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Alain Robbe Grillet
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Le 18 Août 1922 à Brest naît Alain Robbe-Grillet,

un romancier et cinéaste français.
Considéré avec Nathalie Sarraute comme le chef de file du nouveau roman, il a été élu à l'Académie française le 25 mars 2004 sans être reçu.
Son épouse est la romancière Catherine Robbe-Grillet, dont le nom de plume est Jeanne de Berg

Tout au long d'un demi-siècle, Alain Robbe-Grillet aura été, dans le monde des lettres et de la culture françaises, le plus constant des trublions.
Dès son entrée en littérature, cet ingénieur agronome saisi par l'écriture suscita des rejets violents et même haineux. Certains allaient jusqu'à voir en lui un malade mental, voire un assassin parce qu'il projetait d'en finir avec l'héritage romanesque du XIXe siècle.
De plus, il n'agissait pas seul.
Il se voulait le fédérateur et le porte-parole d'un groupe informel d'écrivains fort divers, mais réunis par une réflexion commune sur la forme romanesque et la même volonté de lui faire subir une révolution esthétique comparable à celles opérées en musique par le dodécaphonisme et en peinture par la non-figuration.
Il s'agissait pour eux de mettre un terme à un réalisme et à un psychologisme quasi inchangés depuis Balzac et d'inventorier des modes d'écriture n'aboutissant pas à des histoires.
D'où leur nom de nouveaux romanciers et l'appellation de Nouveau Roman.
Le temps a passé.
Par la force et la cohérence de leurs démarches, les nouveaux romanciers ont peu à peu créé leur public et atteint la renommée.
Claude Simon a obtenu le prix Nobel ; Nathalie Sarraute est publiée dans La Pléiade.
Robbe-Grillet, quant à lui, s'est très tôt imposé au Japon et surtout aux États-Unis, où il a beaucoup enseigné, comme le représentant le plus emblématique et le plus médiatique d'une littérature française moderne, à la fois chic et libertaire.
Le succès remporté à l'étranger lui a valu du coup le respect de la France, où on l'a même admis sous la Coupole. Mais il a su garder une distance ironique vis-à-vis des institutions et éviter toutes sortes de récupération.
Jusqu'à sa mort, le 18 février 2008, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans, il sera resté littérairement incorrect et même un peu sulfureux.Le récit en miettes
Rien ne laissait prévoir la vocation littéraire d'Alain Robbe-Grillet.


Sa vie

Il naît à Brest le 18 août 1922, Petit-fils d’instituteur, Alain Robbe-Grillet fait ses études à Paris. Diplômé de l’Institut national d’agronomie en 1945, il est chargé de mission à l’Institut national de la statistique, 1945-1948, puis est nommé ingénieur agronome à l’Institut des fruits et agrumes coloniaux – expérience qui le conduit au Maroc, en Guinée, à la Guadeloupe et à la Martinique 1949-1951.
Après un premier roman refusé par les éditeurs, "Un régicide", 1949, publié en 1978, il démissionne de l’Institut pour se consacrer à l’écriture. De retour en France métropolitaine, fait ses études supérieures à Paris, devient ingénieur agronome, travaille à l'Institut national des statistiques, puis dans un institut de recherche sur les produits tropicaux.
Il séjourne alors au Maroc, en Guinée, à la Martinique, à la Guadeloupe et commence une étude sur les maladies de la bananeraie.
En fait, c'est à des tâches plus artistiques qu'il se livre : à la fin des années 1940, il écrit un premier roman, Un régicide, qui, refusé par diverses maisons d'édition, ne sera publié qu'en 1979.

La parution des Gommes 1953, du Voyeur en 1955, et celle, concomitante, des premières fictions importantes de Claude Simon, de Robert Pinget et de Michel Butor, publiés aux éditions de Minuit, jeune maison qui pariait sur des auteurs que les grands de l'édition avaient refusés donnèrent naissance à une nouvelle Querelle des Anciens et des Modernes et scindèrent le monde littéraire français en deux camps opposés.
Du côté de la tradition, François Mauriac, Pierre de Boisdeffre ou Émile Henriot, l'influent critique du Monde, qui suggère d'interner Robbe-Grillet à Sainte-Anne.
Du côté des gilets rouges, Maurice Blanchot "La Clarté romanesque", Roland Barthes " Littérature objective" ou Gérard Genette "Vertige fixé".
Dans cette lutte organisée autour d'un prétendu mouvement littéraire, Robbe-Grillet est la cible privilégiée.
Que lui reproche-t-on ?
Tout d'abord d'évacuer de ses textes la psychologie et l'humanisme pour accorder l'omniprésence aux lieux et aux choses, restitués avec la méticulosité d'un médecin légiste, dans de minutieuses descriptions, où parle le seul regard, arrêté, dit Barthes, comme sur une "résistance optique" : il s'agit d'une réalité strictement matérielle, neutre, sans ouverture ni référence à quelque sens ou quelque symbolique subjective, dans laquelle il n'y a ni héros, ni antihéros, ni même personnage principal, mais de simples poseurs de voix ou de regard. N'est-ce pas pourtant porter à l'extrême une recherche inaugurée par un écrivain apparemment classique comme Flaubert ?
"On nous présentait, dit Robbe-Grillet, comme surgis du néant pour chasser l'homme de la littérature, chasser l'auteur de son livre, remplacer les êtres humains par les choses, alors que nous nous réclamions d'auteurs très célèbres, mais sans doute peu lus".
Deuxième point sur lequel on incrimine Robbe-Grillet :
l'indétermination chronologique dans laquelle il place ses fictions et qui nuit, pour beaucoup, à l'intelligibilité qu'ils attendent d'un récit.
Mais, là encore, le romancier ne fait que pousser à la limite un travail déjà accompli par Proust ou par Joyce.
Ces références à de tels écrivains montrent bien que le projet de Robbe-Grillet ne réside pas dans l'iconoclasme, mais dans la poursuite logique de démarches entamées avant lui. Abusivement tenu pour un auteur technocratique ou laborantin, Robbe-Grillet récuse ces étiquettes et proclame dans son essai Pour un nouveau roman (1963) : "Je ne suis pas un théoricien du roman." Ou encore : "Le Nouveau Roman ne vise qu'à une subjectivité totale".
Quel est donc, par-delà les mauvais procès,
l'intention artistique de Robbe-Grillet ? Déstructurer le récit, supprimer le personnage, certes, mais de quelle façon ? Tout simplement en instaurant la discontinuité, en créant des îlots de sens non reliés entre eux, en établissant une sorte de puzzle où manquent certaines pièces.
Il ne s'agit pas là de donner vie à l'impossible utopie flaubertienne du "livre sur rien", mais d'employer un certain matériel littéraire fait de séquences narratives disjointes, de noyaux thématiques, de stéréotypes culturels à partir duquel se construit, de manière inédite, le travail sur le sens.
Ce matériel, Robbe-Grillet va l'emprunter dans une première période aux poncifs d'une certaine littérature psychologico-humaniste, dérivée de Sartre et de Camus.
Tout comme La Nausée ou L'Étranger, ses premiers titres sont de simples substantifs.
On perçoit ainsi des clins d'œil à l'assassinat absurde et à Camus dans Un régicide ; "à l'irruption de la tragédie grecque dans le roman policier"selon la définition que donnait Malraux de Sanctuaire de Faulkner dans Les Gommes ; à Proust et au descriptif de troubles paranoïaques dans La Jalousie en 1957 ; à Dostoïevski et à la psychologie du pervers dans Le Voyeur ; à Kafka, à l'errance, à la déréliction avec Dans le labyrinthe en 1959.

Une littérature au troisième degré

À compter de cette date, Robbe-Grillet va radicalement changer la nature des formants narratifs à partir desquels il opère ses montages textuels.
Coupant court avec un matériel devenu trop propice aux récupérations critiques et aux réductions de sens, délaissant l'arsenal à pièges de la littérature dite des profondeurs, il trouve, dans une vulgate sado-érotique faite d'obsessions personnelles, de fantasmes stéréotypés et de mythologies populaires, les nouveaux éléments de construction de ses textes.
Débute alors ce qui sera une véritable tétralogie : La Maison de rendez-vous en 1965, Projet pour une révolution à New York en 1970, Topologie d'une cité fantôme en 1975 et Souvenirs du Triangle d'or en 1978.
Ces quatre romans emploient une même toile de fond : les paysages urbains abstraits, un environnement empreint d'une violence quelque peu elliptique, des maisons réservées à des usages particuliers, des molosses dressés à des fins curieuses, des enlèvements d'innocentes nymphettes, les expériences spéciales de médecins fous, parents de Mabuse ou de Caligari : bref toute une liaison de thèmes érotiques et d'agencements textuels qu'André Gardies a baptisés du nom d érotuelles.
Ces mêmes éléments se retrouvent dans la création cinématographique de Robbe-Grillet.
Celui-ci, scénariste d'Alain Resnais dans L'Année dernière à Marienbad, a réalisé de nombreux films :
L'Immortelle (1963), Trans-Europ-Express (1967), L'homme qui ment (1968), L'Eden et après (1970), Glissements progressifs du plaisir (1974), Le Jeu avec le feu (1975) et La Belle Captive (1983). Films auxquels leur montage savamment agencé n'ôte pas une malice primesautière qui n'est pas loin, parfois, de la gaudriole.
Ceci n'est pas faire injure à Robbe-Grillet.
Révolutionnaire jovial, iconoclaste facétieux, il n'a jamais sombré dans l'esprit de sérieux.
Simplement, son humour est toujours à prendre au deuxième ou au troisième degré et présuppose, de la part du lecteur, quelques connaissances livresques.
La meilleure preuve de sa fantaisie est qu'il ne s'est jamais laissé engluer dans de pontifiantes redites.
Djinn 1981 – compose un savoureux autopastiche en même temps qu'un pot-pourri de tous les éléments thématiques entrant, à titre d'ingrédients, dans l'alchimie de ses compositions narratives.
Autre renouvellement : sous le titre général de Romanesques, l'écrivain donne une trilogie d'inspiration autobiographique Le miroir qui revient, 1985 ; Angélique, ou l'Enchantement, 1988 ; Les Derniers Jours de Corinthe, 1994 qui multiplie les jeux de miroirs et mêle à plaisir l'espace du récit et celui du souvenir.
En 2001, Robbe-Grillet revient au roman et livre peut-être le plus malicieux de ce qu'il appelle ses "petits travaux".
La Reprise désigne la tentative toujours recommencée du narrateur, un agent secret envoyé en mission dans le Berlin en ruines de l'après-guerre, pour rendre compte d'une réalité qui lui échappe.
Sans cesse forcé de "reprendre" ou de "repriser" son récit, celui-ci ne fait que se répéter, mais en distribuant ses paramètres de façon différente. L'action reste la même, mais se déroule dans d'autres lieux, selon une autre chronologie, avec des personnages changeant d'identité ou de rôle.
La Reprise, c'est aussi le désir de l'auteur de reprendre des éléments empruntés à l'ensemble de ses récits, qu'ils soient du côté de Kafka ou du côté de chez Sade, et de "les faire travailler sans des directions, des combinaisons nouvelles, le livre naissant devenant ainsi une sorte d'archi-texte qui contiendrait à la limite tous les textes précédents".
Ce même souci de rassemblement se retrouve, la même année, dans Le Voyageur, ouvrage qui réunit la majeure partie des articles et des interviews de Robbe-Grillet.
À l'approche de ses quatre-vingts ans, celui-ci n'avait donc rien perdu de son rayonnement et de sa force créative.
Aussi certains membres de l'Académie française, désireux de rénover l'image de la vieille institution, lui suggèrent-ils de se présenter sous la Coupole.
Il accepte, mais refuse, s'il est élu, d'étre reçu en grand apparat et de porter l'habit vert ; devenu académicien en 2004, il n'occupera donc jamais son fauteuil. Comme si cette irrévérence ne lui suffisait pas, il publie en 2007, sous le titre trompeur d'Un roman sentimental, le plus pornographique de ses livres.
Vendu sous cellophane avec des pages non coupées, ce conte de fées pour adultes est avant tout un catalogue de viols, de sévices et de tortures, une sorte d'avatar moderne des 120 journées de Sodome.
Délire ? Farce ? Ultime pirouette ? Un peu de tout cela sans doute.
Ce qui est sûr, c'est que Robbe-Grillet restait bien le plus malicieux et, au fond, le plus énigmatique des provocateurs.

L’octogénaire provocateur

Parallèlement à son œuvre littéraire, Robbe-Grillet s’est également consacré au cinéma. Scénariste et dialoguiste du film d’Alain Resnais, l'Année dernière à Marienbad Lion d’or au festival de Venise en 1961, il tourne son premier long-métrage en 1963 : l'Immortelle reçoit le prix Louis-Delluc. Dans ses autres réalisations, Trans-Europ-Express, 1966 ; l'Homme qui ment, 1968 ; l'Eden et après, 1969 ; Glissements progressifs du plaisir, 1973 ; le Jeu avec le feu, 1974 ; la Belle Captive, 1983 ; Un bruit qui rend fou, en collaboration avec Dimitri De Clercq, 1995 ; C’est Gradiva qui vous appelle, 2006, on retrouve la même esthétique que celle qui parcourt l’œuvre écrite, une esthétique du regard où se déploient fantasmes érotiques et violences obsessionnelles.
Élu en 2004 à l’Académie française, Robbe-Grillet s’est toujours refusé à porter l’habit vert des académiciens. Provocateur et polémiste, il n’a pas souhaité être reçu sous la Coupole, et n'a d'ailleurs pas prononcé l’éloge de son prédécesseur, Maurice Rheims, comme l'exige la coutume.

Il s’est éteint à l’âge de 85 ans des suites d’une crise cardiaque, après être revenu sur son parcours dans Préface à une vie d’écrivain (2005) – recueil formé d’entretiens radiophoniques pour France-Culture – et après avoir donné un dernier livre sulfureux et controversé, Un roman sentimental (2007).

Jusqu'à sa mort, le 18 février 2008, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans, il sera resté littérairement incorrect et même un peu sulfureux.


Œuvres littéraires


Romans

Un régicide (1949)
Les Gommes (1953, Prix Fénéon)
Le Voyeur (1955) reçoit le Prix des Critiques
La Jalousie (1957)
Dans le labyrinthe (1959)
La Maison de rendez-vous (1965)
Projet pour une révolution à New York (1970)
Topologie d'une cité fantôme (1976)
Souvenirs du triangle d'or (1978)
Djinn (1981)
La Reprise (2001)
Un roman sentimental5 (2007)

Nouvelles

Instantanés (1962)

Fictions à caractère autobiographique


Le Miroir qui revient (1985)
Angélique ou l'Enchantement (1988)
Les Derniers Jours de Corinthe 1994

Essais et divers

Pour un Nouveau Roman (1963)
Le Voyageur, essais et entretiens (2001)
Entretiens avec Alain Robbe-Grillet, par Benoît Peeters, DVD vidéo, Les Impressions Nouvelles, (2001)
Préface à une vie d'écrivain6 (2005)
La Forteresse, scénario pour Michelangelo Antonioni, (2009)

Filmographie

Réalisateur

1963 : L'Immortelle
1966 : Trans-Europ-Express
1968 : L'Homme qui ment
1971 : L'Eden et après
1971 : N. a pris les dés...
1974 : Glissements progressifs du plaisir
1974 : Le Jeu avec le feu
1983 : La Belle Captive
1995 : Un bruit qui rend fou, co-réalisé avec Dimitri de Clerq
2007 : C'est Gradiva qui vous appelle

Scénariste

1961 : L'Année dernière à Marienbad d’Alain Resnais
1969 : Les Gommes de Lucien Deroisy
1971 : La Jalousie de Klaus Kirschner (TV)
1994 : Taxandria, de Raoul Servais
2010 : Campana de la noche, de Michael Mills


Liens écouter regarder :
http://youtu.be/NraQDi3nNX4 A.Robbe Grillet chez B. Pivot
http://youtu.be/3MA9vNDm-oE Le style





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Posté le : 18/08/2013 14:54
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Honoré de Balzac 2
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Œuvres Historique des éditions

Traduction anglaise (1901) des œuvres d’Honoré de Balzac.
Balzac a été publié chez de nombreux éditeurs. Par ordre chronologique, on peut citer les éditions Levasseur et Urbain Canel (1829), Mame-Delaunay (1830), Gosselin (1832), Madame Charles-Béchet (1833), Werdet (1837), Charpentier (1839).
Une édition illustrée de Charles Furne (20 vol., in-8°, de 1842 à 1852) a réuni l’intégralité de la Comédie humaine en association avec Houssiaux, puis Hetzel, Dubochet et Paulin.

Principaux ouvrages

Les Chouans, 1829
La Peau de chagrin, 1831
Le Chef-d'œuvre inconnu, 1831
Le Colonel Chabert, 1832
Le Médecin de campagne, 1833
Eugénie Grandet, 1833
Histoire des Treize, comprenant :
Ferragus, 1833
La Duchesse de Langeais, 1833, 1839
La Fille aux yeux d'or, 1835

Liste des œuvres selon la bibliographie d'Hugo P. Thieme (1907)

La Recherche de l'absolu, 1834, 1839, 1845
Le Père Goriot, 1835
Le Lys dans la vallée, 10 juin 1836
La Vieille Fille, 1836
César Birotteau, 1837
La Maison Nucingen, 1838
Les Secrets de la princesse de Cadignan, 1839
Béatrix, 1839
Illusions perdues (I, 1837; II, 1839; III, 1843)
La Rabouilleuse, 1842
Modeste Mignon, 1844
La Cousine Bette, 1846
Le Cousin Pons, 1847
Splendeurs et misères des courtisanes, 1838, (Werdet), 1844-1846, (Furne), 1847 (Furne)
Ursule Mirouët, 1842, (Souverain), 1843, (Furne)

Œuvres de Balzac

La Comédie humaine
Études de mœurs
Scènes de la vie privée
La Maison du chat-qui-pelote, 1830, (Mame-Delaunay), 1839, (Charpentier), 1842 (Furne)
Le Bal de Sceaux, (idem)
La Bourse, 1830, (Mame-Delaunay), 1835, (Béchet), 1839, (Charpentier), 1842 (Furne)
La Vendetta, (idem)
Madame Firmiani, 1832, (1er éd. Gosselin), 1835, (éd Béchet), 1839, (Charpentier) 1842, (Furne)
Une double famille, 1830, (1er éd.), 1842 (Furne)
La Paix du ménage, 1830, (1er éd.), 1842, (5e éd. Furne)
La Fausse maîtresse, 1842, (1er éd. Furne)
Étude de femme, 1831, (1er éd. Gosselin, 1842, (4e éd. Furne)
Albert Savarus, 1842, (1er éd. Furne)
Mémoires de deux jeunes mariées
Une fille d'Ève
La Femme abandonnée, 1833, (1er éd. Béchet)
La Grenadière
Le Message (1833) éditions Mame-Delaunay
Gobseck, 1830, (1re édition), 1842 (Furne)
Autre étude de femme, 1839-1842
La Femme de trente ans, 1834 (éd. Charles-Béchet), 1842 (Furne)
Le Contrat de mariage, 1835, (1er éd.), 1842, (Furne-Hetzel)
la Messe de l'athée, 1836
Béatrix, 1839
La Grande Bretèche, 1832, 1837, 1845
Modeste Mignon, 1844
Honorine
Un début dans la vie, 1844 (1er éd.), 1845 (Furne).
Scènes de la vie de province
Ursule Mirouët
Eugénie Grandet, 1833
Pierrette
Le Curé de Tours, 1832
La Rabouilleuse, 1842
Un ménage de garçon, 1842
L'Illustre Gaudissart, 1833 et 1843
La Muse du département
Le Lys dans la vallée, 1836
Illusions perdues, 1836 à 1843 comprenant :
Les Deux poètes, (1837)
Un grand homme de province à Paris, (1839)
Ève et David, 1843 (les Souffrances de l’inventeur)
Les rivalités
La Vieille Fille, 1836
Le Cabinet des Antiques, 1839
Scènes de la vie parisienne
Histoire des Treize, comprenant :
Ferragus, 1834
La Duchesse de Langeais, 1834, 1839
La Fille aux yeux d'or, 1835
Le Père Goriot, 1835
Le Colonel Chabert, 1835
Facino Cane, 1837
Sarrasine, 1831
L'Interdiction, 1836
César Birotteau, 1837 (Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau)
La Maison Nucingen, 1838
Pierre Grassou
Les Secrets de la princesse de Cadignan
Les Employés ou la Femme supérieure
Splendeurs et misères des courtisanes, 1838, (Werdet), 1844-1846, (Furne)
Dans les parents pauvres (classement)
Le Cousin Pons, 1847
La Cousine Bette, 1846
Un prince de la bohème
Un homme d'affaires (Esquisse d'homme d'affaires d'après nature)
Gaudissart II
Les Comédiens sans le savoir
Scènes de la vie politique
Un épisode sous la Terreur
Une ténébreuse affaire
Z. Marcas
L'Envers de l'histoire contemporaine
Scènes de la vie militaire
Les Chouans, 1829
Une passion dans le désert
Scènes de la vie de campagne
Le Médecin de campagne, 1833
Le Curé de village, 1841
Le Lys dans la vallée, 1836
Études philosophiques
La Peau de chagrin, 1830, 1834, 1837, Furne : 1846
Jésus-Christ en Flandres
Melmoth réconcilié, suite de Melmoth, l’homme errant, roman gothique de Charles Robert Maturin
Le Chef-d'œuvre inconnu, 1831, 1837, (Furne : 1846)
La Recherche de l'absolu, 1834, 1839, 1845
Massimilla Doni
Gambara
Les Proscrits, 1831176
Louis Lambert
Séraphîta
L'Enfant maudit
Les Marana
Adieu !, 1830
Le Réquisitionnaire
El Verdugo
Un drame au bord de la mer, 1834, 1835, 1843, 1846
L’Auberge rouge
L'Élixir de longue vie, 1831, 1834, 1846
Maître Cornélius, 1832, 1836, 1846
Sur Catherine de Médicis, 1836-1844

Études analytiques

Physiologie du mariage, 1829 (Levasseur), 1846, (Furne)
Petites misères de la vie conjugale
Pathologie de la vie sociale comprenant
Traité de la vie élégante
Théorie de la démarche
Traité des excitants modernes


Ébauches rattachées à la Comédie humaine

Les ébauches rattachées à la Comédie humaine sont des contes, nouvelles, fragments d’histoire ou des essais qui permettent de reconstituer le parcours littéraire d’un auteur prolifique et d’en éclairer les zones d’ombre.
En cela, elles ont une valeur historique importante, et parfois, une valeur littéraire inattendue.
Mais c’est surtout par ce qu’elles nous apprennent de Balzac et de sa manière d’écrire qu’elles sont précieuses.
L’ensemble de ces manuscrits éparpillés à la mort de l’auteur ont pu être réunis grâce au patient travail de collectionneur du vicomte Charles de Spoelberch de Lovenjoul, et après lui aux "archéologues littéraires" qui ont travaillé à remettre en ordre et à interpréter le sens de ces textes en cherchant ce qui les rattachaient à la Comédie humaine.
Ils ont d’abord été rassemblés en 1937 par Marcel Bouteron (huit textes), puis Roger Pierrot en 1959 (dix textes), Maurice Bardèche.
Beaucoup de ces textes étaient restés inédits du vivant de l’auteur, d’autres avaient été publiés179.
En 1950, lors du centenaire de la mort de Balzac, deux textes furent édités séparément : la Femme auteur et Mademoiselle du Vissard.
Et de nouveau la Femme auteur et d’autres fragments de la Comédie humaine.
L’ensemble étant publié dans un tome complémentaire de la Pléiade. Pratiquement toutes les ébauches mises à jour ont été successivement publiées par Maurice Bardèche dans les Œuvres complètes de Balzac, puis en 1968 par Roger Pierrot et J. A. Ducourneau, en respectant les divisions de la Comédie humaine que Balzac avait donné aux vingt-cinq textes et que La Pléiade a également respectées.

Publiés après la mort de l’écrivain

Les Paysans (inachevé)
Le Député d'Arcis (inachevé), terminé et publié en 1854 par Charles Rabou, selon la promesse qu’il avait faite à Balzac peu avant sa mort.
Le texte se compose de trois parties :
L'Élection 1847
Le Comte de Sallenauve (inachevé), terminé et publié par Charles Rabou en 1856
La Famille Beauvisage, 1854-1855
Les Petits bourgeois de Paris (inachevé), terminé et publié par Charles Rabou en 1856-1854

Divers

La Comédie du diable, 1831
Les Cent contes drolatiques, 1832 - 1837.
La Belle Impéria, (conte satirique).
Le Péché véniel, (idem).
La Chière nuictée d'amour, (idem)
Contes bruns, 1832 en participation avec Philarète Chasles et Charles Rabou
Peines de cœur d'une chatte anglaise et autres Scènes de la vie privée et publique des animaux - Études de mœurs. 1844 et 1845. Éditions Hetzel.
Voyage d'un moineau de Paris à la recherche du meilleur gouvernement (signé George Sand, mais écrit par Balzac).
Les Amours de deux bêtes (Balzac).
Guide-âne à l'usage des animaux qui veulent parvenir aux honneurs, (Balzac)
Voyage d'un lion d'Afrique à Paris
Essai sur l'argot, 1844 inséré dans la quatrième partie de Splendeurs et misères des courtisanes.
Voyage de Paris à Java, 1832.
La Chine et les chinois, 1842.
Œuvres de jeunesse
Sténie, 1819
Falthurne, 1822
Clotilde de Lusignan, 1823
Annette et le criminel, 1824
Le Vicaire des Ardennes, 1822
le Centenaire ou les Deux Beringheld,1824
L'Héritière de Birague, 1822
Wann-Chlore, 1825


Postérité de l’auteur et de son œuvre

Après l’acharnement contre Balzac de la presse, de la critique, et d’universitaires qui poursuivront leur dénigrement après la mort de l’auteur (notamment Émile Faguet), La Comédie humaine est saluée comme un chef-d’œuvre par les plus grandes plumes.
Dans les premiers à prendre la défense de Balzac, on compte Jules Barbey d'Aurevilly qui écrit en 1857 dans Le Pays :
"Pour tout dire en un mot, il restera prouvé qu’en hachant n’importe où, une page de Balzac, en tronquant cet ensemble merveilleux d’une page, on aura, avec des teintes nouvelles et l’originalité la plus profonde, quelque chose comme les Caractères de La Bruyère, les Maximes de La Rochefoucauld, les Pensées de Vauvenargues et de Joubert, et les Aphorismes de Bacon".
Hippolyte Taine publie en 1865 une étude intuitive de La Comédie humaine, ainsi que plusieurs articles élogieux dans Le Journal des débats (février et mars 1858), et dès 1858 Balzac : sa vie, son œuvre, qui sera réédité en 1865 et 1901187, texte auquel Zola se réfèrera souvent, tout en prétendant le contester.
Il déclare dans Evénement qu’il est "l’humble disciple de Monsieur Taine".
Émile Zola, dès 1866, commence la publication de ses critiques intitulées Mes Haines où il fait l’éloge de La Comédie humaine.
Le 29 mai 1867, à Antony Valabrègue il écrit :
"Avez-vous lu tout Balzac ? Quel homme ! Je le relis en ce moment. Il écrase tout le siècle. Victor Hugo et les autres, pour moi, s’effacent devant lui".
Quant à La Comédie humaine, il la définit ainsi : "L’épopée moderne, créée en France, a pour titre la Comédie humaine et pour auteur Balzac".
Et encore : "Balzac est à nous, Balzac, le royaliste, le catholique a travaillé pour la république, pour les sociétés et les religions libres de l’avenir".
Roland Barthes compte aussi parmi les critiques enthousiastes de Balzac :
"Balzac, c’est le roman fait homme, c’est le roman tendu jusqu’à l’extrême de son possible. C’est en quelque sorte le roman définitif".
Félicien Marceau voit même une étrange similitude phonétique entre "En attendant Godot" de Samuel Beckett et "Le Faiseur de Balzac" :
"Godeau !… Mais Godeau est un mythe !… Une fable !… Godeau, c’est un fantôme… Vous avez vu Godeau ?… Allons voir Godeau ! (Balzac, Le Faiseur)".
Félicien Marceau de conclure :" … qui dira le mystérieux pouvoir des syllabes qui, à plus de deux cents ans de distance, fait écrire à Samuel Beckett : En attendant Godot, et à Balzac sa pièce Le Faiseur, où, pendant cinq actes, on ne fait qu’attendre Godeau194 ? ".
"Qu’on le veuille ou non, Balzac est le plus grand des romanciers français195 "
— Michel Lichtlé, 11 septembre 2008

Balzac et les artistes

Balzac et les écrivains de son temps
Article détaillé : Balzac face aux écrivains de son siècle.
Balzac avait peu d’ennemis parmi les grandes plumes de son époque, même si d’inévitables chamailleries éclataient parfois.
Ses seuls véritables ennemis étaient ceux que Boris Vian désignera comme des "pisse-copie", à savoir les critiques littéraires hargneux et impuissants tels Sainte-Beuve auquel Michel Polac attribue "la petite aigreur de l’écrivain raté qui le rend plus proche d’un critique de la NRF des années 20-40, que de ses contemporains196"
et qu’Angelo Rinaldi attaque avec humour dans l'Express du 16 décembre 1988.
D'après lui, l'auteur a pour idée fixe de décrire la société dans son entier, telle qu’elle est : avec ses parties vertueuses, honorables, grandes, honteuses, avec le gâchis de ses rangs mêlés, avec sa confusion de principes, ses besoins nouveaux et ses vieilles contradictions".


Les illustrateurs de Balzac

De nombreux peintres, caricaturistes ou illustrateurs ont enrichi les œuvres d’Honoré de Balzac depuis leur parution, dans des éditions multiples.

-Henri Monnier : le Curé de Tours
-Grandville et Paul Gavarni : Peines de cœur d'une chatte anglaise et Autres scènes de la vie privée et publique des animaux, éd. Hetzel en 1844 et 1845
-Célestin Nanteuil contribue huit dessins dans l’édition Furne de La Comédie humaine.
-Charles Huard : la Cousine Bette pour l’édition 1910
-Honoré Daumier : dessin pour Ferragus, Le Père Goriot et liste des illustrateurs de Balzac
-Louis Édouard Fournier : illustrations du Lys dans la vallée
-Édouard Toudouze : une dizaine de romans ou nouvelles
-Auguste Leroux : illustrations pour Eugénie Grandet, Ferroud 1911
- Collection Librairie des amateurs; Les 26 compositions d'Auguste Leroux, en texte et hors texte, dont un frontispice, ont été gravées sur bois en couleurs par Florian, Froment et Duplessis.
-Gustave Doré : 425 dessins pour les Cent contes drolatiques
-Daniel Hernandez, peintre péruvien : illustrations pour Le Curé de village, Illusions perdues, Le Médecin de campagne.
Albert Robida : illustrations pour les Cent contes drolatiques
-Oreste Cortazzo : dessins pour La Rabouilleuse, Le Député d'Arcis, Petites misères de la vie conjugale, Peines de cœur d'une chatte anglaise
-Pablo Picasso : Picasso et le Chef-d'œuvre inconnu. Ambroise Vollard proposa en 1921 à Picasso d’illustrer le Chef-d'œuvre inconnu de Balzac.
-L’histoire met en scène un vieux peintre de génie (Frenhofer) auquel Picasso, fasciné par le texte, s’identifia d’autant plus aisément que l’atelier de Frenhofer se situait rue des Grands Augustins.
-Peu de temps après la proposition de Vollard, Picasso allait louer lui-même un atelier au numéro 7 de cette même rue où il peindrait son chef-d’œuvre : Guernica.
-Pierre Alechinsky : le Traité des excitants modernes, 1989. Le livre, accompagné d’une postface de Michel Butor est publié par Yves Rivière.
-Pol Bury : La deuxième partie de Pathologie de la vie sociale, Théorie de la démarche, livre illustré en 1990
-Dai Sijie : Balzac et la Petite Tailleuse chinoise. Il est évoqué par Luo et le narrateur comme un dieu dans le temps de la rééducation de Mao Zedong.

Portraits de l’auteur Peintures représentant Balzac

Balzac par David d'Angers.
Portrait de Balzac par Louis Boulanger, 1829
Portrait de Balzac (vers 1825) attribué à Achille Devéria200,201
Portrait et médaillon par David d'Angers
Daguerréotype par Louis-Auguste Bisson
Portrait de Balzac lithographie par Pablo Picasso
Portrait de Balzac lithographie par Gen Paul

Sculptures Monument à Balzac Rodin

Des sculptures de Balzac ont été réalisées par Jean-Pierre Dantan, Auguste Rodin, Francesco Putinati, David d'Angers (buste de Balzac), Alexandre Falguière, statue de Balzac aujourd’hui avenue de Friedland à Paris202, et d'autres artistes203.
Vers la fin du xixe siècle la Société des gens de lettres passe commande d’une statue de Balzac à Henri Chapu qui meurt en juillet 1891, ne laissant qu’esquisses et ébauches du monument.
Émile Zola obtient alors que la commande soit confiée à Auguste Rodin le 14 août 1891.


Monument à Balzac (1891-1898), Le musée Auguste Rodin.

Rodin, ne connaissant pas Balzac, se livre à de nombreuses recherches. Il s’immerge dans la Comédie humaine, consulte archives et collections, produit des têtes des bustes, des nus. Jusqu’au moment où jaillit l’idée finale en observant l’une des figures de ses Bourgeois de Calais. Il s’ensuivra une polémique violente lors de la première présentation de l’œuvre qui fait scandale.
Malgré les articles élogieux d’Émile Zola, le sculpteur est en bute aux pires insultes.
La Société des gens de lettres désavoue Rodin et commande à Alexandre Falguière un "Balzac sans heurt".
Rodin emporte l’œuvre dans sa villa de Meudon et c’est là, que, quelques années plus tard, un jeune photographe allemand en découvrira la beauté, assurant les débuts de sa postérité. Ce n’est qu’en 1939 qu’un tirage en bronze fut érigé à Paris, boulevard Raspail.
Rodin écrivait en 1908 : "Si la vérité doit mourir, mon Balzac sera mis en pièces par les générations à venir. Si la vérité est impérissable, je vous prédis que ma statue fera du chemin. Cette œuvre dont on a ri, qu’on a pris soin de bafouer parce qu’on ne pouvait la détruire, c’est la résultante de toute ma vie, le pivot même de mon esthétique. Du jour où je l’eus conçue, je fus un autre homme.
On peut trouver d'autres sculptures monumentales de Balzac au XIXe siècle celle de David d'Angers pour la tombe de l'écrivain au cimetière du Père-Lachaise et au XXe siècle, celle que le sculpteur russe Zourab Tsereteli a offert à la ville d'Agde.
Balzac s'est lui-même passionnément intéressé à la sculpture en lui consacrant une nouvelle : Sarrasine où il montre ce qu'il y a de dangereux, (voire de mortel), dans cet art qui recrée l'être humain : "Contournable, pénétrable, en un mot profonde la statue appelle la visite, l'exploration, la pénétration; elle implique idéalement la plénitude et la vérité de l'intérieur; la statue parfaite selon Sarrasine, eût été une enveloppe sous laquelle se fût tenue une femme réelle (à supposer qu'elle-même fût une chef-d'œuvre) dont l'essence de réalité aurait vérifié et garanti la peau de marbre qui lui aurait été appliquée".


Balzac et le daguerréotype


L’apparition du daguerréotype touche à une question centrale des préoccupations artistiques.
En ce qui concerne la littérature, la possibilité de reproduire le réel à l'identique ne peut qu’attirer l’attention, mais aussi inquiéter, celui qui se vantait de faire "concurrence à l’état civil".
Mais si Balzac éprouve quelques craintes au sujet du daguerréotype, elles seront vites dissipées par son enthousiasme pour cette invention nouvelle, qu’il manifeste dans une lettre à Mme Hanska, et par son admiration pour Jacques Daguerre qu’il cite plusieurs fois dans la Comédie humaine, allant jusqu'à utiliser le mot "daguerréotyper" comme un verbe usuel.
Balzac n’est d’ailleurs pas le seul à attribuer des pouvoirs extraordinaires au daguerréotype. Théophile Gautier, adepte comme lui de sciences occultes, et Gérard de Nerval, prêteront à l’invention de Niépce et Daguerre des vertus magiques et des rapports avec l’âme.

Films inspirés de l’œuvre de Balzac

Article détaillé : Films basés sur l'œuvre d'Honoré de Balzac.
Balzac n’a cessé d’être adapté à l’écran, télévision et cinéma depuis le début du XXe siècle. Anne-Marie Baron lui reconnaît d’ailleurs un certain talent de metteur en scène dans sa façon minutieuse de planter les décors, de décrire les costumes, et d’agencer les dialogues.

Adaptations musicales

-La Grande Bretèche, 1911- 1912. Opéra d'après Honoré de Balzac, par Albert Dupuis, édité en 1913 chez Eschig, Paris.
-La Belle Impéria, 1927 par Franco Alfano sous le titre Madonna Imperia, livret d'Arturo Rossato d'après un conte drolatique, opéra en 1 acte.
-Massimilla Doni, opéra en 4 actes (6 scènes), d'Othmar Schoeck texte d'Armin Rüeger selon la nouvelle du même nom d'Honoré de Balzac. Première représentation : 2 mars 1937, -Staatsoper Dresden.
-La Peau de chagrin, drame lyrique en quatre actes de Charles-Gaston Levadé, 1869-1948, livret de Pierre Decourcelle et Michel Carré.
-La Peau de chagrin, (Die tödlichen Wünsche), opéra de Giselher Klebe, 1959-1962.
-La Chatte anglaise, livret de l'opéra, en deux actes, tiré de la nouvelle de Balzac Peines de cœur d'une chatte anglaise, musique de Hans Werner Henze. Création mondiale au Festival de Schwetzingen en 1983, coproduction avec l’Opéra de Lyon en 1984.
-Gambara, théâtre musical d’Antoine Duhamel, livret de Robert Pansard-Bresson, 1978.

Idées politiques

Balzac, qui fut un romancier libéral sous la Restauration, mais qui fut favorable au droit d'aînesse en 1824, devient légitimiste, c'est-à-dire partisan de la branche aînée de la Maison de Bourbon en 1831.
En avant-propos de La Comédie humaine (1842), il déclare écrire "à la lumière de deux Vérités éternelles, la Religion et la Monarchie".
Partisan de la légitimité, il prône un pouvoir monarchique, seul capable de reconstituer selon lui une société organique.
Sa conception résulte d'une analyse du phénomène révolutionnaire et de ses conséquences : promotion de l'individu, atomisation du corps social, conflit des intérêts, rôle primordial de l'argent, pouvoir de la bourgeoisie.
Cependant, contrairement aux théoriciens contre-révolutionnaires, comme Louis de Bonald, il n'est pas théocrate.
Il tient compte d'une révolution irréversible, est critique à l'égard d'une aristocratie repliée sur elle-même.
Il veut un autoritarisme centralisé et l'alliance des classes, qui unirait le dynamisme énergétique et conquérant et la stabilité d'un conservatisme bien compris.

Balzac et ses contrefacteurs

Balzac est l’auteur du XIXe siècle qui a été le plus contrefait en Belgique, et c’est seulement après sa mort, en 1853, que fut signée entre la France et la Belgique une convention bilatérale garantissant réciproquement les droits des auteurs sur la protection de leurs œuvres.
D’après Robert Paul, créateur du Musée du Livre belge, la contrefaçon était née de l’absence de toute entente internationale pour la protection des œuvres de l’esprit. L’industrie qui en découlait et qui se développait en Hollande dès le XVIIe siècle consistait à reproduire et à lancer sur le marché européen des ouvrages récemment publiés à Paris. Comme le contrefacteur belge ne rémunérait pas les auteurs, il pouvait facilement concurrencer l’éditeur parisien.
Si la France lui demeurait fermée, il était libre d’inonder la Belgique, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie et même la Russie.
En 1836, trois contrefacteurs bruxellois, Wahlen, Hauman et Méline ont des dépôts en Allemagne et en Italie, à Kehl et jusqu’en Algérie.
Éditeurs et écrivains français protestent. Dès 1834, Honoré de Balzac a pris la tête du mouvement avec sa célèbre "Lettre aux écrivains français du XIXe siècle".
D’autres auteurs le suivront, jusqu’à ce qu’une convention franco-belge de 1853 vienne mettre un terme à cette pratique.
Actuellement, on peut encore trouver ces contrefaçons dans des librairies ou sur des sites de livres anciens de vente par correspondance :
-Physiologie du mariage, chez Meline, à Bruxelles, en 1834.
-Les Chouans, 1835 chez Hauman à Bruxelles, sous le titre "Le Dernier Chouan ou la Bretagne en 1800".
-Une autre chez Méline en 1837.
-Le Père Goriot histoire parisienne par Honoré de Balzac. Bruxelles, Meline, Cams et Compagnie, 1837. Imprimée deux ans après l’édition originale.
-La Peau de chagrin Bruxelles, Louis Hauman, 1831, paru à la date de l’édition originale.
-Le Lys dans la vallée.
-Les Employés ou La Femme supérieure paraît en juillet 1837, en quinze feuilletons quotidiens.
-Et la même année, trois contrefaçons.
-Un début dans la vie. 1842. Sous le titre le "Danger des mystifications".
-Plus trois contrefaçons la même année.
-La dernière incarnation de Vautrin, 1847. Bruxelles, Lebègue et Sacré fils.
La contrefaçon paraît un an avant l’édition française.
-Illusions perdues, "Un grand homme de province à Paris". 1839, parue la même année que l’édition originale de Paris.
-Nouvelles scènes de la vie privée. Bruxelles, Méline, 1832, contenant : "le Conseil, la Bourse, le Devoir d’une femme, les Célibataires, le Rendez-vous, La Femme de trente ans, le Doigt de Dieu, les Deux rencontres, l’Expiation".

L’affaire Octave Mirbeau

Voir le détail de "L’affaire Octave Mirbeau" sur la page de Ewelina Hańska.
Voir aussi la notice sur La Mort de Balzac.
Octave Mirbeau, écrivain et journaliste français, inséra dans son récit de voyage La 628-E8 trois sous-chapitres intitulés La Mort de Balzac, qui firent scandale par le comportement prêté à Ewelina Hańska pendant l'agonie de Balzac.
Sur la prière de la fille de Mme Hanska, il consentit à les faire retirer in extremis, alors que le volume était déjà imprimé.

L’affaire Radziwill

La princesse Catherine Radziwill, née Rzewuska le 30 mars 1858 à Saint-Pétersbourg, épouse d’un prince prussien Guillaume Radziwill, était la fille du frère cadet de Madame Hanska, le comte Adam Rzewuski.
Après avoir quitté son mari en 1899 pour une vie aventureuse qui la conduisit successivement en Angleterre, puis en Afrique du Sud où elle imita la signature de Cecil Rhodes, fondateur de la compagnie de diamants De Beers, elle se réfugia aux États-Unis.
Se réclamant de ses origines et de sa parenté avec Madame Hanska, donc avec Balzac, elle monnaye des lettres de Mme Hanska fabriquées de toutes pièces, dont les originaux lui auraient été inaccessibles à cause de l’arrivée au pouvoir des Soviets: Dix-sept lettres de Mme Hanska à son frère cadet, dans lesquelles la comtesse faisait des confidences très précises sur Balzac.
Elle se présente comme ayant passé son enfance sous le toit de Madame de Balzac, ce qui est impossible compte tenu de sa date de naissance (1858).
La supercherie est éventée en 1926 à Paris, à la parution chez Plon de la thèse de doctorat d’une jeune Américaine, Juanita Helm Floyd : les Femmes dans la vie de Balzac.
Le texte, préfacé et annoté par Catherine Radziwill comporte en appendice les dix-sept lettres fabriquées.
En outre la princesse publie un article où elle prétend avoir retrouvé les lettres que Mme Hanska avait demandé à Balzac de brûler.
Très vite la Revue politique et littéraire, plus connue sous le nom de Revue Bleue, trouve cette correspondance suspecte et Sophie de Korwin-Piotrowska, qui connaissait bien la famille Rzewuski, fait savoir que Mme Hanska n’avait aucune relation avec son frère cadet et qu’elle n’aurait eu aucune raison de lui parler d'un littérateur français qu’il désapprouvait.
Enfin on découvre dans le Gotha que la dernière adresse de la princesse Radziwill était en 1929 à Leningrad : 63, Ligowka ; et qu’elle n’était donc pas victime des Soviets comme elle l’avait affirmé pour être mieux accueillie en Amérique.

Les voyages de Balzac

Balzac a beaucoup voyagé : Ukraine, Russie, Prusse Autriche, Italie.
Le 13 octobre 1846, il assiste au mariage d'Anna Hańska, fille d'Ewelina Hańska, à Wiesbaden.
Mais bien peu de lieux, en dehors de Paris et de la province française, seront une source d’inspiration pour lui.
Seule l’Italie lui inspire une passion qu’il exprime dans de très nombreux écrits, notamment les contes et nouvelles philosophiques.
En Russie, c’est plutôt Balzac qui laissera ses traces en inspirant Dostoïevski.

L’Italie L’Arsenal de Venise.

Il aime l’Italie, cette "mère de tous les arts ", pour sa beauté naturelle, pour la générosité de ses habitants, pour la simplicité et l’élégance de son aristocratie, qu’il considère comme " la première d’Europe", pour le génie de ses musiciens dont Rossini.
Envoyé en 1836 à Turin par ses amis Guidoboni-Visconti, il découvre cette même année Milan où il est l’hôte du prince Porcia auquel il enverra en juin 1837 le manuscrit de Massimilla Doni, puis l’année suivante Venise, pays des merveilles.
Balzac ne tarit pas d’éloges sur ces splendeurs, et il place Lord Byron dans la catégorie des "hypocrites qui plaignent la décadence de Venise".
Honoré de Balzac est au contraire ébloui par la créativité italienne perçue via le Mosé et le Barbier de Séville de Rossini, qu’il rencontre à Bologne, et auquel il consacre deux nouvelles jumelles : Massimilla Doni et Gambara.
Il est également ébloui par les beautés de Florence, de Gênes, de Rome, par ses peintres, sculpteurs, architectes qui servent partiellement de cadre à Sarrasine et Facino Cane.
S’il a été enthousiasmé par la Chartreuse de Parme, c’est aussi parce que le roman de Stendhal offre des statues italiennes comparables à celles des jardins des grandes villas.
Un engouement que l’Italie lui rend bien puisqu’il y est accueilli à bras ouverts.
Même ses désastreux investissements dans les mines argentifères de Sardaigne ne le dégoûtent pas de ce pays.

La Russie

C’est au contraire avec un peu de méfiance qu’on le voit arriver à Saint-Pétersbourg en 1843 pour aider Madame Hanska dans une affaire de succession.
Sa réputation d’endetté l’a précédé.
À Paris déjà, lorsqu’il demande un visa, le secrétaire d’ambassade Victor de Balabine suppose qu’il va en Russie parce qu’il n’a pas le sou, et le chargé d’affaires russe à Paris propose à son gouvernement "d’aller au-devant des besoins d’argent de Monsieur de Balzac et de mettre à profit la plume de cet auteur, qui garde encore une certaine popularité ici, … pour écrire une réfutation du livre calomniateur de Monsieur de Custine".
Ce en quoi il se trompe.
Balzac ne réfutera pas Astolphe de Custine, non plus qu’il cherchera des subsides à Saint-Pétersbourg. Il n’est venu que pour voir madame Hanska.
Balzac est déjà très aimé et très lu en Russie. Le public le considère comme l’écrivain qui a "le mieux compris les sentiments des femmes".
Parmi ses admirateurs : un jeune homme qui se flatte d’avoir lu tout Balzac dès l’âge de seize ans et qui fait ses premiers pas en littérature en traduisant, en 1841, Eugénie Grandet : Fiodor Dostoïevski à qui ce roman va inspirer notamment Les Pauvres gens;

Distinctions

Honoré de Balzac figure sur une pièce de 10 € en argent édité en 2012 par la Monnaie de Paris pour représenter sa région natale, la Région Centre.

Liens à regarder, écouter


http://youtu.be/bNFxjs3El7Q le père Goriot
http://youtu.be/DZF7BV5qOVw le colonel chabert
http://youtu.be/stMpzUthQVk Eugénie Grandet 1
http://youtu.be/INMQ-48v3x0 Eugénie Grandet 2
http://youtu.be/cDJlR8zRnE4 Eugénie Grandet 3
http://youtu.be/be5MzbR_VQQ Eugénie grandet 4
http://youtu.be/JeAxuD84GDU Eugénie Grandet 5
http://youtu.be/HBt7iQaQ-Nw Eugénie grandet 6
http://youtu.be/n89WcnP5LiM La comédie Humaine

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Posté le : 18/08/2013 14:47
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Honoré de Balzac 1
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Le 18 Août 1850 disparaît Honoré De Balzac, monument de la littérature française.


La prodigieuse vitalité de cette vie aux multiples entreprises et au gigantesque travail littéraire se développe sur le terrain d'une famille bourgeoise représentative des ascensions de ce temps de mutations.
La famille du père, né Balssa, est une famille de paysans du Tarn. Le père, Bernard-François, petit clerc de notaire, monte à Paris à vingt ans et finit comme directeur des vivres aux armées.

La mère, née Laure Sallembier, appartient à une famille de passementiers-brodeurs parisiens. Quand Balzac naît à Tours le 20 mai 1799, le père a cinquante-trois ans et la mère vingt et un. Balzac est l'aîné de quatre enfants : Laure, la sœur bien-aimée, naît en 1800 ; Laurence en 1802 ; Henri-François en 1807, vraisemblablement fils naturel de M. de Margonne, le châtelain de Saché. Bachelier en droit, d'abord clerc de notaire et clerc d'avoué à Paris, Balzac décide, à vingt ans, de se consacrer à la littérature.
C'est en effet sa principale occupation de 1820 à 1824, puis de 1829 à 1848, deux ans avant sa mort. Mais, de 1824 à 1828, et pendant tout le reste de sa vie, parallèlement à l'œuvre littéraire, les entreprises de tout ordre se sont succédé. En 1825, l'édition. En 1826, l'imprimerie. En 1827, une société pour l'exploitation d'une fonderie de caractères d'imprimerie. C'est l'échec ; ce sont, déjà, les dettes. Après le retour à la littérature, les années 1829-1833 sont des années d'intense activité journalistique.
Des ambitions électorales se manifestent en 1831. En 1836, c'est l'entreprise malheureuse de la Chronique de Paris, revue éphémère. En 1838, désireux d'exploiter une mine argentifère, Balzac part pour la Sardaigne, mais, quand il arrive, la place est déjà prise. En 1839, il devient président de la Société des gens de lettres ; il milite pour tenter de sauver le notaire Peytel, accusé du meurtre de sa femme, et qui est condamné à mort par les assises de Bourg.
En 1840, il lance la Revue parisienne : c'est un échec. En 1848, il se porte candidat à la députation. Quant à ses candidatures à l'Académie française, elles sont toujours restées sans succès.
Les éléments marquants de sa vie personnelle ont été l'absence d'affection maternelle, l'amitié pour sa sœur Laure, la tristesse ressentie à la mort de sa sœur Laurence, à vingt-trois ans, après un mariage malheureux, l'irritation de voir Henri-François, le frère incapable, toujours adulé par la mère. On ne sait pas quelles informations précises Balzac a pu recueillir sur l'oncle paternel guillotiné à Albi pour l'assassinat d'une fille de ferme. Une longue amitié platonique le lie à Zulma Carraud. Ses amours ont été nombreuses, mais ce qui a surtout marqué sa vie, ce sont la liaison avec Laure de Berny, la Dilecta (de vingt-deux ans plus âgée), qu'il rencontre en 1822 ; la liaison avec la duchesse d'Abrantès (de quinze ans plus âgée), qu'il rencontre en 1825 ; le long roman avec l'Étrangère, Ève Hanska, riche propriétaire d'Ukraine, dont il reçoit une lettre, postée à Odessa, en 1832, qu'il rencontre pour la première fois à Neuchâtel en 1833, qu'il revoit ensuite épisodiquement pendant dix-sept ans, jusqu'au mariage en 1850, le 14 mars. Balzac meurt rue Fortunée, à Paris (aujourd'hui rue Balzac), à 11 heures et demie du soir, le 18 août.
Quand on essaie d'embrasser l'œuvre gigantesque, on est saisi par la variété de la production, qui n'est pas seulement romanesque, mais philosophique, théâtrale, journalistique, épistolaire, et par la masse des projets laissés dans les cartons, dont nous ne connaissons parfois qu'un titre. La plupart des manuscrits et des épreuves corrigées se trouvent à la bibliothèque Lovenjoul à Chantilly ; les ratures et les ajouts sont multiples et donnent l'impression d'une œuvre en extension perpétuelle, artificiellement interrompue.
L'histoire de la genèse de La Comédie humaine montre que l'unité organique de l'œuvre ne s'est réalisée que peu à peu, entre 1829 et 1848, pour une "illumination rétrospective", dit Proust.
Ainsi, on voit naître successivement les Scènes, les Études, le plan d'ensemble, la technique des personnages reparaissants, puis le titre.
Il est impossible de négliger l'insistante référence de Balzac à la philosophie et aux tenants des diverses sciences : naturalistes, physiciens, chimistes, théosophes, illuministes, mystiques... Mais il ne serait pas conforme à l'esprit de l'œuvre de s'en tenir à la doctrine : substance originelle ; homme extérieur et homme intérieur ; unité diversifiée ; vouloir, pouvoir, savoir, sinon pour ce qui favorise la coexistence des contraires.
La méthode proprement balzacienne privilégie la "spécialité", intuition spécifique.
Elle est à la fois analytique et synthétique, inductive et déductive, comparative et analogique. Elle se propose de tout voir, l'envers et l'endroit.
D'où la technique des contrastes, des contrepoints, de la coexistence.
L'histoire que Balzac s'est proposé de faire est surtout l'histoire d'une société : les deux bourgeoisies, l'aristocratie, la banque et la finance. Mais l'écrivain ne néglige jamais de faire voir comment l'individu vit l'histoire. Par ses silences et ses ellipses, le roman fait que le lecteur sonde les âmes et découvre des « souffrances inconnues ». En particulier les souffrances de l'abandon, les humiliations, les faiblesses secrètes. Dialogique, le roman balzacien interdit toute lecture unidimensionnelle.
C'est une œuvre "comi-tragique". Si bouffonnerie il y a, elle demeure pleine de charité.
Son œuvre gigantesque aux ambitions démesurées fait de Balzac l’écrivain le plus emblématique du roman français. Si l'auteur de la Comédie humaine passe pour l'un des initiateurs du réalisme en littérature à l'époque romantique, l'ambiguïté de son œuvre va bien au-delà de cette catégorie. Il est aussi celui qui inaugure une nouvelle forme de relation de la vie à l’œuvre, celui pour qui les événements vécus et l’aventure littéraire, de revers en triomphes, sont portés par le même élan.
Famille


Sa vie

Il est né le 20 mai 1799. Son père, Bernard-François Balzac, est d’origine paysanne, dans l’Albigeois. L'ascension sociale de ce dernier sera constante avant la Révolution puis sous l’Empire, de 1804 à 1814.
Bernard-François fait accoler une particule au nom "Balzac" en 1802.
Formation
Honoré étudie au collège de Vendôme (1807-1813), avant de devenir pensionnaire de l’institution Ganser à Paris (1813).
Il montre un intérêt certain pour la philosophie et fait des études de droit (1816-1819).
Début de carrière
En 1819, il s’essaie à la tragédie (Scylla, Cromwell) ; entre 1820 et 1825, il compose plusieurs "romans de jeunesse" sous divers pseudonymes : lord R’Hoone, Horace de Saint-Aubin.
Il devient imprimeur en 1826 mais fait faillite en 1828 et contracte de lourdes dettes.
Premiers succès
En 1829, le Dernier Chouan est le premier roman signé "M. Honoré Balzac", il signera "de Balzac" à partir de 1830. Il fréquente les salons à la mode. La Peau de chagrin (août 1831) et Eugénie Grandet (décembre 1833) lancent sa carrière d’écrivain. Il rencontre Mme Hanska, une comtesse polonaise admiratrice de son œuvre en septembre 1833.
La consécration :
le Père Goriot (1834-1835) inaugure le principe du retour des personnages d'un roman à l'autre. Élaboration d’un vaste univers romanesque, divisé en trois axes : Études de mœurs, Études philosophiques et Études analytiques. Le Lys dans la vallée (1835) et Illusions perdues (1837-1843) finissent de consacrer Balzac comme maître du réalisme.
Dernière partie de carrière
De 1842 à 1848, il édifie la Comédie humaine : un ensemble de romans formant une fresque de la société française de la Révolution (1789) à la fin de la monarchie de Juillet (1830-1848). Plus de 2 000 personnages composent une société hantée par le pouvoir de l’argent et de la presse, livrée à des passions dévorantes. En 1845, il élabore le plan d’ensemble de la Comédie humaine, lequel prévoit 137 titres (90 romans seront achevés).
Il épouse Mme Hanska le 14 mars 1850.

La vie de Balzac Jeunesse et milieu familial (1799-1806)

Balzac est né à Tours, où les hasards d'une carrière administrative avaient conduit son père, dans une famille de bourgeois à la fois nantis et incertains, quelque peu bohèmes, ayant eu richesse et puissance, mais, pour les avoir en partie perdues, restés toujours à l'affût, toujours en calculs et en spéculations.
Balzac n'était d'une terre et d'un milieu naturel que par hasard et tourangeau que d'occasion, alors que Chateaubriand était breton, alors que Péguy sera vraiment orléanais et Barrès lorrain : son enracinement, à lui, n'était pas provincial et terrien, mais social et politique ; c'était cette France nouvelle, décloisonnée, brassée par la Révolution, lancée aussi bien, un moment, dans une grande aventure collective, que, de manière plus durable, dans la ravageuse épopée de l'ambition.
Du côté paternel : la réussite d'un berger de l'Albigeois, parti à pied, devenu secrétaire du Conseil du roi puis ayant fait carrière comme directeur des vivres, à Tours puis à Paris, pour la première région militaire de France ; la tradition philosophique, le progressisme raisonné, un peu naïf ; la fierté d'avoir été, avec la Révolution et l'Empire, de cette classe d'hommes nouveaux et d'organisateurs qui avaient contribué à la libération d'une humanité fruste mais entreprenante et vigoureuse.
Du côté maternel : une lignée de commerçants, la bourgeoisie peu politisée de la rue Saint-Denis et sensible aux écus ; une jeune mal mariée, jetée pour des raisons de fortune à un quinquagénaire ; des liaisons, un fils adultérin, l'indifférence, voire la haine, pour les deux plus jeunes, Laurence et Honoré, « enfants du devoir » ; des soucis de respectabilité ; des souffrances réelles aussi.

La formation d'un jeune philosophe (1807-1818 Les Illusions perdues

De huit à quatorze ans, Honoré est pensionnaire du collège des oratoriens de Vendôme, où il se livre à une débauche de lectures, se passionne pour les idées et la philosophie, et sans doute commence quelque chose qui ressemblait à ce Traité de la volonté dont il devait parler dans la Peau de chagrin et dans Louis Lambert.
À la fin de l'année 1813, il découvre la vie parisienne. C'est la grande époque de l'Université restaurée : Balzac suit les cours de Villemain, Guizot, Cousin ; il va écouter Cuvier, Geoffroy Saint-Hilaire. Il veut alors être philosophe ; il accumule notes et ébauches ; il est matérialiste convaincu ; il reproche à Descartes d'avoir "trahi" et se proclame disciple de Locke. Mais il veut aller plus loin que ses premiers maîtres sensualistes et idéologues ; il a médité les leçons de Cousin, qui lui a fait découvrir Thomas Reid et sa philosophie du sens intime et de la "seconde vue".
Lavater et Gall, que lui a fait connaître le docteur Jean-Baptiste Nacquart, un des plus proches amis de la famille Balzac, sont ses maîtres : il retiendra d’eux que tout est explicable à partir du visible et du physique ; mais il tente déjà, comme il le fera toute sa vie, d'intégrer le matérialisme descriptif et explicatif à une philosophie de l'aventure humaine et de son mouvement.

Les débuts et l’écriture alimentaire (1819-1822)

Premier obstacle : sa famille veut le faire notaire. Il refuse.
Il veut faire sa fortune par une œuvre littéraire. En 1819, il s'enferme dans une mansarde de la rue Lesdiguières à Paris, et il entreprend, pour réussir dans ce qu'on appelle alors "littérature", poésie lyrique, histoire, philosophie, théâtre, d'écrire une tragédie, Cromwell, 1819, péniblement imitée des maîtres classiques.
Pour vivre, il va se faire romancier mercenaire : il travaille pour des officines qui ravitaillent en romans les cabinets de lecture. C'est le début d'un pénible apprentissage. Le jeune homme apprend à connaître le monde des éditeurs et des petits journaux ; il découvre ce par quoi doit passer le talent lorsqu'on n'a pas l'indépendance et la fortune. Il fait, en profondeur, l'expérience de l'envers de la société libérale.
L'histoire de cette première production, parue sous les pseudonymes de lord R'Hoone et Horace de Saint-Aubin, est aujourd'hui bien connue. Balzac y exploite la tradition ironique du roman gai et de la satire parodique (l'Héritière de Biraque et Jean Louis, 1822).
Le Vicaire des Ardennes et le Centenaire (fin 1822) se réclament, eux, du roman philosophique et du roman sentimental ; Balzac commence à s'y exprimer par l'intermédiaire de héros jeunes et beaux, et amorce la peinture des milieux et des types. Il aborde aussi les thèmes de la vie privée et met en place ses premières figures de jeunes filles : Annette et le Criminel (1823, réédité en 1836 sous le titre plus connu d'Argow le pirate), roman de l'amour d'une jeune bourgeoise pour un hors-la-loi, et surtout Wann Chlore, roman réaliste et intimiste dans la lignée de Jane Austen (Orgueil et Préjugés), commencé en 1822 et publié seulement en 1825, qui s'inspire directement du drame familial qui s'est joué entre Mme Balzac et sa fille Laurence.


Les affres de l’éditeur-libraire-imprimeur (1823-1828)

Balzac fait la connaissance d'Horace Raisson (1798-1852), un autre polygraphe, qui le fait pénétrer dans de nouveaux cercles de la vie parisienne. Tous deux collaborent au Feuilleton littéraire, qui soutient d'abord Saint-Aubin, puis le brise comme les petits journaux briseront son futur personnage Lucien de Rubempré. Est-ce parce que Balzac a opéré, ou semblé opérer, comme le héros d'Illusions perdues, un quart de conversion à droite ?
Au début de 1824, il a publié deux brochures anonymes, certainement bien payées, peut-être provocatrices : Histoire impartiale des Jésuites et Du droit d'aînesse. Travaux de libraire, mais dans lesquels l'auteur expose des idées directement antilibérales sur l'unité, sur l'autorité, et auxquelles il ne renoncera jamais.
À l'automne 1824, Balzac se lance dans une opération de librairie avec son nouvel éditeur Canel : publier une édition à bon marché de Molière, puis de La Fontaine. La spéculation tournera court, ne laissant que du passif.
Après l’échec de Wann Chlore, en 1825, Balzac, malade, abandonne la littérature. Il trouve une aide financière auprès de Laure de Berny (1777-1836), femme mûrissante qui lui tient lieu à la fois de mère et d'initiatrice amoureuse et mondaine, et il se fait imprimeur, puis fondeur.
L'expérience durera deux ans, tournant elle aussi au désastre. Seul un prêt de sa mère empêchera le déshonneur, mais ce prêt ne sera jamais remboursé et pèsera sur sa vie entière.

Premiers succès (1828-1830)

En 1828, ayant totalement échoué comme industriel, Balzac n'a plus qu'une ressource pour gagner sa vie : reprendre la plume.

Les chouans

Il écrit un roman sur les guerres civiles de Vendée : le Gars, titre remplacé par le Dernier Chouan et que Balzac publie en 1829 (voir les Chouans). Le modèle est évidemment l'écrivain écossais Walter Scott, mais Balzac, admirateur récent des saint-simoniens (→ saint-simonisme), nourrit son roman historique de deux thématiques nouvelles : celle de la vie privée (la femme abandonnée, la femme dans la Révolution) et celle de la critique antilibérale. Le livre, cette fois, ne passa pas totalement inaperçu. On le compara même à Cinq-Mars, et pour le déclarer supérieur à l'ouvrage du comte de Vigny. Ce n'était encore qu'un in-12 pour cabinet de lecture, mais c'était assez sans doute pour faire admettre à Balzac que sa voie était tracée : désormais, il ne quittera plus jamais la littérature.
Il entre de manière plus sérieuse dans les milieux de la presse et de la librairie. Il devient l'ami de Latouche, fait sans doute la connaissance personnelle de Stendhal. Ses activités se développent dans deux directions : il devient l'un des animateurs du Feuilleton des journaux politiques, feuille saint-simonienne, et collabore à la première Presse de Girardin, ayant ses entrées à la Silhouette et à la Caricature, vivant alors l'expérience qu'il prêtera plus tard à Lucien de Rubempré dans Illusions perdues. Par ailleurs, il écrit une Physiologie du mariage (commencée en 1826, mais qui n'est achevée que fin 1829) et entreprend une série de Scènes de la vie privée, dont les premières paraissent en mars 1830. C'est en février 1830 qu'il utilise pour la première fois la particule devant son nom dans une publication en revue.


Le tournant (1830-1831) La Peau de chagrin

En juillet 1830, Balzac est en Touraine avec Mme de Berny. Lorsqu'il rentre à Paris en septembre, il commence par tenir une chronique régulière des événements politiques dans le Voleur de Girardin : ce sont les Lettres sur Paris, qui analysent, au fil des semaines, la retombée de l'enthousiasme et le début de la réaction après la chute de Charles X pendantles journées de juillet 1830.
Balzac tend à devenir féroce à l’égard du parti démocratique, pour la phraséologie qui envahit la politique, en même temps qu'il souhaite que la révolution continue et aille au bout de ses conséquences.
Dans le même temps, il signe un très riche contrat avec la Revue de Paris, par lequel il s'engage à fournir mensuellement des nouvelles et des contes (ceux-ci seront rassemblés dans Contes drolatiques, 1832-1837). Renonçant au genre vie privée, qui convient mal à ces lendemains agités de révolution, il devient une célébrité par ses récits fantastiques et philosophiques, dont le couronnement est, en 1831, la Peau de chagrin. Cette fois, Balzac est lancé. Il est l'une des figures du nouveau Paris, il gagne de l'argent, et le dépense sans compter.


Les ambitions politiques


En même temps, Balzac rêve de fortune politique. Jusqu'alors, il avait été « de gauche », tout en ayant montré par ses écrits son hostilité fondamentale au libéralisme en tant que système économique et social. Les problèmes consécutifs à la révolution de Juillet précipitent son évolution dans un sens en apparence inattendu.
Trop réaliste pour accepter l'idéalisme saint-simonien ou républicain, il ne saurait admettre la consécration du pouvoir bourgeois. Que faire ?
Sans perspectives du côté de la gauche, refusant le juste milieu, Balzac ne voit de solution que dans un royalisme moderne, fonctionnel, organisateur et unificateur, chargé d'intégrer les forces vives et d'assurer le développement en mettant fin à l'anarchie libérale et à l'atomisation du corps social par l'argent et les intérêts. C'est la fameuse conversion.
Balzac entre dans les milieux aristocratiques.
Il milite auprès du duc de Fitz-James, prépare une candidature aux élections, collabore au Rénovateur, à l'Écho de la Jeune France. Du même mouvement, il se met en tête d'être aimé de la marquise de Castries (1796-1861), qui va le conduire au bord du désespoir.


Balzac, héros balzacien (1832-1833)

L'été 1832 voit l'une des grandes crises de la vie de Balzac. Au bord de l'écroulement nerveux, il part pour son havre de Saché en Indre-et-Loire, chez M. de Margonne, un ancien amant de sa mère et il écrit Louis Lambert, en quelques nuits.
Puis il file vers la Savoie où l'attend Mme de Castries. Pour avoir l'argent du voyage, il vend à l’éditeur Mame un projet de roman, le Médecin de campagne, centré sur deux éléments contradictoires : le docteur Benassis, que la passion a failli détruire – Balzac transposant son échec sentimental personnel avec la marquise de Castries, qui s'est définitivement refusée à lui – trouve le salut par l'œuvre sociale de transformation d'un village des Alpes.
Le Médecin de campagne est ainsi une suite et un prolongement de Louis Lambert : Louis Lambert est mort fou, tué par les idées, tué par le désir, mais Benassis échappe à cet enfer par la création et l'organisation d'une utopie.
Au moment où Michelet (Introduction à l'histoire universelle, mars 1831) veut voir la modernité, depuis Juillet, comme transparente promesse, le texte balzacien en dit le caractère profondément problématique et truqué.
Si l'on ajoute que c'est parallèlement à cette carrière d'écrivain fantastique et philosophique que Balzac s'est remis aux Scènes de la vie privée (une nouvelle série paraît en 1832, centrée sur une double figure désormais clairement nommée : la femme abandonnée, la femme de trente ans) et qu'il greffe ainsi son écriture de l'intense sur une grande maîtrise de l'intimisme réaliste, on comprendra que l'on soit alors au seuil de quelque chose de capital.

Le Colonel Chabert

Le maillon intermédiaire va être, en 1833, dans le cadre d'un contrat passé avec la veuve Béchet, l'idée des Études de mœurs, puis bientôt (dans le cadre d'un autre contrat avec Werdet) celle des Études philosophiques : le polygraphe brillant et pathétique se mue en organisateur de son écriture et de sa vision des choses. Des préfaces retentissantes (Félix Davin, Philarète Chasles) soulignent l'ambition de l'entreprise.
Une cathédrale est en train de naître.
C'est ce que, à l'orée de l'époque décisive qui s'ouvre, signale le roman-carrefour qu'est la Recherche de l'absolu, à la fois étude philosophique et scène de la vie privée, ravage de la passion dans le quotidien, vision de l'unité ascendante et fascinante de la réalité.
Nul n'a raison ni tort, de Claës qui ruine sa famille pour l'Absolu, et de sa fille qui entend vivre et faire vivre la vie. Et les descriptions de maisons et d'intérieurs sont là comme éléments décisifs d'un nouveau type de narration.


L’année charnière (1834) Le Père Goriot

À la fin de cette année 1834 se produit l'événement décisif, la grande cristallisation. Pour la Revue de Paris, Balzac écrit le Père Goriot, scène de la vie privée, scène de la vie parisienne, roman d'éducation.
Balzac applique pour la première fois un système appelé à devenir fameux, celui du retour des personnages : on retrouve le Rastignac de la Peau de chagrin, mais à vingt ans, lors de son arrivée à Paris. Balzac, par ce moyen technique, découvre un moyen d'unifier son œuvre à venir et constate l'unité profonde de ce qu’il a déjà écrit ; il n'y a plus qu'à débaptiser quelques personnages, qu'à arranger quelques dates (ce sera souvent du bricolage, et les invraisemblances ne disparaîtront jamais toutes) pour que les récits sortent de leur isolement et tendent à constituer les fragments d'une fresque. Conquête suprême : grâce à ce système, Balzac s'affranchit même du fameux dénouement, héritage du théâtre bien fait, et Rastignac peut conclure par son "À nous deux maintenant !" : on attend la suite – que d'ailleurs on connaît déjà un peu, depuis la Peau de chagrin.

Mme Hanska

Le roman balzacien est vraiment né, non par miracle et génération spontanée, mais dans le mouvement d'une recherche. Si l'on ajoute que c'est en 1834 qu'un article (désagréable) de Sainte-Beuve consacre, quand même Balzac comme écrivain important, on verra que c'est bien en cette année charnière que Balzac est définitivement sorti d'apprentissage.
Et comme rien ne va jamais sans rien, Mme de Berny va bientôt mourir. Il est vrai aussi que, depuis 1832, elle est remplacée dans les préoccupations de Balzac par une comtesse polonaise, Mme Hanska, qui lui avait écrit une lettre d'admiration signée l'Étrangère.
Désormais, Balzac dispose d'une incontestable maîtrise littéraire.

L’école du roman-feuilleton (1836-1841)

En 1836, Balzac se lance dans une périlleuse entreprise de journalisme.
Il fonde la Chronique de Paris, qui échoue et le laisse un peu plus endetté encore. Un dur procès l'oppose à Buloz à propos d'une publication anticipée du Lys dans la vallée. Comme en 1832, épuisé, affolé, il s'enfuit à Saché.
Il y écrit la première partie d'Illusions perdues.
Puis, à la fin de l'année, c'est comme un nouveau départ. Girardin lance la Presse, un journal à bon marché où il inaugure la formule du roman-feuilleton. Il s'agit là d'une mutation capitale, qui va fournir à Balzac un nouveau support, un moyen d'étonnante multiplication de soi, publication d'abord en feuilleton, ensuite en volume isolé, puis reprise dans des publications collectives, et lui permettre de toucher un tout nouveau public.
À grands coups d'ébauchoir, pour un public encore dressé à la lecture des genres nobles, Balzac est en train de faire dériver le romanesque vers ce qui n'avait jamais été réellement son objet : la connaissance du réel et son explication. Balzac renonce, vers cette époque, au conte philosophique, et il est exact que le roman-feuilleton condamnait ce genre quelque peu élitiste, qu'il appelait de l'intrigue, voire du mélodrame, qu'il privilégiait les sujets parisiens, les bas-fonds, etc.
Mais aussi, la philosophie se fond désormais aux fictions vraies qui sont racontées ; elle n'a plus réellement besoin de se manifester en discours explicites.
La Comédie humaine peut venir.
C'est le feuilleton qui va, chose étrange, permettre, dans ses bas de pages quotidiens et sur son papier sale, cette explosion et cette diffusion : les Employés et César Birotteau (1837), la Maison Nucingen (1838), Une fille d'Ève (1838-1839), le Curé de village (1839-1841), Béatrix (1839), Pierrette (1840), Une ténébreuse affaire, la Rabouilleuse, Ursule Mirouet (1841) sont tous des carrefours de personnages balzaciens, mais aussi des diffuseurs des anciennes théories désormais incarnées, marchant dans leur force et leur singularité personnelles.
Le meilleur exemple est sans doute celui de César Birotteau, d'abord programmé comme conte philosophique sur les dangers de l'ambition et du vouloir-être, reprise de la Peau de chagrin et qui devient la peinture minutieuse du commerce parisien, expliquant les mécanismes d'une faillite, mais diluant la démonstration abstraite dans une histoire qui s'adresse à l'imagination et provoque l'intérêt.
Le caractère pompeux du sous-titre : Histoire de la grandeur et de la décadence de César Birotteau, avec son clin d'œil en direction de Montesquieu, amplifie et souligne le projet.
Mais l'essentiel est bien que Balzac ait désormais fondu son projet philosophique dans sa pratique romanesque.
Le plus fécond de nos romanciers , comme l'appelle alors avec une méchanceté calculée Sainte-Beuve, celui que, non sans agacement, lisent Stendhal et le jeune Flaubert, va franchir en 1840 un pas décisif.
Cette année-là échoue une nouvelle entreprise de presse, la Revue parisienne, dans laquelle il aura quand même le temps de saluer la Chartreuse de Parme en des termes surprenants. Mais cette année voit naître aussi la Comédie humaine.


Le grand auteur de la Comédie humaine (1842-1848)

La Comédie humaine est d'abord une entreprise de librairie : édition compacte, suppression des préfaces, des alinéas, des chapitres, souscription.
C'est aussi une entreprise d'unification un peu extérieure aux textes : beaucoup de romans réédités seront remaniés de manière à entrer dans le système de reparution des personnages ; les plus anciens, comme les Chouans ou la Peau de chagrin, subiront les modifications les plus importantes ; souvent les personnages réels disparaîtront et céderont la place à leurs homologues de l'univers balzacien, le plus intéressant est le poète Canalis, qui remplace sans problème apparent, du moins Balzac le pense-t-il, Lamartine et Victor Hugo.
Le point le plus important est évidemment la naissance d'un espace biographique imaginaire, aucun personnage n'étant connaissable dans un seul roman, et surtout les périodes les plus anciennes de sa vie n'étant données à lire qu'après les périodes les plus récentes : ainsi pour Rastignac, dont le passé le plus lointain figure dans le Père Goriot, dont la période 1830 est contée dans la Peau de chagrin, la période intermédiaire dans la Maison Nucingen et l'Interdiction, et dont l'aboutissement politique se trouve dans les Comédiens sans le savoir.
Mais, surtout, la Comédie humaine est l'occasion pour Balzac de classer ses romans et de les présenter en termes philosophiques. Un classement ascensionnel de la vie privée conduit aux études analytiques et refuse les facilités de la chronologie des intrigues.
Un Avant-Propos inflige au lecteur de bonne foi toute une théorie de la littérature et de la société. Le contrat fut signé en 1841, les premiers volumes parurent en 1842. Il devait y avoir dix-sept volumes, dont le dernier devait paraître en 1848. Désormais, Balzac, dans ses lettres à Mme Hanska, pouvait parler de lui comme du grand auteur de la Comédie humaine


Les dernières années (1848-1850)

Honoré de Balzac, la Cousine Bette
Bien des choses cependant demeuraient à faire, et le grand œuvre était plein de trous. De plus, Balzac continuait à courir après l'argent.
C'est d'abord la tentative au théâtre : mais Vautrin est interdit en 1840, les Ressources de Quinola tombent en 1842.
C'est surtout une sorte de troisième carrière romanesque : Un début dans la vie et Albert Savarus (1842), Honorine et la Muse du département (1843), Modeste Mignon (1844), Splendeurs et misères des courtisanes (1847), l'Envers de l'histoire contemporaine (jusqu'en 1848), les Paysans, le Député d'Arcis, les Petits Bourgeois sont aussi de cette époque.
En 1846-1847, une œuvre capitale, les Parents pauvres (le Cousin Pons, la Cousine Bette) accomplissent la prouesse de rejoindre le temps : la date de l'intrigue est la même que la date de l'écriture.
Le temps est rattrapé au moment où règnent les nouveaux maîtres dont le lecteur connaissait le passé.
Ensuite, la production se ralentit, puis se tarit. Balzac, épuisé, est pris tout entier par son idée fixe d'épouser Mme Hanska, pour qui il installe à Paris, rue Fortunée, un invraisemblable palais.
L'année 1848 est une année à peu près vide : nouvelle tentative au théâtre avec la Marâtre puis la fin de l'Envers de l'histoire contemporaine.
Pendant les journées de juin 1848, Balzac, ruiné par la révolution, hurlera à la mort, du moins dans les lettres à Ève Hanska.
Pendant les deux années qui suivent, Balzac cesse d'écrire.
En 1850, il finira par épouser sa comtesse, mais mourra presque aussitôt d'épuisement, salué par Victor Hugo.
Après sa mort, sa veuve paiera ses dettes et fera éditer ou terminer les manuscrits disponibles.
Balzac avait corrigé de sa main un exemplaire de sa Comédie.
C'est lui qui devait servir aux éditions ultérieures.


L'œuvre de Balzac


Il existe aujourd'hui un modèle de roman balzacien, ou stendhalien comme il a existé un modèle de tragédie classique ou de sonnet français. Ce modèle a été contesté à la fin du XIXe s. et au XXe s. par toute la littérature qui se réclame de Joyce, Proust, des romanciers américains et du nouveau roman.
Le roman balzacien, fondé sur la description, l'analyse, la fourniture d'une documentation et le récit logique et complet d'une histoire, est-il dépassé ? Avant d'envisager la question, il importe de comprendre comment le roman balzacien, qui a servi au moins de repère au roman naturaliste avant de servir de repoussoir et d'antiroman au roman poétique, n'est pas sorti tout armé de l’esprit de Balzac, celui-ci fût-il un créateur hors normes.

Les préoccupations philosophiques

Pendant longtemps, Balzac a été un conteur philosophique. Les préoccupations théoriques (psychologie, philosophie de l'histoire, philosophie générale) dominent, des premiers romans (1822) aux Études philosophiques (1833-1835), peintures et narrations n'apparaissant guère que comme leurs annexes ou illustrations. Une œuvre réaliste de la maturité comme César Birotteau devait être d'abord une Étude philosophique, c'est-à-dire l'illustration romanesque d'une proposition abstraite sur le danger des passions et du besoin d'absolu.
On a peu à peu retrouvé aujourd'hui ce soubassement et cette impulsion philosophique, après que l'on eut abusivement, pendant longtemps, vu en Balzac uniquement un peintre de façades et de vieilles maisons, un narrateur d'histoires privées aux allures de vieilles dentelles et de costumes agressivement réels, les uns modernes, les autres surannés.
Romancier malgré lui, Balzac n'a que peu à peu et très tardivement accepté le roman comme moyen d'expression de soi. En 1835-1836, il considère encore que Séraphita est ce qu'il a écrit de plus important, et, dans l'économie de la Comédie humaine, les romans ne seront justifiés, in fine, que par les Études philosophiques et par les Études analytiques. On risque aujourd'hui de ne voir là que bavardages, à-côtés, sous-produits ou fausses fenêtres. C'est là un risque, immense lui aussi, de mutilation de l'œuvre et de sa signification.
En fait, le problème est le suivant : quand, pourquoi et comment l'œuvre balzacienne, qui visait autre chose, est-elle devenue une œuvre objectivement et purement romanesque ?

Les élans et les échecs du siècle nouveau, L'élan de la révolution bourgeoise

Honoré de Balzac, le Lys dans la vallée

Les hommes de la Comédie humaine sont tous nés sans doute pour être beaux (la Fille aux yeux d'or), mais ils nous sont montrés peu à peu avilis, utilisés par le système libéral, soumis aux intérêts. Même – et peut-être surtout – lorsqu'ils jouent le jeu, ils n'en sont que les illusoires vainqueurs et bénéficiaires.
S'ils ont écrasé ou dominé les autres, ils n'ont finalement qu'écrasé les premières aspirations et les idéaux de liberté qu'ils portaient en eux-mêmes.
Le roman balzacien déclasse radicalement les prétentions libérales bourgeoises à avoir définitivement promu et libéré l'humanité. Au cœur même du monde nouveau, que ne menacent plus ni les théologiens ni les seigneurs féodaux, mais que mènent les intérêts, se sont levés des monstres, caricatures du vouloir-vivre et du vouloir-être qui avaient porté la révolution bourgeoise : ambition, énergie, argent, naguère vecteurs humanistes universalistes, formes et moyens de la lutte contre le vieux monde, deviennent pulsions purement individualistes, sans aucun rayonnement, peut-être efficaces mais en tout cas trompeuses et génératrices d'illusions perdues.
Cela, c'est la face sombre.
Mais il est une face de lumière : celle de tant d'ardeur, de tant de foi en la vie, qu'ignoreront les héros et les héroïnes de Flaubert.
Le roman balzacien est celui de toute une vie qui pourrait être et qu'on sent sur le point d'être : l'amour d'Eugénie Grandet, le cénacle de la rue des Quatre-Vents, la fraternité de Rastignac, Michel Chrestien et Lucien de Rubempré.
Il est beaucoup de laideur au monde, mais le rêve n'est pas encore massacré.
L'argent barre l'avenir, mais s'il est déjà tout-puissant, il est encore balancé par d'autres forces dans les âmes, dans les cœurs, dans l'histoire même, avec toutes les forces qui ne sont pas entrées en scène.
Le roman balzacien est porté, comme toute l'histoire avant 1848. Les bourgeois même de Balzac ne sont pas encore bêtes et béats.
Ils ont de l'âpreté, du génie, et Nucingen est le Napoléon de la finance comme Malin de Gondreville est le roi de l'Aube, comme Popinot est le fondateur d'un empire, comme Grandet unit le vieux charme français à l'inventivité, à l'intelligence, au dynamisme de tout un monde libéré. Les bourgeois de Zola seront bien différents, sans génie, uniquement jouisseurs et possesseurs, installés, flasques, à la rigueur méchants, mais n'étant plus messagers de rien.


L'omniprésence de l'échec

La dramaturgie balzacienne en son fond est constituée par l'interférence de deux élans à la fois solidaires et contradictoires : l'élan de la révolution bourgeoise, l'élan des forces qui contestent et nient la force bourgeoise, qui en annoncent et signifient le dépassement, mais qui n'auraient jamais surgi et ne seraient jamais affirmées ni imposées si la révolution bourgeoise n'avait d'abord eu lieu et n'avait d'abord été dite.
Le roman balzacien, malgré certaines apparences, est le roman de la jeunesse de la bourgeoisie, en ce qu'elle est – aussi, encore – un moment de la jeunesse du siècle et de l'humanité.
Cependant, le roman balzacien est le plus souvent un roman de l'échec, seuls les êtres vulgaires et indignes acceptant de réussir et pouvant vraiment réussir dans cet univers faussé.
Mais il faut bien comprendre le sens de cet échec : il n'est pas échec constitutif et naturel, échec qui fasse preuve contre l'homme ; il est échec de ce qui méritait de réussir.
L'ambition, l'énergie balzacienne définissent un monde romanesque ouvert. Or, le sort fait au vouloir-être fait que la seule fidélité possible à soi-même et aux promesses originelles est le naufrage ou la catastrophe.
On peut toujours finir par durer (Eugénie Grandet vieillissante, voir Eugénie Grandet, Vautrin chef de la Sûreté, David Séchard dans sa maison au bord de la Charente), mais on ne dure qu'en ayant renoncé, qu'en ayant dû renoncer à l'intense et au fort, en devenant bourgeois, ou en étant capable de vivre sans briser le cadre bourgeois.


Stendhal en 1840.


Balzac s’en prend encore çà et là assez injustement à Eugène Sue, mais rend un hommage vibrant à La Chartreuse de Parme de Stendhal, à une époque où, d’un commun accord, la presse restait muette sur ce roman :
"Monsieur Stendhal a écrit un livre où le sublime éclate de chapitre en chapitre. Il a produit, à l’âge où les hommes trouvent rarement des sujets grandioses, et après avoir écrit une vingtaine de volumes extrêmement spirituels, une œuvre qui ne peut être appréciée que par les âmes et les gens supérieurs".
Mais ceci marque le dernier numéro de La Revue parisienne qui s’éteindra après la troisième parution.
Balzac et Dutacq partageront les pertes qui n’étaient d’ailleurs pas très lourdes. Cependant, une fois encore, Balzac a encore échoué dans la presse, et dans les affaires.


Monographie de la presse parisienne

Cette monographie humoristique, par Balzac (1843), a été rééditée par Jean-Jacques Pauvert en 1965, tirant ainsi des oubliettes une analyse complète des composantes de la presse répertoriées par Balzac. On trouve dans ce pamphlet la définition du publiciste, du journaliste, du "rienologue" : "Vulgarisateur, alias : homo papaver, nécessairement sans aucune variété, qui étend une idée d’idée dans un baquet de lieux communs, et débite mécaniquement cette effroyable mixtion philosophico-littéraire dans des feuilles continues" Balzac sait se montrer désinvolte dans la satire.
La préface de Gérard de Nerval est dans le même ton. Dans un style pince-sans-rire, il donne une définition du canard : « information fabriquée colportée par des feuilles satiriques et d’où est né le mot argot "canard" pour désigner un journal

Balzac, Latouche et Sainte-Beuve

Balzac se lance alors dans la compétition, rédigeant pratiquement seul pendant trois mois une revue qu’il veut également littéraire et politique.
Il publie entre autres Z. Marcas, le 25 juillet 1840, qui sera intégré à La Comédie humaine en août 1846 dans les Scènes de la vie politique.
Outre ses attaques contre le régime monarchique, la Revue parisienne se distingue par des critiques littéraires assez violentes dans l’éloge comme dans la charge.
Parmi ses victimes on compte Henri de Latouche avec lequel Balzac est brouillé et qu’il hait désormais :
"Monsieur de Latouche n’a ni l’art de préparer des scènes, ni celui de dessiner des caractères, de former des contrastes, de soutenir l’intérêt. "
Et aussi, son ennemi naturel, Sainte-Beuve, dont le Port-Royal fait l’objet d’un véritable déchaînement.
Balzac se venge des humiliations passées :
"Monsieur Sainte-Beuve a eu la pétrifiante idée de restaurer le genre ennuyeux. En un point, cet auteur mérite qu’on le loue : il se rend justice, il va peu dans le monde et ne répand l’ennui que par sa plume.


Donner à comprendre le monde, Un réel objectif

Rigoureusement descriptif, analytique et narratif, le roman balzacien est le roman d'un réel connaissable.
Les descriptions, les récits, toute l'information fournie au lecteur pour comprendre ce qui va se passer postulent la validité d'un discours qui entend saisir et surtout transmettre le réel objectif. À cet égard, le roman balzacien est bien dans la lignée théorique du xviiies.
scientifique, et il est bien aussi le roman de la période positiviste, avant que le positivisme se sclérose en scientisme mécaniste.
Que ce soit l'industrie d'un pays, ses structures économiques, les relations qui s'établissent entre les hommes, le roman balzacien ne doute jamais qu'on puisse les faire comprendre et que ce soit objets pleins, jamais apparents ou illusoires. D'où le ton fortement historique de la narration balzacienne, même lorsqu'elle concerne des faits ou personnages imaginaires : tel fait s'est produit telle année, tel mariage, telle rencontre sont contemporains de telle mystérieuse disparition, etc.


Eugénie Grandet

C'est toujours avec assurance que Balzac met en place l'imaginaire, figure semblable du réel, et dont le triomphe est sans doute ces biographies fictives qui se constituent à partir de ses romans, et dont lui-même a donné le premier modèle à propos de Rastignac, préface d'Une fille d'Ève : Rastignac (Eugène-Louis), fils aîné du baron et de la baronne de Rastignac, né à Rastignac, département de la Charente, en 1799 ; vient à Paris en 1819, faire son droit, habite la maison Vauquer, y connaît Jacques Collin, dit Vautrin, et s'y lie avec Horace Bianchon, le célèbre médecin.
Il aime madame Delphine de Nucingen, au moment où elle est abandonnée par de Marsay, fille d'un sieur Goriot, ancien marchand vermicellier, dont Rastignac paye l'enterrement. Il est un des lions du grand monde (voyez tome IV de l'œuvre) ; il se lie avec tous les jeunes gens de son époque, avec de Marsay, Beaudenord, d'Esgrignon, Lucien de Rubempré, Emile Blondet, du Tillet, Nathan, Paul de Manerville, Bixiou, etc.
L'histoire de sa fortune se trouve dans “la Maison Nucingen” ; il reparaît dans presque toutes les scènes, dans “le Cabinet des antiques”, dans “l'Interdiction”.
Il marie ses deux sœurs, l'une à Martial de La Roche-Hugon, dandy du temps de l'Empire, un des personnages de “la Paix du ménage” ; l'autre, à un ministre. Son plus jeune frère, Gabriel de Rastignac, secrétaire de l'évêque de Limoges dans “le Curé de village” dont l'action a lieu en 1828, est nommé évêque en 1832, voir la “Fille d'Ève”.
Quoique d'une vieille famille, il accepte une place de sous-secrétaire d'État dans le ministère de Marsay, après 1830, voir les “Scènes de la vie politique”, etc.
Il n'existe aucun tremblé dans ce texte profondément sérieux : c'est là la vraie vie de Rastignac, et le retour des personnages est tout autre chose qu'artifice ou habileté technique pour coudre ensemble des morceaux ou relancer l'intérêt.
Il ne s'agit pas de suite : il s'agit d'épaisseur et de multiplication des plans ; il s'agit de sortir de l'univers rigoureux et réservé du théâtre intellectuel ou mondain pour rendre compte d'un monde réel devenu immense.
Balzac ne s'évade pas du réel dans l'imaginaire : son roman double le réel, constitue un univers parallèle et surdimensionné qui, loin de mettre en cause la valeur et l'intérêt du réel, administre par l'acte même de l'écriture comme la preuve de son existence. On ne contestera ce style et cette vision que lorsqu'on commencera, à la fois, à douter des vertus du positivisme bourgeois et de toute science, devenue menace pour l'ordre bourgeois.


Le réalisme balzacien

On peut parler de réalisme du roman balzacien dans la mesure où il vit de l'expression de réalités qui ne sont pas encore admises en littérature, et donc dans la mesure où il fait brèche dans un idéalisme littéraire ignorant des réalités vécues par les lecteurs du xixes.
On a du mal aujourd'hui à mesurer ce qu'il y eut de neuf à évoquer, de plein droit et en pleine lumière, les problèmes et les choses de l'argent, du mariage, des bas-fonds, tout simplement des rapports humains. Balzac est le premier à avoir dit que tout, dans la vie, dépendait des problèmes de budget et des problèmes sexuels. Déterminismes économiques, déterminismes psycho-physiologiques : il liquide la vision classique d'une humanité libre.
Et cela, il le fait d'une manière à la fois systématique et ouverte, non polémique et crispée, ce qui le distingue des réalistes et naturalistes qui suivront. (déterminisme.)
Les secrets du lit de Mme de Mortsauf, voir le Lys dans la vallée, la pièce de cent sous de Raphaël, le "mécanisme des passions publiques" et la "statistique conjugale dans la Physiologie du mariage, les phénomènes d'accumulation primitive et de la recherche d'investissements nouveaux, le problème de l'organisation du crédit : Balzac a vite choqué parce qu'il éventait des mystères connus de tous.
On l'a accusé de sordide matérialisme ; on a dit qu'il se ruait vers le bas parce qu'il a montré de manière impitoyable qu'au sein de la France révolutionnée l'homme était de nouveau dans les fers. Michelet n'a pas aimé les Paysans, qui mettaient à mal certaines constructions théoriques sur la libération des campagnes.
Il y a certes dans les Paysans une volonté de noircissement ; l'essentiel toutefois n'y est pas l'image directe et explicite, mais l'expression des rapports sociaux (néo-féodaux ; classes majeures des villes ; prolétariat rural).
Balzac est un écrivain des tensions et contradictions de la France révolutionnée. Son réalisme, par conséquent, n'est pas seulement descriptif, mais scientifique et par là même épique. Une lecture superficielle n'y voit que le détail et le culte du détail. Une lecture approfondie y trouve le réel en son mouvement.


Un réalisme mythologique

Balzac a expliqué qu'il ne suffisait pas de peindre César Birotteau : il fallait le transfigurer. La précision est capitale. Mais il ne s'agit pas là d'un froid procédé littéraire, applicable ou non par quiconque, en tout temps et en tout lieu. On ne transfigure que le transfigurable. On ne transfigure que dans une époque apte à la transfiguration.

Honoré de Balzac, les Dangers de l'inconduite
Balzac, comme tous ses contemporains, connaissait et avait pratiqué les textes réalistes, qui, dans la mouvance du journalisme et de la littérature populaire ou industrielle , s'étaient multipliés depuis l'Empire. Jouy (l'Hermite de la Chaussée d'Antin, 1812-1814) et ses imitateurs Henri Monnier.
Les sujets étaient pris à la vie quotidienne, à Paris, au monde moderne. Passant au romanesque, le style était évidemment guetté par la vulgarité, par le scepticisme narquois ou par le réalisme sans perspectives.
L'infraréalisme des « Hermites » et de Monnier ne pouvait en aucun cas déboucher dans un réel nouveau roman. Il ne pouvait que fournir en croquis et pochades un public ne demandant qu'à être rassuré.
À l'inverse, le frénétique ou le néo-dramatique, les romans de Jules Janin ; le Dernier Jour d'un condamné de Hugo, tout ce qui relevait plus ou moins directement de la perception d'un nouvel absurde et d'un nouvel inhumain dans le réel moderne, manquait parfois d'enquête et d'enracinement.
Le réalisme balzacien est le réalisme des inventaires et des budgets en même temps que le réalisme d'une immense ardeur. Réalisme mythologique, le réalisme balzacien s'inscrit de Raphaël à Vautrin en passant par Louis Lambert : non pas personnages falots ou plats, mais personnages de dimensions surhumaines.
Baudelaire disait que, chez Balzac, même les concierges avaient du génie, et il est vrai que Pons, malgré son spencer du temps de l'Empire, se transforme en statue du commandeur. Il n'est pas de ganache chez Balzac qui ne s'illumine, et le colonel Chabert, avec son mystère et sa folie, est bien aux avant-postes de toute une littérature qui, dans le décor moderne et quotidien, est une littérature de l'absolu dans le Colonel Chabert.
La leçon est claire : chez Balzac, l'absolu n'est pas menacé par le réalisme et le réalisme implique l'absolu.


Mort

Le 18 août 1850. Balzac est inhumé le 21 août au cimetière du Père-Lachaise, où Victor Hugo prononce son éloge funèbre.



Une œuvre inclassable. Un créateur hors normes

Du jeune plumitif ardent, besogneux et inconnu de 1822 au mari de Mme Hanska que voit Victor Hugo sur son lit de mort, du Balzac de trente-quatre ans, auteur fantastique reçu et tout juste auteur de quelques Scènes de la vie privée, au Balzac des Parents pauvres en passant par celui du cycle Vautrin, la courbe est impressionnante, immense. Pendant cette trentaine d'années sont préparées ou produites certaines des œuvres majeures du XIXème siècle français, et sans doute de la littérature universelle.
Visionnaire, journaliste, homme de lettres, caricaturé aux côtés d'Alexandre Dumas, courant après le genre Eugène Sue, attendu par le génie de Baudelaire, promis aux sculptures de Rodin, Balzac, à s'en tenir aux apparences et aux schémas, se meut de l'univers de Dante à celui de Sacha Guitry.
Ses revenus, ses tirages, ses amours, ses folles dépenses, ses voyages, son audace, sa vanité, ses collections, son gros ventre, ses coups de pioche dans le siècle, ses efforts pour se faire admettre à droite, ses fidélités continues à gauche, son refus du style bucolique, messianique, romantique ou social, tout fait de lui un personnage difficile à classer, absolument incapable de prendre place dans le cheminement littéraire, idéaliste et lumineux, du XIXème siècle romantique, romantisme en littérature.

Déjà au-delà du XIXème siècle.

Il y a, dans toute l'entreprise balzacienne, quelque chose qu'il est impossible de mobiliser ou de récupérer pour un finalisme quelconque.
On y chercherait en vain l'équivalent du drapeau tricolore de 1830 ou de 1848, du rocher de Jersey, de la maison du berger ou d'une expulsion du Collège de France.
Mais une chose est sûre, et qui vérifie le caractère inclassable de Balzac : la tradition comme la pratique républicaine bourgeoise de la fin du siècle ne sauront quoi faire de cet homme pour qui le conflit majeur du monde moderne avait cessé d'être celui qui oppose les classes moyennes aux nobles et aux prêtres, pour devenir celui opposant l'argent à la vie, au besoin de vivre et à tout ce qui naissait de la victoire de l'argent même.
La IIIe République ne l'a pas plus aimé qu'elle n'a aimé Stendhal.
Pour ses rues, pour ses places, pour ses fastes, pour ses distributions de prix, pour ses départs à la guerre, elle leur a préféré à tous deux Hugo, Michelet, Gambetta, voire Thiers ou Chateaubriand. Pourquoi ? Ainsi se pose le problème de la signification et de l'efficacité réelles de l'œuvre balzacienne.
Toute cette production, de 1820 à 1850, à la fois épousait la courbe du siècle et la dépassait.
Monstre sacré de la vie parisienne et moderne, Balzac se trouvait anesthésié, neutralisé, comme mis sur orbite et hors planète par la critique officielle.
À distance, aujourd'hui, tout le messianisme bourgeois laïc et républicain a perdu nombre de ses rayons. Balzac en a gagné de nouveaux. Il n'est pas sans intérêt de noter que le bénéficiaire n'est nullement de la race des écrivains angéliques, mais de la race des écrivains producteurs et prolétaires.
D'autres, autant que par leur œuvre, se sont imposés par leur vie exemplaire ou par leurs aventures. Il n'a pas été possible de réduire, ou simplement de ramener Balzac à ce genre de sous-épopée. Son œuvre prime, dont longtemps on n'a pas trop su que faire, contenu qui contestait formes et pratiques enseignées : admirable témoignage sur la force de la littérature, alors que balbutient encore les idéologies ...

La suite cliquez --> http://www.loree-des-reves.com/module ... ost_id=2997#forumpost2997



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Posté le : 18/08/2013 14:40
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Re: Les expressions
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« Mettre à prix »


Fixer le prix d'un article dans une vente aux enchères.
Promettre une somme d'argent (à qui capturera ou tuera quelqu'un).


Ceux qui ont des artères un peu fatiguées se souviendront certainement d'un certain Josh (ou Joss, selon les sources) Randall, le plus grand chasseur de primes de l'Ouest américain, interprété par Steve Mc Queen, et qui officiait en noir et blanc dans la lucarne magique.
Inévitablement on y voyait des affiches proposant une somme importante en échange de la livraison d'un truand "dead or alive".
La peau du brigand avait été mise à prix.

Ceux qui ont été gavés de westerns depuis leur plus jeune âge peuvent donc aisément imaginer que cette expression vient de l'époque du Far-West.
Mais il n'en est rien !

Elle est attestée dès le XIIIe siècle, à une époque où les Amérindiens ne savaient pas encore qu'ils en étaient, n'ayant pas encore eu la 'joie' de rencontrer Christophe Colomb et ses successeurs.
Mais elle a beaucoup changé de sens au fil du temps.
En effet, à cette période de notre histoire, elle signifiait "apprécier", au sens de "évaluer le prix" donc "mettre un prix sur quelque chose". Au XIVe, elle voulait dire "vendre" ou "mettre en vente" et au XVIe, elle signifiait "mettre en vente à un prix fixé".

Dans la dernière signification, on retrouve bien à la fois la "mise en vente" à prix fixé de la tête d'un truand ou bien la mise en vente à prix (de départ) fixé dans une vente aux enchères.

Posté le : 18/08/2013 14:36
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Et voilà Bacchus, c'était une variante de l'expression élégante : si t'aime pas tu n'as qu'à manger de la M....
Oh la la la que c'est vilain !!
Tu ne savais pas hein !

Posté le : 18/08/2013 14:36
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Les bons mots de la semaine 34
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Quelques citations de Coluche :

- " Je suis capable du meilleur et du pire, mais dans le pire, c'est moi le meilleur. "

- " Quand j'étais petit, à la maison, le plus dur, c'était la. fin du mois ....surtout les trente derniers jours."

- " L' horreur est humaine. "

- " La bigamie, c'est quand on a deux femmes, la monotonie, c'est quand on en a qu'une. "

- " Honni soit qui manigance."

- " IL n'y a pas de femmes frigides, il n'y a que des mauvaises langues."

- . Dieu a dit : il y aura des hommes blancs, des hommes noirs, il y aura des hommes grands, des hommes petits, il y aura des hommes beaux, des hommes moches et tous seront égaux, mais ça ne sera pas facile ..."

À bientôt ...

Posté le : 18/08/2013 09:27
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Marcel Carné cinéaste
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Le 18 Août 1906 naît Marcel Carné cinéaste réalisateur et critique français

Assistant de René Clair et de Jacques Feyder à ses débuts, Marcel Carné est indissociable de Jacques Prévert, qui fut le scénariste de la plupart de ses films.
Il reste dans l'histoire comme le cinéaste emblématique du réalisme poétique.


Enfance

Marcel Carné est né à Paris en 1906 dans le quartier des Batignolles (XVIIe arrondissement), d'un père ébéniste.
Sa mère meurt alors qu'il a cinq ans son père souvent absent, Marcel Carné est élevé librement par une grand-mère et une tante. Il est très vite attiré par le cinéma : il se rend chaque jeudi à une projection de film, puis de plus en plus souvent, trichant quelquefois pour ne pas avoir à payer le prix de sa place.
Son père souhaite qu'il reprenne sa succession et devienne ébéniste, comme lui. Marcel Carné commence donc des cours pour apprendre à tailler le bois. Il les abandonne ensuite même s'ils ne lui déplaisent pas plus que ça. Il suit à la place deux fois par semaine, en cachette, des cours de photographie à l'école des Arts et Métiers.
Pour payer ses séances de cinéma qui se font de plus en plus nombreuses, il travaille alors dans une banque, puis une épicerie, puis à 17 ans, il trouve un emploi dans une compagnie d'assurances.

Premiers contacts avec le cinéma

Après son travail, il suit aux Arts et Métiers des cours de photographie.
L'amitié de Françoise Rosay, rencontrée chez des amis communs en 1928 lui ouvre l'accès des studios.
À la fin du repas, il obtient de celle-ci qu'elle organise pour lui une rencontre avec Feyder. Carné est alors engagé comme assistant-réalisateur secondaire sur le nouveau film de Feyder, Les Nouveaux Messieurs en 1929.
Mais ce dernier est appelé à Hollywood, et Carné se tourne vers le journalisme et la critique de cinéma.
Mais à la suite de cette première expérience cinématographique, il part faire son service militaire en Rhénanie.
Lorsqu'il revient en France, en 1929, la revue Cinemagazine organise un concours de critique de films. Carné en soumet cinq, et reçoit le premier prix. Il est engagé comme critique cinématographique. Il écrit aussi dans les revues Hebdo-Film, Vu, Cinémonde et Film-Sonore.
En 1929, il décide de réaliser son premier documentaire poétique sous le titre Nogent, Eldorado du dimanche, aidé financièrement par Michel Sanvoisin.
Ce court-métrage raconte l'échappée dominicale de la jeunesse parisienne dans les guinguettes des bords de Marne. Charles Peignot le convainc ensuite de tourner des films publicitaires avec Jean Aurenche et Paul Grimault.
Puis il devient assistant pour la mise en scène de Richard Oswald dans le film Cagliostro 1929, de René Clair dans le film Sous les toits de Paris en 1930, de Jacques Feyder pour Le Grand Jeu en 1934, Pension Mimosas en 1935 et La Kermesse héroïque en 1935.
Il dit de Feyder :
"je dois à peu près tout à Feyder. II m'a appris ce qu'est un film, depuis sa préparation jusqu'à la mise en scène proprement dite et aussi la direction des acteurs... La meilleure école de cinéma, c'est la pratique."


Entre 1930 et 1932, Carné tourne de petits films publicitaires en collaboration avec Paul Grimault et Jean Aurenche de 1904 à 1992.
Il assiste ensuite Feyder, rentré d'Amérique, pour le Grand Jeu en 1934, Pension Mimosas en 1935 et la Kermesse héroïque.
Il débute enfin dans la mise en scène, en 1936, et signe Jenny.

Collaboration avec Prévert

Enthousiasmé par le "Crime de M. Lange", réalisé par Jean Renoir avec la collaboration de Jacques Prévert, il exige de son producteur que ce dernier soit le scénariste et le dialoguiste de Jenny. C'est le début d'une collaboration qui marquera dix ans de cinéma français.
Peut-être en raison de sa précocité, le réalisateur aura du mal, au début, à se faire une place dans le petit monde des studios français des années 1930. Les techniciens et les figurants, qui vénèrent l'aimable Jean Renoir comme un père de famille, vivent mal l'arrogance de ce jeune cinéphile qui vient du journalisme et a su profiter d'amis personnels que sont Jacques Feyder et son épouse Françoise Rosay, pour s'introduire dans le milieu.
Sur le plateau, on le dit froid, dictatorial, peu sûr de lui, ne fréquentant que les vedettes et les chefs d'équipe.
C'est donc presque à contrecœur, et le succès aidant, que l'on va reconnaître, au sein des équipes, le génie professionnel de Carné, son perfectionnisme et sa capacité à galvaniser les talents qui l'entourent
En 1937, Carné réalise Drôle de drame.
L'univers du tandem Carné-Prévert est en place.


Réalisme poètique

Bien qu'édifié sur un scénario et des dialogues d'Henri Jeanson de 1900 à 1970 et Jean Aurenche, Hôtel du Nord en 1938 ne détonne nullement dans cet univers, même si le réalisme noir de ce film doit plus à la littérature de "Eugène Dabit" qu'à cette atmosphère picturale que Quai des brumes de 1938 enveloppe de sa magie désespérée.
Là, tous les horizons sont barrés, ceux de l'amour, ceux de l'art, ceux de la liberté.
La règle des trois unités commande aussi au Jour se lève en 1939, sommet de l'œuvre du cinéaste.
Carné trouve en Jean Gabin une incarnation parfaite de sa vision fraternelle, insurgée et désespérée.
Surtout, il porte à la perfection, deux ans avant Citizen Kane, un cinéma de la mémoire.
Après les Visiteurs du soir en 1942 et avant les Portes de la nuit en 1946, Carné tourne les Enfants du paradis en 1945.
Le réalisme poétique opte pour le Paris de Louis-Philippe et de Balzac ; il s'y dévoile comme un néoromantisme dévoré d'énergies encore plus que de passions.
Apothéose du spectacle, cinéma impur c'est à dire, à la fois théâtre et cinéma, était ce film – avec Henri V par Laurence Olivier et Ivan le Terrible de Eisenstein parus à la même époque – ont fait parler les théoriciens de la "troisième voie", et en conduit d'autres à renoncer à la notion d'une spécificité du septième art.
Avec Le Quai des Brumes et Le jour se lève, il va devenir une figure clé du "réalisme poétique ".
Durant la Seconde Guerre mondiale, Les Visiteurs du soir et Les Enfants du paradis marquent l’apogée de sa carrière, en même temps qu’ils traduisent une inflexion certaine de l’œuvre.
Après la guerre, malgré des réussites certaines, Carné ne parvient pas à renouer avec la créativité de ces deux périodes.

Entre réalisme et féerie

En 1947, la paix est revenue, une nouvelle époque commence.
Le néoréalisme italien impose ses modèles. Le réalisme poétique n'est plus viable ; le personnage mythologique de Gabin est anachronique.
Avec la Marie du port en 1950, adapté de Georges Simenon, Carné va s'en délivrer.
Il se sépare de Prévert. Il prend le contre-pied de ses anciens thèmes. Il tourne dans une Normandie bien réelle.
Finis le manichéisme, l'amour fou, le destin. La séparation du tandem consacre la décadence d'un point de vue strictement cinématographique de l'un et de l'autre.
"Carné encadrait bien le délire de Jacques, dira l'acteur Raymond Bussières.
Leur œuvre est faite de leur perpétuel conflit.
Carné est aussi froid que Jacques est délirant. Chacun apportait à l'autre ce qu'il n'avait pas. "Sans Prévert, Carné va balancer entre réalisme et féerie sur une pente descendante, même si Juliette ou la Clé des songes en 1951 n'est pas sans prestige, même si les Tricheurs en 1958 obtiennent un énorme succès.
Thérèse Raquin en 1953, d'après Émile Zola, restera la seule réussite dans sa carrière post-prévertienne.

Homosexuel lui-même, mais de manière non publique, Marcel Carné traita dans plusieurs de ses films, de manière secondaire ou parfois oblique, de thèmes homosexuels : les relations ambiguës entre Jean Gabin et Roland Lesaffre dans L'Air de Paris, le personnage de Laurent Terzieff, qui se fait entretenir par des personnes des deux sexes dans Les Tricheurs, le gigolo bisexuel des Jeunes Loups.
Il déclarait à ce sujet :
"Je n'ai peut-être jamais tourné d'histoire d'amour entre hommes, mais ça a été souvent sous-jacent. ..."
"Mais d'histoires entre homos, non. Je me suis souvent posé la question : est-ce que c'est un manque d'audace ? Les films homosexuels ne font pas beaucoup d'entrées, c'est un circuit restreint, et je n'aimerais pas avoir un insuccès dans ce domaine, d'autant que je n'aimerais filmer alors qu'une grande histoire d'amour. Mais je crois surtout que j'aime mieux les choses qu'on devine;"

Marcel Carné meurt à Paris le 31 octobre 1996. Il est enterré au cimetière Saint-Vincent dans le 18e arrondissement de Paris, au pied de la butte Montmartre.


Survol de l'oeuvre
;



Le réalisme poétique

"Quand le cinéma descendra-t-il dans la rue ?",
s'interroge Carné en 1933, dans un article rétrospectivement célèbre de Cinémagazine.
Son premier film, Nogent, Eldorado du dimanche en 1929, avait été un court-métrage documentaire poétique, produit loin des structures traditionnelles.
Il est paradoxal, à moins d'invoquer quelque inéluctable logique de l'histoire que, trente années après ce premier opus, Carné ait été à son tour méprisé par les jeunes loups de la Nouvelle Vague, qui voudront voir en lui le représentant d'un cinéma de studio, sclérosé, artificiel et insincère.
Entre-temps, il aura connu une gloire sans pareille, suivie d'une désaffection brutale à la suite de la sortie des Portes de la nuit en 1946, puis d'allers et retours indécis dans les faveurs de la critique comme du public.

Dans l'exceptionnelle série des huit films de la période 1936-1946, la variété de tons et de sujets n'est point contradictoire avec l'homogénéité des thèmes et de la plastique.
Certains leitmotiv tournent à l'obsession, et le florilège le plus complet en est livré dans le dernier film du tandem légendaire qu'il forma avec son scénariste Jacques Prévert, Les Portes de la nuit en 1946 : l'amour qui transfigure les êtres et brise les barrières sociales est destiné à être détruit par une fatalité qui, loin d'en anéantir l'éclat, renforce sa puissance en l'inscrivant dans la mémoire.
Si la fin d'un film de Carné est tragique, elle n'est jamais cynique ; et si l'épilogue est optimiste, il nous fera toujours sentir la précarité du bonheur, qui en fait tout le prix comme dans "Hôtel du Nord" en 1938, où Henri Jeanson remplace Prévert.
Afin d'être plus profondément transfigurés, les protagonistes partent souvent du plus bas, socialement et moralement ; c'est ce qui les rendait si peu ragoûtants pour la critique de l'époque, qu'elle fût de droite ou de gauche, qui jugea souvent le cinéma de Carné démoralisant ou démobilisateur.
Mais, toujours, leur parcours les rend mythiques, même s'ils n'ont que dix-sept ans comme Nelly , jouée par Michèle Morgan, dans Le Quai des Brumes, en 1938.
Et, transformés en statues de pierre, ils continueront d'avoir le cœur qui bat : c'est la splendide dernière séquence d'un film inégal, Les Visiteurs du soir en 1942.
Les décors d'Alexandre Trauner, la musique de Maurice Jaubert ou de Joseph Kosma, la lumière des plus grands opérateurs de l'époque construisent l'espace visuel et sonore au sein duquel le fatum selon Carné tisse sa toile, dans les brumes épaisses du Havre comme sous le soleil trompeur d'une Provence médiévale dans "Les Visiteurs du soi

Les Visiteurs du soir, M. Carné

C'est la grande actrice Arletty qui joue le rôle de Dominique dans Les Visiteurs du soir, de Marcel Carné en 1942.
En choisissant de porter à l'écran cette légende médiévale, Carné joue la lumière sans ombres du mythe contre l'opacité de l'Occupation.
Le cinéma de Carné échappe cependant à l'esprit de système.
Ainsi, ses règles narratives trouvent une exception dans la loufoquerie iconoclaste de Drôle de drame de 1937.
Peut-être concocté pour se venger de l'intrigue conventionnelle imposée par le producteur de Jenny en 1936, où la poésie et l'originalité étaient avant tout l'apanage d'insolites seconds couteaux, Drôle de drame tient à la fois du pastiche cérébral et du canular surréaliste. Expérience hors normes, servie par des comédiens grandioses, tels : Michel Simon, Louis Jouvet, Françoise Rosay, Jean-Louis Barrault, Jean-Pierre Aumont, jouant comme s'il n'y avait que des seconds rôles !, l'exception est elle-même révélatrice : un monde sans les " enfants qui s'aiment" est voué au chaos le plus dément.
Mais, de l'échec commercial du film, Carné retiendra une leçon pour le reste de sa carrière : ne jamais oublier de présenter au public des personnages auxquels il puisse s'identifier.

Deux mythes cinématographiques


Deux chefs-d'œuvre encadrent la période de la guerre.

Le premier, Le jour se lève en 1939, verra son importance minimisée en regard des préoccupations du moment ; le second, Les Enfants du paradis, commencé sous l'Occupation et sorti en mars 1945, sera le film du triomphe sur l'adversité, entretenant l'illusion d'une continuité du cinéma français au-delà des tourments de l'histoire : étrangement, la pérennité des mythes accompagnant la perte de l'innocence est le thème sous-jacent du film, qui met en scène des personnages célèbres : Jean-Louis Barrault en Deburau, Pierre Brasseur en Frédérick Lemaître, Marcel Herrand en Lacenaire... piégés dans l'entrelacs de la fiction prévertienne les femmes : Arletty, Maria Casarès ; le Destin : Pierre Renoir, Gaston Modot..
Les Enfants du paradis est peut-être le film le plus célèbre du couple Carné-Prévert. Cette fresque de près de trois heures, commencée sous l'Occupation et achevée en mars 1945, marque l'apogée du réalisme poétique au cinéma.


Le jour se lève s'impose avec les ans comme la réussite la plus parfaite de Marcel Carné. Le récit par retours en arrière imaginé par Jacques Viot charpente admirablement la trame criminelle, que Carné mène à son terme inexorable avec netteté et rigueur, grâce à l'aide, encore une fois, d'une distribution inouïe : Jean Gabin, Arletty, Jules Berry, Jacqueline Laurent, et dix petits rôles.
Le fameux dernier plan du film est presque un manifeste de la mise en scène selon Carné, dans sa dialectique du réel et de l'illusion : le héros étant mort, aussi inerte que ses meubles, la grenade lacrymogène qu'on lui envoie n'a de fonction que poétique, celle de matérialiser la lumière de l'aube qui donne son titre au film, tandis que le réveille-matin signe ironiquement la fin d'un compte à rebours.
Force est de constater que le Carné d'après 1946 ne se hissera jamais à ces sommets, malgré de belles fulgurances et une maîtrise technique, en particulier dans la photo et la direction d'acteurs, qui ne le quittera vraiment qu'à la fin des années 1950.
Il continuera d'alterner, avec une touchante fidélité à ses débuts, les sujets sociaux et les fables imaginaires, de l'ambitieux "Juliette", ou "la Clef des songes", en 1951, avec Gérard Philipe, à l'anodin "Le Pays d'où je viens", 1956, avec Gilbert Bécaud, jusqu'à se compromettre en fin de course dans d'embarrassants naufrages : "Les Jeunes Loups" en 1968 ; La Merveilleuse Visite en 1974.
Après la rupture avec Prévert, Carné resta à la recherche du scénariste idéal, empruntant pour le meilleur celui de Clouzot, Louis Chavance, "La Marie du port" en 1950, d'après Simenon, ou celui de Renoir, Charles Spaak avec "Thérèse Raquin" en 1953, d'après Zola, et, pour le pire, celui d'Yves Allégret, Jacques Sigurd, qui réduisit sa vision du monde à l'échelle d'un roman de gare, mais contribua à remplir les salles et à faire illusion dans les festivals : "L'Air de Paris", 1954 ; "Les Tricheurs", 1958 ; "Trois Chambres" à Manhattan, 1965.
Les échos de films plus anciens ravivent çà et là un espoir : le public populaire d'un match de boxe, la déambulation nocturne de deux amants, la gouaille d'un gardien d'immeuble, mais souvent ils ne font qu'exacerber le souvenir.
Marcel Carné, prisonnier de sa légende, lui survivra pourtant pendant près d'un demi-siècle ; jusqu'au bout, il se battra pour des projets avortés.
Avant d'avoir atteint quarante ans, le réalisateur des Enfants du paradis était devenu une institution de cinémathèque, un "incontournable ", comme on dit aujourd'hui : ce fut aussi, un peu, sa tragédie.


Filmographie


1929 : Nogent, Eldorado du dimanche
1936 : Jenny
1937 : Drôle de drame
1938 : Le Quai des brumes
1938 : Hôtel du Nord
1939 : Le jour se lève
1942 : Les Visiteurs du soir
1945 : Les Enfants du paradis
1946 : Les Portes de la nuit
1947 : La Fleur de l'âge (inachevé)
1950 : La Marie du port
1950 : Juliette ou la Clé des songes
1953 : Thérèse Raquin
1954 : L'Air de Paris
1956 : Le Pays d'où je viens
1958 : Les Tricheurs
1960 : Terrain vague
1962 : Du mouron pour les petits oiseaux
1965 : Trois chambres à Manhattan
1968 : Les Jeunes Loups
1971 : Les Assassins de l'ordre
1974 : La Merveilleuse Visite
1977 : La Bible
1991 : Mouche (inachevé)

Distinctions

Lion d'argent de la meilleure réalisation à la Mostra de Venise pour Thérèse Raquin (1953)
Lion d'or récompensant l'ensemble de sa carrière à la Mostra de Venise, partagé avec John Ford et Ingmar Bergman (1971)
European Film Award d'honneur : Life Achievement (1995)
À propos du duo Carné/Prevert

Marcel Carné et Jacques Prévert ont fait de nombreux films ensemble : le premier comme metteur en scène, le second comme dialoguiste et scénariste.
Ces films ont été les plus grands succès de la carrière de Carné. Beaucoup se sont interrogés sur la paternité à attribuer à chacun sur ces projets.
Dans son portfolio consacré à Jacques Prévert pour l'ADPF, Danièle Gasiglia-Laster écrit : "On a parfois décrété que les images raffinées et esthétisantes de Carné s'accordaient mal avec le style direct et populaire des dialogues de Prévert.
C'était méconnaître la richesse et la variété de ce style qui allie humour et poésie, onirisme et notations réalistes, lyrisme et fantaisie, qui donne l'impression d'être immédiat et spontané mais résulte d'un travail minutieux. Georges Sadoul a parlé de "Réalisme poétique" en évoquant l'association Prévert-Carné, Pierre Mac Orlan dira "fantastique social".
Ces désignations reflètent bien la dualité de ces films, où des personnages issus de milieux modestes évoluent dans les décors inquiétants et splendides d'Alexandre Trauner, portés par la musique de Maurice Jaubert ou de Joseph Kosma".
Selon D. Gasiglia-Laster, l'opposition que l'on fait habituellement entre Carné et Prévert résulte donc d'une insuffisante prise en considération de la démarche artistique de Prévert et de ce qui, chez lui, n'est pas réductible au jaillissement d'un burlesque incontrôlé.
Carole Aurouet en revient à l'opposition mais lui trouve des avantages dans Prévert, portrait d'une vie :
"Prévert et Carné ont incontestablement des caractères contraires. C’est d’ailleurs probablement leur opposition qui permit leur complémentarité dans le travail et qui fit leur succès."
D'après Raymond Bussières, Carné "encadrait" bien le délire de Jacques",
" leur œuvre commune étant faite de leur perpétuel conflit ".
Selon lui, " les deux hommes sont aussi différents que possible, et chacun apportait à l’autre ce qu’il n’avait pas. Carné est aussi froid que Jacques est délirant".
Il ne pense pas qu’il y ait existé une profonde amitié entre les deux hommes mais plutôt une sorte d’attachement assez difficile à cerner de l’extérieur.
Arletty qualifie quant à elle Carné de "Karajan du septième art" qui "dirige par cœur la partition qui lui est confiée, en grand chef " lire dans "La Défense".
Si Prévert ne se livre pas sur le sujet, Carné précise en 1946 à Jean Queval dans L’Écran français du 29 mai :
" Sur le plateau, je ne change pas un mot et je veille au respect absolu de son texte par les acteurs. Il arrive que je sois contraint de couper : je ne le fais jamais sans son accord".
En 1965, lorsque Robert Chazal lui demande d’évoquer à nouveau sa collaboration avec Prévert, le cinéaste répond :
"On a tellement dit de choses inexactes à ce sujet… Ceux qui veulent m’être désagréables disent que, sans Prévert, je n’aurais pas fait les films que l’on connaît. D’autres disent la même chose à propos de Prévert. En fait, notre rencontre a été bénéfique, mais il aurait été néfaste pour l’un comme pour l’autre d’éterniser une collaboration qui ne s’imposait plus. Nous avions évolué chacun de notre côté. Il faut pour collaborer comme nous l’avons fait, Prévert et moi, une identité de vue et de réaction qui ne peut être un phénomène de très longue durée. … Beaucoup de journalistes chercheront à savoir quelle part revenait à chacun d’entre nous dans la confection d’un film. Nous-mêmes n’aurions pas su très bien le dire. Sauf les dialogues que Prévert rédigeait seul et que j’ai rarement modifiés, la rédaction du scénario, le choix des acteurs, étaient un peu un travail en commun, où l’importance de la part de l’un et de l’autre variait suivant le film. Notre collaboration cependant s’arrêtait à la remise du script définitif, Prévert me laissant absolument libre de réaliser le film comme je l’entendais…J’avais peut-être un certain équilibre inné de la longueur des scènes et de la construction"


Le jour se lève

Classique français du "réalisme poétique" des années 1930, Le jour se lève vient après l'un des plus grands succès de Marcel Carné, Quai des brumes en 1938, auquel il semble reprendre beaucoup d'éléments, aussi bien pour l'équipe, le dialoguiste Jacques Prévert, le décorateur Alexandre Trauner, le musicien Maurice Jaubert, et Gabin dans le rôle principal, que pour la thématique : la fatalité qui poursuit un homme simple.
Cependant, le film fut moins bien accueilli, et parfois considéré comme un ressassement.
Ce n'est que plus tard qu'il sera reconnu comme le chef-d'œuvre de Carné, notamment grâce au critique André Bazin
Le jour se lève est donc le classique de son auteur, s'inspirant d'un cinéma muet encore assez proche et de la tradition allemande de ce qu'on a appelé le Kammerspiel, que Carné a su transposer avec succès dans le cadre français : la "pièce de chambre", le drame épuré situé dans un nombre limité de décors et dans un milieu social modeste, débouchant sur une fin tragique pressentie au début.


Résumé
Dans les années 1930, au dernier étage d'un immeuble isolé dominant un quartier populaire, résonne un coup de feu : François, ouvrier dans un atelier de sablage, vient de tuer un homme.
Cerné par la police, sans espoir, il refuse de se rendre, malgré les appels de ses amis, et revit en flash-back les évènements qui l'ont mené là : sa rencontre avec une jeune fleuriste, Françoise, dont il est tombé amoureux, et qui a été séduite par Valentin, un dresseur de chiens, "protecteur" provocant et équivoque ; sa liaison – sans amour – avec Clara, l'ancienne assistante du dresseur ; et ce dernier, qui vient le provoquer chez lui.
François se suicide avec son pistolet au moment où le jour se lève, alors que la police donne l'assaut et envahit l'appartement.

Commentaires:

Un film démoralisant
Titré comme une chanson, Le jour se lève s'apparente à un quatuor à cordes jouant en sourdine, Carné ayant demandé aux acteurs de retenir leur voix : il est possible qu'il ait été influencé par Gueule d'amour de 1937, de Jean Grémillon, où Gabin passe d'une voix timide et retenue à une voix hurlée.
Un critique de cinéma de l'époque titrait son article :
"Après le film muet et le film parlant, le film chuchoté".
Doux et quasi féminin, puis rageur quand il est confronté au personnage ambigu de Valentin, François enrichit le film avec un rôle à contre-emploi.
Arletty, sobre, trouve ici son meilleur rôle avant celui de Garance dans Les Enfants du paradis, et le moins alourdi en "pittoresque parisien".
Jacqueline Laurent est l'ingénue qu'on attend, et Jules Berry reprend ici en finesse un rôle qu'il a déjà joué et jouera encore, celui de la canaille cauteleuse qui "embobine" ses victimes avec ses phrases et ses mots choisis.
C'est la première fois qu'il joue chez Carné, lequel en fera le Diable en personne dans Les Visiteurs du soir.
Le jeu sur le temps, une idée due à l'auteur du scénario d'origine, Jacques Viot, enchâssant une histoire au passé dans une situation au présent qui a sa propre progression fatale, est remarquablement orchestré dans le film.
Au présent, cependant que François attend sans se décider à se rendre et remâche le passé, le temps s'écoule, inéluctable, réel, ce que signifie le titre, et au passé, il est encore plein d'ellipses, d'ouvertures et d'espoirs.
La musique à peine thématique de Maurice Jaubert assure admirablement la liaison entre les époques.
Intense et sombre, elle renonce au pittoresque des javas populaires et des valses musettes qu'on entendait dans Hôtel du Nord en 1938, et Quai des brumes – ce qui une fois encore rejoint l'esprit du Kammerspiel, dans lequel on se gardait souvent de planter une atmosphère trop située géographiquement et culturellement.
Du Kammerspiel vient également le soin apporté au décor de la chambre de François : ours en peluche, photos, boyau de vélo.
Carné a voulu que cette chambre, où le héros attend la fin et ressasse son passé, soit un décor absolument clos, des quatre côtés, au lieu d'être, comme souvent, ouvert sur un côté.
Sorti à la veille de la guerre, le film est interdit en France durant l'occupation, comme démoralisant, mais il est montré dans le monde entier, où il impressionne beaucoup de cinéastes japonais et suédois.
Crise Kris, 1946, le premier film d'Ingmar Bergman, sera profondément influencé par Quai des brumes et Le jour se lève.


Quai des brumes


Dès sa sortie, le film Le Quai des brumes est l'objet de nombreuses polémiques.
Jean Renoir le baptise Le Cul des brèmes et insinue que c'est un film fasciste .
À l'inverse, Lucien Rebatet, journaliste et critique collaborationniste, décrit ainsi Marcel Carné dans Les Tribus du cinéma et du théâtre publié en 1941 :
"Marcel Carné est aryen, mais il a été imprégné de toutes les influences juives. Il n'a dû ses succès qu'à des juifs et a été choyé sous leur étiquette. Carné, qui ne manque pas de dons, a été le type du talent enjuivé. Il a été, en France, le représentant de cet esthétisme marxiste qui est partout un des fruits de la prolifération des Juifs.... Ses héros sont des médiocres assassins, des candidats au suicide, des souteneurs, des entremetteuses... Dans l'immense diffusion du cinéma, ces produits spécifiques du judaïsme ont joué un rôle de dissolvant social et contribué à l'avilissement des esprits et des caractères".
À la sortie des Visiteurs du soir en 1943, le même Rebatet se faisiat photographier entre Arletty et Marcel Carné.

Résumé

Un déserteur, Jean, arrive au Havre en espérant s'y cacher avant de partir à l'étranger. Dans la baraque du vieux Panama, il rencontre le peintre fou Michel Krauss et une orpheline, Nelly. Celle-ci vit chez son tuteur, Zabel, qui tente d'abuser d'elle. À la fête foraine, Jean a une altercation avec un voyou, Lucien. Une idylle se noue entre Jean et Nelly.
Commentaire
Classique du cinéma français grâce aux répliques fameuses de Prévert, le "T'as de beaux yeux, tu sais" de Jean Gabin, le "Je peins les choses qui sont derrière les choses" de Robert Le Vigan, le "Mieux vaut avoir cette tête-là que pas de tête du tout " de Michel Simon, Quai des brumes est le film-manifeste du réalisme poétique.
La fatalité plane sur les pavés mouillés, la mort est au bout du scénario, les amoureux sont désespérément seuls dans un monde sans issue, peuplé d'épaves pathétiques et de sombres crapules… Du suicide à la désertion, on cherche à fuir.

Drame de Marcel Carné, avec Jean Gabin ,Jean, Michèle Morgan, Nelly, Michel Simon Zabel, Pierre Brasseur, Lucien, Robert Le Vigan, Michel Krauss, Aimos, Quart-Vittel, Édouard Delmont, Panama, Marcel Peres, le chauffeur.
Scénario : de Jacques Prévert, d'après le roman de Pierre Mac Orlan
Photographie : Eugen Schüfftan
Décor : Alexandre Trauner
Musique : Maurice Jaubert
Montage : René Le Hénaff
sortie en 1938
Prix Louis-Delluc en 1939;



Liens à écouter et regarder

http://youtu.be/OLwwPxRc0Y8 les visiteurs du soir
http://youtu.be/jsoMOPjBENo Les Tricheurs
Marcel Carné; partie 2
http://youtu.be/-QHeW2zmENs 2
http://youtu.be/VU8ZpuULLaw 3
http://youtu.be/H7xPyDHMGK0 4
http://youtu.be/NlT15CRsW90 hotel du nord




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Posté le : 18/08/2013 00:51

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La Chanson française

Dans toutes les cultures, la parole chantée est le plus ancien mode d'expression poétique.
La musique, expression en soi, constitue aussi un système mnémotechnique qui permet de mieux retenir les paroles, comme la versification ou la rime.

La chanson française n'échappe pas à ces règles. Il ne nous reste rien de la culture poétique gauloise.
Mais, dès l'époque des serments de Strasbourg (842), un manuscrit, le Carmine juxta rusticorum, aurait conservé les paroles de chansons en langue romane, dans un créole gallo-latin qui deviendra la langue française : dans le chant d'église en latin s'intercalent des variations en langue populaire, les tropes. Pendant tout le Moyen Âge, on observe un va-et-vient permanent entre le profane et le sacré.
L'église adopte des airs profanes pour ses cantiques, le populaire s'empare d'airs d'église pour les chansons qui rythment sa vie quotidienne.

Autre va-et-vient, comme l'a remarqué le parolier Étienne Roda-Gil, la chanson circule de la salle à manger du seigneur au champ du paysan, constituant ainsi un puissant facteur d'unification de la langue française.
Soulignons cependant que le gros des paroles de la chanson traditionnelle française ne remonte pas à la nuit des temps mais aux XVIIIe et XIXe siècles.
L'analyse musicale plaide néanmoins en faveur d'origines extrêmement anciennes, médiévales, pour des chansons comme La Légende de saint Nicolas ou J'ai vu le loup, le renard, la belette – encore très populaire au Québec ou en Louisiane.

De la révolution occitane à la chanson populaire
La Chanson de Roland, vers 1100 et d'autres chansons de geste, psalmodiées, accompagnées d'instruments, les lais de Marie de France, poétesse établie en Angleterre, active entre 1160 et 1185, relèvent-ils de la chanson, hors du système couplets-refrain ?
Une chose est certaine : la première grande révolution chansonnière se situe en Occitanie, avec l'apparition des troubadours, dans la première moitié du XIIe siècle.
Dans cette société extrêmement raffinée qui bénéficie des apports de l'Espagne musulmane, la chanson est le véhicule privilégié de l'amour courtois.
Avec la répression du catharisme, les armées de Simon de Montfort écrasent aussi le fin'amor mais ramènent dans la langue d'oïl du nord du pays quelques-unes des idées civilisatrices du miracle occitan.
Des troubadours d'oc, on passe aux trouvères d'oïl. Le plus souvent, le poète appartient à la noblesse et ne peut chanter en public ; il se fait donc accompagner par un jongleur, qui sera son porte-voix.

Pour le Moyen Âge, il n'existe pas de poésie non chantée. Mais, au XIIe siècle, une révolution musicale, l'essor de la polyphonie, avec Pérotin-le-Grand et l'école de Notre-Dame, va peu à peu créer une fracture entre musique savante et musique populaire.
Au fil des siècles, celle-ci va s'accentuer.
Mais, parmi les premiers ouvrages imprimés en langue française figurent des recueils de chansons, pèle-mêle de chansons de ville et de chansons paysannes.
Nouveaux va-et-vient entre les cultures urbaines et les cultures rurales, entre les chansons aux mille versions anonymes de la tradition et les chansons de lettrés ou de semi-lettrés.
Si un Guillaume de Machaut entre1300 et environ1377 est autant auteur-compositeur que poète et musicien, si les poèmes de Ronsard ou ceux qui sont attribués à Louise Labbé, comme ceux de leurs homologues italiens, s'agrémentent de luth et de roulades de voix, la polyphonie de Clément Janequin entre 1485 environ et 1558, dont la complexité rend le texte quasi incompréhensible, consomme le divorce entre chanson savante et chanson populaire.
Jusqu'à aujourd'hui, certains lettrés en garderont une nostalgie et, en marge de leurs œuvres "sérieuses", écriront des "petites chansons".

Henri IV achève les travaux du Pont-Neuf, qui pendant trois siècles va être le haut-lieu de la chanson.
C'est là que des artistes de rue lanceront les chansons qui rayonneront sur toute la France.
"Gare aux Ponts-Neufs !" : pendant la Fronde, le prince de Condé rappellera à ses soldats qu'une chanson satirique peut tuer sinon un homme du moins sa réputation, même si les 5 000 chansons contre Mazarin, les fameuses "mazarinades" qui ont été recensées ne viendront pas à bout du cardinal, qui ne manquait pas d'humour :
" Laissez-les chanter, ils paieront les violons."

À côté de la chanson urbaine populaire et de la chanson rurale, une chanson de cour, œuvre de lettrés, s'établit dès la Renaissance.
Ma Belle si ton âme, encore chantée aujourd'hui, est l'œuvre de Guy Durant, avocat au barreau de Paris, anobli par le roi en "de la Bergerie".
Est-ce parce qu'il compose des "bergeries", ces chansons vouées aux amours bucoliques de la bergère et du berger, et qui sont en quelque sorte les ancêtres de la romance et de notre chanson d'amour à la Francis Cabrel ?

Deux types de chansons vont désormais coexister : l'une est écrite en langage "poissard" – le français populaire citadin –, l'autre en un français poli, "classique".
Mais, ne nous y trompons pas, à la cour on s'amuse du style poissard : les rois font venir les grands amuseurs "vulgaires", et plus d'un lettré livre des parodies, que le peuple adopte.
En ces temps où l'analphabétisme est la règle, la chanson reste la seule culture accessible au peuple.

La chanson politique et sociale

La romance de salon, accompagnée au clavecin, à la harpe puis à la guitare ou au pianoforte, constitue une passerelle entre la musique savante – elle est écrite pour être chantée par des amateurs – et la musique populaire.
Un Florian ne dédaigne pas d'écrire Plaisir d'amour ; Chateaubriand lui emboîtera le pas. Une petite société de chansonniers – au sens d'auteurs de chansons – naît : il s'agit de la société du Caveau,ou "des dîners du Caveau", fondée en 1733 par Alexis Piron, Crébillon fils et Charles Collé, et qui se réunit dans un restaurant de la rue de Buci, à Paris.
Elle envoie dans toute la France des chansons nouvelles, édite un recueil d'airs – les " timbres " – sur lesquels se composent les chansons : sur un seul timbre, pendant la Révolution française, pourront ainsi se décliner des dizaines de chansons manifestant les opinions les plus divergentes.
Le grand nom qui demeure de cette époque est celui d'un royaliste, le romanesque Ange Pitou : les paysans vendéens en révolte ont leur "romancero".
La plus belle chanson de cette époque est peut-être "La Liberté des nègres", écrite par Pierre Antoine Augustin de Piis pour célébrer l'abolition de l'esclavage, en 1794.
Mais de Piis se ralliera à Napoléon, et le totalitarisme impérial va étouffer toute velléité de contestation dans la chanson ; il ne pourra cependant pas empêcher le jeune Pierre Jean de Béranger de brocarder les appétits de conquête de l'empereur dans "Le Roi d'Yvetot" en 1813.

Béranger est la grande gloire chansonnière du XIXe siècle, le "Poète National", comme l'affirme la plaque figurant sous le médaillon en bronze réalisé par David d'Angers pour sa tombe au Père-Lachaise.
Son œuvre est à cheval entre la chanson "de bonne compagnie" du Caveau, où officie notamment son ami Marc-Antoine Désaugiers, auteur du Tableau de Paris à cinq heures le matin (1802), et celle, plus antisociale, des goguettes, ces assemblées libres où le petit peuple se réunit pour écouter des chansons et fronder Charles X, puis Louis-Philippe.
On préfère souvent s'étonner de la popularité de "l'immortel Bérangeré", idole des goguettes, que de recenser les beautés dans son œuvre souvent ironique : ses petits portraits, "Les Cinq Étages", "Jeanne la Rousse", "Lève-toi Jacques"et ses professions de foi libertine comme "Le Bon Dieu" sont des chefs-d'œuvre incontestables unanimement célébrés en leur temps.
Même s'il l'a regretté ensuite, Béranger fut l'un des plus grands propagateurs de la légende napoléonienne, mais ne se compromit pas avec le pouvoir qu'il avait aidé à mettre en place.
Napoléon III va juguler les tendances sociales de la chanson, à coups d'interdictions, voire d'emprisonnements.

La chanson revendiquée révolutionnaire et sociale circule plus ou moins sous le manteau et dans des cabarets que l'on qualifierait aujourd'hui d'alternatifs.
Elle est très surveillée, et persécutée.
Ce qui n'empêchera pas pour autant la création d'œuvres désormais mythiques comme, en 1866, Le Temps des cerises de Jean-Baptiste Clément (1836-1903) ou, en 1871,
L'Internationale d'Eugène Pottier (1816-1887), dans la veine des Chants et chansons de Pierre Dupont (1821-1870), célébré par Baudelaire.
Parallèlement, une sorte d' "industrie" de la chanson se crée, le café-concert.
Autant la politique en est presque bannie, mais Darcier – Joseph Lemaire –, qu'a célébré Hector Berlioz, y lance "La Canaille, j'en suis" en 1865, autant, sur le plan des mœurs, on est libre : éloge de la femme légère, du cocuage, personnages interlopes comme Joseph Kelm et bien d'autres... La seule soupape, c'est l'absurde où l'extrême de la bêtise devient du surréalisme involontaire : "la scie" ;"En voulez-vous des z'homards", "Il avait des bottes Bastien".


La chanson réaliste


Une société d'auteurs, ancêtre de la S.A.C.E.M., est créée en 1851 : désormais, un auteur ou un musicien pourront gagner leur vie avec ce qui est devenu un travail.
Le café-concert – le caf-conc' – établit le vedettariat.
Il ne nous reste aucun enregistrement de Thérésa, Emma Valendon, 1837-1913, ou de Paulus, Jean-Paul Habens, mais d'innombrables caricatures, photographies, mémoires, textes des plus grands littérateurs de l'époque les célèbrent.
Les imitatrices de Thérésa, enregistrées, nous donnent cependant une idée du style de la créatrice de La Femme à barbe ou des Canards tyroliens.
Entre-temps, le phonographe est né, qui nous restitue plus ou moins la présence des grands du caf-conc' 1900 : le rugissement puissant d'Aristide Bruant, la voix acérée d'Yvette Guilbert, le miel de Mayol, Félix Mayol, le naturalisme d'Eugénie Buffet, la revendication mélodramatique de Montehus, Gaston Mardochée Brunschwig.
Mais un des plus grands poètes de la chanson d'alors, Gaston Couté, mourra sans léguer aucune trace de sa voix à la postérité, comme Maurice Rollinat, ami de George Sand.
Notre mémoire est aussi la mémoire d'une censure.

À l'orée du XXe siècle, avec le développement des moyens de reproduction – phonographe et cinéma –, une révolution démarre depuis un tout petit espace, un cabaret de Montmartre : Le Chat noir, fondé en 1881 par le Viennois Rodolphe Salis.
Une bande de poètes, de peintres, de musiciens, héritiers d'autres clubs non conformistes comme les Zutistes ou les Incohérents, investissent un cabaret situé au-dessus de Pigalle.
En remettant au premier plan la poésie, ils se réclament de Baudelaire, de Verlaine, du Parnasse, qui s'étiolait sous les scies des comiques troupiers, ils régénèrent la chanson française avec leur haine du conformisme bourgeois, puis hélas ! deviennent des faiseurs comme les autres.
À côté des chanteurs"à voix" s'imposent les" diseurs" – le plus souvent des "diseuses", comme Esther Lekain, Ernestine Nickel, Anna Judic, Anne-Marie-Louise Damiens, et Yvette Guilbert.

C'est à la charnière du XXe siècle que se constitue le genre dit "chanson réaliste".
On peut lui trouver plusieurs ancêtres, au premier plan desquels la complainte traditionnelle, qui raconte des faits-divers sanglants, et la chanson de prison en argot, dont Victor Hugo a fait des pastiches.
Parmi ses influences figurent le roman naturaliste à la Zola, et son versant le plus antibourgeois, qui s'attache à la vie des "filles soumises", par exemple chez les frères Goncourt, Germinie Lacerteux, 1864 ou Joris-Karl Huysmans.
Aristide Bruant a certainement lu ces œuvres, mais il est aussi allé se documenter sur place, hantant les bas-fonds, s'imprégnant des réelles "chansons de pègre" qu'on pouvait y entendre.
Autant Bruant se complaît – avec génie – dans l'étalage de la misère, autant Jules Jouy , qui mourra fou, est un imprécateur, avec par exemple Fille d'ouvrier ou La Veuve, sur la guillotine; ses chansons ont mieux vieilli que le répertoire, alors très en faveur, des chantres de la revanche après la défaite de 1870, et la perte de l'Alsace-Lorraine.

Erik Satie tient le piano de Paulette Darty, Paulette Joséphine Combes," reine de la valse lente", créatrice de "Fascination" et de "Je te veux".
Paul Delmet met en musique les romances de Maurice Boukay, Charles-Maurice Couyba, dont Verlaine préface le recueil.
Dranem, Armand Ménard, hisse la chanson idiote jusqu'au pur génie, "Les P'tis Pois", "Pétronille", "tu sens la menthe".
Maurice Chevalier débute sur scène à l'âge de dix ans.
De grands musiciens classiques comme Maurice Ravel vendent, sans les signer, des mélodies à des marchands de chanson.
Si Paris regorge de cafés-concerts, la grande diffusion de la chanson reste "le petit format", feuille imprimée avec juste le texte et la mélodie de la chanson, sans accompagnement, vendue par les chanteurs de rues.
Il peut s'en vendre plusieurs millions d'exemplaires.
Harry Fragson – qui chante en anglais à Londres et en français à Paris – introduit timidement la syncope dans la chanson française ; Mayol et son exubérance efféminée, sa diction étincelante et ses mains papillonnantes règne sur la chanson de charme "Les Mains de femme", les gauloiseries monotones, et s'aventure à l'occasion dans un sous-genre en gestation : la chanson coloniale "Bou-dou-ba-da-bouh", "À la Martinique".
Avec le succès de La Paimpolaise, il révèle au grand public Théodore Botrel, géant réactionnaire chantre d'une Bretagne de carte postale.

La chanson revancharde va déboucher sur nombre d'hymnes haineux durant la Première Guerre mondiale.
Mais c'est une chanson à boire, La Madelon, que les poilus vont adopter.
Montéhus le pacifiste retourne sa veste, et aura du mal à s'en remettre après la guerre, même avec un chef-d'œuvre comme La Butte rouge en 1922.
En 1917, Gaby Deslys, Marie-Élise Gabrielle Caire, ramène de New York le premier orchestre de jazz américain à s'être fait entendre à Paris, et le danseur Harry Pilcer, pour une revue à grand spectacle sur le thème des bombardements, Laissez-les tomber.

Pendant les années folles de l'après-guerre, la chanson réaliste et ses clichés semble le seul endroit où une critique sociale peut se faire entendre.
Les femmes qui la portent – Fréhel, Marguerite Boulc'h, 1891-1951, Damia, Marie-Louise Damien, 1889-1978, Berthe Sylva, Berthe Faquet, 1886-1941, révélée par la radio, Andrée Turcy 1891-1974, bientôt Édith Piaf, 1915-1963 – sont aussi "viriles" que les "ténorinos" à la mode – Tino Rossi, Constantino Rossi, 1907-1983, Jean Sablon 1906-1994, Réda Caire Joseph Gandhour, 1905-1963 – sont douceâtres.
Avec son entraînement de boxeur et sa silhouette athlétique, Maurice Chevalier impose ses allures de gouape jusqu'à Hollywood.
Quelques musiciens trustent les succès : Vincent Scotto 1876-1952, Jean Lenoir 1891-1976, Maurive Yvain, 1891-1965 ; beaucoup écrivent en même temps pour l'opérette et le music-hall.
Des auteurs comme Albert Willemetz 1887-1964, excellent dans le genre léger, Maurice Aubert ou Raymond Asso, 1901-1968 ont le pessimisme heureux.
Capable de passer du rire aux larmes, la fantaisiste Marie Dubas, 1894-1972 est la parfaite incarnation, avec sa devancière Mistinguett, Lucienne Boyer, Jeanne Bourgeois, de ce qu'une avant-garde voit dans le music-hall : un "spectacle total", fait de théâtre, de chants, de danses, de mime. Joséphine Baker, Freda McDonald, 1906-1975 – rêve universaliste ? rêve colonial ? – dompte sa voix bluesy et la porte jusqu'aux trilles parisiennes.

Évolutions et révolutions

Avec les années 1930 plusieurs révolutions vont changer la face de la chanson française : le cabaretier Louis Leplée découvre la môme Piaf dont la mère travaillait dans un de ses cabarets.
Sous l'influence du jazz, les compositeurs inventent une nouvelle écriture ; les textes percutants de Jean Tranchant , l'arrivée de Charles Trenet , les chansons de Mireille (1906-1996) et Jean Nohain (1900-1981) modifient profondément le paysage, pendant qu'un Suisse, Gilles, Jean Villard, 1895-1982), réinvente la chanson contestataire Dollar, 1932, avant de s'établir à Lausanne pendant l'Occupation pour y écrire des chansons antinazies.

Lys Gauty , Alice Gauthier, 1908-1994 démontre qu'on peut à la fois chanter des rengaines et interpréter Kurt Weill.
Interprète de Je suis seule ce soir, Léo Marjane, Thérèse Gérard, née en 1912 ? se situe au confluent de plusieurs styles et influences : ceux de la chanson réaliste, du jazz, des musiques d'Europe centrale, avec des emprunts au jazz klezmer des Andrews Sisters. Marianne Oswald , Alice Bloch, 1901 ou 1903-1985 importe l'expressionnisme berlinois dans la chanson ; elle, la ténébreuse, et le joli oiseau Agnès Capri, Sophie Rose Friedmann, 1915-1976 seront les premières à interpréter Jacques Prévert, premiers jalons de Saint-Germain-des-Prés.

L'Occupation, ce sont d'abord les persécutions dont sont victimes les artistes juifs, chassés des théâtres de la zone occupée, puis de toute la France, des ondes, des sociétés d'auteurs. Casimir Oberfeld, 1903-1945, auteur de succès de Mistinguett, est assassiné en déportation, à Auschwitz.
Certains patriotes gagnent Londres, comme Germaine Sablon, son frère Jean restant aux États-Unis.
D'autres passent en Suisse, comme Marie Dubas ou Renée Lebas, qui se fait connaître au micro de Radio-Lausanne.
La situation est difficile pour ceux qui restent, et qui doivent continuer à chanter en essayant d'éviter les ornières ; certains s'y enliseront.
Était-il si facile de refuser une invitation à chanter à Berlin ?
La vogue du swing et ses Irène de Trébert (1921-1996) était-elle un pied de nez à l'occupant ?
Comme ces emprunts au blues de la Piaf de l'époque ? Une chose est certaine : la Révolution nationale prônée par le régime de Vichy n'aimait pas les zazous comme Trenet. Une chanson nostalgique, "Mon Amant de Saint-Jean", créée en 1942 par Lucienne Delyle (1917-1962), relevant du pur réalisme – une jeune femme rencontre un souteneur dans un bal –, a passé la barrière du temps jusqu'à aujourd'hui.


De Saint-Germain-des-Prés aux yéyés


La chanson de l'après-guerre louvoie entre plusieurs courants.
À Saint-Germain-des-Prés, comme les dadaïstes de 1918, une jeunesse ne croit plus aux certitudes de ses aînés.
Une école du non-sens, de la poésie – avec à sa tête Jacques Prévert –, cependant que les musiques louchent vers le jazz sans jamais le plagier, va amener un grand souffle de nouveauté, dans lequel le jeune Yves Montand, Ivo Livi, 1921-1991 va trouver son auteur de choc, Francis Lemarque, Nathan Korb, 1917-2002.
C'est Juliette Gréco qui chante Queneau, Prévert et Vian, c'est Nicole Louviers, 1933-2003, jeune femme poète et romancière qui serait la première à s'être produite sur scène avec un répertoire qu'elle s'est entièrement constitué.
C'est le temps de la rive gauche. Léo Ferré végète en attendant que Catherine Sauvage le révèle au public.
Stéphane Golmann 1921-1987 n'est pas encore haut fonctionnaire à l'U.N.E.S.C.O.
Cora Vaucaire impose sa simple préciosité. Les Frères Jacques constituent le pendant sophistiqué des Compagnons de la chanson.
Piaf, elle, s'impose à New York et gagne ainsi le statut de "chanteuse nationale".
Germaine Montero, Germaine Heygel, 1909-2000 oscille entre théâtre et chanson.
Rive droite, la mode new look sévit : les chanteuses doivent être "chics", et Christian Dior habille Lucienne Delyle.
La chanson française s'exporte : une Jacqueline François, une Line Renaud, une Renée Lebas chantent qui aux États-Unis, qui à Moscou, qui à Alexandrie.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Québec, privé des imports français, a développé une industrie de la chanson autonome.
Alys Roby et ses espagnolades succèdent aux "turluttes" de La Bolduc, Mary-Rose-Anna Travers, 1894-1941.
Et c'est un Québécois armé d'une guitare, de fraîcheur et de poésie, Félix Leclerc 1914-1988, qui va détrôner la chanson rive droite, si corsetée, menacée par l'insignifiant.
Après lui, on peut écouter Georges Brassens, Léo Ferré qui peinait tant, Jacques Brel venu de Belgique, Charles Aznavour qui languissait, guidé par Piaf.
Catherine Sauvage est populaire et racée, exigeante, bouleversée par Brecht.
Et déjà, Gilbert Bécaud allie des talents de mélodiste hors pair, un jeu de piano original, des arrangements qui se souviennent de Duke Ellington et des textes polis, voire désuets. Tenace, Barbara travaille peu à peu à sa légende, à contre-courant des modes, à l'instar d'Anne Sylvestre.
Gréco se cherche dans une chanson plus accessible que précédemment.

Pendant que la jeune génération de la rive gauche, déplacée vers la rue Mouffetard, prépare une modernisation des musiques de la chanson poétique, Jehan Jonas, c'est le raz de marée des yéyés.
À partir de 1958, sur ce qui est alors la première radio commerciale, Europe n0 1, "Salut les copains !" , une émission aux méthodes contestables – " matraquages ", faux hit-parades – ravage le paysage de la chanson française.
Beaucoup de talents prometteurs, comme Guy Bontempelli, ne s'en remettront pas, beaucoup de carrières s'arrêteront brutalement : il n'y a plus de débouché pour la chanson intelligente.
Les monstres restent, ou tournent casaque, comme Serge Gainsbourg.
Et les nouvelles idoles – Johnny Hallyday et Eddy Mitchell mis à part – ne sont pas exportables dans le pays de leurs rêves : les États-Unis.
Leur répertoire est somme toute médiocre, leurs prestations scéniques parfois poussives, avec de surcroît l'utilisation du play-back sur scène.
Par ailleurs, cette nouvelle jeunesse se montre politiquement très conform

Le Français Serge Gainsbourg (1928-1991), auteur-compositeur-interprète, et l'actrice et chanteuse britannique Jane Birkin, se détachent cependant de ce paysage quelque peu monotone des artistes prometteurs comme Françoise Hardy née en 1944 et Jacques Dutronc né en 1943.
L'essor des "marginaux"
Claude Nougaro 1929-2004 sort du lot, qui doit composer avec les yéyés pour faire passer sa différence : faire de la poésie avec un accent toulousain, c'était courageux !
Et c'est après Mai-68 que vont apparaître, très mal vus au début, des marginaux qui finiront par prendre le pouvoir : Bernard Lavilliers né en 1946, Jacques Higelin né en 1940, Brigitte Fontaine née en 1940 – qui se doute alors que cette auteur-interprète singulière, qui fait exploser la forme de la chanson moderne, puis subit une éclipse de vingt ans, deviendra la grande référence des jeunes artistes à l'orée du XXIe siècle ?
Moins solide, trop intransigeante, Mama Béa Tékielski ne résistera pas au show-business. Sur les radios FM, une autre différence s'installe, celle de Véronique Sanson née en 1949 et de Michel Berger 1947-1992, qui cultivent un américanisme doux, tempéré de paroles sensées et d'une sensibilité vraie.
Le tandem Laurent Voulzy-Alain Souchon le premier né en 1948, le second en 1944 fait preuve d'une réelle invention langagière.
Alain Bashung 1947-2009 mêle habilement des influences aussi diverses que celles de Gainsbourg ou du rock américain.
Mais, peu à peu, la musique anglo-saxonne supplante la musique francophone sur les ondes françaises, peu à peu le paysage se scinde entre le show-business et ses artistes au message aseptisé, parfois talentueux néanmoins, et les tenants d'une rive gauche qui se serait ouverte aux nouvelles tendances musicales – un jazz moderniste et les musiques du monde –, au premier rang desquels Higelin, Lavilliers et Brigitte Fontaine.

Ferré fut le gourou des années 1970. Le cynique Gainsbourg sera celui des années 1980 ; mais le succès l'atteint quand son talent s'amenuise, ses grandes chansons demeurant celles de sa période rive gauche.
À la fin de sa carrière, il lance une mode de chansons faites de jeux de mots unis bout à bout qui peu à peu vide le genre de son sens.

Au tournant du XXe siècle


On ne pouvait imaginer que l'introduction du jazz dans la chanson française des années 1930 allait régénérer l'écriture de celle-ci.
On ne peut pas plus deviner que l'importation du rap américain va ramener le sens dans la chanson.
En même temps qu'une loi de quotas pour les radios est votée – au Québec, elle a sauvé l'expression francophone –, le rap français impose des textes qui parlent du quotidien, qui dénoncent, qui revendiquent.
Un autre mouvement, dit "alternatif" , essaie de s'éloigner du modèle américain et de se réinventer un arbre généalogique, en se réappropriant l'accordéon et la chanson populaire des années 1920.
Confrontés à un show-business hostile, Les Têtes raides, apparus en 1988, mettront vingt ans à imposer leur "java-rock", tout comme leurs amis de La Tordue, formée en 1989, ou les Rita Mitsouko.
Et un groupe qui semblait pourtant bien parti, dès 1987, Les Négresses vertes, connaîtra rapidement la déconfiture.

À côté de la chanson " médiatique ", qui peut friser des abîmes de nullité, le boys band des 2Be3 !, une chanson de qualité résiste : Allain Leprest le maudit, Gilbert Lafaille, Michèle Bernard, Véronique Pestel...
Les parcours sont cependant difficiles : même avec un réel soutien du public, l'inclassable Juliette et son bagage musical sérieux devra patienter vingt ans avant qu'une grande maison de disques la prenne sous contrat.
La nouvelle génération du XXIe siècle éprouve moins de complexes à l'égard de la chanson anglo-saxonne, mais présente des problèmes d'identité.
La vogue des musiques du monde a rappelé qu'on pouvait avoir du talent en espagnol, en arabe ou en wolof, pas uniquement en anglais.
Et c'est une nouvelle explosion de chansons qui racontent des histoires, à la limite de la chanson de chansonnier des années 1930 : Vincent Delerm, Bénabar, Jeanne Cherhal... Les enfants des soixante-huitards détestent la rhétorique : sous l'égide de Dominique A, une nouvelle école se dessine, volontiers minimaliste, avec moins d'emphase, de la sobriété.
Une Camille s'impose par son talent musical, ses textes originaux et sa présence scénique. Un nouveau tabou tombe : les enfants des émigrés ont le droit d'aborder la chanson et ne sont plus cantonnés dans les genres "exotiques" comme le rap ou le rhythm and blues Ridan.

L'abandon programmé du CD et le téléchargement des albums remettent les chanteurs de scène en avant.
Ils foisonnent : tout un chacun peut mettre son clip sur des sites Internet comme MySpace et rêve de devenir chanteur professionnel.
Mais il faut compter avec les médias, leur idéologie où la notoriété prime sur le talent et le travail, cette volonté de vouloir créer des idoles à partir de rien, ce cynisme qui pousse à toujours jouer sur le conflit des générations.
De même, pour des questions financières, les maisons de disques invitent les chanteurs à écrire textes et musique.
Loin de la France métropolitaine suivons des trajectoires exemplaires : celle du Québécois Richard Desjardins, révélé par un album autoproduit lancé en 1987, Les Derniers Humains, qui impose son parler régional au milieu de chansons en français "international", et met entre parenthèses son statut de vedette pour réaliser des documentaires ; celle du Congolais Zao, dont le premier album, Ancien Combattant 1984, est devenu un classique ; sa chanson L'Aiguille 2006 témoigne de l'atroce guerre civile que connut son pays, et appelle à la réconciliation. Il y a encore place pour de grandes chansons.

Posté le : 17/08/2013 18:17
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Re: Les expressions
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Tu viens de me faire comprendre une expression Cauchoise que j'ai entendu très souvent et dont je ne saisissais pas trop le sens.
Quand quelqu'un se plaignait de ce qu'il avait dans son assiette ou ennuyait parce qu'il n'aimait jamais ce qu'on lui donnait à manger, il s'entendait dire:
- " Si t'aimes pas ça, t'as qu'à manger du brun."
J'ai toujours pensé que cela faisait référence à la couleur...et ce à quoi elle pouvait faire allusions.
On s'instruit à tout âge.
Merki !

Posté le : 17/08/2013 18:11
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Re: Défi théme d'écriture: "J' ai râté le train ".du 12 août 2013
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Merci les amis.
J'y vais de mon petit commentaire.

Pour Arielle, j'ai adoré ce "retour vers le passé", surtout celui du jour de ta naissance. Je peux faire de même ?

Pour Bacchus, une imagination fertile, des mots à la Harry Potter. Je te reconnais bien là. C'est chouette d'être le seul mâle parmi toutes ces filles ?

Pour Alisée, je suis toute essouflée d'avoir lu ta nouvelle. Comme on dit : "Elle tient en haleine" jusqu'à la perdre. Merci de t'être prise au jeu.

Peut-être aurons-nous d'autres amateurs la semaine prochaine ....

Posté le : 17/08/2013 17:09
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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