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Re: Les expressions
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« Parler de corde dans la maison d'un pendu »


Évoquer devant quelqu'un
- des défauts ou actions condamnables pouvant lui être reprochés
- des sujets pouvant réveiller des souvenirs pénibles


Vous viendrait-il à l'idée de proposer à table du lapin à la moutarde à l'enfant qui vient juste de perdre son lapin nain, d'évoquer la superbe maison que vous venez de vous faire construire avec celui qui vient de perdre la sienne dans un tremblement de terre ou de critiquer la corruption devant un politicien véreux duquel vous attendez des faveurs ? Probablement pas, car ce serait un manque de tact ou une maladresse insigne à moins qu'il n'y ait volonté manifeste de blesser.
De la même manière, il serait fort inconvenant d'évoquer les nœuds marins et les surtout cordes nécessaires pour les réaliser avec la veuve d'un homme fraîchement pendu, sauf éventuellement si celle-ci vouait une haine féroce à son conjoint.

Les deux sens de cette métaphore devenue proverbe sous la forme " il ne faut pas parler de corde dans la maison d'un pendu " sont ainsi assez évidents.
Cette expression semble dater du début du XVIIe siècle. On la trouve en 1623 dans la version française du Don Quichotte de Cervantès et elle n'apparaît dans le Dictionnaire de l'Académie française qu'en 1694.

Oui, je sais, on ne parle pas de corde à bord d'un bateau, là où l'on trouve des marins et des nœuds, sauf pour celle qui permet de faire sonner la cloche.

Posté le : 13/10/2013 10:58
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Re: Défi thème d'écriture du 14 octobre : la Belgique
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Coucou Bacchus,

Je me doutais que le sujet allais t'inspirer. Anecdotes bien sympathiques et assez représentatives de ma chère patrie. Je ne sais pas si elle a changé. Il y a juste un peu plus de tensions entre les communautés mais il y fait toujours bon vivre.

Merci pour ce partage.

Si tu passes dans le coin, n'hésite pas à venir me dire bonjour. Tu sais où j'habite

Couscous

Posté le : 13/10/2013 06:02
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Re: Défi théme d'écriture du 7 octobre
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Filamande, tu nous livres une version du Pays des Merveilles réellement merveilleuse. Sauf que ton héroïne a fait le choix de ne plus en sortir.
De belles évocations, de la douceur, c'est beau.

Merci Filamande.

Posté le : 13/10/2013 05:53
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Re: Défi thème d'écriture du 14 octobre : la Belgique
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Tout enfant, j'ai entendu ma mère et mon père chanter cette chanson,
https://www.youtube.com/watch?v=4MyVdy ... 6Wc4JkXctkW9bU18w&index=1

d'une voix beaucoup moins martiale. Au contraire, ma mère la chantait comme une romance. Je ne m'étais jamais posé la question de savoir pourquoi cette chanson était autant chantée dans la famille puisque mes soeurs et moi-même l'avions apprise et la chantions avec nos parents. C'était une chanson.
Plus tard, je ne me suis pas plus demandé pourquoi, à Ste Adresse, qui fait maintenant partie du Havre, il existait un grand immeuble qu'on disait appartenir aux Belges. Et puis, le temps passant, j'ai su que le destin de la Belgique et celui du Havre avait été étroitement emmêlé durant les années de la première guerre:

" Le 13 octobre 1914, deux bateaux faisaient leur entrée au Havre avec à leur bord les représentants du gouvernement Belge. Deux Havrais, le président des anciens combattants et le président des anciens militaires marins et aviateurs expliquent pourquoi le gouvernement belge s'est établi à Sainte Adresse. LEBEL maire de Sainte Adresse et consul de Belgique raconte comment sa ville a accueilli les Belges. Des villas étaient libres d'occupants et le gouvernement s'est installé (différentes photos) dans l'hôtellerie Sainte Adresse. Il ne reste plus aujourd'hui que le grand immeuble Dufayel où étaient installés les bureaux administratifs. Une boîte aux lettres Belge a pu être conservée (après un épisode où elle fut partiellement détruite en 1940). Depuis, la ville de Sainte Adresse a dans ses armes le drapeau Belge."

Depuis, je ne suis jamais parvenu à concevoir que la Belgique et la France étaient deux pays différents, comme la France l'est avec tous les autres pays.
Je ne sais plus si, maintenant, la région Normande a conservé ses liens viscéraux avec la Belgique. En tous cas, durant mon enfance, une grande part des voyages scolaires se faisaient vers la Belgique.
J'ai compris depuis pourquoi l'accueil que nous y trouvions était aussi chaleureux , amical , fraternel et tolérant. J'imagine que les Belges , en nous sachant Havrais, avaient le souvenir de ces années où nous avions tant compté les uns pour les autres.

Viennent se greffer sur ces attaches historiques et sentimentales quelques souvenirs personnels qui font que j'ai trouvé la Belgique à la mesure de ma folie, en matière de joie de vivre et de goût pour la rigolade .
- Je crois avoir déjà raconté ce petit souvenir à Couscous :
Un jour que je sillonnais la Belgique, en compagnie de mon épouse, je me suis retrouvé sur le périphérique de Bruxelles, un peu paumé ( comme les choux ).
Je suis entré dans la ville, je ne sais où, et me suis garé à l'entrée d'une petite rue. Laissant ma femme dans la voiture, je partis en éclaireur chercher des renseignements. Quoi de mieux qu'un petit bistrot .Hé hé ...Dés la porte passée, c'était ambiance de fête. Beaucoup de consommateurs apparemment bien houblonnés et près à rigoler au moindre éternuement.
Ils m'ont accueillis comme une vieille connaissance , m'ont demandé d'où je venais et se sont dépêchés de m'abreuver. Je n'aime pas être en reste. Malheureusement ( ! ! ), mon épouse m'attendait et j'ai du mettre un terme à une fiesta qui s'ébauchait. Je le regrette encore.

Une autre fois, nous étions, en soirée, dans les environs de Mons . Nous cherchions un bon hôtel pour la nuit et nous en avons trouvé un, sans doute un peu au-dessus de nos moyens, mais tant pis, nous étions en vacances.
Ma femme m'attendait de nouveau dans la voiture et je suis allé à la réception me renseigner. J'ai pris une chambre puis j'ai dit au réceptionniste : " A tout de suite. Je vais chercher ma femme ".
Ce à quoi il répondit, le plus sérieusement du monde :
- " Bonne chance, Monsieur. Surtout, choisissez-là bien. "
Exactement le genre de blague que j'affectionne.
J' ajouterai que, le lendemain matin, nous avons pris pour la première fois de notre vie, un petit déjeuner orgiaque, compris dans le prix de la chambre.
En dehors de toute surveillance par un employé, nous avons abusé de tous ce que le buffet proposait abondamment .J'affirme solennellement n'avoir rien emporté pour la route !

La Belgique ? J'espère qu'elle est restée telle qu'elle est dans mes souvenirs. Je l'espère. Vraiment.



Posté le : 12/10/2013 22:15
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Antonio Canova
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Le 13 Octobre 1822 à Venise meurt Antonio Canova sculpteur, peintre de l'école Santa Marina de Venise.

Antonio Canova,
Sculpteur et peintre italien Fils d'un artisan, tailleur de pierre dès son enfance,

Devenu le sculpteur attitré de la papauté et de l'Empire napoléonien, il fut chargé de commandes officielles bustes, tombeaux d'une simplicité monumentale, tandis qu'il multipliait les mythologies aimables pour une riche clientèle privée, Amour et Psyché, marbre, Louvre.

Le contraste est grand entre ses fougueuses et vivantes esquisses dessinées et la froide perfection des marbres finals.
Canova exerça son activité de peintre, qui fut beaucoup moins importante que son activité de sculpteur, entre son premier séjour à Venise et 1800, Complainte du Christ, 1799, Passagno, Tempio et Venise, musée Correr.
Dans ses tableaux à sujets mythologiques, il interprète d'une manière " moderne ", adoptant le langage de Batoni et de Mengs, le Classicisme du cinquecento. Certains de ses premiers thèmes picturaux, Vénus et Satyre, 1785-1790, Possagno, Gipsoteca Canoviana se retrouveront plus tard développés en sculpture, Vénus victorieuse.
Ses portraits l'Antiquaire Amedeo Svaier, vers 1777-1779 à Venise au musée Correr ; Autoportrait, 1792, Offices ; Portrait de la Giuli, 1798-99, Possagno, Gipsoteca Canoviana, dans lesquels l'influence de la culture vénitienne prévaut sur le goût romain, présentent un plus grand intérêt. Le musée Correr à Venise et celui de Bassano conservent un ensemble de dessins de l'artiste. Une importante rétrospective a été consacrée à Canova, Venise, Musée Correr et Possagno, Gipsoteca Canovian
Après avoir été célébré comme le dernier classique, Antonio Canova fut ravalé au rang des pasticheurs de l'antique et estimé le représentant le plus typique d'une période néfaste de l'art occidental.
Les travaux d'E. Bassi lui ont rendu justice, en révélant esquisses, dessins et peintures qui découvrent une personnalité curieuse. Il ne convient cependant pas de séparer ses recherches de ses œuvres achevées.
Avec toutefois infiniment plus de talent, il évolua comme la plupart de ses contemporains. Abandonnant la tradition baroque, il se rallia au néo-classicisme archéologique de la pureté grecque, mais il sentit toujours le danger d'une trop grande soumission aux impératifs d'une doctrine discutable. Contrairement aux souhaits de ses conseillers, trop absolus, Canova poursuivit sa démarche propre ; partant d'observations aiguës, de croquis et d'ébauches, il fixa des attitudes maniérées qui correspondent à son attirance profonde pour un monde utopique où la beauté plastique s'allie au bizarre. Il coula ensuite, autant qu'il le put, ses rêves dans le moule antique et parvint ainsi à créer des formes neuves, avant tout féminines, où se mêlent froideur et volupté, grâce et langueur.
Les premiers romantiques, Byron, Stendhal, Chateaubriand admiraient, à l'égal des derniers défenseurs du classicisme, son art apparemment détaché des contingences. Le prestige de cet homme généreux, délicat, secret, décidé à préserver son indépendance, s'imposa partout durant le premier quart du XIXe siècle.
Si la plupart des maquettes, tableaux, dessins de Canova sont connus, comme ses marbres et leurs principales répliques, nous ne possédons pas le catalogue complet de sa production, que son abondante correspondance inédite, en partie conservée à Bassano, permettrait de dresser avec méthode. Les sources précises de ses œuvres offrent toujours un vaste champ d'étude.

Sa vie

Né dans une famille de sculpteur depuis des générations, le 1er novembre 1757 à Possagno dans la province de Trévise dans l'État vénitien, il apprit dès son plus jeune âge l'art de la taille du marbre.
Canova perdit tout jeune son père. Son grand-père, Pasino, praticien habile à dégrossir statues et groupes de pierre, le prépara à son métier et obtint pour lui la protection du sénateur vénitien Giovanni Falier.
Entré dans l'atelier de Giuseppe II Bernardi-Torretto, 1694-1774, qui prolongeait en milieu provincial les formules baroques du XVIIIe siècle, Canova suivit son maître à Venise en 1769.
En 1768, sur la recommandation du sénateur Giovanni Falieri, il est placé comme apprenti chez le sculpteur Giuseppe Bernardi Torretti, à Pagnano d'Asolo, province de Trévise, puis il intègrera plus tard l'école Santa Marina à Venise.il devint à Rome la figure majeure du néoclassicisme.

Retour à l'antique

Après avoir remporté plusieurs prix à l'Académie des beaux-arts de Venise, il y donna successivement plusieurs ouvrages qui le mirent bientôt au premier rang des sculpteurs modernes, et dans lesquels il sut allier l'imitation de la nature avec les beautés idéales de l'antique.
Il étudia l'art antique et sculpta, tout au long de sa vie, diverses statues inspirées des mythologies grecque et romaine, ainsi que des cénotaphes, des bustes et des statues en pied de divers personnages célèbres de l'époque.
Il est renommé pour la délicatesse de ses sculptures sur marbre. Son œuvre est considérée comme l'archétype de la sculpture néoclassique et a fait l'objet de plusieurs études de Mario Praz.
Il consacra une bonne partie de sa fortune que lui valait son art à des activités de bienfaisance ou de soutien à de jeunes artistes ou d'artistes dans le besoin.
Dès 1776, il expose les statues d'Eurydice et d'Orphée, où le rococo s'associe maladroitement à un réalisme assez trivial. Le groupe de Dédale et Icare affirme son goût du mouvement, des attitudes complexes, d'une vérité familière. Des bustes modelés ou des portraits peints témoignent de l'attachement du jeune artiste à la tradition vénitienne.
Admis à l'Académie, Canova se rend à Rome dès l'automne de 1779. Les antiques le laissent d'abord indifférent, alors que son journal révèle une admiration passionnée pour l'art baroque.
L'influence de ses amis, Gavin Hamilton, peintre et antiquaire, Volpato, graveur, partisans de l'esthétique néo-classique, s'exerce peu à peu sur lui.
Désormais, sa carrière va se dérouler à Rome, et elle sera éclatante. Un Apollon se couronnant, le groupe de Thésée vainqueur du Minotaure indiquent une évolution très nette vers l'imitation des modèles gréco-romains.
En 1783, Canova se lie avec Quatremère de Quincy, théoricien du retour à l'antique le plus sévère, qui restera son intime conseiller.
Pour atteindre la pureté grecque, il discipline son tempérament primesautier, toujours sensible dans ses bustes, ses esquisses et ses dessins.
Les grands monuments funéraires des papes Clément XIV 1783-1787 et Clément XIII, 1787-1792 offrent encore un compromis entre la tradition, respectée dans la composition générale, et la nouveauté des figures accessoires, comme le Génie de la mort, imprégnées d'esprit hellénistique.
Ses créations profanes sont, par contre, toutes inspirées par la sculpture antique, qu'il interprétera avec une grande liberté.
Le groupe de Psyché ranimée par le baiser de l'Amour, d'un maniérisme certain dans l'exécution mais d'une conception lyrique, en demeure l'exemple le plus séduisant.
Une aimable Psyché debout, jouant avec le papillon, image de l'âme, se retrouve un peu plus tard associée avec l'Amour et devient le pendant du premier groupe, comme symbole de l'Innocence face à la Volupté.
Hébé, dans une course animée qui n'altère pas la sérénité de ses traits, surgit d'un nuage pour verser le nectar. Variantes et suaves répliques se multiplient au gré des collectionneurs européens.
Une Sainte Madeleine émeut par son expression douloureuse, sans que Canova se soit résigné à marquer ce corps des stigmates de la pénitence. La beauté des formes jeunes, polies à l'extrême, demeure l'objectif essentiel du sculpteur.
Psyché ranimée par le baiser de l'Amour fut commandé à Antonio Canova, en 1787, par un Anglais, le colonel John Campbell, qui visitait l'Italie, alors que l'artiste se reposait à Naples après avoir achevé le monument funéraire du pape Clément XIV. Le groupe de Psyché appartient à une autre galerie…

Sculpteur de Napoléon

Cependant, pour lui-même, il dessine des scènes de la rue, peint des portraits intimes, des compositions naïves ou brutales, modèle de fins reliefs où il s'éloigne sciemment des stucs pompéiens ou romains, pris comme exemples.
Il développe toute une esthétique de la stèle funéraire dans l'esprit noble et mélancolique des tombeaux attiques. Soucieux de se renouveler, Canova s'attaque en 1795 à un Hercule jetant Lycas à la mer, groupe colossal achevé vers 1810.
Les pugilateurs Creugas et Damoxène manifestent le même désir d'aborder un art viril, assez éloigné de sa vraie nature. Dès lors, Canova occupe le premier rang en Italie et sans doute en Europe. Il ne résistera pas à Napoléon dont il deviendra le sculpteur préféré.
Persée, Hector, Ajax, Pâris ne sont que variations sur des modèles antiques. Thésée luttant contre le Centaure a plus de réelle puissance dans le mouvement et la musculature.
Les Trois Danseuses, Terpsychore, la Vénus italique, les Trois Grâces, dans leurs poses apprêtées, reflètent mieux le rêve de féminité gracieuse que son extraordinaire habileté lui permettait d'incarner dans le marbre.
Parallèlement, Canova compose d'importants monuments funéraires, dont celui de l'archiduchesse Marie-Christine, 1798-1805, Vienne est le plus émouvant par l'invention d'un cortège recueilli en marche vers la porte du tombeau.
De Napoléon, le sculpteur a laissé le buste idéalisé le plus évocateur et une colossale statue où il transforme abusivement son héros en Mars pacificateur nu 1803-1808, Londres.
Madame Letizia devient une très noble Agrippine assise, 1804-1806, tandis que Pauline Borghèse, en Vénus victorieuse, expose complaisamment un corps superbe, qui contraste avec la froide perfection d'un visage divinisé.
Marie-Louise, banale image officielle de la Concorde, trône, mais c'est surtout le buste préparatoire modelé sur nature en 1810 qui retient l'attention par l'acuité sans complaisance de l'observation, tout comme la retient celui de Murat parmi tant d'autres aussi bien venus.
Prince de l'académie de Saint-Luc, directeur des Musées romains, Canova, sans avoir d'élèves, jouit d'un prestige extraordinaire que la chute de l'Empire n'amoindrit pas.

Un voyage à Londres en 1815 lui révèle les marbres du Parthénon, qui l'enthousiasment, mais il est trop tard pour que son style en soit profondément modifié. Ces bas-reliefs l'incitent à moduler avec plus de réalisme ses dernières statues, Madeleine étendue, Nymphe couchée, Endymion dormant. Toutefois, ses têtes idéales s'éloignent des modèles qui les inspirent, Madame Récamier.
Pour l'église qu'il fit bâtir à Possagno d'après le Panthéon romain, il conçut des métopes d'une grande simplicité et une Descente de croix, fondue en bronze après sa mort, dont les sources se trouvent dans l'art florentin des XVe et XVIe siècles.
Le 13 octobre 1822, Canova s'éteignit à Venise. Son œuvre fut rassemblée dans une galerie construite auprès de sa maison natale.
La diffusion de l'art canovien, de saveur tout italienne, imprégné de sensualisme lyrique, trop fin pour exercer une influence déterminante, se trouva contrariée à Rome même par son rival le Danois Thorvaldsen, apôtre d'un néo-classicisme sans nuance, tendant à l'archaïsme.

Portraits sculptés et nus féminins

Il fit de nombreux portraits sculptés, soit en buste, Domenico Cimarosa, 1808 ou le pape Pie VII entre 1804 et 1807, mais également en pied où il combine le visage, modelé sur nature, à un corps idéalisé, parfois dénudé et inspiré de l'Antiquité.
Son portrait de Napoléon en Mars désarmé et pacificateur, achevé en 1806 où l'empereur figure nu, rappelle effectivement un marbre antique.
Il n'a jamais été accepté par son récipiendaire, malgré un entretien qu'eut Canova avec ce dernier en 1810 où il tenta d'expliquer sa démarche esthétique.
L'artiste fit cependant plusieurs autres sculptures des proches de Napoléon, dont celui de sa mère, Madame Mère, 1807, dans une posture assise proche de celle de l'Agrippine assise du musée du Capitole.
L'une de ses œuvres les plus célèbres reste son Pauline Borghèse en Vénus Victrix, 1804-1808 où cette dernière est représentée allongée sur un sofa, recouverte juste d'un voile léger ne masquant rien du relief de son torse. La Galatea, pour laquelle aurait aussi posé Pauline, est une statue qui se trouve dans le musée Demidoff à San Martino et une copie dans le jardin des Mulini, Ile d'Elbe.
L'intérêt pour le nu féminin aux poses abandonnées est d'ailleurs une constante de son art. Préoccupé par le rendu des chairs et de la carnation, il n'hésitait pas à enduire le marbre d'une fine couche de cire rosée.
Il sculptait le corps féminin avec un modelé fin et un souci de délicatesse qui se retrouve dans le drapé, aussi bien de face que de dos.

Les peintures

Se considérant comme un peintre amateur peignant pour son seul plaisir, il s'adonne à cette activité principalement entre 1780 et 1799. Selon l'un de ses biographes, Giuseppe Pavanello, ses peintures de nus féminins lui servaient à mettre au point ses propres canons de la beauté féminine.
L'une d'elle, la Vénus au miroir peinte dans le style du Quattrocento vénitien fut vendue par Canova comme une œuvre authentique de la Renaissance.
Une série de vingt-deux toiles monochromes, traitant le thème d'Hercule lançant des flèches sur ses propres enfants, se trouve rassemblée dans sa maison natale à Possagno.
Une autre toile traitant le même sujet et conservée au Muséo civico de Bassano fait preuve d'une facture fougueuse et d'un puissant sens dramatique pour traiter le thème de la mort qui tranche avec sa production habituelle, élégiaque et mélancolique.

Influence et postérité

Si Canova refusait d'avoir des élèves, il fut souvent imité de son vivant et après sa mort. Cependant, en tant qu'artiste officiel, il a connu une certaine désaffection liée à l'entreprise de glorification des Napoléonides. Ainsi, contrairement au jugement de Quatremère de Quincy, David d'Angers qui subit son influence dans sa jeunesse, critique la mollesse de ses œuvres et refuse de voir en lui le continuateur des Grecs3. David d'Angers, Rude, Barye ou Daumier n'ont pas suivi Canova, ils en ont pris le contre-pied.

Œuvres

Œuvres dont les dates restent à préciser :
Hercule et Lichas, sculpture sur marbre. Gipsoteca Canoviana, Possagno.
Thésée vainqueur du Minotaure, groupe sculpté sur marbre, 145,5 x 158,7 cm. 1781-1783. Victoria and Albert Museum, Londres.
Buste de Napoléon. Château de Fontainebleau.
Buste du cardinal Fesch. Musée Napoléonien de l'Hôtel de Ville, Ajaccio.
la Paix, sculpture sur marbre. Conservée jusqu'en 1953 à Saint-Pétersbourg. Désormais installée au Musée d'art occidental et oriental à Kiev.
Danseuse avec le doigt sur son menton, (1809/1823), statue de marbre, 177 cm, National Gallery of Art, Washington D.C.
Naiade, (1815/1823), marbre, 80 x 190 cm, National Gallery of Art, Washington D.C.
Persée tenant la tête de Méduse, 1804-1806, musée Pio-Clementino, Vatican

Œuvres datées :

1773-1776 : Orphée et Eurydice. Museo Correr, Venise.
1778 : Dédale et Icare. Museo Correr, Venise.
1781 : Apollon se couronnant lui-même, J. Paul Getty Museum, Los Angeles : voir la statue sur le site du musée (getty.edu/art).
787 : Monument du pape Clément XIV, Basilique des Saints-Apôtres, Rome.
1787-1793 : Psyché ranimée par le baiser de l'Amour. Musée du Louvre, Paris.
1793- : Psyché. Kunsthalle, Brême.
1793- : Cupidon et Psyché. Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg.
1795 : Vénus et Adonis. Musée d'art et d'histoire, dépôt de la Ville de Genève, Genève.
1795 : Monument Angelo Emo. Museo Storico Navale, Venise.
1798-1800 : Monument de l'archiduchesse Marie-Christine. Église des Augustins, Vienne.
1800 : Persée triomphant. Musei Vaticani, Rome.
1800 : Kreugantes. Musei Vaticani, Rome.
1800-1806 : Damoxène. Musei Vaticani, Rome.
1802-1806- : Napoléon en Mars désarmé et pacificateur. Aspley House (London), une copie à l'Accademia di Brera, Milan.
1803-1806 : Victoire ailée, bronze, National Gallery of Art, Washington D.C.
1804 : Portrait de Pie VII. Musée d'Histoire, Versailles.
1804-1806 : Persée tenant la tête de Méduse, musée Pio-Clementino, Vatican
1804-1810 : Monument de Vittorio Alfieri. Basilica di Santa Croce, Florence.
1804-1812 : Vénus Italique. Galleria Palatina, Florence.
1806- : Monument du sénateur Giovanni Falier. Église San Stefano, Venise.
1806- : Monument du comte Alessandro de Souza Holstein. Église Sant'Antonio dei Portoghesi, Rome.
1806- : Danseuse, sculpture sur marbre (hauteur : 176 cm). Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg.
1807 : Monument Giovanni Volpato.

Psyché ranimée par le baiser de l'Amour 1793
1808 : Vénus Victrix Pauline Borghèse. Villa Borghèse, Rome. Basilique des saints apôtres, Rome.
-1808 : Portrait de Domenico Cimarosa. Protomoteca Capitolina, Rome.
-1808 : Portrait de Letizia Ramolino Bonaparte. Devonshire Collection, Chatsworth.
1808-1812 : Terpsichore. Fondazione Magnani Rocca, Mamiano di Parma.
1812 : Autoportrait, sculpture sur marbre. Temple, Possagno.
1812 : Tête d'Hélène. Palazzo Albrizzi, Venise.
1812 : Polymnia. Kunsthistorisches Museum, Vienne.
1813 : Juliette Récamier en Béatrice. musée des beaux-arts, Lyon.
1815 : Hercule et Lycas. Galerie nationale d'art moderne, Rome.
1815-1822 : Mars et Venus. Palais de Buckingham, Londres.
1816 : Hébé. Pinacoteca Comunale, Forlì.
1817-1822 : les Grâces. Victoria and Albert Museum, Londres.
1819 : Cénoptaphe des Stuart. Basilique Saint-Pierre, Rome.
1821 : George Washington. Raleigh Caroline du Nord.
1822 : Ferdinand IV en Minerve. Museo Nazionale, Naples.
CertainsQui ? attribuent également à Antonio Canova une peinture, huile sur toile intitulée l'Enlèvement d'Europe, d'après Véronèse, conservée au Musée régional de Rimouski Québec, sur la base d'une signature restant à authentifier.

Canova joue un rôle dans le roman de Frédéric Vitoux Sérénissime, 1990


Liens

http://youtu.be/Uvm-8VQfKwM Sculpture
http://youtu.be/JLbQ52s95eg Le retour à l'antique (Italien)
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L'apparition à Fatima
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Le 13 Octobre 1917 "La vierge" apparait à Fátima

Fátima est une petite ville portugaise, située sur les plateaux d'Estrémadure district de Santarém, elle est devenue un lieu de pèlerinage qui est comme le site de Lourdes, avec lequel il rivalise en célébrité une des expressions les plus massives et les plus populaires du développement contesté jusqu'au sein du catholicisme lui-même de la dévotion à la Vierge Marie.
Ce pèlerinage a pour origine les apparitions dont se déclarèrent gratifiés, en 1917, trois enfants de la localité, Lucia dos Santos, alors âgée de dix ans, et ses deux cousins, Francisco et Jacinta Marto.
Le 13 mai, tandis qu'ils récitaient pieusement leur chapelet en gardant un petit troupeau à la Cova da Iria, ils eurent la vision d'une femme très belle qui leur demanda de revenir le 13 de chaque mois jusqu'au 13 octobre, date à laquelle elle promettait de leur dire qui elle était et ce qu'elle voulait.

Les enfants retournèrent donc sur le même lieu aux jours indiqués, avec une foule à chaque fois plus nombreuse.
Le 13 octobre, l'apparition se fit connaître comme étant Notre-Dame du Rosaire et comme étant chargée d'appeler les fidèles à changer de vie et à réciter régulièrement le chapelet.
En outre, ce jour-là, alors que la foule comptait entre 50 000 et 70 000 personnes, de très nombreux assistants déclarèrent avoir vu, comme les enfants eux-mêmes, le Soleil tournoyer dans le ciel pendant une dizaine de minutes — événement qui, s'il est difficile d'y voir une hallucination collective, étant donné qu'il frappait tant de gens et de manière relativement prolongée, serait à considérer comme un phénomène atmosphérique local plutôt que comme un phénomène solaire.
Un autre problème s'est posé non seulement à l'esprit critique des historiens mais aussi aux autorités ecclésiastiques chargées d'examiner l'ensemble de l'affaire : il s'agit du fameux secret que la dame— le 13 juillet 1917, donc avant de faire connaître son identité — aurait communiqué aux jeunes visionnaires et sur lequel Lucia n'apporta quelques lumières qu'une vingtaine d'années après les événements.
Une grande basilique a été construite sur le site des apparitions. On y a aménagé une très vaste esplanade, entourée de couvents, mais en veillant à tenir à bonne distance les installations touristiques et les commerces d'objets de piété qui défigurent habituellement les pèlerinages catholiques les plus fréquentés.

Notre-Dame de Fátima

Notre-Dame de Fátima est le vocable sous lequel est invoquée la Vierge Marie telle qu'elle serait apparue à trois enfants à Fátima, petit village du centre du Portugal, à six reprises au cours de l'année 1917.
Ces apparitions, dont le message porte sur la prière et les fins dernières, ont d'abord été l'objet de méfiance, aussi bien de la part des autorités civiles que des autorités religieuses.
Puis, dès 1930, le succès populaire de ce qui devient un grand centre de pèlerinage est accompagné de la reconnaissance de ces apparitions par l'Église catholique romaine.
La fête de Notre-Dame de Fátima a été fixée par le Saint-Siège en 2009, à la date du 13 mai, jour anniversaire de la première apparition, le 13 mai 1917.

La situation au Portugal

Le Portugal est un pays très anciennement catholique et qui a été reconquis de haute lutte sur les musulmans entre le Xe siècle et le XIIIe siècle.
L'évangélisation a été très profonde, la mentalité catholique est fortement ancrée et est encore, au début du xxe siècle, une part intrinsèque de la vie au Portugal. Malgré cela, en 1908, le roi de Portugal Charles Ier est assassiné avec son fils aîné par deux carbonari.
En 1910, Manuel II doit quitter le pays, et une république libérale et laïque est proclamée le 5 octobre.
Le 24 mai 1911, par son encyclique Jamdudum in Lusitania, le pape Pie X rejette vigoureusement les lois de laïcisation mises en place par le nouveau gouvernement. La nouvelle constitution, votée en 1911, s'inspire largement des constitutions française et brésilienne : le Portugal est officiellement un pays laïc et anticlérical.

La Première Guerre mondiale

Depuis août 1914, l'Europe est en guerre : le conflit meurtrier a déjà causé la mort de deux millions de soldats. Engagé dans la guerre au côté des Alliés à partir de mai 1916, le Portugal a environ 50 000 soldats positionnés en France.

La vie difficile dans la campagne portugaise

Fátima, située à 130 km au nord de Lisbonne, est, en 1917, une paroisse rurale de 2 500 habitants, dispersée en une quarantaine de hameaux. Les habitants sont des paysans qui travaillent constamment un sol ingrat. Tout le monde est mis à contribution pour le labeur quotidien.
Les enfants sont généralement chargés de la garde des troupeaux. Cette pauvreté est doublée d'un profond analphabétisme, puisque seulement 10 % des femmes savent écrire. Dans le hameau d'Aljustrel habitent les familles Dos Santos et Marto.

Voyants

Lúcia de Jesus dos Santos est née le 22 mars 1907 à Fátima, elle a donc dix ans. Son cousin Francisco Marto, né le 11 juin 1908, a neuf ans.
Et Jacinta, sœur de François, née le 11 mars 1910, en a juste sept. Pour aider leurs parents, ils participent à l'activité familiale en gardant les troupeaux de moutons dans les alentours du hameau, et en particulier au lieu dit Cova de Iria.

Apparitions L'ange du Portugal

Au cours de l'année 1915, Lucie et deux de ses amies voient "une figure semblable à une statue de neige, que les rayons du soleil rendaient un peu transparente", "ayant forme humaine". De retour au village, racontant leur aventure, leur entourage se moque d'elles.
Au printemps 1916, Lucie, François et Jacinthe revoient le même personnage qui leur dit: "Ne craignez rien ! Je suis l'Ange de la Paix. Priez avec moi !". S'agenouillant, l'ange baissa la tête et leur enseigna une prière:
"Mon Dieu, je crois, j'adore, j'espère et je vous aime. Je Vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas, qui n'adorent pas, qui n'espèrent pas, qui ne vous aiment pas ".
Il fit trois fois cette prière, puis, levant la tête il dit :
"Priez ainsi. Les cœurs de Jésus et de Marie sont attentifs à la voix de vos supplications. "
L'ange leur apparaît une nouvelle fois l'été suivant et se présente comme "l'Ange du Portugal" puis une dernière fois au début de l'automne.
Cette dernière apparition s'accompagne d'une théophanie eucharistique et d'une communion miraculeuse.
L'ange donna la communion aux enfants après avoir récité une prière "en réparation des outrages, sacrilèges et indifférences" qui offensent Jésus présent dans le tabernacle.

Première apparition : 13 mai 1917

Le 13 mai 1917, vers midi, "une dame toute vêtue de blanc" apparaît aux trois petits bergers dans un petit chêne vert et, s'adressant à Lucie, leur demande de venir le mois suivant, à cette même heure. Elle ajoute ensuite :
" Récitez le chapelet tous les jours pour obtenir la paix dans le monde et la fin de la guerre".
Jacinthe, oubliant sa promesse de discrétion, en parle à ses parents.
La nouvelle se répand comme une traînée de poudre dans le village mais la réaction est plutôt méfiante.
Le curé interroge Lucie et n'est pas du tout convaincu. Dans son rapport à l'évêque de Leiria il écrit : "Il faut se tenir résolument à l'écart de cela".

Deuxième apparition : 13 juin 1917

Le mois suivant, les enfants, accompagnés de quelques dizaines de personnes venues « pour voir », sont au rendez-vous. Le groupe récite le chapelet lorsque l'apparition se présente à nouveau, et, dans sa conversation avec Lucie, insiste sur l'importance de la prière, recommande la dévotion "au cœur immaculée de Marie" et annonce la mort prochaine de ses cousins à Lucie :
"J'emmènerai bientôt Francisco et Jacinta au ciel, mais toi tu resteras encore ici quelque temps, Jésus veut se servir de toi pour me faire connaître et aimer. » Elle demande aussi à la jeune Lucie d'apprendre à lire et à écrire afin de mieux rapporter sa parole auprès des hommes.
Seuls les trois enfants voient l'apparition : les témoins ne voient ni lumière, ni la Vierge, ni ne l'entendent.
Mais ils témoignent avoir vu le petit arbre, sur lequel se tenait l'apparition, ployé comme s'il portait un poids, brutalement allégé lors du départ de la Vierge.
Ils témoignent aussi avoir entendu un son et vu un sillage lors du départ de l'apparition.

Troisième apparition : 13 juillet 1917

Le vendredi 13 juillet, la dame en blanc apparaît devant Lucia et ses cousins comme les autres fois, environ 4 000 personnes assistent à l'événement, bien que ne voyant rien eux-mêmes : Lucie, Jacinte et François sont toujours les seuls à percevoir la dame en blanc, les fidèles ne constatent que des faits inhabituels, tels des éclairs, un halo de lumière ou un vent soudain.
Elle s'adresse, comme à chaque apparition à Lucie :
"Je veux que vous continuiez à dire le chapelet tous les jours en l'honneur de Notre-Dame du Rosaire, pour obtenir la fin de la guerre et la paix du monde"
C'est au cours de cette manifestation que l'apparition aurait confié un secret aux enfants.
Cette partie du message de Fátima ne sera dévoilée qu'en 1942, pour les deux premières parties, et c'est en 2000 que le Vatican divulguera la troisième partie du secret
.
Quatrième apparition : Le 19 Aout

Le 10 août, l'administrateur du canton, Arthur d'Oliveira Santos, connu pour son anticléricalisme, demande à voir les voyants et les interroge sans succès.
Le 13 août, il fait enfermer Lucie et ses deux cousins pour trouble à l'ordre public.
Il souhaite connaître les secrets que la Vierge Marie a révélés aux enfants et va jusqu'à les menacer de mort pour les faire parler, mais en vain, ils gardent leur secret. C'est à regret que l'administrateur les relâche le 15 août.
Quelque 18 000 personnes sont au rendez-vous du 13, en l'absence des enfants, et assistent à quelques phénomènes déjà vus lors des précédentes apparitions. Mais les enfants ne sont pas là.
Le dimanche 19 août, alors que les enfants font paître leurs troupeaux sur la Cova da Iria, la Vierge leur apparaît, leur demande de prier pour les âmes pécheresses et leur promet un miracle afin que tous croient .

Cinquième apparition : 13 septembre 1917

Pour la cinquième apparition, le 13 septembre, environ 30 000 fidèles se prosternent devant les messagers de la Vierge Marie, Lucie, Jacinte et Francois, implorant leur secours pour obtenir la guérison des malades. C'est à ce moment-là que l'apparition annonce pour le mois suivant, la venue du Seigneur, de Notre-Dame du Carmel et de saint Joseph avec l'Enfant-Jésus .

Sixième apparition, le miracle du soleil : 13 octobre 1917

Le 13 octobre 1917, il pleut à torrent sur la Cova da Iria, et une foule d'environ 50 000 personnes récite le chapelet.
À midi, heure solaire, l'apparition se présente alors à Lucie comme étant Notre-Dame du Rosaire15,20 et lui demande de faire bâtir une chapelle en son honneur. Elle annonce la fin proche de la guerre. Elle demande aussi la conversion des pécheurs.
Alors que Notre-Dame du Rosaire s'élève vers le ciel, la pluie s'arrête et le soleil revient dans un ciel bleu. Les témoins peuvent regarder le soleil directement, ils le voient se mettre à tourner sur lui-même, lançant des faisceaux de lumière de différentes couleurs. Le soleil paraît même s'approcher de la terre, inquiétant la foule. Puis après dix minutes, tout redevient normal.
Le soleil lançait des faisceaux de lumière, d'un côté et de l'autre, et peignait tout de différentes couleurs : les arbres, les gens, le sol, l'air.
Le soleil tournoya ensuite, « à un certain moment, le soleil s'arrêta, et puis recommença à danser, à tournoyer; il s'arrêta encore une fois, et se remit encore une fois à danser, jusqu'au moment, enfin, où il parut se détacher du ciel, et s'avancer sur nous. Ce fut un instant terrible !
Il y eut des témoins jusqu'à cinq kilomètres à la ronde, et pourtant l'observatoire astronomique n'a rien relevé de particulier à ce moment-là.
Pendant ces phénomènes cosmiques, les enfants voient quant à eux les trois apparitions promises : la Sainte Famille, puis Notre-Dame des Sept-Douleurs accompagnée du Christ et enfin Notre Dame du Mont-Carmel.


Les témoins du miracle

Avelino de Almeida

Avelinos de Almeida, journaliste anticlérical et rédacteur en chef du quotidien de Lisbonne 0 Seculo, présent ce jour-là, en fait le compte rendu suivant :
" On voit l'immense multitude se tourner vers le soleil, qui apparaît au zénith, dégagé de nuages.
Il ressemble à une plaque d'argent mat, et il est possible de le fixer sans le moindre effort. Il ne brûle pas les yeux. Il n'aveugle pas. On dirait qu'il se produit une éclipse. Mais voici que s'élève une clameur immense, et ceux qui sont plus près de la foule l'entendent crier :
"Miracle ! Miracle !....Merveille ! Merveille !".
"… Et l’on assiste alors à un spectacle unique et incroyable pour tous ceux qui n’en furent pas témoins… Le soleil rappelle une plaque d’argent mat… Il n’aveugle pas ! On dirait qu’il se produit une éclipse.
Mais voici que s’élève une clameur formidable : “Miracle, miracle !” Sous les yeux éblouis de cette foule, dont l’attitude nous transporte aux temps bibliques et qui, pâle d’épouvante et tête nue, regarde l’azur firmament, le soleil trembla !
Le soleil eut des mouvements brusques, jamais vus et en dehors de toutes les lois cosmiques ! Le soleil "se mit à danser", selon l’expression typique des paysans !
Il ne reste maintenant qu’une chose : c’est que les savants nous expliquent, du haut de leur compétence, la macabre danse solaire, qui, aujourd’hui à Fátima, a fait jaillir des hosannas de la poitrine des fidèles ; et qui, comme me l’affirment les gens dignes de foi, a laissé très impressionnés les libres-penseurs eux-mêmes, ainsi que d’autres personnes sans aucune préoccupation religieuse, qui étaient accourues sur cette lande désormais célèbre "
Avelino d’Almeida, rédacteur en chef du Seculo, avait publié le matin même dans ce journal l’article ironique dont on a parlé.
À midi, il fut témoin du "prodige solaire" à la Cova da Iria, et le soir, sous l’impression encore des événements, il composa le nouvel article dont nous citons ici quelques extraits.
Cet article, publié dans le Seculo du lundi 15 octobre, fit sensation dans tout le pays, et attira à son auteur les vifs reproches des libres-penseurs, qui ne lui pardonnaient pas d’avoir donné une telle publicité aux faits de Fátima, et de les avoir appuyés de son autorité.

Les voyants et la reconnaissance ecclésiale


Les trois enfants de Fatima

François et Jacinthe Marto, atteints de la grippe espagnole, meurent très tôt, respectivement en 1919 et 1920. Ils ont été déclarés vénérables par le Pape Jean-Paul II le 13 mai 1989 et béatifiés le 13 mai 2000.
Lucie Dos Santos entre au noviciat des sœurs Dorothée le 24 octobre 1925 à Tuy, elle y prononce ses vœux en 1928. Elle a de nouvelles apparitions en 1925 et 1929. En octobre 1934, Lucie prononce ses vœux perpétuels et prend comme nom de religieuse sœur Marie des Douleurs.

LOrs des apparitions aux enfants, "la vierge" pour l'essentiel, après une évocation dantesque de l'enfer, aurait déclaré :
Si l'on écoute mon invitation, la Russie se convertira et il y aura la paix. Sinon, ce pays répandra ses erreurs dans le monde et provoquera des guerres et des persécutions .... Le Saint-Père me consacrera la Russie, qui se convertira, et un temps de paix sera accordé au monde."
La teneur de ce message révélé si tardivement par la voyante semble avoir été marquée comme après coup par les expériences les plus récentes de celle-ci, en particulier par le rôle que joua l'U.R.S.S. dans la guerre civile d'Espagne et qui avait beaucoup frappé les esprits au Portugal.
L'évêque de Leiria, Mgr da Silva, après avoir mené une enquête canonique portant sur les voyants et sur les multiples témoins du miracle du 13 octobre, reconnaît les apparitions comme dignes de foi et approuve le culte à "Notre Dame de Fátima".
Sur ordre de la hiérarchie ecclésiastique, Lucie rédige ses mémoires, dont il y a quatre versions, une en 1935, une en 1937, une en 1941 et une début 1942.
En 1946, le troisième centenaire de la consécration du Portugal à la Vierge Marie est l'occasion du couronnement solennel de la statue de Notre Dame de Fátima par le Cardinal Masella, légat pontifical, devant 600 000 pèlerins. La couronne est offerte par les femmes portugaises en remerciement de la préservation du Portugal pendant la Seconde Guerre mondiale.
À partir de 1948, Lucie entre au couvent des Carmélites de Coimbra Portugal.
Elle y prend le nom de sœur Lucie du Cœur Immaculé.
Elle meurt le 13 février 2005 à l'âge de 97 ans.

Les secrets de Fátima
Lors de la troisième apparition, la Vierge a révélé un message aux enfants et leur a demandé de ne pas le divulguer.

Secrets de Fatima.Le sanctuaire Notre-Dame-de-Fátima

C'est le 28 avril 1919 qu'est construite la première chapelle sur le site des apparitions, par des pèlerins, le curé de Fátima ayant reçu la consigne de se tenir à l'écart de ces manifestations de dévotions.
C'est une petite chapelle faite de pierres et de chaux, couverte de tuiles et mesurant 3,30 m de longueur, 2,80 m de largeur et 2,85 m de hauteur.
En 1921, le nouvel évêque de Leiria autorise la dévotion à Marie sur le site de Fátima. Après sept ans d'enquête, en 1930, il reconnaît officiellement les apparitions. Les constructions peuvent alors commencer.
Dès 1928 est commencée la construction de l'église de Fátima. Terminée en 1931, la basilique néoclassique mesure 70,50 m de longueur et 37 m de largeur.
Les quinze autels qu’elle comporte sont dédiés aux quinze mystères du Rosaire. Dans la chapelle du côté gauche se trouvent les tombeaux de Jacinthe et de Lucie et dans celle de droite celui de François.
Le sanctuaire, si l’on inclut l’ensemble des édifices et son immense enceinte, a une surface de 86 400 m², et peut contenir environ 300 000 personnes.
Fátima est aujourd'hui un centre mondial de pèlerinages très connu.
La ville compte 10 000 habitants, et chaque année 4 millions de pèlerins et touristes se rendent à Fátima, ce qui en fait le quatrième lieu de pèlerinage catholique du monde après Notre-Dame de Guadalupe au Mexique, le Vatican et Lourdes.
Aucun catholique n’est obligé de croire à ce type de révélations ; cependant il est indéniable que les apparitions de Fátima et leur secret ont représenté comme une carte routière pour le chemin incertain du xxe siècle
Le 13 mai 1967, le Pape Paul VI y a célébré la messe en portugais.
Étaient entre autres présents, dans la tribune d'honneur, les parents des deux enfants voyants décédés Francisco Marto et Jacinta Marto, ainsi que Lucie Dos Santos.
Durant 4 jours 11 mai - 14 mai 2010, sa Sainteté le pape Benoît XVI s'est rendu au Sanctuaire de Fátima où il a présidé les cérémonies religieuses du 13 mai 2010.
Cette visite a eu lieu à l'occasion de l'anniversaire qui n’est pas à proprement parler une fête de la Vierge de la première apparition de la Vierge Marie, qui est apparue à trois petits bergers le 13 mai 1917 à Fátima Portugal.
Le Pape Benoit XVI en profite pour offrir au sanctuaire de Fatima une rose d'or, ornement béni par le Saint-Père qui est accordé à des sanctuaires que le souverain pontife souhaite honorer. La visite du Pape Benoit XVI à Fátima succède à celle de son prédécesseur Jean-Paul II 10 ans auparavant. La messe du 13 mai 2010 fut présidée par Benoit XVI devant plus de 500 000 pèlerins.

Critiques et soutiens

Des auteurs comme le Père jésuite belge Edouard Dhanis, mort en 1978 ou l'abbé René Laurentin estiment nécessaire d'avoir une attitude prudente envers les apparitions de l'Ange. Pour ces auteurs, s'il n'y a aucun doute quant à la réalité des apparitions de 1917, les autres évènements apparition de l'Ange en 1915 et 1916 ; apparitions mariales de 1925, 1929, ne peuvent pas être confirmés par quelqu'un d'autre que Sœur Lucie. En conséquence « Sans mettre en cause sa sincérité, dit le Père Dhanis en 1963, on peut juger prudent de ne s'appuyer qu'avec circonspection sur les écrits de sœur Lucie.
Citons aussi dans un autre registre Jean Cardonnel, dominicain, qui réfute absolument l'authenticité du troisième secret de Fatima


La foule contemple le miracle de Fatima.

Une critique globale est également défendue par certains penseurs. Gérard de Sède, notamment, après deux ans d'enquête et d'étude publie en 1977 une étude sur les apparitions.
Niant toute manifestation de surnaturel à Fátima, il considère les apparitions comme une supercherie montée de toute pièce par les familles des voyants et met les miracles sur le compte d'une hallucination collective renforcée par des phénomènes naturels4. D'autres avancent également que les prédictions ont été en réalité formulées après les évènements, mort de François et Jacynthe, fin de la guerre...
Enfin, on peut mentionner l'existence d'une autre hypothèse qui, sans remettre en cause la réalité de l'évènement, lui donne une toute autre interprétation : mis à part son caractère ostentatoire, il y a parfois une ressemblance de certains éléments de la description du miracle avec des éléments de deux témoignages d'apparitions d'OVNI tel que les a rapporté l'ufologue Jacques Vallée dans son livre Passport to Magonia, il s'agit des témoignages numéros 321 et 292.
Pour Pierre Jovanovic, auteur du livre Notre-Dame de l'Apocalypse, dans le cas de la Sixième apparition du 13 octobre 1917, c'est la première fois dans l'histoire humaine qu'une divinité prévient 90 jours à l'avance qu'elle fera un miracle en donnant la date et l'heure exacte et que non seulement il se réalise mais qu'en plus il est vu, décrit et rapporté par des journalistes, y compris ceux du journal anticlérical O Século.


Malgré une longue perplexité, comme toujours dans de tels cas, l'Église en vint, le 13 octobre 1930, à la suite d'un minutieux procès canonique et par le truchement de l'évêque du lieu Leiria, à déclarer dignes de foi les visions des trois enfants et à autoriser solennellement le culte de Notre-Dame de Fátima.
Les papes eux-mêmes encouragèrent le pèlerinage, surtout Pie XII, qui marqua une ferveur appuyée pour celui-ci à la fois dans sa piété personnelle et par des actes publics, notamment en consacrant, le 7 juillet 1952, au Cœur immaculé de Marie, tous les peuples de Russie.
Depuis la Seconde Guerre mondiale principalement, la dévotion populaire a pris à Fátima des proportions considérables, attirant chaque année des centaines de milliers de pèlerins du monde entier.

Liens
http://youtu.be/rBIs8cuIwTo La vision
http://youtu.be/NGrm2l6pmGk L'apparition de Fatima (Croit qui veut.)


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Posté le : 12/10/2013 20:10
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Re: Défi théme d'écriture du 7 octobre
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Assise à l'ombre d'un arbre, Filamande laissait son imagination passer les saisons. Elle aimait s'y abriter chaque fois que son coeur se mettait à saigner.
ce jour là, le temps était sombre et froid. Mais pourtant rien ni personne, ne pouvait l'empêcher de venir caresser son écorce. Encercler son tronc de ses bras. De ses pensées surgissaient souvent un magnifique lavis.Chaque jour Filamande pouvait parcourir des dizaines de kilomètres à pied pour être prêt de lui. Elle voulait, exposer aux yeux de tous, les oeuvres de leurs sentiments extrêmes. Les cicatrices laissées par des moments de désillusions dans son existence ou de tristesse disparaissaient, comme par enchantement, quand elle était à ses côtés. C'était une émotion troublante et ensorcelante. Car il était le
seul à lui apporter se réconfort. Chose que Filamande n'avait jamais vraiment eu de la part des personnes qui l'entouraient.
C'était devenu son ami et cette amitié était sans faille.
Certaines personnes la prenaient pour une illuminée. Aimer un végétal? Quelle idée saugrenue. Mais malgré tout cela, c'est lui qui lui donner ses inspirations première. Ces ébauches qu'elle mettait sur ses toiles. Sous ses branches, elle projetait son avenir. Il lui apportait sa grandeur, sa force.
Mais plus encore la sérénité. C'est avec lui qu'elle oxygénait son esprit.
Alors elle façonnait chaque dessin en l'exposant. Il se trouvait partout dans ses toiles. Elle ne donnait pas trop de détails, afin que personne ne puisse le trouver.
Elle voulait le garder intact et pure de toutes flétrissures, du monde humain.
Quand elle regardait ses oeuvres, c'était toute sa sève qui en découlait. Alors elle rentrait chez elle, le coeur léger et heureux de pouvoir le voir encore et encore.
Filamande aimait bien évidement par dessus tout la nature. Et tout particulièrement son ami l'Arbre.
Elle s'assit donc, sur son tabouret, prit un crayon de papier et se mit à tracer quelques lignes... Et tout à coup, une chose étrange se produisit. Sa mains pouvait
traverser la feuille. C'était très étrange, elle pensait que son imagination débordante lui jouait des tours. Mais non?
Elle recommença à nouveau l'opération et fût tout autant surprise. Mais cette fois si, en ramenant sa main, elle trouva dans celle-ci, une petite fleur toute noire. Une de celle qui figurait sur son dessin.
Ce n'était pas réel se dit-elle. Mais pourtant elle la tenait là entre ses doigts. Elle n'avait aucune couleur, puisque que son propre dessin n'était qu'une ébauche au crayon de papier.
Incroyable! Se dit-elle à nouveau. Elle s'empressa de prendre sa palette de couleurs et commença à peindre les fleurs qui occupaient son dessin. Puis attendant, quelques
bonnes minutes que la peinture sèche, elle plongea sa main en fermant les yeux dans le tableau et au même moment ou elle la ramenait vers elle, elle ouvrit les yeux et surprise, elle tenait une fleur, cette fois ci de couleur...
Elle était plus que subjuguait. Comment cela pouvait être possible? Son tableau achevait, elle approchait cette fois-ci son visage. Celui-ci fût happée et se retrouva nez à nez avec le jardin odorant, qu'elle venait de mettre sur sa toile. Entre les fleurs blanches, jaunes, ou mauves...La Reine du Silence calme et apaisée cheminait délicatement, en ondulant sa chevelure couleur terre, sûr sa peau opaline. Laissant quelques mèches s'insinuer parmi les herbes verdoyantes.
Epouse ou Reine mère, elle avançait dans cet Eden avec une démarche majestueuse. Elle tenait dans ses mains le pouvoir...
L'absence de parole, d'une pose, d'un soupir n'était qu'un écrin merveilleux dans ce tableau. Filamande continuer son cheminement, car sans s'en rendre compte, elle était entièrement dans le tableau presque une pièce maîtresse.
Et quelque fois, cette Reine du Silence sortait de sa quiétude et se laissait entendre... Ce qui fit revenir Filamande à la réalité. Elle se retrouvait à nouveau sur son tabouret
les yeux rivés sur sa toile. Elle ne comprenait pas, pourquoi cela ne fonctionnait plus. Elle prit un papier à dessin se mis à en griffonner un autre ... le mit en couleur, attenda quelques instants. Elle avait parsemé celui-ci, d'un soleil radieux. De couleurs merveilleuses. Chaque nuance
faisait référence à la joie. A l'amour aussi. Elle se laissa emporter vers son dessin, celui qui lui apportait un être lointain. Chaque partie de son corps devenait tout à coup
une aquarelle nouvelle. Une exploration de tous les instants. Entre volupté et désir d'un seul coup de crayon prenaient naissance au plus profond de ses sens.
Filamande se sentait béate. Une ébauche de fleurs ou chaque senteurs étaient un ravissement. Jusqu'où pouvait aller cette arabesque? Jusqu'où pouvait aller ce sentiment peint...sur cette toile? Entre raison et déraison, elle laissait son esprit voguer ou bon lui semblait sur cette mer d'esquisses.
A cet instant, le pochoir dénichait la beauté de son âme...En un cliché l'immortalisait.
Filamande fermait les yeux. Quand elle les ouvrit, elle se tenait debout devant sa toile. Encore une fois, elle était revenue à son point de départ. Elle ne comprenait pas comment
cela c'était passé, machinalement, elle reprit une feuille de papier, et se mit encore et encore à dessiner, peindre...Et la même chose se produisait à chaque fois, elle était happée par sa propre toile. Elle dessinait toute la nuit et les jours suivants, elle ne mangeait plus, ne dormait plus... Elle ne vivait que pour son art. C'était tellement exquis se qu'elle
ressentait, quand elle se trouvait projeté ainsi dans ses univers, qu'elle même avait créé. En faite ses peintures étaient tout ce qu'elle n'avait jamais connu. Le bonheur, la joie, l'amour.
Sa vie était si fade. Et par le biais de ses dessins, elle se sentait plus vivante. Elle savait que c'était son ami l'Arbre qui était à l'origine de tout ça. Comme elle ne dormait plus, mais qu'elle ne faisait que peindre, elle se dit: Il est peut être temps de les exposer. Ce qu'elle fit le lendemain. Et en l'espace d'une demi heure tous ses tableaux furent vendus sans exception.
Elle n'en croyait pas ses yeux. Mais elle ne pouvait continuer ainsi. Sa propre vie en dépendait. Mais pouvait elle se résignait à ne plus vivre et ressentir ses oeuvres?
Bien évidement que non... Alors Filamande décida d'en créer une toute dernière. La seule et unique toile. Elle prit un crayon, griffonna deux ou trois petites choses. Approcha son visage plus prêt et se sentie aspiré...Elle avait fini par comprendre après mainte et mainte essaie, qu'en apposant sa signature sur le bas de chaque tableau, elle revenait instantanément à la réalité.
Elle dessina donc un endroit où elle se sentait bien. Celui où se trouvait son meilleur ami, l'Arbre.
Elle y nota aussi quelques lignes:

"L'arbre est comme notre vie. Celui par delà ses racines montre le chemin, vers nos pensées si fragiles et au delà de celles-ci, leurs profondeurs infinies".

Elle ne le signa jamais...

Posté le : 12/10/2013 18:05
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Défi thème d'écriture du 14 octobre : la Belgique
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Bonjour à tous,

J'ai interrogé Filamande pour le thème de cette semaine et elle m'a transmis une liste de sujets possibles. J'ai opté pour celui de la Belgique, il m'a inspiré ... je ne sais pas pourquoi !

Voilà donc, lâchez-vous !

Au plaisir de vous lire les amis.

Couscous

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Posté le : 12/10/2013 14:25

Edité par couscous sur 13-10-2013 07:56:19
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Charles-Augustin de Sainte Beuve
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Le 13 Octobre 1868 à Paris naît Charles Sainte-Beuve. critique littéraire et écrivain français,

L'écrivain

Comment parler aujourd'hui de Sainte-Beuve sans être contre Sainte-Beuve, avec tous ceux qu'il a méconnus ou calomniés, c'est-à-dire la plupart des grands écrivains de son temps : Balzac, Hugo, Stendhal, Baudelaire..., avec tous ceux qui ont dénoncé l'étroitesse de ses vues, la petitesse de son caractère, la mesquinerie de ses enquêtes biographiques, c'est-à-dire, derrière Proust, avec une cohorte de critiques médiocres qui, forts de l'exemple proustien, dénigrent le prétendu grand maître de la critique littéraire et se défendent de lui rien devoir alors même qu'ils ne font que l'imiter.
Mais que nous importent les jalousies et les poisons de Sainte-Beuve, ses ambitions et ses maladies ?
Les définir, écrire leur histoire, c'est être pour lui, c'est marcher sur ses traces, c'est faire cette critique biographique et psychologique qu'il pratiquait mieux que personne, en portraitiste et en causeur, et l'on a cru qu'il s'agissait de critique littéraire.
Ce qui compte, c'est le poids dont ont pesé ces volumes de feuilletons et de chroniques sur l'histoire de la littérature et sur la manière dont elle s'écrit.
Essayons de relire ce Saint-Beuve-là : portraits, causeries, histoire, mais aussi recueils de vers, romans et nouvelles, et de comprendre le sort qui lui fut réservé.
De l'échec du poète de Joseph Delorme à la consécration glorieuse du critique des Lundis, se dessine un itinéraire qui va d'un effort incompris pour créer des formes poétiques et romanesques nouvelles à une pratique à la fois érudite et diserte du discours critique qui en fixera le modèle pour un siècle.
Pour ou contre Sainte-Beuve ?
mais de quel Sainte-Beuve parle-t-on ? de l'homme ? de l'œuvre ? et de quelle œuvre ?

Vie et origine

Né à Moreuil le 6 novembre 1752, le père de l'auteur, Charles-François Sainte-Beuve, contrôleur principal des droits réunis et conseiller municipal à Boulogne-sur-Mer, se marie le 30 nivôse an XII : 21 janvier 1804 avec Augustine Coilliot, fille de Jean-Pierre Coilliot, capitaine de navire, née le 22 novembre 1764.
Toutefois, atteint par une angine, il meurt le 12 vendémiaire an XIII : 4 octobre 1804.
Orphelin de père dès sa naissance le 23 décembre 1804 à Boulogne-sur-Mer, Sainte-Beuve est élevé par sa mère et une tante paternelle, veuve également.
En 1812, il entre en classe de sixième comme externe libre à l'institution Blériot, à Boulogne-sur-Mer, où il reste jusqu'en 1818.
À cette époque, il obtient de poursuivre ses études à Paris.
Placé dans l'institution Landry en septembre 1818, il suit comme externe les cours du collège Charlemagne, de la classe de troisième à la première année de rhétorique, puis ceux du collège Bourbon, où il a pour professeur Paul-François Dubois, en seconde année de rhétorique et en philosophie.
En 1822, il est lauréat du Concours général, remportant le premier prix de poésie latine.
Après l'obtention de son baccalauréat ès lettres, le 18 octobre 1823, il s'inscrit à la faculté de médecine le 3 novembre.
Puis, conformément à l'ordonnance du 2 février 1823, qui l'exige pour les professions médicales, il prend des leçons particulières de mathématiques et passe le baccalauréat ès sciences, le 17 juillet 1824.
Toutefois, alors qu'il a été nommé en 1826 externe à l'hôpital Saint-Louis avec une chambre, il abandonne ses études de médecine en 1827 pour se consacrer aux lettres. Après un article anonyme paru le 24 octobre 1824, il publie dans Le Globe, journal libéral et doctrinaire fondé par son ancien professeur, Paul-François Dubois, un article signé "Joseph Delorme" le 4 novembre.
Le 2 et le 9 janvier 1827, il publie une critique élogieuse des Odes et ballades de Victor Hugo, et les deux hommes se lient d'amitié.
Ensemble, ils assistent aux réunions au Cénacle de Charles Nodier à la Bibliothèque de l'Arsenal.
A cette époque Charles Sainte -Beuve a une liaison avec l'épouse de Hugo, Adèle Foucher.
Le 20 septembre 1830, Sainte-Beuve et l'un des propriétaires du journal Le Globe, Paul-François Dubois, se battent en duel dans les bois de Romainville.
Sous la pluie, ils s'échangent quatre balles sans résultats. Sainte-Beuve, durant le duel, conserva son parapluie à la main, disant qu’il voulait bien être tué mais pas mouillé.
Après l'échec de ses romans, Sainte-Beuve se lance dans les études littéraires, dont la plus connue est Port-Royal, et collabore notamment à La Revue contemporaine. Port-Royal entre 1837 et 1859, le chef-d'œuvre de Saint-Beuve, décrit l'histoire de l'Abbaye de Port-Royal des Champs, de son origine à sa destruction.
Ce livre résulte d'un cours donné à l'Académie de Lausanne entre le 6 novembre 1837 et le 25 mai 1838.
Cette œuvre a joué un rôle important dans le renouvellement de l'histoire religieuse. Certains historiens qualifient Port-Royal de "tentative d'histoire totale".
Élu à l'Académie française le 14 mars 1844 au fauteuil de Casimir Delavigne, il est reçu le 27 février 1845 par Victor Hugo.
En 1848-1849, il accepte une chaire à l'université de Liège, où il donne un cours consacré à Chateaubriand et son groupe littéraire, qu'il publie en 1860.
À partir d'octobre 1849, il publie, successivement dans Le Constitutionnel, Le Moniteur et Le Temps des feuilletons hebdomadaires regroupés en volumes sous le nom de "Causeries du lundi", leur titre venant du fait que le feuilleton paraissait chaque lundi.
À la différence de Hugo, il se rallie au Second Empire en 1852.
Le 13 décembre 1854, il obtient la chaire de poésie latine au Collège de France, mais sa leçon inaugurale sur "Virgile et L'Énéide" , le 9 mars 1855, est perturbée par des étudiants qui veulent dénoncer son ralliement.
Il doit alors envoyer, le 20 mars, sa lettre de démission.
Par la suite, le 3 novembre 1857, il est nommé maître de conférences à l'École normale supérieure, où il donne des cours de langue et de littérature françaises de 1858 à 1861.
Sous l'Empire libéral, il est nommé au Sénat, où il siège du 28 avril 1865 jusqu'à sa mort en 1869.
Dans ces fonctions, il défend la liberté des lettres et la liberté de penser.

L'échec du poète

Qu'est-ce que Sainte-Beuve attendait de l'écriture ?
D'abord, la solution idéale d'une difficulté d'être qui n'était ni une angoisse métaphysique, ni, dès l'origine, un thème littéraire.
"Vie, poésies et pensées" de Joseph Delorme en 1829 racontent un mal qui, pour être aussi du siècle, n'est pas celui de René, mais celui d'un jeune plébéien sans avenir qui, pour échapper aux misères bien réelles de sa condition, rêve de la seule gloire que le règne de Charles X semble pouvoir lui offrir, Sainte-Beuve, lui-même orphelin de père, avait quitté Boulogne-sur-Mer où il était né pour venir à Paris où il connut une certaine gêne.
Il rêve de s'intégrer à une communauté étrangère aux distinctions de rang et de classe, celle des purs poètes :
" L'idée de s'associer aux êtres élus qui chantent ici-bas leurs peines et de gémir harmonieusement à leur exemple lui sourit au fond de sa misère et le releva un peu." Dans l'univers idéal où chaque poète occupe un domaine particulier, il pense obtenir le sien : si, par exemple, les vastes horizons et les hauteurs du ciel reviennent à Lamartine, il veut se réserver les aperçus terre à terre et les minuties de la vie intérieure.
Mais comment intéresser à une humble poésie domestique, toute proche de celle des lakistes, un public de privilégiés, pour qui l'élégie n'est que le luxe harmonieusement sentimental de belles âmes ennuyées ?
Passé 1830, Sainte-Beuve, Werther jacobin et carabin, saint-simonien d'un jour, a compris que, sous le régime de Juillet, il n'est pas d'Eden possible, même entre poètes.
En évoquant "le vrai des douleurs" Pensées d'août, il ne faisait qu'offenser des goûts délicats.
Ses poèmes sont rejetés comme prosaïques, dans tous les sens du mot.

En 1834, "Volupté" représente, sous l'influence de Lamennais, une nouvelle tentative pour chercher une issue au malaise de Joseph Delorme, transposé dans celui d'Amaury.
Roman poème, fondé sur l'exploration des souvenirs, "Volupté" reste une œuvre sans lendemain : en l'écrivant, Sainte-Beuve espère moins se faire reconnaître comme romancier que modifier sa propre condition et se modeler sur le personnage, guéri et unifié par la religion, qu'il s'est proposé de créer.
Mais, ainsi abordée par la littérature, la foi n'apporte pas plus de remède que la poésie.
Ces démarches de créateur, incomprises ou avortées, sont importantes, car elles ont amené Sainte-Beuve à découvrir que la littérature pouvait être mensonge : les œuvres éloquemment généreuses de tant de poètes, tel Lamartine, ou de nouveaux prophètes, tel Lamennais, lui apparaissent comme des oripeaux colorés et trompeurs dans lesquels se drapent des hommes faibles, passionnés et mesquins.
C'est à peindre ceux-ci que son œuvre ultérieure est consacrée.

L'"avocat" et le portraitiste

Pourtant, même en tant que portraitiste, Sainte-Beuve a commencé par l'illusion.
Chroniqueur du Globe, journal modérément romantique, il s'y fait très vite le propagandiste de l'école nouvelle.
Dans son Tableau historique et critique de la poésie et du théâtre français au XVIe siècle (1828), il veut
"chercher dans nos origines quelque chose de national à quoi se rattacher" dans Lundi du 15 octobre 1855, et défendre les jeunes poètes contre l'accusation d'être les imitateurs d'une poésie étrangère.
Il pratique, selon son propre mot, une critique "avant-courrière" et devient le "héraut" du génie de Victor Hugo.
Mais les enquêtes indiscrètes et véridiques succèdent bientôt aux dithyrambes.
Peu après 1830, Sainte-Beuve déclare préférer à l'éloquence et aux effusions romantiques la rigueur de l'analyse selon la méthode des idéologues.
Il s'applique à "chercher l'homme dans l'écrivain" et remarque que, pour y parvenir,"on ne saurait étudier de trop près, tandis et à mesure que l'objet vit" (Préface des Critiques et portraits littéraires, 1836).
C'est ainsi qu'il s'attachera désormais aux moindres détails pour attraper "le tic familier, le sourire révélateur, la gerçure indéfinissable" dans "Portrait de Diderot", en 1831.
Une pareille quête semble exiger que celui qui s'y livre ne soit "ni fanatique, ni même trop convaincu ou épris d'une autre passion quelconque" (article Du génie critique et de Beyle, 1835).
Mais la critique ainsi comprise consiste beaucoup plus à décrire les particularités morales qu'à analyser des œuvres littéraires.

Le "savant" et le "juge"

C'est en enseignant, à Lausanne, en 1837-1838, l'histoire de Port-Royal que Sainte-Beuve découvre comment la critique et l'histoire littéraires pourraient servir à l'édification d'une "histoire naturelle morale" et qu'il baptise "science littéraire" la détermination et le classement, à partir de documents, littéraires ou non, des "familles naturelles d'esprits".
Cette entreprise lui paraît impossible à mener à bien dans un monde où sévit le mercantilisme littéraire.
Ce n'est donc pas assez d'observer et de classer, il faudrait aussi pouvoir juger et dénoncer la décadence d'une littérature gâtée par "l'industrie", par l'abus des couleurs, la grandiloquence et le faux.
Ce nouvel exercice d'une critique fondée sur les arrêts du bon goût apparaît clandestinement dans les Chroniques parisiennes que Sainte-Beuve écrit pour la Revue suisse de Lausanne (1843-1845).
Passés les remous et les alertes de la révolution de 1848, qui l'ont obligé à un second exil, à Liège, et lui ont donné l'occasion de dire son mot sur la fausse grandeur du "père" des romantiques dans le cours sur Chateaubriand et son groupe littéraire, Sainte-Beuve se réjouit de la victoire de l'ordre moral et social, qui rend à nouveau possible l'exercice d'une critique discréditée par l'anarchie de la littérature industrielle.
Les causeries hebdomadaires qu'il commence en 1849 et poursuit quasi officiellement au Moniteur à partir de 1852 et jusqu'à sa mort à Paris apparaissent comme une entreprise de police littéraire.
Face aux dangers de corruption : romantisme et révolution, il importe de défendre la tradition.
"Le critique, assure-t-il, n'est qu'un homme qui sait lire et qui apprend à lire aux autres."
Fausse modestie d'un critique dogmatique qui veut inculquer la supériorité d'un certain classicisme, ignorant les frontières et les préjugés, mais respectueux de la mesure et du bon sens.
Cette magistrature critique se déguise toujours derrière des alibis scientifiques, résumés dans une devise :
"le vrai le vrai seul", et dans une méthode :"l'histoire naturelle des esprits".
Sainte-Beuve se fait fort de trouver pour chacun, qu'il s'agisse d'un grand écrivain ou non, et nombreux sont les Lundis consacrés à des personnages qui ne se sont signalés par aucune œuvre littéraire le mot qui le caractérise et qui permet de le rattacher à son groupe.
Vaste entreprise descriptive qui ne saurait avoir de terme et qui n'apporte aucune connaissance véritable ni de l'homme, ni des œuvres.

Contre Sainte-Beuve, "de Proust", résume assez bien par son titre même l'attitude de la pensée contemporaine à l'égard de celui qui passe encore pour le symbole de la critique littéraire.
En effet, nombreux sont les motifs du discrédit qui l'a frappé.
Mais il reste également qu'il y a aussi beaucoup de raisons pour Sainte-Beuve.
Sainte-Beuve, à différentes époques et à plusieurs reprises, a défini lui-même sa méthode.
On sait l'importance qu'il accorde à la biographie :
"En fait de critique et d'histoire littéraire, il n'est point, ce me semble, de lecture plus récréante, plus délectable et à la fois plus féconde en enseignements de toute espèce, que les biographies bien faites des grands hommes" en 1829.
Trente-cinq ans plus tard, il précise :
"Connaître, et bien connaître, un homme de plus, surtout si cet homme est un individu marquant et célèbre, c'est une grande chose et qui ne saurait être à dédaigner …. Un jour viendra …, un jour où la science sera constituée, où les grandes familles d'esprit, et leurs principales divisions seront déterminées et conçues. Alors le principal caractère d'un esprit étant donné, on pourra en déduire plusieurs autres" écrit-il en 1864.
Tel est le thème général : pénétrer par la sympathie dans l'existence d'un écrivain, c'est déjà jeter des lumières sur son œuvre ; mais il ne faut pas en rester là : il est possible de déceler des familles d'esprits parmi les écrivains, et le critique est comparable au naturaliste.
Contre Sainte-Beuve
Si la conception beuvienne paraît aujourd'hui dépassée, c'est qu'il y a déjà au départ une singulière déformation : trop souvent Sainte-Beuve a employé les œuvres à constituer des biographies. Mais surtout, et Proust l'avait bien remarqué, il méconnaît qu'un livre est le produit d'un autre moi que celui que nous manifestons dans nos habitudes, dans la société, dans nos vices", et, en conséquence, l'élément biographique, la connaissance personnelle des écrivains ne sont que d'un faible secours pour comprendre la genèse d'une œuvre. Cette œuvre est finalement insaisissable par la critique historique, comme le constate Valéry :
" Les prétendus enseignements de l'histoire littéraire ne touchent presque pas à l'arcane de la génération des poèmes …. Tout se passe dans l'intime de l'artiste …. Tout ce que l'histoire peut observer est insignifiant" écrit de 1920.
Les procédés de la critique beuvienne sont eux-mêmes d'une valeur douteuse.
Quand Sainte-Beuve déclare : Un écrivain, selon moi, n'est bien défini que quand on a nommé et distingué à côté de lui et ses proches et ses contraires, que fait-il d'autre, par un tel classement, sinon de se référer à un code artificiel ?
Car, et on l'a à bon droit souligné, en quoi sommes-nous renseignés sur un écrivain en apprenant qu'il ressemble à un autre avec quelque chose en plus ou en moins par exemple, Lesage est un "Molière adouci", Vauvenargues un "Pascal adouci et non affaibli", Beaumarchais égale Chamfort plus la gaieté ?
Sainte-Beuve dresse en effet une carte des grands écrivains, des têtes de file : Molière, La Fontaine, Pascal, Voltaire, Rousseau…, sortes d'astres de première grandeur qui servent de référence et autour desquels gravitent un certain nombre de talents moins puissants.
Ceux-là sont comparés à ceux-ci en fonction de critères politiques et moraux chers au critique : l'ordre, la raison, la discipline, et qui lui permettent de légiférer. De là une totale disparition de l'œuvre en soi au profit d'une entité inexistante, l'auteur.
On comprend que toute la critique actuelle se soit depuis longtemps insurgée contre cette façon de voir, ou plutôt de ne pas voir, la littérature.
Pour Sainte-Beuve
Mais il y a aussi un pour Sainte-Beuve. Il a eu l'intuition essentielle que la critique ne pouvait tout expliquer. En 1864, dans un article consacré à l'Histoire de la littérature anglaise de Taine et où il se montre plus souple que ce dernier, il écrit :
"Il reste toujours en dehors, jusqu'ici, échappant à toutes les mailles du filet, si bien tissé qu'il soit, cette chose qu'on appelle individualité du talent, du génie."
Sainte-Beuve l'a parfaitement compris : quel que soit le système, il ne peut que rester en dehors de ce miracle qu'est la naissance d'une œuvre d'art.
Ajoutons que l'auteur des Lundis a l'extraordinaire mérite de savoir éveiller les esprits. Rappellons sa formule : Le critique est un homme qui sait lire et qui apprend à lire aux autres.
Il s'est probablement trompé sur lui-même : au moins la lecture de son œuvre critique est-elle un remarquable ferment, tout comme son Port-Royal est une incessante invitation à la méditation.
Cette œuvre critique relègue quelque peu dans l'ombre, du fait de son ampleur, Sainte-Beuve poète.
Or, on est sensible à certains poèmes de Joseph Delorme, tels les "Rayons jaunes" : par sa mélancolie intimiste, ses notations familières dégagées de toute rhétorique, par le jeu des correspondances, Sainte-Beuve se révèle là un précurseur.

Comme s'il était conscient de la vanité de son ambition de naturaliste des esprits, Sainte-Beuve donne parfois une autre définition de sa critique.
Elle serait le prolongement de l'œuvre poétique interrompue, et, de portraits en portraits, le causeur des Lundis va en quête d'émotions nouvelles et se métamorphose en tous ceux qu'il cherche à faire revivre.

Quoi qu'il en soit, plaisir de dilettante ou devoir de moraliste, cette pratique de la critique est apparue comme un modèle.
Impressionnisme et nomenclatures pseudoscientifiques, tels sont bien les deux aspects principaux de la critique d'inspiration beuvienne.
Substituer à ce monde imaginaire de la littérature – où l'on ne rencontre que des individus : l'auteur, le lecteur, et le critique, guide du lecteur – la réalité plus complexe d'un monde où ni les œuvres littéraires ni les individus n'existent comme des entités absolument distinctes et "naturellement" définies, telle est la conversion que la critique et l'histoire littéraires n'ont pas fini d'accomplir pour atteindre leur objet véritable : ni pour, ni contre Sainte-Beuve, mais après Sainte-Beuve et ses imitateurs.

Œuvres

Poésie

Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme (1829)
Les Consolations (1830)
Pensées d'août (1837)
Livre d’amour (1843)
Poésies complètes (1863)

Romans et nouvelles

Volupté (1835)
Madame de Pontivy (1839)
Christel (1839)
Le Clou d’or qu'il dédia à Sophie de Bazancourt, femme du général François Aimé Frédéric Loyré d'Arbouville.
La Pendule (1880)

Critiques

Tombe de Sainte-Beuve au cimetière du Montparnasse, à Paris.
Tableau historique et critique de la poésie française et du théâtre français au xvie siècle (1828), 2 volumes
Port-Royal (1840-1859), 5 volumes
Portraits littéraires (1844 et 1876-78), 3 volumes
Portraits contemporains (1846 et 1869-71), 5 volumes
Portraits de femmes (1844 et 1870)
Causeries du lundi (1851-1881), 16 volumes
Nouveaux lundis (1863-1870), 13 volumes
Premiers lundis (1874-75), 3 volumes
Étude sur Virgile (1857). Texte de cette étude annoté par Henri Goelzer en 1895.
Chateaubriand et son groupe littéraire (1860), 2 volumes
Le Général Jomini (1869)
Madame Desbordes-Valmore (1870)
M. de Talleyrand (1870)
P.-J. Proudhon (1872)
Chroniques parisiennes (1843-1845 et 1876)
Les cahiers de Sainte-Beuve (1876)
Mes poisons (1926)

Correspondance

Lettres à la princesse (Mathilde) (1873)
Correspondance (1877-78), 2 volumes
Nouvelle correspondance (1880)
Lettres à Collombet (1903)
Correspondance avec M. et Mme Juste Olivier (1904)
Lettres à Charles Labitte (1912)
Lettres à deux amies (1948)
Lettres à George Sand
Lettres à Adèle Couriard
Correspondance générale, 19 volumes

Liens

http://youtu.be/I-_PtQXSQbg Ste Beuve dans le Boulonnais
http://youtu.be/HA_FwbuYgIA Portraits de femmes de Ste Beuve INA
http://youtu.be/th8SCHSM5Bg Un livre Un jour. Le siècle du progrès
http://youtu.be/KKUVd1_tGHQ Les rayons jaunes (Poème)
http://youtu.be/c98EW2MxDdU Dans ce cabriolet (Poème)
http://youtu.be/fu2aPUXfJ1M Mon âme (poème)


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Posté le : 12/10/2013 14:08

Edité par Loriane sur 13-10-2013 16:04:55
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Nicolas de Malebranche
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Le 13 octobre 1715 meurt Nicolas Malebranche philosophe, prêtre oratorien et théologien français, penseur de métaphysique, morale et religion


Dans ses œuvres, il a cherché à synthétiser la pensée de saint Augustin et Descartes. Malebranche est surtout connu pour ses doctrines de la Vision des idées en Dieu et de l'occasionnalisme qui lui permettent de démontrer le rôle actif de Dieu dans chaque aspect du monde ainsi que l'entière dépendance de l'âme vis-à-vis de Dieu
.

Nicolas Malebranche, né à Paris le 5 août 1638 et mort à Paris, à 77 ans, le 13 octobre 1715, est un philosophe, prêtre oratorien et théologien français, penseur de métaphysique, morale et religion, il met en avant la vision de Dieu et un certain occasionalisme, considéré comme un cartésien, il est également influencé par Saint Augustin, et influencera à son tour, Hume, de Bonald, Leibniz, J.-J. Rousseau, de Maistre, Antoine Charma
Ecclésiastique conquis par le cartésianisme, Nicolas Malebranche s’en éloigna cependant en inféodant de plus en plus sa pensée au dogme religieux. Pour lui, la raison humaine se conçoit comme une participation à la Raison éternelle, qui n’est autre que le Verbe divin – Dieu étant à la source même de nos idées.
Un héritier de la pensée cartésienne

Sa vie

D'un père trésorier de Richelieu, dernier des treize enfants d’un secrétaire du roi, disgracieux de nature et de santé délicate, à cause d’une malformation de la colonne vertébrale, il suit des cours chez lui jusqu'à l'âge de 16 ans et fait ensuite des études au Collège de la Marche où il obtient en 1656 le grade de maître des arts à l'université de Paris.
Nicolas Malebranche ne songe qu’à se retirer du monde. Après des études de philosophie et de théologie au collège de la Marche, puis à la Sorbonne où il étudie la théologie pendant trois années.
Après avoir été nommé secrétaire du roi en 1658, il entre à l’Oratoire en 1660, après la mort de sa mère, puis de son père, à quelques semaines d'intervalle, il reçoit la prêtrise en 1664.
Cette même année, il découvre par hasard le Traité de l’homme de Descartes. La révélation est telle pour lui qu’il se vouera désormais à la philosophie comme disciple de Descartes, avant de prendre progressivement ses distances avec celui-ci.
En 1699, il devient membre honoraire de l’Académie royale des sciences.
La chronologie des œuvres de Malebranche rend compte de l’évolution interne de sa pensée.
Par surcroît, ses ouvrages sont le plus souvent le reflet de querelles doctrinales avec de grands esprits, Leibniz, Bossuet, Fénelon….
Parmi les principaux : De la recherche de la vérité 1674-1678 ;
Conversations chrétiennes, 1677;
Traité de la nature et de la grâce, 1680 ;
Traité de morale, 1684;
Entretiens sur la métaphysique et sur la religion, 1688;
Traité de l’amour de Dieu, 1697.
Parus en 1708, les Entretiens d’un philosophe chrétien et d’un philosophe chinois sur l’existence et la nature de Dieu déclenchent une vive polémique avec les jésuites.
La métaphysique propre à Malebranche

Métaphysique

Retenant du cartésianisme qu'il n'est de vraie connaissance que par les idées claires et distinctes, Malebranche, qui se veut disciple de Descartes – en même temps que de saint Augustin –, s'éloigne de lui pour le reste. Substituant le Verbe à la lumière naturelle créée, la vision en Dieu à l'innéisme, faisant coïncider la philosophie et la religion, il transporte le philosophe dans cette "région heureuse et enchantée" où la lumière intelligible pénètre les" abîmes" profonds de la Providence et illumine le système entier de l'univers, incréé autant que créé, invisible autant que visible.
Dieu, qui renferme en soi toute la lumière et toute la puissance efficace, consulte sa Sagesse pour porter à l'existence le monde qui exprime le mieux ses perfections. Ainsi, l'ordre commande une immense machinerie où, de Dieu jusqu'à sa plus infime créature, tout est soumis à des lois strictement réglées ; univers que domine le drame chrétien, lui-même haussé au niveau de la raison ; univers, enfin, où Dieu, qui fait tout, n'est point responsable du mal, où l'homme, qui ne fait rien, demeure le maître de sa destinée, ayant le libre pouvoir d'arrêter ou de laisser s'accomplir le mouvement infini par lequel Dieu l'unit à lui dans un amour de pure lumière.
Il est extrêmement regrettable que l'aspect parfois théologique de cette réflexion en ait, depuis le XVIIIe siècle, si souvent masqué la puissance et l'originalité philosophiques.

L'auteur de la "Recherche de la vérité"


Les années de formation

Nicolas Malebranche fut, selon l'expression heureuse de Voltaire, l'un des plus profonds méditatifs qui aient jamais écrit.
Il naquit à Paris un mois avant Louis XIV. Et sa philosophie porte, plus que toute autre, cet "air grand et magnifique", le mot est d'Arnauld, parlant de Malebranche qui scelle le règne de ce prince.
Il sortait d'une famille de parlementaires.
Son père était conseiller du roi et trésorier général des cinq Grosses Fermes de France ; sa mère, Catherine de Lauzon, eut un frère intendant de Provence et de Guyenne, gouverneur du Canada, puis conseiller d'État.
Le dernier de dix ou de treize enfants, Malebranche était de complexion débile et de conformation irrégulière, ce qui fit écrire au malicieux Fontenelle qu'il s'était toujours destiné à l'état ecclésiastique, où la nature et la grâce l'appelaient également Éloge de Malebranche.
Il dut à sa constitution maladive de faire ses humanités dans la maison familiale, où le marqua l'empreinte de sa mère.
C'était, nous dit son ami et biographe le père André, une dame d'un esprit rare et d'une grande vertu, qui s'était occupée particulièrement à le former.
Malebranche aimait l'étude et, en peu de temps, poursuit le père André, il dévora les premières difficultés des sciences avec une facilité d'esprit qui étonnait.
À seize ans, en 1654, il alla faire sa philosophie au collège de la Marche, où son maître, M. Rouillard, péripatéticien zélé et plus tard recteur de l'Université de Paris, lisait et commentait Aristote. Reçu maître ès arts en 1656, et déjà décidé à recevoir les ordres, il suivit, jusqu'en 1659, les cours de théologie à la Sorbonne. Quoiqu'il eût assez bien appris le latin et le grec, observe le père Lelong, il ne s'appliqua pas à la philosophie et à la théologie, parce qu'il n'y trouvait point de goût.
Et Fontenelle : Il fit ses études en homme d'esprit et non en génie supérieur.
Ce que le père André explique en ces termes :
"Accoutumé de bonne heure à réfléchir, voici ce qu'il trouvait bizarre dans la méthode des Écoles : dans la philosophie, qui est tout entière du ressort de la raison, on voulait qu'il se payât de l'autorité d'Aristote, et dans la théologie, qui doit être uniquement appuyée sur l'autorité divine, qu'il se payât de raisons ou plutôt de raisonnements qui, pour l'ordinaire, ne sont rien moins que raisonnables."

En 1659, Malebranche était orphelin. Plus rien ne l'attachait au monde.
Il refusa un canonicat à Notre-Dame, et entra, l'année suivante, dans la congrégation de l' Oratoire, alors gouvernée par le père Bourgoing.
Il y trouva le sentiment de la liberté individuelle, l'amour de la science désintéressée et le goût de cette méditation intérieure qui, déjà, l'éloignait de l'histoire, de l'érudition, ou de cette critique sacrée dont l'entretenait Richard Simon.
Mais, là non plus, il ne se sentit d'abord aucune inclination particulière pour la philosophie, dont l'enseignement, comme l'a justement établi Henri Gouhier, était alors dominé par la hantise du cartésianisme, la Vocation de Malebranche.
On cultivait saint Augustin et, sans abandonner Aristote, on se tournait vers Platon, dont la philosophie paraissait mieux s'accorder avec la spiritualité.
Ordonné prêtre en 1664, ce fut cette même année, vraisemblablement, qu'une rencontre fortuite lui révéla sa vocation de philosophe. Écoutons Fontenelle :
"Un jour où il passait rue Saint-Jacques, un libraire lui présenta le Traité de l'homme de M. Descartes, qui venait de paraître. Il avait vingt-six ans et ne connaissait Descartes que de nom et par quelques objections de ses cahiers de philosophie. Il se mit à feuilleter le livre, et fut frappé comme d'une lumière qui en sortit toute nouvelle à ses yeux. Il entrevit une science dont il n'avait point d'idée, et sentit qu'elle lui convenait ....
Il acheta ce livre, le lut avec empressement, et, ce qu'on aura peut-être peine à croire, avec un tel transport qu'il lui prenait des battements de cœur qui l'obligeaient quelquefois d'interrompre sa lecture."
Malebranche venait de découvrir une science et une méthode de raisonner fondées sur les idées claires et distinctes. Sans doute aussi percevait-il déjà que, réduisant la matière à l'étendue, posant que les qualités sensibles sont dans l'âme et non dans les choses, cette science nous fait juger des choses, non par les sentiments que nous en avons, mais par les idées claires et distinctes qui nous les représentent selon leur essence intelligible.
Descartes allait lui permettre de parfaire la métaphysique augustinienne des idées : ne déclarait-il pas plus tard que ce qui avait manqué à saint Augustin, c'était d'avoir appris de Descartes qu'on ne voit pas les corps en eux-mêmes ? Enfin, le principe dont se prévaut le mécanisme du Traité de l'homme n'a point dû laisser de le frapper :
"La Nature agit toujours par les moyens qui sont les plus faciles de tous et les plus simples" Descartes.
Après le Traité de l'homme, il lit le Discours de la méthode, les Méditations, les Principes. Et, pour les bien comprendre, il s'attache aux mathématiques.
Il s'informe aussi très exactement de la physique, de l'astronomie, de l'histoire naturelle.
Au cours de ces études philosophiques et scientifiques, qui l'occupèrent trois ou quatre ans, il lui apparut que Descartes et saint Augustin se complétaient heureusement : Descartes avait mieux compris le corps, saint Augustin l'âme, chacun avait apporté certaines vérités touchant la nature de l'idée.
Malebranche tenait alors les grandes lignes de son dessein : instaurer une philosophie chrétienne où la fin de la philosophie vînt coïncider avec celle de la religion, l'intelligence avec la foi, la métaphysique avec l'apologétique.
L'histoire de sa vie n'est plus désormais que celle de l'élaboration progressive de sa doctrine, l'histoire de ses ouvrages, celle des polémiques où il fut entraîné.

Les principaux ouvrages

Dès 1668, semble-t-il, Malebranche travaillait à son premier traité : Recherche de la vérité, qui marque son double attachement à la méthode et à la physique cartésiennes, d'une part, au platonisme augustinien, de l'autre.
Les trois premiers livres, réunis en un volume, furent publiés en 1674, après en avoir été empêchés à cause de leur cartésianisme. Le second volume, contenant les trois derniers livres, parut en 1675, avec une seconde édition du premier.
La Recherche obtint un grand succès, recueillant les suffrages illustres et pieux, comme dit Sainte-Beuve, de ceux mêmes qui, plus tard, combattirent son auteur. Arnauld fut un des premiers à lui donner vogue, et les pères de l'Oratoire décidèrent qu'on remercierait le père Malebranche de ce qu'il travaillait aussi utilement pour le public.
C'est que, négligeant un examen particulier, on ne retint qu'une impression générale de cartésianisme.
L'ouvrage eut six éditions du vivant de Malebranche, et il devint l'une des lectures favorites de la princesse Élisabeth, qui avait été la disciple et l'amie de Descartes.
Au vrai, la Recherche ne se détache guère des problèmes cartésiens : problème de l'erreur, problème de la nature des idées, méthode pour avancer dans les sciences. Pourtant, elle est déjà quelque chose de plus, esquissant des thèmes variés qui n'ont plus rien de cartésien : primauté de la fin religieuse, accord de la philosophie nouvelle avec l'esprit du christianisme, réfutation de l'innéisme, réfutation implicite, puis explicite, de la libre création des vérités éternelles, position de la doctrine de la vision en Dieu, union en un des problèmes de l'erreur et du péché, explication de la chute d'Adam et du rôle de la grâce médicinale, négation de la substance composée, explication de la création par l'amour de Dieu pour soi, affirmation que Dieu agit par les voies les plus simples, qu'il est la cause générale et la seule cause efficace, que les causes naturelles ne sont que des causes occasionnelles dépourvues d'efficace, etc.
Mais ces éléments nouveaux restent épars.
Aucune unité systématique ne se constitue encore. Aussi tient-on plutôt des matériaux pour une doctrine nouvelle que cette doctrine elle-même.
En outre, des notions majeures, comme celle de l'ordre, demeurent imprécises ; des démonstrations, comme celle de l'accord de la raison et de la foi, s'administrent de façon contradictoire, tantôt par l'exaltation de la recherche rationnelle, tantôt par sa dépréciation au regard de la voie courte et certaine de la foi.
À tous ces points de vue, le tome III de la Recherche, qui contient plusieurs Éclaircissements sur les principales difficultés des précédents volumes, marque, en 1678, un progrès considérable.
L'année précédente, en 1677, les Conversations chrétiennes avaient déjà précisé la nature des rapports de l'intelligence et de la foi. L'apologie du christianisme s'y substituant à l'apologie du cartésianisme, Malebranche justifiait non plus le cartésianisme par son accord avec l'augustinisme et l'esprit du christianisme, mais la religion chrétienne par le moyen des idées claires et distinctes de la nouvelle philosophie.
Les Éclaircissements de 1678 développent ces vues, précisent les concepts d'ordre, de simplicité des voies, d'occasion, d'occasionnalisme, etc., mettent au jour des traits nouveaux : opposition entre la perfection de l'ouvrage et celle de la conduite, prévalence de la seconde, explication de la présence du mal dans l'univers créé, invisible aussi bien que visible. Mais l'unité systématique n'est toujours point dessinée.
C'est deux ans plus tard, avec le Traité de la nature et de la grâce, paru en 1680 à Amsterdam, que le malebranchisme commence à se constituer comme un nouveau système du monde. Né d'une discussion sur la grâce qui, au mois de mai 1679, avait vivement opposé Malebranche et Arnauld, il eut un grand retentissement et suscita tant de passion qu'il en fallut quatre éditions en moins de quatre ans.
Le dessein principal de l'ouvrage, c'est d'apporter au problème de la grâce et de la prédestination une solution qui réfutât l'erreur janséniste : il est faux que Dieu ne veuille sauver que les prédestinés, car il veut sauver tous les hommes, sans restriction aucune, même si tous ne sont pas sauvés.
Le principe de la solution étant la simplicité des voies, c'est l'univers tout entier qui se trouve pensé par le philosophe au point de vue d'une raison qui n'est plus, comme la lumière naturelle cartésienne, simplement humaine, mais qui est la Raison ou le Verbe de Dieu même.
Le Traité exprime directement l'inspiration maîtresse de la réflexion malebranchiste.
On y voit une doctrine née du cartésianisme, l'occasionnalisme, dénouer un problème essentiellement religieux.
On y saisit un moment capital de cet effort de rationalisation que, contrairement à Descartes, Malebranche veut étendre aux questions qui relèvent de la théologie. Au Dieu cartésien de la toute-puissance incompréhensible se substitue le Dieu malebranchiste de la Sagesse, créateur d'un univers où la surnature, autant que la nature, se découvre à l'homme dans une claire lumière intelligible.

Pourtant, en 1680, Malebranche n'avait point aperçu encore comment la hiérarchie des attributs divins fonde la proportion constante entre ces deux perfections différentes que sont celle des voies et celle de l'ouvrage. Il faudra pour cela un nouvel effort, celui qui anime les Entretiens sur la métaphysique et sur la religion, publiés en 1688.
Dès lors le Traité comme la Recherche sont corrigés en ce sens.
Le Traité eut sept éditions du vivant de son auteur. La quatrième s'était augmentée de plusieurs Éclaircissements et aussi d'Additions intercalées entre les articles. Le philosophe répondait ainsi aux exigences de la polémique, mais la première édition gardait sa préférence.
Voici ce qu'en écrit Sainte-Beuve :
"Chaque discours, qui a lui-même deux portions, se compose de paragraphes plus ou moins longs, proportionnés toutefois, espèces d'aphorismes, d'oracles métaphysiques, qui marchent plus ou moins comme des strophes, comme des octaves. Ou, si vous voulez, tout ce livre a la beauté d'un temple. Dans les éditions suivantes, l'auteur a fait suivre chaque paragraphe d'additions ou commentaires qui rompent la première beauté ; aussi, pour en jouir, faut-il ne lire que la série des stances du texte primitif. On conçoit l'ennui de Malebranche obligé de déranger ainsi toute la beauté de son ordonnance architecturale pour appuyer la solidité. C'est comme un architecte qui, entre chaque ornement d'un temple, bâti par lui, et chaque colonne, serait obligé par ses critiques à intercaler des supports de bois sur lesquels seraient affichées les objections géométriques qui y ont donné lieu" Port-Royal.
Après le Traité, les Méditations chrétiennes et métaphysiques marquent à leur tour, en 1683, la coïncidence parfaite de la réflexion philosophique avec le point de vue du Verbe. Puis, en 1684, le Traité de morale fonde la morale sur des principes rationnels.
Malebranche conçut alors le projet d'un exposé parfaitement systématique de sa doctrine, où, sans disputer, il répondrait à ses adversaires.
Ce furent les Entretiens sur la métaphysique et sur la religion, le plus beau de ses ouvrages, écrit sur un ton élevé, dans un langage lumineux et serein.
En 1696, une nouvelle édition s'augmentait de trois Entretiens sur la mort.
Entre-temps, en 1692, Malebranche avait publié un traité Des lois de la communication des mouvements où, sous l'influence de Leibniz, il corrigeait les lois cartésiennes du choc et aussi ce que lui-même en avait écrit dans la Recherche de la vérité.
Il ne devait pas cesser, d'ailleurs, de se corriger sur ce point au cours des éditions ultérieures de la Recherche, y compris la dernière.
Le père François Lamy ayant, dans le troisième tome de La Connaissance de soi-même, invoqué l'autorité de Malebranche en faveur du quiétisme, l'oratorien se défendit par un court Traité de l'amour de Dieu, publié à Lyon, en 1697, dans une réédition du Traité de morale.
En 1708, sur l'insistance de Monsieur de Lyonne, évêque de Rosalie et vicaire apostolique, il donnait, à Paris, l'Entretien d'un philosophe chrétien avec un philosophe chinois sur l'existence et la nature de Dieu.
Enfin, en 1715, il répondait, par les Réflexions sur la prémotion physique, à l'Action de Dieu sur les créatures ou De la prémotion physique, ouvrage dans lequel le père Boursier avait, en 1713, défendu la thèse thomiste de la prémotion et attaqué Malebranche sur les lois générales de la nature et de la grâce.
Pour fonder solidement la liberté du consentement à la grâce, Malebranche fut conduit à démontrer, avec une vigueur nouvelle, que l'acte du libre consentement n'est pas une modalité physique de l'âme et que, par conséquent, il n'a point à être soutenu par Dieu.

Sa Mort

Ce fut son dernier livre. Déjà languissant, il tomba gravement malade en juin 1715. Après quatre mois de souffrances aiguës, qu'il supporta avec un courage digne de sa vertu et de sa piété, appliquant aux circonstances de sa maladie un esprit dont la curiosité pour les sciences ne s'était point affaiblie depuis la lecture du Traité de l'homme, il mourut, parfaitement lucide, à Paris.


Les polémiques

Le nom de Malebranche retentissait dans toute l'Europe.
" Je sais, dit plaisamment Fontenelle, que, dans la guerre du roi Guillaume, un officier anglais prisonnier se consolait de venir ici parce qu'il avait toujours eu envie de voir le roi Louis XIV et Malebranche."
Et Sainte-Beuve :
"Malebranche faisait école : la beauté de son génie, la lumière de son langage, la sincérité de sa piété et la candeur de ses mœurs, une physionomie singulièrement expressive et qui laissait transpirer l'esprit, tout attirait et attachait les jeunes imaginations ; il y avait des malebranchistes fervents ".
Mais il y avait également des ennemis non moins passionnés, auxquels le père se devait de répondre, encore qu'il eût les polémiques en horreur. Il s'y montrait irritable et caustique, moins fait, peut-être, pour parer l'attaque que pour reprendre librement l'exposé de ses idées.
Dès la publication du premier volume de la Recherche de la vérité, il fut pris à partie par Foucher, chanoine de Dijon, auquel il répondit prestement dans la préface du deuxième volume de la Recherche, H. Gouhier, La Première Polémique de Malebranche.
En 1680, le père Le Valois, jésuite, sous le nom de Louis de La Ville, dénonça l'incompatibilité de la doctrine de Malebranche, comme du cartésianisme en général, avec le mystère de l'eucharistie :
" Philosophie chrétienne et théologie. À propos de la seconde polémique de Malebranche".
Malebranche lui fit une Réponse anonyme, à laquelle il joignit un Mémoire pour expliquer la possibilité de la transsubstantiation, dont il ne reconnut jamais expressément qu'il fût sien ; peut-être parce que son explication l'avait amené à certaines vues qui, pour profondes qu'elles fussent, s'accordaient difficilement avec la réduction cartésienne et malebranchiste de l'essence des corps à l'étendue.
Puis ce sont les multiples controverses touchant le Traité de la nature et de la grâce.
La plus importante fut celle qui commença en 1683 avec l'ouvrage d' Arnauld : Des vraies et des fausses idées contre ce qu'enseigne l'auteur de la Recherche de la vérité. Elle se poursuivit dans une série d'attaques, de ripostes et de contre-ripostes, dont le moment essentiel fut la publication, par Arnauld, des Réflexions philosophiques et théologiques sur le nouveau système de la nature et de la grâce, en trois livres, dont le premier parut en 1685.
Elle ne se termina qu'en 1704, dix ans après la mort d'Arnauld, par un petit traité intitulé Contre la prévention : un Malebranche à l'esprit mordant y démontre que les vertus qu'on prête à Arnauld interdisent de le croire l'auteur des ouvrages qu'on lui attribue.
Bossuet, lui aussi, était hostile. S'étant vainement opposé à la publication du Traité, il l'attaque ouvertement au cours de son oraison funèbre de la reine Marie-Thérèse :
" Que je méprise ces philosophes qui, mesurant les conseils de Dieu à leurs pensées, ne le font auteur que d'un certain ordre général d'où le reste se développe comme il peut, comme s'il avait à notre manière des vues générales et confuses, et comme si la souveraine Intelligence pouvait ne pas comprendre dans ses desseins les choses particulières, qui seules subsistent véritablement !"
Une belle lettre de Bossuet au marquis d'Allemans, du 21 mai 1687, témoigne que, s'il entendait alors un peu mieux la doctrine de Malebranche, il continuait d'y voir une hérésie. Les Entretiens sur la métaphysique le firent entrer davantage dans la pensée du père et une réconciliation s'amorça.
Elle fut complète en 1697, lorsque Bossuet trouva en Malebranche son allié le plus illustre contre Fénelon.
Bossuet avait incité Fénelon à écrire, vers la fin de 1687, la Réfutation du système du père Malebranche sur la nature et la grâce, et il y aurait mis lui-même la main. Pourtant, l'ouvrage ne parut point, peut-être parce que la lecture des Entretiens sur la métaphysique en avait adouci l'instigateur.
Publiée en 1820, la Réfutation de Fénelon est très supérieure aux Réflexions d'Arnauld. Elle part des principes reconnus par Malebranche pour en tirer les conséquences : ces conséquences, Malebranche doit soit les récuser et abandonner son système, soit les maintenir et cesser d'être chrétien.
Ce faisant, Fénelon n'est point sans mettre le doigt sur certaines difficultés internes de la doctrine.
Bayle, qui s'était montré favorable au Traité en 1682, dans sa Lettre sur les comètes, changea d'avis après avoir lu les Réflexions philosophiques et théologiques d'Arnauld.
Ses jugements ont surtout cet intérêt que Leibniz les examinera et défendra Malebranche, sinon dans le détail, du moins pour l'essentiel, encore que les deux philosophes s'accordent davantage sur les mots que sur les choses.

Malebranche et Leibniz étaient en rapport depuis quelques années. Ils devaient s'opposer au cours de la longue controverse scientifique, ouverte en 1686, sur les lois de la communication des mouvements.
À en croire le père André, elle se serait achevée par la capitulation de Malebranche :
"Il avoua son erreur, écrit-il, avec autant de joie que s'il eût publié une découverte .... Monsieur Leibniz, charmé de sa vertu, lui rendit une réponse telle qu'il la méritait."
Mais Pierre Costabel a mis les choses au point, ses introductions et notes dans le tome XVII des Œuvres complètes de Malebranche et sa communication aux journées Malebranche de 1965, in Malebranche, Paris, 1967.
Certes, Malebranche a subi l'influence de Leibniz, mais sa réflexion personnelle l'avait déjà mis sur la voie. De surcroît, il ne se rendit jamais complètement puisque, en 1712 encore, dans la dernière édition de la Recherche de la vérité, il refusait la force vive, estimant qu'elle se réclame d'une métaphysique obscure. On retrouve ici l'attitude générale de Malebranche savant.
Qu'il ait affaire à Leibniz, à Mariotte, à Huygens, à Newton, il est toujours prêt à modifier ses conceptions ; mais il veut que les données de l'expérience puissent être intégrées dans une explication rationnelle satisfaisante, le dernier mot restant à l'esprit qui juge. Ainsi, tout en suivant Leibniz, ou un autre, jusqu'en un certain point, il ne quitte jamais la voie qui est la sienne. En un mot, comme dit le père Costabel, il apporte aux savants un " exemple extraordinaire ... au point de vue de l'ouverture d'esprit, de la fermeté de la pensée et de l'aptitude à se corriger" et son œuvre scientifique, modeste dans ses dimensions, est dense dans son contenu. Ajoutons, pour le piquant, que le père Costabel, outre qu'il cite certaines questions dont Malebranche rend compte
" en des termes qu'un moderne ne peut qu'admirer", aperçoit, dans sa théorie de la matière subtile, " une lointaine ébauche de la notion d'énergie atomique".
Contre Régis, cartésien superficiel, Malebranche dut se défendre, en 1693 et 1694, sur la nature des idées, sur les plaisirs des sens, sur les diverses apparences de grandeur du Soleil et de la Lune.
Touchant cette dernière question, il eut pour lui les mathématiciens les plus illustres de l'Académie des sciences, dont il devint membre honoraire en 1699.
Le Traité de l'amour de Dieu suscita les répliques du père Lamy, auxquelles Malebranche répondit par trois lettres et un opuscule, voir l'ouvrage d'Yves de Montcheuil, Malebranche et le quiétisme, Paris, 1946.
Les Jésuites, s'estimant visés par l'Entretien d'un philosophe chrétien avec un philosophe chinois, l'attaquèrent dans les Mémoires de Trévoux, en juillet 1708. Malebranche riposta par un Avis qu'il annexa à l'Entretien, et auquel les Mémoires de Trévoux répliquèrent en décembre 1708.
La publication, en 1713, du Traité de l'existence de Dieu de Fénelon fut l'occasion d'une nouvelle et brève controverse avec les Jésuites, laquelle tourna à l'avantage de Malebranche.

La philosophie de Malebranche

Avec Malebranche, le point d'appui de la philosophie, ce n'est plus, comme avec Descartes, la lumière naturelle créée, ce n'est plus la réflexion de l'esprit sur soi, ce n'est plus le cogito : c'est la lumière divine elle-même, c'est le Verbe de Dieu, avec lequel notre union est si étroite qu'elle ne pourrait se rompre sans que notre être en fût détruit.
Aussi la philosophie ne connaît-elle plus de bornes : le domaine que Descartes réservait à la théologie, ou Pascal au cœur, devient celui de la plus haute philosophie. Et si, pour la créature, l'infiniment infini garde quelque chose d'incompréhensible, du moins, de cette incompréhensibilité, saisit-elle la raison.
Sans doute, depuis le péché d'Adam, qui eut pour conséquence la subordination de l'âme au corps, l'homme est incapable d'apercevoir par ses propres forces la lumière qui l'éclaire, de même que les aveugles et ceux qui ferment les yeux ne sont point éclairés par la lumière du Soleil qui, pourtant, les environne. Aussi le Verbe s'est-il incarné pour parler aux hommes charnels et grossiers un langage sensible accommodé à leur faiblesse. Mais, puisque c'est la même Raison de Dieu qui nous parle par l'évidence de la lumière et par l'autorité de la révélation, la religion peut et doit s'achever dans la philosophie, la foi doit nous conduire à l'intelligence :
" La foi passera, mais l'intelligence subsistera éternellement ",Traité de morale.
Que la raison de l'homme soit le Verbe de Dieu, c'est ce que Malebranche établit par une multitude d'arguments, qu'il ne cessera de diversifier.
La Raison est universelle, puisque tous les hommes voient que 2 fois 2 font 4 et qu'il faut préférer son ami à son chien. Elle est immuable et nécessaire, puisqu'il ne peut se faire que le triangle n'ait pas la somme de ses angles égale à deux droits, ou qu'il ne faille pas préférer son ami à son chien.
Elle est infinie, puisque je conçois qu'il peut y avoir un nombre infini de triangles, ou d'autres figures, puisque je conçois l'infini de l'étendue, l'infini des nombres, puisque, surtout, toute idée est infinie, l'idée du cercle, par exemple, étant, non point l'idée de tel cercle particulier, mais celle de tous les cercles possibles, ou encore l'infinité des cercles en un.
Universelle, immuable, nécessaire, infinie, donc incréée, cette Raison ne peut être que celle de Dieu,
" car, écrit Malebranche, il n'y a que l'être universel et infini qui renferme en soi-même une raison universelle et infinie »Recherche de la vérité " Xe Éclaircissement.
Des considérations psychologiques confirment la conclusion ainsi tirée de la nature de la raison.
Je ne puis penser le particulier de façon claire qu'en partant de la connaissance confuse de tous les êtres, laquelle suppose la présence à notre esprit de Dieu, qui seul les renferme tous dans la simplicité de son être. Le sentiment intérieur que j'ai de moi-même m'enseigne que toutes les modifications de mon âme sont obscures, confuses, changeantes, particulières, donc radicalement hétérogènes aux idées, qui sont claires, distinctes, immuables, universelles.

Certes, la thèse du caractère divin de la lumière qui nous éclaire est fort ancienne, puisque, avant Augustin, on la trouve déjà chez des Pères qui, tels Justin ou Clément d'Alexandrie, l'avaient apprise, dit Malebranche,
" dans les livres des platoniciens estimés alors ou dans ceux de Philon et des autres juifs ; et ils s'en étaient convaincus par le huitième chapitre des Proverbes de Salomon, et surtout par l'Évangile de saint Jean " préface aux Entretiens métaphysiques.
Mais elle devient, chez Malebranche, l'assise d'une doctrine tout à fait originale.
D'abord, pour tous ces penseurs, nous n'apercevons dans la Raison que les idées et les vérités intelligibles, non les choses corruptibles, qui ne peuvent trouver place dans l'Être infiniment parfait.
La philosophie cartésienne, en démontrant la subjectivité des sensations, permet à Malebranche de faire de Dieu le lieu de la connaissance sensible autant que de la connaissance rationnelle. Ce qui constitue proprement la théorie de la vision en Dieu.
D'autre part, en proclamant contre Descartes, Arnauld et Bossuet que la volonté de Dieu se subordonne à la Sagesse, Malebranche met dans la Raison le principe du système entier de l'univers.
Et puisque l'homme participe à la Raison souveraine, ce système lui devient intelligible, du moins dans ses principes fondamentaux.
On examinera d'abord la théorie de la vision en Dieu, ce qui conduira à préciser la nature de la connaissance de Dieu, puis le système de la Providence.

La vision en Dieu

Les songes, les hallucinations, l'illusion des amputés, les erreurs des sens, etc., montrent clairement que les sens et l'imagination ne nous représentent aucun objet distinct de nous : les sensations ne sont pas autre chose que les modifications subjectives de notre âme, destinées à assurer, par la voie courte et incontestable du sentiment, la conservation de notre corps.
D'autre part, les corps ne sont point visibles en eux-mêmes, car le corps ne peut agir sur l'âme, et ce pour deux raisons, empruntées l'une à Descartes, l'autre à saint Augustin : corps et âme sont deux substances sans commune mesure, et le corps est inférieur à l'âme.
Il reste donc que, lorsque nous croyons percevoir un corps, nous percevons en réalité une idée. Cette idée ne saurait être en nous, puisque l'idée est infinie et l'âme finie, puisque la connaissance par idée est claire, distincte, nécessaire, universelle, immuable, et nos modifications subjectives, finies, obscures, confuses, changeantes.
C'est donc en Dieu que nous apercevons les idées des corps, qui sont des déterminations de l'idée d'étendue, ou étendue intelligible, archétype de la matière créée. Cette solution est conforme à la simplicité des voies, et elle assure notre entière dépendance à l'égard de Dieu, puisque c'est lui-même qui nous fait voir ce que nous voyons.
Mais, objectera-t-on, c'est par une perception sensible que je saisis les corps existants.
Or, les sensations sont des modifications subjectives de mon âme. Comment dire, dans ces conditions, que la perception des corps soit leur vision en Dieu ?
Il faut ici distinguer l'idée elle-même d'avec l'effet, dans mon âme, de son efficace.
Toute connaissance suppose que Dieu imprime l'idée dans mon âme, ce par quoi celle-ci subit une modification. Lorsque l'impression est légère, la modification l'est aussi, et la perception est intellectuelle, telle la perception des figures géométriques ; lorsque l'impression est profonde, la modification l'est aussi, et la perception est sensible, telle la perception des corps existants.
Or, les sensations que l'idée produit en elle, l'âme les projette sur l'idée qu'elle aperçoit en Dieu.
C'est ainsi que la connaissance sensible elle-même est vision en Dieu.
Il résulte de là que rien ne serait changé dans notre perception du monde des corps si Dieu anéantissait la matière, mais continuait d'affecter pareillement notre âme. Comme, d'autre part, Dieu ne renferme rien qui l'oblige de créer, l'existence de la matière est radicalement indémontrable, et seules l'attestent les Écritures. Descartes, on le sait, n'allait pas aussi loin, fondant sur la véracité divine la valeur objective de l'inclination qui nous fait poser la matière comme cause de nos sensations.
Mais Malebranche lui conteste le droit d'étendre au sentiment la véracité divine.

La connaissance de Dieu

Voir les corps en Dieu, ce n'est pas voir l'être même de Dieu, car les idées ne sont les perfections de Dieu qu'en tant que celles-ci représentent les imperfections des créatures. Aussi bien la preuve essentielle de l'existence de Dieu, il en est de variées s'appuie-t-elle sur l'irréductibilité du mode de notre connaissance de Dieu au mode de notre connaissance des corps.
En effet, il n'y a d'idée que du créé ; il n'y a donc pas d'idée de Dieu ; pourtant, je connais Dieu ; par conséquent, je ne le connais point par idée, d'où il s'ensuit que je perçois directement son être.
Autrement dit, contrairement aux corps, dont je puis avoir l'idée sans qu'ils existent, Dieu existe du moment que j'y pense.
En démontrant ainsi que nous ne connaissons pas Dieu par son idée, mais que nous avons l'intuition immédiate de son être, Malebranche s'oppose tant à Descartes qu'à Spinoza. Cette intuition nous est toujours présente, même si elle ne se précise que lorsque, nous détournant des objets finis, nous concentrons sur elle notre capacité finie de penser.
Mais, à aucun degré, elle n'opère une fusion entre Dieu et mon âme, comme c'est le cas chez un Plotin, par exemple. Dieu reste une réalité extérieure à moi, qui affecte comme du dehors mon âme, en elle-même ténébreuse et passive.

D'autre part, encore que, voyant toutes choses en Dieu, Dieu nous soit, de ce fait, plus connu que les choses que nous imaginons le mieux connaître, la connaissance que nous avons de lui demeure inéluctablement imparfaite. D'abord, l'infinité dépasse la capacité finie de notre faculté de connaître.
Certes, puisque notre raison est la Raison de Dieu, ce que nous connaissons clairement et distinctement, nous le connaissons comme Dieu le connaît. Mais nous ne connaissons pas tout ce que renferme son Verbe. En second lieu, puisque notre raison est le Verbe, nous ne connaissons directement de Dieu que ce que renferme son Verbe, c'est-à-dire d'une part la hiérarchie de ses perfections, ou ordre, d'autre part les idées des choses créées et leurs relations ou vérités éternelles. Nous ne percevons donc pas la simplicité absolue de son être, ni non plus la volonté divine, ni la toute-puissance de son efficace, puisqu'en Dieu la volonté est distincte du Verbe.
Partant, Dieu demeure d'une certaine façon le "Dieu caché, inconnu, invisible, et qui par conséquent ne paraît point être la cause efficace des effets visibles" Prémotion physique.
Néanmoins, ce Dieu caché ne se dérobe point entièrement à notre connaissance rationnelle.
Et c'est ici que la philosophie de Malebranche se révèle pleinement une philosophie chrétienne. Si la raison éclaire la foi pour les vérités que renferme le Verbe, en revanche la raison s'appuie sur la foi pour s'intégrer les vérités que le Verbe ne renferme point :
"Que les philosophes ... sont obligés à la religion, car il n'y a qu'elle qui les puisse tirer de l'embarras où ils se trouvent !" Entretiens métaphysiques
Sans doute, les mystères de la Trinité, de l'Incarnation, de l'eucharistie nous demeurent incompréhensibles dans leur texture propre. Mais, en comblant très exactement, si l'on peut dire, les lacunes d'intelligibilité que la raison, livrée à elle-même, laisse subsister dans l'explication rationnelle de l'univers, les données de la foi, dès lors éclairées par la lumière, parachèvent cette explication.
Le Dieu caché, qui ne peut être aperçu directement dans la clarté du Verbe, devient l'objet d'une construction rationnelle indirecte, dont le point de départ est l' expérience de la foi, de même que l'expérience sensible est le point de départ de la physique dans la mesure où, étant la science des corps existants, elle ne se réduit point à la mathématique, qui est la science des essences.
La raison et la foi se prêtant un mutuel concours, la connaissance du Créateur devient possible, et, du même coup, celle de son ouvrage.

Le système de l'univers

Le souci de dégager Dieu de la responsabilité du mal inspire, pour l'essentiel, la construction malebranchiste du monde. Tâche d'autant plus ardue que, d'une part, on tient Dieu pour la seule cause efficace et que, d'autre part, se refusant à réduire, avec Descartes ou Leibniz, le mal à une simple apparence, à un simple defectus, on affirme son caractère positif.
Le nœud de la solution, c'est le principe de la simplicité des voies, lui-même fondé dans l'ordre, ou hiérarchie des perfections divines, auquel se subordonne le vouloir de Dieu.

L'ordre, certes, ne commande point à Dieu de créer, car l'infinitude de l'Être divin assure son autosuffisance. C'est donc par un libre décret que Dieu décide de sortir de lui-même, pour se glorifier dans un ouvrage que la personne divine qui s'unit à lui, par l'Incarnation, hausse au niveau de l'infini.
Mais, supposé la libre décision de créer, l'ordre exige que Dieu produise l'ouvrage qui exprime le mieux la hiérarchie de ses attributs, c'est-à-dire l'ouvrage le plus parfait, compte tenu, non seulement de la perfection de l'ouvrage considéré en soi, mais aussi de la perfection des voies de son exécution.
De ces deux perfections, la seconde est prévalente, car la conduite de Dieu, c'est Dieu lui-même, tandis que l'ouvrage n'est que son effet extérieur.
Or, contrairement à Leibniz, fidèle à l'optimisme augustinien, Malebranche démontre que la perfection des voies ne coïncide point avec la perfection de l'ouvrage, que, tout au contraire, elle la limite. D'où l'existence du mal positif.
En effet, les voies expriment le mieux la perfection de l'Ouvrier lorsqu'elles sont les plus simples, c'est-à-dire lorsque Dieu agit par des volontés générales, autrement dit lorsqu'il exécute son ouvrage selon des lois générales, ou selon le rapport immuable qu'il institue entre telle cause occasionnelle, inefficace par elle-même, et tel effet.
D'où les cinq lois générales du système de l' occasionnalisme, dont trois de la nature et deux de la grâce : les lois de la communication des mouvements, dont le choc des corps est la cause occasionnelle ; la loi de l'union de l'âme et du corps, les modifications de chacune de ces substances étant causes occasionnelles des modifications de l'autre ; la loi de l'union de l'âme avec la Raison universelle, dont la cause occasionnelle est l'attention ; la loi de la distribution des grâces du Nouveau Testament, dont les désirs de Jésus-Christ sont les causes occasionnelles ; enfin la loi de la distribution des grâces temporelles de l'Ancien Testament, dont les anges sont les causes occasionnelles.
Dieu ne peut se dispenser d'agir selon ces lois que dans les cas, exceptionnels, où, s'il s'y conformait, le total de perfection, constitué par la somme des perfections de l'ouvrage et des voies, s'en trouverait diminué : il agit alors par des voies pratiques particulières, qui sont les miracles.
Or, une action par des lois générales ne permettant point un ajustement précis de l'action à son effet, elle a pour conséquence inéluctable des défauts dans l'ouvrage. Au surplus, la cause occasionnelle ne devant pas se confondre avec la cause véritable et seule efficace, ou Dieu, elle est nécessairement finie, voire imparfaite ; ce par quoi, d'ailleurs, la conduite de Dieu manifeste son excellence, l'ouvrage étant d'autant plus admirable qu'il est produit par de plus petits moyens.
Le choc des corps est aveugle et nécessaire, d'où les désordres du monde physique ; l'attention de l'homme, éclairée et libre, est faillible, d'où les désordres du monde moral, l'erreur et le péché ; Jésus-Christ, comme cause occasionnelle, c'est-à-dire comme homme, est éclairé, libre et infaillible, mais il est fini, d'où la disproportion entre le degré de la grâce et celui de la concupiscence, qui a pour conséquence la limitation du nombre des élus.
Dieu ne veut donc point le mal, ne voulant que la perfection de l'ouvrage.
Il ne fait que le permettre, et cela parce que, pour l'empêcher ou pour le corriger, il devrait agir par des volontés particulières pratiques, ce qui aurait pour effet de diminuer la perfection totale de la création.
La solution ainsi apportée au problème général du mal enveloppe une conception très profonde de la liberté de l'homme, seule responsable de l'erreur et du péché.
Ici encore, la tâche est ardue, car la volonté, loin de s'identifier, comme chez Descartes, avec la liberté, semblerait devoir l'exclure.
En effet, la volonté de l'homme, c'est la volonté même de Dieu, c'est l'amour que Dieu se porte, traversant, pour ainsi dire, la créature. Or, Dieu s'aimant d'un amour nécessaire et invincible, notre volonté est par nature amour nécessaire et invincible de Dieu.
Comment, dans ces conditions, trouver place pour notre liberté ?
Ce à quoi s'ajoute une autre difficulté : comment concilier l'affirmation de la liberté de l'homme avec la concentration en Dieu de toute efficace ?
Deux ordres de considérations dénouent les problèmes :
-Tandis que la lumière qui éclaire la volonté de Dieu a son siège en Dieu, c'est hors de la créature que se situe la lumière qui éclaire sa volonté. De ce fait, celle-ci n'est, considérée en soi, qu'un mouvement aveugle et indéterminé, qu'il appartient précisément à la liberté et d'éclairer par la libre attention et de déterminer par le libre consentement au bien, vrai ou faux, la liberté supérieure étant celle du consentement au vrai bien.
- Tandis que la volonté a, pour reprendre les termes de Malebranche, une réalité physique, la liberté, au contraire, a une réalité simplement morale ; partant, elle n'a point à être soutenue par l'efficace de Dieu.
Mais, dira-t-on, depuis le péché, qui a subordonné l'âme au corps, l'homme est incapable d'user de sa liberté ; la délectation prévenante de la grâce est nécessaire pour qu'il se porte à l'amour du vrai bien. Comment donc parler de la liberté du pécheur ? C'est que la grâce n'a d'autre effet que de remettre la liberté dans l'équilibre, en contrebalançant, par une sainte concupiscence, la concupiscence criminelle.
Ainsi, la grâce n'altère point la liberté du consentement à la grâce. Et le consentement libre à la grâce rend possible une nouvelle initiative de la liberté, par laquelle l'homme, s'élevant jusqu'à la connaissance rationnelle de Dieu, passe de l'amour du simple chrétien à l'amour du chrétien philosophe.

Le problème de l'infini et du fini

On vient de voir comment, qu'il s'agisse de la théorie de la connaissance ou du système de la Providence, Malebranche, se situant au point de vue de Dieu et récusant tout anthropomorphisme, s'efforce d'expliquer cette jonction de l'infini et du fini dont Descartes ne s'était occupé qu'à propos de la preuve de Dieu par les effets, c'est-à-dire fort peu.
Mais la difficulté de l'entreprise est à la mesure de sa grandeur. Ainsi, la lumière étant en Dieu, et mon âme, considérée en soi, n'étant que ténèbres, comment la lumière illuminante peut-elle devenir lumière illuminée ?
L'idée est infinie, mais l'archétype des créatures finies ne doit-il pas être déterminé ? Dieu crée librement pour se glorifier, mais comment une volonté subordonnée à l'ordre peut-elle trouver hors de l'ordre un motif de son action ?
Dieu est libre dans le choix de son dessein, mais l'ordre ne lui impose-t-il pas de créer le composé de l'ouvrage entier joint aux voies qui renferme le plus de perfection ?
Dieu ne veut pas le mal, mais ne le veut-il point lorsqu'il choisit librement de faire passer à l'existence ce meilleur des mondes possibles dont il sait qu'il le renferme ?
Réussit-on à rendre Dieu plus aimable lorsque, pour rejeter hors de sa volonté, dans sa sagesse, la raison du mal, on substitue au concept de l'incompréhensibilité des fins divines le mécanisme impersonnel d'une Providence où le souci de sa gloire interdit au Créateur de se pencher avec bonté sur chacune de ses créatures ?
D'autre part, s'il faut, pour parler de Dieu, repousser tout anthropomorphisme et n'écouter que la raison, il faut, pour parler de l'homme, consulter non seulement la raison, mais aussi le sentiment intérieur, dont l'enseignement, quoique obscur et confus, est incontestable.
Or, ce que m'apprend ce sentiment ne s'accorde parfois que de loin avec ce que m'apprend la raison.
Par exemple, je connais par la raison que, ma volonté étant la volonté de Dieu qui me traverse, elle est par nature amour de l'ordre ; mais je sais par le sentiment intérieur que le motif de mon vouloir, c'est le désir d'être heureux : comment ajuster exactement ces deux aspects de la volonté humaine ?
Corrélativement, on voit, à côté d'une morale rationnelle, se dessiner une morale de l'inclination : quels sont leurs rapports précis ?
Mais il est clair que ce que la doctrine perd en rigueur systématique, elle le gagne en richesse, annonçant quelques-unes des intuitions les plus originales des philosophies à venir : la conscience instinct divin de Rousseau ; le caractère mystérieux de l'impératif catégorique, les distinctions kantiennes entre la volonté objective et la volonté subjective, entre ces deux degrés de la liberté que sont le libre arbitre et l'autonomie ; l'identification fichtéenne de la liberté avec un néant d'être ; la conception schellingienne de l'acte moral comme issu d'une lumière dont la liberté est la condition ; la rupture moderne de l'identité classique de l'être et de la valeur ; la réduction humienne du lien causal entre les choses à une illusion ; l'irréductibilité bergsonienne de la qualité aux variations quantitatives de l'excitant.
Enfin, la forte puissance de rationalisation du philosophe ne cesse jamais de dominer les ressources d'une imagination métaphysique remarquablement féconde et d'un sens psychologique particulièrement averti.
S'il est donc vrai que le foisonnement des découvertes philosophiques ne se laisse pas enfermer dans une unité parfaitement systématique, cependant les grands ensembles s'équilibrent harmonieusement au sein de l'une des combinatoires les plus variées qu'un génie supérieur ait jamais conçues.
N'est-ce point là une leçon bien utile en des temps où certains se proclament d'autant plus proches de la vraie philosophie qu'ils raillent avec plus d'impertinence le souci de coordination, glorieux qu'ils sont de substituer à l'ajustement sévère des raisons le jeu facile des phraséologies et des vaines imaginations ?

Œuvres de Malebranche

De la recherche de la vérité. Où l'on traite de la Nature de l'Esprit de l'homme, & de l'usage qu'il en doit faire pour éviter l'erreur dans les Sciences (1674-1675)
Traité de la nature et de la grâce (1680)
Conversations chrétiennes
Traité de morale
Entretiens sur la métaphysique, sur la religion et sur la mort (1688)
Traité de l'amour de Dieu
Entretien d'un philosophe chrétien et d'un philosophe chinois sur l'existence et la nature de Dieu (1708)
Lettres à Dortous de Mairan
Réflexions sur la prémotion physique
Recueil de toutes les réponses à M. Arnauld

Éditions de Malebranche

Œuvres complètes, aux Éditions du CNRS, sous la direction d'André Robinet, 20 volumes, 1958-1967
Œuvres, Gallimard, coll. "Pléiade", 2 vol., 1979
t. I : De la recherche de la vérité, Conversations chrétiennes, 1872 p.
t. II : Traité de la nature et de la grâce, Méditations chrétiennes et métaphysiques, Traité de morale, Entretiens sur la métaphysique, sur la religion et sur la mort, Lettre de Malebranche sur l'efficace des idées, Traité de l'amour de Dieu, Entretien d'un philosophe chrétien et d'un philosophe chinois, Lettres à Dortous de Mairan, 1424 p.

Études sur Malebranche

Ferdinand Alquié:
Le Cartésianisme de Malebranche, Paris, 1974. Texte partiellement en ligne.
Malebranche et le rationalisme chrétien, Paris, 1977.
Raffaele Carbone, Infini et science de l'homme. L'horizon et les paysages de l'anthropologie chez Malebranche, Naples-Paris, 2007.
Victor Delbos, Études de la philosophie de Malebranche, Paris, 1924.
Ginette Dreyfus:
La Volonté selon Malebranche, Vrin, Paris, 1958.
Commentaire philosophique du Traité du de la nature et de la grâce de Malebranche, Vrin, Paris, 1958.
(de) Stefan Ehrenberg, Gott, Geist und Körper in der philosophie von Nicolas Malebranche, Sankt Augustin, 1992.
Paolo Fabiani, La Philosophie de l'imagination chez Vico et Malebranche, Florence University press
Paolo Fabiani, The Philosophy of the Imagination in Vico and Malebranche, Florence University Press, Florence, 2009.
Henri Gouhier:
La Philosophie de Malebranche et son expérience religieuse, Vrin, 1926.
La Vocation de Malebranche, Vrin, 1926.
Martial Guéroult, Malebranche, 3 vol., 1955-9.
(en) Nicholas Jolley, The Light of the Soul: Theories of Ideas in Leibniz, Malebranche, and Descartes, Oxford 1990.
Maurice Merleau-Ponty, L'Union de l'âme et du corps chez Malebranche, Biran et Bergson, 1978, Vrin, 1997.
(en) Steven M. Nadler, Malebranche and Ideas, Oxford, 1993.
Léon Ollé-Laprune, La Philosophie de Malebranche, 1870.
(de) Josef Reiter, System und Praxis. Zur kritischen Analyse der Denformen neuzeitlicher Metaphysik im Werk von Malebranche, Fribourg-Munich, 1972.
André Robinet, Système et existence dans l'œuvre de Malebranche, Paris, 1965.
Geneviève Rodis-Lewis, Nicolas Malebranche, Paris, 1963

Liens

C' EST A PLEURER AUCUN LIEN EN FRANÇAIS SUR UN PHILOSOPHE FRANÇAIS CE N'EST PAS DE LA MODESTIE C'EST DE LA CONNERIE

http://youtu.be/xN8EV5yxcUQ Malebranche et le diable en Anglais
http://youtu.be/UnA_LmZnR70 Malebranche Espagnol
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Posté le : 12/10/2013 13:54
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
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Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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