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Re: Les expressions
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« Petite pluie abat grand vent »


Un peu de douceur apaise souvent une grande colère.

Autrefois :
Il suffit parfois d'un évènement insignifiant pour apaiser une grande querelle.


La date d'apparition de cette expression n'est semble-t-il pas connue.
On la trouve rassemblée parmi d'autres locutions proverbiales par Jean de la Véprie, prieur de Clairvaux, en 1495.

Posté le : 26/08/2013 14:05
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Re: Défi thème d'écriture du 26 aôut : Le cauchemar d'une journée vécue.
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Et moi je dis : Que l' homme capable de repousser une splendide suédoise jette la première pierre à ce Vincent !

Posté le : 25/08/2013 22:24
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Re: Les expressions
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« Aux petits oignons »


Avec beaucoup de soins et/ou d'attention.
Parfait, très bien.


Cette expression s'emploie pour qualifier une action ou une entreprise quelconque.

Il ne faut pas chercher bien loin pour en comprendre le sens premier : il vient de nos cuisines !
N'est-ce pas, en effet, traiter un plat avec soin que de l'accommoder et le mitonner finement avec ces petits oignons de primeur, aussi onctueux que succulents ?

De là, assez naturellement, et depuis le milieu du XIXe siècle, l'expression purement culinaire s'est répandue dans bien d'autres domaines.

La première signification proposée s'applique lorsque la locution est utilisée avec un verbe alors que la seconde correspond plutôt à l'expression isolée "c'est aux petits oignons".

Comme par exemple dans "cette tapisserie a été posée aux petits oignons" ou bien dans "cette patisserie a été préparée aux petits oignons" ; encore que là, une tarte tatin ou une tropézienne aux oignons, petits ou gros, ça le fait pas trop.

Posté le : 25/08/2013 18:07
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Re: Défi thème d'écriture du 26 aôut : Le cauchemar d'une journée vécue.
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Je suis soulagée de voir que je ne suis pas seule à avoir publié avant la date.

Texte sympa mais personnage pas du tout. On a juste envie de lui filer une paire de baffes ! Minable. J'admire Adeline tout de même.

Merci de ta participation active et rapide !

Posté le : 25/08/2013 17:11
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Re: Défi thème d'écriture du 26 aôut : Le cauchemar d'une journée vécue.
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La pire journée de ma vie

Je m’appelle Vincent, je vis avec Adeline. On se connaît depuis l’enfance et on continue à jouer comme des gamins. Elle est courageuse et s’occupe de tout dans la maison. Je l’admire pour son sens de l’organisation, son efficacité. Moi je suis incapable de faire tout ça, le ménage, les factures, les crédits ; j’avoue que je ne suis pas du tout intéressé par ces contingences matérielles. Je suis professeur de littérature comparée à l’université. Je suis très occupé par mon travail, je lis beaucoup, et j’ai parfois l’impression de vivre dans un monde imaginaire. Nous avons un petit garçon qui s’appelle Rodrigue, j’ai peu de temps pour lui, mais je sais qu’Adeline est là, elle prend soin de son éducation et de sa santé.
La semaine dernière, je suis allé donner une conférence à Malmö en Suède. J’ai rencontré Anita, elle m’a littéralement sauté dessus. Elle est belle, blonde, avec des yeux bleus, et surtout, elle est très libre sexuellement. Je n’avais aucune intention de tromper Adeline, que j’aime, mais je suis faible, et je me suis laissé faire. Nous avons passé quatre jours de folie, j’ai d’ailleurs eu beaucoup de mal à me concentrer sur mon travail.
De retour en France, j’ai repris ma vie avec Adeline.
« J’ai fait les comptes c’est une catastrophe ! Tu as acheté un nouveau costume ? Tu as vu son prix ? Tu es complètement inconscient ma parole ! »
Adeline est vraiment trop terre à terre.
« J’ai acheté ce complet parce qu’il me faisait envie, un nouveau créateur s’est installé au coin de la rue, tu devrais aller voir, il a des robes qui t’iraient à merveille. »
« Je te dis que nous sommes à découvert ! Il n’est pas question que je m’achète des robes. Les huissiers vont venir nous saisir, qu’est-ce qu’on va devenir ».
Adeline a tendance à tout dramatiser.
« L’argent ça va ça vient. Arrête de t’inquiéter, profite de la vie ».
Mon portable sonne : Anita ! Je décroche :
« Allo, je suis à Paris, on se voit ? »
« Bien sûr, je vous rappelle. »
Je dois trouver un moyen de voir Anita, mais je dois être discret. Je sors pour aller acheter des cigarettes.
« Allo Jean-Louis ? »
Jean-Louis est un de mes collègues, il a régulièrement des aventures il va me dire comment faire.
« Donne-lui rendez-vous au Blue Hotel, c’est facile d’accès, tu peux y passer quelques heures, et ce n’est pas cher. »
Sauvé !
J’appelle Anita :
« Allo Anita ? On peut se voir au Blue Hotel si tu veux. Je suis dispo à partir de 17 h. C’est super non ? »
Anita ne dit rien,
« Tu ne réponds pas ? Tu n’es pas contente ? »
Une voix que je connais bien est au bout du fil :
« Je ne sais vraiment pas quoi te répondre Vincent ».
Qu’est-ce que j’ai fait ? Ce n’est pas possible, je me suis trompé de numéro.
« Allo ? »
« Tu es un crétin Vincent ».
J’ai appelé Adeline ! Quelle catastrophe ! Qu’est-ce que je vais devenir ? J’ai une idée, tout va s’arranger !
« Allo ? Tu as marché, tu as cru que j’avais une maîtresse ? Je t’ai bien eue. Qu’est-ce qu’on mange ce soir ? »
« Pauvre idiot, tu es pathétique ».
Je suis perdu, je ne peux pas la perdre, où vais-je dormir ce soir ? Je ne peux pas me débrouiller tout seul, je suis un artiste, j’ai besoin d’elle.
Je décide de rentrer.
« Excuse-moi, je vais tout t’expliquer. »
Adeline est très en colère, ses yeux noirs me lancent des éclairs, ces beaux cheveux ébènes sont électriques.
« Tu me laisses me débrouiller avec tous les soucis, et tu ne penses qu’à t’envoyer en l’air avec une fille ? »
« Je l’ai rencontrée à Malmö, c’est une Suédoise, tu sais comment elles sont ? Elle m’a presque violé. Tu me connais, je suis faible, je ne sais pas me défendre. Ce n’est pas sérieux ».
« Tu es un imbécile, un incapable, j’ai mis tes affaires dans le dressing, tu dormiras là, il n’y a pas d’autre place ».
« Pardonne-moi, j’ai eu tort. C’était une connerie, je le reconnais ».
Que faire ? Je ne peux pas vivre sans Adeline, elle est ma colonne vertébrale, elle s’occupe de tout, je ne pourrais pas vivre, travailler, m’épanouir sans elle. J’entends du bruit dans le salon, Elle téléphone à quelqu’un, elle a mis le haut-parleur, je reconnais la voix de sa tante.
« Ma pauvre Adeline, ce n’est pas si grave. Si tu savais ce que j’ai vécu. Ce sont les femmes qui font tourner le monde ».
« Notre fils a besoin de son père, il m’énerve, il est tellement irresponsable ! »
« Les hommes sont des animaux de compagnie ma fille, n’attends rien d’eux ».
Ouf ! Sympa la tante, j’espère qu’Adeline va l’écouter. Je ne peux pas partir. Mon portable sonne, c’est Anita, je ne décrocherai plus, elle finira bien par se décourager.
Il y a des préparatifs, Adeline organise un dîner.
« J’avais invité quelques amis, je n’ai pas annulé ».
Je lis les noms sur les cartons devant les assiettes, je vois « Vincent », je suis à nouveau accepté, quel soulagement, j’ai vraiment failli tout perdre.

Posté le : 25/08/2013 16:51
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Page du 18 Août H. De Balzac, Lucienne Boyer, Alain Robbe-Grillet, Marcel Carné, Jean Guitton, Roman
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fee etoilee



























Le 18 AOûT 1901 naît Lucienne BOYER

Le 18 Août 19O6 naît Marcel CARNE
Lire ICI




Le 18 Août 1922  naît  Alain ROBBE GRILLET
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Aujourdui Dimanche 18 Août 2013
 LIRE , ECRIRE, DECOUVRIR


PAGES D'ACCUEIL PRECEDENTES Dans la BIBLIothèque
LIRE ICI
    




Texte à l'affiche :

"La cour du conservatoire par IRONIK"





Le 18 août 1850 décède 
Honoré De Balzac

Lire ICI



Le 18 Août 1933 naît
Roman POLANSKI

 
Lire ICI




Le 18 Août 1901 naît Jean GUITTON

LIre
ICI


Emma vous propose :
Je voudrais proposer un recueil de texte collectif d’environ une centaine de pages à partir des textes publiés sur ce site en 2012. Recueil sous forme d’un fichier PDF (et même en version imprimée, si ce projet en intéresse certains ?)
Pour donner votre choix de texte c'est ICI
              
            ---*ATELIER CONCOURS
*---


 ******* COUSCOUS vous propose un défi :
 *******Texte avec thème cliquez ici
   
    


        Lucinda vous pose deux questions :                                                           
        *Pourquoi le mensonge  ?          
        *Pourquoi avons nous besoin des autres ? 


      
     




Posté le : 25/08/2013 16:45
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Friedrich Nietzsche
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Le 25 Août 1900 meurt à Weimar, Friedrich Wilhelm Nietzsche

philologue, philosophe et poète allemand né le 15 octobre 1844 à Röcken, en Saxe-Anhalt, en Allemagne.

Toute grande œuvre, à quelque degré, est toujours incomprise. Mais celle de Nietzsche, plus encore que les autres, provoque les malentendus.
Sans doute parce qu'il est difficile de résister, en face de Nietzsche, à la double tentation : soit de chercher des prétextes pour neutraliser les terribles questions qu'il soulève, soit de projeter sur ses écrits des préjugés de doctrinaires et des fantasmes personnels.
On condamne Nietzsche ou on l'exploite ; mais il est rare qu'on lui laisse la parole.
Friedrich Nietzsche (1844-1900), écrivain et philosophe allemand. Penseur du nihilisme, de la volonté de puissance et de la transmutation de toutes les valeurs, il est aussi, selon Heidegger, celui qui achève la métaphysique occidentale.
On refusa longtemps à Nietzsche la qualité de philosophe, en alléguant ses contradictions, son style poétique et aphoristique.
On invoqua sa maladie et l'effondrement final pour classer ses livres au nombre des documents pathologiques.
Défigurée par la propagande nazie, l'œuvre nietzschéenne fut accusée de propager un irrationalisme servant de couverture idéologique au capitalisme dans sa phase impérialiste.
On pourrait allonger la liste de ces interprétations aberrantes.
Mais l'essentiel est que, par l'influence qu'elle exerça sur les esprits de l'époque, l'autorité philosophique de Nietzsche se soit universellement imposée, au point que Nietzsche est reconnu aujourd'hui pour l'un des génies qui ont modelé le visage du XXe siècle.
Il s'en faut de beaucoup, pourtant, que règne actuellement l'unanimité quant à l'appréciation du sens de son œuvre.
Certes, celle-ci est un chantier d'idées plus qu'un système. La beauté et la clarté du style nietzschéen dissimulent, en l'absence d'un vocabulaire techniquement rigoureux, la profondeur redoutable de la pensée.
Ose-t-on s'aventurer dans cette profondeur, on se trouve engagé dans un labyrinthe aux multiples détours.
C'est dire que la philosophie nietzschéenne n'autorise pas une explication univoque et définitive. Sa vérité ultime réside dans l'impulsion qu'elle donne pour aller plus loin.
Il n'empêche qu'embrassée dans son ensemble cette œuvre offre une cohérence réelle, à condition que l'on respecte les subtiles distinctions qui surdéterminent les mots clés du vocabulaire nietzschéen et que l'on démêle soigneusement, à propos de chaque texte, les divers thèmes qui s'enchevêtrent.
Car le même mot peut revêtir des significations divergentes, voire antagonistes.
Il est donc également indispensable de prêter la plus minutieuse attention aux plans de réflexion où se déploie la problématique.
Une fois dissipées les contradictions artificielles, les difficultés se nouent autour de quelques questions centrales.
D'abord on peut, avec Karl Jaspers, se demander si Nietzsche n'est pas un penseur essentiellement critique, dont l'effort pour dissoudre les déterminations fixes de la pensée viserait à purifier une intuition de l'Être qui, par principe, puisqu'il s'agirait de l'"Englobant", ne devrait s'appuyer que sur ce que Jaspers nomme des "chiffres", si bien que ce serait le tort de Nietzsche de vouloir l'atteindre par la seule destruction inlassable du savoir objectif. Voici une manière de lire Nietzsche qui a l'avantage de conserver la tension de la méditation nietzschéenne. Mais ne risque-t-elle pas d'exténuer fâcheusement le sens positif des catégories de Nietzsche ? Plus récemment on a, avec raison, insisté sur l'opposition de Nietzsche et de Hegel.
Mais alors, il importe de situer cette opposition là où elle est radicale : donc au niveau du refus intransigeant que Nietzsche formule contre la réduction opérée par Hegel entre l'être et la logique, et non point, comme on l'a cru hâtivement, au niveau de la théorie du négatif.
Car c'est au contraire par le rôle qu'elles accordent à la négativité et au devenir que les philosophies de Hegel et de Nietzsche se découvrent quelque affinité, attestée par les déclarations de Nietzsche lui-même. Enfin la méditation de Martin Heidegger, prolongée par celle d'Eugen Fink, a permis de cerner la question majeure : quelle place Nietzsche occupe-t-il par rapport à l'ensemble de la philosophie depuis les Grecs ?
Une telle question oblige à préciser notre compréhension de l'essence de la métaphysique, et c'est justement à ce titre qu'elle détermine la radicalité du commentaire.
Tandis que Nietzsche s'affirme l'initiateur d'un commencement réellement nouveau en philosophie, Heidegger voit en lui, au contraire, l'achèvement grandiose et inquiétant de la métaphysique occidentale.
Par le primat que s'arroge ici la notion de valeur, par l'effacement complet de l'idée de l'Être, par le concept de la volonté de puissance où culmine la prétention du sujet à "arraisonner" l'étant selon les normes planifiées de la technique, par l'apologie du surhomme, qui confirme les ambitions mortelles du sujet, enfin par tous les préjugés dans lesquels se véhicule l'impensé de la tradition métaphysique, la philosophie nietzschéenne, selon Heidegger, appartiendrait à l'histoire de « l'oubli de l'être » qui, à ses yeux, définit l'essence de cette métaphysique.
L'examen des écrits de Nietzsche cautionne malaisément une telle lecture dont, toutefois, on peut admirer l'envergure et la richesse.
Peut-être alors est-ce un commentaire axé sur le thème de l'interprétation et de la vérité qui se révélerait apte à protéger le dynamisme constructeur de la pensée nietzschéenne, spécialement contre les tentatives répétées d'annexer Nietzsche à des formalismes dogmatiques dont il a pourtant lui-même donné, par anticipation, la réfutation magistrale

La vie du héros de la pensée

Une éducation privilégiée

Fils et petit-fils de pasteurs luthériens, Friedrich Nietzsche a tout juste deux ans lorsque son père meurt. À Naumburg, où sa famille s'installe, il grandit au milieu de femmes : sa mère, sa sœur cadette Elisabeth, sa grand-mère et deux tantes.
Toutes l'entourent du respect suscité par l'enfant prodige qu'il est, montrant un don précoce pour la musique.
En 1858, Nietzsche est envoyé dans une école protestante faite pour l'élite et, en 1864, il s'inscrit à l'université de Bonn, où il étudie la théologie et la philologie classique.
Mais c'est surtout à l'écriture musicale qu'il se consacre.
En 1865, il suit à Leipzig son professeur et mentor, le latiniste Friedrich Wilhelm Ritschl (1806-1876), qui le tient pour un génie. Sur la recommandation de Ritschl, il obtient en 1869 – alors qu'il n'a pas encore soutenu de thèse – un poste de professeur de philologie classique à l'université de Bâle.

L'époque des affinités rompues

Cependant, d'autres influences le détournent de la spécialisation philologique : celle de Schopenhauer, dont il lit, en 1865, l'œuvre fondamentale, et celle de Richard Wagner, avec lequel il noue une amitié pleine de promesses. La publication de La Naissance de la tragédie, au début de 1872, suscite les réactions hostiles des milieux universitaires, mais lui valent les éloges enthousiastes de Wagner et de quelques amis, dont Rohde.
Les Considérations intempestives, qui paraissent de 1873 à 1876, soulignent l'intérêt que porte Nietzsche aux problèmes de la culture et de l'histoire, en même temps qu'elles resserrent les liens avec le musicien de Bayreuth.
Mais Nietzsche, qui vient de rencontrer Peter Gast, a conscience d'avoir, avec Humain, trop humain, amorcé un changement décisif. À travers la critique de Schopenhauer, c'est toute la métaphysique qui est ébranlée.
À Leipzig, Nietzsche a découvert la philosophie en lisant le Monde comme volonté et comme représentation de Schopenhauer.
L'art, pensé comme contemplation du beau, y apparaît comme une consolation aux tourments de l'existence.
Nietzsche croit voir la réalisation de ce projet philosophique dans la musique de Richard Wagner.
De 1869 à 1872, il fait partie du cercle des intimes du compositeur, auquel il dédie son premier ouvrage : paru en 1872, celui-ci a pour titre la Naissance de la tragédie et pour sous-titre Hellénisme et pessimisme, ce dernier terme étant emprunté à Schopenhauer ; le philologue devenu esthéticien suscite de brûlantes controverses en portant sa première attaque contre l'idéalisme de Platon.
Nietzsche rompt pourtant avec sa double filiation en publiant, entre 1873 et 1876, les quatre Considérations inactuelles, ou intempestives : il rejette la philosophie de Schopenhauer, afin de proclamer "l'acquiescement à la vie", et la dramaturgie wagnérienne, parce qu'elle est fondée sur l'exaltation de la mythologie germanique.
Depuis 1874, Nietzsche fait l'épreuve de la maladie – migraines et troubles oculaires –, qu'il accueille cependant, par-delà la souffrance, comme un moment de liberté : il en finit alors
"avec cette habitude de céder, de faire comme tout le monde, de se prendre pour un autre ". En 1879, il démissionne de l'enseignement. Avec la maigre pension du gouvernement suisse pour tout viatique, il mène une vie d'errance, en Bohême, en Italie, en France, surtout à la recherche des stations thermales qui conviendront le mieux à son état de santé.
Une des conséquences est la rupture avec Wagner, en mai 1878.
Nietzsche est si gravement malade qu'il doit quitter son poste de Bâle.
Commence alors une existence errante, où le philosophe, traqué par la maladie et par son génie, l'un se nourrissant de l'autre, affronte, dans le labyrinthe abstrait des idées, les énigmes suprêmes.
Aurore en 1880-1881, prolonge les analyses d'Humain, trop humain ; mais c'est avec Le Gai Savoir en 1881-1882 que se précisent les intuitions qui constitueront les thèmes centraux de la philosophie nietzschéenne.
Présenté à Lou Salomé par son ami Paul Rée, Nietzsche peut caresser un instant l'espoir d'adoucir la cruauté de son destin par la présence de cette jeune fille fascinante et douée magnifiquement.
Mais ces relations s'achèvent sur une catastrophe. Humilié, Nietzsche s'enfonce dans une solitude toujours plus rigoureuse et des souffrances dont les lettres de l'époque retracent le martyre monotone.
Même ses anciens amis, Rohde, Overbeck, entre autres, ne soupçonnent pas le drame de l'esprit qui se joue dans ces lieux de l'Engadine, de l'Italie et de Nice que Nietzsche hante en prophète du nihilisme et de l'Éternel Retour.
L'éclair d'Ainsi parlait Zarathoustra illumine tout l'horizon du prochain siècle, mais les contemporains ne lèvent pas les yeux, occupés qu'ils sont des vanités à la mode.
Nietzsche n'en continue pas moins son labeur héroïque, puisant dans ses notes, qui formeront l'énorme masse des Posthume, la matière des livres qu'il lance comme des brûlots vers cette Europe cynique, frivole et décadente que décrira plus tard R. Musil : en 1886, Par-delà le bien et le mal, en 1887, La Généalogie de la morale, puis, en 1888, alors que les rumeurs de la gloire, grâce aux conférences de G. Brandès à Copenhague et à la sympathie de Taine, montent autour du solitaire, Le Cas Wagner, Le Crépuscule des idoles, Nietzsche contre Wagner, L'Antéchrist.
Ecce Homo est déjà rédigé quand se produit la crise de démence, à Turin, en janvier 1889.

Le crépuscule du penseur

Nietzsche s'emploie ensuite à détruire définitivement ce qui a été ébranlé dans le Zarathoustra : la morale dans Par-delà bien et mal en 1886 et dans la Généalogie de la morale en 1887, la religion dominante dans l'Antéchrist en 1888, publié en 1896 et toutes les formes d'idéalisme dans le Crépuscule des idoles en 1888.
Dès la fin de 1888, il écrit des lettres étranges, puis, le 3 janvier 1889, alors qu'il se trouve à Turin, il sombre dans l'aliénation mentale.
D'abord interné à Iéna, il est ensuite recueilli, à Naumburg, par sa mère – qui lui en veut cependant d' "avoir tué le Christ" – et, finalement, à Weimar, par sa sœur Elisabeth 1846-1935, qui sera la dépositaire de ses derniers manuscrits.

La sœur Walkyrie

En 1889, il sombre dans la démence et passe les dix dernières années de sa vie dans un état mental quasi végétatif. Après sa mort, l'interprétation de son œuvre est défigurée par l'image de la folie et par la propagande nazie.
Nietzsche meurt onze ans et demi plus tard, le 25 Août 1900, à Weimar en Allemagne.


Elisabeth Nietzsche, surtout connue sous son nom d'épouse – Elisabeth Förster Nietzsche –, fut pour Friedrich une sœur attentionnée et complice, dont l'affection, à l'âge adulte, se mua en une passion dévorante, qui la poussa notamment à s'immiscer dans la vie sentimentale de son frère. C'est elle, notamment, qui mit fin à la liaison – pourtant toute spirituelle – que celui-ci eut avec la jeune Lou Andreas-Salomé entre 1882 et 1883.
Nietzsche, sur la fin de sa vie, n'était plus que l'ombre de lui-même. Il tomba complètement sous la coupe d'Elisabeth, qui gérait ses archives.
C'est sa sœur qui entreprit de diffuser son œuvre, quitte à jouer les faussaires afin de transformer Friedrich en héros de la "nouvelle Allemagne".
Trente ans durant, après la mort de son frère, elle chercha à imposer une interprétation de la pensée nietzschéenne qui allait dans le sens de ses propres convictions aryennes – parachevées par son adhésion au national-socialisme.
Malgré tout, Jakob Burckhardt a su caractériser, au-delà du naufrage personnel, le sens exemplaire de l'œuvre nietzschéenne.
Nietzsche a, dit-il, "augmenté l'indépendance dans le monde".
Tel est bien, en effet, le secret de cette pensée : elle apporte la liberté de l'esprit, avec cette noble et inflexible résolution dans la détermination des buts, par quoi Nietzsche lui-même définissait la grandeur.

L'idéalisme métaphysique

Selon Nietzsche, la philosophie, depuis Parménide, est dans son principe essentiel une ontologie métaphysique.
Cela signifie qu'elle s'efforce de fixer les prédicats qui doivent appartenir à l' être identifié à l'Idéal ou au Bien.
C'est en vertu de cette conception de l'être que l'ontologie reçoit la qualification d'idéalisme.
Mais comme, d'autre part, cette conception de l' "être" implique le dépassement de la réalité sensible, ou nature, vers un autre monde identifié à l'Idéal, l'ontologie traditionnelle est fondamentalement une méta-physique.

L'arrière-monde

L' "être" de la métaphysique est ainsi, en priorité, caractérisé par l'idée de la transcendance.
Il correspond à la position d'un "arrière-monde" : "Hinterwelt" doté des attributs que la pensée réclame d'un absolu qu'elle veut préserver de la contamination sensible : l' "être" transcendant est la Réalité stable, identique à soi, permanente, éternelle, qui ignore donc le changement, la destruction, le devenir, la lutte, la douleur, bref tout ce qui, dans le monde de l'expérience, suscite l'angoisse humaine.
La transcendance est solidaire d'un clivage, par quoi une pensée opiniâtrement dualiste, une pensée qui se cramponne à "l'antinomie des valeurs" disjoint le bien et le mal, le positif et le négatif, la beauté et la laideur, le vrai et le faux.
L' "être" ainsi déterminé est substance. Aux yeux de Nietzsche, c'est donc la notion de substance qui résume la compréhension que les philosophes ont eue de l' "être", depuis l'Un de Parménide jusqu'à l'Absolu-Identité de Schelling, en passant par l'Idée platonicienne, l'ousia d'Aristote, la res cartésienne, la substantia spinoziste, la "chose en soi" kantienne.
On construit justement l'arrière-monde idéal en projetant au-delà de la réalité sensible l'idée de la substance :
"L'homme projette son impulsion à la vérité, son but, en quelque sorte hors de soi pour en faire un monde de l'être, un monde métaphysique, une "chose en soi", un monde déjà existant ".

L'être-logique

L' "être" transcendant est nécessairement accordé à la pensée, il doit se conformer aux règles de notre raison.
Condition essentielle pour que la vérité soit définie comme adéquation entre la connaissance et son objet. Dès les origines grecques, chez Parménide, l'être est ramené au concept, le principe logique d'identité est érigé en principe ontologique. Parménide se complaît dans "la paix cadavérique et figée du concept le plus froid, le moins expressif de tous, de l'être".
En prenant le parti de soumettre le réel à cette implacable logicisation, il a engagé le processus qui, ruinant la culture tragique et dionysiaque où se manifeste la noblesse du génie grec, pousse la philosophie vers la décadence ratiocinante que l'enseignement socratique rendra victorieuse.
Chez Socrate, en effet, les impératifs logiques se conjugueront avec les préoccupations morales pour engendrer le rationalisme au sens déjà moderne du mot : c'est-à-dire la croyance que, grâce à la dialectique de la raison, l'homme est capable d'atteindre à la fois le bonheur et la vertu. En cela, Socrate est le représentant de l' "optimisme théorique" qui va triompher dans l'universalisme scientifique, et inspirer l'affirmation prométhéenne de Hegel : "Ce qui est rationnel est réel, et ce qui est réel est rationnel."

L'idéal onto-théologique

On discerne le postulat qui soutient tout l'édifice de la métaphysique : la croyance à l'harmonie préétablie entre le réel et les exigences humaines.
En découlent l'affirmation que l' "être" est une substance supra-sensible ainsi que la définition de l'essence de la vérité. Le critère de la vérité est d'être gratifiante, béatifiante.
Les opérations de l'intelligence et les élans du cœur doivent trouver en elle leur justification suprême.
Telle est la foi qui préside à la détermination de l' "être" par la notion de l'Idéal et qui fait donc de la métaphysique une "ontologie morale ".
L'idéalisme, explique Nietzsche, c'est "le concept de la morale en tant qu'essence du monde ".
Une semblable ontologie glisse immédiatement à la théologie et l'être-idéal coïncide avec la représentation de Dieu.
Quel nom attribuer à un "être" que l'on imagine simple, un, fixe, éternel, véridique, inconditionné, moral, si ce n'est "Dieu" précisément ?
Un texte de Nietzsche rassemble les grands thèmes de cette argumentation :
" Simple, transparent, d'accord avec lui-même, constant, toujours égal, sans repli, sans volte-face, sans draperie, sans forme : voilà l'homme qui conçoit un monde de l'être sous la forme d'un "Dieu" à son image".

Surmonter la métaphysique

Dès Humain, trop humain, Nietzsche, de son propre aveu, possédait la conscience la plus nette de sa tâche originale : "surmonter la métaphysique" : "Überwindung der Metaphysik" ; ou, selon le commentaire qu'il donne dans un texte tardif : " surmonter les philosophes, par l'annihilation du monde de l'être ".
Ayant patiemment repéré toutes les déterminations de l' "être" dans l'ontologie classique, Nietzsche dresse, contre la théorie de l'Idéal, une double machine de guerre destinée à la détruire : la critique d'exégèse et la critique généalogique.

La critique d'exégèse

Nietzsche s'applique d'abord à montrer que l'interprétation métaphysique constitue une falsification délibérée, et il reproche au métaphysicien de donner une lecture défectueuse du texte de la nature.
"Halluciné des arrière-mondes", le métaphysicien ne déchiffre pas les phénomènes tels qu'ils sont, il les escamote sous des projections fantasmatiques. Il forge le concept de l' "être" par haine du devenir et de la vie.
Or, puisque seule existe cette réalité que l'on s'acharne à disqualifier en la taxant de simple apparence, il faut conclure que la métaphysique n'est qu'une fabulation autour du néant.
L'Idéal, c'est le néant érigé en idole.
"L'homme cherche un principe au nom duquel il puisse mépriser l'homme ; il invente un autre monde pour pouvoir calomnier et salir ce monde-ci ; en fait, il ne saisit jamais que le néant, et fait de ce néant un "Dieu", : une "vérité", appelés à juger et à condamner cette existence-ci ".
Comment rendre compte de cette méprise ? Nietzsche avance l'explication suivante : les catégories logiques sont les instruments à l'aide desquels la vie organise et domine le monde de l'expérience, ce sont des valeurs au service des intérêts humains ; à ce titre, elles ne permettent d'acquérir aucune vérité absolue, leur signification est purement utilitaire.
Mais c'est ce qu'a refusé de comprendre la métaphysique, scandalisée par l'obligation qui lui était faite, ainsi, de reconnaître un principe d'illusion à la racine de l'existence.
Aussi la métaphysique s'est-elle empressée de transformer les catégories de la raison et les normes pratiques en prédicats transcendantaux de l'"être", de manière à construire un monde affranchi de ce détestable mensonge vital.
Du même coup la valeur, fiction utile à la vie, a été pervertie par l'introduction intempestive d'une revendication morale et s'est changée en chimère oiseuse, en valeur "imaginaire".
La logique est une bonne illusion esthétique, si on la subordonne à la vie.
Elle devient un poison mortel dès qu'on en fait un absolu.

La critique généalogique

La critique généalogique procède de la conviction qu'il est vain de réfuter les raisons qui étayent une philosophie, tant qu'on n'attaque pas ce qui, derrière les raisons, reflète la situation existentielle du philosophe.
Puisque l'Idéal est une idole, on ne peut se contenter d'une critique spéculative, laissant intactes les motivations profondes de la métaphysique idéaliste.
Aussi Nietzsche met-il au point une méthode nouvelle, qui consiste à demander, en présence d'un système de raisons : à quelle origine puise-t-il sa légitimité ?
De quel type de vie est-il l'idéologie ?
Placée sous cet éclairage, l'ontologie morale se révèle n'être que l'idéologie contre nature : "ideologische Unnatur" grâce à laquelle une forme de vie médiocre travaille à imposer sa domination universelle.
Le philosophe, porte-parole de cette vie médiocre et faible, est démasqué : toutes ses argumentations ne traduisent que sa mauvaise foi ; car ce que veut le philosophe, ce n'est pas oser la vérité, mais prouver des articles de croyance a priori.
À l'instar de Marx, Nietzsche est alors amené à réfléchir sur les rapports de la théorie et de la praxis ; dans un fragment qui porte justement ce titre, il indique :
Le combat des systèmes ... est le combat que se livrent des instincts bien déterminés, formes de la vitalité, du déclin, des classes, des races, etc.".
Nietzsche n'ambitionne pas d'opposer sa philosophie à l'ancienne métaphysique, son but est d'accomplir un "renversement des valeurs" : "Umwertung aller Werte" en bouleversant les conditions d'existence productrice des valeurs, afin de bloquer la projection idéaliste et de ramener les valeurs humaines dans le champ d'une praxis "fidèle à la Terre".
Nietzsche définit l'idéologie comme un ensemble de jugements de valeur :" Wertschätzungen".
Ceux-ci fixant les normes de l'action par quoi un être vivant essaye de conformer le monde à ses intérêts propres, Nietzsche choisit d'appeler " morale" "tout système de jugements de valeur qui est en relation avec les conditions d'existence d'un être ".
Il faudra donc s'attendre à rencontrer une foule de morales différentes.
Mais alors, quand Nietzsche réserve le terme de morale à l'idéologie qui sous-tend l'idéalisme métaphysique, il est facile de voir que Nietzsche restreint, pour les besoins de l'argumentation, le sens général du concept, afin de caractériser l'essence de toute la métaphysique.
D'où la définition du terme de morale, qui surdétermine le concept primitif : " Une idiosyncrasie de décadents guidés par l'intention cachée de se venger de la vie, intention d'ailleurs couronnée de succès ".

La décadence et le désir

L'origine de l'ontologie métaphysique est la décadence.
Nietzsche, scrutant les symptômes de cette maladie de la vie au cœur de la civilisation européenne, brosse un tableau accablant de notre modernité.
Mais, plus importante que cette description est l'interprétation que suggère Nietzsche de la décadence en fonction de sa théorie de la volonté de puissance elle-même.
La morale, en effet, est la production idéologique du décadent, lequel, à son tour, n'est que le porte-parole d'un certain type de vie.
En dernière analyse, le fait ultime auquel on parvient lorsqu'on descend vers l'origine des valeurs, c'est précisément le fait :"Faktum" de la volonté de puissance.
Cette origine est à la fois unitaire et scindée en deux pôles antagonistes : "la volonté de vie" et " la volonté du néant ".
Cela signifie que toute existence concrète relève ou de la force, c'est-à-dire d'une volonté de puissance ascendante qui affirme la vie et la réalité, ou de la faiblesse, c'est-à-dire d'une volonté de puissance débile qui n'aspire plus qu'au repos, à la capitulation, bref, au néant.
Et c'est ce néant qu'elle sacralise en le nommant l'Idéal, l' "être" ou Dieu !
Mais la décadence n'est pas seulement l'un des termes de la rivalité qui déchire la volonté de puissance.
Elle s'infiltre à l'intérieur des natures fortes, qui deviennent ainsi le champ de bataille individuel des deux normes.
Car l'homme est un être de désir, et le désir : "Wunsch" est lui-même la décadence – l'envers, en quelque sorte, de toute aptitude créatrice.
C'est le désir qui rêve sa propre satisfaction quand il invente les idéaux qu'il habille ensuite de raisons métaphysiques.
L'idéal "est justement une forme du rêve, de la lassitude, de la faiblesse .... Les plus vigoureux et les plus débiles se ressemblent tous quand cet état les envahit ; ils divinisent ce qui fait cesser le travail, la lutte, les passions, la tension, les antagonismes – la réalité en somme ".
L'ontologie morale est l'idéologie universelle du désir humain.
Aussi Nietzsche provoque-t-il, en dénonçant la décadence moderne, la plus terrible crise de la culture, la crise du nihilisme : révélation foudroyante du néant de toutes valeurs idéales, ébranlement des constructions spéculatives où l'homme s'aliène, enfin humiliation infligée au désir de l'homme et à ses nostalgies métaphysiques.

L'être-interprété

On manquerait la vérité ultime des grandes idées nietzschéennes, telles que la volonté de puissance et l'Éternel Retour, si on les traitait comme des catégories dogmatiques au lieu de les saisir dans leur connexion fondamentale avec le thème de l'interprétation : "Deutung, Auslegung", en fonction duquel la philosophie se donne pour tâche de déchiffrer l'expérience intégrale du Sens dans ses manifestations variables.

Le texte

Cette philosophie de l'être-interprété débute avec la refonte complète de la théorie du phénomène.
Celui-ci n'est plus le rideau derrière lequel se tiendrait une mystérieuse réalité en-soi, il couvre tout le champ du réel, il est "la réalité agissante et vivante elle-même".
Le phénomène n'est plus alors un spectacle offert au sujet de la représentation, il est un texte donné, non à la manière d'un livre dont un regard extérieur survolerait les lignes, mais à l'intersection d'une multitude de points de vue exprimant la situation des divers " entres de domination" : "Herrschafstgebilde" qui luttent les uns contre les autres pour la puissance. Le texte s'insère ainsi dans ce que Nietzsche appelle le "perspectivisme ".
"Le caractère interprétatif de tout ce qui advient. Il n'y a pas d’évènement en soi. Ce qui advient c'est un groupe de phénomènes sélectionnés et rassemblés par un être qui interprète ".
Une nouvelle méthode est mise en œuvre : elle commande de substituer l' "essai" : "Versuch" à l'esprit de système, de décrire au lieu d'expliquer par des raisons logiques, et de multiplier audacieusement les "hypothèses régulatrices ".
Elle respecte ainsi le caractère protéiforme de la réalité : "Le même texte autorise d'innombrables interprétations : il n'existe pas d'interprétation exacte ".
Ce qui ne l'empêche pas de hiérarchiser les interprétations, en distinguant celles qui correspondent à des falsifications du texte et celles qui témoignent d'une philologie correcte.
La vérité, selon Nietzsche, ne se dissout nullement dans le tourbillon des opinions immédiates, il y a des lignes de sens privilégiées, des niveaux de phénoménalité, qui interdisent de réduire l'interprétation à un éclectisme. Néanmoins, le réel ne se laisse épuiser par aucune interprétation, dans la mesure où l'être du phénomène n'est pas un fond substantiel, mais bien l'absence de fond – l'abîme.

L'être selon Nietzsche

On pourrait douter, devant une transformation aussi décisive des conceptions traditionnelles, que le mot être soit encore légitime pour qualifier ce qui, à l'intérieur de l'interprétation, constitue le texte.
Le mot être semble solidaire d'une construction métaphysique dont la critique nietzschéenne, justement, a dévoilé la vulnérabilité. Pourquoi s'obstiner à maintenir ce terme suspect ?
Premier argument : Nietzsche recourt constamment à ce terme lorsqu'il énonce les propositions essentielles où il résume sa philosophie.
Il écrit ainsi : "L'essence la plus intime de l'être : "Sein" est la volonté de puissance ".
Et, pensant l'Éternel Retour : "Tout passe et tout revient, éternellement tourne la roue de l'Être. Tout meurt, tout refleurit ; éternellement se déroule l'Année de l'Être. Tout se brise, tout se rajuste ; éternellement s'édifie la demeure de l'Être ".
Deuxième argument : s'il est exact que d'autres notions figurent dans les analyses de Nietzsche, et spécialement les termes de monde : " Welt, nature : Natur, réalité : "Wirklichkeit", existence : "Dasein", on peut prouver que chacun de ces termes ou bien ne concerne qu'un aspect de l'être, ou bien, quand il est pris dans son acception la plus large, véhicule des préjugés métaphysiques si tenaces, souvent hérités de Schopenhauer, qu'ils brouillent l'originalité révolutionnaire des intuitions nietzschéennes, c'est le cas au paragraphe 36 de "Par-delà le bien et le mal".
La référence à la problématique de l'être, telle qu'elle fut élaborée par les Grecs, protège ainsi la réflexion nietzschéenne des déviations vers le naturalisme, le positivisme, le subjectivisme et les autres impasses du dogmatisme moderne.
Troisième argument : la présence insistante du mot "être", chez Nietzsche, réfute les allégations concernant une prétendue disparition de l'être dans cette philosophie.
Qui niera l'accent présocratique des Dithyrambes à Dionysos où Nietzsche célèbre la gloire éternelle de la nécessité : "Pavois de la Nécessité ! "Suprême constellation de l'Être ": "höchstes Gestirn des Seins" ! "?

Le refus du concept

Lorsque, dans les cours qu'il préparait pour l'université de Bâle, Nietzsche s'occupait de dégager la leçon de la philosophie parménidienne, c'est au criticisme kantien qu'il empruntait les objections dont il avait besoin pour ruiner la thèse de Parménide selon laquelle il y aurait identité de la pensée et de l'être, thèse dont le principe est la réduction de l'être au concept le plus abstrait.
Il soulignait que jamais le concept n'égale l'existence, comme la réfutation kantienne de la preuve ontologique l'a établi.
Selon la même ligne polémique, Nietzsche en vient très vite à déclarer que "l'être et le connaître sont les deux sphères les plus contradictoires qui soient ".
Assertion difficile à manier, car elle menace de ruiner la possibilité d'un discours philosophique !
Aussi bien l'intention de Nietzsche est-elle ici, non de reléguer l'être dans l'ineffable, mais de lever l'hypothèque de la logique, de biffer l'égalité de l'être et du concept. La pointe de la critique est donc tournée contre toute philosophie qui, à la manière de Hegel, et dans le sillage du socratisme, accorde une validité ontologique aux catégories de la raison.
"Plus quelque chose est connaissable, plus cela est éloigné de l'être, "Sein", plus cela est un concept ".
Il s'agit de comprendre "la totale vacuité de la logique ".
Mais ce refus d'une logicisation de l'être n'entraîne pas Nietzsche vers l'irrationalisme.
Il l'oblige plutôt à développer le thème de l'être-interprété, à partir de l'intuition que, dans les choses comme dans la pensée, raison et déraison forment un inextricable mélange.

Représentation et interprétation

L'accès à la véritable réalité de l'interprétation demeure toutefois obstrué tant que le privilège du cogito cartésien n'est pas soumis à contestation.
L'enjeu est le statut de la représentation et des certitudes immédiates dont se targue l'ontologie métaphysique. Nietzsche remarque d'emblée que le cogito semble nous autoriser à définir l'être par les notions de substance et d'évidence, servant ainsi de caution à toute la spéculation idéaliste empressée de joindre la "res cogitans" à l'idée de Dieu.
Descartes affirme un dualisme substantiel entre l'âme, "la res cogitans", c'est à dire la pensée et le corps "la res extensa", l'étendue.
Or ce n'est là qu'une illusion suscitée par la pensée, qui falsifie son expérience en inventant les notions de moi, de substance et en s'arrogeant des facultés imaginaires.
Ôtons ces nuées, la prétendue évidence du cogito se dissipe elle aussi. Le seul fait clairement attesté est celui de l'activité représentative, donc justement la fabulation, de sorte que c'est elle qu'il faut interroger pour essayer d'atteindre, à travers elle, la réalité de l'être.
Or, que nous montre cette représentation ?
"Que le représenter n'est rien qui repose sur soi, rien d'immuable, identique à soi-même : donc l'être, le seul qui nous soit garanti, est changeant, non identique à lui-même, tout relatif".
Nous comprenons maintenant que le cogito est l'étrange expérience d'un être qui, loin de coïncider avec soi, se méconnaît par principe, puisqu'il introduit, dans le flux d'un devenir irrationnel, des schèmes logiques fictifs tels que le moi et la substance. Aussi à la représentation métaphysique axée sur ce cogito Nietzsche substitue-t-il la description interprétative du corps.
Au-delà du moi conscient et de ses fictions, il faut tenter de cerner la vie cachée des instincts qui composent la totalité dynamique nommée corps et dont les phénomènes conscients sont les symptômes.
"Interroger directement le sujet sur le sujet et les reflets que l'esprit saisit de lui-même, ce procédé a ses dangers ; il se pourrait qu'il fût utile et important pour l'activité du sujet de donner une fausse interprétation de lui-même. C'est pourquoi nous nous adresserons au corps..."

L'acte de se surmonter soi-même

L'inspection du corps révèle la nature propre de la vie : " ce qui est contraint de se surmonter soi-même à l'infini ".
On serait alors invité à identifier l'être avec la notion de vie .
Mais l'essentiel n'est pas tant la vie, appréhendée au niveau des organismes biologiques, que le principe qu'elle illustre : en réalité, l'acte de se surmonter soi-même fixe non seulement l'essence de la vie, mais l'essence de tout ce qui est.
Alors la vie ne représente plus qu'un cas particulier et elle guide l'attention vers une découverte plus radicale : c'est l'être qui est volonté de puissance, puisque tout travaille à se surmonter sans cesse !
Comme l'être réel, chez Nietzsche, se manifeste dans un perpétuel devenir, le devenir est la volonté de puissance en tant que dépassement de soi :
"Devenir en tant qu'invention, vouloir, négation de soi, acte de se surmonter soi-même".
Si bien qu'en dernière instance c'est le mot volonté de puissance, "Wille zur Macht" qui énonce, sur le mode nécessairement "hypothétique" de la pensée "expérimentale" en allemand "Versuch", la vérité de l'être-interprété.
Ou, selon la formule de Nietzsche, elle est l'intériorité du monde des phénomènes qui, sans jamais s'identifier avec une chose en-soi ou un absolu caché derrière les phénomènes, se manifeste comme le sens ultime de toute phénoménalité, en fonction des points de vue mouvants et contradictoires de l'interprétation.
Car "tout sens est volonté de puissance ", la volonté de puissance est "le dernier fait auquel nous pouvons descendre " ;
donc " un nom déterminé pour cette réalité serait " la volonté de puissance", réalité désignée alors de l'intérieur, et non à partir de sa nature fluente, protéique et insaisissable ".

Volonté de puissance et vérité

Si toute connaissance est interprétative et si toute interprétation procède de la volonté de puissance, l'activité de connaître doit nécessairement refléter le principe intime de la volonté de puissance qui est de se surmonter soi-même à l'infini.
Quelles seront les modalités de cette interprétation ?
Quelle définition nouvelle de la vérité lui sera-t-elle associée ?

Le pragmatisme vital et les valeurs

La connaissance n'est pas la contemplation désintéressée d'une prétendue réalité objective placée devant le regard de l'esprit.
Elle traduit l'effort des instincts groupés à l'intérieur d'un même organisme, pour s'approprier le chaos d'une réalité qui ne constitue pas un monde avant que le travail démiurgique de la volonté de puissance ne l'ait intégré à un ordre, à des structures ; connaître, cela signifie primitivement commander.
Nietzsche radicalise la notion kantienne de synthèse, qui devient le diktat d'une volonté législatrice. La vérité se confond alors avec la valeur.
Est vrai ce qui favorise les intérêts de chaque type de volonté de puissance.
Aussi l'ancienne question métaphysique qui recherchait ce qu'est la vérité en soi se transforme-t-elle en cette autre : quelle est la valeur de la vérité pour la vie ?
La rend-elle plus forte, plus créatrice, ou plus faible et plus servile ? La vérité n'est, à ce titre, qu'une fiction ou une erreur utile, et la connaissance mérite d'être appelée un pragmatisme vital.
"Le monde apparent, c'est un monde vu selon des valeurs, ordonné, choisi d'après des valeurs, donc à un point de vue utilitaire, dans l'intérêt de la conservation et de l'augmentation de puissance d'une certaine espèce animale".

La genèse de l'esprit

Mais la volonté de puissance n'est pas seulement une impulsion à surmonter le chaos immédiat des choses pour l'aménager en un monde habituel suivant le plan de nos valeurs. Elle est capable d' "intériorisation", et c'est cette capacité prodigieuse qui se révèle à l'occasion des luttes où s'affrontent les communautés historiques.
Lorsqu'une horde barbare se jette sur des peuplades aux mœurs plus douces, elle les asservit et les instincts de ces esclaves, empêchés de se décharger à l'extérieur, se retournent contre leurs possesseurs, les contraignant au dur travail de la Culture : ils doivent apprendre à refouler et à sublimer leurs instincts. De ce refoulement surgit "la mauvaise conscience " ou "schlechtes Gewissen".
Elle est la maladie de la vie qu'on nomme l'esprit, "Geist".
L'homme est esprit, en effet, parce qu'en lui la vie sauvage des instincts succombe au refoulement.
La mauvaise conscience est donc à la fois une promesse, souligne Nietzsche, et un danger grave : que le prêtre ascétique se mêle d'éduquer la mauvaise conscience en la culpabilisant par la notion du péché, et voilà l'homme fourvoyé dans la volonté de vengeance, la décadence et le nihilisme du mensonge idéaliste !
Tel est bien, selon Nietzsche, le résultat du christianisme. Mais l'autre possibilité – accomplissant la promesse contenue dans la mauvaise conscience – a pu devenir le destin de quelques individualités d'exception, et conduire à cette spiritualisation de la volonté de puissance par quoi une autre vérité que celle du pragmatisme vital mobilise l'effort pour se surmonter soi-même.

La passion de la connaissance

Pourvu qu'elle s'allie à la force, en accord avec la direction ascendante de la vie, la volonté de puissance intériorisée en esprit surmonte le mensonge de la morale métaphysique, elle s'émancipe de la fabulation idéaliste, elle aiguise tellement le soupçon à l'égard des illusions métaphysiques qu'elle opère "l'autodépassement de la morale" ou "die Selbstaufhebung der Moral" dont parle Nietzsche dans la préface d'Aurore, marquant ainsi le point sur lequel sa conception du négatif coïncide avec l'idée hégélienne du travail de la contradiction.
Mais, en vertu de la même exigence irrésistible, la volonté de puissance s'élève au-dessus du pragmatisme vital, elle refuse de continuer à identifier la vérité à la valeur, la vérité à la fiction utile. Dans ce combat entre la vie et l'esprit, elle atteint la perfection de la puissance. Car "l'esprit, c'est la vie qui tranche dans sa propre chair ; son tourment augmente son savoir ".
Le but n'est plus de fabriquer des illusions rentables, mais de hausser le courage jusqu'à la résolution d'interroger les aspects les plus redoutables de l'être, afin d'être pleinement juste ; la volonté de puissance immole la valeur et l'intérêt vital à la justice et à la probité intellectuelle, elle brise le monde des illusions consolantes pour dévoiler l'abîme que notre génie démiurgique avait dissimulé sous les voiles du désir.
La vérité est alors la révélation vertigineuse de l'inhumanité du monde :
"Nous le savons, le monde dans lequel nous vivons est non divin, immoral, "inhumain "– nous l'avons trop longuement interprété selon le désir et le vouloir de notre vénération, c'est-à-dire selon un besoin ".
L'essence du réel, une fois dépouillée de toute auréole divine, de toute parure idéaliste, n'est ainsi que le désordre, la laideur, l'absurdité, le chaos :
"Le caractère de l'ensemble du monde est de toute éternité celui du chaos, en raison non pas de l'absence de nécessité, mais de l'absence d'ordre, d'articulation, de forme, de beauté, de sagesse ".

Le jeu de l'art et de la vérité

Puisque la vérité dernière exile l'esprit hors de la nature où il peut vivre et prospérer, la volonté de puissance irait inéluctablement à sa perte, si elle devait suivre l'injonction inconditionnelle à la probité et à la justice.
"La connaissance est pour l'humanité un magnifique moyen de s'anéantir elle-même ".
Pour échapper à cette menace, l'homme assigne une limite à sa véracité, il se fait l'avocat de l'apparence vitale ; cette apparence sanctifiée grâce au renoncement lucide de l'esprit le plus véridique, c'est l'art. « Nous avons l'art, dit Nietzsche, afin de ne pas mourir de la vérité ".
En effet, " si nous n'avions pas approuvé les arts et inventé cette sorte de culte du non-vrai, nous ne saurions du tout supporter la faculté que nous procure maintenant la science, de comprendre l'universel esprit de non-vérité et de mensonge, de comprendre le délire et l'erreur en tant que conditions de l'existence connaissante et sensible ".

Le monde de la volonté de puissance et l'Éternel Retour

En rapprochant la notion de volonté de puissance et celle de vérité, on éclaire les structures de l'interprétation.
Mais toute interprétation enveloppe aussi, dans l'unité d'un même texte, l'être-interprété, qui est encore volonté de puissance, dévoilée maintenant comme ce dont il y a interprétation, c'est-à-dire comme le chaos que l'activité interprétative organise pour en tirer un monde. C'est pourquoi Nietzsche indique :
"Voulez-vous un nom pour ce monde ? Une solution pour toutes ses énigmes ?... Ce monde est la volonté de puissance et rien d'autre ".

Le chaos du devenir

L'antagonisme de Parménide et d' Héraclite est au centre de la méditation du jeune Nietzsche à l'époque bâloise, et il restera le fil conducteur de sa théorie de la volonté de puissance.
À l' "être" de Parménide, concept glacé qui pétrifie la vie, Nietzsche oppose l'idée héraclitéenne du devenir qu'il pense en connexion avec les thèmes de la vitalité, du changement, du perpétuel mélange des contraires.
Le cogito ne nous livre qu'un flux d'images, de pensées et de souvenirs – tandis que le moi, la substance, la causalité sont de simples fictions opératoires.
Le devenir ne ressortit donc nullement aux catégories instrumentales que Nietzsche appelle des valeurs, il est bien plutôt cette réalité fuyante que les catégories logiques essayent de stabiliser.
L'idéalisme métaphysique est, à cet égard, motivé par le ressentiment contre le devenir, par le besoin de l'abolir.
De cette dénégation il tire le mensonge de l' "être" suprasensible.
La destruction de la représentation métaphysique amène à découvert le fond que cachaient les fictions de la substance et du sujet, et ce fond c'est précisément le devenir !
Énumérant les propriétés du réel, Nietzsche cite donc : "le changement, le devenir, la pluralité, l'opposition, la contradiction, le combat ".

Polémos

Ce devenir irrationnel, n'obéissant à aucune légalité que la science pourrait exprimer en équations et en modèles théoriques, est à la fois un "écoulement probablement absolu "et une lutte que se livrent la multitude des centres de domination entre lesquels se distribue la volonté de puissance qui, ainsi, n'existe jamais que sous la forme de noyaux dynamiques occupés à étendre leur règne le plus loin possible, en se surmontant eux-mêmes.
Chaque force traite les autres comme une matière qu'il lui faut ordonner et assimiler.
Car "la relation la plus élevée, c'est encore celle du créateur et de la matière qu'il travaille ".
Le corps reproduit, dans sa sphère privée, cette image polémique du chaos des forces. Ici les forces à étudier sont les instincts.
Le moi conscient n'est qu'un poste d'observation psychique pour l' instinct ou le groupe d'instincts qui a réussi à se hisser au pouvoir. La structure du corps évoque celle d'un organisme politique.
Chaque instinct est simultanément une certaine quantité d'énergie et une subjectivité, c'est-à-dire un foyer de sens, une activité d'interprétation.
La volonté de puissance nietzschéenne est, on le constate, calquée sur l'intuition héraclitéenne de la guerre, du Polémos.
Avec elle, Nietzsche intègre également les idées d'Hésiode sur "la bonne Discorde" qui fait régner l'harmonie par le jeu d'une rivalité permanente, et le thème homérique de la "compétition" Wettkampf en lequel il a reconnu, d'emblée, le fondement de la culture hellénique et le secret de sa fécondité géniale.

Le Retour Éternel

Le devenir, d'ailleurs, n'est pas seulement un flux qui s'écoulerait selon une ligne allant à l'infini. D'une certaine manière, paradoxale, il est, en tant qu'il demeure le Même "das Gleiche".
Certes, ce Même n'a rien à voir avec l'identité logique, sa permanence n'est pas celle de la substance métaphysique. Le devenir est, en ce qu'il revient sur soi, formant le grand cycle que Nietzsche appelle l'Éternel Retour du Même "ewige Wiederkehr des Gleichen".
Nietzsche a conscience d'avoir atteint, avec cette interprétation, le point où le vieil antagonisme de l'être parménidien et du devenir héraclitéen se change en solidarité : "Imprimer au devenir le caractère de l'être – c'est la forme supérieure de la volonté de puissance... Dire que tout revient, c'est rapprocher au maximum le monde du devenir et celui de l'être : cime de la contemplation".
Nul doute que l'idée du Retour n'ait eu pour Nietzsche la valeur d'une intuition mystique. C'est avec tous les signes de l'effroi, de la jubilation et du mystère qu'il en fait confidence à Lou Salomé en 1882.
Cela n'empêche pas Nietzsche de s'enquérir auprès de la physique et de l'astronomie des preuves qui pourraient conférer une autorité scientifique à son intuition.
Est-il besoin de souligner, pourtant, que ces preuves, puisées essentiellement chez R. Mayer, sont aujourd'hui périmées et que, même à l'époque, elles présentaient le grave défaut d'ignorer le principe de l'entropie ?
Cette seule considération suffirait à écarter toute interprétation du Retour Éternel sur la base des théories de la science ; mais s'y ajoute encore l'observation décisive qu'à fonder sur elles la légitimité de la doctrine nietzschéenne on en ruinerait le sens proprement philosophique, puisqu'on serait contraint de penser l'idée de la volonté de puissance en fonction d'une représentation mécaniste de l'univers, alors que Nietzsche ne cesse de répéter qu'il est faux de réduire le monde à une machine.
Nietzsche développe ainsi son argumentation :
la doctrine du Retour implique l'affirmation de la pleine réalité du temps et de son infinité. D'où il résulte que le monde est éternel. Toute autre explication enferme le postulat théologique d'une création du monde par un être causa sui, postulat volatilisé avec la destruction de l'idéalisme métaphysique ;
les forces composant le chaos sont nécessairement finies
Nietzsche déduit cette finitude de la force d'une réflexion sur la forme propre de l'espace, lequel ne saurait être infini ou sphérique ;
les forces sont engagées dans une compétition permanente, qui aboutit à l'organisation de systèmes selon la direction qu'imprime à un groupe de forces la domination transitoire de l'une d'elles, et l'univers présente ainsi le spectacle d'une multitude de structures en perpétuelle métamorphose.
Conclusion : à l'intérieur d'un espace fermé , donc si l'univers n'est pas en expansion, et le total des forces étant constant, le nombre des combinaisons énergétiques est limité et, puisque le temps est infini, ces combinaisons doivent nécessairement se répéter d'une façon périodique.
Ce modèle d'univers élaboré par Nietzsche offre à ses yeux l'avantage d'éliminer toute finalité providentielle, en restaurant "l'innocence du devenir ".
Mais il nous libère encore de la malédiction du passé. Car " le vouloir ne peut rien sur ce qui est derrière lui. Ne pouvoir détruire le temps ni l'avidité dévorante du temps, telle est la détresse la plus solitaire du vouloir ".
La conscience de cette frustration renverse la volonté de puissance en volonté de vengeance minée par la culpabilité et le désir d'un salut chimérique.
L'enseignement du Retour lui restitue au contraire la plénitude de ses vertus créatrices, en plaçant la rédemption au cœur même de la volonté qui est exhortée à surmonter le temps et son funeste passé par la fière proclamation : je l'ai voulu ainsi et je le voudrai toujours ainsi !
Ce oui donné à l'Éternel Retour et qui efface les vaines discriminations entre le bien et le mal, Nietzsche le célèbre sous le nom d'amor fati.
La liberté s'épanouit dans l'adhésion à une nécessité irrationnelle dont la volonté assume joyeusement la charge :
"Je suis moi-même le fatum, et depuis des éternités c'est moi qui détermine l'existence ".
L'amour du destin est bien également l'affirmation dionysiaque. Dieu immoraliste, Dionysos symbolise l'éternelle jubilation de la vie dans la splendeur de la puissance :
"Un tel esprit libéré apparaît au centre de l'univers, dans un fatalisme heureux et confiant, avec la foi qu'il n'y a rien de condamnable que ce qui existe isolément, et que, dans l'ensemble, tout se résout et s'affirme... Mais une telle foi est la plus haute de toutes les fois possibles. Je l'ai baptisée du nom de Dionysos ".

Le surhomme

L'imagination naïve se figure le surhomme sous les traits d'un homme dont les pouvoirs actuels, grâce à quelque mutation biologique, seraient considérablement augmentés, ce qui lui permettrait de réaliser les fantasmes qui hantent l'inconscient de l'humanité banale.
La conception nietzschéenne du surhumain est, par anticipation, la dénonciation de cette idolâtrie, en laquelle Nietzsche ne manquerait pas de reconnaître la mentalité du "dernier homme ", abêti par sa conception dérisoire du bonheur.

Culture et hiérarchie

La réflexion qui a mené Nietzsche jusqu'à l'idée du surhomme a pu, sans doute, être éveillée par le contact avec les thèses évolutionnistes, mais cette idée, dans sa formulation nietzschéenne, est tout autre chose qu'une spéculation biologique, à la remorque du darwinisme ou du lamarckisme.
Il ne s'agit pas, en effet, de fabriquer une nouvelle espèce destinée à supplanter l'homme, mais d'éduquer le type d'homme le plus réussi afin de le hausser jusqu'à l'affirmation dionysiaque de l'amor fati et de le rendre maître de la Terre.
Zarathoustra enseigne aux hommes "le sens de leur être" : créer, à partir de leur volonté de puissance, un être qui, simultanément, dépasse l'homme et accomplit la vérité de son destin. La tâche assignée à la Culture, et dont notre Culture s'acquitte si piètrement, notait déjà Nietzsche dans ses Considérations intempestives, consiste à exploiter les coups de chance qui, ici et là dans l'histoire, ont produit des types humains supérieurs et à les sélectionner avec méthode.
Une semblable tâche requiert le bouleversement de notre idéal de culture, celui-ci n'ayant été, jusqu'à présent, qu'un idéal de domestication qui provoquait l'hypertrophie de la conscience morale au détriment de la sexualité, du goût de la compétition et de l'égoïsme constructif.
Seule une culture noble, axée sur le respect de la hiérarchie, prépare l'avènement du surhomme, parce qu'elle réhabilite le mal, c'est-à-dire les passions dangereuses que l'on a cherché à tuer au lieu de comprendre qu'elles sont l'aiguillon de la volonté de puissance.
"L'homme a besoin de ce qu'il a de pire en lui s'il veut parvenir à ce qu'il a de meilleur", déclare Zarathoustra, qui plaide fougueusement en faveur de la volupté, de l'instinct de domination et de l'amour de soi. Ne nous méprenons pas, néanmoins, sur le sens de cette exhortation : la puissance authentique, selon Nietzsche, ne réside pas dans le dévergondage des instincts, mais dans leur spiritualisation, par quoi la nature devient une œuvre d'art :
"L'homme supérieur, explique-t-il en songeant aux modèles de la Grèce, de Rome et de la Renaissance italienne, serait celui qui aurait la plus grande multiplicité d'instincts, aussi intenses qu'on les peut tolérer.
En effet, où la plante humaine se montre vigoureuse, on trouve les instincts puissamment en lutte les uns contre les autres... mais dominés ".
La grande politique
Pas de surhomme concevable sans une culture sélective, occupée à ennoblir le corps, pas de surhomme non plus sans une politique qui sauvegarde la hiérarchie.
La démocratie, de ce point de vue, est le pire des régimes, puisqu'elle accorde à des individus inégaux des droits égaux, et pousse ainsi au pouvoir les médiocres, représentants du grand nombre.
L'instrument de ce despotisme niveleur est l'État, " le plus froid de tous les monstres froids " ; l'omnipotence de l'État est l'héritage de la Révolution française, qui a passé les leviers de commande à une classe que Nietzsche abomine, la bourgeoisie.
La noblesse glorifiée par Nietzsche, on ne peut "l'acquérir comme les boutiquiers avec de l'or mercantile ; car ce qui a un prix n'a guère de valeur ".
La bourgeoisie, elle, règne grâce au mensonge et à la cupidité ; et la répartition même des richesses est un scandale, puisque "seul devrait posséder celui qui a de l'esprit : autrement, la fortune est un danger public ".
Nietzsche se montre aussi sévère à l'endroit des idéaux socialistes. Il leur reproche de prôner l'égalité, bannière derrière laquelle se range la volonté de vengeance des médiocres et des faibles. Pour lui, le socialisme perpétue le mensonge chrétien de l'idéalisme métaphysique dans une version historique, il ne peut mener qu'à des formes encore plus accablantes d'étatisme et de terreur policière, sans aucune finalité de grand style.
La hiérarchie que réclame Nietzsche ne coïncide nullement avec la hiérarchie réelle des classes sociales, ce n'est pas une revendication issue d'une réflexion sur l'histoire, mais une utopie.
Nietzsche ne se préoccupe jamais des moyens concrets qu'il faudrait employer pour déloger la bourgeoisie et instaurer le règne des maîtres authentiques. Pas davantage il ne discerne une vocation originale du prolétariat.
L'utopie nietzschéenne peut d'ailleurs sembler barbare, avec son apologie de la guerre, de l'exploitation du travail, et de la violence.
Mais il s'agit d'un malentendu : ces formules cinglantes ne visent qu'à légitimer une politique au service de la Culture noble, dont la motivation est l'éducation de l'homme à la surhumanité par l'acte de se surmonter soi-même.

Le surhomme, incarnation de la puissance

Les équivoques se dissipent dès qu'on examine le contenu de la puissance par laquelle Nietzsche définit la maîtrise dévolue au surhomme.
tte puissance est essentiellement celle du créateur, associant le bien et le mal, le négatif et le positif, l'instinctif et le rationnel ; chez lui, "règne cet effrayant égoïsme de l'artiste au regard d'airain, et qui se sait justifié d'avance dans son œuvre, en toute éternité, comme la mère dans son enfant".
Le surhomme est prioritairement un artiste ! Aimer, pour lui, c'est prodiguer des formes, c'est travailler une matière pour qu'elle rayonne l'éclat de la beauté.
Mais la puissance triomphe dans la véracité. Les nobles, par principe, sont les véridiques.
"Ils ont le courage de voir les choses comme elles sont : tragiques".
À cet égard, le surhomme procède nécessairement de cette caste des intellectuels dont Nietzsche dit :
" Les intellectuels, étant les plus forts, trouvent leur bonheur là où d'autres périraient : dans le labyrinthe, dans la dureté envers soi-même et les autres, dans la tentation ; leur joie c'est de se vaincre eux-mêmes ".
Enfin le surhomme exprime, selon Nietzsche, l'adhésion la plus fervente à l'Éternel Retour. Il correspond au type de l'homme "synthétique, totalisateur, justificateur".
Son vouloir, affranchi de toute culpabilité, de tout regret, de toute négation, n'est rien d'autre qu'amor fati.
Affirmant l'éternité de la vie, il rachète l'ensemble du passé : "Nous justifierons, rétrospectivement, tous les défunts et nous donnerons un sens à leur vie si nous réussissons à pétrir de cette argile le Surhumain, et à donner ainsi un but à tout le passé ".
La jubilation du surhomme sera celle de Dionysos lui-même :
"En partant du bonheur du Surhumain, Zarathoustra explique le secret : tout fait Retour ". Le surhomme incarne la souveraineté de la volonté de puissance en laquelle "le penseur, le créateur, l'amoureux sont un ".
Il se dresse, à l'heure du "Grand Midi", lorsque l'ombre du désir métaphysique est la plus courte et que l'Idéal recule devant le soleil d'Apollon, qui est aussi le rire de Dionysos. Il est le Sens de la Terre. Jean Granier

Postérité

Nietzsche eut une très grande influence au xxe siècle, influence qui toucha principalement des artistes et la philosophie continentale. À la fin de sa vie, et au début du xxe siècle, sa pensée fut diffusée en Scandinavie (Brandes, Strindberg), en France (traduction de Henri Albert), Italie, Pologne, Russie et en Angleterre. Sa conception de l'homme animal déterminé par l'économie de ses instincts influença également Freud.
Dans les années 1930, les œuvres de Nietzsche furent récupérées par les nazis et les fascistes italiens. C'est ensuite à partir des années 1960 que Nietzsche devint une référence pour de nombreux intellectuels français, en réaction notamment à l'hégélianisme dominant.
À partir de l'édition Colli-Montinari, tous les commentateurs purent accéder aux carnets de Nietzsche, au lieu de recourir à des éditions de fragments posthumes qui ne respectaient pas l'ordre chronologique, et qui se présentaient parfois comme l'œuvre inachevée de Nietzsche qu'il n'aurait pas eu le temps de terminer. Ces éditions, fautives et non scientifiques par leur caractère sélectif, se sont révélées être des mystifications, puisqu'il est établi depuis les années 1930 que Nietzsche avait abandonné l'idée d'écrire une somme de son "système" voir La Volonté de puissance.
À la fin du XXe, Nietzsche est relu comme un naturaliste par des commentateurs de tradition analytique.

Les falsifications

Voir La Volonté de puissance pour un exposé détaillé de la falsification de ce livre.
Les textes de Nietzsche ont subi de nombreuses manipulations, et ont été utilisés de manières fort diverses avant d'être édités de façon plus exacte et complète par Giorgio Colli et Mazzino Montinari.

Sources de la pensée nietzschéenne

Nietzsche cite peu les auteurs qui l'inspirent ou auxquels il s'oppose, et la recherche des lectures qui ont pu avoir une influence sur sa pensée est un domaine à part entière des études nietzschéennes.
Pour certains commentateurs, comme Mazzino Montinari, ou Barbara Stiegler, dans Nietzsche et la biologie, il est difficile de comprendre toute l'importance des thèses de Nietzsche, si l'on ignore de quoi s'est nourri sa philosophie et dans quel contexte intellectuel elle prend place.
Nietzsche avait une intense activité de lecture et connaissait, directement ou indirectement, les auteurs, penseurs, scientifiques et artistes majeurs de son temps. Ses lectures sont très étendues et il faisait lui-même remarquer dans une lettre à Jacob Burckhardt, à l'occasion de la parution de Par-delà bien et mal, qu'une vaste culture était nécessaire pour saisir et juger la valeur de cette œuvre.
La bibliothèque de Nietzsche, dont un premier catalogue a été établi dès 1896 par Rudolf Steiner, reflète cet appétit de lectures.
On peut citer pour exemples quelques-uns des auteurs qu’il lut dans sa jeunesse : Goethe, Adalbert Stifter, Ludwig Feuerbach, David Strauss, Ralph Waldo Emerson, les Essais, dont La Confiance en soi dont on retrouve des influences dans Schopenhauer éducateur, Lord Byron, Manfred, Hölderlin, Schopenhauer, Le Monde comme Volonté et comme Représentation.

Liens
Regarder écouter
http://youtu.be/PNzgBTAEVe8 Nietzsche Un voyage philosophique
http://youtu.be/OcRIbiazSME Nietzsche Ainsi parlait Zarathoustra
http://youtu.be/KyqLOPTA8dc Fabrice Lucchini et Nietzsche
http://youtu.be/bqAB3asCHL0 Nietzsche par Michel Onfray 1
http://youtu.be/L4fCpzmZPxA Nietzsche par Michel Onfray 2
http://youtu.be/Q9XwKFISikk Nietzshe par Michel Onfray 3
http://youtu.be/k47EiLShN28 Le dernier homme Zarathoustra
http://youtu.be/JqaNla4pKOU Nietzsche : La souffrance

Sa vie
http://youtu.be/lNxqheK_OXM 1
http://youtu.be/449-YJZuO1w 2
http://youtu.be/13M0r7nREnU 3
http://youtu.be/TPHRrbf4sBg 4
http://youtu.be/04MlrQxzQkk 5
http://youtu.be/bhYla6M8s3E 6
http://youtu.be/04MlrQxzQkk 7
http://youtu.be/qxilVnPjxP4 8
http://youtu.be/ZYWkELnOi4E 9
http://youtu.be/oUAcy9tcAMs 10
http://youtu.be/Bnk-SOL4z4A 11
http://youtu.be/fweYzZNlD2I 12
http://youtu.be/CUycPQUXoGE 13 La fin

http://youtu.be/QyqTv6MBn2k L'autre Nietzsche 1
http://youtu.be/z3qavHEJX-o L'autre Nietzsche 2
http://youtu.be/6ENdQXgCh3Y L'autre Nietzsche 3
http://youtu.be/Uz0q5ifPXqA La philosophie par Luc Ferry 1
http://youtu.be/1krIUNIWykc La philosophie par Luc Ferry 2

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Posté le : 25/08/2013 16:37
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Truman Capote
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Le 25 Août 1984 meurt Truman Garcia Capote


Écrivain américain, américain auteur de romans, nouvelles, reportages, portraits, récits de voyages, souvenirs d'enfance, ainsi que de deux adaptations théâtrales d'écrits antérieurs et de deux scénarios de films. Capote était un personnage flamboyant à la "voix de chou de Bruxelles ", d'après son ami Gore Vidal, cultivant l'excentricité et un certain goût du scandale, comme en témoigne cet autoportrait sulfureux :
"Je suis un alcoolique. Je suis un drogué. Je suis un homosexuel. Je suis un génie."
Tour à tour adulé et vilipendé, il a été l'une des figures les plus controversées de son époque.
S'il a fait son entrée en littérature à l'âge de dix-neuf ans, avec ses nouvelles, c'est en tant que précurseur d'un genre nouveau, mêlant fiction et journalisme, qu'il est passé à la postérité.


Sa vie

Une enfance sudiste

Né Truman Streckfus Persons à La Nouvelle-Orléans le 30 septembre 1924, il grandit dans l'Alabama au milieu de trois vieilles tantes célibataires, après la séparation de ses parents. Il rejoint sa mère sur la côte est, lorsqu'en 1932 celle-ci épouse Joe Capote, qui adopte légalement Truman.

Ses parents, Arch Persons et Lillie Mae, se séparent quelques années après leur mariage.
Sa jeune mère le confie à ceux-là même qui l'avaient recueillie orpheline : il est élevé à Monroeville en Alabama par ses trois cousines et leur frère, tous quatre célibataires.
Son enfance est heureuse mais il ressentit toujours douloureusement cet abandon par ses parents.
A Monroeville, il a pour amie d'enfance Harper Lee qui le décrira dans son roman To Kill a Mockingbird : "Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur" comme un "Merlin l'enchanteur de poche", sous les traits du personnage de Dill.
En 1932, sa mère qui s'est remariée à un Cubain, Joseph Capote, l'emmène vivre à New York.
Son beau-père l'adopte légalement et Truman Persons devient Truman Capote.
Il fait ses études à la Dwight School de New York ainsi qu'à la Greenwich High School à Greenwich dans le Connecticut où l'un de ses professeurs, Catherine Wood, l'encourage à écrire.
Diplômé d'un collège privé du West Side, il quitte définitivement à 17 ans le système scolaire et travaille de 1941 à 1945 comme pigiste au New Yorker ; en juin 1945, à l'époque de la publication de Miriam dans le magazine Mademoiselle, il rencontre William S. Burroughs : Mademoiselle et Harper's Bazaar sont les deux magazines qui publient ses premières nouvelles ; le New-Yorker les juge trop audacieuses.
Les directeurs littéraires de ces magazines, Mary Louise Aswell pour Harper's Bazaar et George Davis pour Mademoiselle, des personnages influents de l'époque, détectèrent avant tous les autres le talent exceptionnel du jeune homme.
La vie de famille chez les Capote est orageuse, les crises d'éthylisme de sa mère sont fréquentes et violentes.
En 1946, le jeune homme trouve refuge à Yaddo, une résidence qui accueille écrivains, musiciens et artistes, dans l'État de New-York. Il y rencontre Newton Arvin, un professeur de lettres de grande valeur.
Pendant les deux ans que dure leur liaison, il passe chaque week-end auprès de celui qui lui donnera la formation qu'il n'avait pas reçue à l'université. Il lui rendra plus tard hommage en disant qu' "Arvin a été son Harvard ";

Premières publications

Il quitte l'école très tôt et, dès 1942, travaille au New Yorker. Il publie alors plusieurs nouvelles dans Mademoiselle et Harper's Bazaar, avant de signer un contrat avec la maison d'édition Random House pour un premier roman. Ce sera Les Domaines hantés, qui suscite une vive controverse à sa sortie en 1948.
La même année, Capote rencontre Jack Dunphy, un écrivain de dix ans son aîné dont il partagera la vie pendant plus de vingt ans.
Entre 1949 et 1959, les deux hommes parcourent l'Europe, s'établissant en Italie et en Sicile pour de longues périodes d'écriture.
En 1951 sort La Harpe d'herbes, un court roman dont Capote tirera une pièce l'année suivante.
Parallèlement, il écrit des essais et des scénarios, dont Plus fort que le diable pour John Huston.
Mais c'est Petit Déjeuner chez Tiffany qui lui ouvre en 1958 les portes de la notoriété, et plus encore De sang-froid, qui devient en 1966 un best-seller international.

Capote a toujours aimé les mondanités. Ainsi, après le succès de De sang-froid, il convie toutes les célébrités de l'époque à un bal masqué en noir et blanc à l'hôtel Plaza.
Parmi ses amis, on compte, entre autres, Harper Lee, Carson McCullers, Gore Vidal, sans oublier Jane et Paul Bowles, Tennessee Williams, Norman Mailer, mais également Cecil Beaton, Andy Warhol, ou Marilyn Monroe et Jackie Kennedy.
Cependant, après De sang-froid, Capote amorce, sans le savoir, un lent et douloureux déclin. Avec son roman à clé Prières exaucées, il ambitionne d'être le Proust américain.
Mais, dès la publication des premiers extraits, il tombe en disgrâce auprès de la haute société, et ne terminera jamais l'ouvrage.
Il collectionne alors les jeunes amants, sombre dans l'alcool et la dépendance aux médicaments, souffre d'hallucinations et, après plusieurs séjours prolongés à l'hôpital, il s'éteint à Los Angeles le 25 août 1984.
La Traversée de l'été, qui serait en fait son tout premier roman, a fait l'objet d'une récente publication, après avoir resurgi lors d'une vente aux enchères, vingt ans après la mort de l'écrivain.

Un nouveau genre romanesque

Dans ses premiers récits, romans et nouvelles confondus, Truman Capote s'emploie, plus ou moins inconsciemment, à raviver les fantômes de son enfance. C'est le cas des Domaines hantés, qui est de son propre aveu "une tentative pour exorciser les démons".
Dans ce roman d'initiation aux résonances autobiographiques, Joel Harrison Knox, un adolescent parti en quête de son père dans une plantation délabrée de l'Alabama, éprouve une attirance grandissante pour un cousin aux mœurs décadentes. L'éveil à l'homosexualité est évoqué par des biais métaphoriques et, si certains critiques comparent déjà Capote à Faulkner ou à Carson McCullers, d'autres crient au scandale.
Mais plus encore qu'à la tradition romanesque du Vieux Sud, Capote emprunte au genre gothique, tout en faisant la part belle au monde imaginaire de l'enfance et à l'introspection.
Dans un article où il prenait la défense de Capote, Alberto Moravia faisait l'éloge de ce qu'il appelait sa "fantaisie subjective".
Cette prédilection pour des personnages marginaux se poursuit en 1951 avec La Harpe d'herbes, qui met en scène un jeune orphelin et deux vieilles femmes qui trouvent refuge dans un arbre.
Il est ici question de solitude, d'aliénation, de la perte de l'innocence, de la complexité des rapports humains, mais aussi d'amour et de rédemption.
Petit Déjeuner chez Tiffany instaure, en revanche, un changement radical de décor.
L'atmosphère sclérosante du sud s'efface devant la frivolité de la vie new-yorkaise, en la personne d'une demi-mondaine, Holly Golightly, immortalisée en 1961 par Audrey Hepburn dans le film de Blake Edwards, Diamants sur canapé.
L'écriture de Capote se fait plus épurée, et Norman Mailer voit dans l'ouvrage un futur "texte classique".

Slim Aarons, Truman Capote dans son appartement de Brooklyn Heights, 1958, tirage couleur. Le romancier américain pose chez lui, l'année de la publication de Breakfast at Tiffany's, pour le photographe des célébrités artistiques et mondaines.
Crédits: Hulton Getty Consulter
En 1956, avec Les muses parlent, qui relate la tournée en Union soviétique d'une troupe de chanteurs noirs interprétant Porgy and Bess, Capote s'essaie à un genre nouveau pour lui, la chronique.
Il s'intéresse depuis longtemps au rapport entre fiction et journalisme, et met au point une technique narrative inédite qu'il expérimentera plus tard avec De sang-froid : récit véridique d'un meurtre multiple et de ses conséquences.
L'ouvrage s'inspire d'un fait divers sordide – le meurtre de la famille Clutter dans une ferme isolée du Kansas, en novembre 1959. Pendant plusieurs années, Capote va mener une véritable enquête de terrain, interroger la police et les témoins, et même entretenir une relation privilégiée avec Perry Smith, l'un des deux assassins.

De sang-froid retrace scrupuleusement les dernières heures des victimes et le parcours des criminels, depuis le meurtre proprement dit jusqu'à la peine capitale.
Certains jugeront l'ouvrage immoral, car l'auteur s'abstient de tout jugement et, à travers l'étude psychologique des meurtriers, il confronte en fait deux Amériques : la vie rangée d'une petite communauté rurale méthodiste du Kansas et celle, désaxée, de deux inadaptés sociaux qui ne sont peut-être pas entièrement responsables de leurs actes.
De sang-froid inaugure un genre littéraire inédit jusqu'alors : le nonfiction novel, c'est-à-dire le roman objectif ou véridique, où la technique romanesque est au service du réel, tandis que le roman se fait document(aire).

Avec une œuvre insolite, hors du commun, allant du plus classique au plus expérimental, explorant et transcendant les frontières entre les genres, Truman Capote apparaît comme l'enfant terrible des lettres américaines, " aussi libre et sauvage qu'un coyote ", – pour reprendre les mots qu'il prête à Perry Smith dans De sang-froid, son chef d'œuvre absolu.
Ses lettres révèlent un écrivain obsédé par ce roman, qui le rendra mondialement célèbre : "Je suis revenu à Verbier, écrasé par le poids de ce livre interminable ".
Parmi ses amis de toujours, apparaissent de nouveaux correspondants : Alvin Dewey, l'inspecteur chargé de l'enquête sur l'assassinat de la famille Clutter, sa femme et leur fils. Cette relation intéressée dans ses débuts par le besoin de collecter des informations se transforme peu à peu en une amitié touchante : "Chers amis de cœur".
Sa correspondance le montre encore soucieux de la parution du livre enfin achevé, qui est suspendue au verdict de la Cour Suprême : "Reçu ton télégramme : Appel rejeté. Mille mercis".
Il écrit à Cecil Beaton, longtemps un ami proche : "Perry et Dick ont été pendus mardi dernier. J'étais là parce qu'ils me l'avaient demandé. Ce fut une épreuve atroce. Dont je ne me remettrai jamais complètement".
Ces quelques mots étaient prophétiques. Truman Capote ne s'est jamais remis de ce livre et de cette plongée dans la réalité la plus noire.
Pour William Styron : "C'était un maître incontesté du verbe... Il avait le don de faire chanter et même danser les mots, de provoquer le rire, de vous donner le frisson, vous toucher le cœur".

Truman Capote au cinéma

Truman Capote, film réalisé en 2005 par Bennett Miller, montre l'écrivain au travail pendant la période d'enquête et d'écriture de De sang froid et vaut à Philip Seymour Hoffman l'oscar du meilleur acteur.
À peine un an plus tard, un autre film revient sur le même sujet, Infamous, en français : "Scandaleusement célèbre", de Douglas McGrath, avec Toby Jones dans le rôle de l'écrivain. La sortie coup sur coup de ces films montre à quel point Truman Capote reste actuel et controversé.
Le romancier apparaît lui-même à l'écran en 1976 aux côtés de Peter Sellers, Alec Guinness et Peter Falk dans le film de Robert Moore : Un cadavre au dessert : "Murder by death".

Le déclin

Il vécut pendant plus de trente ans avec Jack Dunphy , acteur puis écrivain qu'il avait rencontré en 1948.
La quarantaine passée, il mena une vie mondaine.
Il compta parmi ses amis : Babe Paley, la grande amitié amoureuse de sa vie qui se brise en octobre 1975, Harper Lee, l'amie de toujours, auteur en 1960 du best-seller : To Kill a Mockingbird; on y voit Capote enfant déjà grand raconteur d'histoires ; adapté au cinéma sous le titre "Du silence et des ombres", Newton Arvin , son professeur en littérature, Carson McCullers, Tennessee Williams, Norman Mailer, Marilyn Monroe, Lee Radziwill, sœur de Jacqueline Kennedy, Andy Warhol, qui fut à l'origine du dernier livre qu'il publia de son vivant : Musique pour caméléons, Cecil Beaton, photographe officiel de la famille royale britannique, selon Gerald Clarke, "Beaton adorait Capote autant que Capote l'adorait ", etc. Ses inimitiés sont également fameuses, pour Gore Vidal notamment.
Après la publication de De sang-froid en 1966, les années qui suivent sont une lente descente vers l'abîme même s'il écrit encore quelques nouvelles.
Son biographe américain le décrit déçu tant par sa carrière que par sa vie personnelle et de plus en plus dépendant de l'alcool et de la drogue, effectuant des cures de désintoxication sans succès.
La publication dans Esquire, en octobre 1975, d'un chapitre du roman auquel il travaille précipite la catastrophe.
La Côte basque, 1965, un des trois fragments brillants et outranciers du roman, s'inspire de la relation douloureuse entre deux de ses amis, William S. Paley et Babe Paley, ce qui vaut au romancier d'être abandonné par tous ses amis et ostracisé par la haute société new-yorkaise.
Ce roman, Prières exaucées, devait être son chef d'œuvre.
Truman Capote publie en 1977 son dernier livre, Musique pour caméléons, un recueil d'articles et de nouvelles. Il meurt à Hollywood en 1984 d'une surdose médicamenteuse.


La découverte d'un inédit

En 2004 à l'occasion d'une vente aux enchères chez Sotheby's réapparaît miraculeusement un ancien "tapuscrit" rédigé en 1943. Alan U.Schwartz, avocat et ami de Truman Capote a raconté cette découverte :
"Une personne anonyme prétendait que son oncle avait occupé un appartement en sous-sol dans le quartier de Brooklyn Heights où Truman avait vécu aux alentours de 1950. Selon elle, Truman s'en était absenté puis avait décidé de ne plus revenir. Il avait prié le concierge de l'immeuble de vider l'appartement et de mettre tous ses effets sur le trottoir pour que la voirie les ramasse. À en croire ce témoignage, l'oncle, gêné à l'idée de voir ces affaires partir à la poubelle, avait décidé de tout garder. Cinquante ans plus tard, à la mort du dit oncle, un membre de sa famille avait hérité de ces papiers et voulait à présent les vendre."
Ce roman de jeunesse que Truman Capote pensait avoir détruit a finalement été publié en octobre 2005 aux États-Unis et en septembre 2006 en France.
La traversée de l'été, "pièce manquante d'une œuvre remarquable" selon le critique Alexandre Fillon, "comédie tragique new-yorkaise" selon l'écrivain Charles Dantzig est un superbe récit qui montre que ce jeune auteur de dix-neuf ans possède déjà une belle maîtrise de son art.
Grady McNeil, jeune fille insouciante de la haute bourgeoisie new-yorkaise, voit partir sans déplaisir ses parents pour un long voyage en Europe.
Son ami d'enfance, le fantasque et fidèle Peter Bell lui tiendra compagnie. Grady profitera de cette liberté pour vivre un amour passionné cet été-là avec Clyde Manzer, un jeune gardien de parking assez rude dont les parents de la jeune fille ignorent l'existence.
Les thèmes de ce court roman sont universels : l'amour, l'amitié, la difficulté d'affronter les différences sociales, l'insouciance et le besoin d'absolu des adolescents.
Ses personnages sont attachants et la montée dramatique du récit ménage une fin abrupte et inattendue.

La publication de sa correspondance

Gerald Clarke, spécialiste de l'œuvre de Capote, édite en 2004 sa correspondance, traduite en français sous le titre Un plaisir trop bref - titre extrait d'une lettre de l'écrivain à Robert Linscott , "Quel plaisir trop bref que votre lettre...".
Dans son introduction aux lettres de Truman Capote, Gérald Clarke écrit :
"Il s'y livre avec naturel. Lui, qui polissait et repolissait la moindre phrase parue sous sa signature, traquant parfois pendant des heures le mot juste, écrivait ses lettres à la diable, comme s'il craignait toujours de rater la dernière levée."
Cette correspondance couvre, de 1936 à 1982, plus de quarante ans d'existence, constituant ainsi une véritable et inespérée autobiographie épistolaire.
Elle commence par une lettre cinglante écrite à douze ans à son père, Arch Persons :
Comme tu le sais, mon nom a été changé de Persons en Capote, et je te serais reconnaissant de ne plus m'appeler que Truman Capote, car tout le monde désormais me connaît sous ce nom-là .
Mais dans l'ensemble, sa correspondance est drôle et pleine des commérages qu'il affectionnait :
"J'ai vécu d'étranges aventures ces dernières semaines, auxquelles sont mêlés John Huston et Humphrey Bogart, qui m'ont rendu fou tant ils font la bringue - à moitié ivres toute la journée, et complètement ivres la nuit. Tu n'es pas obligé de me croire, mais je suis entré un matin à six heures dans la chambre de Bogart pour y trouver le roi Farouk dansant le"hula hoop ".
Elle n'est pas exempte de traits vachards, par exemple à propos d'un texte de Carson Mac Cullers : " J'ai sûrement lu pire, mais je ne m'en souviens pas".
Elle montre un homme consumé par un intense besoin d'amour, attentionné envers ses amis et attendant d'eux la réciprocité :
"Précieuse Marylou, j'ai été si heureux de recevoir ta lettre. Elle a fait naître en moi un violent désir de te voir ".


Å’uvres

1943 : La Traversée de l'été (Summer Crossing), roman. Une histoire d'amour entre une jeune fille de la haute société new-yorkaise et un jeune gardien de parking, sur fond d'Upper East Side et de canicule. Publication posthume en octobre 2005 par Random House Inc., New York.
1943 : Un été indien (I remember my Grandpa), nouvelle. Un jeune garçon recueille « le secret » de son grand-père...
1945 : Miriam, nouvelle. Une vieille dame fait la rencontre d'une petite fille qui devient vite terriblement envahissante.
1948 : Les Domaines hantés (Other Voices, Other Rooms), roman. Un pré-adolescent part retrouver son père et finalement se trouvera lui.
1949 : Un arbre de nuit (A Tree of Night), nouvelles.
1950 : Local Color, croquis de voyages.
1951 : La Harpe d'herbes (The Grass Harp), roman. Un orphelin et deux vieilles dames élisent domicile dans un arbre et ne veulent plus en descendre. Adapté au théâtre en 1952.
1954 : Plus fort que le diable (Beat the Devil), scénario (film de John Huston).
1956 : Les muses parlaient (The Muses are heard), reportage sur son voyage en Russie soviétique avec un groupe théâtral américain donnant des représentations de l'opéra de Gershwin Porgy and Bess à Saint-Petersbourg et à Moscou.
1956 : Un souvenir de Noël (A Christmas memory). Buddy a sept ans, la vieille cousine qu'il adore soixante et plus, et par un froid matin de novembre : "Oh mon Dieu !" s'écrie-t-elle, « Mais c'est le moment de faire les cakes aux fruits !"
1958 : Petit déjeuner chez Tiffany (Breakfast at Tiffany's), "roman court" dont l'héroïne touchante et irresponsable fut incarnée par Audrey Hepburn dans une adaptation cinématographique réalisée par Blake Edwards en 1961 (titre français du film: Diamants sur canapé).
1960 : Les Innocents, The Innocents, scénario d'après Le Tour d'écrou de Henry James (film de Jack Clayton)
1964 : Morceaux choisis. Textes anciens et inédits, Traduit de l'anglais (États-Unis) par Germaine Beaumont, Maurice-Edgar Coindreau, Serge Doubrovsky, Jean Dutourd et Céline Zins. Préface de Mark Schorer. Gallimard, NRF, Collection Du monde entier. ISBN : 9782070212309
1966 : De sang-froid (In Cold Blood), un roman de "non-fiction" où il suit le trajet de deux assassins et qui a inspiré plusieurs films dont De sang-froid (1967) de Richard Brooks avec Robert Blake.
1968 : L'Invité d'un jour (The Thanksgiving Visitor), souvenirs. Un jeune garçon exorcise la peur que lui inspire un camarade de classe...
1980 : Musique pour caméléons (Music for Chameleons), nouvelles et récits dont l'éblouissant Cercueils sur mesure (Handcarved Coffins).
1983 : Un Noël (One Christmas), souvenirs. Un petit garçon en vient à se demander si le Père Noël existe vraiment.
1987 : Prières exaucées (Answered Prayers: The Unfinished Novel), roman inachevé dont deux chapitres sont remarquables : Des monstres à l'état pur (Unspoiled monsters) et La Côte Basque.
1987 : Une anthologie de Capote (A Capote Reader). Ce recueil inclut, entre autres, ses douze nouvelles les plus célèbres : Miriam, My side of the Matter, A Tree of Night, Jug of Silver, The Headless Hawk, Shut a Final Door, Master Misery, Children on Their Birthdays, A Diamond Guitar, House of Flowers, Among the Paths to Eden et Mojave.
2004 : The Complete Stories of Truman Capote.
À l'occasion de ce qui aurait été le 80e anniversaire de Capote, Random House a regroupé en un volume toutes les nouvelles ou courts récits de souvenirs écrits par Capote.
Ces histoires sont au nombre de vingt. Aux douze énumérées ci-dessus, s'ajoutent : The Walls Are Cold, A Mink of One's Own, The Shape of Things, Preacher's Legend, The Bargain, A Christmas Memory, The Thanksgiving Visitor et One Christmas.
Paraît également la même année chez Random House Too Brief a Treat, publié en France en 2007 sous le titre Un plaisir trop bref

Liens
écouter regarder

http://youtu.be/ySkwEXDVgEg Interview sur l'amour (en anglais)
http://youtu.be/8PyZkoWg3os Truman Capote& groucho Marx (en anglais)



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Posté le : 25/08/2013 15:35
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Dominique Fernandez
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Le 25 Août 1929 Dominique Fernandez, naît à Neuilly-sur-Seine.


Romancier, essayiste et grand voyageur, Dominique Fernandez, élu à l'Académie française le 8 mars 2007aun fauteuil 25, il privilégie l'Italie – avec une nette prédilection pour Naples et la Sicile qu'il exprime dans "Mère Méditerranée" en 1965 – et la Russie avec son "Dictionnaire amoureux de la Russie" en 2004.

Å’uvres principales
Porporino ou les Mystères de Naples (1974)
Dans la main de l'ange (1982)
Le Rapt de Ganymède (1989)
Dans l'exploration de l'art baroque et de la culture italienne et russe, ses ouvrages mettent en lumière des références historiques, littéraires et esthétiques qui sont autant de prétextes à la méditation sur la condition de l'homme, non seulement politique, historique et morale mais aussi sensuelle.

Sa vie

Dominique Fernandez est né à Neuilly-sur-Seine le 25 août 1929.
Il est le fils de Liliane Chomette, normalienne et professeur de lettres classiques, née à Saint Anthème dans le Puy de Dôme le 1er avril 1901, et de Ramon Fernandez, critique littéraire d'origine mexicaine, collaborationniste à qui il consacre un livre en 2009;

Élève de l'École normale supérieure, agrégé d'italien en 1955, Dominique Fernandez est professeur à l'Institut français de Naples en 1957.
Il épouse en 1961 Diane de Margerie, romancière et critique littéraire, avec qui il aura deux enfants : un fils, Ramon Fernandez prénommé comme son grand-père et une fille, Laetitia.
Il soutient sa thèse de doctorat en 1968, sur "L'Échec de Pavese", une psychobiographie dont il est le spécialiste et l'inventeur.
Nommé professeur d'italien à l'université de Haute-Bretagne à Rennes, il se consacre à l'enseignement, à l'écriture et à la critique littéraire, notamment à la Quinzaine littéraire et au Nouvel Observateur.
Il revendique le choix de l'homosexualité, il n'en fait pas de mystère et se révèle lors de la parution en 1974 de "Porporino", dans son ouvrage "L'Étoile rose" en 1978. ou "Les mystères de Naples" pour lequel il reçoit le prix Médicis, l'histoire d'un castrat au XVIIIe siècle.

Par la suite, il écrit "Dans la main de l'ange", récompensé par le prix Goncourt 1982 sur la vie de Pasolini, puis "La Course à l'abîme" sur celle du Caravage en 2003.
Les artistes, parias sociaux et proscrits de génie dont il s'efforce de résoudre l'énigme, sont ses thèmes de prédilection.
Avec "Ramon" en 2009, l'écrivain fait un pas supplémentaire et s'efforce de comprendre le parcours de son père, Ramon Fernandez, cet intellectuel de gauche qui passa à la collaboration en 1940.
Homme de lettres éclairé et mondain, il fréquente Céline et Proust, Bernanos et Mauriac, Gide et Malraux...
Il écrit un Molière perspicace, avançant que l'homme ne devient comique que par la folie et le dérèglement de la volonté.
Non loin de cette analyse de l'absurde, si ce n'est la gravité tragique d'un engagement politique douteux, le fils fait concorder la dérive paternelle, de la gauche vers le fascisme, avec la séparation de son épouse.
Avec "Pise 1951" en 2010, sous-titré "roman", Dominique Fernandez met en scène, dans l'Italie d'après-guerre, un jeune normalien français, victime d'une passion récurrente de l'échec puisqu'il abandonne à son meilleur ami, étudiant et fils d'ouvrier, l'amour d'une jeune fille qui a les traits d'un Botticelli.
On ne peut s'empêcher de rapprocher le protagoniste de "Pise 1951" de l'auteur lui-même et de son histoire personnelle.
Même foi parentale dans la droiture civique, la justice sociale et la poursuite du progrès. Même climat moral d'une éducation bourgeoise où l'on n'extériorise pas ses sentiments. Même rigueur austère qui fait comprendre au jeune homme que
"tout ce qui lui tenait à cœur, l'art, la beauté, l'amour, la rumeur de la mer sur une plage, ne pouvait être partagé... "
Or, Dominique Fernandez ne cesse de parcourir des terres indescriptibles, comme dans Transsibérien en 2012, illustré des photographies de Ferrante Ferranti.
Grand voyageur, spécialiste de l'art baroque et de la culture italienne, Dominique Fernandez a ramené de ses nombreux voyages en Italie, en Bohême, au Portugal, en Russie, en Syrie, au Brésil ou en Bolivie des récits illustrés par le photographe Ferrante Ferranti, son compagnon durant quinze ans.
Cette migration physique et spirituelle a pour objet le parcours du Transsibérien de Moscou à Vladivostok, capitale de la Russie d'Extrême-Orient.
Trois semaines sur les rails, en mai 2010, pour neuf mille kilomètres de chemins de fer et quelques étapes dans des villes mythiques, Nijni-Novgorod, Kazan, Ekaterinbourg, Irkoutsk...
Une occasion de revenir sur le passé de l'ex-Union soviétique, sur ses écrivains de génie – Gorki, Tsvetaieva, Mandelstam... –, sur le baroque russe ou sur l'art sévère du socialisme. Au-delà des années de terreur et d'une nostalgie discutable pour le régime soviétique, subsistent non seulement la joie de vivre d'un peuple résistant, tourné vers la dévotion aux poètes dans le souvenir de la tragédie, mais aussi la beauté sauvage d'une nature souveraine.
À 77 ans, Dominique Fernandez a été élu à l'Académie française le 8 mars 2007, au siège laissé vacant par le décès du professeur Jean Bernard, et reçu sous la Coupole le 13 décembre 2007 par Pierre-Jean Rémy.
En 1999, il prend la défense du PACS. Se qualifiant de "premier académicien ouvertement gay ", il a fait figurer Ganymède sur le pommeau de son épée.

Distinctions

Prix Médicis (1974), Prix Goncourt (1982), Prix Méditerranée (1989), Membre de l'Académie française (fauteuil 25)

Bibliographie

1959 - L'Écorce des pierres, Grasset
1962 - L'Aube, Grasset
1969 - Lettres à Dora, Grasset
1971 - Les Enfants de Gogol, Grasset
1974 - Porporino ou les Mystères de Naples (prix Médicis), Grasset, coll. Cahiers rouges
1975 - Eisenstein. L'arbre jusqu'aux racines
1976 - La Rose des Tudors, Julliard
1977 - Amsterdam, Collections Microcosme "Petite Planète/ville", Le Seuil
1978 - L'Étoile rose, Grasset - rééd. 2012
1980 - Une fleur de jasmin à l’oreille, Grasset
1981 - Signor Giovanni, Balland (réédition Le Livre de Poche
1982 - Dans la main de l'ange (prix Goncourt), Grasset
1984 - Le Banquet des anges (L'Europe baroque de Rome à Prague), photographies Ferrante Ferranti, Plon
1986 - L'Amour, Grasset
1987 - La Gloire du paria, Grasset
1988 - Le Radeau de la Gorgone (Promenades en Sicile), photographies Ferrante Ferranti, Grasset
1989 - Le Rapt de Ganymède (prix Méditerranée), Grasset
1991 - L'École du sud, Grasset
1992 - Porfirio et Constance, Grasset
1994 - Le Dernier des Médicis, Grasset,
1995 - La Perle et le Croissant (L'Europe baroque de Naples à Saint-Pétersbourg), phot. Ferrante Ferranti, Plon, coll. Terre humaine
1997 - Tribunal d’honneur, Grasset,
1997 - Le Voyage d'Italie (Dictionnaire amoureux), photographies Ferrante Ferranti, Plon
1998 - Rhapsodie roumaine, photographies Ferrante Ferranti, Grasset.
2000 - Nicolas, Grasset
2000 - Mère Méditerranée, photographies Ferrante Ferranti, Grasset
2003 - La Course à l'abîme, Grasset,
2004 - Rome, guide érudit et sensuel
2004 - Dictionnaire amoureux de la Russie (ill. Catherine Dubreuil), Plon, coll. Dictionnaire amoureux , 857 p.
2005 - Sentiment indien, Grasset,
2005 - Rome, photographies Ferrante Ferranti, éd. Philippe Rey,
2005 - L'amour qui ose dire son nom, Stock,
2006 - Jérémie ! Jérémie ! (Sur les traces d'Alexandre Dumas), Grasset,
2006 - Sicile, photographies Ferrante Ferranti, Imprimerie nationale, coll. Voyages et Découvertes,
2007 - L'Art de raconter, Grasset,
2007 - Place Rouge, Grasset,
2008 - Dictionnaire amoureux de l'Italie (ill. Alain Bouldouyre), Plon, coll. « Dictionnaire amoureux », 2 vol. 755 et 843 p.
2009 - Ramon, Paris, Grasset, 2009.
2010 - Avec Tolstoï, Grasset, à l'occasion du centenaire de la mort de l'écrivain.
2010 - Villa Médicis, photographies Ferrante Ferranti, Philippe Rey, 2010
2011 - Pise 1951, Paris, Grasset, 2011.
2012 - Transsibérien, Paris, Grasset, 2012.
2013 - Dictionnaire amoureux de Stendhal, Paris, Plon, 2013.

Citations

Sur les autres projets Wikimedia :
Dominique Fernandez, sur Wikiquote
"Le silence est comme une nudité de l'âme, qui s'est libérée de la parure des mots."(Sentiment indien, 2005)
"Raconter des histoires : ce devrait être la fonction première du roman." (l'Art de Raconter, 2007)
"Être homosexuel, ce n'est pas seulement préférer les personnes de son propre sexe. C'est (ce devrait continuer à être) se tenir en marge de la masse de ses semblables, penser et agir différemment, apporter dans le consensus social un ferment de révolte et de discorde." ("Le Monde", 2009)


Liens
regarder, écouter

http://youtu.be/QNwE_ngMlic " Pardonnez nous" Dominique Fernandez et Pivot
http://youtu.be/kDNVocNqH4U Dominique Fernandez chez Pivot "Dans la main de l'ange"
http://youtu.be/HUUzf6ypoT4 " La Galerne" avec Kérangal et Fernandez



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RADIOACTIVITÉ

La radioactivité désigne un vaste ensemble de phénomènes physiques, dont le dénominateur commun consiste en une modification du noyau atomique des éléments.

Il existe dans la nature une centaine de type d'atomes. Ils ont été regroupés par Mendeleïev en 1869 sur un tableau montrant les analogies chimiques. Un atome (dimension environ 10—10 m) est lui-même constitué d'un noyau minuscule (environ 10—15 m) contenant toute la masse, et de Z électrons évoluant autour de lui sur des couches concentriques diffuses. Ce nombre Z, appelé numéro atomique, caractérise l'élément « X » et ses propriétés chimiques (par exemple, Z = 8 si X est O, l'oxygène). Le noyau est lui-même un assemblage compact de Z protons et de N neutrons, formant un système de A = N + Z nucléons. Le nombre A s'appelle nombre de masse et le noyau correspondant s'écrit AZXN ou, en abrégé, AX et s'appelle un nucléide. Deux éléments de même nombre atomique Z, mais de A (ou N) différents sont des isotopes ; ils ont les mêmes propriétés chimiques, mais peuvent avoir des propriétés physiques fort différentes. Ainsi l'élément carbone C (Z = 6) est représenté sur la Terre essentiellement par 12C, mais aussi par 13C et 14C. La nature est très généreuse dans la distribution des rôles. Un même nucléide existe avec des masses, ou énergies, différentes ; cela correspond à des configurations différentes de répartition des nucléons. Dans son arrangement d'énergie la plus basse, le noyau est dans son état fondamental. Dans les autres configurations, il se trouve dans un état excité.

La nature recherche les configurations où l'énergie est minimale. Si un noyau se trouve par hasard dans un état qui ne correspond pas à ce minimum, il va tout faire pour trouver un chemin qui mène à celui-ci et qui soit compatible avec un certain nombre de règles de conservation (énergie, charge électrique...). Sa quête du bon chemin pourra prendre un temps très variable. Ainsi, un état excité revient spontanément à un état d'énergie plus basse, voire à l'état fondamental correspondant au niveau d'énergie le plus bas, en émettant de la lumière. Cette lumière possède une très courte longueur d'onde, nommée rayonnement gamma (γ). Ce passage est très bref, de l'ordre de 10—9 à 10—14 s ; on l'appelle désexcitation d'un état excité. Mais il arrive que l'état fondamental lui-même ait besoin de se transmuter pour se vêtir d'une énergie plus basse ; il est forcé de changer d'espèce. Cette alchimie se produit spontanément dans la nature et la transmutation du noyau vers une configuration plus stable constitue le phénomène de radioactivité ; le noyau originel est dit radioactif. Par opposition, un noyau perdurant éternellement est dit stable.

1. La découverte de la radioactivité

En 1895, Wilhelm C. Röntgen remarque que le verre du tube cathodique qu'il utilise pour ses expériences émet un rayonnement invisible capable d'impressionner une plaque photographique. Il nomme rayons X ce rayonnement étrange. Il présente sa nouvelle découverte à l'Académie des sciences de Paris en janvier 1896. Henri Poincaré est très intéressé par ce phénomène et demande à Henri Becquerel d'étudier le rapport entre phosphorescence et rayons X. Becquerel est issu d'une lignée de brillants physiciens, spécialistes de phosphorescence et de luminescence. Il se met sans tarder au travail et déniche dans son laboratoire des cristaux de sulfate double d'uranyle et de potassium. Il dépose ce sel sur une plaque photographique entourée d'un papier noir et expose le tout au soleil. Après développement, la plaque est effectivement impressionnée. Ainsi donc, ce sel émet bien des « rayons X », après excitation par la lumière solaire. Mais l'histoire ne s'arrête pas là, et comme souvent, c'est un heureux hasard qui est à l'origine d'une fantastique découverte. Vers la fin février 1896, il prépare son matériel habituel mais, le soleil étant absent, il décide de remettre à plus tard son expérience et enferme ses plaques dans un tiroir. Quelle n'est pas sa surprise de constater, quelques jours plus tard, que celles-ci ont été fortement impressionnées dans le noir. Ce sel n'est donc pas phosphorescent, mais il émet un rayonnement de façon intrinsèque ! La radioactivité vient d'être découverte.

L'émission des rayons « uraniques » aiguise la curiosité d'un couple de physiciens particulièrement motivés : Pierre et Marie Curie. Ceux-ci vont consacrer désormais leur vie à l'étude de cette radioactivité, comme l'appela alors Marie Curie. Avec du matériel précaire et dans des conditions de travail souvent très pénibles, mais animés d'une volonté sans limite, ils vont comprendre que l'origine de ce rayonnement est due à certains éléments, l'uranium en particulier. Après avoir manipulé de leurs mains des tonnes de minerai, ils parviennent à isoler deux nouveaux éléments radioactifs, le polonium (Po) et le radium (Ra). Ce dernier élément est particulièrement rare (2,8 t d'U contiennent 1 g de Ra) et actif. Pour ces découvertes capitales, Becquerel et les Curie reçoivent le prix Nobel de physique en 1903.

À la suite des travaux des Curie, la radioactivité intéresse de nombreux physiciens. Mais tous leurs travaux portent sur des substances présentes sur la Terre. C'est à un autre couple célèbre, Frédéric Joliot et Irène Curie, que revient le mérite de montrer en 1934 que des éléments créés par l'homme peuvent aussi être radioactifs. En bombardant des feuilles d'aluminium par des particules alpha, ils produisent l'isotope 30P (phosphore 30), qui se révèle être un radioélément se désintégrant en 30Si (silicium 30). La découverte de la radioactivité artificielle ouvre le champ à toute une gamme d'applications en physico-chimie et en biologie. Le prix Nobel de chimie en 1935 est décerné à ces deux chercheurs.

Photographie

Imagerie médicale : les découvreurs de la radioactivité artificielle
Frédéric et Irène Joliot-Curie, dans leur laboratoire, étudient des composés radioactifs. Ces derniers serviront bientôt à la visualisation, à l'échelle microscopique, des constituants profonds du corps humain.
Crédits: Collection Guy Pallardy Consulter


2. La loi de décroissance radioactive

Un noyau radioactif X va, tôt ou tard, se transformer de la façon suivante : X → A + B + ... + G (1).

Les particules A, B, ..., G peuvent être elles-mêmes d'autres noyaux, ou des particules plus élémentaires. L'ensemble des particules A, B, ..., G s'appelle une voie de désintégration. X peut avoir une seule ou plusieurs voies différentes. De plus, certains noyaux de la voie finale peuvent être eux-mêmes radioactifs. Enfin, la désintégration (1) libère beaucoup de chaleur fournie par l'énergie cinétique des particules émises.

La réaction (1), ou désintégration de X, est complètement aléatoire. Nul ne peut prédire à quel moment elle va survenir. Les seules certitudes sont d'ordre statistique. Si à un instant donné t, un échantillon contient N(t) noyaux de type X, il va subir, en moyenne avec une erreur de l'ordre : √dN(t), pendant un temps dt un nombre dN(t) de désintégrations (1) – et par conséquent il va disparaître un nombre dN(t) de noyaux X – proportionnel à N(t), ce que l'on exprime par l'équation : dN/dt = —λN(t) (2), où λ est une constante caractéristique de (1), qu'on nomme constante radioactive de la voie (1). S'il existe p voies de désintégration pour X, alors dNi noyaux disparaissent par la voie (i) avec une constante λi. En sommant les p possibilités de désintégrations, on a une loi d'évolution qui est encore donnée par (2), avec λ = λ1 + λ2 + ... + λp. La variation du nombre de noyaux présents à un instant t subit une décroissance exponentielle : N(t) = N(0)exp(—λt) (3).

Cette loi est fondamentale, car valable pour tous les types de désintégrations. Elle fut proposée en 1900 par Ernest Rutherford.

Plutôt que λ, les physiciens préfèrent utiliser la constante T = 0,693/λ, appelée période radioactive de l'élément X ou demi-vie, car elle représente le temps nécessaire à une réduction de moitié d'une population. La période d'un isomère (état excité particulier à longue période) peut être de l'ordre de la microseconde (μs) ou moins, celle de 14C (carbone 14) est 5 730 ans, celle de 87Rb (rubidium 87) est 48 × 109 ans et celle de 76Ge (germanium 76) est 1,53 × 1021 ans.

La quantité A(t) = λN(t) représente, d'après (2), le nombre de désintégrations du noyau X (toutes voies confondues) par unité de temps. On l'appelle activité de l'échantillon à l'instant t. On dit que celui-ci est plus ou moins actif selon que l'activité est plus ou moins grande. On mesure l'activité d'un corps en becquerels (1 Bq = 1 désintégration/seconde) ; une unité encore employée est le curie (1 Ci = 3,7 × 1010 Bq) correspondant à l'activité d'1g de radium pur.

3. Les différents types de radioactivité


Jusqu'à la fin du XIXe siècle, toutes les lois expliquant la nature reposaient finalement sur deux types de forces (les physiciens parlent plutôt d'interactions) fondamentales : la gravitation et l'électromagnétisme. Pourtant, à l'aube du XXe siècle, les physiciens se rendent compte que, si l'on scrute l'infiniment petit, ces deux forces seules sont incapables d'expliquer le comportement des particules évoluant dans ce monde microscopique. Il faut faire appel à deux autres types de forces : l'interaction forte et l'interaction faible, qui étaient jusqu'alors passées inaperçues du fait de leur très faible portée. L'étude de la radioactivité prit une part prépondérante dans cette prise de conscience.

En 1999, on a mis en évidence tous les éléments depuis Z = 1 jusqu'à Z = 112 (une expérience récente prétend avoir mis en évidence les éléments Z = 114, Z = 116 et Z = 118). Un élément donné possède en général au moins un isotope stable, et plusieurs isotopes radioactifs. Par exemple, on connaît 15 isotopes de l'oxygène (de A = 12 à A = 26), mais seuls 16O,17O et 18O sont stables. Tous les éléments de Z = 1 à Z = 83 (sauf Z = 43 et Z = 61) possèdent au moins un isotope stable, et donc sont présents sur la Terre. Ceux de Z = 84 à Z = 92 sont radioactifs, mais encore présents sur la Terre. Les éléments avec Z > 92 n'existent pas naturellement, mais ils ont été fabriqués et étudiés par l'homme. Pour résumer la situation, 280 nucléides sur les 3 000 connus sont stables. La radioactivité est donc un phénomène courant. Les physiciens ont analysé les modes de désintégration les plus fréquents.

On reporte souvent dans un plan (N, Z) l'ensemble des nucléides. On appelle celui-ci la carte nucléaire. On représente chaque nucléide par un petit carré affecté d'une couleur conventionnelle correspondant au mode de désintégration dominant. Cette carte est illustrée dans la figure. Les noyaux stables sont situés dans une zone appelée « vallée de stabilité ». Sur les bords de celle-ci, on trouve les noyaux radioactifs, qui finissent par rejoindre la vallée en empruntant des chemins variés. La forme de cette vallée résulte d'un combat subtil entre l'interaction forte, qui tend à rendre Z = N, et la force électrique, qui tend à séparer les protons.

Carte nucléaire correspondant à l'ensemble des nucléides connus à l'heure actuelle. Chaque nucléide est symbolisé par un carré repéré dans ce plan par son nombre de protons Z (sur la verticale) et son nombre de neutrons N (sur l'horizontale). Les noyaux stables sont représentés en noir et forment la…
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On distingue traditionnellement trois types de radioactivité : la radioactivité naturelle (émission de particules α), découverte par Henri Becquerel, la radioactivité artificielle (radioactivité β et rayonnementγ), découverte par Irène et Frédéric Joliot-Curie, et la radioactivité exotique, découverte plus récemment (1984) par Herbert J. Rose et G. A. Jones. La radioactivité naturelle provient de trois sources :

– des radionucléides produits en même temps que la Terre il y a 4 milliards d'années (U, Th, Np…) et de leurs nombreux descendants aux durées de vie très diverses (le radium et le radon sont les plus connus) ; cette radioactivité est dite d’origine « tellurique » ;

Familles radioactives « naturelles »
Familles radioactives « naturelles » : 238U, 232Th, 235U et famille de 237Np. Sur les trois premières familles, on a fait figurer, à côté du nom actuel de l'élément, le nom ancien qui fut attribué au moment des découvertes sur les radioéléments naturels.
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– des rayons cosmiques ;

– des radionucléides produits en permanence par action de ces rayons cosmiques sur des atomes dans la stratosphère ou la haute atmosphère (14C, 3H, …).

• Les modes classiques

Radioactivité α
La particule alpha (α) est un noyau d'hélium α = 42He ; c'est une particule très stable. Un noyau possédant un Z grand subit des tiraillements dus à la répulsion électrique des protons. L'expulsion d'un α par un tel noyau devient intéressante, car le noyau résiduel possède une plus faible énergie électrique. Nous avons affaire à une transmutation du genre :

Une grande partie des noyaux lourds se désintègrent de cette façon, avec la propriété que l'énergie Eα de la particule α est unique pour chaque réaction particulière. Ainsi, la désintégration du 238U donne des α de 4,198 MeV.

Radioactivité β

Il existe trois sortes de radioactivité β.

À la base de la radioactivité β— est la transmutation d'un neutron (n) en proton (p), selon la réaction :

L'antineutrino ̄ν (antiparticule du neutrino ν) est une particule élémentaire neutre. Lorsque cette réaction se produit à l'intérieur d'un noyau, nous avons une désintégration du genre :

Cette réaction n'est énergétiquement favorable que pour les noyaux possédant un surplus de neutrons par rapport aux protons.
La radioactivité β+ est fondée sur la réaction de base :

qui ne se produit jamais spontanément mais qui peut fort bien survenir dans un noyau pour peu que les conditions énergétiques s'y prêtent. Il en découle une désintégration du genre :

Cette réaction survient plutôt pour les noyaux « riches en protons » qui veulent se séparer de leur surplus. Dans ces deux types de radioactivité β, les électrons e— ou les positons e+ ont un spectre en énergie continu.
Une autre possibilité de base très analogue à la précédente est :
Lorsqu'elle se produit dans un noyau, le proton « avale » un électron du cortège atomique (en général un électron situé près du noyau) et se réincarne en neutron, pour donner une réaction comme suit :

Cela s'appelle une capture électronique ; elle est moins gourmande en énergie que la radioactivité β+ et peut se produire dans des circonstances où celle-ci est interdite. L'atome Y est produit dans une configuration excitée ; il retourne à son état fondamental par émission de rayons X, ce qui constitue la signature de cette réaction, le ν étant très difficilement détectable.
Radioactivité γ

Un noyau dans un état excité, noté X*, retourne à un état de plus basse énergie (un autre état excité ou l'état fondamental), en émettant un rayonnement γ électromagnétique de courte longueur d'onde ou, en vertu de la dualité onde-corpuscule, des photons γ de grande énergie, selon le modèle :

Le noyau conserve son « identité », et on parle de désexcitation plutôt que de radioactivité. Néanmoins, par tradition, on appelle volontiers radioactivité γ ces types de désintégrations résultant d'un état excité lui-même produit par une radioactivité de type α ou β. Si l'état excité possède une période appréciable, on parle d'un isomère. Dans certains cas, on le compte presque comme un nucléide à part entière.

Fission

Pour des raisons assez analogues à celles qui interviennent dans la radioactivité α, un noyau très lourd peut se déformer à un point tel qu'une cassure devient inévitable. Le noyau initial se scinde en deux gros fragments (parfois trois) d'importance à peu près égale, plus quelques particules légères, en général des neutrons. Le schéma de désintégration est le suivant : X → A + B + n + n +... (9).

On appelle ce processus la fission nucléaire. Certains noyaux la subissent spontanément ; le plus souvent, elle entre en compétition avec une émission de α.

• Les modes exotiques

A priori, n'importe quelle réaction du type (1) est susceptible de se produire si le bilan d'énergie est favorable. En pratique, parmi toutes les voies de désintégrations ouvertes, on ne détectera que celles qui correspondent aux périodes les plus courtes. Pour la grande majorité des noyaux connus, ce cas de figure correspond aux modes classiques. Pour y échapper, on peut soit attendre très longtemps un phénomène rare, soit chercher dans des noyaux exotiques.

Radioactivité par proton ou neutron
Si on s'intéresse à un noyau qui contient un surplus de protons très important, il peut émettre spontanément un proton et donner :

Ce noyau est très éphémère, car il n'est pas lié par rapport à son constituant le plus simple, le proton. Les noyaux pour lesquels cette réaction est possible sont dits être sur la drip line proton dans la carte nucléaire.

On peut avoir un phénomène analogue, avec émission d'un neutron, pour les noyaux anormalement riches en neutrons :

Ici non plus, le noyau n'est pas lié par rapport à un autre constituant, le neutron. Il existe de même la drip line neutron. L'exploration de ces drip lines constitue à l'heure actuelle un domaine de recherche très attractif pour le physicien, car elles constituent les frontières ultimes de la carte.
La radioactivité double β
Il arrive, dans certains cas extrêmement rares, qu'un noyau ne puisse effectuer une désintégration β classique, mais puisse « sauter une case » et gagner un voisin éloigné, par une double désintégration β, en évitant l'étape du voisin immédiat. On a affaire à une transition du genre :

C'est dans ce type de radioactivité que l'on trouve les noyaux de plus longue période (de 1019 à 1021 ans). Leur mesure demande des prouesses technologiques fantastiques.

Certains modèles théoriques prédisent la réaction précédente, mais sans émission des numacr, avec une période de l'ordre de 1024 ans.

4. La radioactivité comme source d'énergie

Une réaction de fission, comme celle qui est écrite en (9), est une source d'énergie considérable, de l'ordre de 200 MeV pour des nucléides avec A = 240. Cela signifie que la fission d'1 gramme d'uranium (U) produit autant d'énergie que la combustion de 2,5 tonnes de charbon. La fission spontanée concerne peu de noyaux ; en revanche, on peut provoquer la fission en irradiant par des neutrons un élément dit « fissile ». C'est le cas en particulier de 235U, présent à 0,7 p. 100 dans l'uranium naturel. La fission transite par un état excité de 236U. La réaction (9) produisant en moyenne 2,5 neutrons, on peut utiliser les neutrons produits pour induire une autre réaction de fission, et récupérer au passage une énergie considérable. C'est le principe de la réaction en chaîne.

• La fission contrôlée

Dans un réacteur nucléaire en fonctionnement, on garde exactement 1 neutron par fission pour auto-entretenir la réaction, le surplus de neutrons étant absorbé par des matériaux idoines. Plusieurs technologies sont employées. La plupart des réacteurs du parc nucléaire français sont à eau pressurisée (R.E.P., en anglais P.W.R.) ; ils utilisent de l'uranium naturel enrichi à 3 p. 100 en 235U. Les neutrons de fission sont ralentis par un modérateur, afin de provoquer un rendement optimal pour chaque fission. Les réactions de fission produisent aussi toute une gamme de produits, malheureusement radioactifs pour la plupart.

• Les bombes

Le principe de la « bombe atomique » est celui d'une fission non contrôlée, le plus souvent à base de 235U ou de 239Pu. Au départ, une fission produit 2 neutrons, qui produisent 2 fissions donnant 4 neutrons, qui produisent 4 fissions donnant 8 neutrons, etc. Le temps de production d'une fission est quasi instantané. La réaction en chaîne entraîne en un temps très bref une quantité gigantesque de fissions responsables d'une énergie libérée phénoménale. Les effets dévastateurs de la bombe sont tout d'abord la chaleur et l'onde de choc au voisinage immédiat de l'explosion. Les effets dus à la radioactivité surviennent à plus long terme pour les individus fortement exposés.

Un avatar moderne de cette bombe est la « bombe à neutrons » qui minimise les effets de chaleur, mais qui maximise l'émission de neutrons. Elle présente la particularité de tuer les hommes, mais d'épargner le matériel.

• Les déchets nucléaires

La partie intéressante de la réaction de fission (9) est la production de (n) nécessaire à la réaction en chaîne. Elle produit aussi des « fragments » de fission de masse intermédiaire (90 < A < 140), et des nucléides de grande masse (A = 240 environ) produits par des captures successives de (n) sur les noyaux de grande masse. La plupart des sous-produits ne participent pas à la réaction en chaîne et, étant souvent fort actifs, ils sont très indésirables : ce sont les déchets nucléaires. On distingue trois types de déchets selon leur activité, et selon leur période (les déchets de très courte période disparaissent d'eux-mêmes) : ceux de classe A, B ou C par ordre de toxicité. Ils peuvent être gazeux, liquides ou solides. On en élimine certains, directement ou après traitement, dans l'environnement. Mais la période d'un élément est une constante de la nature et l'homme n'a aucun pouvoir pour la changer et accélérer le processus de désintégration. Les déchets de longue période, comme le 239Pu, sont très encombrants. On peut effectuer un retraitement sur les barres irradiées, pour séparer les produits de fission de l'uranium et réutiliser celui-ci. Mais les déchets ultimes à période longue posent un problème très grave à notre société. Pour le moment, on se contente de les stocker dans des conditions les plus sûres possibles. Diverses solutions ont été proposées, le stockage profond réversible étant en faveur à l'heure actuelle, mais il est clair que nous laissons aux générations futures un problème que nous ne savons pas résoudre (cf. NUCLÉAIRE - Déchets).

5. La radioactivité autour de nous

Qu'elle soit naturelle ou artificielle, qu'elle provienne du Soleil, du cosmos ou des activités humaines, la radioactivité est présente autour de nous, en tous lieux, en tout temps.


Photographie

Scintillateur liquide du détecteur KamLand
Le scintillateur liquide du détecteur KamLand est un gigantesque ballon de 13 mètres de diamètre, rempli quand il est opérationnel de 1 000 tonnes d'huile minérale et contenant 1 879 tubes photomultiplicateurs aptes à mesurer l'énergie des photons qui le traversent.
Crédits: Stanford University Consulter
Les réactions thermonucléaires produites au cœur du Soleil fusionnent, par des phénomènes de catalyse variés, 4 protons en un noyau d'hélium. Cela n'est possible que grâce à la radioactivité β qui permet de muer un (p) en un (n).

Les particules très énergétiques provenant de notre Galaxie ou même d'autres galaxies interagissent avec les atomes présents dans la haute atmosphère et donnent naissance à de nombreux éléments radioactifs, comme 14C, qui ensuite, par des phénomènes de convections souvent complexes, se retrouvent dans notre environnement et même dans notre corps, ce qui implique que chaque être vivant est lui-même le siège d'une certaine radioactivité.

Une grande partie de la radioactivité naturelle provient des radioéléments de trois grandes « familles ». Une famille est constituée d'un élément père et d'une série de descendants obtenus d'un parent par une désintégration de type α ou β. La filiation radioactive s'arrête sur un nucléide stable. La première famille démarre avec 238U et se termine au 206Pb, la deuxième a pour père 235U et s'achève au 207Pb, et la dernière commence avec 232Th et finit sur le 208Pb. Les périodes des pères sont beaucoup plus grandes que celles des fils et, avec le temps, il s'établit un « équilibre » tel que tous les descendants possèdent la même activité. C'est un peu comme si un grand réservoir d'eau (le père) se déversait dans une série de réservoirs de taille variable (les fils) avec un débit constant (l'activité) de façon que chaque réservoir se vide au même rythme qu'il se remplit ; le réservoir final (noyau stable) grossit au fil du temps. Cette radioactivité naturelle est responsable de la chaleur interne du globe et donc du volcanisme. C'est elle qui alimente nos ballons gonflés à l'hélium. Elle est aussi présente dans les roches ; ainsi le 226Ra contenu dans le granite rend les maisons construites avec ce matériau radioactives et alimente notre air avec un gaz inerte 222Rn particulièrement nocif.

La radioactivité naturelle est essentiellement due à des radionucléides de très longue période, de l'ordre de l'âge de la Terre (4,6 milliards d'années), sinon ils auraient déjà disparu, ainsi qu'à leurs descendants radioactifs, qui peuvent exister avec des périodes plus courtes puisqu'ils sont constamment renouvelés.

Il faut citer essentiellement les trois familles de l'uranium 238 (4,5 × 109 ans), de l'uranium 235 (7,1 × 108 ans) et du thorium 232 (1,4 × 1 010 ans), ainsi que l'isotope 40 du potassium (1,3 × 109 ans, 0,012 p. 100 du potassium naturel), émetteur β—, sans descendant radioactif. Incidemment, la faiblesse relative de la période de l'uranium 235 explique sa faible concentration (0,7 p. 100) dans l'uranium naturel qui, pour la majorité des réacteurs actuellement en service, nécessite un enrichissement en isotopes 235. Cette concentration était de 3 p. 100 il y a près de deux milliards d'années, analogue à celle de l'uranium enrichi utilisé dans nos centrales électronucléaires, et elle a permis à cette époque le fonctionnement de réacteurs naturels découverts à l'état fossile au Gabon dans la mine d'uranium d'Oklo en 1972 (cf. encadré Le réacteur nucléaire naturel de Bagombé au Gabon).

La concentration massique moyenne de ces radionucléides dans la croûte terrestre est faible et se chiffre en parties par million. Néanmoins, ce sont des sources permanentes d'énergie, et l'énergie qu'ils dégagent est un des facteurs du bilan géothermique du globe terrestre. Les activités humaines produisent aussi de nombreux éléments radioactifs, de tous types et de toutes périodes. Il y a bien sûr les déchets des centrales nucléaires, les résidus des explosions des bombes, mais aussi tous les radio-isotopes produits dans les laboratoires de recherche et dans les hôpitaux.

6. La radioactivité, horloge du monde

La nature, dans sa grande générosité, a mis à notre disposition des éléments actifs de périodes très variées, depuis la seconde et moins jusqu'au milliard d'années et plus. On peut mettre cela à profit pour dater des échantillons. La méthode de datation est, dans son principe, simple. Supposons un élément composé, au moment de sa création, à 100 p. 100 d'un isotope radioactif X. Si on connaît les périodes des éléments de la filiation conduisant au nucléide stable Y, il suffit de mesurer le rapport des quantités X/Y pour accéder à la durée séparant la création de la mesure, autrement dit l'âge. Il faut bien sûr choisir un élément X dont la période soit de l'ordre de grandeur de l'âge supposé. En pratique, l'affaire est plus délicate, par exemple si l'objet testé contenait déjà un mélange de X et de Y au moment de sa création. Il faut alors connaître avec une précision correcte ce pourcentage. Il se peut aussi qu'en cours de route des accidents de parcours modifient ce beau déroulement planifié. D'une certaine façon, il faut connaître et la genèse et l'histoire. Les évaluations se font en général par recoupement de plusieurs méthodes.

L'utilisation de la radioactivité a ainsi permis aux géologues de dater l'âge de la Terre, en mesurant les plus vieilles roches terrestres et météoritiques. En plus des méthodes fondées sur les trois familles naturelles U/Pb et Th/Pb, on utilise fréquemment des « horloges » fondées sur les rapports 40K/40Ar et 87Rb/87Sr.

La datation de la mort d'un être vivant repose sur la désintégration de 14C (qui conduit à 14N par activité β—). Cet élément est formé dans la haute atmosphère par les rayons cosmiques. Il se lie avec O pour donner CO2 qui est absorbé par les plantes puis par les animaux. Le rapport y = 14C/12C reste constant pendant la vie, dû aux échanges de l'organisme avec l'extérieur. À la mort de celui-ci, les échanges cessent et 14C suit inexorablement sa désintégration naturelle. La mesure de y donne une idée de l'âge. En fait, la création de 14C varie au cours du temps, et des corrections s'imposent par rapport à une application simpliste des lois de radioactivité. La période de 14C étant de 5 730 ans, on ne peut pas remonter avec cette méthode à plus de 50 000 ans dans le temps.

7. Radioactivité et santé

La radioactivité artificielle a donné l'élan à la production de nombreux isotopes radioactifs de périodes fort variables. Ce don de la nature, un peu forcé par l'homme, est une manne pour les biologistes et les médecins.

Les propriétés chimiques d'un isotope stable ou d'un homologue radioactif sont les mêmes et on peut ainsi préparer des molécules qui contiennent des atomes radioactifs, que l'on suit « à la trace » par la détection de leurs produits de désintégration. C'est le principe de la méthode des traceurs ou des indicateurs utilisée pour suivre le métabolisme des molécules à l'intérieur d'un organisme. De très faibles quantités (10—15 g) d'éléments actifs sont suffisantes ; on choisit des isotopes de faible période. De plus, on cible l'isotope en fonction du tissu étudié : Fe pour l'hémoglobine, I pour la thyroïde, Xe ou Kr pour les poumons... Dans ce cas, le radio-isotope est introduit à l'intérieur du corps et va se fixer de façon préférentielle sur l'organe ciblé. Ce même schéma d'étude est à la base des radiodiagnostics. Par des moyens de détection très sophistiqués (scanner, tomographe à positons...), on parvient à « voir dans l'espace » des organes et à localiser ainsi des zones suspectes pouvant, par exemple, correspondre à des tumeurs.

Souvent, les rayonnements provenant de la radioactivité (α, β, γ, n, ...) peuvent atteindre les tissus vivants de l'extérieur (exposition accidentelle ou volontaire) ; on parle de rayonnements ionisants car ils créent dans les cellules traversées des ions + ou des ions – (radicaux libres très nocifs) en même temps qu'ils déposent de l'énergie. Les dégâts occasionnés sont fonction de nombreux facteurs : dose absorbée, localisation, durée d'exposition, type de cellules, type de rayonnement. En particulier, les cellules indifférenciées (cellules du sang) ou en division rapide (cellules germinales ou tumorales) sont très sensibles aux rayons. On utilise cette caractéristique en radiothérapie, pour détruire les cellules cancéreuses. Pour une dose absorbée donnée, les effets biologiques sont d'autant plus importants que le facteur de qualité (Q) affecté au rayonnement est important (on a Q = 1 pour des γ, mais Q = 20 pour des α). En plus des radicaux libres, le choc des particules ionisantes sur la molécule d'ADN d'une cellule peut provoquer des dégâts irréversibles. Si un seul brin d'ADN est coupé, les réparations sont effectives ; si les deux brins sont coupés les mécanismes biologiques de réparation sont défaillants et le résultat peut être la mort de la cellule ou une mutation génétique si une cellule germinale est atteinte.


Posté le : 25/08/2013 14:43
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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