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Re: Qui suis-je ?
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Bonjour et bienvenue,

C'est très agréable d'en savoir un peu plus sur toi. Félicitations pour la publication de ton roman et bonne plume pour le second.


Pour la promotion de ton blog, je t'invite à créer un post dans "Ateliers", "Publicité"

Au plaisir de te lire

Couscous

Posté le : 21/10/2013 06:23
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Qui suis-je ?
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Bonjour,

Je tiens en premier lieu à vous remercier pour votre accueil.

J'aime écrire et j'ose, depuis peu de temps, faire lire mes textes à un plus grand nombre de personnes.
Je suis même depuis peu, auteur de mon premier roman (de type pastiche)"Milady comtesse de La Fère".
Outre mes textes rapides au gré de mes humeurs, j'écris un second roman, un policier cette fois.
J'invite avec joie tous ceux qui le désirent sur mon blog christianeblanc.canalblog.com.

Très cordialement et merci de votre attention


Posté le : 20/10/2013 18:16
_________________
Christiane Blanc
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Bienvenue sur mon blog
christianeblanc.canalblog.com
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Re: Les belgicismes
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Le pauvre Robert ! Emménager près d'une décharge...

Posté le : 20/10/2013 15:53
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John Dewey 1
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Le 20 0ctobre 1859 naît à Burlington dans le Vermont John Dewey


américain, Philosophe, politique, éducation, morale, Instrumentalisme, expérience, théorie de l'enquête
École/tradition Social-libéralisme, pragmatisme, Instrumentalisme, expérience, théorie de l'enquête, Influencé par William James, Charles S. Peirce, Hegel, Charles Darwin, George Herbert Mead. Il a influencé Richard, Rorty, le mouvement Social-libéralisme, le pragmatisme, et l'éducation nouvelle,

La vie et l'œuvre de John Dewey sont étroitement liées à l'histoire intellectuelle, sociale et politique américaine de la première moitié du XXe siècle. Auteur d'une œuvre immense, par ses idées, ses initiatives et ses engagements, Dewey, né le 20 octobre 1859 à Burlington, a joué un rôle prépondérant dans des domaines aussi divers que la philosophie, la pédagogie, les sciences sociales et le débat politique. C'est à son œuvre de pédagogue et de philosophe de l'éducation que Dewey doit toutefois l'essentiel de sa notoriété. Son influence dans ce domaine repose sur une conception naturalisée de l'intelligence et sur l'élaboration de méthodes correspondant au modèle de l'enquête expérimentale. Aussi n'a-t-il jamais dissocié les questions touchant à l'éducation de ce qu'il considérait comme sa tâche de philosophe. Héritier de C. S. Peirce et de William James, quoique d'abord influencé par Hegel et Darwin, il a développé une pensée originale en orientant le pragmatisme dans des voies dont on redécouvre aujourd'hui l'intérêt, après une éclipse due aux développements que la philosophie américaine a connus avec la naissance de la philosophie analytique dans les années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale.
La philosophie de John Dewey appartient au courant auquel C. S. Peirce a primitivement donné le nom de pragmatisme pour désigner une méthode, plus qu'une doctrine, attentive aux effets pratiques de nos idées et à leurs résultats observables. La première philosophie à laquelle Dewey doit une grande part de son inspiration n'est toutefois ni celle de Charles S. Peirce, ni celle de William James, mais celle de Hegel. Ce n'est qu'après avoir trouvé chez ce dernier la forme de pensée, fondée sur la dialectique, qui lui convenait, qu'il découvrit l'importance de Peirce. Mais l'idéalisme qui marque ses premiers travaux est aussi largement contrebalancé par l'influence de Darwin. C'est à lui que Dewey doit son concept d'expérience, concept essentiel qui est à la source de son naturalisme et de son interactionnisme, tous deux opposés aux dualismes qui caractérisent la tradition philosophique. Le modèle en est celui des échanges qui régissent les rapports des organismes avec leur milieu :
"L'expérience est le résultat, le signe et la récompense de cette interaction de l'organisme et de son environnement qui, lorsqu'elle est portée à son plein accomplissement, transforme l'interaction en participation et en communication ... Les oppositions du corps et de l'esprit, de l'âme et de la matière, de l'esprit et de la chair, ont toutes leur origine, fondamentalement, dans une crainte de la vie. Ce sont des symptômes de contraction et de retrait."
Pour Dewey, comme cela apparaît nettement dans son grand livre de 1920, Reconstruction en philosophie, la philosophie ne saurait être dissociée de tout souci pratique. La principale question qu'il se pose est celle de savoir à quelles conditions la philosophie peut remplir un rôle dans la résolution des problèmes auxquels les hommes doivent faire face dans leur vie. Toute sa critique de l'intellectualisme s'inscrit dans le droit fil de cette question initiale.
Richard Rorty, qui considère Dewey comme l'un des trois penseurs les plus importants du XXe siècle, à côté de Wittgenstein et de Heidegger, observe que, chez lui, la philosophie ne bénéficie d'aucun accès privilégié à la réalité. Son pragmatisme – auquel il a donné le nom d'instrumentalisme, après sa rupture avec l'hégélianisme – est une philosophie de l'expérimentation et de l'enquête. Dans la logique qui la régit, la vérité ne constitue pas une condition préalable de la connaissance ; elle est un résultat, et le faillibilisme est une dimension majeure des moyens que nous mettons en œuvre pour y parvenir. C'est à Peirce que Dewey doit initalement sa conception de l' enquête (inquiry), concept central qui fixe les contours majeurs de sa pensée. Pour le pragmatisme, compris comme philosophie de l'enquête, il n'y a donc pas de norme intemporelle du vrai. Toute enquête est de nature publique, et les résultats sur lesquels elle débouche sont par nature révisables ; enfin, l'enquête n'est pas une méthode ou un processus de recherche qui se limiterait aux sciences ou à une catégorie particulière de problèmes. Elle s'étend également aux valeurs et à la résolution des problèmes sociaux et politiques. Comme le suggère Hilary Putnam, il n'existe pas de dichotomie des faits et des valeurs. C'est l'une des originalités de Dewey que d'avoir explicitement étendu sa conception de l'enquête aux problèmes éthiques et politiques et de l'avoir associée à une réflexion sur la démocratie.

Sa vie

John Dewey (prononcé [ˈduːi]), né le 20 octobre 1859 à Burlington dans le Vermont et décédé le 1er juin 1952 à New York, est un philosophe américain majeur du courant pragmatiste développé initialement par Charles S. Peirce et William James. Il a également beaucoup écrit dans le domaine de la pédagogie où il est aussi une référence en matière d'éducation nouvelle. Enfin, il a eu des engagements politiques et sociaux forts, notamment à travers ses articles publiés dans le journal The New Republic.
Sa philosophie est d'abord marquée par l'instrumentalisme, c'est-à-dire par sa volonté de rompre avec une philosophie classique qu'il voyait comme plus ou moins liée à la classe dominante, pour en faire un instrument permettant aux hommes de mieux s'adapter au monde moderne. Le principal moyen envisagé par Dewey à cette fin est ce qu'il nomme la "théorie de l'enquête" qui repose sur l'idée qu'un changement dans l'environnement entraîne des problèmes d'adaptation qui doivent être résolus au moyen d'une enquête où diverses hypothèses sont examinées. Les théories philosophiques traditionnelles sont alors vues comme des moyens de fournir des hypothèses à tester.
Dewey a participé également, en parallèle avec le Nouveau Libéralisme anglais, à la constitution de ce qui est actuellement nommé le social-libéralisme dont il se situe à l'aile gauche. Pour lui l'individu n'est pas un être isolé, mais participe à une société.
Cette thèse marque sa philosophie politique comme en témoigne l'importance donnée au public, et à l'harmonisation des intérêts particuliers qu'il ne tient pas comme allant de soi, mais comme résultant de l'enquête.
Sa philosophie politique vise aussi, et peut-être surtout, le développement de l'individualité, c'est-à-dire de la réalisation de soi à travers la démocratie, conçue non pas comme une forme de gouvernement, mais comme une participation des individus à l'action collective.
Enfin, sa pédagogie, étroitement liée à son idéal démocratique, vise à donner aux étudiants les moyens et le caractère nécessaires à une participation active à la vie publique et sociale.

Son parcours
Les années de jeunesse

John Dewey est né à Burlington dans le Vermont, au sein d'une famille modeste d'origine flamande. Comme son ainé, Davis Rich Dewey, il étudie à l'université du Vermont, d'où il sort diplômé Phi Beta Kappa en 1879. Après trois ans passés comme enseignant à Oil City en Pennsylvanie, il constate qu'il n'est pas fait pour enseigner au niveau primaire ou secondaire. En 1882, il reprend ses études à l'université Johns-Hopkins, où il est influencé par le philosophe et éducateur George Sylvester Morris qui lui fait découvir Hegel, et par G. Stanley Hall, un philosophe et psychologue qui dirige sa thèse.
Paradoxalement, alors qu'à cette époque Charles S. Peirce enseigne à cette université, il ne se lie pas à lui et ne découvre le pragmatisme de Peirce que vingt ans plus tard. Dewey obtient son Ph.D : doctorat de l'université Johns-Hopkins en 1884 avec une thèse non publiée et perdue, intitulée The Psychology of Kant.
Il est nommé instructeur à l'université du Michigan (1884-1888 et 1889-1894), grâce à George Sylvester Morris.

Les années à l'université de Chicago

En 1886, il se marie à Alice Chipman, une femme d'une grande force de caractère dont il a six enfants. Cette union lui donne punch et substance.
Influencé par les idées libérales de sa femme, il abandonne le conservatisme de sa jeunesse ainsi que le calvinisme de sa mère, une évangéliste fervente
. En 1894, Dewey rejoint la nouvelle université de Chicago et, influencé par le livre de William James, Principles of Psychology, abandonne l'idéalisme pour se rapprocher du pragmatisme. Durant ses années à l'université, il publie quatre essais sous le titre collectif de Thought and its Subject-Matter, dans un ouvrage rassemblant également des essais de ses collègues de Chicago, dont le titre collectif est Studies in Logical Theory en1903.
Il dirige le département de philosophie, de psychologie et d'éducation et fonde l'University of Chicago Laboratory Schools où il peut tester ses idées en pédagogie, idées qu'il expose dans une série d'articles rassemblés dans son œuvre principale en matière d'éducation : The School and Society 1899.
En 1899, il est élu président de la Société américaine de psychologie. Des désaccords avec l'administration de l'université le conduisent à démissionner de son poste. En 1904, alors qu'il visite l'Europe avec sa famille, un de ses fils, Gordon, meurt en Irlande de la fièvre typhoïde.
C'est le second fils qu'ils perdent ainsi, et même si, durant le séjour en Italie, ils adoptent un enfant du même âge, Dewey et sa femme ne s'en remettent jamais vraiment.
À partir de 1905, et jusqu'à son décès, il est professeur de philosophie à la fois à l'université Columbia à New York et au Teachers College de cette université.

Maturité et postérité

Dewey considère que sa période de maturité commence avec son ouvrage The Need for a Recovery of Philosophy en 1917, dans lequel il insiste pour que la philosophie s'occupe d'abord des problèmes de l'homme et moins de ce qu'il appelle des pseudo-problèmes comme l'épistémologie et la métaphysique.
La période de l'entre-deux-guerres est particulièrement féconde ; en dépit de la mort de son épouse en 1927.
Il écrit de nombreux ouvrages importants : Reconstruction in Philosophy en 1919 ; traduit en français sous le titre : Reconstruction en philosophie, 2012, Human nature and conduct 1922 ; en français : Expérience et Nature, 2012, The Quest for Certainty 1929, Art as Experience 1934 ; en français : L'Art comme expérience, 2005, A Common Faith 1934, Logic: The Theory of Inquiry 1938 ; en français : Logique : la théorie de l'enquête, 1967 ou encore Theory of Valuation 1939.
Durant cette période, il écrit aussi des ouvrages plus tournés vers la philosophie politique : Le Public et ses problèmes 1927 écrit pour partie en réponse à Walter Lippmann, Individualism Old and New 1930, Liberalism and Social Action 1935 et Freedom and Culture 1939 ; en français : Liberté et culture, 1939.
En plus de ses livres, il écrit dans des journaux, tel que The New Republic, et participe à la vie publique. Politiquement, il soutient lors des élections présidentielles Theodore Roosevelt en 1912 et le sénateur Robert M. La Follette en 1924.
Plus tard, il s'oppose au communisme russe et à ses affiliés. Sur l'échiquier politique, on le classe à l'aile gauche du New Deal de Franklin Delano Roosevelt6. Durant cette époque, il voyage notamment au Japon et en Chine 1919-1921, en Turquie 1924, au Mexique 1926 et en URSS 1928.
Il écrit suite à ce voyage Impressions of Soviet Russia and the Revolutionnary World.
En 1946, John Dewey se remarie avec Roberta Lowitz Grant, et ils adoptent deux enfants, orphelins de guerre.

Il meurt en 1952, 0 New-York, à l'âge de 92 ans.

Si durant sa maturité il jouit d'une grande influence, celle-ci disparaît très rapidement après sa mort en 1952 alors que, dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, sa philosophie est supplantée par la philosophie analytique.
Toutefois, cette éclipse est brève et sa pensée connaît assez rapidement un regain d'intérêt notamment à travers les œuvres de Richard Rorty, Richard J. Bernstein, de Charles Taylor et de Jürgen Habermas, qui développent une approche de la démocratie dont il peut être vu comme un des précurseurs

Ses engagements, Engagements humanistes

Dewey participe à de nombreuses activités humanistes des années 1930 aux années 1950. Il siège au conseil de la First Humanist Society of New York 1929 et fait partie des 34 signataires du premier Manifeste humaniste 1933, puis il est élu en 1936 membre honorifique de l'Association de la presse humaniste. Dans un article intitulé "What Humanism Means to Me" publié dans l'édition de juin 1930 de Thinker 2, il définit ainsi son humanisme :
"Ce que l'humanisme signifie pour moi est une expansion, et non une contraction, de la vie humaine, une expansion dans laquelle la Nature et la science de la nature sont faites servantes consentantes du bien humain."

Engagements politiques et sociaux

Benedetto Croce, philosophe, historien et homme politique libéral italien, membre comme John Dewey du Congrès pour la liberté de la culture.
Dewey adhère en 1935, en même temps qu'Albert Einstein et Alvin Johnson, à la section américaine de la Ligue internationale pour la liberté académique.
En 1936, Il est à la tête de la Commission Dewey chargée d'enquêter sur les accusations portées par Joseph Staline à l'encontre de Léon Trotski. Lors d'une réunion en 1938 à Mexico, cette commission conclut à la non-pertinence des arguments de Staline.
En 1950, Bertrand Russell, Benedetto Croce, Karl Jaspers et Jacques Maritain se mettent d'accord pour porter Dewey à la présidence honorifique du Congrès pour la liberté de la culture.

Engagement en matière pédagogique

John Dewey est un des fondateurs du Michigan Schoolmaster's Club ainsi que de l'University of Chicago Laboratory Schools3. Parmi ses écrits sur la pédagogie, certains sont plus particulièrement notables : The School and Society 1899 ; traduction française : L'École et la société, How We think 1916 ; traduction française : Comment nous pensons), Democracy and Education 1916 ; traduction française : Démocratie et éducation ou encore Expérience and education 1938.
Au départ, il conçoit l'école comme un élément-clé de la démocratie avant de revoir un peu son rôle à la baisse et de la considérer comme un élément parmi d'autres18. Selon Gérard Deledalle, Dewey est à l'origine du fonctionnalisme en psychologie.
Sa méthode repose sur le "hands-on learning" : "apprendre par l'action" où le maître est un guide et où l'élève apprend en agissant.
Cette méthode est attaquée d'une part par les tenants d'une méthode centrée sur les programmes et d'autre part par ceux d'une méthode idéaliste centrée sur l'enfant . Pour Dewey, ces deux méthodes antagonistes reposent sur un dualisme entre l'expérience et les matières enseignées, dualisme qu'il récuse.
À la création de la Progressive Education Association en 1919, John Dewey refuse tout d'abord d'en faire partie, puis accepte d'en être le président en 1926, et le reste jusqu'à la fin de sa vie.

Les étapes de la pensée de Dewey

Auguste Renoir, Enfants sur la plage de Guernesey 1883. La Fondation Barnes est une institution où Dewey a donné des conférences sur l'art, regroupées plus tard sous le titre Art as Experience 1934.
Pour Gérard Deledalle, dans sa jeunesse, Dewey a été influencé par Hegel et par Charles Darwin et il serait possible de dire que l'histoire de la pensée de Dewey est la chronique d'un long effort pour réconcilier Darwin et Hegel .
Si Darwin l'a conduit à se soucier de l'expérience, Hegel l'a préservé de l'empirisme.
Jusque vers les années 1891, ses écrits sont très marqués par l'idéalisme de George Sylvester Morris.
À partir de 1894 et de son Study of Ethics, l'instrumentalisme de Dewey commence à s'exprimer en partie en lien avec l'éducation de ses enfants et en partie avec ses conversations avec George Herbert Mead.
En 1905, à son arrivée à l'université Columbia, Dewey s'engage dans le courant pragmatique au sein duquel il défend une position instrumentaliste.
En 1917, il fait paraître un recueil d'essais d'auteurs tels que H. C. Brown, Addison Webster Moore, George Herbert Mead, B. H. Bode22, H. W. Stuart, J. H. Tufts, Horace Kallen et lui-même, intitulé Creative Intelligence, un ouvrage que Gérard Deledalle considère comme le manifeste du groupe de philosophes qui, à la suite de Dewey, donnèrent au pragmatisme une interprétation instrumentaliste. Les réflexions de Dewey sur l'expérience et l'expérimentation le conduisent alors à écrire deux livres que Gérard Deledalle estime importants : Experience and Nature 1925 et The Quest for Certainty 1929.
Durant sa période à Columbia, il rencontre aussi Albert Barnes, un grand collectionneur d'impressionnistes notamment de tableaux d'Auguste Renoir et de post-impressionnistes, ce qui l'amène à réfléchir sur l'art.
Les conférences données à la Fondation Barnes sont publiées sous le titre Art as Experience 1934

Les grands traits du projet philosophique de Dewey
Dewey et l'instrumentalisme

L'influence de Charles Darwin amène Dewey à comprendre la pensée génétiquement, comme le produit d'une interaction entre un organisme et son environnement, et la connaissance comme ayant une instrumentalité pratique dans l'orientation et le contrôle de cette interaction »trad . Son instrumentalisme prend naissance avec son article de 1896 The Reflex Arc Concept in Psychology, dans le quel il conteste l'idée qu'une prise de conscience découle de manière univoque d'une stimulation de l'environnement. Il voit dans cette façon de penser des réminiscences du dualisme corps/esprit.
À cette façon passive de concevoir l'être humain, il oppose une vision plus active, reposant sur un processus d'interaction entre l'homme et son environnement.
Il développe ce naturalisme interactif dans l'introduction des quatre essais Studies in Logical Theory dans lequel il lie instrumentalisme et pragmatisme en se référant à William James. C'est également dans cet ouvrage qu'il énonce les phases du processus de son concept d'enquête : situation problématique, recherche des données et des paramètres, phase réflexive d'élaboration des solutions et de tests de façon à trouver la solution qui convient. Pour lui, cette solution débouche non sur la vérité mais sur ce qu'il appelle l'assertabilité garantie .
De 1906 à 1909, en parallèle avec William James, il s'interroge sur ce qu'est la vérité pour un pragmatiste.
John Dewey commence à appliquer les principes de l'instrumentalisme à la logique dans son livre Essays on Experimental Logic 1916.
Toutefois, pour Clarence Edwin Ayres, ce n'est que dans les Gifford Lectures, publiées sous le titre The Quest for Certainty, que Dewey expose clairement le but et la signification de la logique instrumentale. Celle-ci est d'abord évolutionniste et constitue la première tentative sérieuse de commencer l'analyse de la pensée avec l'hypothèse que l'homme est une espèce animale qui lutte pour sa survie sur une planète mineure.
Dans cette optique, pour Dewey, les idées sont des instruments dont le domaine de validité n'est pas absolu mais dépend des besoins et des défis que rencontrent les hommes. Dans les Gifford Lectures, il oppose la philosophie traditionnelle issue de Platon, qu'il considère comme relevant du mythe et de la magie, à l'instrumentalisme qui, selon lui, ne cherche pas refuge dans l'imagination mais cherche à transformer les conditions de vie en faisant face à la réalité, au moyen d'une enquête intelligible, ancrée dans la réalité présente, et instrumentale, c'est-à-dire qui permet d'agir.

Reconstruction en philosophie

Bertrand Russell 1872-1970, un des fondateurs de la philosophie analytique auquel Dewey reproche de s'être contenté de mathématiser la logique issue de la tradition aristotélicienne.
Reconstruction in Philosophy paraît en 1919. Pour Richard Rorty, c'est le livre de Dewey qui regroupe la plupart de ses idées les plus importantes.
C'est un ouvrage qui a été au centre de la vie politique et intellectuelle aux États-Unis pendant la première moitié du xxe siècle . C'est aussi le plus polémique de Dewey, celui où il s'en prend le plus aux philosophes qui se préoccupent plus de la philosophie pour elle-même que de son utilité pour la communauté.
Dewey concentre ses attaques sur deux grands modèles philosophiques : l'empirisme logique qui devient par la suite la philosophie analytique et le modèle qui se focalise sur l'histoire de la philosophie.
Aux partisans du premier modèle, Bertrand Russell, Rudolf Carnap, Willard Van Orman Quine, Max Black et leurs disciples, il reproche leur technicité. Aux historiens de la philosophie, il reproche une trop forte exégèse sans lien avec le présent. Pour Dewey, la question centrale à se poser est la suivante : Que peuvent les professeurs de philosophie pour contribuer à la création d'un monde meilleur ? .
Dans ce livre, John Dewey critique la tradition philosophique issue de Platon et d'Aristote en se plaçant d'un point de vue génétique, c'est-à-dire en montrant son lien avec le contexte grec de l'époque30. Dewey insiste sur le fait que ce type de philosophie est liée aux intérêts d'une classe sociale31 et n'est pas adapté aux exigences du monde moderne. Il s'élève aussi comme la prétention de ce type de philosophie à se considérer comme investie d'une mission plus haute que les autres arts ou sciences. Par ailleurs, s'il admire la fonction critique de la philosophie classique, il regrette qu'elle soit si peu utilisée à l'égard de la philosophie elle-même30. Enfin, il est en désaccord avec la philosophie classique sur l'objet même de la philosophie. Pour lui, elle ne doit pas se focaliser sur des objets comme, Être, Nature, Univers, Cosmos, Réalité, Vérité en les considérant comme quelque chose de fixe, immobile, hors du temps, quelque chose d'éternel ou d'universel englobant tout, mais s'occuper des problèmes de l'Homme.
La philosophie, selon Dewey, doit accompagner l'évolution du monde et lui donner un sens, de façon à apporter au monde une certaine harmonie. Il appartient à un courant du libéralisme qui ne croit pas en une harmonie pré-établie. Pour lui, supposer qu'harmonie et ordre puissent régner si de nouvelles fins, de nouvelles normes et de nouveaux principes ne sont pas au préalable élaborés avec suffisamment de clarté et de cohérence est intellectuellement futile et conduirait à une impossibilité pratique.Selon lui, la reconstruction en philosophie ou, pour le dire autrement, l'orientation que devrait prendre la philosophie, repose sur trois piliers : la philosophie est un processus — pour Dewey il n'y a rien d'éternellement fixe, les théories deviennent des hypothèses à tester et, en conséquence ,pour philosopher, il est urgent de mettr au point des instruments d'enquête sur les faits humains ou moraux.

Expérience et nature, Bronisław Malinowski vers 1930.

Pour Dewey, l'expérience n'est pas purement individuelle mais dépend des autres, de la culture au sens de Malinowski, de Franz Boas ou d'Edward Sapir.
Experience and Nature, paru en 1925 et traduit en français en 2012 sous le titre Expérience et Nature, se place dans la continuité de Reconstruction en philosophie. L'ouvrage veut expliciter la façon de dépasser les dualismes de la tradition philosophique.
Pour ce faire, Dewey considère l'expérience comme le socle commun et indifférencié à partir duquel l'existence se différencie, en acquérant les formes qu'elle revêt sous l'effet de la vie sociale et du langage.
En somme, l'expérience permet de surmonter les dualismes théorie, pratique, etc. tout en rendant compte de la multiplicité des situations. À la question : pourquoi le titre Expérience et Nature, Dewey répond : Le titre ... est destiné à indiquer que la philosophie qui s'y trouve peut être désignée aussi bien sous le nom de naturalisme empirique que sous celui d'empirisme naturaliste, ou bien encore, si l'on prend le terme expérience dans sa signification habituelle, sous celui d'humanisme naturaliste.
Qu'est-ce que Dewey entend par naturalisme empirique ou empirisme naturaliste ? Pour Jean-Pierre Cometti, Dewey ne considère pas le terme d'empirisme dans son sens logique qui renvoie à l'opposition analytique/synthétique mais à quelque chose qui mêle expérience scientifique et biologique entendue comme échanges entre des organismes vivants et leurs milieux. Pour Dewey, ce qui distingue l'homme de la bête c'est, d'une part, le langage et, d'autre part, l'utilisation d'instruments.
Si ceux qu'il appelle les transcendantalistes ont mieux pris conscience de ce fait que les empiristes, il les accuse de s'être trop éloignés du corps et de la nature physique. De sorte que, pour lui, l'expérience n'est pas mentale mais s'enracine dans la nature sociale de l'homme entendue comme une sorte de naturalisme.
Faire une expérience a usuellement une double signification : c'est participer à la constitution de l'objet aussi bien qu'à celle des méthodes pour connaître, c'est examiner la situation sous divers angles pour la déprendre de ses caractères problématiques et agir sur elle.
Mais la vision de l'expérience chez Dewey est plus large.
En effet, pour lui, l'objet de l'expérience l'objet expériencé, experienced est essentiel et lui confère des caractéristiques spécifiques de sorte que s'établissent entre l'individu et son environnement la réalité : ne vaste zone de dialogue .
Chez Dewey, l'expérience n'est pas purement individuelle, elle s'inscrit au contraire dans un contexte qu'il a été tenté, à la réédition de ce livre en 1948, de nommer culturel, entendu au sens de l'anthropologie de Franz Boas, d'Edward Sapir et de Bronisław Malinowski dont il connait les œuvres. Aussi, Dewey insiste-t-il sur le rôle des rites et des institutions dans l'accomplissement des actes les plus banals. Il en résulte chez lui deux conséquences importantes : d'une part l'expérience ne concerne pas un individu seul mais un ensemble d'individus et d'autre part l'individu n'est pas prisonnier de ses codes car, par son expérience et ses enquêtes, il peut également les faire évoluer. La lecture de Franz Boas peut ici éclairer la pensée de Dewey : Les activités de l'individu sont largement déterminées par son environnement social, mais réciproquement ses propres activités influencent la société dans laquelle il vit, et peuvent apporter des modifications dans sa forme.
Il est évident que ce problème est l'un des plus importants qu'il faille envisager dans une étude des changements culturels.


Théorie de l'enquête et Assertabilité garantie.
Une volonté de bâtir une logique adaptée au raisonnement scientifique

La théorie de l'enquête vise à élaborer une logique destinée à être pour le monde moderne ce qu'avait été l'Organon d'Aristote pour les anciens.
Pour Gérard Deledalle, John Dewey vise à élaborer une logique qui réponde aux exigences scientifiques de l'esprit moderne, comme la logique d'Aristote répondait aux exigences grammairiennes de l'esprit grec. Dewey estime qu'il n'est pas suffisant d'extrapoler l'Organon, comme le firent Bacon et Mill, ni de le parer des atours mathématiques, comme le fit Russell mais qu'il faut la fonder sur de nouvelles bases. Aussi, le livre Logique, sous-titré La théorie de l'enquête, n'est ni un traité de logique au sens aristotélicien ni au sens actuel puisqu'il ne comporte aucun symbole mathématique. En effet, ce qui intéresse Dewey dans la logique ce n'est pas de s'assurer du caractère véritable de la chose par un raisonnement déductif et formel, mais, comme l'indique le sous-titre et en lien avec son instrumentalisme, d'établir un lien entre idée et action fondé à la fois sur l'intuition et sur l'étude et la vérification de cette idée. La logique chez Dewey consiste d'abord en une réflexion sur l'enquête où le logicien ne s'occupe pas du processus de l'enquête temporelle, mais seulement de sa structure formelle, c'est-à-dire des différentes sortes de termes et de canons méthodologiques et de leur interrelations. Le critère qui permet de distinguer les méthodes d'enquête qui réussissent de celles qui échouent, doit être établi à l'intérieur des règles de l'enquête. Autrement, nous n'aurions pas un processus scientifique autonome.

L'enquête comme recherche suite à l'apparition d'un problème
Le début de l'enquête : la situation indéterminée

Pour qu'il y ait enquête, il faut une situation indéterminée c'est-à-dire incertaine, instable et douteuse. Cette indétermination n'est pas subjective, c'est-à-dire d'essence psychologique, mais objective, c'est-à-dire réelle. Rappelons que Dewey, marqué par Charles Darwin, a une vision organique du monde. Il voit les hommes comme organiquement liés à leur environnement de sorte qu'un changement dans l'environnement est pour lui objectif — au sens où ce n'est pas une illusion psychologique — et provoque une situation indéterminée avant qu'un changement dans le comportement des hommes n'intervienne. Toutefois, ces changements objectifs impliquent aussi chez lui des changements dans la façon dont les hommes perçoivent les choses. En effet, l'Homme n'est pas seulement un organisme, c'est aussi un Être culturel, la transition entre les deux se faisant par le langage de sorte que les problèmes qui provoquent l'enquête ont pour origine les relations dans lesquelles les êtres humains se trouvent engagées, et les organes de ces relations ne sont pas seulement l'œil et l'oreille mais les significations qui se sont développées au cours de la vie, en même temps que les façons de former et de transmettre la culture avec tous ses éléments constitutifs, les outils, les arts, les institutions, les traditions et les croyances séculaires.

Le processus de l'enquête

Une enquête commence par la recherche des éléments qui rendent la situation indéterminée. Ces observations provoquent des hypothèses qui deviennent des idées quand elles peuvent servir fonctionnellement à la solution du problème. Dewey écrit à ce propos : une hypothèse, une fois suggérée et soutenue, se développe en relation avec d'autres structures conceptuelles jusqu'à ce qu'elle reçoive une forme dans laquelle elle peut produire et diriger une expérimentation qui dévoilera précisément les conditions qui ont le maximum de force possible pour déterminer si l'hypothèse doit être acceptée ou rejetée. Ou bien, il se peut que l'expérimentation indique les modifications que requiert l'hypothèse pour être applicable, c'est-à-dire convenir à l'interprétation et à l'organisation des éléments du problème.

La fin de l'enquête : l'assertabilité garantie et le retour temporaire à l'harmonie

Pour Dewey, si l'enquête commence dans le doute, elle s'achève par l'institution de conditions qui suppriment le besoin du doute. Il y a alors assertabilité garantie, c'est-à-dire qu'on a trouvé la solution au problème. Toutefois, conformément à la vision darwinienne de Dewey, l'environnement continue à changer de sorte que d'autres problèmes surgissent, et avec eux de nouvelles enquêtes sont nécessaires. Chez Dewey, on ne parvient jamais à la Vérité, une notion qu'il utilise peu dans son traité de logique. Il l'utilise d'autant moins que pour lui l'assertabilité garantie est synonyme de satisfaction, d'utilité, de ce qui paie, de ce qui marche

La philosophie morale de Dewey
Les fondements, La psychologie sociale

La psychologie sociale de Dewey s'organise autour de trois pôles : l'impulsion ou force motrice, les habitudes et la conduite intelligente.
L'impulsion n'est pas liée chez lui à une idée de fin, elle inclut ce que nous appelons aujourd'hui les pulsions, les appétits, les instincts et les réflexes non conditionnés. La psychologie de Dewey se distingue des psychologies basées sur le désir par deux aspects : tout d'abord, pour lui, l'activité est la norme et le repos l'exception, par ailleurs, alors que les désirs impliquent une fin, l'impulsion peut conduire à de multiples fins.
Les habitudes sont des dispositions socialement façonnées par certaines formes d'activité ou par certains modes de réponse à l'environnement. Elles canalisent les impulsions dans une direction donnée. Elles font agir de façon non conscientes et peuvent se perpétuer alors qu'elles ne sont plus adaptées aux temps présents et que les causes qui leur ont données naissance ont disparu. Changer les habitudes est difficile pour au moins deux raisons : on s'y attache, et surtout des idéologies vont les adopter et les voir comme des valeurs intangibles et indiscutables. Dewey aspire à ce que le monde s'adapte plus facilement aux changements de l'environnement que ce n'a été le cas jusqu'à lui.
À cette fin, il plaide en faveur d'une éducation favorisant l'indépendance d'esprit, l'expérimentation et l'enquête56, éléments qui chez lui facilitent les adaptations.
La conduite intelligente survient quand les impulsions et les habitudes ne peuvent plus répondre aux problèmes et se bloquent. Alors les hommes doivent délibérer pour trouver des moyens de surmonter les problèmes.

L'éthique sociale

Dewey ambitionne de changer la moralité de son temps qu'il estime comme n'étant plus adaptée au monde moderne. Aussi, ce qui l'intéresse c'est l'étude du processus d'évolution et le lien entre les théories morales et leur contexte. À cette fin, son livre Ethics commence par une brève histoire des problèmes moraux et des pratiques des anciens Hébreux, Grecs et Romains .
Dans ce livre, Dewey voit la morale et les philosophies traditionnelles comme étant au service d'une élite. La volonté de changer cet état de fait est à la base de son éthique sociale. Il veut notamment mettre fin à la dichotomie qui sous-tend la philosophie morale traditionnelle entre Les Biens purement instrumentaux et les Biens intrinsèques, car il y perçoit un écho de la dichotomie antique entre les gens instruits qui ont des loisirs et le peuple qui travaille.
Pour lui, le Bien conçu comme contemplation ou appréciation de la beauté ne peut être l'apanage que de la classe des loisirs qui, pour son contemporain Thorstein Veblen, désigne les très riches d'alors qui se consacraient notamment aux collections d'art.
Si l'on examine ses propositions concernant l'éthique sociale, on constate que Dewey ne se focalise pas tant sur les comportements des individus que sur la façon dont la société doit être organisée et sur les réformes institutionnelles qui doivent être entreprises.

Les valeurs esthétiques

Dewey traite de l'esthétique dans son livre Art as Experience. Pour lui, l'art crée des objets qui nous permettent de mieux comprendre notre environnement et, à ce titre, il est à la fois un complément et un élément de l'enquête. Chez lui, l'art ne se clôt pas sur la réalisation de l'œuvre par l'artiste, mais implique une participation de ceux qui la reçoive62. Dans cette optique, la critique a pour objet d'enrichir notre expérience de l'art. Elle ne doit pas juger les œuvres en fonction d'une esthétique du passé, mais être tournée vers le futur et renforcer nos capacités à les apprécier par nous-même.
La critique peut, selon lui, rendre les valeurs esthétiques d'une œuvre d'art objectives dans la mesure où, en attirant l'attention sur quelques traits saillants, elle réussit à saisir ce que ressentent plusieurs observateurs61. Ce qui compte dans la critique, c'est qu'elle accroisse notre capacité à apprécier l'art de façon à enrichir la vie des hommes. Il écrit à ce propos : l'auditeur informé par la théorie musicale apprend à écouter, et par conséquent prend plaisir à différentes modulations ... créant des tensions alternées, des accomplissements, et des surprises comme nous les procurent les œuvres musicales lorsqu'elles sont jouées. Des constatations similaires peuvent être faites pour tous les arts, qu'ils soient artistiques : fine en anglais ou pratiques.
Chez Dewey, l'esthétique n'est pas limitée à l'œuvre d'art. Elle peut être également présente dans le travail. Ici, il reprend une critique adressée de façon récurrente dans son œuvre au travail très parcellisé des sociétés modernes. Pour lui, le taylorisme, en séparant fortement ceux qui conçoivent de ceux qui produisent de façon quasi mécanique, réserve aux premiers la participation à l'art qu'elle interdit aux autres. Le défi de la société moderne est d'arriver à faire en sorte que l'ensemble de la population fasse œuvre d'art à travers le travail.

La théorie instrumentale de la valeur

Jürgen Habermas et Dewey ne considèrent pas les valeurs de la même façon. Pour Dewey, à travers les enquêtes, on arrive à une objectivité des valeurs alors que pour Habermas, les valeurs sont liées à des groupes.
Pour Dewey, les valeurs sont des faits. Il écrit : Les valeurs sont des valeurs, les choses ayant immédiatement certaines qualités intrinsèques. De celles-ci en tant que valeurs, il n'y a par conséquent rien à dire : elles sont ce qu'elles sont. Les valeurs sont des qualités attribuées aux choses, des propositions qui doivent être soumises à enquête. Il s'inscrit ainsi dans une perspective assez différente de celle connue habituellement en France. En effet, usuellement on oppose normes entendues, notamment par Jürgen Habermas, comme pouvant être universelles et valeurs entendues comme beaucoup plus liées à des groupes ou des personnes.
Dans cette optique, les conflits de valeur sont vus comme sans issue. Pour Dewey, au contraire, il y a une objectivité des valeurs et cette objectivité apparaît à travers les enquêtes et les expérimentations auxquelles sont soumises les valeurs.

La valuation

La valuation comprend à la fois une appréciation valuing affective qui nous pousse vers une chose ou nous la fait vouloir l'éviter et l'évaluation qui est objective et basé sur l'analyse des conséquences. L'appréciation primitive primitive valuings est une expérience passive du plaisir qui diffère du désir en ce qu'elle n'a pas, à la différence du désir, une fin en vue. Pour Dewey, la valuation réside dans la formation raisonnée des désirs, des intérêts et des fins dans une situation concrète, étant entendu que la valuation implique le désir. De là il en découle que la valuation n'est pas purement mentale puisqu'elle se réfère à des situations concrètes.
Pour Hans Joas, les valeurs semblent plus durables, peut-être aussi plus stables, et supérieures aux simples désirs momentanées mais n'en diffèrent pas fondamentalement. Dewey distingue le désiré du désirable. Le processus de valuation permet de passer de l'impulsion aux désirs et aux intérêts : Le désirable, ou l'objet qui devrait être désiré (valué), ne descend ni d'un ciel a priori ni d'un Sinaï de la morale. Il vient de ce que l'expérience passée a montré qu'agir en toute hâte, en suivant sans examen son désir, conduisait à l'échec et potentiellement à la catastrophe. Le désirable, en tant qu'il se distingue du désiré, ne désigne donc pas une chose en général ni a priori.
Il met en exergue la différence entre l'action et les conséquences d'impulsions irréfléchies et celles de désirs et d'intérêts qui procèdent d'une recherche sur les conditions et les conséquences.
Pour Dewey, un intérêt est un ensemble de désirs étroitement reliés et dans un contexte donné, les intérêts sont si liés qu'en fait pour en valuer un, il faut valuer l'ensemble.

Le jugement de valeur comme instrument

Selon Elizabeth Anderson, le jugement de valeur est triplement instrumental. Il est d'abord un instrument pour guider l'action future. Le jugement de valeur intervient après une période de crise et de remise en cause des valeurs précédentes. Il s'agit d'un jugement pratique qui ne décrit pas les choses mais qui vise à résoudre le problème et à guider l'action future. Le jugement de valeur évalue les actions et les objets en fonction de leurs conséquences au sens large. Enfin, il est un moyen pour reprendre l'activité sur de nouvelles bases jusqu’à la prochaine crise.
Les jugements de valeur sont testés comme des hypothèses scientifiques en vérifiant que les conséquences qui en découlent sont bien celles prévues. Mais ils ne s'inscrivent pas dans un processus d'essais et d'erreur Trial-and-error. En effet, avant de prendre la décision, on essaye de la tester à partir de situations analogues. Il faut ici avoir en tête que Dewey est un pragmatiste et que la philosophie morale pragmatiste rejette les philosophies qui déterminent le bien ou le mal a priori.
Pour eux, ce à quoi arrivent ces philosophies sont des hypothèses qui doivent être testées. Il y a, chez eux, l'idée que si l'on s'en tient à de purs raisonnements théoriques, on a peu de chances d'atteindre une vie meilleure par l'expérimentation
Le jugement de valeur dans la problématique moyen-fins
Il est souvent objecté à Dewey que sa théorie instrumentale de la valeur ne traite que des moyens et pas des fins. Il se distingue, sur ce point, assez fortement d'autres grands penseurs. Pour Max Weber, par exemple, il existe une distinction entre rationalité en valeur et en finalité. La même idée se retrouve chez Amartya Sen qui distingue une tradition éthique associée à Aristote, dotée d'une finalité claire, et une tradition mécaniste associée à la pensée de l'ingénieur.
Pour Dewey, à l'inverse, il y a une interaction entre fin et moyen. La fin-en-vue est l'activité particulière qui œuvre comme facteur de coordination de toutes les activités engagées. Reconnaître la fin comme une coordination ou comme une organisation unifiée des activités, et la fin-en-vue comme l'activité spéciale permettant d'opérer cette coordination, c'est lever l'apparent paradoxe attaché à l'idée d'un continuum temporel d'activités, où les stades successifs sont à part égale fins et moyens.
Une fin ou une conséquence atteinte a toujours la même forme : celle d'une coordination appropriée. Le jugement de valeur, dans cette optique, est un jugement pratique, créatif puisqu'il crée de nouvelles fin-en-vue et transformatif, c'est-à-dire qu'il transforme notre façon de voir les choses et de les valoriser.

La théorie morale normative chez Dewey
Dewey face aux théories morales normatives

Les théories morales normatives qui cherchent à harmoniser les conflits de désirs sont de trois types :
Les théories téléologiques qui cherchent à identifier un bien suprême et qui voient le droit et la vertu comme un moyen de l'atteindre ;
Les théories déontologiques qui cherchent un principe ou des lois de moralité suprêmes auxquels ils subordonnent la poursuite du bien ;
Les théories de la vertu dans lesquelles le principe fondamental d'où dérivent le bien et le droit est celui de l'approbation ou de la désapprobation58.
Emmanuel Kant 1724-1804. Dewey est assez critique envers l'impératif catégorique de Kant
Le pragmatisme en éthique étant souvent vu comme une forme de téléologie ou de conséquentialisme, il est important d'analyser comment Dewey se positionne par rapport aux trois formes courantes que peut prendre le courant téléologique : l'hédonisme, l'idéalisme et les théories morales basées sur le désir informé.
Concernant les théories hédonistes la position de Dewey est nuancée. D'un côté, il estime que raisonner en termes de plaisir et peine est trop individualiste et ne permet pas d'atteindre une fin approuvée par tous. D'un autre côté, pour Dewey, le désir est important car sans désir il ne peut y avoir de bien.
Aussi il va adopter une certaine forme d'hédonisme où le désir est plus réflexif, c'est-à-dire basé sur l'étude des conséquences. Concernant les théories idéalistes, son jugement est également nuancé — dans sa jeunesse, il a été idéaliste. D'un côté, il croit en la valeur motrice de l'idéal.
Mais pour lui les idéaux n'ont pas une portée atemporelle, ils sont liés à une époque, à un contexte58 et ne constituent fondamentalement que des hypothèses à tester.
Si Dewey est proche des théories du désir informé du bien58, sa conception de l'Homme l'éloigne des courants contemporains qui ont une vision de la nature humaine plus fixiste, moins malléable que lui.
Les théories déontologiques tendent à identifier le juste soit à des lois ou règles de conduites fixées, tels les Dix commandements soit à un seul principe suprême de moralité comme l'impératif catégorique, compris comme fournissant une procédure de décision en éthique. Pour Dewey, le problème est que, d'une part, les choses changent et que donc les lois doivent évoluer et que, d'autre part, les principes généraux ne permettent pas de traiter tous les cas particuliers. Il conçoit l'impératif catégorique à la façon des critiques de Kant ; c'est-à-dire comme un formalisme vide. Pour lui, en effet, il faut d'abord avoir une idée du Bien si l'on veut traiter de morale. Néanmoins, l'impératif catégorique peut être un instrument intéressant dans le cadre de l'enquête car il permet de s'assurer que les intérêts de tous ont été équitablement examinés.
Parmi les théories morales basées sur la vertu, Dewey est assez approbateur des utilitaristes anglais et de leur ambition d'atteindre le standard de bien-être Welfare qu'approuverait un spectateur impartial et bienveillant, mais il y fait plusieurs objections : en premier lieu, en lien avec son darwinisme, la notion de bien-être n'est pas fixe et doit donc varier en fonction de l'environnement, en second lieu la notion de standard de bien-être ne doit pas être utilisée pour prendre des décisions de façon algorithmique ou mécanique. Ces objections faites, il est favorable aux principes d'approbation et de désapprobation déduits de la norme de bien-être des utilitaristes comme ils rendent les individus plus conscients des conséquences de leurs actes et par là plus aptes à se gouverner.

La moralité réflexive de Dewey

Si Dewey est surtout influencé par la théorie téléologique et par celle reposant sur la vertu, néanmoins il tient les trois types de théorie comme pouvant servir d'hypothèses dans sa conception de l'enquête. En effet, elles nous permettent dans ce cadre de mieux comprendre l'ensemble des conséquences de nos actes. Les idéaux du bien nous permettent de nous projeter vers un bien futur et de le tester, les principes de droit nous obligent à prendre en compte les intérêts des autres, l'approbation ou la désapprobation de spectateurs impartiaux nous oblige à non seulement examiner les conséquences de nos actes, mais également leurs motifs. Ce que Dewey refuse c'est de voir ces théories comme des impératifs transcendants.

La philosophie politique de Dewey
Les sources de sa philosophie politique

Thomas Hill Green (1836-1882), philosophe idéaliste et libéral anglais précurseur du Nouveau libéralisme. Dewey a travaillé sur son œuvre.
La philosophie politique de Dewey s'enracine d'une part dans l'idéalisme, notamment celui de Thomas Hill Green, dans le Nouveau libéralisme de Leonard Trelawny Hobhouse et dans sa théorie de l'enquête.
Avec Thomas Hill Green, Leonard Trelawny Hobhouse et le Nouveau libéralisme, Dewey pense que le libéralisme classique traditionnel part d'une conception fausse de l'individu qui mine la pensée libérale. Pour eux, à l'inverse du libéralisme traditionnel, l'individu ne se résume pas à une entité en compétition avec les autres.
Au contraire, ils mettent l'accent sur les relations entre individus et perçoivent la vie sociale sur un mode plutôt organique. Chez lui, comme dans le Nouveau Libéralisme, la liberté n'est pas simplement une absence de contrainte, mais réside également dans la participation à la vie sociale et politique. En conséquence, Dewey ne croit pas que les hommes, en poursuivant leurs intérêts particuliers, puissent arriver à un riche vivre ensemble. Il faut aussi, comme il l'écrit dans The Ethics of Democracy, qu'ils soient dotés d'une unité de but et d'intérêt.
La théorie de l'enquête de Dewey constitue un point important de sa philosophie politique. En effet, il récuse la théorie du spectateur qui conçoit la connaissance comme la recherche par un sujet d'une vérité fixe et a priori. Il conçoit l'enquête comme un combat mené par les êtres humains pour résoudre les problèmes.
Le but n'est pas de chercher une vérité qui, dans la perspective darwinienne de Dewey, est forcément mouvante, mais de résoudre des problèmes ici et maintenant. Pour cela, il faut tester et vérifier des hypothèses, des valeurs, des théories destinées un jour à évoluer. Le modèle est la recherche scientifique. Dewey ne fait pas de distinction a priori entre les enquêtes dans les domaines de la science, de l'éthique et de la politique.
D'une certaine façon, il est possible de voir la philosophie politique de Dewey comme le mariage des vues de l'idéalisme et du Nouveau Libéralisme avec sa conception pragmatique ou expérimentale de l'enquête.

Le libéralisme de Dewey

Pour Dewey, les valeurs sont vues comme construites pour résoudre un problème social et doivent évoluer en fonction des situations auxquelles il convient de faire face. Il reproche au libéralisme classique, notamment dans Logical Method and Law, de n'avoir pas su évoluer et d'être devenu ainsi le rempart de la réaction, et de trop penser en termes d'individu et pas assez d'individualité.

Lire la suite --> http://www.loree-des-reves.com/module ... php?topic_id=1517&forum=4

Posté le : 20/10/2013 12:45
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Re: Les bons mots de Grenouille
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Encore un peu de Sacha Guitry .....

- " Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire, j'ai la certitude d'être heureux "

- " L' enfance de l'homme ne finit qu'avec la mort "

- " Entre mari et femme, moins un cadeau est utile, plus il est agrèable .... "

- " Dieu lui-même croit à la publicité, il à mis des cloches dans les églises... "

- " On peut pleurer pendant deux jours, on ne peut pas rire pendant deux heures "

- " C' est une erreur de croire que c'est en parlant bas à l'oreille de quelqu'un qui travaille, qu'on le dérange le moins "

- " Si vous êtes traité de parvenu, tenez pour bien certain que vous êtes arrivé ... "

- " Je suis si fatigué, que je baille en dormant ! "

- " La morphine a été inventée pour permettre aux médecins de dormir .... "

- " Chaque acte de la vie est un petit drame et le tout, à la fin, n'est qu'une comèdie ..... "

- " Aprés l'amour, le premier qui parle dit une connerie ...."

- " La poêsie est une religion sans espoir "

- " Un livre de cuisine est un livre de dépenses et de recettes "

- " Ah docteur ! J'ai bien failli vous perdre ! "

- " Je crois que le plus grand plaisir des hommes est de se payer le corps des femmes et le plus grand plaisir des femmes est de se payer la tête des hommes .... "

- " Il y a deux choses inadmissibles sur la terre, la mort et les impots. mais J'aurais dû citer en premier les impôts ... "

Sacha Guitry et les femmes :

- " A sa cinquième femme: " Elles ont été mes femmes, vous serez ma veuve ".

- " Comment les autres hommes peuvent - ils vivrent sans toi ? "

- " Il y a deux sortes de femmes, celles qui sont jeunes et jolies et celles qui me trouvent encore bien ....."

- " Le premier qui s'est marié, il ne savais pas mais le deuxième, il est inexcusable ! "

- " On a les femmes dans les bras puis sur les bras.... et bientôt sur le dos "

- " Quand une femme qui me plait me fait demander au tètèphone, je me donne vite un coup de peigne avant de répondre ... "

- " Les avocats portent des robes pour mentir aussi bien que les femmes .. "

- " Les femmes honnètes sont inconsolables des fautes qu'elles n'ont pas commises "

- " Si vous voulez que votre femme écoute ce que vous dîtes, dîtes le à une autre femme ... "

- " Le meilleure moyen de faire tourner la tête d'une femme, c'est de lui dire qu'elle a un joli profil..."


Bonne semaine ...

Posté le : 20/10/2013 10:06
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Page 13/10/2013, H. Roth, Canova, Malebranche, Les templiers, Fatima, Ste Beuve
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" Ma Fille ma douleur "
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Le 13 Octobre 1307 arrestation des TEMPLIERS      




Le 13 Octobre 1715 meurt Nicolas MALEBRANCHE

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Le 13 Octobre 1995  meurt  Henry ROTH
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Le 13 Octobre 1822 meurt Antonio CANOVA
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Le 13 Octobre 1917 appartition de la vierge à FATIMA
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Le 13 Octobre 1868 naît Charles-Augustin de Ste-BEUVE

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Je voudrais proposer un recueil de texte collectif d’environ une centaine de pages à partir des textes publiés sur ce site en 2012. Recueil sous forme d’un fichier PDF (et même en version imprimée, si ce projet en intéresse certains ?)
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Posté le : 19/10/2013 21:47
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. Le 20 Octobre 2008 meurt Madeleine Ciquin dite Soeur Emmanuelle 2008

Sœur Emmanuelle était une personnalité très aimée de l'opinion publique en raison de son engagement humanitaire, de sa personnalité, de son caractère exubérant et de son franc-parler, souvent en contraste avec le ton employé par l'Église ou la simplicité d'autres religieux comme l'Abbé Pierre ou Mère Teresa qui s'étaient eux aussi engagés en faveur de plus pauvres et bénéficiaient d'un fort soutien populaire.
Elle était très médiatisée depuis son passage en 1990 à l'émission La Marche du siècle de Jean-Marie Cavada13 et s'était construit une image caractéristique avec sa blouse, son fichu, ses baskets et son habitude de tutoyer sans distinction hommes politiques et journalistes.

Sa vie

C'est le 16 novembre 1908 que naît, à Bruxelles, Madeleine Cinquin d'un père français, originaire de Calais, et d'une mère belge, bruxelloise. Elle a des origines juives alsaciennes par sa grand-mère, née d’un père juif du nom de Dreyfus et d’une mère chrétienne au début du XVIIIe siècle.
La jeune Madeleine deviendra sous le nom de sœur Emmanuelle, la religieuse la plus populaire auprès des Français, véritable icône de la solidarité.
Madeleine est la deuxième de leurs trois enfants. La famille, aisée, appartient à la bourgeoisie textile et mène une existence tranquille, la jeune fille partage ses jeunes années entre Paris, Londres et Bruxelles.. Survient, en septembre 1914, le drame qui marquera à jamais la petite Madeleine : la mort, sous ses yeux, de son père, lors d'une baignade.
En 1914, alors qu'elle n'a que six ans, elle est fortement marquée par le décès accidentel de son père, noyé sous ses yeux à Ostende le 6 septembre. Elle était sur la plage et l'a vu nager au loin puis disparaître dans la mer houleuse. Cette expérience la traumatisé profondément et l'a fait se rapprocher de Dieu. Elle déclare que, dans son inconscient, sa vocation de religieuse date de cet accident.
Réfugiée dans le nord de la France le temps de la guerre, la famille retrouve la Belgique en 1918.
Jolie et coquette déjà, Madeleine va y vivre une jeunesse privilégiée. Elle pratique le tennis et le patinage et prend goût, aussi, à la mode et à la danse. À l'école, on se souvient plus de ses pitreries et de son insolence que de son travail.
Pourtant, un trait profond de sa personnalité frappe de plus en plus son entourage. Généreuse, la jeune fille est d'une piété profonde, qu'elle n'affiche pas mais dont elle ne fait pas mystère. Elle se passionne pour l'aventure des missionnaires qui consacrent leur vie aux plus pauvres sur des terres lointaines.
À quatorze ans, elle recopie sur ses cahiers les Pensées de Pascal. Il sera, comme elle l'écrit plus tard, son Notre-Dame de Sion à Paris,
Quelques années plus tard, Madeleine Cinquin souhaite aller à l'Université catholique de Louvain mais sa mère s'y oppose car elle estime qu'elle y serait trop oisive. Elle remarque alors que sa fille se tourne vers le Christ et tente de l'en détourner en lui faisant rencontrer la supérieure du couvent de Notre-Dame de Sion à Londres. Ceci ne fait que renforcer ses convictions et accentue la quête de toute sa vie, l'aide à l'enfance malheureuse.
Après avoir voulu initialement rejoindre les Filles de la Charité, Madeleine entre finalement comme postulante à la congrégation de Notre-Dame de Sion le 6 mai 1929. Après des études de sciences philosophiques et religieuses, elle prononce ses vœux de religieuse le 10 mai 1931 et choisit le nom de Sœur Emmanuelle, qui signifie Dieu avec nous en hébreu.

Une nouvelle vie commence.

La carrière d'enseignante de sœur Emmanuelle commence tout d'abord à Istanbul en Turquie, dans une école pour jeunes filles d'un quartier pauvre de la ville.
Sœur Emmanuelle attrape alors la typhoïde et toutes les autres sœurs lui proposent leur sang afin de l'aider à combattre la maladie.
Une fois rétablie, en guise de remerciement, sœur Emmanuelle donne une conférence sur la vie de Soliman le Magnifique et impressionne la directrice du collège, Mère Elvira, qui décide alors de l'affecter dans son établissement.
Bien que celle-ci se soit engagée à envoyer Sœur Emmanuelle au service des pauvres, elle la convainc qu'elle sera plus efficace si elle enseigne à des jeunes filles aisées, appelées à avoir un rôle influent dans la vie turque.
Elle enseigne alors les lettres au Lycée Notre-Dame de Sion.
Après la mort de sa supérieure, Sœur Emmanuelle ne s'entend pas avec sa remplaçante et elle est envoyée à Tunis.
De 1954 à 1959, elle enseigne en Tunisie pendant cinq ans où elle s'occupe de filles de Français installés dans le pays mais ce nouveau poste ne lui convient pas. En pleine décolonisation du pays, les filles dont elle a la charge lui semblent plus superficielles et l'environnement général la fait doucement sombrer dans une dépression.
Ce n'est qu'au bout de trois ans que les responsables de Sion se rendent compte de son état et se décident à la déplacer.
Après avoir décroché sa licence ès lettres à la Sorbonne à Paris, Sœur Emmanuelle est de nouveau affectée à Istanbul en 1959 pour une courte durée.
De 1964 à 1971, elle est envoyée en Égypte pour enseigner au collège de Sion à Alexandrie. Cette expérience s'avère de nouveau négative pour elle car les élèves dont elle est en charge sont peu ouverts sur la pauvreté.
Elle décide donc d'arrêter d'enseigner la philosophie et s'occupe à la place des filles du quartier défavorisé de Bacos. C'est durant cet épisode qu'elle tombe amoureuse de l'Égypte.

En 1971, l'enseignante à la retraite commence son véritable destin.

C'est au Caire, où elle a enseigné huit ans et où elle a éprouvé un véritable malaise face aux inégalités entre riches et pauvres, qu'elle décide de vivre. Non pas pour mais avec les chiffonniers.
Elle décide de partir, à l'instar du Père Damien, qu'elle vénère, pour s'occuper des lépreux au Caire mais doit renoncer face à des complications administratives car le lazaret se trouve en zone militarisée.
Elle décide alors de partager la vie des plus démunis et, avec l'autorisation de sa congrégation, part s'installer à Ezbet-El-Nakhl, un des bidonvilles les plus pauvres du Caire en Égypte, au sein de la communauté majoritairement copte chrétienne des zabbalines, chargée de la récupération des déchets.
En collaborant avec plusieurs églises locales, elle parvient à établir une communauté et lance de nombreux projets de santé, d'éducation et de protection sociale visant à améliorer les conditions de vie.
Chrétiens coptes pour la plupart, ces "zabbalines" : parias, vivent des rebuts des autres. Chaque matin, après avoir vidé les poubelles dans leurs charrettes, ils trient les détritus et récupèrent ce qui sera leur nourriture et celle de leurs enfants.
Sœur Emmanuelle, devenue "Ableti" la grande sœur, se lève, elle aussi, à cinq heures, attrape un train pour aller à la messe puis patauge avec eux dans les immondices. Avec une énergie farouche et son sens du concret, elle se bat pour ses chiffonniers.
En 1976, elle rencontre Sarah Ayoub Ghattas : Sœur Sarah, alors supérieure de la congrégation copte-orthodoxe des Filles de Marie de Béni-Souef. Francophone et issue d'une famille de la bourgeoisie, elle obtient l'autorisation de l'évêque Athanasios, fondateur de la congrégation, pour rejoindre Sœur Emmanuelle à Ezbet-Al-Nakhl dont elle partage la cabane.
Soeur emmanuelle lutte pied à pied pour trouver les médicaments contre l'épidémie de tétanos qui tue, à l'époque, quatre bébés sur dix. Mais il lui faut de l'argent pour développer ses projets. En 1977, elle publie son premier livre, Chiffonnière avec les chiffonniers dans lequel elle raconte son combat.
En compagnie de Sœur Sarah, elle part en 1978 aux États-Unis afin de récolter des fonds.
À leur retour, avec l'argent amassé, elles peuvent investir et en 1980, le Centre Salam est inauguré par l'épouse du président Sadate et propose des dispensaires, des écoles, des jardins d'enfants, des centres de formation et un club socia
En 1982, après avoir confié la gestion d'Ezbet-Al-Nakhl à des jeunes religieuses de l'ordre des filles de Sainte-Marie, elle s'occupe des chiffonniers de Mokattam représentant, avec plus de 23 000 personnes vivant au milieu des détritus, la plus grande communauté de zabbalines du Caire.
En 1984, elle entreprend une tournée de conférences en Europe et aux États-Unis : elle a besoin de 30 000 dollars pour construire une usine de compost et des logements. Son leitmotiv : faire entrer de l'humanité dans les bidonvilles
En 1984, Sœur Emmanuelle vient en aide à cinq familles pauvres et leur permet à chacune de se construire un abri, séparé du lieu où sont triés les déchets.
Elle fera plus tard construire ce même type d'abris à plus grande échelle afin d'accueillir le plus de monde possible. Elle continue à utiliser son charisme afin de récolter des dons et mobiliser les pouvoirs.
Elle permet de raccorder le bidonville à l'eau et l'électricité et poursuit la construction de nombreuses habitations et d'une usine de compost.
En 1985, elle s'installe dans le bidonville de Meadi Tora puis se rend à Khartoum Soudan la même année pour créer des foyers, écoles, fermes et dispensaires.
En 1991, on lui suggère de prendre une retraite bien méritée. Elle se rebelle encore, tant elle aimerait mourir au milieu de ses chiffonniers.
A l'occasion de la célébration des noces de diamant de sa vie religieuse, le président Moubarak lui remet la nationalité égyptienne en reconnaissance de son œuvre en Égypte.

Retour en France

En 1993, à la demande de sa congrégation, Sœur Emmanuelle quitte définitivement l'Égypte et rejoint sa communauté en France, elle accepte finalement de laisser son assistante, sœur Sara, reprendre les rênes, et s'installe dans la maison de sa communauté, dans le Var. Sa retraite commence dans le silence du recueillement et de la prière. Mais rien ne peut retenir cette communicante hors du commun, cette femme libre et généreuse.
Elle n'hésite donc pas à se mêler aux puissants et aux stars du show-biz.
Elle court d'un studio de télévision à un autre pour clamer, encore et toujours, la richesse de la pauvreté.
Sœur Sarah dirige alors l'entreprise caritative et continue seule le développement du bidonville de Mokattam.
Depuis, un lycée pour filles a été créé grâce à l'opération Orange et des écoles techniques ont été ouvertes pour les garçons. Un hôpital a même été construit grâce au prince Albert de Monaco.
En 22 années de présence, l'œuvre de Sœur Emmanuelle a permis de scolariser 85 % des enfants, de faire diminuer la violence et de permettre aux femmes de se libérer8.' un Orange et des écoles techniques ont été ouvertes pour les garçons.
Un hôpital a même été construit grâce au prince Albert de Monaco. En 22 années de présence, l'œuvre de Sœur Emmanuelle a permis de scolariser 85 % des enfants, de faire diminuer la violence et de permettre aux femmes de se libérer

Son action depuis la France

À son retour en France, Sœur Emmanuelle continue de se battre pour plus de solidarité.
Elle écrit des livres, notamment avec sa nièce Sofia Stril-River, rencontre des jeunes dans les lycées et les écoles, s'occupe également de l'association Les Amis de Paola à Fréjus en aide aux SDF et donne des conférences aux côtés de son association pour sensibiliser le public à l'engagement solidaire.
Parallèlement, Sœur Emmanuelle continue à donner un souffle à son association.
Elle lui transmet ses principes d'actions qui sont chaque jour mis en pratique sur le terrain :
"éduquer un homme c'est éduquer un individu, éduquer une femme, c'est éduquer un peuple".écrit soeur Emmanuelle.
En 1995, avec Geneviève de Gaulle-Anthonioz, elle est à l'origine de l'orientation de la campagne présidentielle de Jacques Chirac sur le thème de la fracture et de l'exclusion sociale.
Le 1er janvier 2002, Sœur Emmanuelle est promue par Jacques Chirac au grade de commandeur de la Légion d'honneur avant d'être élevée, par Nicolas Sarkozy, le 31 janvier 2008 grand officier de la Légion d'honneur.
En Belgique elle devint en 2005 grand officier dans l'Ordre de la Couronne. Elle joint le comité d'honneur de Philanthropos, institut d'études anthropologiques fondé en 2003 par le père Nicolas Buttet.

Depuis 1993, elle vivait à la Maison de repos des religieuses de Notre-Dame de Sion à Callian dans le département du Var, où elle est décédée le 20 octobre 2008 à l'âge de 99 ans.

Elle a été inhumée dans la plus stricte intimité, selon ses propres volontés, le 22 octobre 2008 au cimetière de Callian. Le même jour a eu lieu à Paris en la cathédrale Notre-Dame une messe requiem pour lui rendre un hommage collectif.
Le lendemain, le 23 octobre 2008 avait lieu à Bruxelles en la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule une messe commémorative. Les textes et les chants avaient été choisis par Sœur Emmanuelle elle-même quelques mois plus tôt pour ce qui aurait dû être normalement une messe à l'occasion de son centenaire.
Le roi Albert II des Belges ainsi que le prince Laurent et la princesse Claire ont assisté à la cérémonie. Les chants y ont été interprétés par une jeune chorale belge : "la Schola".
Plusieurs membres de cette chorale font partie de l'association belge "Les Amis de Sœur Emmanuelle".
Les Mémoires de Sœur Emmanuelle paraissent dans le livre Confessions d'une religieuse le 23 octobre 2008, rédigés depuis près de vingt ans et publiés après sa mort, selon ses dernières volontés.
Aujourd'hui, une éventuelle possibilité de Procès en Béatification pourrait être ouverte pour le cas de Sœur Emmanuelle

Association et fondation

Afin de poursuivre son œuvre à plus grande échelle, Sœur Emmanuelle a fondé l'association « Les Amis de Sœur Emmanuelle » (devenue ASMAE - association Sœur Emmanuelle) et à l'initiative des Amis de Sœur Emmanuelle Belge (ASBL) a été créée la « Fondation Sœur Emmanuelle ».

ASMAE - Association Sœur Emmanuelle

Article détaillé : ASMAE - Association Sœur Emmanuelle.
Afin de la soutenir dans son œuvre, de développer des actions humanitaires en Égypte et dans d'autres pays comme le Sénégal, le Liban, le Soudan, etc. et d'assurer sa relève, Sœur Emmanuelle a fondé deux associations, Les Amis de sœur Emmanuelle en 1980 et ASMAE en 1985, qui ont fusionné en 1987.

Fondation Sœur Emmanuelle

Article détaillé : Fondation Sœur Emmanuelle.
Fondation créée en 1993 à l'initiative des Amis de Sœur Emmanuelle, de l'université catholique de Louvain et de la Katholieke Universiteit Leuven. Un prix est donné tous les deux ans à une œuvre qui va dans le sens de l'action de Sœur Emmanuelle en faveur des femmes, des enfants et des plus défavorisés.

Elle court d'un studio de télévision à un autre pour clamer, encore et toujours, la richesse de la pauvreté. Jusqu'à sa mort, le 20 octobre 2008.

Œuvres

œuvres écrites par Sœur Emmanuelle

Sœur Emmanuelle (préf. Jean-Marie Cavada), Chiffonnière avec les chiffonniers, Ivry-sur-Seine, Éditions de l'Atelier, 1989 et 2007 (ISBN 978-2-7082-3900-5)
Sœur Emmanuelle, Une vie avec les pauvres, Paris, Éditions de l'Atelier, 1991 (ISBN 978-2-7082-2897-9)
Sœur Emmanuelle, Yalla, en avant les jeunes, Paris, LGF - Livre de Poche, 1999 (ISBN 978-2-253-14567-7)
Sœur Emmanuelle, Les Mots du Rosaire, Arles, Actes Sud, 2001 (ISBN 978-2-7427-3442-9)
Sœur Emmanuelle, Un pauvre a crié, le Seigneur l'écoute, Paray-le-Monial, Emmanuel, 2005 (ISBN 978-2-915313-50-5)
Sœur Emmanuelle, Vivre, à quoi ça sert ?, Paris, J'ai lu, 2005, 149 p. (ISBN 978-2-290343-66-1)
Sœur Emmanuelle, Agenda 2009. Une année avec Sœur Emmanuelle, Presses de la Renaissance, 21 août 2008 (ISBN 978-2-7509-0436-4)
Sœur Emmanuelle, 365 Méditations de Sœur Emmanuelle, Paris, Presses de la Renaissance, 9 octobre 2008 (ISBN 978-2-7509-0435-7)
Sœur Emmanuelle, Je Te Salue Marie, Bordeaux, Elytis, 15 octobre 2008 (ISBN 978-2-35639-007-3)
Sœur Emmanuelle, Les Confessions d'une religieuse, Flammarion, 23 octobre 2008 (ISBN 978-2-08-212519-2

Œuvres en collaboration avec sœur Emmanuelle

Sofia Stril-Rever et Matthieu Ricard (préf. Sœur Emmanuelle), Enfants du Tibet : De cœur à cœur avec Jetsun Pema et Sœur Emmanuelle, Desclée de Brouwer, 2000 (ISBN 978-2-220-04810-9)
Sœur Emmanuelle et Edmond Blattschen, L'Évangile des chiffonniers, Bruxelles, Alice, 2000 (ISBN 978-2-930182-30-8)
Sœur Emmanuelle et Philippe Asso, Richesse de la pauvreté, Paris, Flammarion, 2001 (ISBN 978-2-08-210054-0)
Sœur Emmanuelle et Marlène Tuininga, Jésus tel que je le connais, Paris, J'ai lu, 2003 (ISBN 978-2-290-32873-6)
Sœur Emmanuelle et Philippe Asso, Vivre, à quoi ça sert ?, Paris, Flammarion, 2004 (ISBN 978-2-08-210341-1)
Sœur Emmanuelle et Marlène Tuininga, Le Paradis, c'est les autres, Paris, J'ai lu, 2004 (ISBN 978-2-290-34315-9)
Sœur Emmanuelle et Sofia Stril-Rever, La Folie d'Amour. Entretiens avec sœur Emmanuelle, Flammarion, 2005 (ISBN 978-2-08-210528-6)
Jacques Duquesne, Annabelle Cayrol et Sœur Emmanuelle, J'ai 100 ans et je voudrais vous dire…, Plon, 20 août 2008 (ISBN 978-2-259-20921-2)
Sofia Stril-Rever, Mon testament spirituel:De Sœur Emmanuelle, Paris, Presses de la Renaissance, 2008 (ISBN 978-2-7509-0489-0)

Œuvres consacrées à Sœur Emmanuelle

Pierre Lunel (préf. Bernard Kouchner), Sœur Emmanuelle, la biographie, Paris, Anne Carrière, 2006 (ISBN 978-2-84337-364-0)
Sœur Emmanuelle, Mille et Un bonheurs : Méditations de Sœur Emmanuelle, Paris, Carnets Nord, 2007 (ISBN 978-2-35536-004-6)
Documentaire Sœur Emmanuelle, le cœur et l'esprit (réalisé par Elisabeth Kapnist) - diffusé sur France 5 en 2007.
Spectacle de Pierrette Dupoyet intitulé "L'Amour plus fort que la mort ou une Fleur chez les chiffonniers" (création Festival d'Avignon 1997)- texte paru aux Éditions La Traverse année 1999 = issn 1262-3423

Distinctions

Grand officier de la Légion d'honneur, en 2008 (France)
Commandeur de la Légion d'Honneur, en 2002 (France)
Officier de la Légion d'honneur en 1996 (France)
Grand officier dans l'ordre de la Couronne en 2005 (Belgique)
Officier de l'Ordre de Léopold en 1993 (Belgique)
Médaille d'Or de l'Académie de Médecine en 1995
Ordre du Mérite en 1980
Doctorat honoris causa de l'université catholique de Louvain en 1987
Remise en 1991 de la nationalité égyptienne par le président Moubarak en remerciement de son œuvre
En décembre 2005, elle est élue au 5e rang "du plus Grand Belge de tous les temps" par le public de la RTBF

Liens

http://youtu.be/MqEtgK7hs3s leçon de vie de soeur Emmanuelle
http://youtu.be/bmYt-iyE1sg interview sur KTO
http://youtu.be/7tcDxYu2yFM chez Pivot
http://youtu.be/z9BO3hAo6p0 PPDA parle de soeur Emmanuelle

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Posté le : 19/10/2013 18:57

Edité par Loriane sur 20-10-2013 12:57:52
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Arthur Rimbaud 1
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Le 20 Octobre 1854 naît Arthur Rimbaud Poète français ,inclassable issu du Parnasse et du romantisme laisse une oeuvre considérable en vers et en prose.
L'extraordinaire célébrité de Jean-Nicolas Arthur Rimbaud dit Arthur Rimbaud, l'évidente propagation d'un mythe que sa vie et son œuvre semblent avoir favorisé empêchent souvent d'estimer réellement ce qu'il fut.
Provoquant les admirations les plus sincères et les plus opposées, Claudel et les surréalistes, parfois même l'idolâtrie, il a pu donner lieu également à des jugements suspicieux, parmi lesquels, au premier chef, celui d'Etiemble, observateur scrupuleux du mythe, mais détracteur souvent partial du poète.

Adolescent rebelle, poète précoce et génial, Arthur Rimbaud est un phénomène de la littérature. Son abandon de la poésie à l’âge de vingt et un ans, puis sa disparition aux confins de l’Afrique et de l’Asie, ajoutent à l’attrait du personnage qu’il s’est créé et qui obsède l’époque moderne. Véritable "voyant" – suivant le terme qu’il a choisi – il exprime les vertiges de l’hallucination dans une langue audacieuse et pure, et apparaît comme un jalon essentiel entre romantisme et surréalisme.
Mieux vaut le restituer à son trajet inventif, conclu – on ne le sait que trop – par une distance prise vis-à-vis de la littérature qui d'ailleurs n'empêchera pas Rimbaud de poursuivre l'aventure de la fiction sous la forme de l'aventure géographique, ce qui marque de sa part moins de contradiction qu'on n'a bien voulu le croire.
Arthur Rimbaud écrit ses premiers poèmes à quinze ans. Lui, pour qui le poète doit être "voyant" et qui proclame qu'il faut "être absolument moderne", renonce subitement à l’écriture à l'âge de vingt ans.
Ses idées marginales, anti-bourgeoises et libertaires le poussent à choisir une vie aventureuse, dont les pérégrinations l’amènent jusqu’au Yémen et en Éthiopie, où il devient négociant, voire explorateur. De cette seconde vie, ses écritures consistent en près de cent quatre-vingts lettres : correspondance familiale et professionnelle et quelques descriptions géographiques.
Bien que brève, la densité de son œuvre poétique fait d'Arthur Rimbaud une des figures considérables de la littérature française.

Jeunesse

Né à Charleville en 1854, Rimbaud, fort tôt, dut constater l'absence de son père, militaire de carrière, qui s'était séparé de sa mère, Vitalie Cuif, une paysanne de Roche, alors qu'il n'avait que six ans.
Le père d'Arthur Rimbaud, Frédéric Rimbaud, est capitaine d'infanterie né à Dole, le 7 octobre 1814. Sa mère, Marie Catherine Vitalie Cuif, paysanne, est née à Roche, le 10 mars 1825. Ils se sont mariés le 8 février 1853 et habitent un appartement au 12 rue Napoléon. Son père militaire est souvent absent, le couple n’est réuni qu’au gré de rares permissions, le temps d’avoir cinq enfants : Jean Nicolas Frédéric, le 2 novembre 1853, Jean Nicolas Arthur, le 20 octobre 1854, Victorine Pauline Vitalie, le 4 juin 1857, celle-ci mourra le mois suivant, Jeanne Rosalie Vitalie, le 15 juin 1858 et Frédérique Marie Isabelle, le 1er juin 1860.
Après la naissance de cette dernière, le couple vivra séparé, car, désormais, le capitaine Rimbaud ne reviendra plus à Charleville.
Se déclarant veuve, la mère déménage avec ses enfants en 1861 pour habiter au 73 rue Bourbon, dans un quartier ouvrier de Charleville. En octobre, le jeune Arthur entame sa scolarité à l'institution Rossat où il récolte les premiers prix.
L'étroit milieu carolomacérien, où Mme Rimbaud fait figure de personnalité revêche et rigoriste, où l'enseignement du collège est dispensé par un personnel mêlé de laïcs et de prêtres, constitue le monde où il doit vivre.
Fin 1862, la famille déménage à nouveau pour un quartier bourgeois au 13 cours d’Orléans.
En 1865, Arthur entre au collège municipal de Charleville, où il se montre excellent élève ; collectionnant les prix d'excellence en littérature, version, thème… Il rédige en latin avec aisance, des poèmes, des élégies, des dialogues. Mais, comme cet extrait de son poème Les Poètes de sept ans5 le laisse imaginer, il bout intérieurement :
Tout le jour il suait d'obéissance ; très Intelligent ; pourtant des tics noirs, quelques traits, Semblaient prouver en lui d'âpres hypocrisies.
"Dans l'ombre des couloirs aux tentures moisies,
En passant il tirait la langue, les deux poings
À l'aine, et dans ses yeux fermés voyait des points."
En juillet 1869, il participe aux épreuves du Concours académique de composition latine sur le thème "Jugurtha", qu'il remporte facilement. Le principal du collège Jules Desdouets aurait dit de lui :
"Rien d'ordinaire ne germe dans cette tête, ce sera "le génie du Mal ou celui du Bien.". En obtenant tous les prix dès l’âge de quinze ans, il s'affranchit des humiliations de la petite enfance.
Pendant ces années il a comme ami Ernest Delahaye, avec qui il échange de nombreuses lettres.

La poésie

Enfant précoce, halluciné et d’une extrême sensibilité, il découvre alors le superbe antidote de la poésie par le biais d'exercices scolaires tout d'abord, notamment de compositions en vers latins où il excelle par son savoir et son invention : ce seront ses premiers textes publiés, dans le Bulletin de l'académie de Douai. Les recueils poétiques qu'on lui prête ou qu'il vole, les récents fascicules du Parnasse contemporain lui révèlent bientôt un autre univers.
Théodore de Banville, Gautier, Leconte de Lisle, autant de modèles qu'il admire et saura démarquer avec toute la vivacité de son génie, cependant que Hugo reste encore pour lui un inévitable sommet, dont il rejette l'emphase, mais retient la fantasia verbale.
Déjà, parmi toutes ces voix, il entend celle qui, irrésistiblement, l'appelle : l'étrangeté maléfique de Baudelaire. En 1870, l'heure est venue pour lui d'entrer plus avant en poésie, d'autant qu'un jeune professeur de vingt et un ans, Georges Izambard, assure maintenant les cours de littérature en classe de rhétorique. Confident et lecteur, Izambard donne son avis, encourage, éveille cet esprit hors du commun. Rimbaud, qui n'a pas seize ans, n'hésite pas à s'adresser au plus illustre Parnassien, Banville, auquel il envoie en mai une longue lettre et trois poèmes : Ophélie, un tableau de genre ; Sensation, deux quatrains où s'annonce son sens du vagabondage ; Credo in unam surtout, une sorte de grand manifeste en faveur du paganisme et de la traditionnelle beauté antique.
Si l'envoi ne lui vaut pas encore de figurer dans une des livraisons du Parnasse, il n'en persiste pas moins à écrire, cherchant sa voie, mais se sentant déjà soulevé par une révolte de vie. De cœur, Rimbaud appartient aux antibonapartistes. Il lit La Lanterne de Rochefort, rime avec acrimonie son Forgeron tout à la gloire de la crapule .
Cependant montent en lui, en même temps que cette révolte, les désirs sensuels ; des pièces charmantes le montrent amoureux d'espiègles fillettes. Mais dans ce lot brille déjà la très offensive Vénus anadyomène qui ne sort plus de la mer comme celle de Bouguereau, mais d'une baignoire, "Belle hideusement d'un ulcère à l'anus".
Le sarcasme fait tout naturellement partie de son langage, et il commence à camper toute une série de grotesques – bourgeois de "À la Musique, ecclésiastiques d'Un cœur sous une soutane".
Portée par les événements, sa colère trouve un aliment tout frais dans la politique du second Empire. La guerre franco-prussienne éclate en juillet 1870.
Un instant, il imagine Le Dormeur du Val, un jeune soldat mort.
Il profite du désastre de Sedan pour s'enfuir à Paris. Arrêté, libéré grâce à l'intervention d'Izambard, il se réfugie à Douai chez celui-ci ; il en profite pour mettre au point son premier recueil, qu'il confectionne à l'intention de Paul Demeny, familier d'un éditeur parisien tenant la Librairie artistique. Après un prompt retour à Charleville, une autre fugue en octobre inaugure sa profonde bohémiennerie.

Poésie et voyance

Les mois suivants sont voués au désœuvrement. Les courses à travers bois et campagne remplacent des études dont il voit mal la nécessité. Cet état de vacances favorise sa création qui tend à une frénésie sombre.
Sous ses yeux, le milieu social se réduit à des caricatures : Les Douaniers, Les Assis. Le bon élève tend au voyou.
En février 1871, il n'y tient plus et fugue de nouveau à Paris où il vit au petit bonheur une dizaine de jours. Son retour à Charleville le replonge dans sa "cité supérieurement idiote" ; mais il apprend bientôt la proclamation de la Commune.
Sa poésie en ressent une accélération offensive.
On ne comprendrait pas, sinon, les lettres dites "du voyant" qu'il envoie, l'une le 13 mai, à Izambard, l'autre, le 15 mai, à Demeny. Elles ne peuvent se concevoir, en effet, sans l'urgence ressentie d'un changement, d'une révolution en accord avec celle des "travailleurs" et qui, cette fois, concernerait le langage lui-même, chargé d'accéder à l'inconnu.
Ainsi se trouve amplifiée la figure du voyant, déjà connue avant lui, Balzac, Gautier, Hugo, Leconte de Lisle, mais à laquelle on n'avait pas encore accordé une place aussi déterminante. Plus ingénieuse, plus originale paraît la méthode qu'il préconise pour atteindre cet état :
"le long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens".
Une modification consciente des circuits émotifs, un désenclavement des façons d'être et de sentir.
Les lettres du voyant ne seront pas connues de leur temps ; elles n'auront donc aucune influence, même sur la génération symboliste ; mais leur publication tardive (1912-1928) touchera les dadaïstes, les surréalistes, les collaborateurs de la revue Le Grand Jeu.
La notion d'une poésie-vie ou action à côté d'une poésie-écriture en naîtra, fertile en malentendus, mais appliquée à faire de celui qui écrit un "esprit et un corps" » motivant le poème.
De ces lettres, on retiendra encore la fameuse formule du "Je est un autre", et les poésies qui les illustrent : Le Cœur supplicié, Chant de guerre parisien, Mes Petites Amoureuses, Accroupissements. De tels poèmes s'expliquent surtout par la volonté négative de leur auteur, tentant sciemment, par la voie noire, de trouver l'inconnu poétique, tout en "encrapulant" la langue et le sujet traité.

Que Rimbaud ait participé à la Commune ou non, le problème reste entier, il devra bien faire son deuil de celle-ci après la Semaine sanglante.
Seul, compris de lui-même, inspiré et furieux, il compose alors d'étonnantes vues psychologiques : Les Poètes de sept ans, où il s'observe dans son propre rôle, à la naissance même de son écriture, et Les Premières Communions, une exceptionnelle mise en scène de la puberté féminine soumise à la tyrannique pudeur du christianisme. Une nouvelle fois, il s'adresse à Banville et signe du narquois pseudonyme d'Alcide Bava un véritable art poétique carnavalesque : Ce qu'on dit au Poète à propos de fleurs.
Vers 1970, Izambard, qui a prévenu Vitalie Rimbaud de la présence de son fils à Douai, en reçoit la réponse : "…chassez-le, qu’il revienne vite!".
Pour calmer les esprits, il décide de raccompagner son élève jusqu'à Charleville.
À leur arrivée, l’accueil est rude : une volée de gifles pour le fils, une volée de reproches, en guise de remerciements, pour le professeur qui, ébahi, "s’enfuit sous l’averse".
Le 6 octobre, nouvelle fugue. Paris étant en état de siège, il part à Charleroi — il relate cette arrivée dans le sonnet, Au Cabaret-Vert, cinq heures du soir. Rêvant d’être journaliste, il tente, sans succès, de se faire engager comme rédacteur dans le Journal de Charleroi.
Dans l’espoir de retrouver Izambard, il se rend à Bruxelles puis à Douai où son professeur arrive quelques jours après, aux ordres de Vitalie Rimbaud, pour le faire revenir escorté de gendarmes. Ce fut fait le 1er novembre 1870.
Entre-temps, il s'était rendu chez Paul Demeny pour lui déposer les sept poèmes composés au cours de ce dernier périple (des versions antérieures seront remises au parnassien, Théodore de Banville et à Izambard).
Le 10 juin 1871, Rimbaud écrira à Demeny : "… brûlez tous les vers que je fus assez sot pour vous donner lors de mon séjour à Douai".
Ceux-ci seront répertoriés par les biographes sous l’appellation de Recueil de Douai ou "Recueil Demeny".
Rimbaud parviendra toutefois à publier dans Le Progrès des Ardennes du 25 novembre 1870, un récit satirique, Le Rêve de Bismarck, sous le pseudonyme de Jean Baudry. Rimbaud y développe, après Victor Hugo, la symbolique d'une ville de Paris qui est la lumière de la Révolution et qui sera autrement difficile à combattre pour les Prussiens. Rimbaud prédit que Bismarck s'y brûlera le nez.

Paris sous la Commune

La réouverture du collège est retardée d'octobre 1870 à avril 1871.
En février 1871, à l'issue du siège de Paris, Rimbaud fait une nouvelle fugue vers la capitale. La situation politique du pays est tendue et Rimbaud cherche à entrer en contact avec de futurs communards comme Jules Vallès et Eugène Vermersch, mais aussi avec le milieu des poètes ; il rencontre aussi le caricaturiste André Gill.
Rimbaud revient à Charleville avant le début de la Commune. Plusieurs témoignages prétendent qu'il est retourné à Paris à ce moment-là, bien que ceci reste impossible à démontrer dans l'état actuel des recherches. Quoi qu'il en soit, le poète a ressenti très profondément la tragédie de la Commune.
Dans un poème violent, L'orgie parisienne ou : Paris se repeuple, il dénonce la lâcheté des vainqueurs.
Sa poésie se radicalise encore, devient de plus en plus sarcastique : Les Pauvres à l’Église, par exemple. L'écriture se transforme progressivement. Rimbaud en vient à critiquer fortement la poésie des romantiques et des Parnassiens, et dans sa lettre à Izambard du 13 mai 1871, il affirme son rejet de la poésie subjective.
C'est également dans la lettre dite du Voyant, adressée le 15 mai à Paul Demeny, qu'il exprime sa différence en exposant sa propre quête de la poésie : il veut se faire voyant, par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens.
Selon Paul Verlaine, Rimbaud a composé son plus beau poème en vers suite à la semaine sanglante : "Les Veilleurs" ; son sujet était la douleur sacrée causée par la chute de la Commune.
Des lettres, des poèmes convainquent l'auteur déjà réputé des Fêtes galantes du génie de ce jeune homme dont il aime à distance l'âpre "lycanthropie".
Il lui dit de venir à Paris. Moment crucial dans l'existence de Rimbaud. Pour mieux assurer son élan, celui-ci compose Le Bateau ivre où il multiplie surprises et virtuosités.

Vilains Bonshommes

En automne et au début de l'hiver de 1871, Rimbaud fait partie d'un petit cercle fondé par Charles Cros, les Zutistes ; à maintes reprises, il collabore à leur Album, le couvrant de "Vieux Coppées" pornographiques et d'un long poème de la plus stupéfiante venue, Les Remembrances du vieillard idiot, pitié du sexe voué à ses obsessions les plus noires. De la même période daterait le Sonnet des voyelles, projections d'images et d'analogies, alpha et oméga du monde.
Il est difficile de situer le début de la relation épistolaire avec Verlaine. Celui-ci prétend avoir reçu très peu de courriers et ne parle que de l'envoi des Premières communions et des Effarés.
Charles Bretagne met Rimbaud en contact avec son ami Paul Verlaine et un courrier a dû sceller le prochain départ de Rimbaud pour Paris vers le mois d'août.
En août 1871, dans son poème parodique, Ce qu'on dit au poète à propos de fleurs, Rimbaud exprime une critique ouverte de la poétique de Banville. Finalement Verlaine l'appelle à Paris : "Venez chère grande âme, on vous appelle, on vous attend !"
Bien que brillant élève, Arthur Rimbaud ne retournera pas au collège.
Il arrive dans la capitale vers le 15 septembre 1871. Il est présenté et très bien accueilli par ses pairs plus âgés, au dîner des Vilains Bonshommes le 30 septembre. Il y rencontre une part essentielle des grands poètes de son temps. Il est successivement logé par Verlaine, rue Nicolet, non sans heurts avec la femme de ce dernier, puis chez Charles Cros, André Gill, Ernest Cabaner et même quelques jours chez Théodore de Banville.
Le 20 octobre de cette année, Rimbaud a tout juste dix-sept ans. Il a atteint sa maturité poétique comme en témoignent plusieurs chefs-d'œuvre comme Les Premières communions et Le Bateau ivre.
En mars 1872, les provocations de Rimbaud excèdent le milieu parisien depuis quelque temps. L'incident Carjat au dîner des Vilains Bonshommes du 2 mars 1872 fut la goutte qui fait déborder le vase. Rimbaud complètement saoul y a blessé le célèbre photographe d'un coup de canne-épée. Pour sauver son couple et rassurer ses amis, Verlaine se condamne à éloigner Rimbaud de Paris.
Rimbaud se fait oublier quelque temps en retournant à Charleville, puis revient dans la capitale dans le courant du premier semestre 1872 pour de nouveau quitter Paris le 7 juillet, cette fois en compagnie de Verlaine. Commence alors avec son aîné une liaison amoureuse et une vie agitée à Londres, puis à Bruxelles.
Depuis son arrivée à Paris, Rimbaud semble avoir obtenu l'adhésion d'un aréopage qui lui était tout acquis, à vrai dire, celui des Vilains Bonshommes, société quasi bachique des meilleurs poètes du temps que Mallarmé ne dédaignait pas d'honorer de sa présence.
Mais les scandales n'en finiront pas de naître sur les pas du nouveau messie qui prend un malin plaisir à déstabiliser le ménage de Verlaine et de Mathilde récemment mariés. Le tort ne lui revenait pas uniquement, et il est fort vraisemblable que Verlaine, faune libertin, le convertit à l'homosexualité.
En 1872, Verlaine souhaitant "retaper" son couple, Rimbaud doit regagner sa province.
Bardé de rancœurs, le voici à revenu à l'ancre à Charleville. La recherche du naïf semble caractériser les poésies qu'il écrit alors.
Certes, on n'a que des présomptions touchant ces textes qui, grosso modo, correspondraient à ceux que, par la suite, on publiera sous le titre de "Vers nouveaux et chansons" ou "Derniers Vers".
Une étrangeté tissue de solitude s'en dégage. Citons Larme, La Rivière de Cassis, Comédie de la soif, Éternité. Rimbaud, libéré des influences parnassiennes, avance dans un domaine vierge où murmure la voix de son altérité.
De retour à Paris dès le mois de mai 1872, il tente une ultime fois d'entraîner Verlaine à sa suite pour trouver "le lieu et la formule". Il y réussit.
En juillet, les deux hommes franchissent la frontière. La Belgique, pour eux, devient terre de poésie, en attendant mieux.
Quelques poèmes en naissent, libres, détachés. Mais le goût de l'errance les pousse plus loin. Ils s'installent à Londres, où ils vont surtout fréquenter les communards exilés. Le couple semble traverser maintes crises. Une première fois, Rimbaud revient en France à la fin de l'année 1872, laissant Verlaine.
Mais il le rejoindra en janvier. On ignore, à vrai dire, ses moindres occupations. C'est en avril-mai 1873, en fait, alors qu'il est revenu momentanément à Roche, la ferme maternelle, et que Verlaine, de son côté, habite Jehonville dans le Luxembourg belge, qu'il semble avoir la première idée de ce qui deviendra Une saison en enfer. Mais l'enfer n'avait pas été tout à fait vécu.
À la fin de mai 1873, les deux amis, réconciliés, regagnent Londres, pour peu de temps du reste, car une nouvelle brouille les sépare. Verlaine s'en va à Bruxelles. Rimbaud, seul, inquiet, décide de le rejoindre. L'histoire finira mal : coup de revolver contre Rimbaud, le 13 juillet, arrestation, puis condamnation de Verlaine et incarcération. Cependant, Rimbaud, remis de sa blessure, retourne à Roche où il achève Une saison en enfer, son "carnet de damné " qui, publié chez Poot et Cie, Alliance typographique – une maison d'édition spécialisée dans les ouvrages judiciaires –, paraît, grâce aux deniers avancés par Mme Rimbaud en octobre 1873, à Bruxelles, dans la plus grande clandestinité.
Seuls cinq ou six amis recevront cet opuscule, la quasi-totalité du tirage restant chez l'éditeur où on la retrouvera en 1901. En octobre 1873, la vie littéraire de Rimbaud est apparemment finie. Pourtant, rencontrant à Paris un jeune poète : Germain Nouveau, il convainc celui-là de le suivre.
Un séjour en Angleterre n'apportera rien aux deux compagnons ; G.Nouveau part au bout de deux mois.
On sait toutefois que quelques-unes des Illuminations furent alors recopiées – ce qui montre l'intérêt que Rimbaud continuait d'accorder à la littérature, même après l'"Adieu" formulé par Une saison en enfer.

Une aventure vraie ?

La suite de la vie de l'ancien "voyant" ne laisse plus de place aux effets de l'art – qu'il semble avoir définitivement abandonnés.
Il veut être précepteur, ingénieur ; le commerce et les sciences l'attirent, comme si la modernité se confondait avec ces activités.
En mars 1875, à Stuttgart où il étudie la langue allemande, il revoit pour la dernière fois Verlaine venu là tout exprès.
C'est au cours de ces retrouvailles qu'auraient été communiqués certains feuillets des Illuminations, à charge pour le "pauvre Lélian" soit Verlaine de les transmettre à G.Nouveau qui les aurait fait imprimer ! Nous devons nous contenter de ces vagues informations.
La même année, vagabondant en Italie avec l'intention d'aller jusqu'à Brindisi et de s'embarquer pour la Grèce, Rimbaud, éprouve encore le besoin de demander à son ami Ernest Delahaye "Une saison en enfer".
Dans quel dessein ? On l'ignore. Les années ultérieures seront marquées par de perpétuels déplacements – Vienne, Java, Stockholm, Chypre... – qu'il serait vain de rappeler si l'on ne devait penser qu'ils forment un véritable supplément à son odyssée spirituelle. On s'expliquerait mal sinon ce constant désir d'aller plus loin, comme si l'horizon géographique sans cesse repoussé devait livrer un secret, résoudre l'énigme de sa vie.

Rimbaud voyageur

Fin mars 1875, il quitte Stuttgart avec, maintenant, l’envie d’apprendre l’italien.
Pour ce faire, il traverse la Suisse en train et, par manque d’argent, franchit le Saint-Gothard à pied.
À Milan, une veuve charitable lui offre opportunément l'hospitalité. Il y reste une trentaine de jours puis reprend la route. Victime d’une insolation sur le chemin de Sienne, il est soigné dans un hôpital de Livourne puis est rapatrié le 15 juin, à bord du vapeur Général Paoli. Débarqué à Marseille, il est à nouveau hospitalisé quelque temps.
Après ces aventures "épastrouillantes" dixit Ernest Delahaye, il annonce à ce dernier son intention d’aller s’engager dans les carlistes, histoire d’aller apprendre l’español, mais ne la concrétisera pas.
Redoutant les remontrances de "la Mother", il traîne des pieds en vivant d’expédients dans la cité phocéenne.
Il fera son retour à Charleville mi-août où, entre-temps, sa famille a changé de logement.
Cette année-là, à l’instar de son ami Delahaye, Rimbaud envisage de passer son baccalauréat ès science avec l’objectif de faire Polytechnique, ce qu’il ne peut réaliser, car vingt ans est l’âge limite pour y accéder et, en cet automne 1875, il en a vingt et un.
Nouvelle foucade : il suit des cours de solfège et de piano et obtient le consentement de la mère pour installer l’instrument au logis.
À ce moment, Verlaine, qui reçoit des nouvelles de Rimbaud par l’échange d’une correspondance assidue avec Delahaye, est en demande d’anciens vers d’Arthur.
"Des vers de Lui ? Il y a beau temps que sa verve est à plat. Je crois même qu’il ne se souvient plus du tout d’en avoir fait"
Le 18 décembre 1875, sa sœur Jeanne Rosalie Vitalie meurt à dix-sept ans et demi d’une synovite tuberculeuse.
Le jour des obsèques, les assistants regardent avec étonnement le crâne rasé du fils cadet.
Vers l’Orient

Rimbaud aventurier

À partir de 1880, Rimbaud rayonne dans le même espace – fort vaste il est vrai : Aden, les ports de la mer Rouge, Harar, l'Abyssinie.
Mais d'autres noms brillent à sa pensée : Zanzibar, le canal de Panamá et même le Japon. Il va bientôt gagner la ville de Harar, dans la corne orientale de l'Afrique qui semble au fil des années lui avoir offert le hâvre le plus supportable.
Agent d'un comptoir, il mène une vie presque ascétique. Ses lettres trahissent le sentiment d'une fatalité, d'un destin négatif qu'il doit suivre jusqu'au bout, coûte que coûte, subissant la loi du travail, attaché à l'or et misérablement ébloui par la perspective d'un lointain repos qu'il sait trop bien se confondre avec la mort. Parfois, ce Rimbaud perdu prend les dimensions d'un véritable aventurier, reconnaissant de nouveaux territoires l'Ogadine ou, plus tard, la route d'Ankober à Harar, ou bien se lançant dans des expéditions au long cours comme celle qu'il tente en 1886 pour, depuis Tadjourah, livrer à Ménélik, roi du Choa, plusieurs milliers de vieux fusils.

Salatiga

Après avoir mûri quelques solutions pour découvrir d’autres pays à moindres frais, il reprend la route en mars 1876, pour se rendre en Autriche. Le périple envisagé tourne court : à Vienne, dépouillé par un cocher puis arrêté pour vagabondage, il est expulsé du pays et se voit contraint de regagner Charleville.
Aux environs de mai, il repart. Cette fois, en direction de Bruxelles. S’est-il fait racoler par les services d’une armée étrangère ? Toujours est-il qu’il se présente, au bureau de recrutement de l’armée coloniale néerlandaise, pour servir dans les colonies indiennes.
Muni d’un billet de train, il aboutit – après un contrôle à la garnison de Rotterdam – dans la caserne d’Harderwijk, le 18 mai, où il signe un engagement pour six ans.
Le 10 juin, Rimbaud et les autres mercenaires, équipés, formés, riches de leur prime, 300 florins au départ du bateau, trois cents florins à l'arrivée à destination et chargés de réprimer une révolte dans l’île de Sumatra, sont transportés à Den Helder, pour embarquer à bord du Prins van Oranje, direction Java, dans ce qui était alors les Indes néerlandaises, et aujourd'hui l'Indonésie.
Après une première escale à Southampton et le contournement de Gibraltar, le voyage connaît quelques désertions lors d’escales ou passages près des côtes : Naples, Port-Saïd, traversée du canal de Suez, Suez, Aden et Padang. Le 23 juillet, le vapeur accoste à Batavia, aujourd'hui Jakarta.
Une semaine après, les engagés reprennent la mer jusqu’à Semarang dans le centre de Java pour être acheminés en train puis à pied jusqu’à la caserne de Salatiga.
En possession de la seconde partie de sa prime, goûtant peu la discipline militaire, Rimbaud déserte.
Quelques semaines lui sont nécessaires pour se cacher et retourner à Semarang où il se fait enrôler sur le Wandering Chief, un voilier écossais qui appareille le 30 août pour Queenstown, en Irlande.
Au bout d’un mois de mer, le navire essuie une tempête en passant le cap de Bonne-Espérance. La mâture détériorée, il continue néanmoins sa route sur Sainte-Hélène, l’île de l’Ascension, les Açores… Arrivé à bon port le 6 décembre, "Rimbald le marin", comme le surnommera Germain Nouveau, quand il le rencontrera à Paris, poursuit par les étapes suivantes : Cork, Liverpool, Le Havre, Paris et toujours pour finir... à Charlestown.

L’Homme aux semelles de vent

La belle saison revenue, Arthur Rimbaud quitte à nouveau Charleville en 1877.
Son entourage et ses amis peinent à suivre son itinéraire durant cette année. Les seules sources de renseignements, souvent contradictoires, viennent de son ami Ernest Delahaye et de sa sœur Isabelle.
Seule certitude : sa présence à Brême où il a rédigé une lettre en anglais le 14 mai, au consul des États-Unis d’Amérique. Lettre signée John Arthur Rimbaud, et dans laquelle il demande à quelles conditions il pourrait conclure un engagement immédiat dans la Marine américaine, en faisant valoir sa connaissance des langues anglaise, allemande, italienne et espagnole.
Il ne reçut apparemment pas de réponse favorable, car, selon Delahaye, il se serait rendu à Cologne puis à Hambourg, pour divers projets inaboutis.
Le 16 juin, ce dernier écrit à Verlaine : Du voyageur toqué pas de nouvelles. Sans doute envolé bien loin, bien loin… Le 9 août, le même épistolier informe son ami Ernest Millot qu’il a été signalé dernièrement à Stockholm, puis à Copenhague, et pas de nouvelles depuis.
Dix-neuf ans plus tard, Delahaye rapportera dans une lettre à Paterne Berrichon, du 21 août 1896, qu’à Hambourg,
"Arthur s’engagea dans la troupe du cirque Loisset, comme interprète, il passa ainsi à Copenhague, puis à Stockholm d’où rapatrié par consul français."
Pour sa part, Isabelle Rimbaud, réfutera l’épisode du cirque, mais citera un emploi dans une scierie en Suède dans une lettre du 30 décembre 189632 à Paterne Berrichon, qu'elle épousera ensuite. Isabelle révélera également que son frère « visita les côtes du Danemark, de la Suède et de la Norvège, puis revint par mer jusqu’à Bordeaux, sans passer le moins du monde par Hambourg33 ».
Après une halte à Charleville, Rimbaud se rend à Marseille en septembre où il embarque pour Alexandrie en Égypte. Pris de douleurs gastriques, peu après le début de la traversée, il est débarqué à Civita-Vecchia, en Italie. Retour à Marseille et direction les Ardennes pour y passer l’hiver.
Vers cette période, Vitalie Rimbaud habite à Saint-Laurent, dans une propriété héritée de sa famille, les Cuif.
Si l’on fait abstraction d’hypothétiques témoignages, voyage à Hambourg et périple en Suisse pour Berrichon, vu dans le quartier latin, vers Pâques par un ami d’Ernest Delahaye, Les neuf premiers mois de l’année 1878 ne sont pas plus riches de renseignements fiables que ceux de l’année précédente.
En avril, les fermiers de Roche ne désirant pas renouveler leur bail, Vitalie Rimbaud s’installe définitivement dans la ferme pour la diriger.
Fin juillet, Ernest Delahaye écrit : L'homme aux semelles de vent est décidément lavé. Rien de rien.
Pourtant, Arthur revient et participe aux moissons auprès de son frère Frédéric, de retour de ses cinq années d’armée.
Le 20 octobre, jour de ses vingt-quatre ans, Rimbaud reprend la route ; passe les Vosges, franchit le Saint-Gothard sous la neige, traverse l’Italie jusqu’à Gênes.
Le dimanche 17 novembre, dans un dernier élan littéraire, il décrit les péripéties de son périple dans une longue lettre à sa famille. Le même jour, son père meurt à Dijon.
Le 19 novembre, Rimbaud s'embarque pour Alexandrie. Arrivé vers le 30 novembre, il se met à chercher du travail. Un ingénieur français, lui propose de l'employer sur un chantier situé sur l’île anglaise de Chypre. Pour conclure l'affaire, il demande un indispensable certificat de travail à sa mère, lettre écrite d’Alexandrie, en décembre 1878.
Le 16 décembre, le voilà chef de chantier à 30 kilomètres à l’est du port de Larnaca, dans l'entreprise Ernest Jean & Thial fils. Chargé de diriger l’exploitation d’une carrière de pierres, il tient les comptes et s’occupe de la paie des ouvriers, lettre à sa famille du 15 février 1879.
En 1879, atteint de fièvres paludisme ?, il quitte Chypre muni d’une attestation de travail, datée du 28 mai37. En convalescence à Roche, il se rétablit suffisamment pour apporter son aide aux moissons d’été.
Après une ultime visite de son ami Delahaye en septembre, Arthur n’attend pas la saison froide et part avec l’intention de retourner à Alexandrie.
Repris par un accès de fortes fièvres à Marseille, il se résout à passer l’hiver dans sa famille – hiver qui se révélera particulièrement rigoureux.
Sa santé recouvrée en mars 1880, le voilà de nouveau à Alexandrie.
Ne trouvant pas d’emploi, il débarque à Chypre. Ses anciens employeurs ayant fait faillite, il réussit à décrocher un travail de surveillant dans un chantier de construction. "Il s'agit de la future résidence d'été du gouverneur anglais, que l'on bâtit au sommet des monts Troodos", lettre aux siens, du 23 mai 1880.
À la fin du mois de juin, Arthur Rimbaud quitte l’île "après des disputes … avec le payeur général et son ingénieur," lettre aux siens du 17 août 1880. Rendu dans le port d'Alexandrie, Rimbaud n'envisage plus de retour en France.

Corne d' Afrique et Arabie

Après avoir navigué le long du canal de Suez jusqu’en mer Rouge, en cherchant du travail dans différents ports : Djeddah, Souakim, Massaouah, lettre à sa famille du 17 août 1880… À Hodeidah, au Yémen, où il tombe à nouveau malade, il rencontre Trébuchet, un représentant d’une agence marseillaise importatrice de café.
Constatant qu’il connaît suffisamment la langue arabe, ce dernier lui conseille de se rendre à Aden en le recommandant à P. Dubar, un agent de la maison Mazeran, Viannay, Bardey et Cie.
L’exportation de café connaissait un commerce florissant grâce à quoi le port de transit de Moka avait connu son heure de gloire avant qu’il fut supplanté par Hodeidah.
Après avoir débarqué à Steamer Point, le port franc anglais d’Aden, Arthur Rimbaud entre en contact avec Dubar, adjoint d’Alfred Bardey, parti explorer le continent africain pour implanter une succursale.
Après quelques jours d’essai, Rimbaud est embauché le 15 août 1880 comme surveillant du tri de café.
" Aden est un roc affreux, sans un seul brin d’herbe ni une goutte d’eau bonne : on boit de l’eau distillée. La chaleur y est excessive.", Lettre à sa famille du 25 août 1880.
Ayant le sentiment de se faire exploiter, Rimbaud compte partir à Zanzibar ou sur les côtes d’Abyssinie après avoir gagné suffisamment d’argent, lettre à sa famille du 22 septembre 1880. Revenu en octobre, Bardey lui propose de seconder Pinchard, l’agent du comptoir qu’il vient d’établir au Harar, une région d’Éthiopie colonisée par les Égyptiens. Un contrat de trois ans est signé le 10 novembre.
Accompagné du Grec Constantin Rhigas, un employé de Bardey, la traversée du golfe d’Aden se fait les jours suivants.

Premier séjour au Harar

En terres africaines, Rimbaud et son acolyte forment une caravane pour transporter des marchandises pour le Harar. Ils doivent parcourir trois cent cinquante kilomètres : traverser le territoire des Issas — réputés belliqueux — puis entrer dans celui des Gallas où les attaques ne seront plus à craindre.
Les portes de la cité fortifiée de Harar sont franchies en décembre
" après vingt jours de cheval à travers le désert somalien", lettre à sa famille du 13 décembre 1880, ils sont accueillis dans l’agence Bardey par l’agent Pinchard et un autre employé grec, Constantin Sotiro.
La tenue des comptes et la paie des démarcheurs lui sont imparties. Le 15 février 1881 il relate aux siens en quoi consiste le commerce :
"des peaux …, du café, de l’ivoire, de l’or, des parfums, encens, musc, etc" ,
leur fait part de ses déceptions : " je n’ai pas trouvé ce que je présumais …Je compte trouver mieux un peu plus loin ". Se plaint aussi d’une maladie qu’il aurait " pincée".
En mars, Pinchard, atteint de paludisme, s’en va. Rimbaud assure l’intérim du comptoir jusqu’à l’arrivée d’Alfred Bardey. Bardey arrive avec l’idée d’ouvrir un magasin de produits manufacturés. Ainsi, les indigènes venant vendre leur récolte de café dépensent leur argent en achetant toutes sortes d’ustensiles.
Arthur Rimbaud ayant toujours des velléités de fuites, Zanzibar, Panamá, son patron l’envoie faire des expéditions commerciales à partir du mois de mai.
Ces campagnes, dans des régions jamais explorées par les Européens, pour des trocs de cotonnades et bibelots contre peaux ou autres s’avèrent risquées et peu rentables.
Revenu épuisé à chaque fois, Rimbaud est à nouveau frappé de fièvre tout l’été.
Le 22 septembre, déçu de n’avoir pas été promu directeur de l’agence, il annonce à sa famille qu’il a donné sa démission, il y a une vingtaine de jours.
Cependant, son contrat s’achève dans deux ans…
Suite aux missives qu’il reçoit de Roche, concernant sa période militaire qui n’est pas réglée et, pour pallier d’éventuelles difficultés qu’il rencontrerait pour se rendre dans d’autres pays, il fait valoir sa situation auprès du consul de France à Aden.
De son côté, Alfred Bardey part pour le siège lyonnais de la société aux environs du début octobre. Le frère de celui-ci devant venir le remplacer, Rimbaud gère à nouveau le comptoir en l’attendant.
Pierre Bardey arrivé, Rimbaud quitte Harar en décembre.
Après le retour d’Arthur Rimbaud à la factorerie d’Aden, c’est au tour d’Alfred Bardey de revenir en février 1882 suite au départ de P. Dubar pour la France (Lyon). Rimbaud en vient donc à seconder son patron durant toute l'année.
En septembre il commande tout le matériel nécessaire pour faire des photographies, car il compte partir pour le Choa, en Abyssinie afin de réaliser un ouvrage sur cette contrée inconnue avec cartes, gravures et photographies et le soumettre à la Société de géographie de Paris dont Alfred Bardey est membre. Ce projet ne verra pas le jour, car, à défaut de Choa, un retour au Harar est prévu pour janvier 1883 ; il l’annonce à sa famille le 3 novembre.
Le début de l’année 1883 est marqué par une rixe entre Rimbaud et un magasinier indigène qui lui manque de respect. Ce dernier porte alors plainte pour coups et blessures.
Rimbaud évite la condamnation grâce à l’intervention du vice-consul, à qui il avait aussitôt écrit pour résumer les faits et solliciter sa protection : lettre à Monsieur de Gaspary, vice-consul de France à Aden, du 28 janvier 1883.
De plus, son patron se porte garant de son comportement à venir.
Son contrat — finissant en novembre — est renouvelé jusqu’à fin décembre 1885 et son prochain départ pour Zeilah est fixé pour le 22 mars, lettre à sa famille du 20 mars 1883.

Deuxième séjour au Harar

Arrivé à Harar en avril, Rimbaud remplace Pierre Bardey, destiné à succéder à son frère à Aden.
Dans une lettre écrite le 6 mai à sa famille, il formule quelques réflexions sur sa vie actuelle, son avenir. Il songe à se marier, à avoir un fils. Il joint aussi ses premiers travaux photographiques : trois portraits en pied de lui-même.
Secondé par Constantin Sotiro, Rimbaud prend l’initiative de l’envoyer explorer l’Ogadine dont il transcrira les notes à son retour en août pour en rédiger un texte descriptif que Bardey expédiera à la Société de géographie de Paris.
Intitulé Rapport sur l’Ogadine, par M. Arthur Rimbaud, agent de MM. Mazeran, Viannay et Bardey, à Harar, Afrique orientale, ce mémoire, dans lequel les mérites de Sotiro sont quelque peu occultés, sera publié par la Société de géographie en février 1884 et sera apprécié par les géographes français et étrangers.
À Paris, Verlaine publie une étude accompagnée de poèmes sur le poète Rimbaud, dans la revue Lutèce du 5 octobre au 17 novembre. Cette étude paraîtra l’année suivante dans l’ouvrage Les Poètes maudits.
Au Harar, plusieurs caravanes de marchandises sont organisées jusqu’au moment où les répercussions de la guerre des Mahdistes, contre les occupants Égyptiens et les Anglais obligent la société à abandonner le comptoir de Harar.
L’évacuation de la cité est organisée par le gouverneur d’Aden, le major Frederick Mercer Hunter, arrivé en mars, à la tête d’une colonne d’une quinzaine de soldats. L’officier britannique, insatisfait de l’hébergement offert par le pacha d’Égypte, provoque un scandale en préférant loger dans la maison de Rimbaud.
Le retour pour Aden se fait en compagnie de Djami Wadaï, son jeune domestique abyssin, et de Constantin Sotiro43.
La société Mazeran, Viannay, Bardey et Cie tombée en faillite, Rimbaud est licencié et se retrouve sans travail. Cependant, selon les termes de son contrat, il a reçu une indemnité de trois mois d’appointements, jusqu’à fin juillet. » et espère la réussite de Bardey, parti en France « pour rechercher de nouveaux fonds pour continuer les affaires, lettre aux siens du 5 mai 1884.
Pendant cette période de désœuvrement, il vit avec une Abyssine chrétienne, prénommée Mariam.
Le 1er juillet, il est engagé jusqu’au 31 décembre 1884 dans la nouvelle société créée par les frères Bardey, aux mêmes conditions. Les mois passent et les affaires ne sont pas brillantes — ruinées par la politique menée par les Anglais. Arthur Rimbaud va avoir vingt-neuf ans et sent qu’il se fait très vieux, très vite, dans ces métiers idiots, lettre aux siens du 10 septembre 1884, aussi cherche-t-il une occasion pour changer d’emploi.
Faute de mieux, le 10 janvier 1885, il se rengage pour un an avec la maison Bardey. Malgré la poursuite de l’offensive anglo-égyptienne au Soudan, Rimbaud continue donc à s’occuper des achats et des expéditions du moka. Sans aucun jour de congé, il supporte à nouveau la chaleur étouffante de l’endroit et souffre de fièvre gastrique.

Trafic d’armes au Choa

Lors d'un court séjour au Caire où il se repose, il confie au Bosphore égyptien le récit de son dernier voyage, publié les 25 et 27 août 1887 ; il n'a donc pas renoncé à une certaine forme d'écriture, celle du journalisme qui le requérait déjà dans sa jeunesse. C'est à ce moment qu'il s'informe pour envoyer des articles au Temps, au Figaro, voire au Courrier des Ardennes.
Il y renoncera cependant. Le sarcasme est désormais sa façon d'être,
En septembre 1885, Arthur Rimbaud se voit proposer un marché par le français Pierre Labatut, un trafiquant établi au Choa, royaume abyssin de Ménélik II.
Voyant là l’opportunité de faire fortune, et de changer le cours de sa vie tout en ayant un rôle géopolitique à jouer, il n’hésite pas à s’associer avec lui pour acheter des armes plutôt dépassées et des munitions en Europe.
Ainsi ils comptent réaliser de substantiels bénéfices en satisfaisant une commande du monarque, qu'ils auront de cette façon contribué à établir comme unificateur de la région. Après avoir conclu cet accord, Arthur rompt brutalement le contrat qui le lie avec la Maison Bardey.
Quant à Mariam, elle est renvoyée dans son pays avec quelques Thalers en poche.

Fin novembre, Rimbaud débarque dans le petit port de Tadjourah, en terre Dankalie, pour monter une caravane en attendant que les armes soient réceptionnées à Aden par Labatut. Lorsque ce dernier arrive fin janvier 1886 avec le chargement, deux mille quarante fusils et soixante mille cartouches, l’organisation de la caravane rencontre des difficultés.
D’abord entravés par les exigences financières du sultan qui tire profit de tous convois en partance, les voilà empêchés d’entamer leur expédition à la mi-avril : l’interdiction d’importer des armes vient d’être signée entre Anglais et Français.
Les deux associés écrivent alors au ministre des Affaires étrangères le 15 avril pour se sortir de cette impasse. Ils obtiennent gain de cause, mais tout est remis en question quand Labatut, atteint d’un cancer, est obligé de rentrer en France, il mourra en Octobre.
Muni d’une procuration de Pierre Labatut, Rimbaud se tourne vers Paul Soleillet, célèbre commerçant et explorateur, qui lui aussi attend une autorisation pour faire partir sa caravane. En associant leurs convois, ils s'assurent d'une meilleure sécurité pour la traversée du territoire des redoutables guerriers Danakils.
Hélas, ils ne partiront pas ensemble : frappé d’une embolie, Soleillet meurt le 9 septembre.
Se retrouvant seul, Rimbaud part en octobre, à la tête de sa caravane composée d’une cinquantaine de chameaux et d’une trentaine d’hommes armés.
La route pour le Choa est très longue : deux mois de marche jusqu'à Ankober..
Sur ces entrefaites, en France, "Illuminations" et "Une saison en Enfer" sont parus dans les numéros de mai à juin et de septembre de la revue symboliste La Vogue.
Après avoir traversé, les terres arides des tribus Danakils sous une chaleur implacable, le convoi franchit la frontière du Choa sans avoir été attaqué par les pillards. Et c’est dans un environnement verdoyant que la caravane atteint Ankober le 6 février 1887.
Rimbaud y trouve l’explorateur Jules Borelli. Ménélik est absent ; parti combattre l’émir Abdullaï pour s’emparer d’Harar. Rimbaud aussitôt arrivé, les chameliers, un créancier de Labatut et la veuve abyssinienne de ce dernier viennent lui réclamer avec insistance ce qui leur est soi-disant dû.
Agacé par leur rapacité, il refuse de céder à leurs demandes. Ils s’en plaignent auprès de l’intendant du roi qui abonde en leur sens et le condamne à verser les sommes demandées.
Au lieu d’Ankober, Ménélik va revenir en vainqueur à Entoto. Rimbaud se rend là bas avec Borelli. Sur place, en attendant l’arrivée du roi, Rimbaud entre en contact avec son conseiller, un ingénieur suisse nommé Alfred Ilg avec qui il entretient de bons rapports.
Suivi de sa colonne armée, Menelik arrive triomphalement le 5 mars. Il n’a plus vraiment besoin d’armes ni de munitions, car il en ramène en grande quantité. Il accepte néanmoins de négocier le stock à un prix très inférieur à celui escompté. De surcroît, il ne se prive pas d’exploiter la disparition de Labatut à qui il avait passé commande, pour retrancher du prix la somme de quelques dettes supposées. Suivant cet exemple, toute une horde de créanciers, réels ou opportunistes de Labatut, viennent le harceler pour être remboursés à leur tour. Menelik n’ayant pas d’argent pour le payer, Rimbaud est contraint d’accepter un bon de paiement devant lui être réglé à Harar par le ras Makonnen, cousin du roi.
Pour qu’il aille au plus court pour toucher son argent, Menelik lui donne l’autorisation de prendre la route qu’il a ouverte à travers le pays des Itous.
Cette route étant inexplorée, Borelli demande au roi la permission de l’emprunter.
Rimbaud quitte donc Entoto le 1er mai, en compagnie de Borelli.
L’itinéraire traverse des régions inexplorées. Leurs observations et descriptions sont scrupuleusement relevées et consignées à chaque étape. Jules Borelli les retranscrira dans son journal de voyage. Rimbaud, pour sa part, transmettra ses notes à Alfred Bardey qui les communiquera à la Société de Géographie, lettre à Bardey du 26 août 1887.
Au bout de trois semaines, la caravane arrive à Harar. Borelli retourne à Entoto quinze jours après. Rimbaud lui, doit attendre pour se faire payer, mais le ras n’a pas d’argent et transforme son bon de paiement par deux traites payables à Massaouah.
Après avoir repris la route en direction de Zeilah, Rimbaud regagne Aden le 25 juillet. Il fait un compte-rendu détaillé de la liquidation de sa caravane au vice-consul de France, Émile de Gaspary. Résultat de cette misérable affaire : une perte de 60 % sur son capital, sans compter vingt et un mois de fatigues atroces.
Avec l’intention de prendre un peu de repos en Égypte, Rimbaud embarque avec son domestique au début du mois d’août pour encaisser ses traites à Massaouah.
Arrêté à son arrivée pour défaut de passeport, l’intervention de Gaspary est nécessaire pour lui permettre de poursuivre sa route. Nanti d’un passeport, de l’argent de ses traites et d’une recommandation du consul de France de Massaouah à l'attention d'un avocat du Caire. Il débarque à Suez pour se rendre en train jusqu’à la capitale où il arrive le 20 août. Dans une lettre aux siens du 23 août il se plaint de rhumatismes dans l’épaule droite, les reins, la cuisse et le genou gauche.
Est-ce l’avocat pour qui il avait une lettre de recommandation qui le met en relation avec son confrère, Borelli Bey, Octave Borelli, ou est-ce Jules Borelli qui lui a donné les coordonnées de son frère aîné, Octave, directeur du journal, Le Bosphore égyptien ? Toujours est-il que Rimbaud lui adresse les notes de son expédition du Choa et qu’elles sont publiées les 25 et 27 août.
Après avoir placé sa fortune dans une succursale du Crédit lyonnais, il ne sait où aller pour travailler à nouveau : Zanzibar ? Madagascar ? Il sollicite une mission en Afrique à la Société de Géographie à Paris ; sans succès. Il retourne à Aden en début d’octobre.
.
Aden,

où les déconvenues de sa livraison d’armes le poursuivent. Il doit encore justifier le paiement d’une dette de Pierre Labatut à un certain A. Deschamps, l’affaire sera soldée le 19 février 1891, après d’interminables échanges de courriers.
En décembre 1887, malgré divers contacts entrepris, Rimbaud est toujours sans travail. Il revoit Alfred Ilg, de passage à Aden avant de se rendre à Zurich (à la suite de quoi ils correspondront fréquemment). Par ailleurs, le stock d’armes de Paul Soleillet, resté à Tadjourah après sa mort, a été racheté par Armand Savouré. Malgré l’embargo sur ce commerce, celui-ci compte les livrer au roi Ménélik. Pour former sa caravane, il propose à Rimbaud de tenter de se procurer des chameaux auprès du ras de Harar. Pour cela, Arthur retourne sur les terres africaines en février 1888, mais, n’ayant pu convaincre Makonnen, il en revient bredouille un mois plus tard56.
Dans le milieu littéraire parisien, le silence et disparition inexpliqués du poète Jean-Arthur Rimbaud entourent son nom de mystère et les interrogations qu'il suscite donnent libre cours à toutes sortes de fables — en 1887 on l'a dit mort, ce qui inspira Paul Verlaine pour écrire Laeti et errabundi57. En janvier 1888, le même publie à nouveau une étude biographique dans un numéro de la revue Les Hommes d’aujourd’hui, consacré au poète disparu.
Dernier séjour au Harar
La route d’Entoto à Harar étant maintenant ouverte, la cité harari devient une étape obligée pour commercer avec le royaume du Choa.
Rimbaud est déterminé à s’y installer pour se consacrer à un commerce plus orthodoxe; café, gomme, peaux de bêtes, musc de Civette, cotonnade, ivoire, or, ustensiles manufacturés et fournisseur de chameaux pour caravanes.
Il contacte César Tian, un important exportateur de café d’Aden, pour le représenter à Harar, offre sa collaboration à Alfred Bardey à Aden, à Alfred Ilg au Choa et à Constantin Sotiro qui s’est établi à Zeilah.
Ces accords conclus, il part édifier son comptoir, départ le 13 avril, arrivée le 3 mai 1888.
Après la satisfaction des débuts, l’humeur devient maussade. Rimbaud s'ennuie.
Il l’écrit à sa famille dans une lettre datée du 4 août 1888 :
"Je m'ennuie beaucoup, toujours ; … n’est-ce pas misérable, cette existence sans famille, sans occupation intellectuelle … ?"
Fin septembre il offre l’hospitalité à l’explorateur Jules Borelli qui, venant du Choa, fait une halte d’une semaine avant de regagner le port de Zeilah.
Quelques semaines après, c’est au tour d’Armand Savouré qui a enfin réussi à livrer son stock d’armes au roi Ménélik. Dans leurs témoignages tous deux le décriront comme un être intelligent, sarcastique, peu causant, ne livrant rien sur sa vie antérieure, vivant très simplement, s’occupant de ses affaires avec précision, honnêteté et fermeté.
Le ras Makonnen quitte la ville en novembre pour rejoindre son cousin le roi qui se prépare à entrer en guerre contre l’empereur Johannès IV.
Cette guerre n’aura pas lieu, " car au mois de mars, l’empereur eut l’idée d’aller d’abord flanquer une raclée aux mahdistes du côté de Metemma. Il y est resté, que le Diable l’emporte !", lettre à ses mère et sœur du 18 mai 1889.
Le 3 novembre, Ménélik devient Negusä nägäst d’Éthiopie sous le nom de Ménélik II.
De retour de Zurich, Alfred Ilg, est hébergé du 23 décembre 1888 au 5 février 1889 ; le temps d’attendre la fin des affrontements entre Issas et Gallas pour transporter en toute sécurité ses marchandises et celles de son hôte jusqu’à Entoto.
Les affaires avec le conseiller du roi marcheront en bonne entente jusqu’au bout. Il faut souligner ici que le mythe faisant de Rimbaud un négrier est infondé :
"N’allez pas croire que je sois devenu marchand d’esclave" avait-il déjà écrit à sa famille le 3 décembre 1885.
Il est seulement vrai qu'il demande à Ilg, dans une lettre datée du 20 décembre 1889, "ses deux garçons esclaves pour son service personnel".
Si la traite est interdite par Ménélik, elle se fait clandestinement et beaucoup d’Européens possèdent des esclaves comme domestiques sans que cela soit blâmable.
Le 23 août 1890, l’ingénieur lui répondra :
"pardonnez-moi, je ne puis m’en occuper, je n’en ai jamais acheté et je ne veux pas commencer. Je reconnais absolument vos bonnes intentions, mais même pour moi je ne le ferai jamais."
À la veille de Noël, une caravane est attaquée par une tribu sur la route de Zeilah à Harar. Deux missionnaires et une grande partie des chameliers sont assassinés. Suite aux représailles qui se soldent par des pertes importantes dans les rangs anglais, les routes commerciales sont coupées jusqu’à la mi-mars 1890.
Le manque à gagner que cela occasionne est sujet de conflit avec César Tian.
Rimbaud songe alors à se rendre à Aden pour liquider ses affaires avec lui. Ensuite, il se rendrait en France dans l'espoir de se marier.
À Paris, Anatole Baju, rédacteur en chef de la revue Le Décadent et de la série Les Hommes d’Aujourd’hui, divulgue des renseignements reçus sur Arthur Rimbaud : il est vivant et vit à Aden.
Le 17 juillet 1890, Laurent de Gavoty, directeur de la revue littéraire marseillaise, La France moderne, lui écrit par le biais du consul de France à Aden pour dire qu’il a lu ses beaux vers et qu’il serait heureux et fier de voir le chef de l’école décadente et symboliste collaborer pour sa publication.

Fin de vie

Cependant, un mal étrange le frappe. Une grosseur au genou le fait souffrir à crier. Il doit tout quitter. À Aden, le diagnostic médical des plus alarmants le force à revenir en France.
En 1891, dans une lettre écrite le 20 février, Arthur demande à sa mère de lui faire parvenir un bas à varices, car il en souffre à la jambe droite depuis plusieurs semaines. Il lui signale aussi une « douleur rhumatismale » au genou droit. Il en attribue les causes aux « trop grands efforts à cheval, et aussi par des marches fatigantes. » Un médecin, consulté un mois plus tard, lui conseille d’aller se faire soigner en Europe le plus rapidement possible. Bientôt, ne pouvant plus se déplacer, il dirige ses affaires en position allongée. Au vu de l’aggravation rapide de son genou et de l’état de raideur de sa jambe, il liquide à la hâte toutes ses marchandises pour quitter le pays.
Transporté par des porteurs sur une civière – construite selon ses plans –, la caravane prend le départ au matin du 7 avril. Djami, son domestique, est du voyage. Malgré les souffrances, accentuées par l’inconfort, les intempéries et la longueur du déplacement, il note les faits marquants de chaque étape jusqu’à son arrivée au port de Zeïlah, le 18 avril. Débarqué à Steamer Point trois jours après, Rimbaud est hébergé chez César Tian le temps de régler leurs comptes.
Hospitalisé aussitôt après, les médecins lui diagnostiquent une synovite rendue à un point si inquiétant qu’une amputation semble inévitable. Cependant, quelques jours de repos lui sont accordés pour en mesurer les éventuels bienfaits. Devant le peu d’amélioration, il lui est conseillé de rentrer en France.
Le 9 mai, on l’embarque sur l’Amazone, un trois-mâts goélette à vapeur des Messageries maritimes, à destination de Marseille.
Marseille, dernier voyage
Arthur Rimbaud est débarqué à Marseille le 20 mai 1891.
"Me trouvant par trop faible à l'arrivée ici, et saisi par le froid, j'ai dû entrer ici à l'hôpital de la Conception …. Je suis très mal, très mal, je suis réduit à l'état de squelette par cette maladie de ma jambe gauche, qui est devenue à présent énorme...". Les médecins diagnostiquent un néoplasme de la cuisse. Le 22, on lui annonce qu’il va falloir l’amputer.
Il envoie immédiatement un télégramme à sa famille pour que l’une ou l’autre vienne à Marseille régler ses affaires. Sa mère lui répond aussitôt en lui annonçant son arrivée pour le lendemain, 23 mai au soir.
Puis c'est l'amputation de la jambe droite à Marseille, la remontée, comme une fuite nouvelle, à Roche, un ultime mois de campagne française vécu sous un ciel pluvieux, enfin la redescente à Marseille, une descente affolée, comme pour embarquer à tout prix, avant qu'il ne soit trop tard.
Après l’opération, Rimbaud reçoit des lettres de sympathie de Constantino Sotiro et César Tian.
Le 8 juin, madame Rimbaud écrit à sa fille pour lui annoncer son nécessaire retour à la ferme de Roche malgré les supplications de son fils pour qu’elle reste auprès de lui.
La cicatrisation faite, il ne subsiste qu’une douleur localisée. Le 24 juin, il s’exerce à se déplacer avec des béquilles.
Le 2 juillet il écrit qu’il a commandé une jambe de bois. D’autre part, maintenant qu’il se trouve en France, il s’inquiète inconsidérément sur sa période d’instruction militaire à laquelle il a réussi à se soustraire jusqu’à présent. Craignant de se faire piéger en retournant auprès des siens, il les charge de faire le nécessaire pour éclaircir sa situation. Le 8 juillet, sa sœur l’informe qu’il peut obtenir son congé définitif comme réformé en se présentant devant les autorités militaires de Marseille ou de Mézières.
En juillet, Rimbaud ne peut se servir de sa jambe artificielle, car elle enflamme le moignon. En attendant qu’il se renforce, il continue à "béquiller", mais, à la longue, cela lui occasionne de fortes névralgies dans le bras et l’épaule droite ainsi que dans sa jambe valide.
Le 23 juillet, suivant le conseil de son médecin, il quitte l’hôpital. Arrivé en gare de Voncq le lendemain, il se fait conduire à la ferme de Roche.
Ni ses anciens amis ni son frère ne sont avertis de son retour. Au lieu de s’améliorer, son état paraît empirer. Les insomnies et le manque d’appétit le reprennent. Les douleurs occasionnées par les béquilles, la jambe de bois ou les promenades en carriole le contraignent bientôt à l’inactivité. Le médecin constate une augmentation de volume du moignon et une rigidité du bras droit.
Ne renonçant pas à retourner au Harar, il prend la résolution de retourner se faire soigner à Marseille, ainsi il serait "à portée de se faire embarquer pour Aden, au premier mieux senti".
Le 23 août, il reprend le train pour Marseille accompagné d’Isabelle. Après le calvaire subi tout au long du voyage, il est admis à l’hospice de la Conception le lendemain soir.
Isabelle, qui loge en ville, se rend tous les jours à son chevet. Un mois plus tard, elle rapporte à sa mère les réponses faites à ses questions par les médecins :
"Sa vie est une question de jours, de quelques mois peut-être.
Atteint d'un cancer généralisé, Rimbaud entre à l'hôpital Saint-Jean. Il attend d'y mourir.
Le 20 octobre, il a trente-sept ans. Selon la lettre exaltée qu’Isabelle écrit huit jours après à sa mère, son frère aurait retrouvé la foi catholique durant cette épreuve. Elle lui décrit aussi la progression du cancer : son bras droit enflé, le gauche à moitié paralysé, son corps en proie à de vives douleurs, sa maigreur.
Elle raconte ses délires, lors desquels il l’appelle parfois Djami.
Le 9 novembre, il lui dicte un message sibyllin :
" M. le Directeur,…envoyez-moi donc le prix des services d'Aphinar à Suez. Je suis complètement paralysé donc je désire me trouver de bonne heure à bord dites-moi à quelle heure, je dois être transporté à bord."
Il meurt le lendemain, mardi 10 novembre — à dix heures du matin selon le registre des décès de l’hôpital, à deux heures de l’après-midi selon sa sœur.
Son corps est ramené à Charleville. Les obsèques se déroulent dans l’intimité la plus restreinte, le 14 novembre.

Arthur Rimbaud est inhumé dans le caveau familial auprès de son grand-père, Jean Nicolas Cuif et de sa sœur Vitalie. Sa mère, morte à Roche le 1er août 1907, à l’âge de quatre-vingt-deux ans, les rejoindra. Son frère Frédéric mourra à cinquante-huit ans, des suites d’une fracture d’une jambe, le 2 juillet 1911, à Vouziers ; sa sœur Isabelle se mariera en 1897 avec Paterne Berrichon – tous deux se voudront les gardiens de la mémoire du poète, quitte à censurer et falsifier la vérité.
Elle mourra à cinquante-sept ans le 20 juin 1917, à Neuilly-sur-Seine, d'un cancer.

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Posté le : 19/10/2013 18:16

Edité par Loriane sur 20-10-2013 20:22:00
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L'œuvre

Comparable en cela à celles d'un Pascal ou d'un Chénier, l'œuvre de Rimbaud pose le problème de sa publication.
Si "Une saison en enfer" fut réalisée selon ses vœux, il n'en va pas de même des autres textes que l'on regroupe sous des titres qui tentent soit de rendre compte de leur genre : Poésies, Vers nouveaux et chansons, soit de s'accorder avec un intitulé que l'auteur aurait lui-même suggéré : "Illuminations".
D'une façon générale, les Poésies désignent des textes qui vont des "Étrennes des orphelins", pièce de débutant, jusqu'au "Bateau ivre".
Il paraît légitime d'y constituer d'abord un ensemble correspondant au "recueil Demeny" ou "cahier de Douai", poèmes composés de janvier à octobre 1870, puis de considérer une zone plus floue, mais stylistiquement repérable, marquée entre autres par les lettres du voyant.
La publication des Vers nouveaux et chansons, appelés parfois "Derniers Vers", relève d'une histoire autrement plus complexe.
La plupart, datés par Rimbaud de mai, juin, juillet 1872, furent d'abord publiés en 1886 avec "les Illuminations", un peu comme s'il s'agissait d'un sous-genre en vers à l'intérieur de celles-là – le cas intermédiaire entre ces deux formes étant posé par "Marine" et "Mouvement" qu'une tradition déjà ancienne a désormais choisi de ranger au nombre des "Illuminations".
En 1912 encore, dans sa Préface pour les Œuvres à Mercure de France, Claudel considérait un "double état" de cette écriture, là où nous voyons maintenant des ensembles différents :
"C'est ce double état du marcheur que traduisent les Illuminations : d'une part les petits vers qui ressemblent à une ronde d'enfants et aux paroles d'un libretto, de l'autre des images désordonnées qui substituent à l'élaboration grammaticale ainsi qu'à la logique extérieure une espèce d'accouplement direct et métaphorique." Cependant, précisément dans cette même édition de 1912, ces Vers nouveaux et chansons pour la première fois allaient acquérir au cours du volume leur autonomie.

Les Illuminations

Le titre d'"Illuminations", quant à lui, si éblouissant soit-il, n'apparut jamais sous la plume de Rimbaud, aucun des manuscrits actuellement connus ne le comporte.
À plusieurs reprises, Verlaine, pour désigner des textes de Rimbaud, l'utilisera. D'abord dans des lettres envoyées à Charles de Sivry, où il les nomme "illuminécheunes" – ce qui laisse supposer une prononciation anglaise du mot. Dans la Préface qu'il donnera à leur première publication aux éditions de la revue La Vogue en 1886 ensuite, où il le répétera en y ajoutant un sous-titre, Coloured Plates – qu'il traduit par Gravures coloriées.
Ailleurs, il indiquera un sous-titre approchant : "Painted Plates".
Ces cinquante-quatre poèmes en prose étonnent par leur beauté, mais aussi leur disparate.
Quelques-uns sont groupés par séries : Vies, Enfances, Veillées, Villes, et laissent entrevoir un projet plus articulé, au point que l'on a pu parler d'une "poétique du fragment", André Guyaux.
D'autres sont de purs météorites, venus d'un monde en puissance chez l'écrivain et ne se révélant qu'à cette seule occasion.
En dépit d'une telle dispersion, Rimbaud projette là avec une intensité visionnaire, on peut penser à une sorte de lanterne magique mentale les éléments d'un univers intérieur qu'il tient à transmettre au lecteur ou, tout simplement, à l'autre.
Plus que des descriptions comme en faisait Aloysius Bertrand ou des situations symboliques comme Baudelaire en agençait dans son Spleen de Paris, il produit souvent une annonce, presque au sens évangélique du terme, propose un monde requalifié et fait accéder l'humanité à une dimension insoupçonnée avant lui.
Vigueur et rigueur, "luxe inouï" et parfois cruauté superbe.
Ainsi en est-il de À une Raison qui visiblement veut faire succéder à la nôtre, trop réduite, une conscience nouvelle.
La figure du génie apparaît par deux fois comme instance décisive, dans Conte d'abord où le Prince, lassé de tout, finit par rencontrer cet autre de lui qui est la force de son désir, sa santé essentielle; dans Génie ensuite, texte inscrit dans l'impossible et animé par l'optimisme de l'utopie.
Fréquemment aussi des vues magiques s'organisent, frappent par leur entraînement dynamique, leur célérité. Le moderne trouve ici une expression imprévisible, il n'est pas le mime de la science, il ne se construit pas à l'aide d'une nouveauté de strass, mais il formule une clarté majeure dans cette « prose de diamant » saluée par Verlaine et nous débarrasse des pesanteurs, atteste un cosmos inconnu, ventile et revitalise, éblouit.
À chaque texte, Rimbaud rejoue la poésie, sans profiter des acquis précédents, et nous avons toujours l'impression que le spectacle qu'il propose, à plat sur la page, rassemble une pluralité, comme l'aleph, point de parfaite ubiquité vu par Borges un certain jour.
Il s'agit bien d'une révélation, un peu à l'image de l'Aube d'été, longtemps poursuivie par, l'enfant Rimbaud lui-même, puis enfin dépouillée de ses immenses voiles et livrant son amour. Comme l'avait déjà constaté le premier rassembleur de ces textes, Félix Fénéon, une thématique à coup sûr s'en dégage, Jean-Pierre Richard, puis Jean-Pierre Giusto l'ont fort bien analysée, mais elle n'est rien si l'on néglige la cinétique de ces formes ou de ces substances.
L'écriture suscite ; elle développe des naissances, des événements, voire des avènements ; l'univers décomposé, recomposé s'ouvre à des virtualités magnifiques.

Une saison en enfer

Reste le seul texte publié par Rimbaud, Une saison en enfer. Il était inutile jusqu'à maintenant de soulever le problème de la datation des Illuminations comparée à ce livret. On ne saurait toutefois s'y dérober.
Rimbaud lui-même a tenu à inscrire à la dernière page de son "carnet de damné" : "avril-août 1873". La fin du livre semble prononcer un adieu. Signifie-t-elle pour autant que c'en était fini de la littérature ? Pour la beauté du geste, on l'a longtemps cru. Rimbaud, produisant cet ouvrage, coupait court avec son passé, il devenait "absolument moderne".
Les Illuminations lui seraient donc antérieures.
Il a bien fallu cependant nuancer une opinion aussi tranchée, depuis que Bouillane de Lacoste, en 1949, dans une thèse désormais célèbre, a montré que certains de ces poèmes en prose avaient été recopiés à Londres, du temps où Nouveau était au côté de Rimbaud. Rien ne prouve de façon assurée que les Illuminations furent rédigées quand Rimbaud écrivait Une saison en enfer, où il se borne à citer plusieurs de ses "Vers nouveaux" ; mais on ne doit pas davantage éliminer l'hypothèse d'un double adieu fait à la littérature, c'est ce que conjecture Maurice Blanchot ; une fois dans la Saison, une autre fois dans les Illuminations, où quelques poèmes comme Départ ou Solde résonnent manifestement comme un congé.
Avec Une saison en enfer, Rimbaud a sans doute écrit le livre du rebelle par excellence, mais également celui qui touche de plus près l'adolescence, quand se dessine sous le signe de l'incertitude la vie d'homme toujours improbable.
Verlaine parlera à son propos de "prodigieuse autobiographie psychologique", et certes il faut voir à quel point l'existence de Rimbaud y est questionnée ; mais l'auteur l'élève constamment à un exposant mythique.
Aucun des motifs personnels, excepté peut-être la narration de Délires II, ne se referme sur lui-même.
Tour à tour l'Histoire, la Famille, la Religion sont l'objet d'une traversée et de mises en crise. À travers ces pages de colère et de lucidité, l'Occident en son ensemble est accusé de façon si mordante qu'on ne retrouvera une telle âpreté que dans une œuvre contemporaine et elle aussi décisive, Ainsi parlait Zarathoustra, 1883 de Nietzsche.
Les griefs contre la religion chrétienne forment un motif dominant. Ils furent peut-être précédés par la rédaction de "paraphrases évangéliques" que l'on a retrouvées au verso de certains brouillons de la Saison. Le Christ que dans Les Premières Communions Rimbaud appelait l'"éternel voleur des énergies" ne l'en a pas moins retenu pour ses pouvoirs de thaumaturge et l'efficacité de sa parole.
Aussi la religion est-elle à l'origine de la Saison beaucoup plus que "le drame de Bruxelles", ce "dernier couac".
C'est aux environs de Pâques 1873 que Rimbaud envisagea d'abord de rédiger un "livre païen" ou "livre nègre", lequel sera bientôt infléchi en histoire satanique. L'Enfer permet ici ce que les Anciens nommaient une katabase, descente dans l'au-delà qui se confond aussi avec une anamnèse personnelle et mène plus loin encore : dans la mémoire collective de l'Occident.
C'est contre la loi du baptême que Rimbaud se cabre, en constatant que nous sommes tous ici-bas marqués par le péché originel.
Par multiples assauts se développe alors sa rébellion, avec des cris de réel damné, une syntaxe du gril et du sarcasme, une parole-écriture torturée qui se plaît à mettre à l'épreuve les plus sûres fondations de l'Europe "aux anciens parapets".
Au milieu de son livre, Rimbaud, par une manifeste mise en abyme, s'est représenté presque théâtralement selon deux chapitres qu'il a intitulés "Délires".
L'un retrace les démêlés d'une Vierge folle aux prises avec l'Époux infernal ; l'autre tente une singulière rétrospective de son parcours poétique de l'an passé. Délires I traduit au plus intense le débat qui put exister entre un individu de faiblesse et une personnalité dangereuse, mais investie des plus fabuleux pouvoirs ou, du moins, le prétendant.
Il serait mal venu de refuser d'y voir Verlaine d'une part, de l'autre Rimbaud, d'autant plus que l'Alchimie du verbe, pendant littéraire de ce premier délire " existentiel" et conjugal, citera des poèmes indubitablement écrits par Rimbaud.
"Je suis caché et je ne le suis pas", assure celui-ci, en affirmant ainsi nettement l'ambivalence de son propos qui relève, en ce cas, moins de l'équivoque que du plurivoque – la polyphonie faisant profondément partie de celui qui, une fois pour toutes, avait pu écrire :
"Je est un autre." Reste que l'autre n'est pas nécessairement le contraire.
Il correspond plutôt à la voix secrète, toujours prête à surgir démoniquement, comme une sorte de vérité oblique.
Délires II, sous-titré « Alchimie du verbe », demeure une manière de Bible pour ceux que tentent les pouvoirs de la poésie. Une lecture attentive prouve cependant que le procédé même de l'hallucination, au moment même où il est exposé, s'y trouve remis en cause.
Ses propres poésies que Rimbaud commente d'assez loin lui paraissent désormais caduques, comme la "romance" verlainienne. Remarquons, d'ailleurs, qu'au cours de cette intrigante anthologie personnelle nulle "illumination" n'est citée à comparaître au for intérieur du souvenir.
Vertigineusement placé sur le rebord du temps, Rimbaud, avant d'entrer dans l'ignoble vie française qui le réclame, citoyen et soldat, s'interroge, au cours des quatre dernières séquences, fort de sa puissante solitude." Posséder la vérité dans une âme et un corps" demeure à la page finale le dessein qu'il se donne.
Insatisfaits des réponses suggérées par Rimbaud, mais encouragés par les indices de son parcours interrompu, nous ne pouvons qu'admirer ce poète tout à la fois incomplet et absolu. La ferveur qui depuis 1886 sut accueillir ses œuvres, elles ne consistent pourtant qu'en jalons, en amorces et points du jour, est la preuve irréfutable de leur pouvoir.
Sans doute nous entraînent-elles à coopérer à ce qu'elles esquissent, à jouer, nous aussi, notre part de merveilleux. Claudel, Breton, Roger Gilbert-Lecomte, Jouve, Bonnefoy, d'autres encore, l'ont bien perçu, au contact de cet "horrible travailleur", qui nous a dotés de pures maximes d'existence.
Sa vie même, menée à son insu à la manière d'un poème supplémentaire, a brillé d'un éclat sacrificiel qui n'a pas peu contribué à ce que l'on y capte une leçon, celle d'une sainteté, comme l'a souhaité trop ardemment Isabelle sa sœur, ou d'une détermination ontologique, comme s'est appliqué à le montrer Alain Borer. Certes, devant Rimbaud, nul n'a le dernier mot.
Celui qui prétendait n'avoir " du goût “que” pour la terre et les pierres", au moment même où il laissait entrevoir l'indigence de la littérature à "changer la vie", lui a donné des gages extrêmes en vertu desquels nous sentons que, plus qu'un artifice, elle est moyen parfois de toucher l'impossible et de rencontrer une suffisante « minute d'éveil".

Le bateau ivre en Paris

Probablement composé avant le mois de novembre 1871, étant donné une caricature d'André Gill qui y fait allusion dans l’Album zutique dont les contributions rimbaldiennes datent d'octobre - novembre 1871 également.
Des poèmes tels que Voyelles, Oraison du soir, Les Chercheuses de poux, L'Étoile a pleuré rose..., Tête de faune ou Les Mains de Jeanne-Marie, semblent dater eux aussi de cette période parisienne. Le manuscrit connu du poème Les Mains de Jeanne-Marie est daté de février 1872 par Paul Verlaine.
Certains documents laissent à penser que nous avons perdu quelques poèmes en vers de Rimbaud pour l'année 1872, à commencer par la liste de nombres de vers par poème qui figure au dos d'un manuscrit de Fêtes de la faim. Nous aurions perdu également le texte de La Chasse spirituelle, texte que Verlaine prétend avoir oublié chez sa femme au moment de l'escapade en Belgique.
Toutefois, Jacques Bienvenu a clairement montré que Verlaine a voulu faire croire que le texte de La Chasse spirituelle se confondait avec le texte infamant des lettres échangées par Rimbaud et Verlaine en mars-avril 1872. Ces lettres furent retrouvées par la femme de Verlaine, Mathilde, qui s'en servit ultérieurement pour gagner son procès en demande de séparation en 1874. Une copie de ces lettres a dû être établie par un greffe, mais, si tel est bien le cas, ces précieuses archives nationales ont été détruites à une date indéterminée au cours du vingtième siècle ! Mathilde a-t-elle détruit des poèmes de Rimbaud ? Ces poèmes réapparaîtront-ils un jour ?
En 2004, une version inédite du poème Mémoire, sous le titre Famille maudite, a redonné espoir. Mais il n'est pas absolument certain que ce manuscrit provienne des héritiers de Verlaine et de son ex-épouse. Quant au texte de La Chasse spirituelle, s'il a existé, on peut se demander à quel point il serait proche des Déserts de l'amour, voire s'il ne s'agirait pas du même texte.

Sensation inventeur du vers libre

Sur le plan de la forme, Arthur Rimbaud a pratiqué une versification de plus en plus ambitieuse en fait d'enjambements à l'entre-vers et à la césure, avant de déglinguer littéralement la mécanique ancienne du vers, autour de 1872, dans les trois quatrains de Tête de faune puis dans un ensemble de compositions souvent réunies sous le titre apocryphe de Derniers vers.
Il a introduit le vers libre en France, avec deux poèmes des Illuminations : Marine et Mouvement.
Certains symbolistes, comme Gustave Kahn, s'attribueront "l'invention" du vers libre, mais ce dernier avait justement contribué à la première publication des Illuminations en 1886 et aucune version significative de poème en vers libre non rimbaldien n'a été attestée à une date antérieure.
Rimbaud a donné ses lettres de noblesse à un type de poème en prose distinct d'expériences plus prosaïques du type du Spleen de Paris de Baudelaire. Les ressources poétiques de la langue sont encore exploitées sous un jour différent dans le célèbre poème en prose, pseudo-autobiographique, Une saison en enfer. Avec un fort penchant à l'hermétisme qu’il partage avec d'autres de ses quasi contemporains, Gérard de Nerval, Stéphane Mallarmé, sinon Paul Verlaine parfois, Rimbaud a le génie des visions saisissantes qui semblent défier tout ordre de description du réel.
Deux compositions sont emblématiques à cet égard : "Le Bateau ivre" et "Voyelles".
Les propos radicaux des deux lettres dites "du voyant" et l'étrangeté des univers poétiques suggérés dans le sonnet Voyelles, les proses des Illuminations et l'ensemble dit des Derniers vers ont contribué à forger un mythique pouvoir démiurgique de la parole poétique.
Si le sens énigmatique des Illuminations est mieux cerné de nos jours, il demeure étrangement polysémique, pour les poèmes en vers de 1872 et le sonnet Voyelles.
Appréhendée intuitivement par l'intégralité des poètes successeurs, la poésie de Rimbaud a ouvert la voie à la poésie contemporaine du xxe siècle et nombreux sont les auteurs qui s'en réclamèrent tels Alfred Jarry, Antonin Artaud, Roger Vitrac, René Char, Jean Venturini et tous les surréalistes, sans oublier les poètes de la revue Le Grand Jeu comme René Daumal et Roger Gilbert-Lecomte, ou encore Henri Michaux, ainsi que des artistes-interprètes, tels que Jim Morrison, Bob Dylan et Patti Smith

Liens

http://youtu.be/lbwJZaPiE7s Rimbaud par Henri Guillemin
http://youtu.be/bU-nGqq0kqY Rimbaud sa vie 1
http://youtu.be/_bCo9DQYntE Rimbaud 2
http://youtu.be/36qskz2VEzI Rimbaud 3
http://youtu.be/JHZbQ7AGh0E Rimbaud 4
http://youtu.be/q9vfI-hadFE La bâteau ivre dit par Gérard Philipe ou
http://youtu.be/nuJuJY_qCcM dit par Laurent Terzieff
http://youtu.be/YN_Agua6mwI Conférence sur Rimbaud poète de l'impatience
http://youtu.be/8kBXnq15Ijw Le dormeur du val
http://youtu.be/eTRvvd8V--4 Léo Ferré chante Rimbaud
http://youtu.be/gaOfWFIJSlw Une saison en enfer par Léo Ferré
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Posté le : 19/10/2013 18:13
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Re: Les belgicismes
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Hors Ligne
Lettre E
Échevin : adjoint au maire
Echt : véritable
Échoppe : étal de marché
Écolage : apprentissage
École gardienne : jardin d’enfant
Écouter : obéir
Elbot : flétan
Élocution : exposé fait en classe par un élève
Encoder : saisir, entrer quelque chose dans un machine
Endéans : dans une période de temps déterminée
Entièreté : totalité, intégralité
Entre l’heure de midi : pendant la pause de midi
Escabelle : échelle double
Escavèche : préparation de poisson en gelée vinaigrée
Essuie : serviette
Essuie-tout : sopalin
Estaminet : petit bistrot
Être longtemps parti : être parti depuis longtemps
Évitement : déviation routière
Exemplatif : à titre d’exemple

A la réunion de parents, deux pères discutent :

« Comment ça va avec ton gamin ?
- Pas facile tous les jours. Je l’ai pris avec moi à l’échoppe pour un écolage samedi dernier.
- C’est une bonne idée.
- J’ai vite regretté. Une dame lui demande un filet d’elbot, il lui sert un cabillaud dans son entièreté, avec la tête et tout ! Une autre voulait de l’escavèche, il lui a conseillé de prendre autre chose car il ne voulait pas y toucher. Je lui ai demandé de monter sur l’escabelle pour attraper un rouleau d’essuie-tout et il m’a rétorqué qu’il avait le vertige.
- Et bien !
- Entre l’heure de midi, il a demandé de faire une pause. Je trouvais qu’il était longtemps parti et je l’ai trouvé en train de draguer la fille de l’échoppe à fromages ! Exemplatif, non ?
- Un echt fainéant !
- Depuis l’école gardienne, il n’écoute pas. Il devait un jour préparer une élocution endéans deux semaines. Et bien, il n’a rien fait et a récolté un zéro. Moi qui voulais qu’il devienne échevin. Je pense qu’il va finir dans un bureau à encoder des données toute la journée.
- Ou serveur dans un estaminet !
- Peut-être ! Ah, ces gosses ! »

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Posté le : 19/10/2013 17:58

Edité par couscous sur 20-10-2013 15:53:16
Edité par couscous sur 18-01-2014 14:44:12
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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