de Hollande, du Danemark et de Norvège.
Dans le plan d'Eisenhower, c'est aux armées de Bradley qu'est dévolue, au centre, la tâche principale. Délaissant Berlin qu'il estime sans intérêt militaire, car il refuse de voir quelle importance politique et morale aurait sa prise par les Anglo-Saxons, il a fixé pour objectif à Bradley la jonction au plus court avec les Russes. L'Elbe est ainsi atteinte à Magdeburg le 13 avril.
Plus au sud, les Américains ont infléchi leur marche entre le Main et le Neckar. Nuremberg est prise le 19 avril, le Danube franchi le 25 avril ; Munich tombe le 2 mai.
Le 4 mai, Leclerc et la 2e D.B. entrent à Berchtesgaden et dans le nid d'aigle de Hitler.
Plus au sud enfin, après avoir encerclé Stuttgart, la Ire armée française atteint la frontière suisse, encercle 40 000 Waffen SS dans la Forêt Noire, entre à Ulm le 24 avril, faisant en tout 150 000 prisonniers.

L'offensive alliée en Italie

En Italie, les généraux Alexander et Clark disposent de 25 divisions cosmopolites : Américains, Britanniques, Néo-Zélandais, Polonais, Brésiliens et Italiens. En face, Kesselring commande à des forces à peu près équivalentes, appuyées par les miliciens de la république fasciste de Mussolini. Pendant tout l'hiver se sont livrés des combats contre les maquis de résistants italiens dans les Alpes.
Le 9 avril, l'attaque alliée commence ; après une semaine de lutte, l'opposition allemande faiblit. Les Alliés débouchent de l'Apennin dans la plaine ; Bologne est prise le 22 avril, le Pô franchi le 24, Vérone enlevée le 26.
Un soulèvement généralisé des résistants italiens dans les villes livre aux Alliés Mantoue, Parme, Gênes le 27 avril (où les partisans font 4 000 prisonniers), Milan le 29. Le 1er mai, les Américains entrent à Turin, les Français à Coni.
Le 2 mai, les Néo-Zélandais font leur jonction à Trieste avec les partisans de Tito ; mais, des deux côtés, on se fige vite dans une attitude hostile. Tito entend conserver la ville, que les Anglo-Saxons ont promis de laisser à l'Italie.

Lire la suite -> http://www.loree-des-reves.com/module ... ost_id=5997#forumpost5997

Posté le : 22/06/2014 17:00
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Opération Barbarossa suite 4
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
L'Europe orientale aux mains des Russes

À l'est, en décembre 1944, les Russes ont encerclé Memel ; ils sont entrés dans les pays baltes, atteignent le Niemen, puis le Narew et la Vistule, au nord de Varsovie.
Leur supériorité est écrasante : 400 divisions contre 170 aux Allemands, 7 000 chars contre 3 500 ; la supériorité soviétique est surtout écrasante en artillerie qui compte 43 divisions et de nombreuses unités indépendantes ; 26 000 canons seront rassemblés uniquement en Prusse-Orientale, à raison de 200 par kilomètre sur les secteurs où la percée est recherchée. Et, pour arrêter l'Armée rouge, il n'y a nulle part de fortifications.
L'offensive commence le 12 janvier. Au nord, Bagramyan entre à Memel le 28 janvier. À sa gauche, Tcherniakhovski, né en 1906, jeune maréchal de trente-huit ans, prend Tilsit et fonce sur Kœnigsberg. Hitler s'enferme alors dans son bunker de Berlin pour diriger la bataille ; il n'en sortira plus. Auparavant il avait déclaré à Guderian : « Vous y croyez, vous, à l'offensive soviétique ? C'est le plus grand bluff depuis Gengis Khan. »
Rokossovski, à partir du Narew, progresse de 35 kilomètres en trois jours. Le 19 janvier, il est aux limites de la Prusse-Orientale. Il atteint la Baltique le 3 mars, encerclant 250 000 Allemands dans la poche de Elbing. Dantzig capitule le 29 mars ; le 26 avril, Rokossovski est à Stettin.
À partir de têtes de pont sur la Vistule Joukov tourne Varsovie, qui est prise le 17 janvier. Le 19, il entre à Lodz et avance alors de 50 kilomètres par jour ; il pénètre en Poméranie, atteint la Baltique le 5 mars à Kolberg et pousse vers l'estuaire de l'Oder.
Koniev, parti de Sandomir le 14 janvier, fait 100 kilomètres en quatre jours ; quand Joukov s'arrête, Staline fait progresser Koniev vers Breslau au nord-ouest : encerclée le 22 février, la ville tiendra jusqu'en mai, ainsi que certaines positions allemandes dans l'estuaire de la Vistule. Mais la haute Silésie, la seule région industrielle préservée des bombardements, est perdue pour les Allemands.
Sur les fronts d'Ukraine, tandis que Yeremenko avance assez difficilement en Slovaquie, Malinovski par le sud et Tolboukhine remontant depuis la Drave ont encerclé Budapest, qui tombe le 13 février. Hitler prélève des unités sur le front de Berlin pour les donner à l'offensive que tente, en mars, le général SS Dietrich ; après quelques succès, obus et carburant manquant, les Allemands sont stoppés.
La route de Vienne est ouverte, Bratislava prise le 4 avril ; Vienne, atteinte le 7 avril, tombe le 13.

La chute de Berlin et la capitulation allemande

Le 16 avril, Berlin est attaquée par l'aviation soviétique. Hitler lance l'ordre du jour : sauver Berlin, pas de retraite, l'ennemi sera écrasé. Mais Joukov, Koniev et Rokossovski disposent de 180 divisions, 41 000 canons, 6 300 chars, sur un front de 400 kilomètres.
Joukov attaque dans le secteur de Kustrin le 12 avril, Koniev au sud de la Neisse. Enrayée les premiers jours, l'attaque réussit au sud ; le 19 avril, malgré l'engagement de ses derniers blindés, la IXe armée allemande est disloquée ; Joukov arrive à 20 kilomètres de Berlin, dont l'encerclement s'esquisse par le nord et par le sud.
Hitler interdit tout décrochage, pour anéantir l'ennemi. Le 21 avril, Joukov est dans la banlieue est de Berlin ; Koniev remonte vers le nord-ouest ; le 24 avril, Berlin est complètement encerclée. Voronov dispose alors 25000 canons autour de la ville, 600 au kilomètre ; 25 000 tonnes d'obus tombent sur la ville.
La bataille de rues a commencé ; les Russes disposent de chars avec échelles pour pouvoir tirer derrière les barricades. Hitler, qui ne règne plus que sur les quelques mètres carrés d'une cellule souterraine éclairée par quatre chandelles, se suicide le 30 avril. Le 2 mai, le général Weidling rend à Tchouikov, le défenseur de Stalingrad, les 70 000 derniers survivants de Berlin.
En vain Churchill, qu'inquiète le comportement de Staline en Pologne et en Roumanie, insiste-t-il pour que les Américains, qui sont entrés en Tchécoslovaquie, marchent sur Prague, dont ils sont plus proches que les Russes. Sur l'avis de Staline, Eisenhower fait reculer ses troupes et, après Vienne et Berlin, l'Armée rouge fait son entrée dans Prague soulevée : toute l'Europe centrale et orientale sera soumise à l'influence soviétique.
Dans ces conditions, la jonction entre les armées américano-britanniques et russes, que Hitler voyait comme le point de départ d'hostilités ouvertes, s'est effectuée dans la joie et l'amitié à Torgau sur l'Elbe, puis dans le Mecklembourg et tout le long de leur ligne de rencontre.
La capitulation allemande est donc totale et sans conditions, comme la conférence d'Anfa l'avait prévu. À Caserte, von Vietinghoff a signé le 29 avril devant Alexander une reddition des troupes d'Italie, devenue effective le 2 mai, tandis que le corps de Mussolini, tué après avoir été capturé, est exposé à Milan à des crocs de boucherie.
Le 4 mai, à Lünebourg, Montgomery reçoit la reddition des armées allemandes du Danemark, des îles Frisonnes et de la Hollande. Le 7 mai, Eisenhower reçoit à Reims celle du général Jodl. Le 8 mai (le 9 pour les Russes), la cérémonie est répétée par Keitel, plein de morgue, devant Joukov à Berlin, de Lattre signant pour la France, après que Keitel, stupéfait, eut lancé : « Des Français, c'est un comble ! »

La défaite du Japon

À l'automne de 1944, le Japon, depuis l'été de 1943, est sur la défensive. Il se maintient certes encore sur ses positions en Chine et dans les territoires conquis depuis Pearl Harbor. Mais, outre qu'il commence à avoir de mauvais rapports avec les populations et qu'il est parfois attaqué par des résistants, surtout aux Philippines, il a perdu un grand nombre des bases qui en protégeaient les accès. Surtout, plus qu'en Europe, en raison des immenses distances, la guerre du Pacifique est une guerre industrielle, et la production de guerre japonaise pèse peu devant l'énorme puissance économique américaine. La flotte japonaise a été régulièrement battue depuis Midway ; enfin, à partir des Mariannes, les îles japonaises sont de plus en plus fréquemment bombardées par les raids des forteresses volantes B-29.
Le Japon cherche, dans la tradition nationale des samurai et du hara-kiri, une arme d'un autre âge ; il suscite une sorte de chevalerie par l'institution des pilotes-suicide, les kamikaze, qui se jettent, avec leur avion chargé d'explosifs ou sur des bombes planantes, sur les navires ennemis. Malgré leurs efforts et les nombreux coups au but, ils n'ont pas empêché la flotte américaine de détruire, à Leyte (Philippines), en trois combats de quelques heures les 23 et 25 octobre, la majeure partie des navires de guerre qui restaient au Japon, au cours de la plus grande et de la plus décisive bataille navale de tous les temps.

La reconquête de la Birmanie

Quatre directions avaient été envisagées par l'état-major américain pour atteindre Tōkyō. La plus courte, à partir des îles Aléoutiennes, fut écartée en raison des conditions climatiques polaires. La plus longue, par le sud-ouest, avait la prédilection des Britanniques qui, avec lord Louis Mountbatten, assuraient le commandement sur ce théâtre d'opérations.
La condition préalable était de conquérir la Birmanie à partir de l'Inde, en coopération autant que possible avec les armées plus ou moins disciplinées de Tchiang Kai-chek, et la flotte aérienne américaine qui le soutenait. À partir de novembre 1944, les troupes sino-américaines du général Sultan ont un peu progressé vers le sud, par l'Irrawaddy, et rétabli la liaison terrestre entre la Chine et l'Inde par l'Assam.
En février 1945, les unités indo-britanniques du général Slim pénètrent en Birmanie centrale, prennent Mandalay le 20 mars, descendent le long des monts Arakan. Le 2 mai, un débarquement a lieu à l'embouchure de l'Irrawaddy et Rangoon est prise le 3. Au milieu de mai, les Japonais n'occupent plus que quelques secteurs montagneux ; beaucoup se sont réfugiés au Siam.
Mais la guerre dans cette région demeure secondaire. Les Britanniques ne disposeront jamais des moyens nécessaires pour la stratégie qu'ils préconisent – une seule armée est étalée sur 1 000 kilomètres – et les Américains se désintéressent d'une zone où ils soupçonnent leurs partenaires d'arrière-pensées colonialistes.

Les Philippines reprises par les Américains

Pour atteindre directement le Japon, les Américains, jusqu'à la fin de 1944, ont hésité entre l'attaque de Formose, préconisée par l'amiral Nimitz, et la reconquête des Philippines exigée par MacArthur qui en fait un problème d'honneur personnel. Ce qu'on sait de la faiblesse des Japonais aux Philippines et, par contre, des redoutables défenses de Formose, fait pencher la décision en faveur de MacArthur.
Celui-ci débarque à Leyte en octobre 1944, pour y établir une base aéronavale qui commande l'ensemble de l'archipel philippin ; la campagne fut très pénible, en raison des pluies qui détruisirent routes et aérodromes hâtivement construits et qui empêchèrent la supériorité aérienne américaine de s'affirmer. En janvier 1945, les Américains ont cependant débarqué 275 000 hommes dans l'île, prêts à attaquer dans tout l'archipel.
MacArthur débarque alors dans Luçon, avec succès, malgré les attaques des kamikaze. De là, il marche sur Manille qui, atteinte le 23 février, n'est définitivement conquise que le 3 mars, tandis que des forces amphibies débarquent dans tout l'archipel philippin. Puis, la presqu'île de Bataan est coupée. Arrosée de bombes pendant un mois, l'île de Corregidor est prise au début de mars. Les Japonais se sont battus, comme toujours, avec acharnement, perdant 7 000 prisonniers épuisés pour 31 000 tués ; dans Corregidor, certains se sont fait sauter dans les tunnels où ils étaient enfermés.

Les attaques contre l'archipel nippon

Des Philippines, les Américains bondissent en février 1945 sur Iwoshima (Iwo Jima), îlot de lave et de sable, à 1 400 kilomètres de Hondo (Honshū), de façon à entreposer et ravitailler les bombardiers B-29 partis des Philippines ou des Mariannes. Les combats durent jusqu'en avril.
À cette date, après avoir pensé à un débarquement sur la côte chinoise, les Américains mettent pied à Okinawa. Les Japonais abrités dans des tranchées creusées dans le roc volcanique, d'où ils ne seront délogés que par des explosifs lancés de près, des coups au but de l'artillerie et par les lance-flammes, s'y battent jusqu'au 2 juillet ; ils y perdent leur dernier cuirassé géant, 110 000 tués dont plus de 1 000 kamikaze, et 7 000 prisonniers.
Le Japon est écrasé sous les bombes. Tōkyō est bombardé chaque jour. Du 17 au 18 juillet, six attaques de 1 500 avions chacune sont lancées contre les arsenaux, usines et habitations de Osaka, Yokohama et Kure. Mais la caste militaire ne veut pas entendre parler de capitulation : au début d'août, l'amiral Onishi, inventeur des kamikaze, envisage froidement la mort de vingt millions de Japonais.

La capitulation japonaise

Harry Truman décide alors l'emploi de la bombe atomique, dont la première vient d'exploser dans le Nouveau-Mexique le 16 juillet. Une bombe est jetée sur Hiroshima le 6 août, une deuxième sur Nagasaki le 9 août. L'empereur Hiro-Hito impose alors son autorité et le Japon, le 15 août, accepte l'ultimatum, lancé à Potsdam, d'une capitulation sans condition

Hiroshima et la capitulation du Japon, 1945

Le 6 août 1945, un bombardier américain largue la première bombe atomique de l'histoire sur la ville d'Hiroshima, au Japon. Une seconde bombe A est lancée sur Nagasaki le 9 août. Les deux cités sont entièrement détruites; quelque 150 000 personnes sont tuées sur le coup. Ce chiffre s'amplifiera dans…
Trois mois après la capitulation allemande, la défaite japonaise est totale, alors que les calculs les plus optimistes prévoyaient dix-huit mois pour la préparation d'un débarquement et un million de pertes humaines pour sa réalisation.
En raison des distances, les redditions japonaises seront échelonnées sur plus d'un mois. Leclerc, pour la France, signera la principale à bord du Missouri, en rade de Tōkyō (2 sept. 1945).
Tant bien que mal, avant que la guerre ait pris fin, l'après-guerre a fait l'objet d'accords difficiles entre les Alliés, masquant mal des désaccords de plus en plus profonds.
À Potsdam, fin juillet et début août 1945, où Clement Attlee a remplacé Churchill battu aux élections, sont fixées les réparations dues par l'Allemagne et délimitées les zones d'occupation. Celle de la France est découpée dans les zones britannique et américaine. Berlin doit être administrée par les quatre commandants en chef ; on espère ainsi rendre durable l'accord du temps de guerre.
Préparée à Dumbarton Oaks dès octobre 1944, mise au point à San Francisco entre le 25 avril et le 26 juin 1945, la charte de l'Organisation des Nations unies, qui prend la place de la Société des Nations, est signée par les délégués de cinquante nations.
D'autres organismes internationaux ont été prévus pour ravitailler les populations des régions dévastées, pour recueillir les millions de personnes déplacées, pour éviter les crises économiques.
Cependant, jamais conflit n'a causé tant de ruines ; des villes innombrables ont marqué de leur martyre les étapes du conflit : Varsovie, Rotterdam, Coventry, Saint-Lô, Lidice, Berlin, Dresde, Hiroshima, pour n'en citer que quelques-unes. Des pays, prospères naguère, connaissent la famine, comme les Pays-Bas. La guerre a fait au moins quarante millions de morts en Europe.
Les nazis ont accumulé les crimes ; la conférence de Potsdam a décidé l'institution d'un tribunal international pour juger les criminels ; au banc des accusés prendront place les principaux dirigeants du IIIe Reich, sauf Himmler qui a échappé, par le suicide, au châtiment.

Liens
http://youtu.be/j2CU0ZL4__A Histoire de la bataille
http://youtu.be/JhXKlYnSWjA Barbarossa (anglais)
http://youtu.be/I-qNTJNBcfA Barbarossa (anglais)
http://youtu.be/vs9ewggqeiA Début de l'opération Barbarossa
http://youtu.be/eNY6fZgmbWs Opération Barbarossa
http://www.ina.fr/video/CPB85102108/u ... -docteur-sorge-video.html Alain Decaux


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l



Posté le : 22/06/2014 16:57
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


L'armistice du 22 Juin 1940
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
Le 22 Juin 1940, est signé l’armistice,

une convention qui a été signée entre le représentant du Troisième Reich allemand et celui du gouvernement français de Pétain afin de mettre fin aux hostilités ouvertes par la déclaration de guerre du 3 septembre 1939 et d'établir les conditions de l'occupation par l'Allemagne de la France, le sort des personnes capturées, déplacées ou occupées, la neutralisation des forces françaises, et le paiement de compensations économiques à l'Allemagne.

Du point de vue territorial, il résulte de la convention, en particulier en ses articles 2 et 3 que la France métropolitaine est divisée en deux parties par une ligne de démarcation, la zone occupée par l'armée allemande et la zone dite libre. La souveraineté française s'exerce sur l'ensemble du territoire, y compris la zone occupée et l'Empire qui demeurent sous l'autorité du nouveau gouvernement français.

Dans la zone occupée, on distinguera par la suite, le Nord deux départements, le Nord et le Pas-de-Calais, qui est rattaché au gouvernorat militaire allemand en Belgique, la zone réservée de l'Alsace-Moselle à l'est, la zone interdite, le long des côtes de la Manche et de l'Atlantique, voir : Zone occupée – Subdivisions et Zone interdite, Seconde Guerre mondiale, et la petite zone d'occupation italienne avant fin 1942.
L'armistice marque la fin de la bataille de France déclenchée le 10 mai 1940.

Armistice signé le 22 juin 1940 dans une clairière de la forêt de Compiègne, proche de la gare de Rethondes.
Le maréchal Pétain, chargé de former le cabinet après la démission de Paul Raynaud, demande par l'intermédiaire de l'Espagne l'armistice aux Allemands le 17 juin. Assurance est donnée aux Anglais que la flotte française ne sera jamais livrée à l'ennemi. La délégation française, présidée par Huntziger, est reçue le 21 juin par Hitler à Rethondes dans le wagon même de l'armistice de 1918. Le gouvernement de Bordeaux lui donne l'ordre de signer le 22 juin. Le feu ne cessera que le 25 juin, après la signature le 24, à Rome, de l'armistice avec l'Italie.

L'armistice franco-allemand signé à Rethondes le 22 juin 1940 par le général Huntziger et le général Keitel reste l'un des sujets les plus controversés de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale. La drôle de guerre a pris fin le 10 mai 1940 avec l'invasion de la Belgique et de la Hollande par l'armée allemande. Le 13 mai, le front français est rompu dans la région de Sedan.
La capitulation de l'armée belge, le 28 mai 1940, aggrave encore sensiblement la situation de l'armée française. Le lendemain, Weygand, qui a remplacé Gamelin le 19 mai, adresse au président du Conseil, Paul Reynaud, un rapport dans lequel il envisage l'éventualité d'une cessation des combats. Désormais, deux camps vont se constituer et s'affronter parmi les responsables civils et militaires.
Pour renforcer les partisans de la poursuite des combats, Paul Reynaud remanie son gouvernement, le 5 juin. En fait, l'entrée du général de Gaulle comme sous-secrétaire d'État à la guerre est compensée par la promotion de Paul Baudouin, sous-secrétaire d'État aux Affaires étrangères, et d'Yves Bouthillier, ministre des Finances, qui rejoignent très rapidement le camp de l'armistice.
Le mot est prononcé pour la première fois le 12 juin, à Cangé, où le gouvernement s'est replié. Le lendemain, le maréchal Pétain s'y rallie ouvertement. Mais ce n'est qu'à Bordeaux, le 15 juin, que les deux thèses en présence s'affrontent avec éclat, au cours du Conseil des ministres. D'un côté, Paul Reynaud et une petite majorité du cabinet admettent que la bataille est perdue : les combats doivent cesser.
Mais c'est le généralissime qui doit capituler : il n'est pas question d'un armistice, qui est un acte politique, contraire à l'accord franco-britannique signé par Paul Reynaud le 28 mars 1940. La capitulation n'interrompra pas les hostilités, et les pouvoirs civils seront transférés en Afrique du Nord — l'idée d'un réduit breton ayant été finalement abandonnée pour des raisons stratégiques. Weygand, soutenu par Pétain, rétorque qu'une capitulation est contraire à l'honneur de l'armée, même si c'est le gouvernement qui la commande ; il doute que la légitimité de Paul Reynaud, à la différence de celle d'un monarque, survivrait à sa fuite.
Quant aux Anglais, ils n'ont guère participé à la lutte et leur défaite est imminente : d'ailleurs Baudouin soutient que Churchill, le 13 juin, a accepté que la France signe un armistice si sa flotte n'est pas livrée aux Allemands. Pour sortir de l'impasse où la discussion s'enlise, Chautemps, vice-président du Conseil et spécialiste des motions de compromis, suggère de ne demander à l'ennemi que les conditions d'un armistice, affirmant qu'elles seront de toute façon inacceptables. Le Conseil se rallie à cette transaction qui est soumise à Churchill. On ne connaît pas sa réponse car, le lendemain, au cours du dernier Conseil des ministres du gouvernement Reynaud, à 17 heures, le général de Gaulle téléphone de Londres une surprenante proposition d'union totale franco-anglaise, les deux pays ne faisant plus qu'un. Les ministres refusent d'en discuter, ne voulant pas réduire la France à l'état d'un dominion. Reynaud lève la séance et, sans qu'on en sache encore la cause exacte, sans doute par lassitude, démissionne. Le président Lebrun fait appel à Pétain pour lui succéder.
Aussitôt, le nouveau ministre des Affaires étrangères, Baudouin, fait demander aux Allemands par l'ambassadeur d'Espagne quelles seraient les conditions de la paix. Le 17 juin, Pétain déclare solennellement que la France doit cesser le combat.
C'est Hitler qui n'accepte d'envisager que l'armistice. Après trois jours 20-22 juin au cours desquels les négociateurs français discutent certaines clauses, en n'obtenant d'ailleurs que de minimes améliorations, l'armistice est signé le 22 juin. Il prendra effet le 25 juin, après signature de l'armistice franco-italien. Cet armistice fut-il un pont d'or ou un diktat ? Il est, indéniablement, très sévère : les deux tiers du territoire livrés à l'occupation de l'ennemi pa art. 2, l'armée démobilisée art. 4, les réfugiés allemands livrés aux nazis art. 19, les prisonniers français maintenus en captivité art. 20. Mais il conserve à la France un territoire, un gouvernement, son Empire, sa flotte. Il a d'ailleurs été critiqué par la suite, par certains Allemands, parmi lesquels Göring, car il laissait l'Afrique du Nord hors de leur portée.
Les principaux artisans de l'armistice, Pétain et Weygand, fondèrent leur décision sur le sentiment que l'Allemagne avait déjà gagné la guerre. Ils rejetèrent l'hypothèse d'une poursuite des combats à partir de l'Afrique du Nord. Et l'armistice, loin d'être conçu comme une simple suspension d'armes, réservant l'avenir, permettant de préparer la revanche, fut exploité par ceux qui l'avaient réclamé comme la consécration d'une défaite définitive, la fin d'un régime, le début d'une ère nouvelle. La politique de collaboration a été dans une très grande mesure l'aboutissement logique de la signature de l'armistice. Ce sont les hommes qui avaient réclamé celui-ci qui se sont ensuite empressés de pratiquer celle-là.

Les délégations

Adolf Hitler exige que l'armistice soit signé au même endroit que l'Armistice de 1918, dans la clairière de Rethondes, en forêt de Compiègne. Il fait sortir le wagon de l'Armistice, qui avait servi à signer celui de 1918, du bâtiment qui l'abrite, et le fait placer à une centaine de mètres de là, à l'emplacement exact où il se trouvait le 11 novembre 1918, afin d'y organiser la cérémonie de revanche sur la Première Guerre mondiale, le wagon sera ensuite convoyé à Berlin. Le 21 juin, lors de la journée inaugurale des négociations, les Allemands sont représentés par Adolf Hitler et le maréchal Wilhelm Keitel, chargé des négociations.
Plusieurs hauts dignitaires de l'armée allemande et du régime nazi assistent à la cérémonie : Rudolf Hess, Hermann Göring, Von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères du Reich, l'amiral Raeder, chef de la Kriegsmarine, et le général von Brauchitsch, commandant de la Wehrmacht.
La délégation française est présidée par le général Huntziger et comprend le général d'aviation Bergeret, le vice-amiral Le Luc et l'ambassadeur Léon Noël.

La discussion des clauses

En tant que nouveau ministre de la Défense, le général Weygand donne à la délégation française dirigée par le général Huntziger, avant son départ pour Rethondes, des instructions concernant, en particulier, la Flotte. Ayant pris connaissance des conditions d'armistice édictées par les Allemands, Huntziger en rend compte à Weygand, le 21 juin à 20 heures, au cours d'un long entretien téléphonique où il dicte le texte intégral de la convention, aussitôt transmise au Conseil de ministres réuni à Bordeaux.
Lors des pourparlers qui se déroulent toute la journée du 22, entrecoupés de nouvelles communications téléphoniques entre Huntziger et Weygand, la délégation française obtient néanmoins deux modifications : l'article 5 sur la livraison des avions militaires et l'article 17 sur les transferts de valeurs et de stocks, sont amendés. Les Allemands refusent toute autre concession, en dépit des protestations françaises, en particulier sur l'article 19 concernant le droit d'asile et sur l'Italie la France n'ayant pas été vaincue dans les Alpes. Suite à l'ultimatum du chef de la délégation allemande, le maréchal Keitel, Huntziger reçoit l'ordre depuis Bordeaux de signer l'armistice.
Après ces deux jours de discussion, l'armistice est donc signé le 22 juin à 18 h 50 par le maréchal Keitel et le général Huntziger.

Les motivations de Hitler

Les conditions de l'armistice sont motivées par les préoccupations d'Adolf Hitler à cette époque : il faut bien sûr empêcher de façon durable que la France ne redevienne une grande puissance militaire, mais à court terme, il faut veiller à ce que sa flotte et l'aviation ne rejoignent pas le Royaume-Uni, qui reste le dernier pays à vaincre ou à séduire, car un accord de paix avec le Royaume-Uni reste souhaité en cette fin du mois de juin. Enfin, il ne faut froisser ni l'allié italien, ni le potentiel allié espagnol. Hitler a rencontré Mussolini le 18 juin à Munich pour le convaincre de s'en tenir à ses vues : le Duce voulait s'emparer de la Flotte et de l'aviation françaises, occuper la France jusqu'au Rhône, annexer Nice, la Savoie, la Corse, la Tunisie, la Côte française des Somalis, les villes d'Alger, d'Oran et de Casablanca, ce qui n'entrait pas dans les plans de Hitler qui considérait ces prétentions démesurées et de nature à compromettre la signature de l'armistice. Ce sont toutes ces considérations complexes qui vont déterminer le contenu de la convention d'armistice.

Les conditions

La France coupée en quatre : zone libre, zone occupée, départements annexés et du Nord de la France directement sous administration militaire allemande.
La convention est un texte bref de vingt-quatre articles, qui contient notamment les clauses suivantes :

Les prisonniers de guerre plus de 1,5 million d'hommes restent en captivité jusqu'à la signature d'un accord de paix.
La moitié nord, ainsi que la côte atlantique, passent sous occupation allemande : c'est la zone occupée, qui couvre à peu près les trois cinquièmes du territoire. Le reste constitue la zone libre, c'est-à-dire non occupée, regroupée essentiellement au sud de la Loire. Les deux zones sont séparées par la ligne de démarcation.
La France doit pourvoir à l'entretien de l'armée d'occupation. Il s'avéra que le montant de ces indemnités allait être fixé de façon quasi-discrétionnaire par les Allemands, et leur montant s'élèvera, en moyenne, à 400 millions de francs par jour.
Dans la zone libre, l'armée française est limitée à 100 000 hommes et les troupes sont désarmées.
La souveraineté française s'exerce sur l'ensemble du territoire, y compris la zone occupée, l'Alsace et le département de la Moselle, mais dans la zone occupée, il est stipulé que l'Allemagne exerce les droits de la puissance occupante, ce qui implique que l'administration collabore avec elle d'une manière correcte.
L'Empire colonial français reste également sous l'autorité du Gouvernement français.
Les bâtiments de guerre rejoignent leur port d'attache du temps de paix, comme Cherbourg, Brest et Lorient qui se trouvaient en zone occupée, La désignation de ces ports sera faite d'après les ports d'attache des navires en temps de paix.
La France doit livrer les réfugiés politiques allemands ou autrichiens présents sur son sol.
La dernière condition article 19 : la France doit livrer les réfugiés politiques allemands ou autrichiens présents sur son sol est généralement considérée comme contraire à l'honneur, en tout premier lieu par la délégation française à Rethondes.

La question de la Flotte française

Le choix d'Hitler de laisser à la France vaincue sa souveraineté et son empire peut paraître aujourd'hui surprenant. À l'époque, dans une lettre au Duce et lors de la réunion du 18 juin à Munich, Hitler a justifié ce choix ainsi que celui de maintenir une zone non occupée par le souci de ne pas pousser la France et sa puissante flotte à continuer la guerre à partir de ses colonies. La marine allemande n'était pas en mesure de conquérir le vaste empire colonial outre-Méditerranée, et l'envoi de troupes dans des contrées éloignées n'entrait pas dans la stratégie d'Hitler. Dans les faits, à l'exception de l'Afrique-Équatoriale française et de la Nouvelle-Calédonie, les colonies françaises ne se rallieront ni à de Gaulle ni aux Alliés dans les mois qui suivront l'armistice, malgré la bataille de Dakar.

De son côté, Churchill, face au risque insupportable de voir la flotte française rejoindre ses ports d'attaches maintenant occupés par l'ennemi conformément aux conventions d'armistice, envoie le 3 juillet 1940 une force navale britannique, commandée par l'amiral Somerville, sommer l'escadre française de Mers el-Kébir de se joindre à elle, de se saborder, ou de rejoindre les Antilles françaises. L'amiral français Gensoul rejeta l'ultimatum, sans informer le gouvernement de toutes les possibilités ouvertes par celui-ci, notamment de rejoindre les Antilles françaises pour se mettre hors de portée des Allemands. Il s'ensuit un combat naval, au cours duquel un cuirassé fut coulé, Bretagne. Un second, Provence, un croiseur de bataille, Dunkerque et un contre-torpilleurs, Mogador sont mis hors de combat, causant la mort de 1 297 marins français.
L'amiral Darlan avait, par avance, refusé de diriger vers les ports occupés, les unités qui y avaient leur base. Il ordonna à la totalité de la Flotte de se replier en Afrique du Nord. L'attaque de Mers el-Kébir l'incita à la baser à Toulon dès la fin de l'année 1940.

L'armistice du 24 juin avec l'Italie

L'Italie, bien que revendiquant, entre autres, l'ancien comté de Nice et la Savoie, dont elle n'est pas parvenue à s'emparer, doit se contenter de la zone d'occupation de Menton, Alpes-Maritimes. Les autres territoires revendiqués, depuis la frontière franco-italienne jusqu'au Rhône ainsi que la Corse, ne seront occupés par l'armée italienne qu'ultérieurement, le 11 novembre 1942, lors de l'invasion de la zone antérieurement non occupée.

Le règlement du conflit avec l'Italie fasciste fait l'objet d'un autre armistice signé le 24 juin 1940.

Accusations du général de Gaulle


Le général de Gaulle reprocha à Pétain le principe même de l'armistice, qui livrait la France pieds et poings liés au Reich. Dans son Appel du 18 Juin, de Gaulle avertit les Français que « [...] cette guerre ne se limite pas au territoire de notre pays ; cette guerre est une guerre mondiale.
et pense, à juste titre, que les États-Unis vont entrer en guerre et que les ressources cumulées des Empires français et britannique vont permettre d'écraser l'Allemagne.


L’été 1940 Il y a 70 ans: La débâcle du 19 au 25 juin

19 juin : malgré l’appel de Pétain et son appel à la capitulation, les combats se poursuivent à l’ouest, devant Cherbourg, à Saumur où s’illustrent les cadets de l’Ecole de cavalerie, et en Bretagne. A Bordeaux, Pétain refuse de partir en Afrique du Nord : il attend la réponse d’Hitler à sa demande d’armistice.

20 juin : tous les hommes valides de l’île de Sein rejoignent, sur leurs bateaux de pêche, la Grande-Bretagne. En Lorraine, trois armées françaises, cernées de toutes parts, résistent à l’envahisseur. Le général Huntziger, responsable du désastre de Sedan, le 10 mai, qui dirigera la Commission d’armistice de Wiesbaden, part pour prendre contact avec les plénipotentiaires allemands. Pétain en a fait, le 16 juin, son ministre de la Guerre.
Un bateau, le Massilia, est mis à la disposition des parlementaires, tels Pierre Mendès-France, Jean Zay, Paul Bastide, qui veulent rejoindre le Maroc.

21 juin : Le Massilia quitte Le Verdon à destination de Casablanca. En fait, ce départ est un piège : il écarte de Bordeaux des hommes hostiles à l’armistice, et servira à les présenter, quelques jours plus tard, comme des « lâches » et des « traîtres ». Nous les retrouverons dans la Résistance. Jean Zay, lui, sera assassiné par la Milice de Joseph Darnand.

Du 23 au 25 juin :

Huntziger reçoit à 18 heures l’ordre du gouvernement de signer l’armistice. La cérémonie a lieu dans le même wagon où fut signé celui de 1918, et sur les mêmes lieux, la forêt de Compiègne. Le document contient des clauses déshonorantes, telle la livraison à l’ennemi des antifascistes allemands (art.19) ; ils s’étaient réfugiés en France et furent internés par les derniers gouvernements de la 3ème République.

L’armistice prendra effet à la date du 25 juin, le temps pour la Wehrmacht de parachever l’occupation des territoires prévus dans le protocole.

Pierre Laval, un politicien de droite, devient ministre d’Etat. En France, tous les médias ont fait leur mue : ils servent avec zèle le nouveau pouvoir, faisant de Pétain le Chef vénéré, et, en zone occupée, ils se mettent, sans état d’âme, au service des vainqueurs.

A Paris, où le couvre-feu est instauré de 22 heures à 5 heures du matin, Roger Langeron, le préfet de Police, fait de celle-ci, un auxiliaire discipliné aux ordres des nazis. Les communistes continueront à être pourchassés. Le Matin, qui sera un quotidien les plus ‘collabos’, annonce l’arrestation de cinq militants du PCF.

Au 25 juin, un bilan de la débâcle peut être établi : 60% du territoire est occupé par l’ennemi, qui a fait 2 millions de prisonniers. Les pertes militaires françaises sont lourdes : 92.000 soldats ont été tués et 250.000 blessés. Des millions d’hommes, de femmes et d’enfants, jetés sur les routes, traumatisés, tentent de regagner leurs foyers.

Le charbon du Nord, le fer de Lorraine, le blé de la Beauce et de la Brie, les élevages bretons et normands, les industries parisiennes passent sous contrôle allemand.
Cependant, plus de 700.000 militaires, tout leur armement et 1000 avions de combat séjournent en Afrique du Nord. La Flotte est intacte. La Résistance pourrait s’y organiser.
Mais ce n’est pas l’objectif du nouveau pouvoir.
Celui-ci profite de la défaite pour en « finir avec la gueuse », la République.
Ce sera fait, le 10 juillet, à Vichy.


Liens

http://youtu.be/hKCZ0tXuDGc 22 Juin 1940 Compiègne
http://youtu.be/MPXaZEXtP_M La seconde guerre la débâcle et l'armistice
http://youtu.be/47eH5XwnWh0 L'armistice, la pire catastrophe
http://youtu.be/kzeqpRUwfeA Premiers messages du Maréchal Pétain
http://youtu.be/s87CKB5E3SQ Je fais à la France le don de ma personne(Pétain)
http://youtu.be/oU-QhCRimfk L'armée de Vichy 40/44 (1)
http://youtu.be/xpgujPCAgsU L'armée de Vichy 40/44 (2)


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


[img width=600]http://t0.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcT1ei1khGiD7B1BD6Sn2ouXWNmucZp7LIfwxjrU1YXSbKVeGFQXQZOG_ksj[/img]

Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Posté le : 22/06/2014 16:11
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


L'appel du 22 Juin 1940
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
L'Appel du 22 juin 1940


Il n'y a pas eu d'enregistrement audio ou vidéo de l'Appel du 18 juin 1940 contrairement à celui du 22 juin 1940 avec lequel on le confond souvent :

Discours commenté


Discours complet




Texte de l'appel du 22 Juin 1940


Le gouvernement français, après avoir demandé l'armistice, connaît, maintenant, les conditions dictées par l'ennemi.

Il résulte de ces conditions que les forces françaises de terre, de mer et de l'air seraient entièrement démobilisées, que nos armes seraient livrées, que le territoire français serait totalement occupé et que le gouvernement français tomberait sous la dépendance de l'Allemagne et de l'Italie.

On peut donc dire que cet armistice serait non seulement une capitulation mais encore un asservissement.

Or, beaucoup de Français n'acceptent pas la capitulation ni la servitude pour des raisons qui s'appellent l'honneur, le bon sens, l'intérêt supérieur de la patrie.

Je dis l'honneur, car la France s'est engagée à ne déposer les armes que d'accord avec ses alliés.

Tant que ses alliés continuent la guerre, son gouvernement n'a pas le droit de se rendre à l'ennemi.

Le gouvernement polonais, le gouvernement norvégien, le gouvernement hollandais, le gouvernement belge, le gouvernement luxembourgeois, quoique chassés de leur territoire, ont compris ainsi leur devoir.

Je dis le bon sens, car il est absurde de considérer la lutte comme perdue.

Oui, nous avons subi une grande défaite.

Un système militaire mauvais, les fautes commises dans la conduite des opérations, l'esprit d'abandon du gouvernement pendant ces derniers combats nous ont fait perdre la bataille de France.

Mais il nous reste un vaste empire, une flotte intacte, beaucoup d'or.

Il nous reste des alliés dont les ressources sont immenses, et qui dominent les mers.

Il nous reste les gigantesques possibilités de l'industrie américaine.

Les mêmes conditions de la guerre qui nous ont fait battre par cinq mille avions et six mille chars peuvent nous donner, demain, la victoire par vingt mille chars et vingt mille avions.

Je dis l'intérêt supérieur de la patrie car cette guerre n'est pas une guerre franco-allemande, qu'une bataille puisse décider.

Cette guerre est une guerre mondiale.

Nul ne peut prévoir si les peuples qui sont neutres, aujourd'hui, le resteront demain.

Même les alliés de l'Allemagne resteront-ils toujours ses alliés ?

Si les forces de la liberté triomphent finalement de celles de la servitude, quel serait le destin d'une France qui se serait soumise à l'ennemi ?

L'honneur, le bon sens, l'intérêt supérieur de la patrie commandent à tous les Français libres de continuer le combat là où ils seront et comme ils pourront.

Il est, par conséquent, nécessaire de grouper partout où cela se peut une force française aussi grande que possible.

Tout ce qui peut être réuni en fait d'éléments militaires français et de capacité française de production d'armement doit être organisé partout où il y en a.

Moi, général De Gaulle, j'entreprends ici, en Angleterre, cette tâche nationale.

J'invite tous les militaires français des armées de terre, de mer et de l'air, j'invite les ingénieurs et les ouvriers français spécialistes de l'armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui pourraient y parvenir, à se réunir à moi. J'invite les chefs, les soldats, les marins, les aviateurs des forces françaises de terre, de mer, de l'air, où qu'ils se trouvent actuellement, à se mettre en rapport avec moi. J'invite tous les Français qui veulent rester libres à m'écouter et à me suivre.

Vive la France libre dans l'honneur et dans l'indépendance !



Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Posté le : 22/06/2014 14:49
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Le prince noir. Edouard de Woodstock Plantagenêt
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57675
Hors Ligne
Le 8 juin 1376 à 45 ans, à Westminster, meurt, Edouard Plantagenêt,

plus connu sous le nom de Prince noir ou parfois d’Édouard le noir, prince de Galles, comte de Chester, duc de Cornouailles et prince d'Aquitaine, il appartient à la maison des Plantagenêts, il était le fils aîné d'Édouard III d'Angleterre et de Philippa de Hainaut, chevalier du royaume d'Angleterre, il fait allégeance au royaume d'Angleterre pendant la guerre de cent ans, ses faits d'armes s'exercent à la Bataille de Crécy; la Bataille de L'Espagnols sur Mer; la Bataille de Poitiers, laBataille de Nájera, il recevra pour distinction l' Ordre de la Jarretière, il naît le 15 juin 1330 à Woodstock

Son surnom de Prince noir — Princi Negue en gascon — serait dû à la couleur de son armure, mais il n'était pas utilisé par ses contemporains. Il n'apparaît qu'en 1568 dans Chronicle of England de Richard Grafton. De son vivant, on utilisait plus généralement ses titres pour le désigner, soit prince de Galles et, entre 1362 et 1372, prince d'Aquitaine. On le nommait également selon son lieu de naissance : Édouard de Woodstock.
Pour certains de ses détracteurs, il devait son surnom de Prince Noir, moins à la couleur de la housse qui recouvrait son armure et qui le rendait reconnaissable durant les batailles, qu'à sa supposée noirceur d'âme.
Deuxième héritier du trône d'Angleterre à recevoir le titre de prince de Galles 1343, fils d'Édouard III, le Prince Noir a établi sa gloire par les victoires de ses armes. Il participe aux premières grandes batailles de la guerre de Cent Ans, où son armure lui vaut son surnom. Présent à Crécy en 1346, il est surtout, le 19 septembre 1356, le grand vainqueur de Jean le Bon à Poitiers. Devenu duc d'Aquitaine en 1362 et ainsi pourvu d'un apanage, il porte son effort en Espagne où, en 1367, par la victoire de Najera, il assure le trône de Castille à Pierre Ier le Cruel contre les prétentions de Henri de Trastamare, lui-même assisté des Français conduits par Du Guesclin.
Rendu célèbre par sa férocité, par le pillage du Languedoc en 1355 et par la tuerie de Limoges en 1369, le Prince Noir se mêle à partir de 1371 de la politique anglaise et y gagne une renommée de nature différente. Contre le clan de Jean de Gand, il aide les partisans d'un gouvernement plus régulier, soumis à un certain contrôle du Parlement et ouvert aux réformes : l'année de sa mort, le bon Parlement trouve en lui un soutien efficace.

Sa vie

Né au palais de Woodstock près d'Oxford le 15 juin 1330, il était le fils aîné d'Édouard III et de Philippa de Hainaut. Dans son enfance, ses loisirs favoris étaient les jeux de balle et d'argent, la chasse au faucon et les récitals de ménestrels, distractions communes de la noblesse de l'époque. Ses précepteurs furent Walter Burley et le chevalier de Hainaut Walter Mauny. À huit ans, alors que son père partait pour la Flandre afin de contracter des alliances contre la France, Édouard fut nommé gardien du royaume. Il est choyé par Édouard III qui n'avait négligé ni son éducation ni son instruction de prince.

Déjà habitué et formé aux tournois, Édouard de Woodstock débarqua le 11 juillet 1346 à Saint-Vaast-la-Hougue, guerroya en Normandie aux côtés de son père, et connut sa première grande bataille à Crécy en 1346 où il assuma le commandement de l'aile droite de l'armée anglaise à l'aide du comte de Warwick. Une chronique de l'époque voulait que le jeune prince eût failli perdre la vie ce jour là : désarçonné par un chevalier français, ce serait son porte étendard qui aurait eu la présence d'esprit de le dissimuler sous la bannière au dragon rouge du prince de Galles, et qui aurait repoussé nombre d'assaillants.
La nuit tombée, Édouard aurait commandé l'exécution de tous les soldats français blessés incapables de payer rançon et, au matin, un massacre plus grand encore, quand les milices urbaines françaises vinrent en renfort, mais trop tard : l'esprit de la chevalerie n'avait pas été respecté par le prince, qui en eut grande honte devant son père : c'est après cette bataille qu'il aurait pris l'habitude de porter une armure noire.

À la suite d'une révolte sévèrement matée dans son comté de Chester, il fut nommé lieutenant de Gascogne. Mandaté par son père, il arriva à Bordeaux le 20 septembre 1355, en pleine guerre de Cent Ans, pour protéger les possessions anglo-aquitaines contre les Français. Deux semaines plus tard, il mena une campagne à travers le Sud-Ouest, maraudant à travers les comtés de Juillac, d'Armagnac et d'Astarac. En Languedoc, nombre de villes et de villages furent la proie de la soldatesque, de véritables actes de terreur étant menés à Montgiscard, à Carcassonne et Narbonne. Le but n'était pas de soumettre à la couronne anglaise les terres conquises, mais de les piller pour affaiblir et ruiner le camp français : il s'agissait là de la stratégie fondamentale de la guerre de Cent Ans, basée sur les chevauchées et non sur une guerre de position. Il détruisit Castelnaudary le 31 octobre 1355. Le jour de Noël, il avait regagné Bordeaux, d'où il écrivit à son père pour l'informer de son succès.
Au printemps de 1356, sa réputation de stratège et la crainte qu'il inspirait lui permirent de lever sans mal une armée disparate composée surtout d'Anglais, de Gallois, et de Gascons. Cette campagne de 1356 le conduisit cette fois à travers le Poitou en passant par Bourges qu'il ne parvint pas à enlever, prenant Vierzon dont il fit passer la garnison au fil de l'épée.

Ralentie par son considérable butin et fatiguée par les combats, sa troupe se replia vers Bordeaux et, à Maupertuis, près de Poitiers, Édouard et ses hommes infligèrent une sévère défaite aux Français qui les poursuivaient. C'est lors de cette bataille de Poitiers, le 19 septembre 1356, qu'Édouard captura le roi Jean II, ce qui permit des tractations avantageuses pour l'Anglais.
Cette année-là il mène ses troupes au pillage de Trappes déjà fortement ravagée par Bouchard IV de Montmorency.
En 1360, le traité de Brétigny-Calais accorda au roi Édouard III d'Angleterre des terres en plus de son duché d'Aquitaine traditionnel qui s'étendait approximativement de Saintes à Bayonne, en passant par sa capitale, Bordeaux.
Ces terres étaient le Quercy, le Périgord, le Limousin, le Rouergue, la Bigorre, le comté d'Armagnac, l'Agenais et le Poitou. Ces territoires — cédés par la France en toute souveraineté — constituèrent une principauté autonome 1362 qu'il gouverna sur place jusqu'au début de 1371.
Édouard fut nommé prince d'Aquitaine par son père le 19 juillet 1362, et le resta jusqu'à son abdication le 5 octobre 1372.
Édouard de Woodstock se maria en 1362 avec sa cousine Jeanne de Kent.
Ils entretinrent à Bordeaux une cour où régnaient luxe et extravagance ; fêtes et tournois étaient fréquents. Les taxes qu'il imposa sur le territoire de sa principauté pour les financer étant considérables, une partie de la noblesse et de la bourgeoisie commencèrent à montrer des signes de mécontentement. Cette véritable fronde fut menée par l'un des plus puissants seigneurs de la région, le comte d'Armagnac, fidèle à la maison capétienne.

Le contexte des chevauchées

L'historiographie traditionnelle blâme souvent le prince pour le sac de Limoges 24 août 1370. Selon Froissart, 3000 personnes furent tuées ce jour-là. On oublie vite qu'une source locale ne mentionne que 300 morts, ce qui peut correspondre aux Français de la garnison installée dans cette ville, ainsi qu'à certains partisans limougeauds des Français. Après tout, les Français agirent de même lors de la prise de Brive 22 juillet 1374.
Et on oublie aussi que la ville de Limoges était divisée en deux entités distinctes : la Cité et le Château. Le Prince Noir n'attaqua que la Cité dominée par l'évêque, qui l'avait trahi Johan du Cros, et pas le Château, qui lui resta fidèle jusqu'en 1372.
Toutefois, on doit mentionner que depuis son arrivée en Aquitaine en 1355, jusqu'à son retour définitif en 1371 pour cause de maladie, il a organisé pendant seize ans une interminable suite de chevauchées, tant contre ses adversaires en dehors de ses provinces que contre quiconque osait contester son autorité sur ses terres. Souvent implacable et brutal, il se conformait néanmoins aux terribles usages en vigueur en temps de guerre, à savoir: pillages, démolitions, ravages, incendies.

Armoiries du Prince noir.

La chevauchée de la première année, organisée depuis Bordeaux, s'est déroulée entre octobre et décembre 1355, visant essentiellement le Languedoc jusqu'à Narbonne et aux abords de Béziers en passant par Carcassonne. Les archives ont permis de reconstituer le détail des dévastations qui sont rapportées par plusieurs chroniqueurs contemporains comme Geoffroy le Baker ou Froissart, parfois jour après jour en décrivant les incendies et les pillages — comme par exemple les vingt moulins à vent à Avignonet. L'expédition ravage d'abord l'Armagnac, détruit Mirande, Simorre, Lombez semble épargnée et Saint-Lys le 26 octobre.
Le 27 octobre, le prince traverse, à gué, la Garonne et l'Ariège vers Portet1 et couche à Falgarde. Le lendemain, après l'incendie de Castanet, il s'élance sur le chemin du roi et détruit tous les villages du Nord Lauragais : Baziège, Villefranche, Avignonet, Castelnaudary.
À Carcassonne, la ville haute cité demeure inviolée, mais la ville basse disparaît en grande partie dans les flammes.
À Narbonne, les faubourgs ou barris, dépourvus de défenses sont détruits tandis que la Cité et le Bourg emmuraillés résistent ; hors des murs, apparemment épargnés par l'ennemi, ne s'élèvent plus que quelques hôpitaux, églises et couvents, notamment ceux des quatre principaux ordres mendiants Franciscains, Dominicains, Augustins et Carmes.
Revenant sur ses pas, passant par Auterive, qu'il épargne, Édouard prend le chemin de Gascogne, incendie Miremont, traverse la Garonne à Noé, détruit Carbonne, Gimont et gagne ses terres bordelaises sans difficulté.
Le Prince Noir, relate Froissart, ne put pénétrer dans Montgiscard à cause de l'incendie, et on prit deux exploratores qui révélèrent que le comte d'Armagnac était bien à Toulouse avec ses hommes d'arme. L'armée du roi de France, trop lente pour s'interposer, se contenta de descendre pour la défense de Toulouse qui ne sera jamais attaquée. À la fin de cette première chevauchée, les bandes armées anglo-aquitaines repartent avec de lourds chariots de butin, laissant derrière elles les ruines fumantes de plus de 500 bourgs et villages. Lors du trajet retour, par une route méridionale, Limoux est détruit ainsi que Fanjeaux (le monastère de Prouille est néanmoins épargné.

Prises de possessions en Aquitaine

Signataire du traité de Libourne, le Prince Noir aida également le roi de Castille détrôné Pierre le Cruel en Espagne où il battit encore les Français, menés par Bertrand Du Guesclin et son cousin Olivier de Mauny finalement vainqueur de cette guerre de succession, à Nájera en 1367.
Cette expédition fut encore un succès militaire, mais le refus de Pierre le Cruel de payer les frais de l'expédition mit le prince dans de terribles difficultés financières.

Chevalière du Prince noir.

À son retour en Aquitaine, il convoqua les trois États de sa principauté à Angoulême — ville dans laquelle il séjourna avec plusieurs de ses proches à diverses reprises entre 1363 et 1371 et où il tint une cour brillante, parallèle à celle de Bordeaux. Ceux-ci acceptèrent la levée d'un fouage taxe levée sur chaque foyer pour restaurer les finances du prince janvier 1368. Mais le comte d'Armagnac Johan Ier en français Jean Ier s'y opposa fermement.
Il chercha le soutien du roi de France Charles V qui s'empressa d'accepter son appel contre le prince, le 30 juin 1368. Personne ne fut dupe de la manœuvre : en acceptant cet appel, Charles V signifiait implicitement qu'il se considérait suzerain du prince d'Aquitaine : c'était remettre en question les clauses du traité de paix de Brétigny-Calais. Le comte d'Armagnac entraîna à ses côtés son parent, le seigneur d'Albret Arnaut-Amanèu, et il appuya les offensives militaires de Louis, duc d'Anjou, frère du roi Charles V, lieutenant du roi c'est-à-dire vice-roi en Languedoc.

Les terres de la principauté d'Aquitaine cédées au traité de Brétigny-Calais furent systématiquement reconquises par les Français, dirigés par le duc d'Anjou, entre 1369 et 1372, suite à l'appel du comte d'Armagnac.
Cependant la vision traditionnelle d'un soulèvement unanime des populations en faveur des Français est fautive : des villes comme Millau ou Montauban restèrent fidèles longtemps en 1369, quant au Poitou, à la Saintonge et à l'Angoumois, ils ne se soumirent qu'en 1372 et soutinrent fortement le prince.
Édouard semble avoir contracté la dysenterie pendant son expédition espagnole, et cette maladie l'empêcha de s'opposer efficacement aux offensives menées par les Français et leurs partisans - d'autant plus que ses ressources financières ne lui permettaient plus d'entretenir une armée nombreuse et efficace. Il partit en janvier 1371 pour l'Angleterre, laissant son frère Jean de Gand, duc de Lancastre, en charge de l'Aquitaine.
Il amena avec lui son tout jeune fils Richard, né en 1367 au palais archiépiscopal de Bordeaux situé plus ou moins à l'emplacement de l'actuel hôtel de ville, à proximité de la cathédrale. Ce fils devint, à la mort d'Édouard III, le roi d'Angleterre Richard II dit de Bordeaux, selon son lieu de naissance, parfois dit le Gascon, Bordeaux était alors considérée comme la capitale des Gascons occidentaux. Celui-ci régna de 1377 à 1399, date à laquelle il fut détrôné par son cousin Henri de Lancastre, fils de Jean de Gand, qui devint roi d'Angleterre sous le nom d'Henri IV 1399-1413.

Parmi ses compagnons de lutte et ses hauts officiers on peut citer John Chandos, † 2 janvier 1370 à Morthemer, Poitou, lieutenant d'Édouard III chargé de prendre possession des terres cédées au traité de Brétigny-Calais 1361-1362, puis connétable d'Aquitaine 1363-1370 ; Thomas Felton, sénéchal de la principauté d'Aquitaine (1363-1377) ; les Gascons Johan de Greilly, captal de Buch † 7 septembre 1376, prisonnier du roi de France à Paris), connétable d'Aquitaine de 1370 à sa capture par les Français en 1372 et Bernard de Brocas, connétable de Bordeaux, 1330- † 20 septembre 1395, dont le gisant est visible dans l'Abbaye de Westminster St Edmund's Chapel ; le Saintongeais Guichard d'Angle † 1380, Londres, l'un des deux maréchaux d'Aquitaine 1363-1372, tuteur du futur roi Richard II, nommé comte de Huntingdon 1377-1380 ou encore les grands seigneurs poitevins Guillaume VII Larchevêque, seigneur de Parthenay et Louis d'Harcourt, vicomte de Châtellerault, forcés de se soumettre en décembre 1372 au roi de France après le siège de Thouars.

Le prince mourut de maladie en 1376, un an avant son père Édouard III. Il fut enterré dans la cathédrale de Cantorbéry en Angleterre où l'on peut encore admirer son célèbre gisant.



Liens

http://youtu.be/vg4zt0rSVCw Bataille de crécy
http://youtu.be/ZwcJFUzjF7w Bataille de poitiers

http://www.ina.fr/video/CPF88015865/l ... des-chevaliers-video.html Thierry la fronde (lutte contre le prince noir)

http://youtu.be/4NtJQjU4Hn4 Bertarnd duguesclin qui combattit Edourd de Woodstock
http://youtu.be/Qxp-UsJizuA Duguesclin

http://youtu.be/PGc_sN_4obc 1 Bertrand duguesclin sa vie contre les envahisseurs anglais
http://youtu.be/JB9d8ZLh8aA 2 Bertrand duguesclin sa vie contre les envahisseurs anglais


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


[img width=600]http://www.tombes-sepultures.com/crbst_prince_20noir2.jpg?t=48v9eopz9h2mzsx[/img]

[img width=600]http://www.tombes-sepultures.com/crbst_prince_20noir3.jpg?t=48v8eopz9hqenjf[/img]

Cliquez pour afficher l


[img width=600]http://www.tombes-sepultures.com/crbst_prince_20noir1.jpg?t=48vkwopz9hqc3i2[/img]

Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l


Cliquez pour afficher l

Posté le : 08/06/2014 16:32
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer



 Haut
« 1 ... 27 28 29 (30) 31 32 33 ... 46 »




Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

Connexion
Identifiant :

Mot de passe :

Se souvenir de moi



Mot de passe perdu ?

Inscrivez-vous !
Partenaires
Sont en ligne
73 Personne(s) en ligne (43 Personne(s) connectée(s) sur Les Forums)

Utilisateur(s): 0
Invité(s): 73

Plus ...