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Autodafé nazi du 10 mai 1933 (2 suite)
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Témoignages Erich Kaestner

Erich Kästner fut témoin de l'autodafé de ses propres livres sur la place de l'opéra de Berlin et entendit citer son nom dans la deuxième invocation devant le bûcher.
« Et en l'an 1933 mes livres furent brûlés en grande pompe funèbre sur la place de Berlin, près de l'opéra, par un certain Monsieur Goebbels. Le nom de vingt-quatre écrivains allemands, qui devaient être à jamais symboliquement effacés, furent par lui triomphalement proclamés. J'étais le seul des vingt-quatre qui me fus personnellement déplacé pour assister à cette mise en scène éhontée. Je me trouvais près de l'université, coincé entre des étudiants en uniforme de SA, la fleur de la nation et là je vis nos ouvrages s'envoler vers les flammes étincelantes et j'entendis les tirades prétentieuses du nabot hypocrite et menteur. Un temps d'enterrement régnait sur la ville. La tête d'un buste brisé de Magnus Hirschfeld avait été fichée sur une longue perche qui se balançait de droite et de gauche dans les airs au dessus de la foule muette. C'était écœurant. Soudain, une voix de femme retentit : "Mais c'est Kaestner ! Il est là !" C'était une jeune artiste de cabaret, qui en se faufilant dans la foule avec un collègue et en m'apercevant là n'avait pu retenir cette expression de surprise. Je me sentis extrêmement mal à l'aise ; mais il ne se passa rien et pourtant à cette époque, il s'en passait des choses. Les livres continuaient à voler vers les flammes. Les tirades du nabot hypocrite et menteur résonnaient toujours. Et les visages de la garde brune des étudiants, avec leur jugulaire sous le menton, ne s'étaient pas détournés, ils regardaient toujours en direction des flammes et du petit démon gesticulant et psalmodiant. Au cours des années suivantes, je ne vis plus mes livres en public que les rares fois où je me trouvai à l'étranger. À Copenhague, à Zurich, à Londres. C'est un sentiment extraordinaire que d'être un auteur interdit et de ne plus voir ses livres sur les étagères des bibliothèques et dans les vitrines des librairies. Dans aucune ville de mon pays natal. Pas même dans la ville où j'étais né. Pas même à Noël, lorsque les Allemands courent les rues enneigées à la recherche de cadeaux.

— Erich Kästner, Kennst du das Land, in dem die Kanonen blühen? Connais-tu le pays où fleurissent les canons ? – Auszug aus dem Vorwort „Bei Durchsicht meiner Bücher“
Oskar Maria Graf 1927

Avec un peu de retard Oskar Maria Graf réclama que l'on brûle ses livres lorsqu'il se rendit compte avec horreur que ceux-ci, loin d'être interdits, figuraient sur la liste blanche » des ouvrages recommandés par les nazis. Voici la déclaration qu'il fit paraître en 1933 dans le journal des travailleurs viennois Wiener Arbeiterzeitung :
Comme presque tous les intellectuels de gauche allemands résolument socialistes, j'ai eu l'occasion d'éprouver quelques-uns des bienfaits du nouveau régime : pendant une de mes absences imprévues de Munich, la police fit irruption à mon domicile pour venir m'arrêter. Ils s'emparèrent d'une foule de manuscrits irremplaçables, de notes de recherches réunies à grand peine, tous mes papiers professionnels et une grande partie de ma bibliothèque. Tout ceci attend vraisemblablement le bûcher. J'ai également dû quitter ma maison, mon travail et, pire, ma terre natale pour échapper aux camps de concentration. Mais le plus beau vient de m'être communiqué : d'après le Courrier de la bourse de Berlin, je figure sur la liste blanche des auteurs de la nouvelle Allemagne, et la lecture de tous mes ouvrages, à l'exception du principal, Wir sind Gefangene Nous sommes prisonniers, est recommandée. Je me vois invité à devenir un des thuriféraires du nouvel esprit allemand. En vain me demandé-je : en quoi ai-je mérité une telle infamie ? Le Troisième Reich a presque fini par vider l'ensemble de la littérature allemande de toute signification, a rompu avec la véritable poésie allemande, à contraint à l'exil la majorité des auteurs allemands importants et fait en sorte qu'il soit impossible de publier leurs livres en Allemagne.
Dans leur inconscience, quelques gratte-papiers prétentieux nés de la conjoncture et les détenteurs du pouvoir du moment, avec un vandalisme sans bornes, ont fait tout leur possible pour essayer d'extirper de notre poésie et de notre art tout ce qui avait un peu de valeur et de réduire le concept d'allemand à son acception nationaliste la plus étroite. Un nationalisme au nom duquel le moindre mouvement vers la liberté se voit opprimé, sous l'ordre duquel tous ces hommes intègres que sont mes amis socialistes sont pourchassés, incarcérés, torturés, assassinés ou poussés au désespoir et au suicide. Et les représentants de ce nationalisme barbare qui n'a rien, mais alors rien à voir avec le fait d'être allemand, qui n'a aucune raison d'être tout court, ouvrent le parapluie en faisant semblant de se réclamer de moi comme de l'un de leurs intellectuels et me mettent sur leur soi-disant liste blanche, liste qui devant la conscience internationale ne saurait être autre chose qu'une liste noire ! Je n'ai jamais mérité telle infamie ! Toute mon existence, tous mes écrits me donnent le droit de réclamer que mes livres soient jetés au bûcher et qu'ils ne se retrouvent jamais entre les mains tâchées de sang ou dans les cervelles détraquées des hordes brunes meurtrières. Réduisez en cendres les œuvres de l'esprit allemand ! Cela ne l'empêchera pas de vivre à jamais comme votre ignominie ! J'en appelle à tous les journaux honnêtes pour qu'ils publient ce texte de protestation.
— Oskar Maria Graf
Il faut signaler cependant que dans les villes universitaires parurent des listes d'ouvrages condamnés, par exemple dans le quotidien de Göttingen du 11 mai 1933, où figurait Oskar Maria Graf avec toutes ses œuvres, sauf Wunderbare Menschen Des Hommes admirables et Kalendergechichte Les contes du calendrier.
1948 Bertolt Brecht

Quand le régime ordonnait que les livres au contenu nuisible
Soient brûlés publiquement, et que de toutes parts
On obligeait les bœufs des charretées de livres
A traîner au bûcher, voilà qu'il découvrit
Ce poète pourchassé, un des meilleurs, la liste des
Victimes sous les yeux, horrifié, que ses
Livres avaient été oubliés. Il vola à son bureau
La colère lui donnait des ailes pour écrire aux hommes de pouvoir.
Brûlez-moi ! écrivit-il d'une plume aérienne, brûlez-moi !
Ne me faites pas cela ! Ne m'oubliez pas ! N'ai-je pas
Toujours rapporté la vérité dans mes livres ? Et pourtant
Vous me traitez comme un menteur ! Je vous l'ordonne, brûlez-moi !
Bertolt Brecht : L'autodafé de livres

Discours

Extrait du discours du Dr Joseph Goebbels, responsable de la propagande nazie et Gauleiter de Berlin le 10 mai 1933 sur la place de l'opéra de Berlin. Goebbels signale cette prestation dans son journal de bord du 11 mai :
Tard le soir discours place de l'opéra. Devant les bûchers de livres sales et honteux brûlés par les étudiants. Je suis en pleine forme. Rassemblement géant

— Joseph Goebbels, Journal de bord.
« Le siècle de l'intellectualisme juif poussé à l'extrême est révolu et la révolution allemande à rouvert la voie à l'être allemand. Cette révolution n'est pas venue d'en haut, mais de la base. Elle est donc dans le meilleur sens du terme l'accomplissement de la volonté populaire. … Au cours des 14 dernières années, au cours desquels vous, communauté étudiante, avez dû subir dans un silence honteux l'humiliation de la république de novembre, les bibliothèques se sont remplies des livres ignobles et sales des auteurs juifs de l'asphalte ... Les révolutions qui sont authentiques ne s'arrêtent nulle part. Aucun endroit ne doit être épargné. ...De même qu'elle révolutionne les hommes, elle révolutionne les choses. … C'est pourquoi vous faites bien de choisir cette heure du milieu de la nuit pour confier aux flammes l'anti-esprit du passé. Mais des ruines s'élèvera triomphant le phœnix d'un nouvel esprit, que nous portons en nous, que nous appelons de nos vœux, et auquel nous donnons le poids décisif. … L'ordre ancien gît dans les flammes, l'ordre nouveau s'élèvera des flammes de nos cœurs. Là où nous retrouvons ensemble, là ou nous allons ensemble, c'est là que nous nous engageons pour le Reich et son avenir. Puisque vous vous arrogez le droit, vous autres étudiants, de jeter au brasier ces scories de l'esprit, alors vous devez aussi assumer le devoir d'ouvrir la voie à un esprit allemand véritable qui remplacera ces ordures.
— Joseph Goebbels

Aussi brûle donc, Ô jeunesse universitaire de la nation allemande, aujourd'hui à cette douzième heure de la nuit dans toutes les universités de l'empire, brûle ce que tu n'as certes jamais adoré mais qui est susceptible de te fourvoyer et de te mettre en péril comme nous tous. Quand la nécessité fait loi et que le danger la suit, il faut agir sans trop réfléchir. Si un livre de trop tombe ce soir dans les flammes, c'est moins grave que s'il en manquait un. Tout ce qui est sain se régénère bientôt de soi-même … Nous voulons que notre action ait une portée symbolique. Ce feu est un symbole et doit continuer à agir et rayonner comme une incitation pour tous à faire la même chose. Son influence doit s'étendre du monde étudiant à la société civile. Nous secouons un joug étranger, nous levons un siège. Nous voulons libérer l'esprit allemand assiégé.
— Allocution du germaniste Hans Naumann le 10 mai 1933 sur la place du Marché à Bonn extrait
Les élèves du lycée Bismarck de Dortmund récitèrent en chœur ce discours dit de la torche écrit et mis en scène par leur professeur, Friedhelm Kaiser.
Avez vous reconnu l'ennemi ? Nettoyez la terre allemande ! Avancez avec la torche enflammée !
Reculez avec vos faux prophètes ! Que d'autres les adorent : nous voulons quant à nous les abattre!
Ce que les étrangers nous écrivent, ce que les étrangers nous chantent, ne doit jamais rester parmi nous, nous voulons aujourd'hui l'anéantir!
Ne nous laissons plus ensorceler par leur séduction subversive, ne laissons plus détruire les coutumes et la culture allemandes.
Travaillez, visez haut, restaurez notre bien, l'esprit allemand.
Que les flammes et le feu dévorent l'ancien et le condamnent - mettent au monde le nouveau et le bénissent ; Brûle, flamme, brûle.

Compte-rendus dans la presse

La presse ouvrit bien volontiers ses colonnes aux articles rédigés par les étudiants, et s'étendit avec complaisance sur les autodafés.
Neues Mannheimer Volksblatt La nouvelle gazette populaire de Mannheim du 20 mai 1933 à propos de l'incinération des livres du 19 mai 1933 :
Il fallut presque trois quarts d'heures au dernier arrivant de la marche au flambeaux pour atteindre la pelouse. Il y avait des milliers de gens qui participaient : les étudiants de l'école supérieure de commerce en compagnie des SA, l'école d'ingénieur, le syndicat des enseignants du supérieur et diverses autres associations nationales. Près de huit orchestres accompagnaient la marche. Elle était fermée par une voiture qui transportait les livres condamnés à la destruction et un grand drapeau noir-rouge-or, qui allait être livré aux flammes avec les livres. Dès que la tête du cortège fit son apparition, le feu fut mis à une pile de bois et en quelques instants il s'éleva jusqu'au ciel nocturne en jetant sur la place une lumière si vive qu'elle fit pâlir les petites étoiles qui regardaient vers la terre avec curiosité … Après qu'on eut chanté le Horst-Wessel-Lied, le bûcher flamba sous les livres et les détruisit, eux et l'esprit non allemand dont ils étaient remplis. On s'en retourna ensuite vers la ville au son des orchestres.

Le quotidien du matin de Pforzheim, la Pforzheimer Morgenblatt, datée du 19 juin 1933, évoque en ces termes un autodafé du 17 :
L'incinération des livres fut présentée par un chœur exécuté par un groupe de l'union des jeunes filles allemandes. Au son de la marche d'introduction le feu fut mis au tas de livres et les flammes claires s'élevèrent vers le ciel tandis que les jeunes filles récitaient un autre texte du bûcher. Livre après livre fut jeté dans les flammes, jusqu'à ce que le dernier eut été anéanti par le feu. Têtes nues, les spectateurs qui s'était accumulés au cours de l'événement jusqu'à atteindre plusieurs milliers, entonnèrent le chœur : Nur danket alle Gott. Remerciez simplement tous Dieu. La fête se termina avec Guten Kameraden Le Bon Camarade repris en chœur et un triple hourra pour le chancelier du Reich.

Le quotidien de Iéna Jenaische Zeitung du 28 août 1933 à propos d'un autodafé de livres survenu le 26 août :
À 17 h 30, un cortège formé de la NSBO et de la jeunesse hitlérienne déboucha sur la place du marché. Les drapeaux furent déposés autour de la Fontaine de Bismarck. Un énorme tas de drapeaux et d'ouvrages communistes y avait été dressé et bientôt une flamme immense s'éleva vers les cieux, annihilant les symboles et les productions intellectuelles des anciens maîtres marxistes. Impressionnée par le caractère symbolique de l'action, la foule regardait le spectacle sans un mot. Et lorsque le bûcher fut presque réduit en cendres, les bras se levèrent spontanément et l'hymne national retentit sur la place du marché.

Comme d'autres quotidiens, le Dortmunder General-Anzeiger du 31 mai 193319 reproduisit l'article Deutsch Allemand de Kurt Herwarth Ball, qui avait été le premier publié par le service de presse de la DSt :
Et maintenant nous devons mener à bien une autre entreprise, celle-là même qu'ont entamée les étudiants allemands : le combat contre la sous-humanité des étrangers par le sang. Si nous voulons raviver la flamme de l'esprit allemand et l'empêcher de s'éteindre, alors tendons nos mains avec confiance vers celles qui nous offrent les 12 thèses des étudiants. 12 fois elles répètent cette volonté intransigeante de la jeune génération : Allemand ! 12 fois, l'appel inébranlable, du sang et de la terre : Allemand ! Et cet appel nous vient des étudiants, de cette jeune génération qui a appris à connaître la dure nécessité en travaillant pour payer ses études pendant les années de disette, en prenant les armes pendant les années sans gloire. Resserrons les rangs des allemands, qui se battent là pour l'avenir sur les fronts politique, économique, scientifique et littéraire, dans l'art tout entier, soyons unis, nouveau front qui s'avancera sans faillir et dont le cri de guerre sera ce seul mot : Allemagne !

Le Vossische Zeitung reçut un article de Theodor Heuss qui ne fut pas publié :
Le premier président fédéral allemand, Theodor Heuss, rédigea un article non publié destiné au Vossische Zeitung, où il inscrivait l'autodafé dans la tradition de la fête de la Wartburg, le qualifiant de pas si tragique, sans doute parce que lui-même en avait été victime, trois de ses ouvrages ayant été mis à l'index et incinérés, notamment Hitlers Weg La Voie d'Hitler, publié en 1932. Heuss commentait le fait dans une lettre du 7 mai 1933 : Il se trouve sur cette liste quelques personnes avec lesquelles je ne se sens pas en mauvaise compagnie, mais également des littérateurs juifs déracinés contre lesquels je me suis battu depuis des années et cela me plaît nettement moins d'entrer dans l'Histoire à leurs côtés. Dans cet article, Heuss reliait les autodafés au boycott des juifs du 1er avril, considérant même que le peuple allemand se défendait contre la presse internationale : une campagne de presse rapportant des abominations allemandes et des progromes allemands avec des sacrifices de masse avait été manigancée par les « cercles juifs orientaux et communistes de Londres et de New York.

Réactions

Affiche publiée en 1943 à la demande du United States Office of War Information : Ten years ago, the Nazis burned these books… but free Americans can still read them Il y a dix ans, les nazis ont brûlé ces livres, mais les Américains libres peuvent toujours les lire : Ceci n'était qu'un prélude, là où l'on brûle des livres, on finit aussi par brûler des hommes.
Cette phrase de Heinrich Heine, extraite de la tragédie Almansor 1821, devint une triste réalité en Allemagne à partir de 1933. La citation ne fait pas référence, comme on le croit trop souvent, à l'autodafé qui avait eu lieu quatre ans auparavant lors de la fête de la Wartbourg, en 1817, mais à l'incendie du Coran lors d'une insurrection des chevaliers chrétiens à Grenade.
L'autodafé nazi rencontra un vaste écho dans le pays et à l'étranger. En Allemagne, la plupart des journaux accueillirent l'événement avec enthousiasme. Il suscita néanmoins certaines critiques publiques et des actes de résistance isolés. La campagne agressive d'affichage des 12 thèses dans les universités provoqua des protestations ici et là. Le recteur de l'université Humboldt de Berlin, Eduard Kohlrausch, annonça qu'il démissionnerait si l'affiche n'était pas enlevée du hall d'entrée de l'université. L'écrivain Gerhard Schumann, chef régional de la ligue des étudiants nationaux-socialistes du Würtemberg, refusa de participer à l'action contre l'esprit non allemand, et s'en tint à cette position malgré les protestations isolées que des groupes d'étudiants adressèrent à Berlin ; il reçut le soutien du professeur Mergenthaler, chef du gouvernement et ministre de la culture du land. Le théologien Richard Rinke est l'auteur du brouillon d'un texte de protestation signé de son nom dont personne ne sait ce qu'il est devenu. Mais en général les protestations ouvertes et la résistance active restèrent très marginales.

Le 10 mai 1933, à Prague, la une de l’Arbeiter-Illustrierte-Zeitung Le journal illustré des travailleurs publiait le célèbre collage de John Heartfield montrant Joseph Goebbels, le doigt levé devant le palais du Reichstag en flammes, devant un bûcher où brûlaient des livres. La légende disait : Par la lumière aux ténèbres.
Les écrivains en exil et leurs amis se mobilisèrent à l'étranger dès 1933 contre ce qu'Alfred Kantorowicz nomma la date limite de la barbarie. Dès le 27 avril, des protestations se firent entendre aux États-Unis contre le projet d'autodafé. Helen Keller intervint en compagnie d'auteurs connus tels que Sherwood Anderson et Sinclair Lewis en adressant aux étudiants allemands une lettre qui resta sans effet. Le 10 mai eut lieu à New York une manifestation à laquelle participèrent des centaines de milliers de simples citoyens, d'élus, de représentants des communautés religieuses et des institutions. Le maire de New York prononça l'allocution principale. Aux Pays-Bas, le jour de l'autodafé, radio Hilversum diffusa des extraits des livres interdits.

En mai 1933, Ernst Tollner, autre réfugié, prit la parole lors du 11e congrès du PEN club à Dubrovnik pour critiquer l'attitude passive d'un grand nombre de ses membres envers le fascisme et le national-socialisme. Des millions d'hommes n'osent ni parler ni écrire librement dans l'Allemagne actuelle, et quand je prends la parole ici, c'est au nom de ces millions qui sont désormais privés de voix. Le PEN club refusa cependant de prendre une position claire contre les autodafés de livres en Allemagne. Bientôt les écrivains qui avaient été chassés et qui avaient fui l'Allemagne se retrouvèrent dans une nouvelle structure : la section du PEN club des auteurs allemands à l'étranger. Le groupe, formé par Lion Feuchtwanger, Ernst Toller, Rudolf Olden et Max Herrmann-Neiße, avait son siège à Londres et son premier président fut Heinrich Mann.
Des écrivains membres de la section autrichienne du PEN club s'élevèrent contre les persécutions dont étaient victimes leurs collègues allemands ; parmi eux figuraient de futurs exilés volontaires tels Raoul Auernheimer, Franz Theodor Csokor, Ernst Lothar et Friedrich Torberg. Csokor, comme beaucoup d'autres écrivains dépendants du marché allemand, analysait le dilemme en ces termes le 19 mai 1933 : Il suffit de trancher : faire de bonnes affaires ou garder une bonne conscience ? Je suis pour la seconde option ­ en raison des dangers, ne serait-ce que l'exil, qui nous menaceraient si jamais la diablerie brune venait à s'implanter chez nous. Les membres du PEN club viennois germanophiles et nazis claquèrent la porte de l'institution, notamment Max Mell, Richard Billinger, Bruno Brehm ou Josef Weinheber et allèrent fonder la Ligue des auteurs germanophones d'Autriche.
Par la suite, le 10 mai fut promu Journée des autodafés de livres et donna lieu à des rencontres annuelles d'auteurs en exil d'abord à Paris, mais aussi à Londres, Mexico, Moscou, New York et Prague. Le dixième anniversaire des autodafés fut célébré de façon particulièrement notable aux États-Unis. Une exposition de livres interdits fut inaugurée dès décembre 1942 dans la bibliothèque municipale de New York, des dizaines d'autres événements, commémorations, conférences et exposés contribuèrent à faire largement connaître les œuvres interdites par les nazis.
Dans une allocution radiodiffusée par la BBC, Thomas Mann notait que le dixième anniversaire du 10 mai avait donné lieu à des manifestations véritablement émouvantes » et « profondément humiliantes pour les Allemands en exil.
Peter Suhrkamp prit la parole en 1947 sur la place de l'opéra de Berlin : Les flammes qui crépitèrent d'abord sur les bûchers de livres se transformèrent en un orage de feu qui plus tard engloutit nos villes, les habitations et les hommes eux-mêmes. Ce n'est pas seulement le jour des autodafés qui doit survivre dans la mémoire, mais tout cet enchaînement qui mène du feu de joie sur cette place aux incendies des synagogues et enfin au feu du ciel descendu sur nos villes.

La République démocratique d'Allemagne décréta une journée du livre libre célébrée le 10 mai.

Monuments

Une plaque de verre fixée dans du plâtre sur la place Bebel, près de l'opéra de Berlin, évoque la mémoire du 10 mai 1933. Elle sert de fenêtre à travers laquelle on aperçoit le monument à la mémoire de l'autodafé, une bibliothèque aux étagères vides, œuvre de l'artiste israélien Micha Ullman. Deux plaques de bronze fixées au sol évoquent encore l'événement, citant l'extrait d'Almansor de Heinrich Heine, de façon malheureusement infidèle.
Dans plusieurs villes allemandes des plaques commémoratives évoquent l'autodafé : à Göttingen, une telle plaque se trouve dans la Albanikirchhof, anciennement place Adolphe-Hitler, et porte la citation de Heine ; sur la Römerberg, à Francfort, entre l'église Nikolai et la fontaine de la Justice, une autre plaque de bronze évoque la mémoire de l'autodafé. Dans le quartier de Eimsbüttel, à Hambourg, on rencontre un monument en plein air à la mémoire de l'autodafé près du canal Isebek, au coin du quai de l'Empereur-Frédéric et de la rue Heymann. À Landau, la plaque se trouve sur la place de la Mairie, à Essen sur la place Gerling. Brême, Düsseldorf, Erlangen et Cologne ont également leur plaque commémorative.
À Munich il n'existe encore aucun monument commémoratif de l’autodafé sur la place du Roi. Le plasticien Wolfram Kastner a plusieurs fois mis le feu à la pelouse pour dessiner un cercle de cendres noires à l'endroit où l'autodafé s'était déroulé. Il milite également pour la construction d'un centre de documentation sur le national-socialisme qui devrait se trouver sur la place Royale et où seraient recueillis les restes des ouvrages détruits. Kastner a mené d'autres actions commémoratives des autodafés dans diverses villes, telles que Salzbourg, Francfort, Cassel et Heidelberg, sous le titre La trace des livres.
Lors de la réfection de la place de la Résidence, à Salzbourg, on envisagea un moment de créer sur l'aire de stationnement un monument qui pérenniserait la mémoire du seul autodafé à s'être déroulé sur le sol autrichien. Le maire socialiste, Heinz Schaden, considérant lui qu'une plaque commémorative serait suffisante, on tomba d'accord sur un compromis en rajoutant le projet d'un monument dans le cahier des charges de l'appel d'offres. Le projet des architectes lauréats Rieder et Knittel prévoyait un monument mobile, qui devait se transformer la nuit en une sculpture de lumière animée par ordinateur. Le projet ne vit jamais le jour ; en 2009 il fut de nouveau réclamé par une initiative citoyenne.

La bibliothèque allemande de la liberté

Le 10 mai 1934, à l'occasion du premier anniversaire des autodafés, l'écrivain Alfred Kantorowicz et ses collègues de l'union de défense des auteurs allemands à Paris fondèrent une bibliothèque des livres brûlés qui fut inaugurée par Alfred Kerr et Egon Kisch. Tous les ouvrages mis à l'index et brûlés en Allemagne furent rassemblés à la Cité fleurie de Paris24 grâce aux contributions de réfugiés du monde entier. Dès le 10 mai 1934, la bibliothèque possédait plus de onze mille volumes. La collection fut détruite sous l'occupation allemande et il n'existe plus aujourd'hui de collection complète des ouvrages interdits .
À la fin de la guerre, Kantorowicz et Drews publièrent une anthologie à la mémoire de cette bibliothèque, anthologie intitulée Interdits et brûlés ; ils notaient dans la préface qu'il ne s'agissait pas d'actes spontanés commis par une foule ignorante, mais d'une entreprise mûrement réfléchie et soigneusement organisée au nom de la raison d'état national-socialiste. De même que l'incendie du Reichstag le 28 février 1933 allumait le phare de la terreur contre les opposants au fascisme, que le boycott des juifs le 1er avril 1933 constituait le premier acte des pogroms, que la dissolution et le pillage des syndicats le 2 mai 1933 sonnait la déclaration de l'oppression de la société, de même les autodafés du 10 mai 1933 furent-ils les prémisses visibles de l'aliénation et du retour à la barbarie de l'Allemagne, avec l'aide de l'administration et le recours à des méthodes terroristes.

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Posté le : 09/05/2015 15:21
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Elisabeth de France, soeur de Louis XVI
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Le 10 mai 1794 à Paris est guillotinée Élisabeth de France

Philippine Marie Hélène de France, dite Madame Élisabeth, ("Babet" ) princesse de sang de la maison de Bourbon, elle est tuée à 30 ans, née le 3 mai 1764 à Versailles, elle est enterrée au cimetière des Errancis, soeur fidèle de Louis XVI, huitième et dernier enfant du dauphin Louis Ferdinand et de Marie-Josèphe de Saxe, elle était la sœur du roi Louis XVI à qui elle apporta un soutien indéfectible.
Dévouée à son frère, elle se refusa à émigrer et partagea son sort. Emprisonnée au Temple en 1792, puis à la Conciergerie en 1793, elle fut guillotinée le 10 mai 1794.
Emprisonnée avec lui en 1792, elle fut appelée à comparaître devant le Tribunal révolutionnaire sous la Terreur, fut condamnée à mort et exécutée.

En bref

Le 3 mai 1764, la dauphine Marie-Josèphe de Saxe met au monde son neuvième enfant : une petite fille. On baptise la nouvelle princesse Elisabeth-Philippine-Marie-Hélène. Couramment, elle se nommera Elisabeth. Alors qu’elle est encore un bébé, son père le dauphin Louis-Ferdinand, meurt le 20 décembre 1765. Elle ne connaitra pas davantage sa mère qui décède le 13 mars 1767. Elisabeth sera toujours très proche de sa sœur Marie-Clotilde et de son frère aîné le duc de Berry (futur Louis XVI). Elisabeth demeurera la seule personne qui aimera vraiment Louis-Auguste pour ce qui était. Durant sa petite enfance, la princesse aimera passer beaucoup de temps avec sa tante Madame Louise qui quittera la cour en 1771 pour devenir religieuse. Mmes de Guéménéé et de Marsan sont chargées de s’occuper de l’enfant et de son éducation. Autant sa sœur Marie-Clotilde est appliquée, sage et disciplinée, autant Elisabeth est têtue et distraite. Les deux princesses sortent parfois rendre visite aux pensionnaires de Saint-Cyr. Bientôt, Elisabeth s’y trouve une amie en la personne d’Angélique de Marckau, future marquise de Bombelles (dont le fils deviendra l’époux de l’Impératrice Marie-Louise). Sur la demande de Mme de Marsan, Mme de Marckau, mère d’Angélique, accepte de la seconder dans l’éducation d’Elisabeth. La petite princesse trouvera en elle l’esprit maternelle que Mme de Marsan n’a pas. On remarque très vite dans les études d’Elisabeth qu’elle est passionnée par les mathématiques comme son frère Louis-Auguste qui joue toujours le grand frère protecteur. La princesse possède une bibliothèque très fournie de 2075 volumes sur l’histoire antique, la politique…elle partage le gout de Louis XVI pour la lecture. Elle est devenue une élève docile et attentive autant que brillante. Madame Elisabeth se trouve également être une excellente cavalière et adore suivre ses frères à la chasse. Elisabeth se montrera fort attristée par la départ de sa sœur Marie-Clotilde en 1775 qui part épouser Charles-Emmanuel de Savoie, futur roi de Sardaigne. La petite princesse se rapproche de Marie-Antoinette avec qui elle monte quelques pièces de théâtre. Elisabeth se rapproche également de sa cousine Louise-Adélaïde de Bourbon-Condé. En grandissant, Madame Elisabeth est devenue une superbe jeune femme et on penserait bien à la marier. On envisage un moment l’Infant du Portugal, Charles-Philippe de Savoie et même l’empereur Joseph II. Mais aucunes négociations n’aboutie. Certains sont d’ailleurs persuadé qu’Elisabeth entrera en religion comme sa tante Madame Louise. Mais bien que très croyante, la sœur de Louis XVI n’a pas de vocation religieuse. Un jour, la princesse déclarera « Je ne puis épouser que le fils d’un roi, et le fils d’un roi doit régner sur les Etats de son père. Je ne serais plus française, et je ne veux pas cesser de l’être. Mieux vaut rester ici, au pied du trône de mon frère, que de monter sur un autre ». En 1782, Louis XVI fait don à sa sœur d’une grande demeure à Montreuil où Madame Elisabeth régnera comme la reine tient sa cour à Trianon. Elisabeth y reçoit ses amies, plus particulièrement sa chère Angélique de Bombelles qu’elle surnomme « Bombe ». La princesse est aussi la bienfaitrice des habitants de Montreuil : elle distribue le lait, les œufs et les légumes de sa maison aux enfants et aux personnes dans le besoin, rend visite aux personnes malades accompagnée d’un médecin. Bien qu’intelligente, Madame Elisabeth ne s’engage pas trop en politique et évoque à peine dans sa correspondance l’affaire du collier qui éclabousse la reine. Le 9 juillet 1786, Marie-Antoinette met au monde une petite fille prénomée Sophie-Béatrice dont Elisabeth sera la marraine. Hélas, la petite Sophie meurt le 19 juin 1787, victime de convulsions. Bien qu’elle ne prenne pas part aux débats politiques, Madame Elisabeth comprend bien que son monde est en train de s’effondrer. Elle s’est fait parvenir des journaux et des libelles qui en disent long sur la fin de la monarchie. Après la chute de la Bastille, Elisabeth hâte le départ de sa chère Angélique de Bombelles le 1er aout. Les deux amies sont néanmoins bien loin de se douter que c’est la dernière fois qu’elles se voient. Elles échangeront encore les lettres espérant toujours pouvoir se retrouver. Louis XVI envoi quant à lui ses frères en exil étant sûr qu’il ne s’agit que « d’une affaire de trois mois ». Le comte d’Artois encourage Elisabeth à partir avec lui mais la princesse refuse, préférant rester auprès de son « auguste frère » Louis XVI. Quelques jours plus tard, la princesse suit la famille royale aux Tuileries. Là bas, elle va s’ennuyer à mourir, regrettant ses longues promenades à pieds et Montreuil. Parfois, Elisabeth aimerait aller quelques jours à Fontainebleau ou à Saint-Cloud. A chaque fois, c’est un refus. La famille du roi ne doit pas sortir de Paris. Durant son long séjour aux Tuileries, Elisabeth correspond beaucoup avec Mme de Bombelles. Le 20 juin 1791, Madame Elisabeth est mise au courant du projet d’évasion qui doit avoir lieu la nuit même. Mais pour le roi de France, la fuite s’arrête, comme chacun le sait, à Varennes. Le voyage du retour vers la Capitale est un supplice pour Elisabeth qui voit son frère et Marie-Antoinette hués par la foule. Elle avait senti la fin de la monarchie dés 1788 ; le non respect du peuple vis-à-vis des souverains lui fait comprendre qu’elle ne s’était pas trompée. De retour aux Tuileries, Elisabeth reprend ses correspondances avec Angélique de Bombelles et avec son frère le comte d’Artois. Souvent, les lettres sont codées. La princesse fait preuve de calme, voit dans les malheurs de sa famille la volonté de dieu, prie beaucoup, a toujours de gentilles paroles pour ses proches et réconforte souvent Louis XVI. Le 20 juin 1792, une foule envahi le palais pour tuer la reine. Alors que le roi tente de calmer les fous furieux et que Marie-Antoinette est mise en sécurité auprès de ses enfants, Madame Elisabeth porte assistance à son frère manquant de se faire assassiner, des forcenés l’ayant prise pour la reine. Le 10 aout, la famille royale est contrainte de quitter les Tuileries pour trouver refuge auprès de l’Assemblée qui siège au Manège. Le 13 aout, Louis XVI et ses proches prennent la direction du Temple, palais du duc d’Angoulême (fils du comte d’Artois), vide depuis l’exil du frère du roi. La famille royale est logée dans la tour. Le 21 septembre, la monarchie est abolie. Dés lors, Madame Elisabeth n’est plus qu’Elisabeth-Marie Capet. La vie devient plus difficile pour Elisabeth qui subi les humiliations des gardes. Pourtant, si Marie-Antoinette juge que les français doivent être punis, Madame Elisabeth espère qu’ils seront pardonnés par dieu. Au Temple, elle donne des cours de mathématiques au dauphin et initie sa nièce Madame Royale à des travaux de coutures. Après un procès qui semblait déjà joué, Louis XVI est condamné à mort. Le 20 janvier 1793, Elisabeth voit son frère pour la dernière fois. Le roi est guillotiné le lendemain matin. Dés lors, le petit dauphin devient Louis XVII. La vie se durcie de jour en jour pour les prisonniers. Le 3 juillet, le jeune « Louis-Charles Capet » est arraché à Marie-Antoinette. Le 2 aout, c’est la reine que l’on emmène. Avant de quitter le Temple, Marie-Antoinette confie sa fille à Madame Elisabeth. Voici que le 6 octobre, Elisabeth est confrontée à son neveu qui l’accuse d’attouchements et d’inceste. La princesse ne reconnaît plus l’enfant. Après s’être exclamée « Oh ! Le monstre » elle dira avec tristesse « cela ne peut être lui…ils l’ont rendu fou ». Elisabeth reporte maintenant toute son affection sur la seule parente qu’il lui reste en ces lieux : sa nièce Marie-Thérèse. La princesse apprendra à la jeune Madame Royale à se débrouiller seule, à ne pas rester inactive et à se méfier des geôliers. Au soir du 9 mai 1794, on vient la chercher. Après des ultimes recommandations à Marie-Thérèse, Elisabeth est conduite à la conciergerie. Après Louis XVI et Marie-Antoinette, s’ouvre le « procès » de la sœur du roi. Madame Elisabeth est humiliée par ses juges, mise plus bas que terres. On l’accusera surtout d’avoir fait parvenir des diamants à son frère le comte d’Artois pour organiser la contre-révolution et rétablir la monarchie. Mais tout est joué d’avance pour Elisabeth. En écoutant la sentence de mort, la princesse reste digne. Elle doit être exécutée le lendemain, elle n’a que 30 ans à peine. Ce jour là elle apprend seulement la mort de sa belle-sœur survenu le 16 octobre précédent. Elle réconforte les condamnés qui doivent eux aussi passer sous le couperet de la guillotine, leur disant qu’ils doivent être bienheureux de quitter « cette terre où il n’y a aujourd’hui que tourments et douleurs ». Elisabeth sera la dernière appelée ce 10 mai sur l’échafaud. La princesse monte courageusement les marches, arrivée en haut, son fichu de mousseline glisse. Elisabeth demanda alors à son bourreau « Au nom de la pudeur, couvrez-moi monsieur ». Le bourreau lui rajuste son vêtement, Elisabeth vient de prononcer ses derniers mots. Plusieurs témoins affirment qu’à l’instant où Madame Elisabeth fut guillotinée, une odeur de rose se répandit. Ce fut un choc pour les comtes de Provence et d’Artois ainsi que pour Marie-Clotilde d’apprendre la mort de leur sœur. Beaucoup ne comprennent pas pourquoi fallait-il faire mourir cette femme pieuse qui jamais ne causa de tort autour d’elle. Napoléon Ier lui-même ne comprendra jamais pourquoi Elisabeth fut envoyé à l’échafaud car « elle ne le méritait pas ». En 1795, Madame Royale apprit la mort de sa tante et déclara qu’elle espérait qu’un jour elle serait mise au rang ses saintes. Angélique de Bombelle reçu la nouvelle comme un coup de couteau. Elle ne se remit jamais de l’assassinat de la princesse. Elisabeth aurait dit un jour « je vivrai jusqu'à 80 ans, à moins qu'on ne m'assassine !.

Sa vie

Née le jeudi 3 mai 1764 vers une heure du matin, au Château de Versailles, dernière enfant du dauphin Louis-Ferdinand et de son épouse Marie-Josèphe de Saxe, elle est baptisée le jour de sa naissance dans la chapelle du château de Versailles par l'archevêque de Reims Charles Antoine de La Roche-Aymon dans la chapelle royale du château de Versailles, en présence de son grand-père le roi Louis XV de France - qui pleure encore la mort de sa favorite, la marquise de Pompadour décédée deux semaines plus tôt, de sa grand-mère la reine Marie Lesczynska et de la famille royale. Jean-François Allart, curé de l'église Notre-Dame de Versailles, paroisse où est situé le château rédige l'acte de baptême qui occupe une demi-page du registre et fait signer ses "très hauts et très illustres" paroissiens. Ironie du sort, l'acte suivant mentionne le baptême d'une pauvre enfant naturelle.
Le parrain de la princesse est son oncle par alliance Philippe Ier, infant d'Espagne, duc de Parme, Plaisance et Guastalla, représenté par le futur Louis XVI Louis Auguste de France, et sa marraine est sa grand-tante Élisabeth Farnèse, princesse de Parme, reine douairière d'Espagne, qui lui donne son prénom et est représentée par Marie-Adélaïde de France, fille de Louis XV1.

Une orpheline royale

Son père, le dauphin, mourut de tuberculose l'année suivante et la dauphine le suivit deux ans plus tard dans la tombe. Tous deux n'avaient que 36 ans lors de leur décès. Le couple delphinal laissait cinq enfants survivants dont l'aîné, le futur Louis XVI, avait 13 ans.
L'arrière grand-père de Madame Élisabeth, Stanislas Leszczynski, roi de Pologne détrôné placé sur le trône de Lorraine par son gendre Français mourut en février 1766. La Lorraine perdit alors son indépendance et devint une province Française.
La reine Marie Leszczyńska, grand-mère de Madame Élisabeth, mourut en juin 1768. Le roi, qui venait de faire acheter la Corse à la république de Gênes pour affermir la présence française en Méditerranée, trouva également une nouvelle et somptueuse favorite, la comtesse du Barry.
Élisabeth de France fit donc ses premiers pas au sein d'une famille divisée et en deuil. Sa première compagne de jeu fut sa sœur de six ans son aînée Clotilde de France, que son embonpoint avait fait méchamment surnommée par la cour "gros-Madame", comportement indigne et indélicat de l'élite française qui se voulait disciple de Rousseau et de Voltaire, qui vivaient leurs dernières années envers une enfant de 9 ans.

Une éducation princière

Confiée avec sa sœur Madame Clotilde aux soins de la comtesse de Marsan, Madame Élisabeth reçut une excellente éducation. Elle se passionnait pour les sciences.
Madame Élisabeth avec son carlin, peinte vers 1770 par Drouais à l'époque du mariage de son frère le dauphin et de l'archduchesse Marie-Antoinette d'Autriche
Sous l’égide de son maître de mathématiques Antoine-René Mauduit, elle mettra au point une table préparatoire à l’étude des logarithmes dont la précision fut telle qu'elle sera utilisée par les astronomes et les navigateurs.
Pour l’art, en particulier le dessin et alors qu’elle était encore enfant, sa gouvernante, la comtesse de Marsan, l’emmenait avec sa sœur aînée, Madame Clotilde, aux salons de peinture officiels. Par la suite, la princesse montra de réelles dispositions pour le dessin et le musée de Versailles conserve quelques-unes de ses œuvres.
La princesse apprit à jouer de la harpe mais il faut avouer qu'elle chantait extrêmement faux.
Connue pour sa grande piété, Madame Élisabeth avait subi l’influence de ses Mesdames tantes, filles de Louis XV, qui lui avaient inculqué une grande dévotion, sans altérer en elle une certaine liberté d'esprit, y compris à l'occasion dans le domaine de la religion, ce dont témoigne sa correspondance.
Elle a six ans lorsque son frère Louis-Auguste devenu dauphin épouse l'archiduchesse d'Autriche Marie-Antoinette, jeune fille pleine de charme mais superficielle.
La même année sa tante "Madame Louise" entre au Carmel de Saint-Denis afin de prier pour le salut de son père. Proche de sa jeune nièce sur laquelle elle aura une certaine influence, elle y mourra en 1787.
Le 10 mai 1774, Louis XV meurt et Louis-Auguste à l'âge de 19 ans, devient roi sous le nom de Louis XVI.
L'éducation de "Madame Élisabeth" fut alors confiée à la baronne de Mackau, 1723-1801 qui sut conquérir l'affection de la princesse et dont la fille Marie-Angélique de Mackau devint l'amie la plus proche.

La sœur du roi

Quelques mois plus tard, tandis que la princesse assiste au sacre de son frère, le jeune Louis XVI, en la cathédrale de Reims, sa sœur "Madame Clotilde" est mariée au prince de Piémont. La jeune Élisabeth, à peine âgée de 11 ans, voit avec peine sa sœur dont elle était très proche, quitter Versailles pour Turin.
L'âge du mariage ou d'un établissement conforme à son rang approche également pour Élisabeth.
Pressentie en 1777 pour épouser le frère de Marie-Antoinette, l’empereur Joseph II, deux fois veuf mais sans enfant et de 23 ans son aîné, elle obtint de Louis XVI de pouvoir rester à Versailles.
Faute de prince à lui faire épouser, le roi lui proposa la charge de coadjutrice de la prestigieuse abbaye de Remiremont en succession de leur tante Christine de Saxe mais elle se désintéressera de devenir abbesse, préférant les joies de la Cour et la compagnie de son médecin et ami de cœur, le docteur Dacy avec qui elle aurait vécu un amour platonique.
En 1779, la princesse qui a 15 ans obtient l'autorisation d'avoir sa propre maison et des revenus en propre. Avec l'accord du roi, elle nomme immédiatement Angélique de Mackau première dame d'honneur.

Montreuil

En 1783, le roi lui offrit le domaine de Montreuil, acheté aux Rohan-Guéméné et situé dans le village de Montreuil non loin du château de Versailles.
De 1784 à la Révolution, d'importants travaux de reconstruction et d'aménagement furent entrepris par Jean-Jacques Huvé, inspecteur des Bâtiments du Roi, et attaché au département des Dehors du château de Versailles, Grande Écurie, Petite Écurie, Grand Commun, Hôtels du Grand Maître de France, du Chancelier, Louveterie, Chenil, etc.. Les bâtiments furent reconstruits dans le goût néo-classique et les jardins dans le goût anglo-chinois alors en vogue, grotte factice, cours d'eau, cascade, etc.. Sous la direction d'Huvé, le château fut meublé avec des pièces commandées à l'ébéniste Jean-Baptiste-Claude Sené, exposées aujourd'hui au Musée du Louvre et au Musée Nissim-de-Camondo.
Madame Élisabeth ne sera jamais proche de sa belle-sœur la reine Marie-Antoinette.
À Montreuil, la princesse fit venir de Suisse la promise de son vacher qui se morfondait et fit célébrer leur mariage en l'église Saint-Symphorien. C'est l'origine de la fameuse comptine "Pauvre Jacques".
Favorable à la Variolisation qui permettait de se prémunir contre la petite vérole, maladie contagieuse mortelle et fréquente qui touchait indifféremment toutes les couches de la population laissant au mieux d'horribles cicatrices sur le visage, elle fit appeler son médecin. Celui-ci fut surpris de la trouver entourée de ses dames mais aussi des paysans de ses terres qui purent ainsi bénéficier gracieusement des progrès de la médecine.
Elle se priva également pendant quatre ans des étrennes que le roi lui donnait afin qu'une de ses dames pour accompagner, mademoiselle de Causans, puisse constituer la dot nécessaire à son mariage avec le marquis de Raigecourt, gentilhomme Lorrain dont elle était éprise.

La Révolution

Le 3 mai 1789, "Madame Élisabeth" atteint l'âge de la majorité légale.
Elle ne profitera guère de cette liberté : le lendemain, elle assiste en l'église Saint Louis de Versailles à l'ouverture des États Généraux.

Auprès du Roi

Le 4 juin 1789, le dauphin, s'éteint à l'âge de 7 ans au Château de Meudon. Le roi ayant demandé à reculer la date de réception des députés pour se remettre de son deuil, se voit opposer une fin de non-recevoir. "Madame Élisabeth" se rapproche de la reine, sa belle-sœur, pour soutenir le roi.
Madame Élisabeth peinte par Mme Vigée-Lebrun en 1790
Le 6 octobre 1789, la famille royale est ramenée de force par le peuple à Paris.
Alors qu’elle aurait pu se retirer avec ses tantes au château de Bellevue près de Meudon, elle choisit de partager le sort de son frère. Elle disposa désormais d’un appartement aux Tuileries à Paris.
Malgré les apparences, la princesse tenait parfois tête à son frère ou à sa belle-sœur Marie-Antoinette. Leurs affrontements portaient sur des choix de stratégie politique, la princesse adoptant une position ultra, sans la moindre concession aux partisans d’une monarchie constitutionnelle.
Dès 1790, elle soutenait le principe d’une alliance des émigrés avec les puissances étrangères dont elle attendait le salut. Par l’intermédiaire du comte de Virieu, entre autres personnes, elle correspondait régulièrement avec le comte d’Artois, son frère, émigré à Turin puis à Coblence dont elle partageait les idées.
Une de ses lettres au comte d’Artois fut découverte un jour sur un officier qui la transportait, et la missive fut remise pour examen à l’Assemblée Nationale. La princesse Élisabeth disait du roi qu’il se laissait mener par ses ministres vendus à l’assemblée, et qu’il n’y avait rien à espérer sans aide extérieure. Elle recommandait au comte d’Artois d’agir par lui-même, l’engageant à mettre les autres souverains d’Europe dans leurs intérêts, car, disait-elle, Louis XVI est si faible qu’il signerait sa propre condamnation si on l’exigeait de lui.
Elle s’opposa également à la constitution civile du clergé et à toute mesure qui diminuait les prérogatives royales ou celles de l'Eglise.

Refus d'émigrer

"Mesdames tantes" quittèrent la France pour les États du pape en 1791 et proposèrent à leur nièce de les accompagner. "Madame Élisabeth" choisit encore une fois de rester avec le couple royal.
Elle suivit son frère et sa belle-sœur lors de la fuite déjouée vers Montmédy, le 20 juin 1791.
Un an plus tard exactement, les révolutionnaires forçaient les portes du palais des Tuileries pour intimider Louis XVI et l’inciter à suspendre son veto maintenu sur diverses mesures préconisées par l’assemblée. Confondue avec la reine, Élisabeth fit face aux émeutiers déchaînés sans les détromper sur son identité.

Incarcération

Quand le roi fut suspendu par l’Assemblée législative le 10 août 1792 et détrôné un mois après, l’Assemblée décréta que« Louis Capet, son épouse et leurs enfants, Louis-Charles et Marie-Thérèse, ainsi qu’Élisabeth, seraient détenus jusqu’à nouvel ordre à la Prison du Temple.
Minée par des nuits sans sommeil depuis les événements d’août et les Massacres de septembre 1792, elle se métamorphosa physiquement.
Un chirurgien du comte d’Artois qui la visita en décembre 1792 - à l’époque du procès de Louis XVI - dit qu’elle était devenue méconnaissable .
Une lettre de la marquise de Bombelles – informée par sa fille Mme Alissan de Chazet qui communiquait en secret avec les prisonniers – donnait ces nouvelles au marquis de Raigecourt, époux de sa meilleure amie :
"J’ai eu comme vous les mêmes informations sur notre malheureuse princesse, sa maigreur est, dit-on, effrayante, mais la religion la soutient, et elle est l’ange consolateur de la reine, de ses enfants ; espérons qu’elle ni les siens ne succomberont à tant de maux. Comment pourrait-on se plaindre en ayant l’imagination remplie du douloureux tableau des habitants du Temple ?"
À la Prison du Temple, Élisabeth continua à communiquer avec l’extérieur, par l’intermédiaire de Mmes Thibault, Saint-Brice et de Jarjayes.
Le peintre Alexandre Kucharski, de l’aveu de Marie-Antoinette à son procès, parvint lui aussi jusqu’aux prisonnières dont il a laissé des effigies.

Le roi fut exécuté le 21 janvier 1793.

Début juillet, pour parer à toute tentative d’évasion, le jeune Louis-Charles, 8 ans, fut séparé de sa mère et de sa tante, puis Marie-Antoinette, sur décret de Barère, rapporteur du Comité de salut public, fut renvoyée au Tribunal révolutionnaire et envoyée le 1er août à la Conciergerie.
À l'hiver 1793, l'ex-"Madame Élisabeth" , ignorant l'exécution de sa belle-sœur, partageait sa cellule avec sa nièce de 15 ans sur laquelle elle veilla après l’exécution de ses parents et la séparation de son frère le petit "Louis XVII". On semblait l’avoir oubliée.

Exécution

La Convention avait d’abord prévu qu’Élisabeth "Capet" serait expulsée de France. Mais des documents cités en octobre 1793 lors de l’instruction du procès de Marie-Antoinette, devaient entraîner un décret de renvoi de la prisonnière devant le Tribunal révolutionnaire.
Pour un certain nombre de députés dont Robespierre, Madame Élisabeth ne présentait pas un grand risque pour l’avenir de la République, mais avec la guerre souterraine que se livraient les membres des comités, la répression se montrait de moins en moins sélective dans le choix de ses victimes. La " soeur du tyran " donna l’occasion à la police politique d'organiser un procès au terme duquel Élisabeth fut condamnée à la peine de mort.
À l’accusateur public qui la traitait de sœur d’un tyran, elle aurait répliqué : Si mon frère eût été ce que vous dites, vous ne seriez pas là où vous êtes, ni moi, là où je suis ! »…
Le 10 mai 1794 20 floréal an II, elle fut conduite en charrette à la place de la Révolution, la dernière d’une fournée de vingt-cinq personnes. C'est à ce moment qu'elle apprend de ses compagnons d'infortune le sort de Marie-Antoinette. Avant son exécution, elle réclamera sans succès les secours d'un prêtre que Fouquier-Tinville refusera avec dérision.

Derniers instants

Après qu'on eut procédé à sa toilette funèbre, elle continua à réconforter ses compagnes et compagnons d'infortune. Elle sauvera la vie d'une d'entre-elles, Madame de Sérilly, en la convaincant de révéler un possible début de grossesse.
Un gardien, nommé Geoffroy a relaté que tous, comme attirés par une force surnaturelle, venaient se grouper autour d'Élisabeth
À chacun elle disait un mot, une phrase, qui venaient du plus profond de son cœur

L'échafaud

Son rang de princesse du sang fit que Fouquier-Tinville la désigna pour monter la dernière sur l’échafaud. Son fichu ayant glissé de ses épaules, elle se serait ainsi adressée au bourreau : Au nom de la pudeur ou selon les versions : au nom de votre mère, couvrez-moi monsieur ! Elle ignorait que son corps sans vie serait dévêtu et exposé aux regards des fossoyeurs qui récupéraient les vêtements et plaçaient les corps dénudés dans les fosses communes.

Les Errancis

Son corps tronqué et dénudé fut jeté dans une des fosses communes du cimetière des Errancis. Après la Révolution, la dépouille ne put être identifiée malgré le témoignage d'un fossoyeur qui avait localisé la fosse commune. Les ossements exhumés lors des travaux de percement d'avenues furent placés aux catacombes de Paris avec ceux des autres condamnés. On ne put identifier ses restes.

Un médaillon la représente à Saint-Denis.

Acte de décès de Madame Élisabeth

L'acte de décès de Madame Élisabeth est rédigé le 20 mai 1794. L'original de l'acte a disparu lors de la destruction des archives de Paris en 1871 mais il avait été plusieurs fois recopié. Voici ce que dit le texte :
« Du premier prairial de l'an deuxième de la République.
Acte de décès de Élisabeth-Philippine-Marie-Hélène Capet du vingt-et-un floréal, sœur de Louis Capet, âgée de 30 ans, native de Versailles, département de Seine-et-Oise.
Vu l'extrait du jugement du tribunal criminel révolutionnaire et du procès-verbal d'exécution, en date du vingt-et-un floréal.
Signé Deltroit, écrivain greffier

Armes de Madame Élisabeth

En tant que fille de France non mariée, madame Élisabeth portait les armes de France, d'azur à trois fleurs-de-lys d'or sur un écu en losange

Le supplice de Mme Elisabeth soeur du roi par G.Gautherot.

par G.Gautherot

Madame Elisabeth, Philippine-Marie-Hélène de France
(3 mai 1764, Versailles- 10 mai 1794, Paris)

Le 9 mai 1794, au Temple, vers 8 heures du soir, au moment où Madame Elisabeth, soeur de Louis XVI, et sa nièce, Madame Royale, allaient se coucher, on poussa leurs verrous et on heurta à leur porte.
Ma tante, raconte la fille de Louis XVI, dit qu’elle passait sa robe; on lui répondit que cela ne pouvait pas être si long, et on frappa si fort qu’on pensa enfoncer la porte (sic). Elle ouvrit quand elle fut habillée.
On lui dit:
- Citoyenne, veux-tu bien descendre ?
– Et ma nièce ?
– On s’en occupera après.
Ma tante m’embrassa et me dit de me calmer, qu’elle allait remonter.
– Non, citoyenne, tu ne remonteras pas, lui dit-on; prends ton bonnet et descends.
On l’accabla alors de grossièretés et d’injures; elle les souffrit avec patience, prit son bonnet, m’embrassa encore et me dit d’avoir du courage et de la fermeté, d’ésperer toujours en Dieu, de me servir des bons principes de religion que mes parents m’avaient donnés, et de ne point manquer aux dernières recommandations de mon père et de ma mère. Elle sortit.
En bas, on visite ses poches, on lui fait traverser les cours sous une pluie battante et on la mène en fiacre à la Conciergerie. A dix heures du soir, on l’introduit dans la salle du Conseil, où le juge Deliège, en compagnie de Fouquier-Tinville, lui inflige un premier interrogatoire :
– Avez-vous, avec le dernier tyran, conspiré contre la sûreté et la liberté du peuple français ?
– J’ignore à qui vous donner ce titre, mais je n’ai désiré que le bonheur des Français.

- Avez-vous entretenu des correspondances et des intelligences avec les ennemis extérieures et intérieurs de la République, notamment avec les frères de Capet et les vôtres, et ne leur avez-vous pas fourni des secours en argent ?
- Je n’ai jamais connu que des amis des Français. Jamais je n’ai fourni de secours à mes frères, et depuis le mois d’août 1792, je n’ai reçu de leurs nouvelles ni ne leur ai donné des miennes.
– Qu’avez-vous fait dans la nuit du 9 au 10 août 1792 ? [jour de la prise des Tuileries]
– Je suis restée dans la chambre de mon frère, et nous avons veillé.
– Je vous observe qu’ayant chacun vos appartements, il es étrange que vous vous soyez réunis dans celui de votre frère, et sans doute cette réunion avait un motif que je vous interpelle d’expliquer.
– Je n’avais d’autre motif que celui de me réunir toujours chez mon frère lorsqu’il y avait du mouvement dans Paris.
– Et cette même, nuit n’avez-vous pas été avec Marie-Antoinette, dans la salle où les Suisses étaient occupés à faire des cartouches ?
– Je n’y ai pas été, et n’ai nulle connaissance de cette salle…
– Lors de l’évasion du 20 juin, n’est-ce pas vous qui avez amené les enfants ?
– Non, je suis sortie seule.
– Avez-vous un défenseur ou voulez-vous en nommer un ?
– Je n’en connais pas.

On lui désigna d’office Chaveau-Lagarde. Mais à quoi bon? Donne-t-on un défenseur à la brebis qu’on va égorger? Lisons d’ailleurs la Note historique de Chaveau-Lagarde :
Je me présentais à l’instant à la prison pour m’entretenir avec elle de son acte d’accusation. On ne voulait pas que je lui parlasse. Fouquier-Tinville eut la perfidie de me tromper en m’assurant qu’elle ne serait pas jugée de sitôt, et il me refusa l’autorisation de conférer avec elle. Le lendemain, qu’elle ne fut pas ma surprise, lorsque, m’étant rendu au tribunal, j’aperçus Madame Elisabeth environnée d’une foule d’autres accusés, sur le haut des gradins, où on l’avais placé tout exprès la première pour la mettre plus en évidence. On la jugea, en effet, dès le lendemain, le 10 mai 1794.

La « fournée » était de vingt-cinq têtes, et il y avait vraiment de quoi satisfaire les sans-culottes les plus raffinés : il y en avait pour tous les goûts :
Une Parisienne « vivant de ses revenus », Denise Briard (52 ans);
Un ex-employé à l’habillement des troupes, Louis Letellier (21 ans);
Un tailleur, ex-sous-lieutenant de marine, Charles Cressy-Champmillon (33ans);
Un ex-officier municipal de la commune de Paris, l’apothicaire Georges Follope (64 ans), qui, de service au Temple, avait manifesté trop de commisération pour les prisonniers royaux;

De vils aristocrates : la marquise de l’Aigle, veuve (55ans); le comte Leneuf-Sourdeval (69 ans); la marquise de Crussal-d’Amboise (64 ans); Françoise de Canisy, veuve du comte de Montmorin, l’ancien ministre des Affaires Etrangères, acquitté par le tribunal du 17 août 1792, mais massacré dans sa prison en septembre, et son fils, le sous-lieutenant de chasseurs Antoine de Montmorin (22 ans); la marquise de Sénozans, soeur de Lamoignon de Malesherbes (76 ans).
Puis, un groupe de quatorze personnages, que l’épicier Maure, conventionnel en mission dans l’Yonne, apôtre de la Raison, avait expédiés d’Auxerre au tribunal : Louis-Claude Lhermite de Champbertrand, chanoine de Sens (60 ans); sa soeur, la comtesse de Rosset, femme d’un maréchal de camp (65 ans), et sa parente, Mme de Rosset-Cercy, femme d’un officier de marine (44 ans); trois membres de la famille Mégret : Antoine Mégret-Sérilly, ancien trésorier général de la guerre (48 ans), sa femme (31 ans), et Antoine Mégret d’Etigny, ex-aide-major des gardes françaises (46 ans); plus deux domestiques de la même famille, J.-R. Lhost et Antoine Dubois; le négociant de Sens, Théodore Halle (26 ans); enfin, cinq membres de la famille de Loménie : l’ancien ministre de la Guerre de Loménie de Brienne, l’ancien colonel de chasseurs Alexandre de Loménie (36 ans); l’ancien coadjuteur de l’archevêque de Sens, Martial de Loménie (30 ans), Charles de Loménie (33 ans) et sa soeur Charlotte de Loménie (29 ans).

Peut-on imaginer plus affreuse hécatombe ? Après la condamnation, Fouquier-Tinville ayant observé à Dumas que la princesse n’avait pas poussé une plainte :
De quoi se plaindrait-elle donc, Elisabeth de France, répondit avec une gaieté féroce le président du tribunal; ne lui avons-nous pas formé une cour d’aristocrates dignes d’elle? Rien ne l’empêchera encore de se croire dans les salons de Versailles quand elle va se voir au pied de la sainte guillotine, entourée de toute cette noblesse fidèle.
C’est bien elle, en effet, c’est son âme sublime qui va dominer cette cour sanglante, et c’est sur elle avant tout que s’acharne l’accusateur public.
Un seul acte d’accusation englobe les vingt-cinq victimes qui s’ignorent ou qui ne se sont pas revues depuis plusieurs années. Un seul témoin est entendu, une femme qui connaissait la marquise de l’Aigle. L’interrrogatoire public est presque inexsistant, et les charges sont nulles et ridicules. Dumas reproche, par exemple, au comte de Brienne, d’avoir été ministre en 1788 et de s’être fait nommer maire par une commune qu’il avait comblé de bienfaits. On les rend coupable, non pas même de ce qu’ils ont fait, mais de ce qu’ils ont pu faire, de ce qu’ils sont présumés avoir fait, des opinions qu’ils doivent avoir :
Dans un temps de révolution où chacun doit prendre parti, expose le président, on est fondé à présumer que les opinions, bien plus que les convenances, déterminent les rapports sociaux, et se serait blesser la vérité et la vraissemblance que de vouloir admettre les liaisons le patriote et le royaliste, qui sont aussi opposés l’un à l’autre que le protestant avec l’ultramontain.
En ce qui concerne Madame Elisabeth, les pièces ne sont autres que celles qui ont servi pour Louis XVI et Marie-Antoinette, et cela suffit, puisque l’on la va tuer uniquement en raison de son sang royal, du sang de cette « famille Capet » à qui le peulple français, rappelle Fouquier-Tinville, « doit tous les mots desquels il a gémi depuis tant de siècles »; puisqu’on l’accuse d’avoir elle-même partagé « les crimes de tout genre, les forfaits amoncelés par Capet, de la Messaline Antoinette, des deux frères Capet »… Lisons quelques autres passages du réquiqitoire :

Elisabeth a coopéré à toutes les trames, à tous les complots formés pas ses infâmes frères, par la scélérate et impudique Antoinette, et toute la horde de conspirateurs qui s’était réunie autour d’eux… elle encourage les assassins de la patrie…
Elisabath avait médité avait Capet et Antoinette le massacre des citoyens de Paris dans l’immortelle journée du 10 août. Elle veillait dans l’espoir d’être témoin de ce carnage nocturne, elle aidait la barbare Antoinette à mordre les balles et encourageait par ses discours les jeunes personnes que des prêtres fanatiques avaient conduites au château pour cette horrible occupation. Enfin, trompée dans l’espoir que toute cette horde de conspirateurs avait… elle fuit au jour avec le tyran et sa femme et va attendre dans le temple de la souveraineté nationale que la horde des esclaves soudoyés et dévoués aux forfaits de cette cour parricide ait noyé dans le sang des citoyens de la liberté, et lui eût foufni les moyens d’égorger ensuite ses représentants…
Enfin, on l’a vue, depuis le suplice du plus coupable des tyrans qui ont déshonnoré la nature humaine, provoquer le rétablissement de la tyrannie en prodiguant avec Antoinette au fils Capet les hommages de la royauté et les prétendus honneurs du trône.
Le nouvel interrogatoire n’est que la mise ne demandes de ces monstrueuses insanités. Madame Elisabeth y répond avec simplicité, une dignité, un calme merveilleux :
- N’avez-vous pas donné des sions, pansés vous-mêmes les blesssures des assassins envoyés aux Champs-Elysées contre les braves Marseillais ?
– Je n’ai jamais su que mon frère eût envoyé des assassins contre qui que ce soit. S’il m’est arrivé de donner des secours à quelques blessés, l’humanité seule a pu me conduire. Je n’ai point eu besoin de m’informer de la cause de leurs maux pour m’occuper de leur soulagement. Je ne m’en fait un mérite, et je n’imagine pas que l’on puisse m’en faire un crime…
– L’accusée Elisabeth, dont le plan de défense est de nier tout ce qui est à sa charge, aura-t-elle la bonne foi de convenir qu’elle a bercé le petit Capet de l’espoir de succéder au trône de son père, et qu’elle a ainsi provoqué la royauté ?
– Je causais familièrement avec cette infortuné qui m’étais à plus d’un titre, et je lui administrais, sans conséquence, les consolations qui me paraissaient capables de le dédommager de la perte de ceux qui lui avaient donné le jour.
– C’est convenir, en d’autres termes, que vous nourrissiez le petit Capet des projets de vengeances que vous et les vôtres de faire contre la liberté, et que vous vous flattiez de relevé les débris d’un trône brisé en l’inondant du sang des patriotes.

Les jurés, les solides -ceux qui condamnaient toujours- étaient éclairés. Et l’on préférerait qu’un avocat n’eût pas fait aux assassins l’honneur d’intervenir. Chauveau-Lagarde, pourtant, se leva et prononça une courte défense dont il écrivit plus tard le résumé : là où il ny a aucun élément légal de conviction, observa-t-il, il ne saurait y avoir de conviction légale; tous les débats consistaient dans les réponses de l’accusée, et ces réponses, loin de la condamner, ne prouvaient que la bonté de son coeur et l’héroisme de l’amitié : la princesse, qui avait été à la cour de France le plus parfait modèle de toutes les vertus, ne pouvait d’ailleurs être l’ennemis des Français… Dumas, furieux, reproche alors à l’avocat de « corrompre la morale publique » en parlant des « prétendues vertus de l’accusée », et Madame Elisabeth, jusqu’alors insensible à sa propre situation, se montra tout à coup émue des dangers courus par son défenseur.
La « conviction légale » n’avait cependant rien à voir dans cette affaire; ou plutôt nous savons en quoi elle consistait. Le jugement de condamnation avait été dressé à l’avance et signé en blanc, comme le prouve l’espace vide qui, dans l’original, sépare le corps de l’acte de la formule finale et de la signature des juges.

Comme d’ordinaire, les charrettes du bourreau attendaient à la porte de la Conciergerie.
Parquées dans l’étroite et obscure salle des condamnés à mort, assises sur les bancs de bois qui faisaient face à une cloison vitrée, les victimes assistaient à leur toilette funèbre. La vieille marquise de Sénozans (76 ans) se lamentait. La comtesse de Montmorin, après avoir vu massacré son mari, ne pouvait se résigner à voir périr avec elle son fils de vingt-deux ans. Madame Elisabeth, sereine, les réconfortait :
– On n’exige point de nous, disait-elle, comme des anciens martyrs, le sacrifice de nos croyances; on ne nous demande que l’abandon de notre misérable vie : faisons à Dieu ce faible sacrifice avec résignation.
Au bout d’une heure, on fit l’appel suprême, et les charette - » les bières des vivants », disait Barère- se remplirent. Madame Elisabeth monte à l’échelle avec Madame de Sénozans et de Crussol; au Pont-Neuf, le mouchoir blanc qui couvrait sa tête se détache et est ramassé par l’éxecuteur; elle refuse qu’elle le lui remette, et elle va tête nue jusqu’à la place de la Révolution, montrant à tous sa modeste et pieuse sérénité. Le médecin Dacy, qui crois les charettes, rentre chez lui boulversé, et dit à sa femme en pleurant :
– Je viens de rencontrer un ange allant à l’échafaud!

[les Parisiens l'appelaient aussi "Sainte Geneviève des Tuileries", sainte Geneviève (5e s.) étant leur sainte patronne]

Elle descend la première, s’assied, le dos à l’échaffaud, sur la banquette de bois où l’on attend son tour; puis -raconte un officier municipal, Moelle, témoin oculaire- « répand un angélique sourire sur les compagnons de sa mort, lève les yeux au ciel, les reporte sur eux, et leur dit ainsi que c’est au ciel qu’ils vont se réunir. »

La vieille marquise de Crussol d’Amboise est appelée la première : elle se lève, s’incline devant la jeune princesse, lui demande la permission de l’embrasser, et va livrer sa tête au bourreau. Les autres femmes l’imitent à son tour, et tout à tout aussi les hommes viennent s’incliner devant la royale victime qu’on a réservé pour la fin. Avant de mourir, le sous-lieutenant de Montmorin répond aux hurlements de la populace par le cri de Vive le Roi! et le domestique, Baptiste Dubois, répète ce cri vibrant.
Madame Elisabeth récite le De Profundis pour ceux qui déjà ne sont plus. L’avant dernier est le chanoine de Champbertrand, dont elle reçoit une suprême absolution.
Elle se lève enfin, et monte à l’échaffaud d’un pas si ferme que le bourreau renonce à la soutenir. Au moment où on l’attache, debout sur la planche redressée, son fichu de linon tombe et laisse apparaitre sur sa poitrine une médaille de la Vierge. La planche bascule, et s’accomplit le crime auquel on peut appliquer le mot de Napoléon Ier a prononcé au sujet du supplice de Marie-Antoinette : » Il y a quelquechose de pire encore que le régicide. » [creux!]
On n’a pas crié cette fois, Vive la République!
» Une odeur de rose, rapporte Madame de Genlis, se répandit sur la place Louis XV. »

Le corps, décapité, fut placé sur le tas de cadavres qui remplissaient la grande charrette et y baignaient, au fond, dans le sang. Au cimetière de la Madeleine, il fut dépouillé, abandonné ainsi sur le sol, puis précipité dans l’énorme fosse de douze à quinze pieds de longueur et de largeur, de dix-huit pieds de profondeur, dans la fosse commune où les ossements se confondirent à ce point avec les autres qu’il fut impossible de les identifier en 1817, lorsque son frère louis XVIII tenta de retrouver ses restes pour leur donner sépulture honorable.

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https://youtu.be/1oBPgtVSk1

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Posté le : 09/05/2015 14:27

Edité par Loriane sur 10-05-2015 16:35:53
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Que dieu sauve le roi, histoire d'un plagiat et d'une histoire de cul !
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"Que dieu protège le roi" (Plagiat et histoire de cul )


Alors que la naissance du deuxième bébé (est-ce le second ?) de la royauté anglaise vient de naître, nous entendons à profusion résonner le fameux hymne national " God save the Queen/king/" qui se chante la main sur le coeur, mais qui sait que cet Hymne so british est né de la fistule du roi Louis XIV ? Qui connait l'origine et la véritable histoire du God save the Queen ?
Louis XIV si royal, si majestueux, était-il aussi si gaulois, si français, était-il si populacier qu'il lança la mode de la plume "dans le cul" ? Mais comme le craignait notre grande Jeanne D'Arc, une fois encore les fourbes anglois passèrent par là pour nous défaire de nos gloires ! Pauvre France encore pillée, dépouillée par la perfide Albion à l'âme rapace.
Un peu de Cul…ture.....

L’histoire s’écrit avec une plume.

Voici celle du : "God save the Queen" ou "God save the King" (quand le monarque est un homme)

Tout commence en janvier 1686, où Louis XIV tombe subitement malade.
Il semble qu'il se soit piqué en s'asseyant sur une plume des coussins qui garnissaient son carrosse déclenchant un abcès à l'anus, qu'il aurait fallu immédiatement inciser pour éviter que la blessure ne s'infecte.
Mais les médecins du roi, épouvantés à l'idée de porter la main sur le fondement de la monarchie, optèrent pour des médecines douces, type onguents.
Ces méthodes ne donnèrent aucun résultat.
Tout cela dura près de 4 mois et les douleurs royales ne cessaient pas ! Brusquement, vers le 15 mai, les chirurgiens, soupçonnèrent l'existence d'une fistule.
Ce fut l'affolement général.
Finalement, le 1er chirurgien du Roi Félix de Tassy, décide d'inciser et "invente" pour ce faire, un petit couteau spécial, véritable pièce d'orfèvrerie dont la lame était recouverte d'une chape d'argent.
Il fallut encore 5 mois pour fabriquer ce petit bijou...
L'opération eut lieu le 17 novembre sans anesthésie !!! Deux autres incisions seront nécessaires, la plaie ayant du mal à se refermer pour cicatriser pour qu'enfin à la Noël 1686, on puisse déclarer que le roi était définitivement sorti d'affaire...et mettre fin aux rumeurs qui, se propageaient disant que Louis XIV était à l'agonie.

Dès que fut connue l'heureuse issue de l'intervention, des prières furent dites dans le royaume et les dames de Saint Cyr, création de Mme de Maintenon devenue épouse morganatique décidèrent de composer un cantique pour célébrer la guérison du monarque.
La supérieure, Mme de Brinon, nièce de Mme de Maintenon écrivit alors quelques vers à la gloire du roi :

Que Dieu protège notre Roi,
Longue vie à notre noble Roi,
Que Dieu protège le Roi !
Rends-le victorieux,
Heureux et glorieux ;
Que soit long son règne sur nous,
Que Dieu protège le Roi !

Ô Seigneur, notre Dieu, surgis
Disperse ses ennemis
Et fais-les chuter ;
Confonds leurs complots,
Déjoue leurs conspirations de filou !
En Toi, nous mettons notre espoir ;
Que Dieu nous protège tous !

Parmi tous, Tu choisis les dons
Qu’il Te plaît de lui accorder ;
Puisse-t-elle régner longuement ;
Puisse-t-elle défendre nos lois
Et nous donner toujours raison
De chanter avec cœur et à pleine voix :
Que Dieu protège le Roi !


Vers qu'elle donna à mettre en musique à Jean-Baptiste Lully , et que les demoiselles de Saint Cyr prirent l'habitude de chanter chaque fois que le roi venait visiter leur école.

C'est ainsi qu'un jour de 1714, le compositeur Georg Friedrich Haendel, de passage à Versailles, entendit ce cantique qu'il trouva si beau qu’il en nota aussitôt les paroles et la musique. Après quoi, il se rendit à Londres où il demanda à un clergyman nommé Carrey de lui traduire le petit couplet de Mme de Brinon.

Le brave prêtre s'exécuta sur le champ. Il écrivit ces paroles qui allaient faire le tour du monde :

That God protects our King,
Long life to our noble King,
That God protects King!
Make him victorious,
Happy and glorious;
That is long sound reign on us,
That God protects King!

O Lord, our God, arise,
Scatter her enemies,
And make them fall !
Confound their politics,
Frustrate their knavish tricks,
On Thee our hopes we fix,
God save us all !

Thy choicest gifts in store
On her be pleased to pour ;
Long may she reign ;
May she defend our laws,
And ever give us cause
To sing with heart and voice :
God save the King !

Haendel alla immédiatement à la cour où il offrit au roi, comme étant son œuvre le cantique des demoiselles de Saint Cyr.
Très flatté, George 1er félicita le compositeur et déclara que, dorénavant, le "God save the King" serait exécuté lors des cérémonies officielles.
Cet hymne, qui nous paraît profondément " britich", et qui est certainement le plus ancien au monde n’est pas officiellement l’hymne du Royaume-Uni mais il l’est dans les faits ainsi que celui de la Nouvelle-Zélande.
Il était par le passé l'hymne national de la majeure partie des pays du Commonwealth ; bien que la plupart d'entre eux aient maintenant leur propre hymne national, plusieurs (dont l'Australie et le Canada) le reconnaissent en tant qu'hymne royal.
En fait, il est surtout très Européen puisque né de la collaboration :
d'une Française Mme de Brinon,
d'un Italien Jean-Baptiste Lully -ou Gian-Batista Lulli- naturalisé français,
d'un Anglais Carrey,
d'un Allemand Georg Friedrich Händel -ou Haendel- naturalisé britannique, et ...
d'un entre-fesses Français, celui de sa Majesté Louis XIV.

Quel serait aujourd’hui l'hymne britannique si Louis XIV ne s'était par mégarde, piqué une plume dans le Cul,?...
Dieu seul le sait…



Autre version de l'origine du monde.
L'hymne divin né de l'esprit français nous fut ravi mais garde sa noblesse et sa beauté











Posté le : 03/05/2015 17:29
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Création de la Gestapo
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Le 26 avril H. Goering, ministre de Prusse, crée la Gestapo


contraction de l'allemand "Geheime Staatspolizei" "police secrète d'État". Sa principale mission est d’éliminer toute opposition au régime national-socialiste. Aucun tribunal n'est habilité a contrôler ses activités. Elle procédera à des exécutions sommaires, se livrera aux pires exactions et fera interner nombre de suspects en camp de concentration.

Il y a 80 ans, par décret du 26 avril 1933, Hermann Goering 1893-1946 créait la Geheime Staatspolizei plus connue sous la forme de son adresse postale – Gestapo -, qui allait bientôt devenir en Allemagne, mais aussi dans toute l’Europe, le sinistre symbole de l’État policier nazi. Geheime Staatspolizei signifie “police secrète”, l’adjectif “secrète” pouvant aussi être traduit par “privée”. De fait, la Gestapo fut, dès ses origines, une police spécifiquement politique et non criminelle au service du parti national-socialiste, si ce n’est au service de son seul maître. En charge de la traque et de l’élimination de tous les opposants au régime nazi, la Gestapo élargira son champ d’action durant la guerre en participant directement à la Solution finale. L’Amt IV B 4 - sous la direction du SS Obersturmbannführer Adolf Eichmann1906-1962 - en charge de la traque des Juifs dans toute l’Europe occupée, de leur arrestation et de leur acheminement en Pologne, était un service de la Gestapo à part entière.
Hermann Göring, ministre-président de Prusse, crée la Gestapo, Himmler, Reichsführer-SS chef des SS pour tout le Reich, prend les rênes de la Gestapo. Au printemps de la même année, Himmler dirige toutes les polices allemandes, à l'exception de la Prusse ; il les unifie et étend le champ d'action de la Gestapo à toute l'Allemagne. À la tête du service central de la Gestapo, il nomme Reinhardt Heydrich, déjà chef du SD Sicherheitsdienst, service de sécurité interne du parti nazi, fondé en 1931.
Les lois de 1936 centralisent toutes les polices allemandes sous Himmler, qui contrôle désormais l'Ordnungspolizei ou Orpo, la police régulière du IIIe Reich, et la Sicherheitspolizei, la police de sécurité, cette dernière regroupant la Gestapo et la Kriminalpolizei ou Kripo, la police criminelle.
Une police hors norme aux pouvoirs exorbitants
Chargée de détruire tous mouvements dangereux pour l'État et le parti, notamment les individus qui se sont séparés de la communauté populaire par leur dégénérescence physique et morale, la Gestapo jouit de pouvoirs exorbitants :

– ses décisions n'ont pas besoin de la sanction des tribunaux ;
– si elle saisit la justice, ses fonctionnaires soutiennent l'accusation en tant que ministère public ;
– Orpo et Administration doivent exécuter ses ordres sans appel ;
– la Gestapo agit préventivement ;
– répartis par région militaire et aux frontières, ses 50 000 agents s'infiltrent partout ;
– elle arrête, torture, supprime ou bien interne en camp de concentration tout suspect, se mêle de contre-espionnage extérieur, du ressort de l'Abwehr le service de renseignement militaire, défie la Wehrmacht → affaires Blomberg et Fritsch, 1938.

Devenue office du RSHA Reichssicherheitshauptamt, office principal de sécurité du Reich, créé en septembre 1939 et dirigé par Heydrich, puis par Kaltenbrunner, la Gestapo va, sous le général SS Müller, étendre à toute l'Europe le régime policier du IIIe Reich : elle entre dans les Einsatzgruppen, commandos qui massacrent derrière le front de l'Est les cadres locaux et les Juifs ; elle pénètre, malgré la réticence de la Wehrmacht, dans les autres pays occupés, utilisant les moyens les plus odieux délation, torture, chantage... pour traquer les résistants ; elle participe enfin à la déportation massive des Juifs vers les camps d'extermination, camps de concentration.

Dans l'énorme machine policière SS construite par le duo Himmler-Heydrich, la Gestapo prendra une part considérable à l'asservissement de l'Autriche, de la Tchécoslovaquie et de la Pologne, en dépit des protestations de certains généraux de la Wehrmacht. La Gestapo s'installe dès août 1940 dans la France occupée. Toutefois, les chefs militaires d'occupation la cantonnent dans un rôle de renseignement et de propagande, sans pouvoir d'exécution. Ce n'est qu'en avril 1942 que Himmler obtiendra du Führer que les pouvoirs de police en France soient enlevés aux militaires et confiés au général de police SS Karl Oberg. La Gestapo va alors absorber les services militaires de la police secrète de campagne, renforcer considérablement l'action de ses quelque 1 500 policiers allemands par le concours de plus de 40 000 auxiliaires français de tous les milieux, dont les plus tristement célèbres sont ceux de la bande Bonny-Lafont, de la rue Lauriston à Paris. La Gestapo procède à un nombre considérable d'arrestations 40 000 en 1943 sans compter des rafles massives comme à Clermont-Ferrand, Marseille, Grenoble et Cluny ; elle incarcère ses victimes à Fresnes, à la Santé, au Cherche-Midi, en province dans les prisons locales. L'usage de la torture lui a été recommandé dès le 10 juin 1942 par une note de Berlin relative aux interrogatoires renforcés dont elle se fait une spécialité. Les incarcérés qu'elle juge mineurs sont dirigés comme « réserve d'otages au camp de Romainville et alimentent les exécutions d'otages, notamment celles du Mont-Valérien. Les incarcérés qu'elle juge majeurs sont envoyés, ainsi que les juifs raflés en masse, dans les camps de concentration ou d'extermination en Allemagne.

Les mêmes faits se reproduisent dans les autres pays de l'Europe occupée.

Ayant absorbé police des frontières 1937 et sûreté aux armées Feldpolizei, 1942, la puissance de la Gestapo paraît sans bornes quand elle arrache en février 1944 la dissolution de l'Abwehr. La Gestapo ne peut pourtant pas prévenir le putsch contre Hitler du 20 juillet 1944, qui décuple encore sa frénésie de meurtre.
Ses agents tombés aux mains des Alliés seront jugés comme criminels de guerre, procès de Nuremberg.

En 1933, la création de la Gestapo ne concernait que l’État et la police les plus importants d’Allemagne: la Prusse. Son premier directeur fut Rudolf Diels, 1900-1957, un protégé de Goering qui fit rapidement les frais de la rivalité entre ce dernier et le puissant chef de la SS, Heinrich Himmler, 1900-1945, un an plus tard. À partir d’avril 1934, la Gestapo entre dans l’orbite de la SS et installe son siège au 8 Prinz-Albrecht Strasse à Berlin. Le Reichsführer SS Himmler devait faire de la Gestapo l’instrument d’une répression de la plus redoutable efficacité. Étendant désormais son champ d’action à l’ensemble de l’Allemagne, il l’organise selon le modèle de la SS, et l’intègre au sein de l’Office central de la sécurité du Reich (Reichssicherheitshauptamt ou RSHA. Cette intégration est d'importance, car le RSHA va permettre l'unification de l’ensemble des polices allemandes aux côtés de la Gestapo: Kripo, Kriminalpolizei, Orpo Ordnungspolizei, Sipo Sicherheitspolizei.

Le RSHA - dont la Gestapo est l'un des sept départements Amt IV - est dirigé par le SS Obergruppenführer Reinhard Heydrich 1904-1942, un homme aussi intelligent que froid et dénué de tout sens moral. Placée sous le commandement du SS Gruppenführer Heinrich Müller, 1900-1945, subordonné direct de Heydrich, la Gestapo reçoit pour missions d’éliminer toute opposition politique en Allemagne et dans les territoires occupés, de s’occuper de la “Question juive”, d’assurer le contre-espionnage et la police des frontières. Heydrich était donc à la tête d'un immense empire policier, que ses talents d'organisateur rendirent redoutable à tous les ennemis réels et supposés du Reich nazi. Éliminé par la résistance tchèque en mai 1942, il fut remplacé par le SS Obergruppenführer Ernst Kaltenbrunner 1903-1946 qui, sans égaler son intelligence, hérita de ce terrible instrument de répression.
Symbole de la terreur absolue qu’un État peut imposer à sa population, la Gestapo a permis la “mise au pas” Gleichschaltung rapide de la société allemande, ainsi que l’instauration d’une répression suffisamment efficace pour empêcher toute résistance – hormis de rares exceptions – jusqu’à la fin de la guerre. Surtout, son nom est resté synonyme dans toute l’Europe d’arrestations, de disparitions, de tortures et de meurtres pour des millions de personnes de 1939 à 1944.
La responsabilité des territoires occupés et de la “Question juive” faisait que la Gestapo contrôlait en grande partie les Einsatzgruppen: ces quatre unités de tuerie mobile responsables de ce que le Père Patrick Desbois a appelé la “Shoah par balles”. Les 3000 hommes des Einsatzgruppen A, B, C et D étaient essentiellement issus des rangs de la Gestapo, de la Krippo et du SD, tous trois appartenant au RSHA et dépendant plus largement de la SS. S’ajoutaient des éléments de l’orpo, la police régulière allemande et des auxiliaires locaux.


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Posté le : 24/04/2015 19:38
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Bombardement de Guernica
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Le lundi 26 Avril 1937 eut lieu le bombardement de Guernica

une attaque aérienne réalisée sur la ville basque espagnole de Guernica le lundi 26 avril 1937, par 44 avions de la Légion Condor allemande nazie et 13 avions de l'Aviation Légionnaire italienne fasciste, en appui du coup d'État nationaliste contre le gouvernement de la Seconde République espagnole. Les belligérants étaient la république espagnoleet le Reich allemand : Corpo Truppe Voluntarie et le Camp nationaliste
Wolfram von Richthofen commandait l'attaque, face à une défence espagnole tout à fait absente, sur les lieux, 23 bombardiers Junkers Ju 52, 1 bombardier Dornier Do 17, 4 bombardiers Heinkel He 111, 10 chasseurs Heinkel He 51, 6 chasseurs Messerschmitt Bf 109, 3 bombardiers Savoia-Marchetti SM.81, 10 chasseurs Fiat CR.32
Les pertes furent importantes entre 120 et 3 000 civils tués


Guerre d'Espagne

Le 17 juillet 1936 éclate au Maroc espagnol un soulèvement militaire, qui s'étend à l'Espagne dès le lendemain et vise à renverser le gouvernement de Front populaire issu des élections législatives de février. En quelques jours, les forces insurgées – dites nationalistes – rallient à elles de vastes régions, sans parvenir à s'emparer du pouvoir. Quant aux républicains, ils échouent dans la répression du putsch. Une guerre civile se déclenche en Espagne, qui durera près de trois ans jusqu'en avril 1939 et fera plus de 600 000 victimes civiles et militaires. Affrontement idéologique de deux camps antagonistes, ce conflit passe également volontiers pour une répétition générale de la Seconde Guerre mondiale : Allemands et Italiens interviennent massivement aux côtés des nationalistes et expérimentent à cette occasion de nouvelles armes, tandis que l'U.R.S.S. soutient les républicains, qui espéraient une intervention française. Parce qu'elle préfigure un embrasement général, la guerre d'Espagne provoque une forte mobilisation de l'opinion internationale, dont témoignent l'engagement de milliers de volontaires venus du monde entier et de multiples témoignages littéraires et artistiques.

Cet événement majeur et hautement symbolique de la guerre d'Espagne contribua à internationaliser la médiatisation du conflit, par l'intermédiaire d'une intense propagande, notamment au sujet du nombre de victimes et des responsables du massacre, aussi bien par les partisans des Nationalistes que des Républicains ; parmi ces derniers, le peintre espagnol Pablo Picasso a joué un rôle important avec son célèbre tableau Guernica représentant la population bombardée et exposé pour la première fois à l'Exposition internationale de Paris, du 12 juillet à la fin de l'année 1937.
Le 17 juillet 1936 éclate au Maroc espagnol un soulèvement militaire, qui s'étend à l'Espagne dès le lendemain et vise à renverser le gouvernement de Front populaire issu des élections législatives de février. En quelques jours, les forces insurgées – dites nationalistes – rallient à elles de vastes régions, sans parvenir à s'emparer du pouvoir. Quant aux républicains, ils échouent dans la répression du putsch. Une guerre civile se déclenche en Espagne, qui durera près de trois ans jusqu'en avril 1939 et fera plus de 600 000 victimes civiles et militaires. Affrontement idéologique de deux camps antagonistes, ce conflit passe également volontiers pour une répétition générale de la Seconde Guerre mondiale : Allemands et Italiens interviennent massivement aux côtés des nationalistes et expérimentent à cette occasion de nouvelles armes, tandis que l'U.R.S.S. soutient les républicains, qui espéraient une intervention française. Parce qu'elle préfigure un embrasement général, la guerre d'Espagne provoque une forte mobilisation de l'opinion internationale, dont témoignent l'engagement de milliers de volontaires venus du monde entier et de multiples témoignages littéraires et artistiques.

Vidéo

Fin de la guerre civile espagnole, 1939
Entre décembre 1938 et février 1939, la Catalogne tombe aux mains des franquistes et sa capitale, Barcelone, est conquise par les troupes de Franco en janvier 1939. Durant les derniers mois de la guerre, des colonnes de réfugiés républicains, civils et soldats mêlés, traversent la frontière français…

Les objectifs du bombardement Une ville

La ville de Guernica avait une valeur symbolique, l'autonomie juridique et fiscale était représentée par l'arbre de Guernica où les rois de Castille allaient prêter serment de respecter les fors basques.

Un objectif stratégique militaire

En raison de l'apparente faible valeur stratégique militaire que représentait la ville et de l'énorme disproportion entre les capacités de riposte des défenseurs et la violence de l'attaque, ce bombardement a souvent été considéré comme un des premiers raids de l'histoire de l'aviation militaire moderne sur une population civile sans défense, et dénoncé pour cela comme un acte terroriste, bien que la capitale Madrid ait été déjà bombardée auparavant à de nombreuses reprises.
Cependant, d'après certains historiens, Guernica aurait été un objectif militaire de première importance. Pío Moa affirme, sans pour autant s'en référer à de quelconques archives, que trois bataillons 7 000 hommes des forces républicaines y stationnaient le jour du bombardement.

Un essai technique

Le bombardement de Guernica est célèbre pour avoir été le premier tapis de bombes et le premier bombardement alternant bombes explosives et incendiaires.
Comme pour les autres interventions de la Luftwaffe pendant la guerre d'Espagne, un des objectifs avoués des dirigeants nazis était de tester les nouveaux matériels de guerre allemands avant de lancer de plus amples offensives en Europe.

Le bombardement : déroulement des opérations

Cette section ne cite pas suffisamment ses sources avril 2012. Pour l'améliorer, ajouter en note des références vérifiables ou le modèle sur les passages nécessitant une source.
Messerschmitt Bf 109 C-1 du Jagdgruppe 88 de la Légion Condor qui participa le 26 avril 1937 au bombardement de Guernica.
Le lundi 26 avril 1937, jour de marché, quatre escadrilles de Junkers Ju 52 de la Légion Condor allemande ainsi que l'escadrille VB 88 de bombardement expérimental composée de Heinkel He 111 et de Dornier Do 17, accompagnées par des bombardiers italiens Savoia-Marchetti SM.79 de l'Aviazione Legionaria et escortées par des avions de chasse allemands Messerschmitt Bf 109, procèdent au bombardement de la ville afin de tester leurs nouvelles armes. L'attaque commence à 17 h 30 à la mitrailleuse puis aux bombes explosives et enfin aux bombes incendiaires. Après avoir lâché quelques 60 tonnes de bombes incendiaires, les derniers avions quittent le ciel de Guernica vers 20 h . Après le massacre, 1/5 de la ville était en flammes, et l'aide des pompiers de Bilbao 3 h après le bombardement s'avérant inefficace, le feu se propagea à environ 70 % des habitations

Les victimes : un bilan controversé Le bilan officiel

Le nombre officiel de victimes, toujours maintenu depuis par le gouvernement basque, fait état de 1 654 morts et de plus de 800 blessés. Il s'accorde avec le témoignage du journaliste britannique George Steer, correspondant à l'époque du Times, qui avait estimé qu'entre 800 et 3 000 des 7 000 habitants de Guernica périrent.

La révision du bilan

D'après la BBC, l'historiographie récente parle plutôt de deux cents à deux cent cinquante morts et de plusieurs centaines de blessés. Dans España en llamas. La Guerra Civil desde el aire 2003, Josep Maria Solé y Sabaté et Joan Villarroya estiment le nombre de morts à trois cents. Raúl Arias Ramos, dans son ouvrage La Legión Cóndor En La Guerra Civil 2003 l'estime à deux cent cinquante. Enfin, une étude réalisée en 2008 par deux historiens de l'association Gernikazarra, Vicente del Palacio y José Ángel Etxaniz, donne un bilan de 126 morts.
L'historien controversé Pío Moa affirme que le Times, proche de Churchill, a volontairement exagéré le nombre de victimes et nié toute implication de l'aviation italienne alors que celle-ci était avérée, afin de contrer les thèses pacifistes du parti britannique de gauche, le Labour Party, et convaincre l'opinion internationale qu'il fallait déclarer la guerre contre l'Allemagne d'Adolf Hitler, en insistant sur la menace que ce pays représentait.

Le journaliste Vicente Talón dans son Arde Guernica San Martín, 1970, est arrivé à la conclusion qu'il n'y aurait pas eu plus de 200 morts, estimation reprise par Ricardo de la Cierva, puis, en 1987, par le général franquiste Jesús Salas Larrazábal, dans son livre intitulé Guernica éd. Rialp, Pío Moa et même la chaîne de télévision publique allemande ARD en avril 199811. Les chiffres avancés par Vicente Talón ne prennent pas en compte les morts de l'hôpital de Bilbao 592 personnes, mais c'est surtout, d'après Pío Moa, parce qu'il est difficile de distinguer les civils morts dans le bombardement des autres, parmi lesquels se trouvaient de nombreux combattants de la guerre d'Espagne.
Il a été prétendu que les photos des ruines de Guernica auraient pu être des photos de Madrid.

Selon Pío Moa

Après consultation des archives des deux camps de l'époque, pour expliquer sa révision du nombre de victimes liées au bombardement de Guernica, Pío Moa en est venu aux conclusions suivantes :

Il n'aurait pas pu y avoir de mitraillage aérien dans le centre-ville en raison de l'étroitesse des rues.
Il n'y aurait eu que trois vagues de bombardement de quelques minutes chacune, échelonnées entre 16 h 30 et 18 h 30.
La ville n'aurait été bombardée que par des Junkers Ju 52, bombardiers légers.
Le marché aurait été annulé à midi sur ordre de la municipalité.
Les pompiers de Bilbao ne seraient intervenus que le lendemain vers 9 h 30, d'où l'extension de l'incendie. Ils auraient fait preuve, ainsi que la troupe républicaine, d'une passivité et d'une incompétence totale, qui expliquerait la destruction de Guernica à 71 %.
Le chiffre des 592 morts à Bilbao serait une légende colportée par Euzko Deya en mai. Les chiffres retrouvés dans les archives seraient de 2 morts sur 30 blessés apportés.
L'essentiel des victimes, comptabilisées au refuge Santa Maria, à l'asile Calzada et au dépôt de la route de Luno, n'atteindrait que le chiffre de 120 morts dont 50 non identifiés, selon les registres mortuaires de la commune.

Selon les archives russes

Les archives russes par le biais de l'historien Sergueï Abrossov, mentionnent 800 morts en date du 1er mai 1937. Il s'agit d'un chiffre certes incomplet qui ne prend en compte ni les personnes retrouvées ultérieurement sous les décombres, ni celles décédées plus tard de leurs blessures, mais sans doute objectif.

Il convient de rappeler que les soviétiques étaient les seuls au monde à entretenir à l'époque une force aérienne stratégique composée essentiellement de bombardiers lourds Tupolev TB-1, R-6 et TB-3 dont l'état était bon mais qui devenaient obsolescents. L'ensemble leur coutait fort cher, d'autant plus que leur remplacement par le Tupolev ANT-42 était prévu : la validité de la doctrine de Douhet était donc sans cesse discutée au sein des E.M. Par conséquent, l'intérêt des conseillers militaires soviétiques présents en Espagne, était la récolte de données fiables et à usage interne quant aux effets dévastateurs de ce bombardement de masse grandeur nature, non pas à des fins de polémique.
Ces archives révèlent en outre, des mitraillages des réfugiés de Guernica par les avions de chasse à l'extérieur des limites de la ville. Ce qui traduirait un acharnement, non pas une maladresse pour parachever l'effet de panique.
Le trimoteur Ju-52 était pour l'époque un bombardier lourd, qui avait une grosse capacité d'emport dépassant 1 500 kg de bombes. Le Breguet XIX en service chez les républicains sur le Front Nord, n'en pouvait emporter que 400 kg.

Les réactions

Ce bombardement a marqué les esprits non seulement à cause de l'ampleur du massacre mais aussi et surtout à cause de la valeur terroriste qui lui a été attribuée, du fait de l'apparente faible valeur stratégique militaire que représentait la ville et de l'énorme disproportion entre les capacités de riposte des défenseurs et la violence de l'attaque. S'il a longtemps été considéré comme le premier raid de l'histoire de l'aviation militaire moderne sur une population civile sans défense, alors que la Légion Condor avait en fait déjà commencé en février 1937 à bombarder des civils, c'est aussi parce que la valeur symbolique de la ville renforça le sentiment qu'il s'agissait d'un acte terroriste exemplaire de la répression des anti-franquistes.

Le 24 avril, selon l'O.D.B. établi par le conseiller Arjénoukhine, l'aviation républicaine du Front Nord n'alignait plus que 3 Polikarpov I-15, 2 "létov", 4 "breguet", 3 "gourdou" et 1 "koolhoven". Seuls les 3 premiers avions de la liste pouvaient avoir une quelconque valeur militaire, cependant combattant sans interruption depuis novembre 1936, les machines étaient tout aussi épuisées que leurs pilotes russes. D'autant plus que le groupement leur faisant face alignait bien plus de 100 avions modernes. Au 7 mai 1937, le commandement républicain malgré une situation difficile en Espagne centrale l'aviation républicaine y combattait déjà à 1 contre 3, se décida tout de même à transférer 9 I-15 et 6 R-Zet par Toulouse, vers Santander. Ces machines y seront d'ailleurs immobilisées par le Comité de Non-Intervention puis renvoyées désarmées en Aragon.

Le tableau de Picasso Guernica par Picasso.

Pablo Picasso a peint l'horreur de cet événement dans le tableau Guernica. Cette commande du gouvernement espagnol pour son pavillon de l'exposition universelle en 1937 à Paris. Elle est devenue une des œuvres les plus célèbres de Picasso.

Guernica est la ville sainte du Pays basque espagnol, l'ancienne capitale politique de la Biscaye. Elle abrite l'Arbre de Guernica, un chêne, quatre fois remplacé depuis sous lequel les rois de Castille et les seigneurs de Biscaye juraient d'observer les fueros libertés.
Le 26 avril 1937, jour de marché, plusieurs escadrilles de la légion Condor au service des nationalistes, détruisirent le centre de la ville en y larguant, par plusieurs vagues, des dizaines de tonnes de bombes explosives et incendiaires. L'un des épisodes les plus tragiques de la guerre civile espagnole, le bombardement de Guernica (qui fit entre 800 et 1 000 morts sur une population de 7 000 habitants offrait pour Hitler l'occasion de tester de nouvelles unités et des armements nouveaux. Pour l'histoire de l'aviation militaire moderne, il constitue un des premiers raids sur une population civile.
Il a inspiré à Pablo Picasso une toile monumentale : Guernica.
Peinture de Pablo Picasso, réalisée en 1937 musée national Centre d’art Reina Sofía, Madrid ; huile sur toile ; 3,49 × 7,76 m.
Motif : scène de massacre en noir et blanc

Souffrance et désolation

La plus grande des peintures à l’huile sur toile de Picasso présente une vue d’apocalypse, dans une gamme de couleurs limitée au noir et au blanc, à des gris et à quelques rehauts de jaune.
Sur un fond nocturne où l’on distingue l’intérieur d’une ferme, sommairement éclairé par une ampoule électrique et par la flamme d’une bougie, une jument blessée se retourne vers un taureau. Au premier et deuxième plans, de gauche à droite, plusieurs femmes : la première hurle en tenant son enfant mort dans ses bras, les autres pleurent. Sur le devant, une tête d’homme et ses bras disloqués renvoient aux destructions que l'on devine dans le lointain – immeubles effondrés ou en proie aux flammes.

D’après un reportage photographique

Guernica ! Almería ! Et demain ?
Le tableau de Picasso est directement inspiré d’un épisode de la guerre civile d’Espagne, le bombardement, par la légion Condor venue appuyer les troupes du général putschiste Francisco Franco, de la ville basque de Guernica y Luno, le 26 avril 1937.
Cette opération meurtrière suscite à l’époque une émotion d’autant plus grande qu’il s’agit du premier raid militaire aérien contre une population civile, et qu’un reportage est aussitôt publié dans la presse internationale. Picasso décide d’élaborer son œuvre à partir des photographies de presse de la ville martyrisée, ce qui influence le choix des teintes de sa palette.

Forme : la création d’une œuvre majeure Un tour de force

La mise au net de la composition et l’exécution du tableau apparaissent comme très rapides, eu égard à ses dimensions exceptionnellement importantes : commencé le 1er mai 1937, soit moins d’une semaine après les événements qu’il rapporte, Guernica, œuvre de commande, doit être livré moins de quatre semaines plus tard ! On connaît les principales phases de cet exploit grâce aux clichés pris par la photographe surréaliste Dora Maar, alors compagne de l’artiste.
Dans son atelier parisien de la rue des Grands-Augustins, Picasso travaille simultanément à l’ensemble de la toile et à des études de fragments. Sur le tableau définitif, il place d’abord un taureau, symbole de force aveugle, et une jument, qui représente l’Espagne meurtrie. Puis viennent s’articuler des figures humaines, dans un clair-obscur simplifié par la réduction chromatique. L’expressivité des détails mains, bouches contraste avec la linéarité des grandes masses, au cubisme plus synthétique que jamais.

Peinture d’histoire

Par le format, l’œuvre s’inscrit dans la tradition classique de la peinture d’histoire – Picasso a du reste emprunté au Massacre des Innocents, de Nicolas Poussin vers 1629, musée Condé, Chantilly, le profil de la femme située au premier plan à droite. L’ambition de l’artiste paraît claire : rivaliser avec les maîtres du passé qui, à l’instar de Poussin ou de Louis David, transfigurent un événement historique pour en tirer un message philosophique de portée générale, intemporel.

Histoire : le geste politique Paris, 1937 : l’Exposition internationale

La réalisation de Guernica est liée à une commande du gouvernement républicain pour le pavillon espagnol de l'Exposition internationale, qui ouvre ses portes fin mai 1937 à Paris. Les sympathies de Picasso, artiste espagnol installé en France, sont alors connues : le peintre a été nommé directeur honoraire du musée du Prado (Madrid) en septembre de l’année précédente, en remerciement de son soutien dès le début de la guerre civile en juillet 1936.
Avec Guernica, l’occasion lui est donnée de souligner haut et fort sa loyauté de citoyen espagnol envers le gouvernement légal, mais aussi son antifascisme et son pacifisme devant la montée des totalitarismes et des périls.

L’artiste engagé

Francisco de Goya, Désastres de la guerre
Picasso revendique, avec une netteté sans précédent dans son œuvre, une responsabilité politique. Comme Goya autrefois avec son tableau du Tres de Mayo ou dans ses eaux-fortes retraçant les atrocités commises par les troupes napoléoniennes au cœur de l’Espagne occupée Désastres de la Guerre, l’artiste se veut à la fois observateur et conscience universelle, mais aussi homme de conviction et farouche partisan.
Quelques années plus tard, en 1944, alors que finissent la Seconde Guerre mondiale et les massacres de populations dont Guernica avait été le sombre présage, Picasso adhère au Parti communiste français.

Retour en Espagne

Le destin de Guernica est à l’image de son propos : exemplaire. En 1939, Pablo Picasso en propose le dépôt au Museum of Modern Art de New York. Puis il prévoit de le léguer à l’Espagne, pour le jour où la démocratie y sera rétablie. Picasso meurt en 1973, Franco en 1975. En 1981, le tableau retraverse l’Atlantique pour gagner les cimaises d’une annexe du musée du Prado Casón del Buen Retiro, dans la capitale espagnole. Il est enfin exposé à partir de 1992 au musée national Centre d’art Reina Sofía, à Madrid.

Réception critique et citations

• La peinture n’est pas faite pour décorer les appartements : c’est une arme offensive et défensive contre l’ennemi. » Pablo Picasso.
• Pendant l’Occupation, Picasso reçoit à son atelier la visite d’officiers allemands attirés par sa notoriété. L'un d’eux, à qui il donne une reproduction photographique de Guernica, lui demande : C’est vous qui avez fait ça ?, et Picasso répond : Non, c’est vous !
• En notre fin de siècle, nous savons que Picasso a réussi son défi. Guernica est devenue le symbole du nouveau degré franchi dans l’inhumain en 1937, de la spécificité de la Seconde Guerre mondiale. Pierre Daix, Pour une histoire culturelle de l’art moderne,
1998-2000.

L'accusation des Républicains par Franco

Franco, sous la pression internationale faisant suite aux révélations du Times, affirme, en s'appuyant sur la Dépêche Havas de Guernica, que la Luftwaffe n'aurait pu voler le 26 avril pour des raisons climatiques, et que la destruction de Guernica est due aux Basques républicains qui auraient incendié et dynamité la ville dans leur fuite. Ce mensonge du futur Caudillo fut plus tard reconnu unanimement.
En 2004, sur demande expresse d'un député basque, le gouvernement espagnol a même reconnu officiellement la responsabilité du gouvernement de l'époque.

L'accusation des Nazis par les Franquistes

Une interprétation différente et plus tardive, émanant de Carlos Rojas et surtout de Ricardo de la Cierva, ne nie pas le bombardement, mais en fait porter l'entière responsabilité au régime nazi :
À en croire le journal personnel du général allemand Wolfram von Richthofen, chef de la Légion Condor, le bombardement de Guernica a été décidé par le seul général allemand, et sans l'aval de Franco. Le général Emilio Mola avait d'ailleurs émis des consignes strictes à la Luftwaffe, interdisant les bombardements, a fortiori sur les civils. Certains articles de presse de l'époque publiés à Bilbao et certains témoignages semblent accréditer cette thèse.
Même si cela ne prouve pas que les dirigeants franquistes n'étaient pas impliqués dans l'organisation de ce massacre, l'intérêt que portaient les Nazis à ce type d'action a été mis en exergue par l'historien de l'Espagne Bartolomé Bennassar : il cite dans une synthèse récente sur la Guerre Civile que lors des conférences que donna Göring, aux Américains qui l'avaient capturé à la veille de l'effondrement du régime nazi en 1945, le maître de la Luftwaffe affirmait que l'épisode de Guernica constituait pour les nouvelles techniques de bombardement des Heinkel He 111 qui y participèrent, le seul moyen de les tester en conditions réelles et d'éprouver leur capacité incendiaire. D'un point de vue stratégique, la Luftwaffe expérimentait donc à Guernica de nouveaux types de bombardement terrorisant les populations, le tapis de bombes et le bombardement en piqué, utilisé pour le Blitz sur Londres. Cette thése est confirmée par Antony Beevor : Il semble que, pour certaines raisons, le Gefechtbericht rapport d'opérations de la légion Condor pour cette journée a disparu. Cet auteur renforce donc la thèse d'une expérience majeure visant à évaluer les effets de la terreur aérienne citant Gordon Thomas et Max Morgan Witts ainsi que plusieurs autres auteurs.

L'erreur accidentelle invoquée par un pilote allemand

Adolf Galland, pilote de la Légion Condor arrivé en Espagne le 8 mai 1937, a admis en 1953 que la ville avait été bombardée par les avions allemands, mais « par erreur ». Selon Galland, la Légion Condor avait été chargée de détruire le pont Rentería, utilisé par les républicains, mais comme la visibilité était mauvaise et les équipages sans expérience, le pont était resté intact, et c'est la ville proche qui avait été gravement affectée.
Cependant, comme l'a fait remarquer l’historien Southworth, les bombes incendiaires n'ont pas été chargées par erreur dans les avions, et l'objectif réel du bombardement était par conséquent, de toute évidence, la population de Guernica, et non le pont.

Vidéo

Fin de la guerre civile espagnole, 1939
Entre décembre 1938 et février 1939, la Catalogne tombe aux mains des franquistes et sa capitale, Barcelone, est conquise par les troupes de Franco en janvier 1939. Durant les derniers mois de la guerre, des colonnes de réfugiés républicains, civils et soldats mêlés, traversent la frontière français…


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Posté le : 24/04/2015 19:25
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Marie de Médicis
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Le 26 avril 1575 naît à Florence Marie de Médicis

en italien Maria de' Medici, morte, à 67 ans le 3 juillet 1642 à Cologne dans le St Empire,elle est inhumée dans la nécropole de Saint Denisest une reine de France et de Navarre de 1600 à 1610 par son mariage avec Henri IV. Veuve en 1610, elle assure la Régence au nom de son fils, Louis XIII, jusqu'en 1614. Elle devient alors chef du Conseil du Roi à la suite du lit de justice du 2 octobre 1614, et ce jusqu'en 1617, date de la prise de pouvoir de son fils. Elle est la fille de François 1de Médicis et de Jeanne d'Autriche. De religion catholique elle épouse Henri IV et elle a pour enfant Louis XIII, Élisabeth de France, Christine de France, Monsieur d’Orléans, Gaston de France, Henriette de France

En bref

Fille de François de Médicis, grand duc de Toscane, et de Jeanne d'Autriche, Marie de Médicis épouse en octobre 1600 Henri IV, tout juste divorcé de Marguerite de Valois. Le roi espère ainsi mettre la main sur une dot confortable qui lui permette de rembourser ses dettes. En 1601, la nouvelle reine donne naissance au futur Louis XIII puis, au cours des huit années suivantes, à cinq autres enfants. Les relations entre les époux sont néanmoins tendues. Marie de Médicis reproche à Henri IV ses nombreuses infidélités tandis que ce dernier méprise ses favoris florentins peu scrupuleux, Concino Concini et son épouse Leonora Galigaï. Après l'assassinat d'Henri IV, le 14 mai 1610, le Parlement de Paris proclame Marie régente du jeune Louis XIII r. 1610-1643.
Sur les conseils de Concini, désormais maréchal d'Ancre, Marie abandonne la politique anti-espagnole et protestante d'Henri IV. Elle dilapide l'argent de l'État et accorde des concessions aux nobles rebelles. Bien que Louis XIII arrive en âge de régner en septembre 1614, la régente et le maréchal d'Ancre l'ignorent et continuent de gouverner en son nom. Le 25 avril 1617, le favori de Louis XIII, Charles Honoré d'Albert, duc de Luynes, fait assassiner le maréchal d'Ancre. Marie de Médicis, exilée à Blois, réussit à s'évader en février 1619 et fomente une révolte. Son principal conseiller, le futur cardinal de Richelieu, négocie un accord de paix qui autorise la reine à tenir sa propre cour à Angers. Il lui obtient à nouveau des conditions favorables lorsque la deuxième guerre de la Mère et du Fils, qu'elle provoque en août 1620, se solde par une défaite. Admise à nouveau au Conseil du roi en 1622, Marie de Médicis obtient le chapeau de cardinal pour Richelieu et, en août 1624, persuade Louis XIII d'en faire son principal ministre. Richelieu n'entend néanmoins pas se laisser dicter sa conduite par Marie de Médicis. Il provoque d'ailleurs sa colère en rejetant l'alliance franco-espagnole et en unissant le pays aux puissances protestantes. En 1628, Marie de Médicis est ainsi devenue la plus grande ennemie du cardinal. Lors de la journée des Dupes 10 novembre 1630, elle demande à Louis XIII de renvoyer son ministre. Le roi reste cependant fidèle à Richelieu et, en février 1631, bannit sa mère à Compiègne. Celle-ci s'enfuit alors à Bruxelles, dans les Pays-Bas espagnols, en juillet 1631. Elle ne reviendra jamais en France et mourra dans le dénuement, onze ans plus tard.
Protectrice des arts, Marie de Médicis fit construire le palais du Luxembourg à Paris et commanda une série de tableaux à Rubens pour en décorer les galeries. Marquant le triomphe de la maturité du peintre flamand, ces vingt et une allégories, peintes entre 1622 et 1625, représentent les principaux événements de la vie de la reine.

Sa vie

Marie est le sixième enfant de François Ier de Médicis 1541–1587, grand-duc de Toscane, et de Jeanne d'Autriche 1548–1578, archiduchesse d'Autriche, fille de Ferdinand Ier du Saint-Empire et d’Anne Jagellon.
Elle passe une enfance triste et solitaire, au palais Pitti car elle est orpheline de mère à 5 ans et de père à 12 ans. Son oncle Ferdinand Ier de Médicis monte sur le trône de Toscane et épouse Christine de Lorraine, petite-fille de la reine de France Catherine de Médicis. Nonobstant son désir de donner un héritier à sa dynastie, il fait donner à ses neveux et nièces orphelins une bonne éducation. Marie apprécie particulièrement les disciplines scientifiques et notamment les sciences naturelles, et se passionnera pour les bijoux, les pierres précieuses.
Proche des artistes de sa Florence natale, elle est formée au dessin par Jacopo Ligozzi, où elle se montre très douée ; elle joue aussi de la musique; chant et pratique de la guitare et du luth, apprécie le théâtre et la danse.
Physiquement, elle devient une femme de belle prestance, grande, grasse. Elle a le teint blanc, de petits yeux et des cheveux châtains.
Très dévote, elle est réputée avoir peu de jugement et de largeur d'esprit et, intellectuellement, dépendre terriblement de son entourage. Indolente et nonchalante, elle a pour seuls compagnons ses deux sœurs, Anne et Éléonore, et un frère. Son frère et sa sœur Anne mourront tous deux très jeunes, il ne lui restera que sa sœur aînée Éléonore qui, quelques années plus tard, sera mariée au duc de Mantoue. Après le mariage de sa sœur, il ne lui restera pour seul compagnon de jeux que son cousin germain Virginio Orsini sur qui elle reporte toute son affection.
La richesse des Médicis attire vers Marie de nombreux prétendants, notamment le comte de Vaudémont, frère cadet de Christine de Lorraine, grande-duchesse de Toscane, mais surtout tante et tutrice de Marie.
Mais un parti plus prestigieux se présente, le le roi de France Henri IV.

Reine de France

Le mariage de Henri IV avec Marie de Médicis répond avant tout pour le roi de France à des préoccupations dynastiques et financières. En effet, Marie de Médicis est la nièce de l’empereur romain germanique Ferdinand Ier, ce qui permet d’assurer légitimement une descendance royale en France. De plus les Médicis, banquiers créanciers du roi de France, promettent une dot d'un montant total de 600 000 écus d'or 2 millions de livres dont 1 million payé au comptant pour annuler la dette contractée par la France auprès de la banque Médicis, ce qui vaudra à la reine le surnom de la grosse banquière expression de sa rivale jalouse, la maîtresse du roi Henriette d'Entragues.
Le contrat de mariage est signé à Paris en mars 1600 et les cérémonies officielles sont organisées en Toscane et en France du mois d’octobre au mois de décembre de la même année : le mariage par procuration a lieu à Florence en l'absence du roi qui a délégué une forte ambassade et son favori Roger de Bellegarde qui épouse Marie le 5 octobre dans la cathédrale Santa Maria del Fiore. La future reine quitte Florence pour Livourne le 23 octobre, accompagnée de deux mille personnes qui constituent sa suite, et embarque ensuite pour Marseille qu'elle atteint le 3 novembre suivant. C'est Antoinette de Pons, marquise de Guercheville et dame d'honneur de la future reine, qui est chargée de l'accueillir à Marseille. La marquise a si bien su résister aux projets galants du roi que celui-ci lui a dit Puisque vous êtes réellement dame d'honneur, vous la serez de la reine ma femme. À la grande fureur de Marie, elle constate que son époux royal ne s'est même pas déplacé pas pour l'accueillir. Après son débarquement, Marie de Médicis rejoint Lyon le 3 décembre. Ils se rencontrent enfin le 9 décembre et, après le souper, passent leur nuit de noce. Le 17 décembre, le légat pontifical enfin arrivé, donne sa bénédiction à la cérémonie religieuse du mariage.
Marie de Médicis est rapidement enceinte et met au monde le dauphin Louis le 27 septembre 1601 au grand contentement du roi et du royaume qui attendent la naissance d'un dauphin depuis plus de quarante ans. Marie continue son rôle d'épouse et donne à son mari une nombreuse progéniture 6 enfants en l'espace de 9 ans, excepté les années 1603-1606, période pendant laquelle Henri IV porte ses assiduités vers ses maîtresses.
Marie de Médicis ne s'entend pas toujours avec Henri IV. D'un tempérament très jaloux, elle ne supporte pas ses aventures féminines et les nombreuses indélicatesses de son époux à son égard. En effet, il l'oblige à les côtoyer et lui refuse souvent l'argent nécessaire pour régler toutes les dépenses qu'elle entend réaliser pour manifester à tous son rang royal. Des scènes de ménage ont lieu, suivies de périodes de paix relative. Marie de Médicis tient beaucoup à se faire couronner officiellement reine de France, mais Henri IV, pour diverses raisons, politiques notamment, repousse la cérémonie. Il faut attendre le 13 mai 1610, et le projet d'une longue absence du roi - Henri IV partant conduire une promenade armée pour régler un conflit politique entre des princes du Saint-Empire, l'affaire de Clèves et Juliers - pour que la reine soit couronnée en la basilique Saint-Denis et fasse son entrée officielle dans Paris. Le lendemain, le roi est assassiné.

La régente Marie de Médicis et Louis XIII

Lorsque Henri IV meurt assassiné le 14 mai 1610, Marie de Médicis assure la régence au nom de son fils, Louis XIII, âgé de seulement 8 ans et beaucoup trop jeune pour régner par lui-même. Marie commence par garder les conseillers de son époux. Par la suite, elle s'en sépare et se fait gouvernante de la Bastille. Régente, elle est en position de faiblesse à l'égard de la noblesse du royaume et des voisins européens. Pour affermir son autorité sur le trône de France, elle n'a de cesse de développer un grand protocole emprunté à la cour d'Espagne. Interprète de ballets, collectionneuse, son mécénat artistique contribue à développer les arts en France. En 1615, elle se rapproche de l'Espagne, rapprochement qui se concrétise par un double mariage franco-espagnol. Son fils, le roi Louis XIII, épouse Anne, infante d'Espagne, sa fille, Élisabeth, épouse l'infant Philippe IV d'Espagne.
La politique de la reine provoque néanmoins des mécontentements. D'une part, les protestants s'inquiètent du rapprochement de Marie avec Sa Majesté Très Catholique, le roi d'Espagne, Philippe III. D'autre part, Marie de Médicis tente de renforcer le pouvoir monarchique à l'aide de dames d'atours comme Leonora Galigaï, sa compagne de jeux d'autrefois, et d'hommes comme Concino Concini, l'époux de celle-ci, ce qui déplaît profondément à une certaine partie de la noblesse française. Penchant pour la xénophobie, la noblesse désigne comme responsables les immigrés italiens supposés entourer Marie de Médicis et nuire au royaume de France. Ils s'enrichissent, dit-elle, à ses dépens. Profitant de la faiblesse causée par la régence, des nobles de grandes familles, avec le prince de Condé à leur tête, se révoltent contre Marie de Médicis pour obtenir eux aussi des compensations financières.
En application du traité de Sainte-Ménehould 15 mai 1614, la reine convoque les États Généraux à Paris. Le prince de Condé ne parvient pas à structurer son opposition au pouvoir royal. Cependant, Marie de Médicis s'engage à concrétiser l'alliance avec l'Espagne et à faire respecter les thèses du concile de Trente. Les réformes de la Paulette et de la taille restent lettre morte. Le clergé joue le rôle d'arbitre entre le Tiers État et la noblesse qui ne parvenaient pas à s'entendre. Le lieutenant civil Henri de Mesmes déclara ainsi que les ordres étaient frères et enfants d'une mère commune, la France. Un des représentants de la noblesse lui répondit qu'il se refusait à être le frère d'un enfant de cordonnier ou de savetier. Cet antagonisme profita à la Cour qui prononça bientôt leur clôture. La régence est officiellement close à la suite du lit de justice du 2 octobre 1614, mais Marie de Médicis devient alors chef du Conseil du roi de France, et dans les faits garde tout son pouvoir.
Une période de calme relatif suit les cérémonies du mariage de Louis XIII avec Anne d'Autriche le 21 novembre 1615 à Bordeaux.
Un an après la fin des États généraux, une nouvelle rébellion de Condé permet son entrée au Conseil du roi par le traité de Loudun du 3 mai 1616, qui lui accorde également la somme d'un million et demi de livres et le gouvernement de la Guyenne.
Pendant ce temps, les protestants obtiennent un sursis de six ans à la remise de leurs places de sûreté au pouvoir royal.
En 1616, les exigences de Condé deviennent si importantes que Marie le fait arrêter le 1er septembre et conduire à la Bastille. Le duc de Nevers prend la tête de la noblesse en révolte. Le 25 novembre 1616, Richelieu est nommé secrétaire d'État pour la guerre et les Affaires étrangères.

C'est bien des années après, lorsque Marie de Médicis est exilée par son fils, que naît lentement la légende noire de Marie de Médicis : on parle alors de montée en puissance de ses favoris italiens, du gaspillage financier causé par l'appétit financier de la reine et de son entourage, de la maladresse et de la corruption de sa politique qui auraient dominé sous son gouvernement. Par ailleurs, la reine et le roi son fils s'entendent mal. Se sentant humilié par la conduite de sa mère, qui monopolise le pouvoir, Louis XIII organise un coup d'État, le 24 avril 1617, appelé un coup de majesté en faisant assassiner Concino Concini par le marquis de Vitry. Prenant le pouvoir, il exile la reine-mère au château de Blois.

Le retour politique et culturel

Le 22 février 1619, la reine s'échappe de sa prison par une échelle de corde, franchissant un mur de 40 m éboulé. Des gentilhommes lui font passer le pont de Blois et des cavaliers envoyés par le duc d’Épernon l'escortent dans son carrosse. Elle se réfugie dans le château d'Angoulême puis provoque un soulèvement contre le roi son fils guerre de la mère et du fils.
Un premier traité, le traité d'Angoulême, négocié par Richelieu, apaise le conflit. Mais la reine-mère n'étant pas satisfaite, relance la guerre en ralliant à sa cause les Grands du royaume "deuxième guerre de la mère et du fils". La coalition nobiliaire est rapidement défaite à la bataille des Ponts-de-Cé par le roi qui pardonne à sa mère et aux princes.
Conscient qu'il ne peut éviter la formation de complots tant que Marie de Médicis reste en exil, le roi accepte son retour à la cour. Elle revient alors à Paris, où elle s'attache à la construction de son Palais du Luxembourg. Après la mort de Charles d'Albert, duc de Luynes, en décembre 1621, elle effectue peu à peu son retour politique. Richelieu joue un rôle important dans sa réconciliation avec le roi. Il parvient même à faire revenir la reine-mère au Conseil du roi.
À cette époque, Marie de Médicis joue un grand rôle dans la vie artistique parisienne en commandant de nombreuses peintures, notamment à Guido Reni et surtout à Rubens qu'elle fait venir d'Anvers pour l'exécution d'une galerie de peintures composées entre 1622 et 1625 consacrées à sa vie le cycle de Marie de Médicis. De nos jours, il subsiste 24 tableaux conservés au Louvre.

La chute et l'exil.

Marie de Médicis continue à fréquenter le Conseil du roi en suivant les conseils du cardinal de Richelieu, qu'elle a introduit auprès du roi comme ministre. Au fil des ans, elle ne s'aperçoit pas de la puissance montante de ce protégé et client. Quand elle en prend conscience, elle rompt avec le cardinal et cherche à l'évincer. Ne comprenant toujours pas la personnalité du roi son fils, et croyant encore qu'il lui sera facile d'exiger de lui la disgrâce de Richelieu, elle tente d'obtenir le renvoi du ministre. Après la Journée des Dupes, le 12 novembre 1630, Richelieu reste le principal ministre et Marie de Médicis est contrainte de se réconcilier avec lui.
Elle décide finalement de se retirer de la cour. Le roi, la jugeant trop intrigante, l'incite à partir du château de Compiègne. De là, elle s'enfuit le 19 juillet 1631 vers Etroeungt Comté de Hainaut où elle dort avant de se rendre à Bruxelles. Elle compte y plaider sa cause. Cette évasion n'était qu'un piège politique tendu par son fils qui avait retiré les régiments gardant le château de Compiègne. Réfugiée auprès des ennemis espagnols de la France, Marie de Médicis est privée de son statut de reine de France, et donc de ses pensions.
Pendant ses dernières années, elle voyage dans les cours européennes, aux Pays-Bas espagnols auprès de l'Infante Isabelle et de l'ambassadeur Balthazar Gerbier qui tente de la réconcilier avec Richelieu, en Angleterre pendant 3 ans où elle côtoie les réfugiés protestants, puis en Allemagne auprès de ses filles et de ses gendres où elle tente à nouveau de former une ligue des gendres contre la France, sans jamais pouvoir rentrer en France alors que ses partisans sont embastillés, bannis ou condamnés à mort. Réfugiée dans la maison prêtée par son ami Pierre-Paul Rubens à Cologne, elle tombe malade en juin 1642, et meurt dans le dénuement le 3 juillet 1642, quelques mois avant Richelieu. Son corps est ramené à Saint-Denis, sans grande cérémonie, le 8 mars 1643, tandis que son cœur est envoyé à La Flèche, conformément au souhait d'Henri IV qui voulait que leurs deux cœurs fussent réunis. Louis XIII meurt au mois de mai suivant. Son tombeau est profané en 1793.
De nouveau, le roi est un enfant et la régence est confiée à la veuve du roi défunt, Anne d'Autriche.

Descendance

Louis XIII, roi de France
Élisabeth, reine d'Espagne
Christine, duchesse de Savoie
Monsieur, duc d'Orléans 1607-1611
Gaston, duc d'Orléans
Henriette, reine d'Angleterre.

Postérité littéraire

María de Médici, por Frans Pourbus, c. 1606, musée des beaux-arts de Bilbao.
Honoré de Balzac porte sur elle un jugement très sévère dans son étude Sur Catherine de Médicis, estimant qu'elle a beaucoup nui :
« Marie de Médicis, dont toutes les actions ont été préjudiciables à la France, échappe à la honte qui devrait couvrir son nom. Marie a dissipé les trésors amassés par Henri IV, elle ne s'est jamais lavée du reproche d'avoir connu l'assassinat du roi, elle a eu pour intime d'Épernon qui n'a point paré le coup de Ravaillac et qui connaissait cet homme de longue main ; elle a forcé son fils de la bannir de France, où elle encourageait les révoltes de son autre fils Gaston ; enfin, la victoire de Richelieu sur elle, à la journée des Dupes, ne fut due qu'à la découverte que le cardinal fit à Louis XIII des documents tenus secrets sur la mort d'Henri IV6. »

Michelet a également contribué au dénigrement de Marie de Médicis.



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Posté le : 24/04/2015 18:12
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Traité de Meaux annexion du Languedoc 1
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Le 12 avril 1229 Paris et Toulouse signent le traité de Meaux

Le 12 avril 1229, à Meaux, près de Paris, le comte de Toulouse Raimon VII se réconcilie avec le jeune roi de France Louis IX 15 ans. Leur réconciliation annonce la fin de la croisade contre les Albigeois par laquelle, vingt ans plus tôt, des armées venues du nord de la Loire ont envahi et saccagé le Midi toulousain.

La signature

Blanche de Castille, alors régente du Royaume de France pour son fils Louis IX, convoque une conférence à Meaux en mars 1229. Raymond VII de Toulouse s'y rend accompagné par ses principaux vassaux, notamment Bernard, comte de Comminges. Le haut clergé méridional et les seigneurs possessionnés par Simon IV de Montfort sont également présents. Les conditions sont durcies par rapport au projet, mais Raymond VII n'a d'autre choix que d'accepter le traité. Pour ce faire, il se rend à Paris en pèlerin, va chercher l'absolution en pénitent sur les marches de Notre-Dame de Paris où il est flagellé après sa déclaration publique de repentir, et enfin il signe le traité1 le 12 avril 1229. Ceci lui permet de voir sa situation régularisée auprès de l'Église et du royaume de France, au prix d'un traité dont les conditions sont très dures.

Les clauses du traité

Raymond VII, comte de Toulouse se voit contraint de prêter allégeance au roi de France Louis IX.
De plus, il doit céder près de la moitié de son territoire, principalement les anciennes vicomtés de Raimond II Trencavel. Les sénéchaussées de Beaucaire et de Carcassonne sont données au royaume de France et le marquisat de Provence, connu plus tard sous le nom de Comtat Venaissin est cédé au Saint-Siège. Le comté de Toulouse perd ainsi les territoires actuels du Gard, de l'Hérault, de la Drôme, du Vaucluse et de l'Aude. Il conserve l'Agenais, le Rouergue, le Nord de l'Albigeois et le bas Quercy ce qui représente actuellement la Haute-Garonne, l'Aveyron, le Tarn et le Tarn-et-Garonne.
Ce traité prévoit également le mariage de Jeanne de Toulouse fille et seule héritière de Raymond VII avec l'un des frères du roi, Alphonse de Poitiers, ce qui permet à plus ou moins brève échéance de rattacher les territoires restants du comté de Toulouse au royaume de France. le couple mourant sans enfants en 1271, c'est Philippe III le Hardi qui en hérite.
Pour couper court à toute révolte, il est également imposé à Raymond VII de démanteler les fortifications de plusieurs villes, dont celle de Toulouse et d'une trentaine de châteaux, le Château-Narbonnais étant livré au Roi en garantie pour 10 ans.
Il doit s'engager à poursuivre les hérétiques, à prendre la croix, combattre pendant cinq ans en Terre Sainte et rendre à l'Église ce qui lui a été pris ou à l'indemniser pour les dommages subis.
Enfin, le comte s'engage à fonder une université à Toulouse, et à effectuer le paiement des maîtres de l'Université de Toulouse pendant 10 ans.

Le terme albigeois a servi, dès le milieu du XIIe siècle, à désigner les hérétiques du Languedoc, bien que l'Albigeois ne paraisse pas, aux yeux des historiens modernes, qui ont continué à user de cette appellation devenue traditionnelle, avoir été le principal foyer de l'hérésie. Dès 1146, Geoffroy d'Auxerre signale que le populus civitatis albigensis est infesté par l'hérésie. Le concile de Tours en 1163 parle des hérétiques albigeois, haeretici albigenses et en 1183, Geoffroy de Vigeois nomme albigeois les hérétiques combattus en 1181 par le légat Henri d'Albano avant le siège de Lavaur. Pierre des Vaux-de-Cernay nomme le récit de la croisade à laquelle il a participé Historia Albigensis. Et dans le prologue de sa chronique écrite entre 1250 en 1275, Guillaume de Puylaurens dit que son œuvre est « l'histoire de l'affaire vulgairement appelée albigeoise par les Français, car elle a eu pour théâtre la Narbonnaise et les diocèses de Narbonne, Albi, Rodez, Cahors et Agen ». Certains contemporains ont fondé sur un jeu de mots philologique, Albigenses = Albanenses ; Albigeois = Albanais un rapprochement soulignant l'influence des hérétiques balkaniques sur les hérétiques languedociens.
La croisade contre les albigeois, prêchée par le pape Innocent III contre les hérétiques cathares et vaudois du Languedoc, terme qui n'apparaît qu'à la fin du XIIIe siècle dans l'administration royale et contre les seigneurs et villes qui les soutenaient, a duré de 1209 à 1229. Elle a été menée d'abord par des seigneurs de la France du Nord avec des armées internationales, puis par le roi de France Louis VIII en 1226 et officiellement terminée par le traité de Meaux-Paris 1229 entre le roi de France, Saint Louis enfant sous la régence de Blanche de Castille et le comte de Toulouse Raimond VII.
Son importance tient d'abord au fait qu'elle est la première extension de la croisade en une lutte armée contre des hérétiques, à l'intérieur de la chrétienté. Outre cette signification religieuse et idéologique, elle a eu une grande portée pour l'histoire de l'unité française : elle a entraîné le rattachement effectif de la France du Midi à la France du Nord et elle a créé ou consacré, au sein de cette unification, des disparités économiques, sociales, politiques, culturelles, psychologiques, dont le retentissement est encore sensible aujourd'hui.

Conséquences du traité

La fin de l'autonomie par rapport au royaume d'Aragon / indépendance par rapport au roi de France occitane
Le Languedoc a été vassal du roi de France, vassal du roi d'Aragon, et en pratique quasiment indépendant.
Non seulement le comté de Toulouse cède la moitié de ses territoires, mais Jeanne de Toulouse et son époux Alphonse de Poitiers héritent de ceux qui restent. Le couple n'a pas d'enfants. En 1271, à la mort d'Alphonse, ces territoires sont rattachés au royaume de France. De plus, la cession des territoires dépossède certains chevaliers de leurs terres au profit de vassaux du roi de France. Ils sont appelés les Faydit deux ans plus tard.
Le marquisat de Provence est conservé par Alphonse de Poitiers jusqu'à sa mort, le royaume de France rechignant à céder ce territoire pourtant dû à l'Église selon les termes du traité. Cette dernière n'en prend possession qu'en 1274.

Le renforcement du dispositif de lutte anti-cathare

En avril 1229, Louis IX oblige les vassaux occitans qui lui ont prêté allégeance à s'impliquer dans la lutte contre les hérétiques cathares. Raymond VII n'a donc plus d'autre choix que de mettre ses forces au service du roi pour le seconder dans cette tâche. Désormais, les refuges pour les hérétiques se font rares. Ils sont contraints de se replier sur les premiers contreforts des Pyrénées.

Défaite ou victoire ?

Les termes du traité qui sont très durs et qui lient les mains du dernier des comtes de Toulouse issu de la maison de Saint-Gilles peuvent apparaître comme une défaite cuisante pour ce dernier. Pourtant, ce traité reconnaît aussi sa position officielle de comte de Toulouse qu'il avait perdue au profit de Simon IV de Montfort en 1216. Par ailleurs, Raymond VII n'a jamais appliqué à la lettre toutes les clauses du traité, ce qui lui valut par la suite plusieurs excommunications de la part de l'Église. Enfin, il a conservé une position ambiguë face à l'hérésie cathare et au royaume de France.

Le support du traité

Conservé au musée de l'Histoire de France, le parchemin original du traité de Meaux-Paris est rédigé en latin. Ses dimensions sont d'environ 52 x 75,5 cm (sceau exclu).

Antécédents de la croisade

Depuis le milieu du XIIe siècle, l'hérésie dualiste appelée catharisme par les historiens avait pris, comme en Italie du Nord, une extension de plus en plus grande dans le midi de la France où s'était tenu, en 1176, à Saint-Félix de Caraman, près de Toulouse, un concile qui avait précisé l'organisation du culte et d'une véritable Église cathares.
Des réformateurs catholiques, adeptes de la pauvreté, les Vaudois, déclarés hérétiques par la papauté en 1184, prirent aussi de l'importance dans ces régions et, bien qu'ils fussent très hostiles aux cathares et que les théologiens orthodoxes documentés, comme Alain de Lille, les distinguassent soigneusement, la papauté et l'Église eurent de plus en plus tendance à les englober dans une même détestation.
La lutte entreprise par l'Église contre ces hérétiques, avec des moyens traditionnels ou pacifiques, ne connut que des déboires jusqu'au début du XIIIe siècle. La prédication habituelle animée surtout par des cisterciens – saint Bernard en tête qui prêcha à Albi en 1145 – fut un échec complet. En 1181, l'abbé de Clairvaux, Henri, cardinal d'Albano, avait conduit contre la ville de Lavaur une expédition militaire sans lendemain. À partir de 1206, les efforts de l'évêque espagnol Diego d'Osma et de son collaborateur le chanoine Dominique de Caleruega, le futur saint Dominique, n'eurent pas plus de succès. Ils voulaient promouvoir en milieu hérétique un nouveau type de prédication, fondé sur l'exemple d'une simplicité de mœurs qui contrastait avec le faste des abbés cisterciens, et sur des discussions publiques, en toute égalité avec les hérétiques.
L'effort de la papauté se concentra alors sur le principal seigneur de la région, appelé à diriger la répression de l'hérésie. Devant la carence du roi Philippe Auguste, suzerain de ces terres, occupé alors à combattre les Anglais et leurs alliés dans le Nord et l'Ouest, le pape mit ses espoirs en Raimond VI. Arrière-petit-fils de Raimond IV de Saint-Gilles, comte de Toulouse et l'un des chefs de la première croisade en Terre sainte, Raimond VI étendait sa suzeraineté de la Guyenne à la Provence où il avait, en terre d'Empire, des possessions entre Durance et Isère. Mais en dehors de ses fiefs propres du Toulousain, du Lauragais, du Quercy et du comté de Nîmes, il n'avait guère de pouvoir sur les vicomtes et seigneurs, dont le principal, Raimond-Roger Trencavel, vicomte de Béziers, de Carcassonne et d'Albi, était maître d'une vaste seigneurie qui coupait en deux les terres qu'il gouvernait directement. Cette seigneurie était, au surplus, le principal foyer de l'hérésie. En 1207, Raimond VI ayant refusé d'adhérer à une ligue contre les hérétiques, le légat pontifical Pierre de Castelnau l'excommunia. De son côté, Innocent III, dans une lettre aux évêques du Midi, exposait pour la première fois les principes qui allaient justifier l'extension de la croisade en pays chrétien : l'Église n'est plus obligée de recourir au bras séculier pour exterminer l'hérésie dans une région ; à défaut du suzerain, elle a le droit de prendre elle-même l'initiative de convoquer à cette œuvre tous les chrétiens, et même de disposer des territoires contaminés en les offrant, par-dessus le suzerain, comme butin aux conquérants. Cette pratique, qu'on appela à l'époque " terram exponere occupantibus " ou " terram exponere catholicis occupandam ", livrer la terre aux occupants, ou à l'occupation des catholiques, reçut aux XVIe-XVIIe siècles le nom d'exposition en proie.
Le 15 janvier 1208, après une vaine entrevue avec Raimond VI à Saint-Gilles, le légat Pierre de Castelnau fut assassiné près d'Arles par un personnage que l'on identifia comme étant un écuyer du comte, sans que cette identification et, encore moins, la responsabilité du comte aient été jamais prouvées. Le 10 mars 1208, les velléités pontificales se changèrent en appel à la croisade. Selon les principes qu'il avait énoncés, Innocent III excommunia une fois de plus le comte, délia ses vassaux de leur serment de fidélité et offrit ses domaines à qui voudrait partir en croisade. Le même jour il canonisait Pierre de Castelnau.

La croisade 1209-1229

Devant le danger, Raimond VI se soumit. Il fit pénitence à Saint-Gilles le 18 juin 1209 et se joignit aux croisés.

La croisade féodale 1209-1224

Les armées croisées étaient largement internationales. Elles comprenaient des Italiens, des Allemands, des Anglais, des Brabançons, des Frisons et même des « Esclavons », c'est-à-dire des Slaves du Sud. Mais la majorité était composée de Français du Nord. En l'absence du roi Philippe Auguste, et devant l'attitude effacée et prudente des principaux seigneurs croisés – le duc de Bourgogne, les comtes de Nevers et de Saint-Pol – le légat pontifical, chef théorique de la croisade, confia le commandement suprême à un petit seigneur d'Île-de-France, Simon de Montfort. Ce dernier allait bientôt faire montre de son ambition et de ses talents militaires et administratifs. La composition sociale et la tactique des armées furent très semblables dans les deux camps. De part et d'autre, l'encadrement fut féodal ; mais dans le camp des Méridionaux, il y eut des bourgeois, des artisans et des paysans, et dans celui des croisés, des indigents venus eux aussi à la curée. Des chroniqueurs croisés, comme le cistercien Pierre des Vaux-de-Cernay, soulignent la présence de ces derniers qu'ils rattachent à la tradition des « croisades de pauvres », dépourvue ici de toute dimension eschatologique. Les opérations se concentrèrent souvent autour des villes, centres de résistance et réservoirs de richesses. Les armées croisées y déployèrent des ressources techniques remarquables dans la construction et l'usage des engins de siège. La grande voie de la ruée des croisés vers le Midi fut la vallée du Rhône, qui facilitait l'acheminement des bateaux, des hommes, des bêtes et du ravitaillement, et dont l'occupation coupait les seigneurs et les hérétiques méridionaux de leurs arrières provençaux et italiens. Les opérations furent souvent hachées par le caractère féodal que conservaient ces expéditions. Une fois achevée la quarantaine de service due à leur seigneur, vassaux et hommes quittaient souvent les armées.
La croisade commença par un coup exemplaire : la prise de Béziers, suivie du massacre d'une partie de ses habitants et de l'incendie de la ville (22 juill. 1209). Le 15 août, le jeune vicomte Raimond-Roger Trencavel capitulait dans Carcassonne. Une assemblée des chefs de la croisade donna, sur proposition du légat, les terres des Trencavel à Simon de Montfort. Celui-ci s'en empara en deux ans (1209-1211). En 1211, les légats envoyèrent un nouvel ultimatum au comte de Toulouse, lui enjoignant de licencier ses routiers, de livrer les juifs et les hérétiques dont on lui fournirait la liste, d'abolir l'usure dans ses États et d'accepter un certain nombre de conditions humiliantes. Sur son refus et celui de son vassal, le comte de Foix, une nouvelle armée de croisés, sous le commandement de Simon de Montfort, leur infligea une série de défaites. Raimond VI ne gardait que Montauban et Toulouse devant laquelle Simon de Montfort avait échoué en mai-juin 1211. En novembre 1212, Simon de Montfort réunit à Pamiers une assemblée des évêques, seigneurs et bourgeois de ses nouveaux États, qui mit au point des statuts promulgués le 1er décembre 1212. Sur le modèle des Assises de Jérusalem, ces textes visaient à satisfaire les croisés.
En mentionnant le roi de France mais non le roi d'Aragon, qui revendiquait traditionnellement la suzeraineté de ces régions et avait déjà plusieurs fois tenté d'arrêter ou de modérer la croisade, ces statuts décidèrent sans doute Pierre II d'Aragon à répondre favorablement à la demande d'aide de Raimond VI. Fort de sa qualité de vassal du Saint-Siège et de sa réputation de pourfendeur d'hérétiques dans ses États, auréolé du prestige de sa participation décisive à l'éclatante victoire des chrétiens d'Espagne sur les musulmans à Las Navas de Tolosa (16 juill. 1212), il obtint d'abord d'Innocent III la condamnation des abus de Simon de Montfort et des croisés. Mais ceux-ci réussirent à influencer le pape, et Pierre II se résigna à la guerre. À Muret, le 12 septembre 1213, Simon de Montfort mit en déroute l'armée aragonaise de Pierre II, qui fut tué au début de la bataille. Cet événement confirma sans doute une évolution qui depuis faisait basculer le Languedoc vers la France : il ne serait pas espagnol.
Raimond VI ne se soumettant pas, Simon de Montfort obtint du IVe concile de Latran (1215), et à la demande d'Innocent III, la déchéance du comte dont toutes les terres, y compris Toulouse, lui furent attribuées. Le fils de Raimond VI, Raimond VII, ne conservait que Nîmes, Beaucaire et les possessions provençales de la maison de Saint-Gilles. Mais les Toulousains, oubliant leurs dissensions, se révoltèrent avec Raimond VI. Au cours d'un nouveau siège, Simon de Montfort fut tué par une pierre (25 juin 1218). Sa mort provoqua la débandade de la maison de Montfort et des croisés. Raimond VII, qui recueillit l'héritage de son père mort en 1222, reconquit tous ses États sur le fils de Simon de Montfort.

La croisade royale 1224-1229

Philippe Auguste, luttant contre l'Angleterre et contre l'Empire, et le plus souvent en mauvais termes avec la papauté, n'avait pas voulu intervenir directement en Languedoc, se contentant d'y sauvegarder la suzeraineté française. Son fils, Louis VIII (roi de 1223 à 1226), après avoir repris le Poitou aux Anglais (1224), se tourna vers le Midi, auquel il s'était vivement intéressé dès le règne de son père. Après l'excommunication de Raimond VII par le concile de Bourges, le 28 janvier 1226, et le ralliement de nombreux seigneurs méridionaux, il répondit à l'appel du pape en s'emparant des terres des Trencavel et du Languedoc septentrional et oriental rattachées au domaine royal (sénéchaussées de Beaucaire et de Carcassonne) mais renonça à attaquer Toulouse. Louis VIII mourut sur le chemin du retour. Raimond VII cessa toute résistance à la fin de 1228. La conférence de Meaux, dont les conclusions furent ratifiées par le traité de Paris, rétablit la paix entre le roi de France et le comte. Raimond VII conservait le comté de Toulouse et le Lauragais. Mais, après sa mort, ces terres devaient revenir à Alphonse de Poitiers, frère du jeune roi Louis IX, qui devait épouser la fille du comte. Si le couple n'avait pas d'héritier direct, elles seraient annexées au domaine royal. Le roi de France gardait les terres languedociennes conquises en 1226. Les clauses du traité de Paris jouèrent dès le XIIIe siècle. À la mort de Raimond VII en 1249, Alphonse de Poitiers et Jeanne de Toulouse lui succédèrent. Comme ils disparurent en août 1271 sans laisser d'héritier, le comté de Toulouse fut alors réuni au domaine royal qui avait absorbé tout le Languedoc, à l'exception du comté de Foix, demeuré sous la suzeraineté royale.

Les derniers soubresauts hérétiques. Montségur 1230-1244

À partir de 1229, la lutte de l'Église contre les hérétiques prit la forme de l'Inquisition, organisée par le pape Grégoire IX en 1233 et confiée aux ordres mendiants – et surtout aux dominicains. Elle se heurta à une résistance clandestine. Il y eut pourtant des violences dans les villes, à Narbonne (1233-1235), à Cordes (1233), à Albi (1234), et surtout à Toulouse d'où les dominicains furent expulsés en novembre 1235. Les victoires de Saint Louis sur les Anglais à Taillebourg et à Saintes persuadèrent le comte, qui avait repris la lutte, de faire la paix avec le roi (1242). Désormais et jusqu'à sa mort, il lui resta soumis et persécuta à son tour les hérétiques.
Un millier de cathares s'étaient réfugiés dans le château de Montségur, vaste forteresse sur un piton dans le comté de Foix. Montségur résista près d'un an, du 13 mai 1243 au 14 mars 1244. Les deux cents hommes et femmes qui y étaient restés et qui refusèrent d'abjurer le catharisme furent brûlés le 16 mars 1244. Cet épisode militaire local marque traditionnellement la fin de la résistance armée des cathares. Une auréole légendaire continue d'entourer cet épilogue héroïque et tragique de la croisade contre les albigeois.
La croisade contre les albigeois soulève interrogations et passions. Les origines de la croisade, les caractères de la lutte et la personnalité de certains protagonistes – Raimond VI surtout – les raisons de la défaite finale des Méridionaux, l'importance des conséquences du conflit pour l'Église, pour le Languedoc et l'unité française, restent sujets à contestations et même à affrontements scientifiques, idéologiques, sentimentaux.
Les origines de la croisade mettent en cause l'importance de l'hérésie d'une part, les motifs des croisés de l'autre. Il semble qu'il ne faille ni exagérer ni minimiser le nombre et l'influence des hérétiques en Languedoc. Par-delà la force de leurs convictions et le caractère radical de leur opposition à l'Église, les hérétiques furent dangereux pour leurs ennemis parce que l'hérésie avait cristallisé les mécontentements politiques et sociaux. Mais l'analyse, qui n'a pas été sérieusement tentée, de la participation des différentes catégories sociales à l'hérésie et à la lutte contre les croisés – qui ne fut pas toujours le fait des seuls hérétiques – est délicate. Une partie importante de l'aristocratie laïque – par haine de l'Église et par souci de ne pas se couper de ses sujets, et en particulier de la bourgeoisie urbaine – ainsi que des clercs gagnés à la doctrine hérétique ou indignés par le comportement du haut clergé, des bourgeois nouveaux riches surtout et des artisans urbains ou ruraux, parmi lesquels les contemporains mettent en vedette les tisserands, ont fourni à la résistance à la croisade des contingents notables.
L'hostilité aux étrangers, aux Français, qui semble ne s'être développée qu'au fur et à mesure de la conquête, a souvent uni dans la lutte des populations hétérogènes. La participation à la résistance des couches inférieures de la société urbaine et rurale paraît avoir été faible. Petits artisans, manœuvres, paysans endettés à l'égard de la bourgeoisie souvent hérétique ou opprimés par des seigneurs alliés à ces hérétiques ont même, semble-t-il, assez bien accueilli les croisés, puis l'administration royale. Les succès obtenus, pendant un temps, à Toulouse par le farouche évêque Foulque de Marseille ne s'expliquent probablement pas seulement par ses méthodes terroristes. Sa milice, la Confrérie blanche, constituée de militants orthodoxes et dirigée autant contre les usuriers que contre les cathares, a surtout recruté ses membres dans le petit peuple encadré par certains représentants de la vieille aristocratie bourgeoise, dépossédés de leur rang par les nouveaux riches.
Si les motifs proprement religieux ont pu jouer chez les croisés, il reste qu'à la différence des expéditions en Terre sainte, le souci de profiter d'une fructueuse entreprise l'a emporté au sein des deux catégories qui ont fourni la majorité des armées croisées et de leur encadrement : les petits seigneurs du Nord et les indigents de toute sorte, pauvres, déclassés et aventuriers. Les motivations économiques – essentiellement le pillage et l'acquisition de terres – ont dominé les motivations commerciales qui n'ont probablement joué, consciemment, qu'un rôle négligeable. Les avantages immédiats de la croisade protection de leurs possessions, impôts spéciaux, butin ont suffi aux quelques grands seigneurs qui se sont croisés. Ils n'ont pas été tentés par le Midi turbulent dont l'économie rurale était pauvre au sein de petits domaines morcelés en alleux nombreux, en seigneuries démantelées par les pratiques successorales, et par l'acharnement de l'Église à faire respecter les interdictions canoniques de mariages consanguins. L'activité commerciale de ces régions, situées loin des grands axes de circulation nord-sud, était médiocre. En 1209, le duc de Bourgogne, le comte de Nevers et le comte de Saint-Pol refusèrent les terres des Trencavel que Simon de Montfort accepta par la suite. Celui-ci fut abandonné par beaucoup de ses compagnons.
L'hypothèse selon laquelle des haines nationales se seraient déchaînées au cours de la croisade doit être ramenée à ses justes proportions. Certes, par leurs brutalités, les croisés apparurent de plus en plus comme des « étrangers » aux yeux des Méridionaux, sans que d'ailleurs ceux-ci les identifient à l'ensemble des Français. L'accueil reçu par Louis VIII le prouve. Il est vrai aussi que beaucoup de croisés méprisaient les Méridionaux et, dans leur incompréhension, les traitaient de menteurs et de parjures, exactement comme les croisés de Terre sainte ou d'Espagne le faisaient des musulmans, et comme les missionnaires du XIIIe siècle allaient le faire des Mongols. Enfin, le comportement des croisés, s'il ne dépassa pas en cruauté les mœurs féodales de l'époque, fut toutefois exceptionnel par la qualité et la quantité des victimes. Les habituels raids féodaux et sièges de châteaux forts n'étaient pas aussi meurtriers que le furent les opérations menées par les croisés, opérations dirigées surtout contre les villes dont les habitants étaient exterminés pour la plupart. La chrétienté n'avait pas encore connu à l'intérieur de ses frontières pareil déchaînement de férocité, masquée par le fanatisme religieux. Malgré tous ces arguments, les sentiments nationaux, les différences de civilisation et de mentalité n'étaient pas encore assez affirmés pour devenir des ressorts importants du conflit.

Les causes de la défaite des Méridionaux sont plus claires. Sauf à de rares moments, ils ne parvinrent pas à surmonter, face aux croisés, leurs dissensions sociales, politiques et religieuses. Ils étaient soumis à la pression de grandes puissances antagonistes et tentaculaires : la France au nord, l'Angleterre à l'ouest, l'Aragon au sud. Ces données rendaient difficile le jeu d'un Raimond VI, qui avait eu maille à partir avec ses bourgeois, toulousains et nîmois entre autres, avec ses vassaux aussi, et qui se méfiait de ses puissants voisins. Il ne faut pas non plus minimiser le climat psychologique qui affaiblit la résistance : une croisade était en chrétienté un événement impressionnant, et la religion des cathares, qui leur interdisait le recours à la violence, contribua à les paralyser. Enfin la faiblesse des structures économiques et sociales du Midi jouèrent contre lui. La prolifération des bourgs avait provoqué une urbanisation parasitaire qui affaiblissait l'économie rurale sans animer pour autant un artisanat et un commerce d'importance. La féodalité du Midi, mal connue, était à coup sûr trop lâche pour encadrer la société comme le faisait la féodalité du Nord. L'égale faiblesse du quadrillage ecclésiastique, qui ne bénéficia pas d'un essor monastique comparable à celui des régions voisines aux XIe et XIIe siècles, favorisa le développement de l'hérésie, mais la priva de l'organisation et de l'esprit communautaires qui auraient soutenu sa lutte.

Il reste que le bilan négatif de la croisade fut lourd pour le Languedoc et pour la chrétienté.

Si la croisade favorisa le rattachement du Languedoc à la France du Nord, cette intégration du Midi à un ensemble national ne lui apporta pas que des avantages. Plus que les destructions et les aspects d'exploitation coloniale qui accompagnèrent l'installation des gens du Nord en Languedoc, c'est la pétrification, par la croisade, de faiblesses autochtones séculaires qui accrut sa stagnation économique et sociale. La lutte victorieuse contre l'usure supprima des abus, mais stérilisa aussi beaucoup d'activités précapitalistes englobées par l'Église dans sa réprobation de l'usure. L'installation de l'administration française augmenta le parasitisme urbain au détriment du développement des campagnes et provoqua la prolifération d'un secteur tertiaire envahi par toute une catégorie de rentiers, d'hommes de loi, de fonctionnaires, et par un clergé triomphant et pullulant.

Cette perversion de l'idéal de la croisade il y faut ajouter l'antisémitisme importé par les croisés dans le Midi et les abus de l'Inquisition qui la prolongea jetèrent, dès le XIIIe siècle, le discrédit sur la chrétienté. Ce discrédit contribua à saper l'unité morale d'un monde où, à l'image du destin du Languedoc, l'évolution historique tendait, certes, à constituer de plus grands ensembles nationaux, mais au détriment de l'unité chrétienne. Jacques Le Goff

Une capitulation ruineuse et l’origine languedocienne de l’Inquisition

Par la signature du traité de Meaux-Paris entre Raymond VII de Toulouse et le Roi de France Louis IX, la capitulation du comté de Toulouse est définitivement décidée. Le 12 avril 1229, au pied des tours de Notre-Dame de Paris, en présence du roi, de nombreux dignitaires de l’Eglise et de la cour, Raymond VII, en chemise et en chausses, implore le pardon, promet fidélité au roi et son engagement sans retenue contre les dissidents cathares. Si la démilitarisation de la région, le démantèlement des fortifications de la cité toulousaine et de lourdes sanctions pécuniaires marquent profondément la noblesse languedocienne, cette dernière conserve néanmoins ses terres malgré la promesse de mariage de Jeanne, fille de Raymond VII, avec Alphonse de Poitiers, frère de Louis IX. Cette union, profondément voulue par la Couronne, s’inscrira surtout comme la sombre promesse d’un rattachement futur des terres toulousaines aux possessions capétiennes, une grande partie du Languedoc entrant déjà officiellement sous administration royale. La dure capitulation de 1229, tout en installant dans un apaisement relatif le pouvoir royal en Languedoc, contraint dans un même temps le comte de Toulouse à s’intéresser au problème du catharisme. Ce dernier se voit en effet obligé de poursuivre les hérétiques sur ses terres, de les priver de leurs biens et de les anéantir sous peine d’en payer le prix fort vis-à-vis du roi de France. Il est admis comme un fait acquis pour la Couronne que la défense de l’orthodoxie et le soutien aux ordres mendiants - installés à Toulouse depuis 1216 - sont des impératifs en Languedoc sur lesquels aucune concession ne peut être faite. La lutte contre l’hérésie cathare - encore bien vivante dans les contrées languedociennes - devient donc non seulement une nécessité mais un impératif politique pour Raymond VII.
Le concile de Toulouse, réuni la même année au mois de novembre, prit acte de cette volonté, décrétant dix-huit canons concernant la lutte contre les hérétiques. Quant au catharisme, son recul à Toulouse et dans les environs à partir de 1229 - les parfaits quittant la cité dès les lendemains de la signature du traité - résultera de ce manque de sécurité, renforcé par la présence dominicaine et la construction des églises des Jacobins et des Cordeliers. Les cathares, devenus clandestins mais soutenus par des seigneurs dépossédés et hors-la-loi, les faydits, n’auront qu’une seule solution : organiser des réseaux, une résistance et trouver des soutiens parmi les seigneurs rebelles encore maîtres de leurs châteaux. Si la paix avec la Couronne semblait définitivement faite, la paix de l’Eglise devenait une autre affaire ...
Les années charnières 1229-1271

Les débuts de l’Inquisition

La répression de l’hérésie et le rappel d’une méthode

La fondation de l’université de Toulouse, sur l’initiative du cardinal Romain de Saint-Ange mais financée par Raymond VII pour une période de dix ans, est décidée pour contribuer à cette lutte anti-hérétique, en se chargeant de la formation de prédicateurs professionnels issus de l’ordre dominicain. Dans cette orientation répressive, le concile de Toulouse de 1229 avait entrepris de régler les détails des enquêtes contre les suspectés d’hérésie, reprenant les décrétales de la conférence de Vérone de 1184 et les canons anti-hérétiques du IVe concile œcuménique de Latran de 1215. L’Inquisition dite épiscopale en est son aboutissement avec l’élaboration d’une procédure accusatoire appelée procédure d’office. Mise progressivement en place dans le Toulousain, elle est appliquée par l’évêque ou le juge ecclésiastique, secondé en théorie par le pouvoir civil. Fondée sur la délation, le soupçon et rumeur notoire - la fama publica -, cette procédure permet dans un second temps de provoquer un procès sans que l’accusé soit l’objet d’accusations précises, le juge procédant lui-même à la recherche et à la preuve du délit. Les sanctions prévues par les juges ecclésiastiques se veulent en général sévères et sans appel : arrestation des suspects et de leurs proches, destruction des maisons ayant abrité des hérétiques, confiscation des biens des hérétiques et de leurs protecteurs au profit de la Couronne, exclusion des hérétiques arrêtés de toute fonction civile.
Si l’ordonnance royale Cupientes reprend et confirme ces décisions judiciaires, et si un climat de crainte s’installe sur les terres languedociennes menacées par ces premières actions inquisitoriales, il faut attendre les bulles du pape Grégoire IX 1227-1241 pour voir la création officielle de l’Inquisition pontificale en avril 1233 par les bulles Ille humani generis. Cet instrument, confié dans un premier temps à l’Ordre des Frères Prêcheurs de Dominique de Guzman, est en fait une mise en pratique des nouvelles techniques judiciaires forgées depuis Latran IV dans un contexte d’urgence, doublée d’un contrôle bureaucratique nouveau et systématique des populations languedociennes. Chargés de "l’affaire de la foi", les nouveaux inquisiteurs disposent rapidement de pouvoirs spéciaux. Ils sont choisis par le pape et ne rendent compte qu’à celui-ci, tout en détenant un pouvoir dit d’exception délégué par ce dernier. Un tribunal d’Inquisition se crée, ayant en charge de juger souverainement les crimes d’hérésie, sans appel possible et sans contrôle du pouvoir temporel. Un véritable code pénal appuie cette décision par la bulle Excommunicamus de Grégoire IX de 1231, bulle prévoyant l’abandon de l’accusé au bras séculier, la prison perpétuelle et l’interdiction pour le déposant de recourir aux services d’un notaire ou d’un avocat. Dès 1234, des tribunaux fixes s’installent à Toulouse et à Carcassonne dans l’hostilité générale, tribunaux auxquels sont rattachés des inquisiteurs dominicains, dont Guillaume Arnaud, puis franciscains comme Etienne de Saint-Thibéry, associés à cette date avant d’être définitivement intégrés dans l’institution en 1242.
Par cette toute puissance pontificale, les pouvoirs des notables et des religieux locaux -les évêques jugés peu compétents ne conservent que leur pouvoir ordinaire - sont brutalement bridés ; l’Inquisition devenant dans un même temps très impopulaire. La nouvelle institution adopte de plus des méthodes et des moyens contestables, avec notamment les exhumations de cadavres des suspects de catharisme afin de les brûler, zèle provocateur ne pouvant attirer que la vindicte populaire. Dans un même temps, elle outrepasse les franchises urbaines par une souveraineté qui dérange de plus en plus, allant jusqu’à demander au concile de Béziers, présidé par l’évêque de Tournai, le concours des curés pour établir des listes de suspects. Contre les inquisiteurs parfois maladroits et un activisme frénétique des Dominicains et de leurs maîtres, les révoltes urbaines plus ou moins provoquées par les élites citadines ne tardent guère. Narbonne en 1233, Albi en 1234, Toulouse en 1235 sont les principales cités qui prennent parti contre l’Inquisition. Leurs populations conspuent et malmènent les hommes du Saint-Office, chassent l’ordre dominicain de leurs murs et détruisent les premiers dépôts d’archives constitués. Ces réserves de registres de déposition, documents compromettants pour des familles entières, seront assez souvent et dans les années suivantes la cible des insurgés, que ce soit à Narbonne ou encore à Caunes en Minervois en 1236. Les premiers conflits avec l’Inquisition sont d’une grande violence selon les sources. Dans la cité d’Albi, les excès de l’inquisiteur Arnaud Cathala provoquent des troubles dans lesquels ce dernier échappe de peu à la mort. À Cordes, on affirme à qui veut l’entendre que trois inquisiteurs ont été massacrés par la populace. Dans Toulouse, l’hostilité contre les dominicains et contre l’inquisiteur Pierre Sellan amènera Grégoire IX à intervenir auprès du comte de Toulouse afin qu’ils rétablisse ces derniers dans leurs couvents. À Narbonne, ce furent les populations du bourg qui se soulevèrent contre l’inquisiteur Ferrer et les Dominicains. Ces mouvements hostiles à l’Inquisition restent cependant éphémères . De nouvelles enquêtes sont lancées par l’institution dès l’année 1237. Désignés par l’archevêque de Narbonne et légat du pape Jean de Bernin, les inquisiteurs du Toulousain Guillaume Arnaud, ancien vaudois de Montpellier, et Jean de Saint-Thibéry, franciscain de Narbonne, condamnent ainsi sans retenue les suspectés d’hérésie et leurs protecteurs dans leur première campagne inquisitoriale 1237-1238. En juillet 1237, le viguier et les consuls de Toulouse seront même excommuniés par les inquisiteurs, tout comme l’avaient été des habitants de Toulouse quelques mois auparavant. Mais les sentences restent légères et leur application peu suivie d’effets. La majorité des punitions inquisitoriales concernent en fait des hérétiques décédés et connus dans les années précédant la création de l’Inquisition, hérétiques qui seront exhumés et brûlés. Quant aux croyants cathares, ils ne sont pas véritablement inquiétés par les inquisiteurs qui craignent par-dessus tout les représailles populaires. Un des dignitaires cathares, Guilhabert de Castres, a cependant compris la nécessité d’organiser un repère fort pour leur dissidence, sanctuaire qui serait à la fois religieux et militaire. La forteresse redoutable de Montségur s’impose et sera choisie par les dignitaires cathares dès 1232.
Les révoltes des Trencavel 1240 et de Raimond VII 1242

La rébellion occitane et le massacre d’Avignone

Les événements déclencheurs de cette rébellion contre l’Inquisition et le pouvoir royal sont en fait provoqués et contrôlés par la noblesse languedocienne. Si la politique versatile de Raymond VII, qui a abandonné le parti de l’Empereur Frédéric II et qui s’est rallié à Grégoire IX, provoque l’arrêt de l’activité inquisitoriale en Languedoc en 1238, le Languedoc n’en reste pas pour autant calme. Les révoltes épisodiques des seigneurs languedociens, la brève excommunication de Raymond VII en 1240 mais surtout l’insurrection et le siège de Raymond Trencavel devant Carcassonne la même année, amènent l’Inquisition à relancer d’anciennes procédures à partir de mai 1241. Une grande enquête "sur la perversité hérétique" dans le Castrais, le Lauragais et le Vaurais se déclenche ainsi dès 1241 avec Guillaume Arnaud et Jean de Saint-Thibéry. Dans le Quercy, c’est l’inquisiteur Pierre Sellan, ancien prieur de Toulouse, qui enquête en 1241-1242, prononce des pénitences mais condamne à des peines relativement peu sévères, freiné semble-t-il par les interventions du comte de Toulouse y mandatant son bayle. Pierre Sellan n’en rassemble pas moins à lors de cette campagne plus de six cent soixante-dix dépositions – dont une majorité concernant des suspects vaudois - entreprenant, fort de cette expérience, la rédaction du premier livre de sentences que connaît l’Inquisition. Durant cette période, les documents que les inquisiteurs archivent prennent progressivement une importance capitale dans la procédure, notamment pour tous les suspectés d’hérésie. Dans la majorité des cas, une convocation ou une arrestation entraînait désormais une inquisitio très serrée de la part des juges pontificaux. Des dépositions parfois anciennes permettaient de rechercher des preuves de culpabilité antérieures, confondant ainsi plusieurs années après des suspects ou leurs héritiers qui se croyaient oubliés par l’institution. Les livres contenant les dépositions, conservés avec soin dans les dépôts d’archives, contenaient de fait toutes les informations nécessaires aux poursuites et aux condamnations, informations restant résolument secrètes sous peine d’excommunication en cas de divulgation.
Dans la nuit du 28 mai au 29 mai 1242, un brutal coup d’arrêt - en lien avec les rébellions récentes des aristocrates languedociens - est mis au zèle inquisitorial dans le Languedoc. Les inquisiteurs Guillaume Arnaud et Jean de Saint-Thibéry, lors d’une enquête qui les mène à Avignonet, sont assassinés, ainsi que leur suite, par un commando venu de Montségur. L’assassinat, bien préparé, aurait été commis avec l’accord de Toulouse et avait pour objectif d’enrayer l’action inquisitoriale dans la région. Afin de contrer les enquêtes en cours, les registres récupérés par les membres du commando seront remis à des parfaits cathares. La réponse de Rome est cinglante : le pape prononce l’excommunication du comte de Toulouse Raymond VII et de tous ses alliés parmi lesquels figurent les comtes de Comminges et de Rodez, Raymond Trencavel et Olivier de Termes. Si les Dominicains restent dans leur ensemble effrayés par cet acte – refusant même un temps de poursuivre leur mission - la prise de position du souverain pontife les rassure. Dans un même temps, les défaites du roi d’Angleterre Henri III à Taillebourg et à Saintes devant les armées royales ruinent les espoirs du comte de Toulouse qui avait mis la main sur Albi et Narbonne. La paix de Lorris de janvier 1243 oblige en effet Raymond VII à se soumettre définitivement au Roi de France. Non seulement le comte s’engage à faire prêter serment au roi par tous ses barons, châtelains, chevaliers, et aux consulats mais il livre aussi au roi, pour cinq ans, différentes villes dont Penne d’Agenais, Najac, Laurac et Penne d’Albigeois. De Lorris, Raymond VII écrivit à Blanche de Castille et lui promit de purger ses états de la dissidence cathare. Cette paix permet aux Frères Prêcheurs de répondre à l’attentat et de relancer avec détermination les enquêtes inquisitoriales en Languedoc, avec le soutien du nouveau pape Innocent IV (1243-1254). En novembre 1243, malgré l’hostilité de l’évêque d’Agen et du comte de Toulouse, Bernard de Caux et Jean de Saint-Pierre prennent ainsi en charge les diocèses d’Agen et Cahors, ainsi que la partie Nord du Toulousain, organisant des enquêtes jusqu’en 1247. Guillaume Raimond et Pierre Durand les rejoignent l’année suivante, avec l’inquisiteur de Carcassonne Ferrer qui se chargera en partie des interrogatoires des assiégés de Montségur. Ce dernier avait déjà sévi dès 1242 dans le Lauragais où les interrogatoires qu’il avait laissés apportaient les informations les plus complètes sur le catharisme connues à cette époque. L’assassinat d’Avignonet n’a pas servi la dissidence cathare comme beaucoup l’auraient souhaité. L’Inquisition quadrille désormais les diocèses languedociens, les derniers nids d’hérétiques sont connus par l’Eglise, ainsi que ses défenseurs. Isolés, ils ne reste désormais plus qu’à les détruire. Le sénéchal de Carcassonne en est conscient : le danger vient de Montségur ; c’est donc cette forteresse, considérée par Rome comme le grand sanctuaire de l’hérésie, qui doit être réduite de force.

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Posté le : 11/04/2015 17:13
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Traité de Meaux, annexion du Languedoc 2
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La grande offensive anti-cathare Le drame de Montségur

Noyau hérétique identifié, Montségur devient alors le principal objectif des armées d’Hugues des Arcis, sénéchal de Carcassonne, appuyées par les hommes de l’archevêque de Narbonne et de l’évêque Durand d’Albi. Commencé en avril-mai 1243, le siège de la forteresse, marqué surtout par de brefs combats et embuscades puis poursuivi par de longues négociations, s’achève en février 1244 après l’occupation d’une crête voisine du château. La reddition de la forteresse le 15 mars 1244 met fin à un long siège et se solde par la disparition du principal refuge de la hiérarchie cathare. Seuls ceux qui feront profession de foi catholique pourront sortir libres de la place forte. Quant aux autres, ils seront condamnés à mourir. Plus de deux cents cathares seront ainsi brûlés le 16 mars 1244 au pied des remparts tandis que les inquisiteurs, sous la direction du dominicain Ferrer, devenu officiellement inquisiteur de Toulouse après les événements d’Avignonet, interrogent les otages et les survivants selon une procédure inquisitoire originale rapportée dans les dépositions de Montségur qui nous sont parvenues. Ce registre que laisse Ferrer sera le premier registre d’inquisition qui adopte un style dans la forme et l’organisation des dépositions. Ce sera cette norme de rédaction que Rome approuvera dans les années suivantes. C’est aussi le premier document qui, en marge des dénonciations et des accusations diverses habituellement rencontrées dans les dépositions, apporte les informations les plus intéressantes sur la vie quotidienne des cathares à Montségur, leurs rites religieux et les événements marquants de l’histoire du mouvement dissident durant les précédentes années.
Un catharisme résistant

Les dernières solidarités familiales

À la suite de la chute de Montségur, le Lauragais subit de nouveau la présence inquisitoriale avec Bernard de Caux et Jean de Saint-Pierre. L’enquête menée par l’Inquisition conclue paradoxalement à une présence hérétique relative qui ne touche plus que 10 à 15 % de la population, dans une région pourtant fortement cathare dans les premières années du XIIIe siècle. Plus de 5 000 personnes seront interrogées par les inquisiteurs dans une centaine de localités de la région. Décapité par la chute de Montségur, le catharisme subit un quadrillage serré de la part de l’Institution qui se professionnalise. Les cathares clandestins et leur hiérarchie émigrent par vagues successives vers la Lombardie. Par ailleurs, la procédure inquisitoriale, construite et codifiée par les conciles provinciaux successifs, de Narbonne en 1235 à Valence en 1248, se normalise au travers des manuels rédigés par des inquisiteurs pour leurs collègues. Fort de la série d’enquêtes sur Cahors, Agen, Toulouse et le Lauraguais entre 1243 et 1247, l’inquisiteur Bernard de Caux élabore en 1249 un système de procédure inquisitoriale qu’il présente sous la forme d’un manuel, le Processus Inquisitionis. Dans cet ouvrage, à la demande du pape Innocent IV, l’inquisiteur précisera les usages et les règles suivis par l’Inquisition dans le midi de la France et proposera un processus type, procès-verbal d’interrogatoire basé sur une énumération de visiones détaillées, permettant d’établir par le tribunal la liste précise des délits du déposant. Les dépôts d’archives et les tribunaux annexes de l’Inquisition jouent progressivement un rôle déterminant dans la poursuite et l’arrestation des communautés hérétiques, malgré les attaques contre l’Inquisition. Les dissidents en sont conscients. En 1248, on apprend ainsi par une bulle pontificale qu’un clerc et qu’un courrier de l’Inquisition ont été assassinés à Caunes et leurs registres détruits.
La recherche de l’aveu devient une priorité pour l’inquisiteur qui, plutôt que la preuve par témoin, préfère utiliser la détention, devenue une pénitence canonique pour la participation active à l’hérésie. Ce sont les "mur large" cellule commune et "mur étroit" cellule plus petite et chaînes pour le prisonnier que l’on retrouve dans les prisons inquisitoriales carcassonnaises à la fin du XIIIe siècle. La pratique de la torture, autorisée en mai 1252 par le pape Innocent IV est modérée et le personnel inquisitorial sincèrement peu convaincu de ses résultats. Outils non négligés par l'Inquisition, les informateurs jouent leur rôle dans la traque de l’hérétique. Ce sont parfois d’anciens Cathares "retournés" par les inquisiteurs, tristes personnages comme Arnaud Sicre, proche de l’Inquisition dès 1274, Arnaud Pradier, ancien diacre cathare, Bernard de Lagarrigue, ancien fils majeur de la secte en l’Albigeois ou encore Sicard de Lunel, qui feront tomber jusqu’au début du XIVe siècle les principaux dignitaires hérétiques, infiltrant les communautés clandestines et les réseaux de la diaspora cathare. Le premier, notaire et témoin, cathare converti, sera un des plus constants informateurs de Jacques Fournier et sera félicité en 1322 par les inquisiteurs Jean de Beaune et Bernard Gui.
Le dernier cité, ancien cathare de l’Albigeois, converti et résidant à Toulouse aux frais de l’Inquisition, apparaîtra à plusieurs reprises dans les dépositions comme informateur et conseiller pour l’institution jusqu’en 1284.

Ce n’est plus le temps des comtes, c’est le temps du roi

Si les évêques obtiennent momentanément le contrôle des enquêtes inquisitoriales après 1251, leur incompétence fait revenir les Dominicains dans le giron de l’institution répressive, avec le soutien du pape Alexandre IV. Les évêques sont en effet trop occupés par leur charge pour gérer avec sérieux l’outil inquisitorial. Preuve en est leur gestion bien légère des dépôts d’archives : consultés sur le sujet en 1251 au concile de l’Isle-sur-Sorgue, ils décident de faire des doubles des registres inquisitoriaux lors du concile d’Albi de 1255 mais ne donnent aucune suite concrète à cette décision. En 1255, les Prêcheurs récupèrent logiquement l’outil inquisitorial devenu efficace et professionnel. Les consultations juridiques des années 1253 et 1255 ont renforcé le pouvoir de l’inquisiteur. Celui-ci dispose d’une codification précise pour mener à bien les enquêtes et élaborer une procédure inquisitoriale type. Les enquêtes inquisitoriales reprennent en 1273 avec les inquisiteurs Ranulphe de Plassac et Pons de Parnac dans le Toulousain, en lien avec la venue du roi de France Philippe III le Hardi en Languedoc. Ce dernier, à la suite des disparitions successives d’Alphonse de Poitiers et de Jeanne de Toulouse en 1271, a récupéré les territoires du Poitou, de la Saintonge, du Toulousain, de l’Agenais, du Quercy, du Rouergue et du marquisat de Provence. Quéribus, le dernier château favorable aux dissidents et tenu par Chabert de Barbaira, s’est rendu au sénéchal de Carcassonne en 1255. Tous les seigneurs du Midi prêtent hommage aux représentants du roi. Tous ? Non , le comte Roger-Bernard III de Foix défie l’autorité française et se tourne vers Pierre III d’Aragon. Ne pouvant laisser une rébellion se former dans un territoire hostile aux "français", le roi de France réunit l’ost et descend en Languedoc. La mise au pas du rebelle et son pardon permettent aux inquisiteurs de remettre à jour leurs dossiers sur la région et sur les réseaux d’échanges avec la Lombardie. Leur enquête, cernant une présence vaudoise en Rouergue, s’intéressera principalement au Toulousain, dernier foyer actif du catharisme dont la hiérarchie a justement fuit en Lombardie. Outre le démantèlement de ces réseaux, les inquisiteurs tenteront de briser le système de transferts des fonds destinés à la résistance des dissidents et à l’organisation de baptêmes de nouveaux parfaits. Le catharisme marque le pas à cette période. Minoritaire, il est devenu en majorité urbain, hérésie de notables, recrutant dans les franges supérieures des classes moyennes, voire dans les classes les plus riches des villes. Ce sont les exemples d’Albi, de Carcassonne ou de Castres, révélés par les archives inquisitoriales.

Malgré le soutien royal, Philippe III Le Hardi concédant à l’Inquisition une des tours de la cité de Carcassonne en 1280, le fichage systématique des populations languedociennes provoque des troubles, en raison de la trop grande rigueur des inquisiteurs. À partir de 1283, les arrestations arbitraires décidées par l’inquisiteur de Carcassonne Jean Galand, soutenu par l’évêque d’Albi Bernard de Castanet, entraînent une mobilisation des autorités de la cité et des appels auprès du roi de France. Une enquête de l’inquisiteur, qui débute en 1283 et s’achève en 1286, lui a permis d’obtenir des dénonciations pour hérésie de près de neuf cents personnes dont une grande majorité de dignitaires ecclésiastiques, de nobles et de personnalités de premier plan pour Carcassonne et sa région.
Les premières arrestations provoquent un grand émoi chez la population. Un appel est transmis au pape Honorius IV, au prieur des Dominicains de Paris et au roi de France. Les consuls de la cité se mêlent alors de la situation insurrectionnelle que connaît Carcassonne. Les archives de l’Inquisition manquent d’être détruites à cette occasion ; un familier des inquisiteurs ayant été soudoyé pour mettre le feu aux dépôts. Son aveu déclenchera une nouvelle action des carcassonnais qui tenteront, en vain, de détruire la salle des archives en 1285. La révocation de l'inquisiteur ne calme en rien les esprits ; son successeur Guillaume de Saint-Seine confirme les résultats des enquêtes passées ainsi que les détentions prononcées en menant de nouveaux interrogatoires en 1289. La liste des hérétiques présumés tend à s’allonger sous son mandat mais le roi de France, craignant une forte agitation dans la région, fera bloquer les procédures en interdisant au sénéchal de Carcassonne d’obéir aux inquisiteurs pour toute arrestation. En 1293, Guillaume de Saint-Seine se retire, provisoirement remplacé par l’inquisiteur de Toulouse, Bernard de Clermont.
Son successeur désigné, Nicolas d’Abeville, poursuit les enquêtes engagées sans tenir compte des avertissements royaux qui dénoncent les arrestations et les procédures engagées. Forte de ce soutien, une insurrection menace une nouvelle fois le pouvoir de l’inquisiteur. Lors de ces troubles, les prisonniers des cachots de l’Inquisition sont libérés par la foule, les archives de l’Inquisition partiellement détruites et le couvent dominicain pillé malgré l’intervention du Commissaire du roi. L’Inquisition ne peut que se replier dans ses bâtiments. Le revirement de Philippe IV le Bel, qui a besoin du soutien de Rome, permet aux inquisiteurs de reprendre le contrôle de la situation. En 1298, le sénéchal de Carcassonne reçoit l’ordre du roi d’apporter une aide sans limites aux inquisiteurs pour l’arrestation des suspectés d’hérésie. En avril 1299, une réunion solennelle tente de trouver un compromis à la situation tendue entre l’Inquisition et les carcassonnais.
L’excommunication contre la ville est finalement levée mais la cité doit financer la construction d’une chapelle dédiée à Saint-Louis dans le couvent des Prêcheurs. Les procédures et les enquêtes se poursuivent. Plusieurs notables d’Albi sont arrêtés en 1299. Une nouvelle enquête à Carcassonne en 1300 déclenche de nouveaux troubles. L’entrée dans le conflit des Franciscains et de leur lecteur Bernard Délicieux, puis le soulèvement des populations d’Albi et de Carcassonne contre l’Inquisition, n’entame en rien l’action de Nicolas d’Abbeville. Les interventions de Bernard Délicieux auprès du roi de France en 1301 auront cependant pour effet l’envoi d’une mission royale . Cette mission aboutit en 1302 à la révocation de l’inquisiteur de Toulouse puis, en 1303, à la nomination d’un nouvel inquisiteur à Carcassonne. La situation reste tendue, la maison des anciens consuls favorables à l’Office est détruite la même année. En négociation avec Rome, Philippe IV donne des garanties aux prisonniers de l’Inquisition sur les traitements des dossiers mais refuse leur libération, craignant de nouveaux troubles politiques et une rébellion possible.
Le roi de France a encore à l’esprit l’affaire de Bernard de Saisset, évêque de Pamiers, qui, inquiet pour sa juridiction, formait en 1295 un complot contre le roi, mettant en cause sa légitimité. Bien qu’arrêté et jugé, la papauté s’immisça dans le conflit, réaffirmant son droit à être seul juge d’un évêque, et obtint du roi l’exil pour le religieux.
Le soutien politique royal aux inquisiteurs entraîne les notables à se chercher un maître, se tournant logiquement vers le royaume de Majorque. Cette trahison, découverte par le roi, provoquera une répression brutale de la part de Philippe le Bel, les exécutions de quarante bourgeois à Limoux en 1304 et de quatorze carcassonnais en 1305. Désormais soutenu par le roi, le théologien Geoffroy d’Ablis, devenu inquisiteur de Carcassonne, aura pour mission de calmer les esprits et la "rage carcassonnaise", de ménager les susceptibilités locales et de mettre au pas les Franciscains, Bernard Délicieux, et tout opposant à l’action de l’Inquisition. Excommunié publiquement en septembre 1303, le vidame Jean de Pecquigny, enquêteur réformateur, devra partir pour Rome pour plaider sa cause auprès du pape Benoît XI. Sa mort en chemin, peu après la disparition du pontife, conduira à sa réhabilitation en 1308 sous le pape Clément V. Sous l’impulsion de l’inquisiteur Geoffroy d’Ablis, ce seront les parfaits cathares Jacques Authié et Prades Tavernier qui sont arrêtés, démantelant un peu plus la hiérarchie cathare agonisante. Geoffroy d’Ablis parvient aussi à mettre en marge des affaires languedociennes le turbulent Bernard Délicieux. Convoqué en 1304 à Rome, ce dernier ne fera reparler de lui qu’en 1317, en prenant une nouvelle fois la défense des Spirituels de Narbonne et de Béziers.
Si une commission pontificale s’intéresse aux prisons inquisitoriales en 1306, après l’intervention des villes d’Albi, Cordes et Carcassonne, l’action menée par Geoffroy d’Ablis se poursuit malgré la mise en retraite en 1308 d’un de ses fidèles partisans, l’évêque d’Albi Bernard de Castanet. Le procès de l’évêque, provoqué en 1306 par l’hostilité croissante de la population d’Albi et les plaintes déposées auprès du pape Benoît XI, révèlera des fraudes et des emprisonnements injustifiés. Suspendu de ses fonctions sous Clément V, Bernard de Castanet sera cependant réhabilité par le pape mais déplacé du Languedoc. L’ardeur de l’inquisiteur de Carcassonne n’en sera pas seulement tiédie. Geoffroy d’Ablis débutera la rédaction d’un recueil de documents utiles pour l’Inquisition, imposant dans un même temps ses connaissances juridiques aux décisions du tribunal jusqu’en 1316, date de sa disparition à Lyon. Il y avait trouvé un court refuge lors d’un nouveau conflit avec Carcassonne et Albi.
L’impact des procès de l’inquisition

Entre efficacité et propagande

En ce début de XIVe siècle, notamment avec Geoffroy d’Ablis, le personnel de l’Inquisition devient de plus en plus compétent. Notaires, clercs et évêques inquisiteurs - intégrés dans l’institution à partir de 1312 par la contestable décrétale Multorum querela - organisent une véritable recherche de l’hérétique. L’inquisition de Carcassonne, forte à cette période de 17 diocèses, entraîne la création de succursales de l’Inquisition, notamment à Albi, Pamiers ou encore Montpellier. Des charges de lieutenants de l’Inquisition sont créées vers 1305, avec les nominations de dominicains comme Jean de Faugoux ou encore Géraut de Blomac. Des personnages comme Bernard Gui, inquisiteur de Toulouse en 1306, ou encore Jacques Fournier - futur pape sous le nom de Benoît XII en 1334 -, évêque inquisiteur délégué à Pamiers en 1317, marqueront profondément la profession d’inquisiteur. Car c’est désormais une administration organisée, une pratique établie, une procédure inquisitoire officielle, que défendent les inquisiteurs. La supplique et les revendications qu’ils envoient au pape Jean XXII en 1312 pour maintenir l’exclusivité de l’inquisition pontificale, le refus d’une redéfinition des modalités de l’activité inquisitoriale et la non-ingérence des évêques dans leurs dossiers en sont des preuves réelles. En 1312, le concile de Vienne qui décide d’un droit de regard des évêques sur les travaux des inquisiteurs et précise les nouvelles modalités de l’activité inquisitoriale, mettant en place une réforme du droit inquisitorial, provoquera durant plusieurs années la colère des inquisiteurs, Bernard Gui en particulier, qui dénonceront cette ingérence épiscopale dans les affaires de l’Inquisition.
En lien avec cette forte professionnalisation de la charge, des documents utiles aux inquisiteurs et à l’activité inquisitoriale seront rédigés et diffusés dans les tribunaux. Si Jean de Beaune, inquisiteur en 1316, réalise pour Carcassonne un livre des privilèges inquisitoriaux afin de diriger un interrogatoire, ce sont les travaux de Bernard Gui qui s’imposent dans ce XIVe siècle. Ce dernier rédige entre les années 1314-1324 la Practica officii Inquisitionis heretice pravitatis. Traité complet pour la pratique de l’Inquisition, cet exposé très dense consigne les règles pratiques de l’exercice de l’Inquisition présente la procédure très moderne de l’enregistrement des dépositions et propose une lutte rationnelle contre le catharisme mais aussi contre toutes les formes de dissidences religieuses rencontrées par l’Inquisition en Languedoc. Fort de son expérience dans l’Office, disposant des archives de ses prédécesseurs, cet homme de métier réalisera un ouvrage exemplaire et précis, le premier du genre, qui affirmera pleinement les pouvoirs inquisitoriaux. Dans sa suite, Jacques Fournier marquera l’activité de l’Office par la précision et l’ampleur de ses enquêtes, révélant la maîtrise d’une procédure, la puissance d’une institution capable d’explorer tous les champs religieux dissidents et de faire dire l’indicible aux déposants, dans le cadre même de la procédure inquisitoire.
Le catharisme résiduel

Derniers sursauts hérétiques

Le catharisme n’est plus une dissidence active dans la fin du premier quart du XIVe siècle. Les inquisiteurs languedociens en font le constat dans les registres que l’on connaît. Les derniers hérétiques isolés seront d’ailleurs brûlés à Carcassonne en 1325 et en 1329, après la mort sur le bûcher en 1321 à Villerouge-Termenès du dernier parfait Guilhem Bélibaste, dénoncé par un informateur de l’Inquisition, Arnaud Sicre. Les derniers soubresauts réels sont loin, provoqués par les frères Authié, Guilhem et Pierre, qui ne sont guère parvenus à susciter de nouvelles vocations et ont été arrêtés et brûlés en 1310. Les registres ne rapportent plus que la présence d’îlots hérétiques, plus ou moins pourchassés durant les années suivantes. L’Inquisition s’intéresse souvent plus aux événements des années 1283-1300. Mais si les dépositions de la période trouble de l’Inquisition ont été reprises par Geoffroy d’Ablis en 1309, puis par Jean de Beaune en 1320, peu de choses ont été remises en cause, fautes de témoins et de prisonniers survivants.
Jean de Beaune, successeur de Geoffroy d’Ablis, devant l’autorité rétablie de sa charge, réconcilie les habitants d’Albi en 1319, puis les dispense de toute pénitence l’année suivante. Le cas Bernard Délicieux sera réglé durant cette période, dans une presqu’indifférence générale de la part des notables languedociens, la lutte ayant cessé d’être une réalité politique des villes. Arrêté en 1317, le dossier d’accusation du Franciscain sera bouclé en 1319, mettant en avant dans sa condamnation son soutien aux Spirituels et provoquant sa détention à Carcassonne. Sa mort l’année suivante en prison conclura l’époque d’agitation populaire dans la cité carcassonnaise et le triomphe définitif de l’Inquisition sur les dissidences du catharisme et des Spirituels. Jean de Beaune poursuivra son action inquisitoriale, créant des lieutenants, tel Gaillard de Pomiés ; Pierre d’Arzens ou encore Arnaud de Floure, tout en réconciliant des villes, dont Cordes en 1321.
Le normand Jean Duprat, inquisiteur de Carcassonne en 1324, sera une parenthèse dans l’activité inquisitoriale contre les dissidents religieux. Étranger à la région, c’est la gestion interne de l’Office qui est au centre de ses intérêts, notamment en raison des contentieux et des erreurs provoqués par les familiers de l’Inquisition, dont Menet de Robecourt, commissaire de l’Inquisition de Carcassonne. Les dossiers de dissidents clôts par Jean Duprat resteront en majorité des condamnations posthumes.
Henri de Chamayo, inquisiteur de Carcassonne en 1328, qui officie le plus souvent avec son confrère de Toulouse, Pierre Brun, reprend des procédures abandonnées et prononce des sentences d’exhumation. La charge d’inquisiteur pontifical trouve sa pleine utilisation avec Henri de Chamayo, celui-ci bénéficiant du soutien du pape Jean XXII, imposant ainsi son droit à Montpellier et à Narbonne. Mais en novembre 1328, C’est aussi lui qui fait vider les prisons de Carcassonne, libérant une majorité de prisonniers de cette période, qu’il punit par le port de croix ou par des pèlerinages. En 1330, il ouvre de nouveau les dossiers et convoque les héritiers des défunts. Les condamnations qui suivent pour hérétication déclenchent une consultation pontificale de 1331, consultation qui souligne le peu de clarté des registres, les manipulations probables de dépositions mais qui ne prononce pas de conclusion officielle.

Le XIVe siècle voit disparaître les objectifs d’une inquisition languedocienne qui, progressivement, n’aura plus lieu d’être, faute de dissidents religieux. Outil professionnalisé et intégré dans le paysage du Midi, l’Inquisition devient plus l’enjeu de luttes politiques, d’influence sur tel personnage ou telle charge. En 1338, des différents apparaîtront entre les habitants d’Albi, soutenus par leur évêque, et les commissaires de l’Inquisition. En 1371, des litiges entre l’inquisiteur de Carcassonne, Durand Salvan, et les consuls du bourg sont finalement réglés par la signature d’un accord de non-ingérence. En 1423, les serments prêtés par les officiers de l’Inquisition d’Albi à l’insu de leur évêque seront révoqués et les plaintes à Rome n’y feront rien. Les pontifes soutiendront en général leurs officiers, tel l’inquisiteur Pierre Turelure en 1441, en conflit avec les évêques languedociens et recevant l’appui officiel et ferme du pape Eugène IV. Il faudra attendre le XVIe siècle pour voir l’Inquisition relever des tribunaux royaux, le titre d’Inquisiteur dans l’Eglise ne devenant que purement nominal.


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Posté le : 11/04/2015 17:08
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Jules Ferry
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Le 5 avril 1832 à Saint-Dié Vosges naît Jules Ferry

mort le 17 mars 1893 à 6O an, à Paris, est un homme politique français. Marié à Eugénie, Risler, il est diplomé de la aculté de droit de Paris, il exerçait la proession d'avocat. Il est maire de Paris Maire de Parisdu 15 novembre 1870 au 5 juin 1871 son prédécesseur est Étienne Arago
son successeur est un siècle plus tard Jacques Chirac.
Opposant à l'Empire, membre du gouvernement provisoire en 1870 et maire de Paris en 1871, il est l'auteur des lois de la IIIe République, restaurant l'instruction obligatoire et gratuite qui avait été instituée en 1793, sous l'impulsion de Louis Joseph Charlier. Considéré comme le promoteur de l'école gratuite et obligatoire, il est devenu plusieurs décennies après sa mort l'un des pères fondateurs de l'identité républicaine. Parallèlement, Jules Ferry montre au cours de sa carrière politique un fort engagement pour l'expansion coloniale française, en particulier en Indochine, ce qui provoque sa chute et une crise lors de l'affaire du Tonkin. Il est inhumé à Saint-Dié.


En bref

Jules Ferry est, à juste titre, considéré comme l'une des grandes figures de l'histoire républicaine française. Mais, si le grand public connaît le père de l'école primaire laïque, gratuite et obligatoire, on ignore son parcours politique, riche et tourmenté. S'il est reconnu aujourd'hui comme l'un des pères fondateurs de la IIIe République, peu de gens savent qu'il fut très critiqué à son époque. Médiocre orateur, bourgeois guindé, jugé froid et distant, surnommé « Ferry la famine » puis « Ferry le Tonkinois », le père de notre école publique ne connut jamais de son vivant la popularité que la postérité lui a reconnue.
Né le 5 avril 1832 à Saint-Dié, dans les Vosges, dans une famille bourgeoise et fortunée, il est le fils de l'avocat Charles-Édouard Ferry et d'Adèle Jamelot. Son père, libre-penseur, lui donne une éducation classique, libérale et agnostique. Il est notamment influencé par la pensée d'Auguste Comte, qui propose de renoncer à la recherche des causes transcendantes pour s'en tenir aux phénomènes. Cet héritage positiviste ne conduit pas Jules Ferry à l'anticléricalisme, mais son positivisme lui permet d'avoir une lecture rationaliste et pragmatique du monde, qui sera le fil conducteur de sa carrière.
Sa sœur aînée, Adèle, née en 1826, est une catholique fervente. Avec son frère Charles, né en 1834, dont il sera toujours très proche, il fait ses études au collège de Saint-Dié jusqu'en 1846, puis au lycée de Strasbourg (actuellement lycée Fustel-de-Coulanges). Installé à Paris avec sa famille en 1850, il obtient son baccalauréat l'année suivante, puis s'inscrit à la faculté de droit. Secrétaire de la Conférence des avocats, il se fait remarquer en 1855 par un discours, intitulé De l'influence des idées philosophiques sur le barreau au XVIIIe siècle, où s'expriment ses idées républicaines.
Avec Léon Gambetta, notamment, il fréquente avec assiduité les tribunes du Corps législatif, où il admire les interventions des cinq députés républicains opposants à l'Empire, notamment Émile Ollivier, dont il devient l'ami. Par ailleurs, il collabore régulièrement aux journaux d'opposition libérale, comme La Presse ou Le Courrier de Paris. Son pamphlet sur la Lutte électorale de 1863 lui vaut d'être condamné par le régime bonapartiste. Mais il récidive avec une série d'articles intitulés « Les Comptes fantastiques d'Haussmann », publiés en 1868 dans Le Temps, qui critiquent les dépenses excessives des grands travaux du préfet de la Seine. Candidat républicain modéré aux élections de 1869, Ferry est élu député de la 6e circonscription de la Seine. Devenu l'un des chefs de l'opposition parlementaire, il critique le régime impérial, ses excès financiers aussi bien que le manque de libertés. Opposé à la guerre contre la Prusse, il vote néanmoins, en juillet 1870, comme une grande partie des républicains, en faveur des crédits de guerre.
Le 4 septembre 1870, sous la pression de la foule parisienne, la République est proclamée au balcon de l'hôtel de ville par Ferry, Gambetta et d'autres députés républicains. Ministre du gouvernement de la Défense nationale, il est nommé maire de Paris le 15 novembre 1870, avec la lourde charge d'assurer le ravitaillement de la capitale assiégée par l'armée prussienne. Les restrictions alimentaires qu'il impose au peuple parisien lui valent le surnom de « Ferry la famine ». Hostile à la Commune de Paris, il fuit, dès le premier jour, cette ville qui ne l'aime pas. Nommé préfet de la Seine le 24 mai 1871, il démissionne de sa charge le 5 juin, à la suite de la répression de la Commune. Ce n'est d'ailleurs pas à Paris mais dans les Vosges qu'il est élu représentant à l'Assemblée nationale, le 8 février 1871. Il sera réélu député sans interruption de 1876 à 1885, conservant son siège jusqu'en 1889.
Nommé, en 1872, ministre plénipotentiaire en Grèce par le gouvernement Thiers, il revient à la Chambre à la chute de celui-ci. Il devient, avec Léon Gambetta et Jules Grévy, l'un des chefs de l'opposition républicaine au régime « d'ordre moral » du maréchal Mac-Mahon. À la tête du groupe parlementaire de la Gauche républicaine, le plus important de la Chambre élue en 1876, il est l'un des principaux acteurs de la crise du 16 mai 1877, qui voit les 363 députés républicains protester contre la dissolution de la Chambre par Mac-Mahon.
La démission de ce dernier, remplacé en janvier 1879 par le républicain Jules Grévy, permet à Jules Ferry de revenir au pouvoir le 4 février 1879, en tant que ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts dans les cabinets Waddington et Freycinet, jusqu'au 23 septembre 1880, puis en exerçant lui-même la fonction de président du Conseil, jusqu'au 14 novembre 1881. C'est alors que son nom est associé aux lois qui fondent le socle de l'école républicaine.

Sa vie

Jules François Camille Ferry est le fils de Charles-Édouard Ferry, avocat, et d’Adèle Jamelet. C'est une famille catholique vosgienne de fondeurs de cloches. Les Ferry s’établissent à Saint-Dié en 1718, et, en 1794, ils sont à la tête d’une tuilerie. François-Joseph Ferry, grand-père de Jules, fut maire de la ville. Son fils Charles-Édouard, libre penseur, se marie avec Adèle Jamelet, avec laquelle il a trois enfants : Jules 1832-1893 Charles 1834-1909 et Adèle 1826-1871.
Élève au collège de Saint-Dié jusqu'en 1846, puis au lycée impérial de Strasbourg, actuellement lycée Fustel-de-Coulanges, il est ensuite étudiant à la faculté de droit de Paris. Il devient avocat réputé et se passionne pour la chose publique. Il se spécialise rapidement dans la défense juridique des républicains. Il collabore régulièrement aux journaux suivants : La Presse, Le Courrier de Paris, Le Temps.
Opposant actif au Second Empire, janséniste, il connaît la notoriété en publiant en 1868 une série d'articles pamphlétaires humoristiques contre le préfet de la Seine de l'époque, fustigeant la gestion opaque du financement des travaux effectués par lui à Paris : Les Comptes fantastiques d’Haussmann. Il est élu député républicain de la 6e circonscription de Paris en mai 1869.

Le 4 septembre 1870, il devient membre du gouvernement de la Défense nationale. Nommé maire de Paris du 16 novembre 1870 au 18 mars 1871, il a la charge, au demeurant quasi impossible, d'assurer le ravitaillement de la capitale assiégée par l'armée prussienne. Les restrictions alimentaires qu'il impose lui valent les surnoms de Ferry-Famine et Ferry l'affameur. Une commission mixte de l'enseignement est instaurée. Cette commission est composée de femmes et d'hommes compétents en matière d'instruction. Dans les rapports de cette commission, figure déjà l'affirmation de gratuité et d'obligation que l'on retrouve dans les lois scolaires promulguées sous son ministère.
Dès le premier jour de l'insurrection de la Commune de Paris, adversaire résolu des Fédérés, il fuit la ville.
Aux élections du 8 février 1871, il se fait élire représentant des Vosges à l'Assemblée nationale, siège qu'il conserve jusqu'en 1889. Il est chargé de négocier la frontière sur la ligne de crête vosgienne; intransigeant sur les principes, il ne lâche rien. C’est une expérience douloureuse, car les négociateurs dissèquent son arrondissement natal et l’Alsace, où avait vécu une partie de sa famille, rejoint désormais le Reich allemand.
Jules Ferry, chef de file de la majorité départementale, candidat républicain en face de Louis Joseph Buffet, est élu le 8 octobre 1871 conseiller général du Thillot. Le jeune vice-président du conseil général suscite l'ire des autorités administratives. Adolphe Thiers décide, afin de le protéger, de l'éloigner des Vosges encore occupées par les troupes prussiennes, en l'envoyant à Athènes résoudre, avec rang d'ambassadeur, le différend entre les gouvernements grec, français et italien au sujet des mines du Laurion8 1872-1873. À son retour en France, il devient l'un des chefs de l'opposition républicaine jusqu'à l'élection de Jules Grévy à la présidence.

Franc-maçon et marié à 43 ans

Le 8 juillet 1875, les francs-maçons donnent une grande solennité à sa réception par le Grand Orient de France, loge La Clémente Amitié. Il y est reçu en même temps que Littré et que Grégoire Wyrouboff. Une grande publicité est faite au discours que Littré prononce à cette occasion, et la presse en donne un large écho. Par la suite, Ferry appartiendra à la loge Alsace-Lorraine.
Jules Ferry se marie la même année avec Eugénie Risler, douce jeune femme protestante, fille d'un industriel aisé de Thann Alsace. Le couple uni à la mairie du huitième arrondissement de Paris n'aura pas d'enfant. Ils font construire un chalet suisse, résidence secondaire, sur les contreforts du massif forestier du Kemberg à Saint-Dié-des-Vosges, là où autrefois se trouvait la fonderie de cloches familiale. Mais le couple Ferry réside plus souvent à Paris, dans l'hôtel particulier construit par le frère adoré de Jules, Charles Ferry au 1, rue Bayard. Sans descendance directe, Jules Ferry reportera toute son affection sur son neveu Abel Ferry, qu'il fera son unique héritier et fils d'adoption.

Le père de l'école laïque

Libre-penseur et franc-maçon, il a été initié en grande pompe, le 8 juillet 1875, dans la loge La Clémente Amitié, la plus mondaine du Grand Orient de France, et a épousé, la même année, la protestante Eugénie Risler. Néanmoins, il ne conçoit pas sa politique scolaire comme un combat anticlérical, à la différence de Paul Bert, qui lui succédera au ministère. L'article 7 de son projet de loi déposé le 15 mars 1879, interdisant aux membres des congrégations religieuses non autorisées d'enseigner, provoque un tollé parmi les congrégations (notamment les Jésuites), ainsi que dans l'Église et dans l'opposition conservatrice. Voté par une majorité de députés, cet article est rejeté par le Sénat, l'ancien président du Conseil Jules Simon ayant refusé, au nom de la liberté religieuse, de le valider. Le président du Conseil, Charles de Freycinet, est alors contraint de contourner cette fronde parlementaire en promulguant deux décrets, le 29 mars 1880, le premier procédant à la dispersion de l'ordre des Jésuites et le second invitant les autres congrégations non autorisées à se mettre en règle dans un délai de trois mois. Devenu président du Conseil le 23 septembre 1880 et conservant pour lui le portefeuille de l'Instruction publique, Jules Ferry fait promulguer d'autres lois majeures, notamment celle du 21 décembre 1880 sur l'enseignement secondaire des jeunes filles, celle du 29 juillet 1881 sur la laïcisation des cimetières, ainsi que les grandes lois libérales sur les réunions (30 juin 1881) et sur la presse (29 juillet 1881).
Mais son grand projet d'un service public d'enseignement primaire gratuit, obligatoire et laïque, qui avait été déposé en janvier 1880, rencontre l'opposition farouche du Sénat. La loi instaurant la gratuité est promulguée le 16 juin 1881, mais l'obligation et la laïcité posent problème. Il faudra attendre le renouvellement triennal de la Chambre haute en janvier 1882, et le retour de Ferry au ministère de l'Instruction publique dans le second cabinet Freycinet (31 janv.-29 juill. 1882), pour qu'une majorité de sénateurs adoptent, le 23 mars 1882, en seconde lecture, par 170 voix contre 105, le projet définitif.
Dans une circulaire envoyée aux instituteurs, le 17 novembre 1883, il explique que sa volonté a été de « séparer l'école de l'Église, d'assurer la liberté de conscience et des maîtres et des élèves », de distinguer le « domaine des croyances, qui sont personnelles, libres et variables, et celui des connaissances, qui sont communes et indispensables à tous », mais aussi et surtout de fonder une éducation nationale « sur les notions du devoir et du droit que le législateur n'hésite pas à inscrire au nombre des premières vérités que nul ne peut ignorer ». Plus qu'une école sans Dieu, c'est l'école de la République qu'a voulu fonder Jules Ferry.

Le laïciste de l'école

Caricature de la Petite Lune de 1878 : Jules Ferry croquant un prêtre.
Nommé ministre de l'Instruction publique du 4 février 1879 au 23 septembre 1880 dans le cabinet Waddington, il attache son nom aux lois scolaires. Ses premières mesures sont :
création d'une École Normale féminine à Sèvres et d'une agrégation féminine, le 9 août 1879.
Nomination de Ferdinand Buisson comme directeur de l'enseignement primaire en 1879.
collation des grades universitaires retirée à l'enseignement privé 12 mars 1880
dispersion des congrégations religieuses non autorisées 29 mars 1880
Président du Conseil du 23 septembre 1880 au 10 novembre 1881, il poursuit la mise en place des lois sur l'enseignement :
extension aux jeunes filles du bénéfice de l'enseignement secondaire d'État 21 décembre 1880
gratuité de l'enseignement primaire 16 juin 1881
De nouveau ministre de l'Instruction du 31 janvier au 29 juillet 1882 Ministère Freycinet, il continue son œuvre scolaire :
loi relative à l'obligation et à la laïcité de l'enseignement 28 mars 1882. Cette loi est une suite logique de celle portant sur l'obligation scolaire. C'est une obligation d'instruction et non de scolarisation.
De nouveau président du Conseil du 21 février 1883 au 30 mars 1885, et Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts jusqu'au 20 novembre 1883, date à laquelle il est remplacé par Armand Fallières :
envoi d'une lettre circulaire aux instituteurs, 17 novembre 1883, trois jours avant de confier le ministère de l'Instruction à Fallières ; la lettre, dont le texte intégral se trouve sur wikisource, commence comme ceci :

"Monsieur l'Instituteur,
L'année scolaire qui vient de s'ouvrir sera la seconde année d'application de la loi du 28 mars 1882. Je ne veux pas la laisser commencer sans vous adresser personnellement quelques recommandations qui sans doute ne vous paraîtront pas superflues, après la première expérience que vous venez de faire du régime nouveau. Des diverses obligations qu'il vous impose, celle assurément qui vous tient le plus au cœur, celle qui vous apporte le plus lourd surcroît de travail et de souci, c'est la mission qui vous est confiée de donner à vos élèves l'éducation morale et l'instruction civique : vous me saurez gré de répondre à vos préoccupations en essayant de bien fixer le caractère et l'objet de ce nouvel enseignement ; et, pour y mieux réussir, vous me permettrez de me mettre un instant à votre place, afin de vous montrer, par des exemples empruntés au détail même de vos fonctions, comment vous pourrez remplir, à cet égard, tout votre devoir, et rien que votre devoir.
La loi du 28 mars se caractérise par deux dispositions qui se complètent sans se contredire : d'une part, elle met en dehors du programme obligatoire l'enseignement de tout dogme particulier ; d'autre part, elle y place au premier rang l'enseignement moral et civique. L'instruction religieuse appartient aux familles et à l'Église, l'instruction morale à l'école. Le législateur n'a donc pas entendu faire une œuvre purement négative. Sans doute il a eu pour premier objet de séparer l'école de l'Église, d'assurer la liberté de conscience et des maîtres et des élèves, de distinguer enfin deux domaines trop longtemps confondus : celui des croyances, qui sont personnelles, libres et variables, et celui des connaissances, qui sont communes et indispensables à tous, de l'aveu de tous. Mais il y a autre chose dans la loi du 28 mars : elle affirme la volonté de fonder chez nous une éducation nationale, et de la fonder sur des notions du devoir et du droit que le législateur n'hésite pas à inscrire au nombre des premières vérités que nul ne peut ignorer. Pour cette partie capitale de l'éducation, c'est sur vous, Monsieur, que les pouvoirs publics ont compté. En vous dispensant de l'enseignement religieux, on n'a pas songé à vous décharger de l'enseignement moral : c'eût été vous enlever ce qui fait la dignité de votre profession. Au contraire, il a paru tout naturel que l'instituteur, en même temps qu'il apprend aux enfants à lire et à écrire, leur enseigne aussi ces règles élémentaires de la vie morale qui ne sont pas moins universellement acceptées que celles du langage ou du calcul. ... "

Cette lettre contient par ailleurs des recommandations très importantes en matière d'éducation morale : elle incite les enseignants à respecter scrupuleusement l'autorité des parents, condition nécessaire pour communiquer la sagesse du genre humain, ... une de ces idées d'ordre universel que plusieurs siècles de civilisation ont fait entrer dans le patrimoine de l'humanité.
Jules Ferry, anticlérical mais pas antireligieux s'opposant ainsi aux excès d'Émile Combes, ne souhaite pas dans un premier temps imposer un monopole en matière d'éducation. Il laisse susbsister l'enseignement confessionnel mais sa volonté de laïcisation fait qu'il est exécré par la presse cléricale qui l'appelle « Ferry sans Dieu.

Le partisan de l'expansion coloniale

Expédition du Tonkin, Guerre franco-chinoise et Affaire du Tonkin.
Parallèlement, Jules Ferry se montre un partisan actif de l'expansion coloniale française11, à tel point qu'il sera surnommé Tonkinois par ses adversaires politiques et une partie de l'opinion publique hostile à l'expansion coloniale.
On retrouve notamment l'empreinte de Jules Ferry en Tunisie, dont il obtient le protectorat le 12 mai 1881 par le traité du Bardo, et à Madagascar. Il lance l’explorateur Pierre Savorgnan de Brazza à la conquête du Congo 1879. Ce dernier dossier lui sera fatal lors de sa seconde présidence du Conseil commencée le 21 février 1883. Il s'était d'ailleurs réservé le portefeuille des Affaires étrangères. Les conservateurs, comme Adolphe Thiers, sont opposés à la colonisation, qu'ils accusent de détourner hors du territoire les investissements, tandis que les progressistes y sont favorables pour des questions idéologiques. Mais la gauche républicaine de Georges Clemenceau y est opposée également, parce que les aventures colonialistes détournent l'attention des provinces perdues d'Alsace-Lorraine. Les positions s'inverseront diamétralement en trois ou quatre générations.
Ayant obtenu d'un vote de la Chambre les crédits nécessaires à la conquête du Tonkin, il provoque une extension du conflit à la Chine. L'annonce de l'évacuation de Lạng Sơn, qui lui vaudra le surnom de Ferry-Tonkin, déclenche une violente opposition parlementaire et provoque sa chute le 30 mars 1885 sur fond de spéculations boursières du printemps 1885, lors de l'Affaire du Tonkin. Il connaît alors une vague d'impopularité en France.

Extrait des débats du 28 et du 30 juillet 1885

Jules Ferry prononce un discours dont Charles-André Julien a pu dire qu'il était le premier manifeste impérialiste qui ait été porté à la Tribune. On peut difficilement, aujourd'hui, savoir quelle était la part de sincérité et celle de démagogie dans ce discours, le mot de devoir étant très porteur à cette époque, et Ferry désirant sans doute voir aboutir son projet.
Ferry illustre les présupposés du racisme sous la IIIe République
" Messieurs, il y a un second point, un second ordre d’idées que je dois également aborder ... : c’est le côté humanitaire et civilisateur de la question. ... Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai ! Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. ... Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. ... Ces devoirs ont souvent été méconnus dans l'histoire des siècles précédents, et certainement quand les soldats et les explorateurs espagnols introduisaient l'esclavage dans l'Amérique centrale, ils n'accomplissaient pas leur devoir d'hommes de race supérieure. Mais de nos jours, je soutiens que les nations européennes s'acquittent avec largeur, grandeur et honnêteté de ce devoir supérieur de la civilisation. »

La réponse de Georges Clemenceau, le 30 juillet 1885

"Voilà, en propres termes, la thèse de M. Ferry et l'on voit le gouvernement français exerçant son droit sur les races inférieures en allant guerroyer contre elles et les convertissant de force aux bienfaits de la civilisation. Races supérieures ! Races inférieures ! C'est bientôt dit. Pour ma part, j'en rabats singulièrement depuis que j'ai vu des savants allemands démontrer scientifiquement que la France devait être vaincue dans la guerre franco-allemande, parce que le Français est d'une race inférieure à l'Allemand. Depuis ce temps, je l'avoue, j'y regarde à deux fois avant de me retourner vers un homme et vers une civilisation et de prononcer : homme ou civilisation inférieure ! ...
C'est le génie de la race française que d'avoir généralisé la théorie du droit et de la justice, d'avoir compris que le problème de la civilisation était d'éliminer la violence des rapports des hommes entre eux dans une même société et de tendre à éliminer la violence, pour un avenir que nous ne connaissons pas, des rapports des nations entre elles. ... Regardez l'histoire de la conquête de ces peuples que vous dites barbares et vous y verrez la violence, tous les crimes déchaînés, l'oppression, le sang coulant à flots, le faible opprimé, tyrannisé par le vainqueur ! Voilà l'histoire de votre civilisation ! ... Combien de crimes atroces, effroyables ont été commis au nom de la justice et de la civilisation. Je ne dis rien des vices que l'Européen apporte avec lui : de l'alcool, de l'opium qu'il répand, qu'il impose s'il lui plaît. Et c'est un pareil système que vous essayez de justifier en France dans la patrie des droits de l'Homme !
Je ne comprends pas que nous n'ayons pas été unanimes ici à nous lever d'un seul bond pour protester violemment contre vos paroles. Non, il n'y a pas de droit des nations dites supérieures contre les nations inférieures. Il y a la lutte pour la vie qui est une nécessité fatale, qu'à mesure que nous nous élevons dans la civilisation nous devons contenir dans les limites de la justice et du droit. Mais n'essayons pas de revêtir la violence du nom hypocrite de civilisation. Ne parlons pas de droit, de devoir. La conquête que vous préconisez, c'est l'abus pur et simple de la force que donne la civilisation scientifique sur les civilisations rudimentaires pour s'approprier l'homme, le torturer, en extraire toute la force qui est en lui au profit du prétendu civilisateur. Ce n'est pas le droit, c'en est la négation. "

Le point de vue de Clemenceau à cette époque lui est propre, bien que Victor Hugo ait exprimé un souci voisin, mentionnant que comme le tutorat d'un mineur, la colonisation ne saurait se considérer que temporaire13; si les avis diffèrent quant à la colonisation pour des raisons économiques, la colonisation rapporte-elle ou non de l'argent ? Faut-il financer des guerres pour des territoires africains — ou asiatiques ? Ne vaut-il pas mieux investir en France au lieu de gaspiller notre argent chez des peuples n'ayant rien fait pour nous quand ils étaient riches et nous pauvres ?, le débat sur la supériorité de la civilisation des Lumières ou sur les droits de l'homme, n'auront lieu que plus tard, après la Grande Guerre principalement. En 1885, la génétique n'existe pas encore, la statistique est embryonnaire, et la notion de race est l'objet de conjectures Gobineau. Les lettrés constatent que les populations européennes ont atteint un degré de développement encore inconnu des autres. Clemenceau, perspicace, comprend que ces théories servent de prétexte à justifier une politique propice au pillage qui va donc rapidement se montrer contraire aux droits de l'homme. Isolé à cet égard au sein de la gauche républicaine, il rejette le processus de colonisation, mais pour une raison bien différente du Nous d'abord caractérisant les positions de Thiers et d'une partie de la droite, Louis Calla, Edgar Raoul-Duval, et des motifs de morale chrétienne des monarchistes, Louis Adhémar de Guilloutet, encore nombreux à cette époque, qui reprochent à la République de ne pas protéger les missionnaires, reproche aussi évoqué par le député d'extrême-gauche Émile Vernhes, alors qu'elle envisage une politique coloniale, mais aussi de prendre le risque d'une guerre, Paul de Cassagnac, Baudry d'Asson
Peu d'hommes politiques de l'époque, quel que soit leur bord, remettent en question l'idée de supériorité européenne, l'Amérique n'en étant vue que comme une excroissance. La droite, illustrée par Thiers, réclame que l'on réserve l'argent épargné par les Français à des travaux de développement de la France. La gauche se préoccupe davantage de questions humaines comme la médecine, la vaccination, l'hygiène, l'éducation, la lutte contre les féodalités en place et les superstitions, mais critique elle aussi Jules Ferry sur les points économiques.

Ferry le Tonkinois

La France lui doit, par ailleurs, les débuts de l'expansion coloniale, à une époque où celle-ci est loin d'être populaire dans la classe politique comme dans l'opinion. Il envoie, en Tunisie, une première expédition qui lui permet d'imposer le protectorat de la France par le traité du Bardo 12 mai 1881, puis une seconde qui pacifie l'Ouest tunisien août-nov. 1881. Mais c'est surtout lors de son second ministère, l'un des plus longs de la IIIe République 21 févr. 1883-30 mars 1885, que sa politique coloniale prend toute son ampleur, et suscite bien des polémiques. Abandonnant le portefeuille de l'Instruction publique pour celui des Affaires étrangères à partir du 20 novembre 1883, il encourage les conquêtes de Pierre Savorgnan de Brazza au Congo, il fait bombarder et occuper Tamatave à Madagascar et, surtout, il finance une grande expédition au Tonkin, sous les ordres de l'amiral Courbet. Par le traité de Huê (25 août 1883), il obtient le protectorat de la France sur l'Annam et le Tonkin ; puis, un nouveau traité, signé le 6 juin 1884, donne aux Français le droit d'occuper militairement ces territoires. Mais la conquête provoque une guerre contre la Chine alors suzeraine, qui rend Jules Ferry de plus en plus impopulaire.
Sa politique coloniale suscite, en effet, les oppositions croisées des libéraux conservateurs, qui déplorent le coût exorbitant des expéditions, de la droite nationaliste, qui y voit l'abandon de la préparation de la revanche sur l'Allemagne, et aussi de la gauche radicale, incarnée par Georges Clemenceau, qui s'y oppose violemment au nom de la morale et au nom du réarmement national. L'évacuation de la ville de Lang Son par les troupes françaises, connue à Paris le 29 mars 1885, provoque une grande manifestation populaire devant la Chambre des députés, où Clemenceau accuse Ferry de haute trahison, et l'apostrophe : Nous ne vous connaissons plus, nous ne voulons plus vous connaître. » Au terme d'un débat houleux, le gouvernement Ferry est renversé, le 30 mars 1885, par 306 voix contre 149.
Devenu Ferry le Tonkinois, le père de l'école publique sera victime, jusqu'à sa mort, d'une constante animosité de l'opinion. Il persiste, néanmoins, à défendre l'idée coloniale, notamment lors d'un grand discours à la Chambre, prononcé à propos de Madagascar le 28 juillet 1885, dans lequel il invoque le devoir de civiliser les races inférieures. Il fera paraître, en 1890, un opuscule intitulé Le Tonkin et la mère-patrie, justifiant la colonisation.
Lâché par les radicaux et pris à partie par les pamphlets de la droite nationaliste, qui dénoncent les liens de son frère Charles avec les milieux d'affaires coloniaux, Jules Ferry est désormais écarté des sommets du pouvoir. Le 3 décembre 1887, il n'obtient que 212 voix à l'élection présidentielle, contre 303 pour Sadi Carnot, qui est pourtant un personnage de moindre envergure. Une manifestation des boulangistes contre la corruption du régime, organisée la veille, avait pris pour cible Ferry le Tonkinois » et, une semaine plus tard, il est blessé par balle par un boulangiste. Chef de file de l'opposition au général Boulanger, qu'il traite de César de café-concert », il perd son siège des Vosges lors des élections législatives du 22 septembre 1889. Néanmoins, à partir du 4 février 1891, il va représenter ce département au Sénat, où il présidera la commission de l'Algérie, avant d'être élu à la présidence de cette assemblée, le 24 février 1893. C'est la reconnaissance de sa modération de la part d'une chambre qui l'avait pourtant combattu lorsqu'il était président du Conseil, mais qu'il avait défendue contre les attaques des radicaux, obtenant une révision limitée du mode d'élection du Sénat loi du 9 déc. 1884. Victime d'une crise cardiaque le 17 mars 1893, il n'aura occupé que trois semaines son fauteuil. Il sera inhumé dans le caveau de sa famille à Saint-Dié.
Controversé et parfois mal compris de son vivant, moins charismatique que ses contemporains Léon Gambetta, Georges Clemenceau et Jean Jaurès, Jules Ferry est aujourd'hui devenu une icône et un référent majeur de l'histoire républicaine française. Jean Garrigues

La colonisation

Les grands intellectuels de l'époque étaient favorables à la colonisation, qui permettait selon eux de faire avancer les peuples en retard. Victor Hugo défend la politique de Jules Ferry au nom des droits de l'homme ; cela n'a rien d'un paradoxe si l'on suppose que le blanc est plus en avance : il a alors un devoir de civiliser, d'apporter l'évolution aux peuples moins développés, comme jadis les Romains aux Gaulois, exemple cher à Ferry. Hugo insiste sur le fait que la colonisation ne doit être que temporaire, et que la France doit savoir s'effacer ensuite comme un tuteur qui a rempli son rôle.
Les lettres des colons d'Indochine font par exemple régulièrement état d'une très grande brutalité des familles autochtones envers leurs domestiques. Il est difficile de savoir quelle était la part de vérité et la part d'idéalisation de l'intervention française dans ces récits.
Voici enfin la partie économique de la harangue citée plus haut. Le caractère économique, véritable source du débat, occupe l'extrême majorité des propos de Jules Ferry, le 28 juillet 1885 :
Le rôle économique de la colonisation selon Ferry

" La concurrence, la loi de l'offre et de la demande, la liberté des échanges, l'influence des spéculations, tout cela rayonne dans un cercle qui s'étend jusqu'aux extrémités du monde. C'est là un problème extrêmement grave. Il est si grave ...que les gens les moins avisés sont condamnés à déjà prévoir l'époque où ce grand marché de l'Amérique du Sud nous sera disputé et peut-être enlevé par les produits de l'Amérique du Nord. Il faut chercher des débouchés... "

Le passage humanitaire cité ci-dessus est extrait de cette partie du discours

" Je dis que la politique coloniale de la France, que la politique d'expansion coloniale, celle qui nous a fait aller, sous l'Empire, à Saigon, en Cochinchine, celle qui nous a conduit en Tunisie, celle qui nous a amenés à Madagascar, je dis que cette politique d'expansion coloniale s'est inspirée d'une vérité sur laquelle il faut pourtant appeler un instant votre attention : à savoir qu'une marine comme la nôtre ne peut pas se passer, sur la surface des mers, d'abris solides, de défenses, de centres de ravitaillement. ... Rayonner sans agir, sans se mêler aux affaires du monde, ... c'est abdiquer, et, dans un temps plus court que vous ne pouvez le croire, c'est descendre du premier rang au troisième et au quatrième...

Revers politiques

L'Indochine va causer la perte de Jules Ferry. En 1885, c'est l'affaire du Tonkin, épisode noir de l'histoire boursière : une dépêche Havas confond la modeste retraite de Lang Son de l'armée française avec un abandon général du delta du fleuve Rouge. La fausse nouvelle, donnée « de bonne foi par le général Louis Brière de l'Isle, fait chuter la Bourse de Paris et le gouvernement, au moment même où arrive une deuxième dépêche minimisant l'importance des combats. Dès le 26 août 1883, les milieux financiers s'étaient inquiétés, redoutant de lourdes dépenses de guerre, puis découvrant le 9 septembre 1883 que le traité de paix franco-vietnamien n’était pas reconnu par la Chine.
Lâché par les radicaux, Jules Ferry échoue aussi lors de la désignation du Président de la République le 3 décembre 1887. Ce jour-là, le Conseil municipal de Paris installa en plein Hôtel de Ville un bureau révolutionnaire décidé à proclamer la Commune si M. Jules Ferry avait été élu président de la République. Une semaine plus tard, il est blessé à l'assemblée d'un coup de revolver par un boulangiste du nom d'Aubertin. Aux élections législatives du 22 septembre 1889, il est battu par M. Picot, conservateur. Le scrutin est annulé par le Conseil d'État, sur recommandation de Georges Clemenceau. Jules Ferry ne se représente pas. Par ailleurs président du conseil général des Vosges et de l'Association nationale républicaine, il est élu au Sénat en 1891 et en devient président le 24 février 1893.
Il échappe par deux fois, en 1883 et 1885, à des attentats perpétrés contre lui. Le second, perpétré par un déséquilibré partisan de Clemenceau, lui laisse une balle enfoncée dans la poitrine qui l'handicape jusqu'à sa mort d'une crise cardiaque au 1 rue Bayard, le 17 mars 1893. Le gouvernement décide de lui faire des funérailles nationales, loi du 20 mars 1893 débloquant un crédit de 20 000 francs, mais la famille Ferry refuse car elle est brouillée avec le gouvernement. Elle estime que Clemenceau, en particulier, a cherché par tous les moyens à le discréditer. Des funéraille nationales auront lieu le mercredi 22 mars à Paris dans la grande cour du palais du Luxembourg, un immense cortège le conduira jusqu'à la gare de l'Est d'où un train spécial l’emmènera vers les Vosges. Il sera inhumé dans le caveau de sa famille à Saint-Dié le 23 mars, selon son testament en face de cette ligne bleue des Vosges d'où monte jusqu'à mon cœur fidèle la plainte touchante des vaincus.

Jules Ferry jugé par ses contemporains

Auréolé des lauriers d’une laïcité scolaire républicaine, le personnage public s’est statufié. Il faut retrouver l'homme et dépasser son austérité glaciale et sa modération légendaire.
Élevé dans une famille aisée et catholique, le jeune homme représente la troisième génération d’une famille d’artisans du métier du feu enrichie après la Révolution et engagée dès 1789 pour la République.
Le jeune journaliste, polémiste et provocateur, a séduit les opposants au régime napoléonien par son sens de la dérision et de l’humour. Il faut surtout un grand courage physique ou une terrible insouciance bonhomme pour fronder un régime politique, d’essence dictatoriale, même sur la défensive après 1860. Et la facilité d’expression de Jules Ferry déconcerte même les anciens conservateurs royalistes. Ses idées politiques, modérées, sont celles d’un républicain de centre gauche. Le vieux Thiers entrevoit chez ce jeune journaliste, formé au droit, une grande carrière un peu à son image.
Les témoignages des populations rurales de la montagne vosgienne attestent les pratiques des familles aisées, parmi lesquelles les Ferry en leurs époques prospères. Un des leurs engrossant une jeune femme de condition modeste, elles achetaient un silence respectueux et garantissaient l’existence de la jeune fille-mère en lui offrant une ferme.
L’homme public, dénigré et humilié[réf. souhaitée] sort incontestablement aigri du siège de Paris et de la révolte de la Commune. L’élu victorieux du Thillot affiche un mépris violent face aux provinciaux siégeant au conseil général des Vosges. Plus tard, assagi après sa crise mystique et amoureuse de l’année 1875, il garde constamment à l’esprit la nécessité d’éduquer les classes laborieuses afin d’empêcher les révolutions fracassantes et fixer surtout les populations rurales à la glèbe, prenant autant modèle sur la précédente politique rurale de Napoléon III que sur les paysans pacifiques et croyants de sa montagne natale. L’homme politique craint les effets dévastateurs de l’exode rural.
À Paris, le responsable politique désormais assagi, plus sûr de sa froide détermination, sait modérer ses colères, impressionne par son écoute calme et s’impose petit à petit parmi les chefs républicains. Les débuts difficiles aux postes de responsabilités politiques et les blessures si vivement ressenties pendant les premiers pas ont laissé des traces indéniables dans les lois ferrystes, comme dans ses conceptions de politiques extérieures pragmatiques où il donne un grand crédit à l’avis des militaires, basés à La Réunion ou à Saigon. Il tente un rapprochement avec le grand artisan de la paix en Europe, Bismarck. Les contacts amorcés ne peuvent aboutir, les élites politiques françaises refusent de traiter avec l’Empire allemand. Il est probable que Jules Ferry admire la façon magistrale dont les Prussiens avaient réussi à sortir du joug autrichien, en premier lieu par l’ouverture, l’entreprise économique et le savoir technique et scientifique.
La contestation la plus violente que Jules Ferry dût subir, et l’historienne de la famille le rappelle dans un livreLequel ?, provient des partisans du général Boulanger qui menacent le simple acquis démocratique et la paix chèrement acquise. Jules Ferry, alors au pouvoir, résiste à cette tempête. Cette double montée du nationalisme et du mépris xénophobe dénaturent sur le terrain l’application des lois scolaires. Plus tard, les discriminations, œuvres funestes de la colonisation en Algérie, présentées dans les rapports sénatoriaux, l’inquiètent. L’homme est resté un républicain libéral, modéré et conservant une gamme de pensées idéalistes, à l’aune des hommes politiques français.
De nombreuses écoles primaires portent encore de nos jours le nom de Jules Ferry, comme ici à Tucquegnieux 54
Émile Erckmann, écrivain, le décrit au début de la décennie 1870 avec ces deux mots : le petit gros. Il souligne ainsi avec cette description physique banale l’aptitude de l’homme politique à passer des salons des Goguel, possesseurs du château de l’Ermitage, aux moindres petits estaminets pour les besoins de sa campagne à Saint-Dié. L’ensemble des républicains a une réputation de corruption qui n’est nullement infondée. Erckmann semble peu apprécier l’homme public, au style sec du début des années 1870. L’écrivain George Sand a également laissé un portrait au vitriol du politicien.
Cet homme qui a mené dans l’ensemble une vie privilégiée et parisienne sait parfois être généreux, et le ministre parisien n’a pas oublié ses modestes compatriotes de Saint-Dié. Il a ainsi donné un grand nombre d’ouvrages reliés à la Société philomatique vosgienne. Après sa mort, conformément à son testament, son corps a rejoint le cimetière de la Côte Calot, à Saint-Dié.
Sa loi de 1882 école laïque et instruction obligatoire, à cause de l'obligation d'utiliser la seule langue française, a sérieusement réduit l'usage des langues locales, en particulier le breton ou l'occitan. L'enseignement français étant obligatoire, quiconque parlait en patois ou une langue régionale à l'école se voyait puni22. Les pratiquants ont ainsi développé une certaine honte à parler leur langue maternelle et les militants des langues locales en rendent souvent coupable l'école de Ferry. L'objectif était cependant que tous les Français puissent comprendre les lois et règlements affichés, et aussi manœuvrer ensemble en cas de guerre.


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Posté le : 03/04/2015 19:58
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Découverte de l'île de Pâques 1
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Hors Ligne
Le 5 avril 1722, l'explorateur Jacob Roggeveen découvre l'île de pâques

il aborde une île isolée en plein Pacifique. Comme c'est le jour de Pâques, il la baptise tout simplement... Île de Pâques.
L'île est le sommet émergé d'un massif volcanique sous-marin. À la différence de la plupart des autres îles du Pacifique, elle n'est pas protégée des vagues par une barrière de corail et un lagon, ce qui rend son approche en bateau difficile. Sur son sol aride de 171 km2 survivent quelques centaines de misérables Polynésiens.
Paradis perdu ou saccagé
Les ancêtres de ces malheureux, arrivés en pirogue entre 900 et 1200 de notre ère, avaient découvert un paradis doté d'une faune et d'une flore exubérantes, qu'ils avaient appelé dans leur langue Rapa Nui.
Ils avaient bâti une société prospère et même inventé une écriture idéographique, le rondorongo. Ils s'étaient multipliés jusqu'à être 10.000 ou 15.000.
La population était divisée en clans familiaux dont chacun était établi dans l'une des vallées sèches qui descendaient vers l'océan, cultivant ses jardins et honorant ses morts. Les dépouilles de ces derniers étaient déposées sur la grève.
Pour se protéger de l'océan hostile, chaque clan avait aménagé près du rivage une plate-forme en pierre surmontée de statues géantes, alignées comme à la parade, au regard impressionnant de vie, tournées vers les jardins et les habitants.

Les habitants sculptaient les statues les moaï dans les flancs des trois anciens volcans de l'île. Ils les faisaient ensuite glisser jusqu'aux plates-formes de pierre qui leur étaient destinées les ahu. Pour cela, ils fabriquaient des rails et des cordages avec les palmiers géants qui couvraient l'île.
On a dénombré un total de 800 statues, représentant des hommes et des femmes d'une taille d'un mètre à 22 mètres. La majorité sont restées sur les lieux d'extraction, en position couchée. 256 ont été déplacées et 164 de celles-ci ont été érigées sur les plates-formes.

Jakob Roggeveen sa vie

Jakob Roggeveen né le 1er février 1659 à Middelbourg, mort le 31 janvier 1729 était un explorateur néerlandais qui a été envoyé trouver la Terra Australis, mais qui se retrouva à l'île de Pâques en 1722.
Son père, Arent Roggeveen, était un mathématicien qui possédait beaucoup de connaissances en astronomie, en géographie et en navigation. Ce dernier a étudié la mythique Terra Australis, et a finalement obtenu un brevet pour une excursion exploratoire. Toutefois c'est son fils qui, à l'âge de 62 ans, a par la suite équipé trois bateaux et a fait l'expédition.
Auparavant, il avait déjà eu une vie bien remplie. Il est devenu notaire de Middelbourg où il est né le 30 mars 1683. Le 12 août 1690, il reçut un diplôme en tant que docteur en droit à l'université de Harderwijk, et a travaillé entre 1707 et 1714 en tant que Raadsheer van Justitie "seigneur du Conseil de la justice" à Batavia aujourd'hui Jakarta. En 1715, il revient à Middelbourg.
Il est alors impliqué dans des polémiques religieuses en soutenant le prêtre libéral Pontiaan van Hattem en publiant le feuillet De val van 's werelds afgod. La première partie est apparue en 1718, dans Middelbourg, et a été plus tard confisquée par le conseil municipal et brûlée. Roggeveen fuit Middelbourg, et, plus tard, Flessingue. Il s'établit à Arnemuiden, et édite la deuxième et la troisième partie de ses écrits, soulevant encore une polémique.
Le 1er août 1721, il débute son expédition de Texel à la recherche de la Terra australis, au service de la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales. Il part avec trois bateaux: le Arend, le Thienhoven, et le Afrikaansche Galey.
La première fois, Roggeveen navigue vers le bas des Îles Malouines qu'il renomme Belgia australis, traverse le détroit de Le Maire et continue vers le sud puis atteint l'océan Pacifique. Il s'arrête d'abord près de Valdivia. Il visite l'archipel Juan Fernández, où il restera du 24 février au 17 mars. Le 6 avril 1722 le dimanche de Pâques il découvre l'île de Pâques Rapa Nui il a rapporté avoir vu 2 000 à 3000 habitants. Il navigue alors jusqu'à Batavia en passant par l'Archipel des Tuamotu, les Îles de la Société, et certaines îles dont il fait la découverte dont les Samoa et Makatea. Il y est toutefois arrêté pour avoir violé le monopole de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, mais la compagnie sera, plus tard, forcée de le libérer, de lui donner une compensation pour les ennuis causés et de payer son équipage. En 1723, Roggeveen rentre aux Pays-Bas.
Après son retour, Roggeveen publie la quatrième partie de De val van 's werelds afgod.

Le mystère de Pâques

Les Européens qui ont exploré l'île, tels Lapérouse et Cook au XVIIIe siècle, n'ont pas manqué de s'interroger sur l'arrêt subit de cette activité et le déclin brutal de la société pascuane, que les scientifiques situent vers le milieu du XVIIe siècle.
Deux thèses s'affrontent dont l'une met en cause l'irresponsabilité des hommes, l'autre la fatalité de la Nature.
- Les hommes coupables :
Selon l'anthropologue Jared Diamond, qui décrit le déclin de la société pascuane dans son livre Effondrement (2006), les chefs de clans, qui se partageaient l'île et se défiaient en érigeant des statues de plus en plus grandes, avaient fini par altérer gravement le couvert forestier d'où ils tiraient rails et cordages.
Julian Curry, Mystries of Egypt, 1998, documentaire IMAX
Julian Wadham, docudrama Egypte, 2005, BB

L'île de Pâques, en langue rapa nui Rapa Nui, la grande Rapa, en espagnol Isla de Pascua, est une île isolée dans le sud-est de l’océan Pacifique, particulièrement connue pour ses statues monumentales les moaï et son écriture océanienne unique, le Rongo-Rongo.
L’île se trouve à 3 680 km des côtes chiliennes et à 4 050 km de Tahiti, l’île habitée la plus proche étant l'île Pitcairn à plus de 2 000 km à l’ouest. L’île de forme triangulaire, d'environ 23 km dans sa plus grande dimension, couvre 166 km2. La population comptait 3 304 habitants en 2002. Son chef-lieu et unique village est Hanga Roa.
Elle fut visitée par le premier Européen, le navigateur néerlandais Jakob Roggeveen, le jour de Pâques, le 5 avril 1722, et comptait alors près de 4 000 habitants. Elle fut annexée par l’Espagne en 1770 sous le nom d'isla San Carlos, mais l'Espagne s'en désintéressa par la suite ; des Français s'y installèrent après 1864 et l'île devint une possession chilienne en 1888.
Depuis 1995, le patrimoine exceptionnel de l’île est protégé et inscrit au Patrimoine mondial par l'UNESCO. Des parcs ou réserves naturelles, parfois surveillés, enserrent les zones des vestiges. La communauté rapanui veille jalousement sur les traces de son histoire et constitue un pouvoir parallèle au gouvernement officiel chilien.
Cette île, la plus à l'est de toute l’Océanie, est célèbre pour ses vestiges mégalithiques des premières civilisations autochtones. Le patrimoine archéologique comprend environ 887 statues de basalte, les moaï, de 4 m de hauteur moyenne et près de 300 terrasses empierrées au pied de ces statues, les ahû.

Dénominations

Le nom espagnol d'Isla de Pascua Île de Pâques est dû au navigateur hollandais Jakob Roggeveen. Il a découvert cette terre le dimanche de Pâques 1722, et l'a baptisé ainsi "Paaseiland". En revanche, les habitants de l'île, d'origine polynésienne, ont d'autres dénominations, que les Européens ont parfois réinterprétées :
avant les changements de population postérieurs à 1861, la tradition orale rapporte que le nom de l'île était Haumaka ou plus exactement Te kainga a Hau Maka, le bout de terre de Hau Maka, également connu comme Hau Mata, Hao Matuha ou Hotu Matu'a ; Alfred Métraux donne aussi Hiti-ai-Rangi, Hanga-Oaro et Hanga-Roa, nom conservé jusqu'à nos jours par le village de l'île ;
Te pito o te henua le nombril de la terre désignait, selon la tradition orale, le centre de l'île où se tenaient les palabres entre iwi clans, mais Alphonse Pinart dans son Voyage à l'île de Pâques 1877, a interprété ce toponyme comme étant le nom de l'île et comme signifiant le nombril du monde ;
Rapa Nui la grande Rapa a été popularisée tardivement XIX et XXe siècles, entre autres par l'explorateur Thor Heyerdahl, après que les autochtones venus, semble-t-il, des Marquises ou de Mangareva, et décimés en 1861 ont été rejoints par des habitants de Rapa, la petite, qui se trouve en Polynésie française ; ce nom a été généralement adopté par la population actuelle ;
enfin Matakiterani ou plus précisément Mat’aki te rangi les yeux regardant le ciel ou bien du ciel est une expression désignant les moai, que certains auteurs européens ont employée pour désigner l'île dans leurs ouvrages.
Les récits qui proviennent de l'île de Pâques, accompagnés par l'étrange mélodie des noms pascuans, évoquent des images fantastiques : Te Pito o te Henua, le nombril du monde ; Ranoraraku, les statues géantes ; Orongo, l'Homme-Oiseau ; Rongorongo, l'écriture indéchiffrée ; Toromiro, l'arbre disparu, etc.

Île de Pâques : les principaux sites archéologiques.

Le contraste entre le dénuement de l'île et le caractère hors norme des œuvres de la société pascuane engendre l'incrédulité, le merveilleux et le mystère. Sans ce parfum particulier, qui se soucierait de ce caillou plus petit que l'île d'Oléron ? Mais l'île de Pâques et sa poignée d'habitants forment un microcosme où l'aventure humaine manifeste son audace et dévoile sa fragilité ; à ce titre, le destin de l'île et de ceux qu'elle nourrit pourrait préfigurer celui de la Terre et de l'humanité.

Une extrême insularité

Dans l'océan Pacifique, à 270 26' 30'' de latitude sud et 1090 26' 14'' de longitude ouest, l'île de Pâques ou Rapa Nui, est distante de 3 747 kilomètres des côtes du Chili, pays dont elle fait partie depuis 1888 ; elle se situe à 2 500 kilomètres au sud-est de l'archipel des Gambier Polynésie française et à 2 250 kilomètres de l'îlot de Pitcairn Grande-Bretagne.
L'île de Pâques 165 km2 0 mètres a la forme d'un triangle dont le côté le plus grand mesure 24 kilomètres. Elle naît il y a 2,5 millions d'années, lorsque le Poike surgit de l'océan, ; profond de 3 840 mètres ; haut de 370 mètres, ce volcan forme l'angle est de l'île. Au sud-ouest, le cratère du Rano Kau est vieux de 1 million d'années ; haut de 324 mètres, son fond est occupé par un lac. L'éruption du Te Revaka, il y a 300 000 ans, donna à l'île sa forme actuelle ; culminant à 506 mètres, il est parsemé de cent quatre cônes adventifs. Les dernières coulées datent d'environ 10 000 ans. La croûte de lave est parcourue par de nombreuses cavités, parfois très vastes.
Le climat est subtropical ; la température ne présente que de faibles écarts entre l'été 23,4 0C et l'hiver 17,8 0C. La pluviométrie 1 350 mm est très irrégulière, aussi bien au cours de l'année que d'une année à l'autre de 760 à 1 550 mm. Il n'y a ni source ni ruisseau ; les seules eaux permanentes se trouvent au fond des cratères et dans quelques cavités.
La douce topographie de l'île ne protège pas du vent, fort et constant. La mer, souvent agitée, bat des côtes déchiquetées et des falaises hautes de 100 à 300 mètres ; il existe toutefois deux petites plages de sable corallien sur la côte nord-est Anakena et Ovahe. L'atterrissage le moins périlleux se fait dans la baie de Hanga Roa ou baie de Cook sur la côte ouest.
Éloignement considérable, direction défavorable des vents et des courants, faible superficie, âge récent et côtes abruptes ont formé autant d'obstacles au peuplement animal et végétal de l'île ; ses ressources sont donc limitées et leur capacité de régénération quasi nulle. Toutefois, les premiers occupants polynésiens ont créé les conditions propices au développement d'une société aux réalisations étonnantes. Au cours d'un millénaire de solitude, cette société minuscule s'est adaptée aux changements les plus radicaux de son environnement ; elle n'a survécu que difficilement à la venue des Européens.

Géographie et climat Géographie et géologie

Îles de Pâques et Sala y Gómez et la côte de l'Amérique du Sud.
L’île de Pâques est l'une des terres les plus isolées au monde. Elle se trouve à 3 700 kilomètres des côtes chiliennes et à 4 000 km de Tahiti, l’île habitée la plus proche est Pitcairn à plus de 2 000 km à l’ouest. L'île de Sala y Gómez à 391 km à l'est est inhabitée. Elle est de forme triangulaire, environ 23 km dans sa plus grande dimension, et couvre 162 km². Le plus haut point de l'île à 507 mètres d'altitude est le Maunga Terevaka. Il y a trois lacs d'eau douce dans des cratères volcaniques Rano : Rano Kau, Rano Raraku et Rano Aroi mais aucun cours d'eau permanent. La population comptait 3 304 habitants en 2002. Son chef-lieu est Hanga Roa.
L'île est d'origine volcanique avec trois cônes principaux éteints. Le Maunga Terevaka forme la plus grande superficie de l'île. Les monts Poike à l'est et Rano Kau au sud lui sont reliés par des ponts de débris d'éruption et donnent la forme triangulaire de l'île. Il existe de nombreux autres petits cratères et reliefs volcaniques dont le Rano Raraku, le Puna Pau et des tunnels de lave. Les pierres principales sont le basalte et l'hawaiite, tous deux riches en fer et apparentées aux roches ignées des îles Galápagos.
L'île de Pâques est entourée d'îlots comme Motu Nui, une montagne volcanique de plus de 2 000 mètres de dénivelé entre le fond de la mer et son sommet. L'île de Pâques et ces îlots font partie de la chaîne de Sala y Gómez, surtout sous-marine, qui débute à Pukao et s'étend 2 700 km à l'est jusqu'à Nazca.
Les îles de Pukao, Moai et de Pâques ont été formées au cours des 750 000 dernières années, l'éruption la plus récente date d'un peu plus de 100 000 ans. Ce sont les plus jeunes montagnes des Sala y Gómez qui repose sur la plaque de Nazca au-dessus du point de passage d'un point chaud dans le sud-est du Pacifique et près d'une zone de fracture. De la fumée a été photographiée sortant du mur du cratère Rano Kau — pourtant éteint — par l'administrateur de l'île, M. Edmunds.
Le point antipodal de l’île se trouve dans le district de Jaisalmer, dans le Rajasthan en Inde. C’est un lieu inhabité entre les villages de Kuchchri, Häbur et Mokal.
L'éclipse totale de Soleil du 11 juillet 2010 est passée par l'île de Pâques, 10 ans et 11 mois calendaires, soit 1 tritos, après celle du 11 août 1999. À cette occasion, l'astronome français Jean-Claude Merlin a annoncé officiellement le baptême de la petite planète 2214 du nom de Rapa Nui.

Climat

Le climat de l'île est de type subtropical maritime. La température minimale est de 18 °C en juillet et août (hiver austral) et le maximum est de 28 °C en février32. Il tombe 1 138 mm de pluie annuellement et avril est le mois le plus pluvieux mais la pluie est assez bien répartie tout au long de l'année.
Biodiversité et évolution environnementale de l’île

Avifaune

Les îlots rocheux qui se trouvent au sud-ouest de l'île de Pâques abritent une importante population d'oiseaux de mer : mouettes, goélands, frégates et le mythique sterne noir, devenu très rare aujourd'hui. Dans le culte de Make-make, le sterne noir a joué autrefois un rôle essentiel : chaque année, à l'arrivée de cet oiseau migrateur connu sous le nom indigène de manutara ou mahoké, des hommes gagnaient au large l'île Motu Nui dans le but de rapporter l'un de ses œufs, symbole de la création du genre humain. Toutefois, la catastrophe démographique et culturelle de 1861 a eu pour effet la perte de la plus grande partie de la tradition orale, de sorte que les détails de ce culte ne nous sont connus que partiellement, par les récits des premiers explorateurs et par les ré-interprétations récentes des pétroglyphes et des légendes pascuanes.

Flore

L'aspect de l'île frappe actuellement par l'absence de forêt, à l'exception des plantations récentes de toromiro, un sophora endémique de l'île. Cela n'a pas toujours été le cas : les premiers explorateurs européens décrivent la présence de bois de toromiro et de sous-bois de fougères. Il existe de nombreuses traces de racines et de noix d'un palmier, le Paschalococos disperta. Les dernières recherches archéologiques, notamment l’analyse des pollens contenus dans les sédiments ou des restes de repas, prouvent que plusieurs espèces d’arbres ont totalement disparu ou du moins que leur nombre aurait considérablement chuté à partir des années 1500-1600.

L'Europe découvre les Pascuans

À la fin du XVIe siècle commence la quête d'une fabuleuse Terra Australis Incognita qui, croit-on, contrebalance au sud la masse des continents de l'hémisphère Nord. À 270 sud, le flibustier Edward Davis aperçoit, en 1687, une terre basse et sableuse. En 1721, la Compagnie hollandaise des Indes occidentales lance Jacob Roggeveen à la recherche de cette terre, à la tête de 223 hommes et d'une flotte de trois navires ; le 5 avril 1722, jour de Pâques, une île apparaît à la latitude annoncée par Davis.
Le débarquement sur l'île de Pâques a lieu le 10 dans la baie d'Hanga Hoonu ; de nombreux insulaires accueillent 134 hommes bien armés. Quelques centaines de mètres sont parcourus lorsque des marins apeurés ouvrent le feu : une douzaine de Pascuans sont tués ; ensuite, des échanges s'établissent. Roggeveen lève l'ancre le 12 avril.
Dans les journaux de Jacob Roggeveen et de Cornelius Bouman, il est question d'une région de l'île plus fertile que celle qui a été visitée, de champs carrés bordés de fossés secs, de sept maisons en forme de bateau renversé, longues d'une quinzaine de mètres, de pirogues à balancier, longues de trois mètres, faites de petites planches cousues, de statues et du culte qui leur est rendu, des productions vivrières et de leur préparation, des vêtements en écorce battue et des parures, particulièrement de celles qui distendent le lobe de l'oreille ; parmi les insulaires, seules deux ou trois femmes ont été vues. Les statues, hautes de 9 mètres, frappent les Hollandais d'étonnement, d'autant plus qu'il n'y a pour les ériger, ni madrier, ni corde solide ; ce mystère se dissipe lorsqu'on les croit modelées en argile.
En 1770, le vice-roi du Pérou envoie Felipe González à la recherche de la terre de Davis. À bord de deux navires, une expédition forte de 546 hommes atteint l'île le 15 novembre ; elle est baptisée San Carlos, nom du roi d'Espagne. Cinq cents hommes débarquent sur la côte nord ; la moitié d'entre eux montent planter trois croix sur le mont Poike ; le document de prise de possession, lu à cette occasion, est contresigné par trois chefs pascuans. Le 21, les Espagnols lèvent l'ancre.
La foule qui les a accueillis est estimée à mille personnes parmi lesquelles peu de femmes et d'enfants. Dans ce monde dépourvu de bois, la dimension extraordinaire des statues nommées moai provoque l'admiration des Espagnols. Un dictionnaire d'une centaine de mots est recueilli, une carte établie, des croquis topographiques dressés, sur lesquels figurent des statues et leur coiffe de tuf rouge.
Le 12 mars 1774, James Cook découvre à la lunette les statues de l'île de Pâques ; l'équipage de la Resolution 112 hommes est alors affaibli par la vaine recherche du continent austral. Le 14 et le 15, les environs d'Hanga Roa et la côte sud sont visités. Au journal et à une carte de Cook s'ajoutent les notes de William Wales, John Pickersgill, Johann et Georg Forster, ainsi que quelques dessins de Johann Forster et de William Hodges.
La population visible est estimée à six cents ou sept cents personnes ; mais les femmes et les enfants ne se montrent pas. L'impression dominante est celle d'une grande pauvreté, à peine atténuée par l'existence de plantations parfois vastes. La plus grande des maisons mesure 18 mètres de longueur. Des objets sont acquis, dont des bois sculptés. Les Forster n'observent pas plus d'une vingtaine de végétaux différents, dont deux ou trois petits arbustes. Les Pascuans sont reconnus comme étant des Polynésiens par leur aspect physique, leur langue et leurs coutumes.
En 1786, l'expédition de Jean François de Galaup de Lapérouse, forte de 220 membres à bord de deux navires, comprend sept scientifiques et trois dessinateurs. L'ancre est jetée dans la baie d'Hanga Roa les 9 et 10 avril. Soixante-dix hommes se rendent à terre, où les attendent mille deux cents Pascuans, dont trois cents femmes. Les environs du débarcadère sont soigneusement décrits, une carte en est dressée, sur laquelle figurent cinq plates-formes portant des statues, huit maisons couvertes de jonc l'une d'elles est longue de 100 m, une tour et deux maisons en pierre, deux groupes de grottes ; les jardins couvrent plus de 170 hectares. Le centre de l'île et sa côte sud sont mieux cultivés et plus peuplés que la baie de Cook ; y sont notées une maison de 100 mètres de longueur, sept plates-formes portant des statues et, dans le cratère du Rano Kau, de belles plantations de bananiers et de mûriers à papier. Les seuls bois sculptés observés alors sont trois ou quatre massues tenues par des chefs. Des porcs, des chèvres et des moutons sont donnés aux Pascuans ; le jardinier sème des légumes et des arbres fruitiers. Rien ne survivra.
Ces observations sont les dernières un peu détaillées avant celles qui seront faites par le frère Eugène Eyraud, en 1864. En effet, dans la première moitié du XIXe siècle, des centaines de baleiniers, phoquiers et santaliers envahissent le Pacifique sud ; certains équipages capturent les insulaires, quand ils ne les tuent pas ; aussi les Pascuans sont-ils souvent hostiles. Aucune expédition scientifique ne se risque à accoster (Lisiansky, 1804 ; Kotzebue, 1816 ; Dupetit-Thouars, 1838). Les échanges avec les Pascuans ont lieu à bord des navires. Le 7 septembre 1862, Joseph Laurent Lejeune, commandant le Cassini, constate, au cours d'une halte de quelques heures, la robustesse des mille deux cents à mille quatre cents personnes massées sur le rivage ; il rédige un rapport destiné aux religieux de la congrégation des Sacrés-Cœurs pour les décider à envoyer une mission.

Le déclin démographique

L'impact sanitaire de la venue des Européens est difficile à évaluer. Les vêtements obtenus des Hollandais en 1722 ont peut-être semé des germes pathogènes. En effet, Gonzáles, Cook et Lapérouse font état d'une faible population. Ensuite, malgré le passage attesté d'au moins 95 navires entre 1786 et 1862, le déclin démographique n'est pas évident ; en effet, la foule qui reçoit Lejeune est aussi nombreuse que celle que Lapérouse a décrite.
L'année 1862 marque le début d'un siècle dramatique. En décembre, huit navires péruviens raflent plusieurs centaines de Pascuans, peut-être même un millier, pour les vendre comme esclaves. La plupart meurent dans l'année sur le continent. Leur sort émeut l'opinion internationale, les pirates sont pourchassés et une douzaine de survivants rapatriés.
Au début de janvier 1864, le Suerte, venant de Tahiti, débarque six rescapés en même temps que le frère Eugène Eyraud ; ce dernier passe neuf mois très difficiles au milieu des Pascuans, qu'il ne parvient pas à convertir. Il assiste aux préparatifs de la cérémonie de l'Homme-Oiseau et signale la présence, dans toutes les maisons, de statuettes en bois et de tablettes portant des caractères hiéroglyphiques. Recueilli à moitié mort le 11 octobre 1864, il revient le 23 mars 1866 avec le père Hippolyte Roussel ; ils sont bientôt rejoints par le frère Théodule Escolan et le père Gaspard Zumbohm. La population accepte enfin d'entendre la bonne parole ; sa conversion semble totale à la mort d'Eyraud, le 19 août 1868. Le père Roussel, auteur d'un dictionnaire français-pascuan, reste, malgré de nombreuses omissions, un témoin essentiel de la vie de cette petite société.
En 1868, le capitaine norvégien Peter Arup fait une courte halte au cours de laquelle il acquiert des objets en bois sculpté. Le 31 octobre, les officiers du navire anglais Topaze sont accueillis par les missionnaires et par Onésime Dutrou-Bornier, un Français établi depuis peu sur l'île. Richard Sainthill et John Linton Palmer, le chirurgien de la Topaze, traversant l'île, parviennent à la carrière de statues du Rano Raraku. Dans le centre cérémoniel d'Orongo, ils découvrent une statue haute de 2,42 m ; ils démolissent la maison qui l'abrite et rapportent la statue en Angleterre. L'impunité de cette profanation montre que la société pascuane est alors en pleine mutation.
La population, jusqu'alors dispersée, est concentrée autour des deux missions, à Hanga Roa et à Vaihu, et aux abords de la maison de Dutrou-Bornier, à Mataveri. Depuis le retour des rescapés, une épidémie de petite vérole et la tuberculose l'ont considérablement amoindrie ; en 1869, elle est de six cent cinquante personnes. Puis Dutrou-Bornier attaque la mission qui, en 1871, abandonne le terrain. Les missionnaires emmènent cent soixante-huit Pascuans à Mangareva, puis à Tahiti ; un autre groupe de deux cent quarante-sept insulaires les y rejoint en 1872. Dès lors, il n'y a plus que deux cent trente habitants sur l'île. Dutrou-Bornier y développe des cultures maraîchères et un élevage de moutons pour le compte de la firme Salmon-Brander, de Tahiti. En 1872, ce sont des Pascuans bien peu catholiques que l'aspirant de marine Julien Viaud Pierre Loti décrit dans les notes rédigées lors de son passage à bord de La Flore. L'amiral de Lapelin fait alors décapiter un moai, exposé aujourd'hui dans le hall du musée de l'Homme, à Paris.
Entre 1879 et 1888, le destin de l'île, de ses cent onze habitants et de dizaines de milliers de moutons, est entre les mains d'Alexandre Salmon, un demi-Tahitien qui sert de guide éclairé, d'interprète et de pourvoyeur d'objets aux différentes missions scientifiques comme celles de l'Allemand Wilhelm Geiseler en 1882 et de l'Américain William Thomson en 1886 ; ce sont les premiers à sauvegarder la mémoire d'une culture moribonde.

Les Européens et l'île de Pâques Voyages de découverte XVII XVIIIe siècles

Le premier Européen qui ait aperçu l'île fut en 1687 le pirate Edward Davis sur le Bachelor’s Delight, alors qu’il contournait les Îles Galápagos en direction du cap Horn. Il aperçut l’île par hasard et crut avoir trouvé le légendaire continent du Sud mais il n'effectua pas de débarquement.
Le nom de l'île est dû au Hollandais Jakob Roggeveen qui y accosta avec trois navires au cours d'une expédition pour le compte de la Société commerciale des Indes occidentales. Il la découvrit en effet le dimanche de Pâques 1722 et l’appela Paasch-Eyland île de Pâques. Un des participants à l'expédition était le Mecklembourgeois Carl Friedrich Behrens dont le rapport publié à Leipzig orienta l’attention de l’Europe vers cette région à peine connue du Pacifique.
L’explorateur suivant fut l’Espagnol Felipe González de Haedo qui avait reçu du vice-roi du Pérou l’ordre d’annexer l’Île Roggeveens pour le compte de la Couronne espagnole. L'expédition de González de Haedo débarqua le 15 novembre 1770. Après une visite rapide et très partielle de l'île, exploration d'une demi-journée dans un seul secteur, et après un contact amical avec une population à structure sociale hiérarchisée, Felipe González de Haedo qui ne pensait pas qu'il s'agisse de l'Île de Roggeveen décida d'annexer cette terre à la Couronne d'Espagne et la nomma Île de San Carlos. Il fit planter plusieurs croix sur la pointe du volcan Poike. Durant les années qui suivirent, l’Espagne ne se soucia que très peu de sa nouvelle possession. Preuve fut faite en cartographie qu'il s'agissait bien de la découverte du Hollandais Roggeveen, donc cette terre lointaine ne pouvait appartenir à l'Espagne.
Au cours de sa deuxième expédition du Pacifique Sud, James Cook visita l'île de Pâques du 13 mars 1774 au 17 mars 1774. Il ne fut pas enthousiasmé par l’île et écrivit dans son livre de bord : Aucune nation ne combattra jamais pour l’honneur d’avoir exploré l’île de Pâques, … il n'y a pas d'autre île dans la mer qui offre moins de rafraîchissements et de commodités pour la navigation que celle-ci. Cependant, son séjour fournit des informations essentielles sur la constitution géologique, la végétation, la population et les statues — qui dans leur majorité avaient déjà été renversées. Nous avons des images témoins de cette époque grâce au naturaliste allemand Reinhold Forster et à son fils Georg Adam Forster, qui participaient à l’expédition Cook. Reinhold Forster a dessiné les premiers croquis des statues moaïs qui, gravés et publiés dans un style alors typiquement romantique, firent sensation dans les salons.
En 1786, le navigateur français La Pérouse débarqua sur l’île de Pâques au cours de sa circumnavigation terrestre, effectuée sur l’ordre du roi Louis XVI. La Pérouse avait l’ordre de dessiner des cartes précises afin de contribuer, avec l’étude des peuples du Pacifique, à la formation du dauphin.

Démographie La population avant les contacts européens

Jared Diamond estime qu’à son apogée, c’est-à-dire entre le xvie et le xviie siècle, l’île de Pâques aurait pu abriter jusqu'à 10 000 ou 15 000 habitants. Cependant, selon Daniel Taruno, ingénieur agronome, « il semble impossible qu’une société néolithique qui ne connaissait pas la roue et n’élevait pas de bêtes de trait ait pu développer la productivité agricole au point de nourrir 15 000 êtres humains sur 165 km2, soit 90 habitants/km2. Selon la monumentale Histoire des agricultures du monde de Marcel Mazoyer et Laurence Roudart, une telle densité représenterait trois fois celles de la Grèce et de l’Italie antiques. L'agriculture pascuane se situerait ainsi presque au niveau de productivité du système agraire ultra-performant de l’Égypte pharaonique. Il semble exclu que de tels résultats aient été atteints dans les conditions de l’île de Pâques, que Jared Diamond décrit comme non-optimales.
La déforestation, la sécheresse et les pénuries alimentaires semblent avoir limité le nombre d’habitants à 2 000 ou 3 000 habitants avant l’arrivée des Européens. Si excédent de population il y a eu, il a probablement migré par mer vers d'autres terres, selon la tradition polynésienne : des traces d’habitations ont, entre autres, été découvertes sur Henderson et sur Pitcairn.

Les effets de la colonisation européenne

La déportation vers le Pérou d’habitants destinés aux travaux forcés fit chuter le nombre d’habitants à 900 en 1868. Quant à ceux peu nombreux qui purent revenir, les maladies qu’ils avaient contractées provoquèrent un nouveau recul démographique.
Un autre phénomène aux conséquences démographiques est à noter : l’élevage intensif de moutons mis en place par les colons français Jean-Baptiste Dutrou-Bornier et Pierre Mau : voir section Histoire supra sur une partie de l’île, eut pour conséquence des migrations d’une grande partie de la population. D’une part, des ouvriers agricoles furent amenés depuis la Polynésie française, mais d’autre part, à la suite de conflits d’intérêts entre les colons et les missionnaires également français installés peu avant, 168 habitants émigrèrent en 1871 vers la Polynésie française, accompagnant les missionnaires qui quittaient l’île de Pâques. En outre, en raison de la surface de terre exploitée par ces élevages, l’expansion démographique des Rapa-Nui se trouva fortement affaiblie, et même empêchée dans tout le Nord-Est de l’île. En 1877, le nombre d’habitants était tombé à 111. Après cette date, la population se mit à augmenter progressivement ; en 1888, année de l’annexion de l’île par le Chili, 178 habitants furent recensés.

Le XIXe siècle La catastrophe démographique

Selon Alfred Métraux, dans son Introduction à la connaissance de l’Île de Pâques de 1935, la population d’origine, les Haumaka ou Hotu Matu’a serait passée de 2500 personnes à seulement 111 en 1877. Les marchands d’esclaves de Callao au Pérou, ont, de 1859 à 1863, fait plusieurs raids et déporté environ 1500 insulaires pour les vendre aux exploitants de guano des îles Chincha. Toujours selon Métraux, la société Haumaka est totalement déstructurée par la capture et le massacre en 1861 des ariki guerriers, des prêtres et du clan Miru, revendiquant descendre de Hotu Matu'a dont faisaient partie l’ariki-nui roi Kaimakoi et son "prince héritier" Maurata, de sorte que la mémoire identitaire des autochtones est en grande partie perdue. Frappée par des épidémies, par la tuberculose et la syphilis, la population diminue encore fortement durant les années 1860 et 1870, avec pour résultat qu’après les immigrations ultérieures, en provenance essentiellement des Gambier Rapa, de Tahiti et des Tuamotu, les Haumaka d’origine ne représentaient plus que 3 % environ de la population pascuane, les autres Polynésiens, les Rapa-Nui étant la moitié, les Européens d’origine 45 %, et les Chinois 1 %. Les Polynésiens venus dans l’île après 1861, déjà pourvus d’anticorps contre les maladies des Européens et déjà christianisés, ont été amenés par les planteurs Dutrou-Bornier, Mau et Brander comme ouvriers agricoles, entre 1864 et 1888.

La mission catholique 1864

C’est en 1864 qu’a lieu l’installation sur l’île du premier Européen sédentaire: Eugène Eyraud, un Français ouvrier mécanicien à Copiapó Chili, qui a décidé de se consacrer à l’évangélisation. Après un séjour d’observation dont il a laissé un compte-rendu Eyraud retourne au Chili se faire soigner et revient en mars 1866 avec un prêtre, Hyppolite Roussel, qui se trouvait auparavant en fonction aux îles Marquises. Tous deux créent la Mission catholique. Deux autres missionnaires arrivent en novembre 1866 avec des animaux et du matériel. Cependant, Eugène Eyraud meurt en août 1868 de sa maladie.
Les nouveaux missionnaires ont été convoyés par le capitaine français Jean-Baptiste Dutrou-Bornier à qui l’île de Pâques parait très intéressante. Il revient quelques mois plus tard avec son propre matériel et sa famille afin de créer une exploitation agricole. Un autre colon s’installe en même temps, le charpentier de marine Pierre Mau. En septembre 1868 est établi un "Conseil de gouvernement", présidé par Dutrou-Bornier avec le missionnaire Gaspar Zumbohm pour secrétaire, et quatre membres indigènes. Une police formée d'indigènes, les mutoi est mise en place ainsi qu'un tribunal présidé par Hyppolite Roussel. D'autre part, la mission et les colons européens procèdent à d'importants achats de terre à bas prix.

L'association Dutrou-Bornier/Brander

En 1869, Pierre Mau quitte l'île, revendant ses propriétés à la Mission catholique. Des dissensions liées aux mœurs de Dutrou-Bornier entraînent le départ des missionnaires en 1871 ; l'ancien capitaine devenu planteur reste le seul Européen. Le 30 octobre 1871, il conclut un contrat d'association avec l'entrepreneur écossais installé à Tahiti où il a épousé Titaua Salmon en 1856, John Brander "pour l'exploitation de l'île de Pâques". De fait, il s'agira essentiellement d'un élevage de moutons de plusieurs milliers de têtes. La mort de Dutrou-Bornier en 1876, suivie de celle de John Brander en 1877 crée des problèmes juridiques, les héritiers respectifs s'engageant dans une procédure qui ne prendra fin qu'en 1893. Entre temps, la responsabilité de l'exploitation agricole de l'île de Pâques revient au beau-frère de John Brander, Alexandre Salmon, le véritable responsable sur l'île jusqu'à l'annexion par le Chili en 1888.

Autres voyages de découverte

En 1882, la canonnière allemande SMS Hyäne La Hyène visita durant cinq jours l’île de Pâques au cours d’une expédition dans le Pacifique. Le capitaine-lieutenant Geiseler avait l’ordre de l’amirauté impériale d’entreprendre des études scientifiques pour le département ethnologique des musées royaux prussiens à Berlin. L’expédition a fourni entre autres les descriptions très détaillées des us et coutumes, de la langue et de l’écriture de l’île de Pâques ainsi que des dessins exacts de différents objets culturels, des statues moaïs, des croquis de maisons et un plan détaillé du lieu de culte Orongo.

L'île de Pâques sous la domination chilienne

Le 9 septembre 1888, l’île est annexée au nom du Chili par le capitaine de corvette Policarpo Toro 1856-1921, qui y séjournait depuis 1886 et menait les négociations avec les habitants, malgré quelques tentatives de la France pour les contrecarrer. La lignée royale, descendant de Hotu Matu'a étant éteinte depuis 1861, un traité d’annexion de l’île est signé avec un certain Atamu Tekena, reconnu comme roi par le gouvernement chilien.
L’île est divisée entre la réserve de Hanga Roa, 6 % de la surface de l'île, où sont parqués les Rapa-Nui, et la Compagnie Williamson-Balfour, qui possède le reste et y élève des moutons jusqu’en 1953.
De 1953 à 1966, l’île est sous le contrôle de la Marine chilienne.
En 1966, les Pascuans reçoivent la nationalité chilienne, sont autorisés à quitter la réserve, et l’île devient un territoire de droit commun.
Enfin, le 30 juillet 2007, une réforme constitutionnelle dote l’île d’un statut de territoire spécial, mais elle continue pour le moment d’être administrée comme une province de la Région V Valparaíso.

Histoire et peuplement Peuplement de l'Océanie, Langue austronésienne et Histoire de l'île de Pâques.

De mémoire de Pascuan ...

La première véritable enquête ethnographique, qui implique le recueil de témoignages multiples, est celle qu'a menée Katherine Routledge, une Anglaise instruite et fortunée. Au cours d'un séjour de dix-sept mois, en 1914 et 1915, elle sollicite la mémoire et la fantaisie de treize insulaires nés vers 1840. Juan Tepano, le guide-traducteur de Katherine Routledge, né en 1872, est également, en 1934-1935, le principal informateur de la mission franco-belge composée de l'ethnologue suisse Alfred Métraux, dont la synthèse publiée en 1940 reste l'ouvrage de référence sur la culture pascuane, et de l'historien de l'art belge Henri Lavachery.
En 1955-1956, la mission dirigée par Thor Heyerdahl marque l'avènement de l'archéologie scientifique à Rapa Nui, grâce aux travaux de Carlyle Smith, Edwin Ferdon, Arne Skölsvold et William Mulloy ; puis les sites prestigieux de Tahai, Anakena, Orongo, Akivi et, en 1995, l'ahu Tongariki sont restaurés. L'inventaire archéologique, commencé en 1976 par les archéologues chiliens Claudio Cristino et Patricia Vargas, localise 19 000 structures réparties sur 77 p. 100 de la superficie de l'île.

L'origine des Pascuans

James Cook et Hippolyte Roussel, familiers des Polynésiens, placent sans hésiter les Pascuans dans la grande famille de ce peuple de marins. Mais leur origine amérindienne est proposée dès 1803 par le père Joaquin de Zuniga, et ensuite par quelques autres, parce que les vents et les courants dominants viennent de l'est, ou parce que la culture y serait plus développée. Thor Heyerdahl, en 1947, osa tenter l'aventure du Kon-Tiki pour prouver cette théorie. Selon lui, les premiers occupants sont amérindiens et ils ont construit les grands monuments ; les Polynésiens sont arrivés plus tard, ou peut-être même comme esclaves des premiers.
Aucune donnée archéologique ou linguistique ne sous-tend cette hypothèse et tout prouve, depuis le plus lointain passé, l'origine polynésienne des Pascuans. Tout comme les vestiges archéologiques et la linguistique, l'analyse de l'ADN mitochondrial situe sans ambiguïté l'origine des Polynésiens en Asie du Sud-Est ; Erika Hagelberg a montré, en 1994, que l'ADN contenu dans les ossements de Pascuans antérieurs au contact présente le motif polynésien caractéristique.
Les lointains ancêtres des Pascuans sont en effet issus du grand arbre austronésien dont les racines s'ancrent en Asie du Sud-Est continentale et dont le tronc, émergeant à Taiwan il y a 5 000 ans, grandit, il y a 3 500 ans, jusqu'aux Mariannes, en Nouvelle-Calédonie et aux Fidji ; trois siècles après, ses branches atteignent les Tonga et les Samoa. Entre le début de notre ère et l'an mille, alors qu'un rameau pousse vers l'ouest jusqu'à Madagascar, celui des incomparables navigateurs polynésiens franchit des milliers de kilomètres et peuple les Marquises, l'archipel de la Société, Hawaii, l'île de Pâques et enfin la Nouvelle-Zélande. Comme le prouvent des restes de patate douce découverts à Mangaia îles Cook, les Polynésiens rapportent, avant l'an mille, ce trésor végétal d'un séjour américain.

La société pascuane

Des Polynésiens, sans doute venus des Marquises via les Gambier, se sont installés un peu avant l'an mille sur l'île de Pâques. Leur organisation sociale, fortement hiérarchisée, est centrée sur l'autorité de l'ariki. Grâce à son origine divine, celui-ci garantit et contrôle la fertilité du territoire ; sa famille constitue une aristocratie où sont formés prêtres, orateurs, sculpteurs, architectes, chefs de guerre. Le territoire, placé sous la responsabilité de l'ariki, est divisé en autant de parties qu'il y a de familles nobles ; ces parts sont elles-mêmes divisées en territoires lignagers s'étendant en bandes étroites, depuis l'océan jusqu'à l'intérieur de l'île.
La principale entité du panthéon pascuan est Make Make, créateur de toutes choses, lié intimement à une autre divinité, Faua, ainsi qu'aux oiseaux. Le visage aux gros yeux ronds de Make Make figure sur les rochers d'Orongo, parmi des centaines de bas-reliefs représentant l'Homme-Oiseau. Les divinités polynésiennes principales : Tangaroa, Tu, Tane, Hiro, Hina, Rongo, n'apparaissent qu'en position secondaire, après des divinités locales : Tive, Hova, Rua Nuku.
Les aku aku sont les entités tutélaires des lignages ; nombreux et multiformes, ils se manifestent par des phénomènes naturels ou sous l'aspect d'apparitions anthropomorphes, zoomorphes ou hybrides. Leurs représentations sont sculptées dans le bois, sous forme de figurines hautes de 30 à 50 centimètres ; une insistance particulière est portée sur leurs yeux, aux pupilles d'obsidienne enchâssées dans des vertèbres de poisson ; des yeux d'obsidienne, datés du XIIe-XIVe siècle, prouvent l'antiquité de ces figurations. Ces statuettes font la fierté de leurs possesseurs lors de fêtes publiques où sont également exhibés des ornements pectoraux en croissant rei miro et des boules sculptées tahonga. Lors d'autres cérémonies sont maniées les pagaies de danse longues, ao ou courtes, rapa. En toutes occasions, les chefs portent le bâton ua, terminé par une sculpture bifrons.

L'écriture des Pascuans

Eyraud et Roussel signalent une écriture, tracée sur des tablettes de bois, ressemblant beaucoup aux hiéroglyphes égyptiens. Les Pascuans en ont perdu le sens : ils brûlent les tablettes ou les échangent contre les trésors apportés par les étrangers. En juin 1869, grâce à une de ces tablettes, remise par Roussel à Mgr Jaussen, évêque de Tahiti, l'île fournit un nouveau sujet d'étonnement : les Pascuans connaissaient l'écriture. Les travaux de dizaines d'épigraphistes sur vingt-cinq objets en bois n'ont pas permis depuis lors de déchiffrer les inscriptions dites rongorongo. Depuis 1993, Steven Roger Fischer insiste sur l'organisation de glyphes en triades. Au premier glyphe est accolé un signe phallique dirigé vers le second glyphe, le produit de cet éventuel accouplement serait représenté par le troisième glyphe. Il semble que ce soit une des multiples clés de déchiffrement d'un système complexe mais elle ne permet toutefois pas, à elle seule, de le traduire. Konstantin Pozdniakov a montré que la fréquence d'occurrence des différents glyphes correspond à celle des syllabes de la langue pascuane. Quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas d'un simple procédé mnémotechnique. Cette écriture constitue un trait supplémentaire de l'identité pascuane.

Société de clans

Comme pour presque toutes les îles, l’origine des insulaires remonte à différentes vagues de peuplement : l’île entre dans l’histoire, c’est à dire que les historiens disposent de sources écrites, à partir de la découverte par Jakob Roggeveen. À cette époque, dix iwi clans familiaux se partageaient l’île : Aka’hanga, Anakena, Heiki’i, Mahetua, Taha’i, Tepe’u, Terevaka, Tongariki, Va’i Mata et Vinapu. Leurs territoires vai’hu se rencontraient au centre de l’île, en un lieu, sacré, et réservé aux palabres appelé Te pito o te fenua le nombril de la terre souvent traduit à tort comme le nombril du monde. Les ahu plates-formes à moaï étaient aussi appelés Mat’aki te rangi ou Mat’aki te u’rani les yeux qui regardent le ciel ou du ciel, ce qui est logique pour des représentations d’ancêtres divinisés, mais a été interprété par les Européens de manière parfois très fantaisiste.

Premiers peuplements

D’après les analyses génétiques, effectuées au XIXe siècle, la plupart des habitants sont d’origine polynésienne comme leur leur langue, austronésienne. Toutefois des mots sont communs avec les langues d’Amérique du Sud par exemple kumara, la patate douce. Leur présence, ainsi que celle de la kumara elle-même, démontre des contacts, mais ne prouve pas qu’il y a eu peuplement sud-américain en Polynésie ou peuplement polynésien en Amérique du Sud. Toutes les hypothèses sont donc envisageables.
La date du début du peuplement de l’île par des Polynésiens n'est pas déterminée avec précision. Selon l'hypothèse d'une chronologie longue, le peuplement initial daterait de 800, voire de 400 ; mais selon la thèse d'une chronologie courte, le peuplement daterait de 1200. Des mesures au radiocarbone, effectuées dans les années 1950, avaient estimé la date du peuplement de l’île vers 400 à +/- 80 ans. De nouvelles études ont mis en évidence des pollutions sur les mesures effectuées, impliquant un vieillissement des résultats. Des mesures de radiocarbone publiées en 2006 ont mis en évidence des premières implantations beaucoup plus récentes, vers 1200.
Quoi qu'il en soit, les premiers colons polynésiens, sur de grandes pirogues à balancier ou bien sur des catamarans offrant plus de charge utile, seraient partis des Îles Marquises, situées à plus de 3 200 km ou bien des îles plus proches des Tuamotu, Mangareva, à 2 600 km en passant par Pitcairn, située à 2 000 km. Une reconstitution, effectuée en 1999, à partir de Mangareva sur des embarcations polynésiennes a demandé 17 jours de navigation.
Les plus anciens moaïs ressemblent beaucoup aux tikis que l’on peut voir dans les îles de Polynésie Hiva Oa des Marquises, Tahiti…, et une partie de la flore et de la faune de l'île est très semblable à celle des autres îles polynésiennes par exemple la fougère Microlepia strigosa, le Sophora toromiro, le Hauhau Triumfetta semitrebula, le Mahute Broussonetia papyrifera ou le Ti Cordyline terminalis, les poulets, les rats…

La théorie d'une influence sud-américaine

Selon une thèse jadis défendue par Thor Heyerdahl et plus récemment par Denise Wenger, Charles-Edouard Duflon ou Jean-Hervé Daude, mais mise en doute par la majorité de la communauté scientifique, il y aurait une particularité de la culture des anciens Pascuans, les Hotu Matu’a ou Haumaka, décimés par les esclavagistes péruviens de 1859 à 1863 par rapport au reste de la Polynésie : cette particularité serait due au contact avec l’empire Inca ou ses prédécesseurs, d’où les Haumaka auraient reçu la kumara patate douce et des connaissances concernant le travail de la pierre. La tradition orale mentionne la présence de deux populations distinctes sur l’île : les Courtes oreilles et les Longues oreilles. Selon cette thèse, le premier groupe serait d’origine polynésienne et le second d’origine sud-américaine. De plus, une expédition de l'Inca Tupac Yupanqui aurait encore touché l’île vers 1465, les Sud-Américains connaissant les vents et les courants favorables. La tradition orale mentionne la compétence des Longues oreilles pour le travail de la pierre, et selon cette thèse l’ahu Vinapu correspond au mode de construction d'une Chullpas du plateau andin, ainsi que certains éléments de la statuaire de bois : les statuettes Moko représenteraient le Cuy, un animal typiquement andin. Cette thèse a évidemment reçu un accueil très favorable au Chili. Mais elle reste difficile à soutenir du point de vue génétique et linguistique : selon Daude, les Sud-Américains se seraient intégrés au groupe polynésien, abandonnant à peu de mots près leur langue, et si leurs caractéristiques génétiques ont en grande partie disparu, ce serait parce que les Longues oreilles ont été exterminés par les Courtes oreilles, comme le rapporte la tradition orale. Toutefois la morphologie andine à la cage thoracique très développée, serait présente dans l’île.

Haumaka et les premiers Pascuans

Les premiers immigrants avaient réussi à construire, à partir de ressources assez limitées, une société complexe et bien adaptée à son environnement. Toutefois, l’importance croissante du culte des ancêtres s’est traduite par l’érection de centaines de statues qui a consommé l’essentiel des ressources de l’île. Dans les années 1500 à 1600, l’île aurait connu une crise environnementale due peut-être à l’érosion des sols, peut-être à la sécheresse, mais qui en tout cas aboutit à une crise sociale, avec probablement des luttes tribales si l’on en croit les traditions orales, crise au terme de laquelle l’assise religieuse de la société pascuane changea. La construction des statues et des plateformes cérémonielles cessa, le culte de Make-make et de l’homme oiseau Tangata manu prit de l’importance. Les autochtones en étaient là lorsque les maladies apportées par des nouveaux venus Européens et les déportations l’esclavage pratiqué par les exploitants Péruviens de guano réduisirent à cent onze personnes leur population. Avec l’arrivée des planteurs et des missionnaires européens initialement français et de leurs ouvriers agricoles polynésiens en majorité originaires de Rapa, et qui, se mêlant aux autochtones, formèrent le peuple Rapa-Nui, les habitants de l’île sont finalement devenus catholiques.

Moaïs

Les statues proviennent d’une carrière située sur les flancs et dans le cratère du volcan nommé Rano Raraku. On peut y voir un très grand nombre de moaïs, certains terminés et dressés au pied de la pente, d’autres inachevés, à divers stades entre l’ébauche et la finition. Le plus grand qui ait été érigé mesure 10 m de haut et pèse 75 t. L’un des inachevés fait 21 m de hauteur pour une masse estimée à 270 t. Environ 400 statues ont été dressées sur l’île et un nombre équivalent est resté inachevé dans la carrière principale. L’arrêt de leur production suscite plusieurs hypothèses, pas forcément incompatibles entre elles.
Avant que l’archéologie expérimentale ne mette ses méthodes en œuvre, l’île de Pâques était surtout connue pour le mystère, longtemps inexpliqué, entourant la fabrication et le transport de blocs de basalte allant de 2,5 à 10 m de haut et l’érection des moaïs. Ce mystère ne fut éclairci que lorsque l'on comprit que l’île avait été boisée, et après que des reconstitutions des méthodes probablement employées eurent été faites sur place. Les archéologues Terry Hunt de l'Université de Hawaii et Carl Lipo de l’Université d’état de Californie, avancent une théorie qui indiquerait que les statues auraient été déplacées debout depuis le site Rano Raraku où elles étaient taillées en position horizontale dans la roche volcanique jusqu’à leur destination finale, par un mouvement de balancier régulé par des tireurs de cordes
En sept ou huit siècles, les Pascuans ont sculpté dans les tufs du Rano Raraku, volcan situé près de la pointe orientale de l'île, plus de huit cents statues géantes moai ; près de quatre cents restent dans la carrière, à l'état d'ébauche, ou sont plantées tout droit dans les flancs du cratère. La plupart des autres moai ont rejoint leur ahu ; leurs orbites sont excavées pour y insérer une sclérotique de corail blanc et une pupille de tuf noir ou rouge. Les deux moai les plus grands (9,5 m et 80 t sont sur des ahu distants de 3,6 kilomètres et 5 kilomètres de la carrière ; la dimension moyenne est de 4 mètres, pour un poids d'environ 20 tonnes. Vers la fin de la période Ahu moai, la dimension des statues augmente ; une soixantaine d'entre elles sont même rehaussées d'une coiffe cylindrique de tuf rouge ; ce pukao, mesurant 2 mètres de diamètre et 1,5 mètre de hauteur, est extrait de la carrière de Puna Pau, non loin de Hanga Roa.
Les moai, représentations des grands ancêtres du lignage, protègent de leur regard la vaste place de réunion et, au-delà, les maisons des nobles, puis celle des manants, les jardins à l'abri des embruns et, encore plus loin, le territoire et toutes ses ressources. Dans les jardins poussent la canne à sucre, la patate douce, le bananier, l'igname, le taro, l'arrow-root, la cordyline, ainsi que des gourdes destinées à faire des récipients, des morelles noires utilisées comme médicament, du curcuma pour fabriquer les colorants, et les mûriers à papier, dont le liber est battu pour confectionner les vêtements. Les moai veillent également sur les bosquets d'une forêt mésophile composée d'une vingtaine d'espèces d'arbres et d'arbustes dominés par un palmier géant, proche du palmier à sucre du Chili.

Le corps des Moaï

Les recherches menées en 1916 par Katherine Routledge, avaient révélé l’existence d’un corps sculpté sous la surface du sol ainsi que celle d’inscriptions. Ces statues mi-enfouies ont été décrites en 1935 par Alfred Métraux, dans son Introduction à la connaissance de l'Île de Pâques relatant les résultats de l'expédition franco-belge de Charles Watelin en 1934. Des fouilles plus profondes avaient été réalisées par l’équipe de Thor Heyerdahl comme on le voit sur les planches 9 et 10 de Aku Aku. Enfin, en 2010 et 2011, une expédition privée, co-dirigée par Jo Anne Van Tilburg et Cristián Arévalo Pakarati a étudié la partie inhumée dissimulant des bras et des mains. Les statues se différenciant selon le sexe des individus ou dieux représentés. Des inscriptions pétroglyphes sont gravées sur le dos des Moaï.

Mythologie

Lorsque les Européens sont arrivés dans l'île, ils ont décrit des rituels liées au culte de Make-make, dieu qui ressemble à un homme, avec une tête de sterne noir de l'île de Pâques nommé Manutara ou Mahoké. Une cérémonie annuelle avait lieu dans le sanctuaire d'Orongo à l'extrémité sud-ouest de l'île : les représentants des clans devaient sauter depuis une falaise en surplomb d'une dizaine de mètres et nager sur une sorte de planche composée de roseaux totora jusqu'à l'îlot Motu Nui, pour y arriver en même temps que les sternes venus nidifier. Là ils prenaient leurs quartiers dans différents secteurs de l'îlot et attendaient la ponte du premier œuf de Mahoké. Celui qui le trouvait et le rapportait intact à Orongo intronisait pour l'année le Tangata manu, l'homme-oiseau qui arbitrait la répartition des ressources entre les clans. Ce n'était pas une compétition mais un rituel religieux : c'est Make-make qui désignait lui-même le Tangata manu par le biais de la femelle sterne pondant la première, dans le secteur de tel ou tel clan, et c'est seulement si le nageur de ce clan ne parvenait pas à ramener intact l'œuf de Mahoké que le second, ou le troisième et ainsi de suite, ramenaient leurs œufs vers Orongo, mais la légitimité du Tangata manu était alors moindre, et ses décisions plus discutables. Leur mythologie est décrite par Irina Fedorova, première à avoir consacré une monographie à ce sujet.
Ce culte n'avait rien à voir avec celui des ancêtres, représentés par les Moai, qui avait déjà cessé à l'époque depuis assez longtemps pour que carrières, statues, maraes et ahus soient enfouis dans la terre et dans la végétation.
Après la catastrophe démographique et culturelle de 1861 qui a fait disparaître le culte de Make-make, l'Église catholique envoie sur l'île Eugène Eyraud, un mécanicien français qui a décidé de se consacrer à l'évangélisation rejoint en 1866 par un prêtre également français : Hyppolite Roussel, qui se trouvait auparavant en fonction aux îles Marquises. Tous deux créent la Mission catholique. Deux autres missionnaires arrivent en novembre 1866 avec des animaux et du matériel. La Mission catholique dépend du vicariat apostolique des îles de Tahiti jusqu'à ce que l'église pascuane soit rattachée à celle du Chili en 1911. Ainsi, c'est la France qui a christianisé l'île de Pâques, sans difficultés étant donné que la population d'origine, adepte de Make-make, avait presque disparu, et que les Polynésiens de Rapa, venus la remplacer, étaient déjà en grande partie chrétiens.

Les ahu

Les lignages principaux construisent une plate-forme monumentale, ahu en bordure de mer. Le grand axe de ce monument est en général parallèle au rivage ; sa longueur peut atteindre 150 mètres et sa hauteur 3 mètres. La construction d'un grand ahu nécessite la mise en œuvre de milliers de mètres cubes de matériaux et représente un effort collectif supérieur à celui de la sculpture, du transport et de l'érection des statues géantes moai, ouvrages les plus ostentatoires de la compétition entre les lignages.
En neuf ou dix siècles, près de trois cents plates-formes de toutes dimensions et de types divers ont été édifiées autour de l'île. Leur morphologie permet de distinguer deux grandes périodes : celle des Ahu moai, depuis le peuplement de l'île jusqu'à 1680, et la période Huri moai statues renversées, de 1680 à 1868. Aux plates-formes de la période Ahu moai, comportant souvent des pierres de plusieurs tonnes, sont associées de petites enceintes contenant les restes de crémation des défunts ; une centaine d'ahu portent alors une ou plusieurs statues. Lors de la seconde période, aucune statue n'est transportée ; celles qui sont en place tombent ou sont abattues volontairement. Les ahu construits alors sont du type semi-pyramidal ; leurs pierres les plus grosses peuvent être déplacées par deux hommes ; ils contiennent des loges où sont placés les ossements non calcinés des ancêtres. Les ahu de la période précédente sont réaménagés selon ce nouveau dispositif funéraire.

Les tablettes rongorongo et les pétroglyphes

D’autres interrogations portaient sur le sens des plaquettes de bois couvertes de signes, les tablettes Rongo-Rongo, ainsi nommées d’après le lieu de culte Orongo et qui restèrent énigmatiques durant des années, d’autant qu’on les pensait uniques dans la sphère culturelle polynésienne. Outre ces plaquettes, les premières civilisations pascuanes ont laissé des sculptures en bois et des pétroglyphes dont la signification précise est perdue, mais dont les répétitions de symboles, par exemple : oiseau-pénis-poisson-vulve-humain ont été rapprochées des refrains traditionnels dans les hymnes généalogiques polynésiens, les oiseaux ont copulé avec les poissons et ainsi ont été engendrés les premiers hommes. Elles ont fait l'objet d'un décodage par l'ethnographe russe Irina Fedorova.

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Posté le : 03/04/2015 19:35
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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