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Elisabeth de Wied alias Carmen Sylva
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Le 2 mars 1916 à Bucarest, à 72 ans meurt Élisabeth Pauline Ottilie Louise de Wied

également connue sous le nom de plume de Carmen Sylva,

née le 29 décembre 1843 au château Monrepos près de Neuwied en Prusse par mariage princesse puis Reine consort de Roumanie du 26 mars 1881 au 10 octobre 1914, soit 33 ans, 6 mois et 14 jours.
Elle succède à Marie d’Édimbourg, Princesse consort de Roumanie, du 15 novembre 1869 au 26 mars 1881 soit11 ans, 4 mois et 11 jours. Fille de Herman de Wied et de Marie de Nassau, elle est l'épouse de Charles 1er de Roumanie avec qui elle a une fille, Marie de Roumanie, elle est enterreée dans la nécropole royale de Curtea de Arges.

Fille du prince Hermann de Wied et de la princesse Marie de Nassau, elle est la nièce de la reine Sophie de Suède et du grand-duc Adolphe de Luxembourg. Sa cousine, Hilda de Nassau, sera grande-duchesse de Bade.
C'est en 1861, lors d'un séjour à Berlin, que la jeune princesse rencontre son futur mari, Charles de Hohenzollern-Sigmaringen; Fils cadet de Charles-Antoine, prince de Hohenzollerbn-Sigmaringen, Premier ministre de Prusse, et de Joséphine de Bade, il est le petit-fils de Stéphanie de Beauharnais, grande duchesse de Bade et cousine de l'empereur des Français Napoléon III.
Charles est élu prince de Roumanie en 1866, les deux jeunes gens se marient le 15 novembre 1869. De leur union naît en 1870 une fille, Marie qui meurt quatre ans plus tard.
Durant la guerre russo-turque de 1877-1878, Élisabeth se consacre aux soins aux blessés et fonde l'ordre d'Élisabeth, dont la décoration consiste en une croix d'or sur un ruban bleu, destiné à honorer les personnes qui se sont distinguées dans une tâche comparable. Elle encourage l'enseignement secondaire et supérieur pour les femmes en Roumanie et crée diverses sociétés à but charitable. En 1882, elle est élue membre de l'Académie de Roumanie.
L'éducation reçue lors de son enfance et de sa jeunesse allemandes est très variée et lui permet de se distingue notamment par ses talents de pianiste, d'organiste ainsi que pour le chant, le jeune Georges Enesco a mis en musique nombre de ses poèmes ; elle montre en outre de grandes dispositions pour la peinture et l'art des enluminures. Toutefois, son imagination portée vers la rêverie et la poésie la conduit sur le chemin de la littérature, en particulier la poésie, les contes et les ballades, ainsi que dans un grand travail de collecte de légendes populaires roumaines auxquelles elle donne une forme littéraire.



Voici le discours de présentation prononcé par l’auteur Gabriel Badea-Päun lors de la présentation de son dernier livre consacré à la reine Elisabeth de Roumanie, de son nom d’artiste Carmen Sylva.

Née princesse de Wied en 1843, la princesse épouse en 1869 le prince Karl de Hohenzollern-Sigmaringen qui deviendra le roi Carol I de Roumanie. Un portrait d’une reine pas comme les autres

Il y a cent ans Carmen Sylva, alias Elisabeth, reine de la lointaine Roumanie, faisait fréquemment la une de la presse française. Même s’il est difficile de le croire aujourd’hui, ses actes, interviews, photos ou articles comblaient de bonheur les revues people de ces temps là pour lesquelles elle incarnait la reine artiste. Sa renommée était si grande, un vrai brand, comme on le dirait aujourd’hui. On donna son nom à plusieurs objets vendus dans le commerce, vêtements, tissus, ou plats culinaires, à une valse, à un large territoire de la Terre de Feu, grâce à l’explorateur roumain, Jules Popper, à des poupées habillées dans des costumes populaires roumains ayant ses traits. Des sociétés artistiques, orchestres folkloriques, dont une étonnante l’Orchestre Internationale de Tzigannes Carmen Sylva activant à Zwickau (dans l’Est de l’Allemagne) ou même une loge franc-maçonnique portaient son nom. Dans l’Angleterre victorienne les jeunes filles de bonne famille qui voulaient se rendre intéressantes étaient apostrophées avec un : « Don’t make your Carmen Sylva ! »

La reine Elisabeth de Roumanie ne se satisfit pas en effet d’un anonymat doré imposé par cette Europe monarchique qui comptait à l’époque pas moins de dix-sept reines et des cohortes de princesses dont seules la beauté et l’importance du trône étaient les principales qualités requises pour faire parler de soi. «Elle n’avait jamais passé pour une beauté », écrivait dans son journal la future reine Marie de Roumanie, « mais il se dégageait d’elle un charme ensorcelant dont il était impossible de ne pas subir la fascination, au premier abord du moins. Jeune encore, elle avait déjà les cheveux tout blancs, mais le regard de ses yeux intensément bleus vous pénétrait. Elle riait souvent et laissait voir des dents d’une blancheur éclatante ; mais son rire contrastait d’une manière frappante avec l’expression tragique de ses yeux. Ce pathétique, ce je ne sais quoi de tragique qui émanaient d’elle, donnaient à tous ceux qui l’approchaient le désir d’alléger le fardeau qu’elle portait. Elle n’inspira pas de passion, mais elle sut se faire admirer.»

Elle bâtit son personnage, aux nombreuses contradictions, avec une énergie tendue jusqu’au bout vers ce qu’elle croyait être le vrai bonheur : Celui d’une reine – écrivain à succès, protectrice des arts et des lettres. On reconnaît facilement dans cette image Aliénor d’Aquitaine, Elisabeth de Hongrie ou Marguerite de Valois, modèles romantiques mis au goût du jour par l’intérêt archéologique des historiens. Elle n’était pas la seule à emprunter ce chemin. Victoria d’Angleterre publia un volume de mémoires; Elisabeth d’Autriche-Hongrie écrivait elle aussi, en cachette toutefois. C’était une habitude fréquente chez les jeunes princesses allemandes de s’exercer à faire des rimes, mais Elisabeth de Roumanie passa outre ces limites. Elle prit un pseudonyme, bientôt cependant dévoilé : Carmen Sylva, (le chant de la forêt), dont les consonances latines évoquaient celles de ses sujets, et elle commença à publier avec une régularité bien allemande deux à trois volumes par an. Plus d’une cinquantaine de volumes parurent ainsi en même temps que des centaines d’articles dans toute la presse européenne.

Ses ouvrages – dont certains de vrais best-sellers – furent traduits en plus d’une dizaine de langues, y compris l’espéranto, et couronnés de prix par les académies du monde entier dont l’Académie française, pour ses Pensées d’une Reine, parus en 1888 chez Calman Lévy. Ils lui attirèrent l’amitié de personnages célèbres. Impressionné par ses œuvres, Pierre Loti en traduisit quelques unes et la rencontra à plusieurs reprises. Frédéric Mistral la nomma reine de ses Félibriges. Catulle Mendès, Octave Feuillet, Sully Prudhomme, Leconte de Lisle et Guy de Maupassant se déclaraient heureux de se voir traduits en allemand par elle. Charles Gounod lui proposa de mettre en musique les vers de son cantique, La Trinité, mais il mourut avant d’avoir réalisé son rêve. Camille Saint Saens lui dédia une fantaisie pour orgues. Emile Gallé créa pour elle de magnifiques vases et Aristide Maillol des étonnantes tapisseries Nabi.

La reine Elisabeth avait en outre un grand sens de la communication moderne. Elle adressait de nombreuses missives à des gens très connus qui furent souvent ses laudateurs. Mais l’hommage le plus touchant vint peut-être d’un peintre maudit par la société et qu’elle n’a pourtant jamais rencontré. Seul et loin de sa famille, enfermé dans une maison d’aliénés, Vincent van Gogh trouva quelque soulagement moral à ses atroces douleurs physiques dans ses Pensées royales qu’il évoqua souvent dans ses lettres à son frère Théo.

Le succès des premières œuvres de la reine fut rapidement suivi par une transformation quasi totale de son image. Ainsi écrivait-elle dans ses Pensées : «La toilette n’est pas une chose indifférente. Elle fait de vous un objet animé, à condition que vous soyez la parure de votre parure.» Ses costumes étaient souvent considérés par ses proches ou ses hôtes comme de vraies hardiesses de star. Des robes-tuniques blanches, inspirées par Sarah Bernhardt, étaient agrémentés de bijoux imposants et de peu de valeur, ainsi que de toutes sortes de dentelles ou broderies inattendues.

Pour ses apparitions publiques elle avait imaginé une scénographie digne d’un metteur en scène professionnel. Son public la «surprenait» souvent en train d’accomplir l’une de ses occupations favorites. Dans son journal, la future reine Marie raconta la visite qu’elle lui fit à la veille de son mariage avec le prince héritier Ferdinand : «La mise en scène avait été certainement étudiée. La lumière tombait du plafond, elle était enveloppée de blanc et adossée à ses coussins neigeux, sa voix musicale, ses gestes larges et accueillants, l’éclat de ses dents éclairées par un sourire lumineux, l’expression tragique de ses yeux d’un bleu intense, tout avait produit l’effet attendu…On eût dit que, par une tendance naturelle de son esprit fantaisiste, elle se croyait toujours en représentation…. elle prenait le monde pour un vaste théâtre. Elle voyait toute la vie comme une série de scènes de drame où elle jouait le personnage principal ». Un jour Réjane, en visite à Bucarest, a eu ce mot pour elle « Majesté, mais vous avez tout ce qu’il faut pour devenir sociétaire de la Comédie française. »

La voix était en effet un autre de ses points forts. Sa prononciation chantante et caressante, maîtrisant avec la même facilité quatre langues (allemand, français, roumain et anglais) ensorcelait son auditoire. Ses enregistrements pour la maison de disques His Master’s Voice en sont la preuve aujourd’hui.

Confite dans l’admiration de toute l’Europe, visitée comme un monument par tous ceux qui arrivaient dans cette lointaine contrée plus proche de l’Orient que de l’Occident, Carmen Sylva, dans son rôle de composition était fort éloignée du jeu protocolaire de la reine ou de celui, trop étouffé, de la femme. Ses contemporains ont pourtant préféré ses deux premiers rôles, même si la femme exprimait ouvertement sa véritable identité. Au reste la reine subit ses obligations sans se révolter, accomplissant un devoir qu’elle s’était engagée à respecter lors de son mariage; c’était, en quelque sorte son contrat d’embauche. Elle le négligea une seule fois quand, aveuglée peut-être par son romantisme mais aussi par certaines considérations nationales, elle voulut marier le prince héritier Ferdinand à sa protégée, Hélène Vacaresco.

Derrière l’écrivain à succès, la reine cachait une femme triste, souvent déprimée. Dans ses pensées intimes, Elisabeth se déclarait, tout comme Sissi, républicaine : «Je ne puis que sympathiser avec les sociaux-démocrates ». Etait-ce juste un pied de nez qu’elle adressait à la classe politique roumaine qui ne l’aimait pas ? Peut-être, mais pour la femme Elisabeth, les conventions n’étaient pas très importantes. Par exemple, si elle participait aux cérémonies religieuses orthodoxes, catholiques ou protestantes, comme son devoir de reine et d’épouse le réclamait, elle fut cependant la première à soutenir moralement et financièrement la Société théosophique lors de sa création.

En tant que femme, Elisabeth avait toujours rêvé, de jeter le masque avant sa mort et de relater une fois pour toute sa véritable existence, avec la plus effrayante sincérité : «On a tant écrit sur ma vie extérieure et on sait si peu de ma vie intime ! Mais qui peut raconter sa vie d’une façon qui semble fidèle à tous ? On n’apparaît pas la même à tel homme et à son voisin. Je suis autre pour ma femme de chambre que pour mes amis, autre pour les Roumains et autre pour les Américains. Si j’avais eu le temps de l’écrire, cette biographie, j’aurais surtout parlé de mon enfance, car les petits traits caractéristiques de nos débuts sur terre expliquent toujours toute la vie ultérieure, et j’estime qu’on ne change jamais. » En 1905 elle avait ainsi commencé des mémoires, mais après la parution en 1907 du premier volume intitulé Mein Penatenwinkel (Mes pénates), on a trouvé qu’il était inconvenant de les continuer : le manuscrit du deuxième tome disparut avant même que l’auteur s’en aperçût.

Ecrire une biographie de Carmen Sylva se révèle être une entreprise périlleuse. Sa vie fut, on le sait, abondamment commentée par ses contemporains : non loin d’une trentaine de biographies et des centaines d’articles la concernant parurent dans toute l’Europe, fourmillant d’anecdotes qui finissent par engloutir le personnage. La dernière en français écrite par le diplomate Georges Bengesco est parue à Bruxelles en 1905. Il y a la vie de l’auteur, telle qu’elle la rêve et la bâtit, il y a la narration de cette vie, faite par des spécialistes, des amis, des admirateurs ou des courtisans qui ont pour ambition d’en dégager le sens. Scruter les biographies revient donc à étudier le mythe, à se demander ce qu’il signifie et à s’interroger sur sa persistance. En 1939, une anglaise, Elisabeth Burgoyne, repartant à la découverte du mythe, fut fascinée par l’intelligence et la tristesse de cette femme attachante. Cependant sa biographie, une vraie réussite, fut vite oubliée la guerre venant d’éclater. Depuis rien ou presque rien…

Et pourtant la vie de Carmen Sylva intéresse toujours. Sur la toile plusieurs sites lui sont dédiés. Deux thèses de doctorat concernant son œuvre littéraire furent récemment soutenues. Les féministes américaines et allemandes n’ont cessé d’admirer la modernité et l’exemplarité de cette femme qui, à contre courant de la société de son temps, a fait souffler un vent de liberté dans les mœurs du XIXème siècle. La reine Elisabeth n’est pas seulement en avance sur son époque parce qu’elle s’est érigée en protectrice des artistes ou encore parce qu’elle a su utiliser son personnages pour mieux diffuser ses créations. Elle a revendiqué et démontré l’égalité des sexes dans la création artistique, mettant à profit sa position pour faire progresser cette idée dans la haute société, non seulement dans son propre pays mais encore dans l’ensemble de l’Europe. Elle a su gérer socialement, en permanence, sa situation paradoxale et son anti-conformisme, tout en respectant, quand cela lui semblait nécessaire, les rites d’une société qui lui reconnaissait sa qualité de reine. Mais cette modernité de comportement n’a curieusement été d’aucune influence sur son œuvre. Force est de constater que, face à la postérité, ce même caractère qui avait donné naissance à un personnage hors du commun a dévoré ses propres œuvres sur lesquelles elle avait cru pouvoir compter pour assurer sa mémoire.

Après sa disparition l’image de la reine Elisabeth s’estompa graduellement laissant la place à la construction d’une autre, celle de la nouvelle reine Marie, la reine guerrière, celle de l’épopée de la réalisation de la Grande Roumanie. Dans l’imaginaire roumain de l’entre- deux-guerres son souvenir fut surtout associé à son action culturelle et parfois à son romantisme qu’on trouvait alors ridicule dans ses excès. Le régime communiste installé en 1948 détruisit ses effigies, ses portraits peints et sculptés : s’ils ne furent pas anéantis, ils furent enfouis dans les réserves des musées d’où ils devaient ne jamais ressortir. Il interdit aussi toute références à son œuvre littéraire classée dans des fonds de bibliothèques spéciaux inaccessibles. Les rarissimes fois où son nom était mentionné étaient généralement en relation avec le généreux mécénat dont elle fit profiter le compositeur Georges Enesco. Cependant, lors des restitutions historiques qui suivirent les événements de 1989 sa figure resurgit. Plusieurs de ses volumes furent publiés, des expositions, des thèses lui furent consacrées. Une nouvelle image, peut-être plus sereine, plus proche du rôle qu’elle joua est en train de naître.

Oeuvre littéraire

Carmen Sylva avec Georges Enesco à gauche et Grigoraș Dinicu à droite.
Carmen Sylva écrit avec aisance en allemand, roumain, français et anglais. Parmi ses nombreuses œuvres, on peut signaler :
Sappho et Hammerstein, deux poèmes parus à Leipzig en 1880.
Les pensées d'une reine, un volume d'aphorismes en prose publié en 1882 à Paris, qui sera récompensé par le prix Botta, décerné tous les trois ans par l'Académie française, et sera publié en allemand en 1890 à Bonn sous le titre Vom Amboss ;
Cuvinte sufletești, méditations religieuses en roumain publiées en 1888 à Bucarest, et traduit en allemand en 1890 sous le titre de Seelen-Gespräche.
Plusieurs de ses œuvres sont écrites en collaboration avec Mite Kremnitz, une de ses dames d'honneur, née à Greifswald en 1857, mariée au docteur Kremnitz de Bucarest ; cette série d'œuvres est publiée entre 1881 et 1888, dans plusieurs cas sous les pseudonymes de Dito et Idem. Citons notamment :
Aus zwei Welten Leipzig, 1884, roman,
Anna Boleyn Bonn, 1886, tragédie,
In der Irre Bonn, 1888, recueil de contes,
Edleen Vaughan ou Paths of Peril, roman Londres, 1894,
Sweet Hours, poèmes écrits en anglais Londres, 1904.

Son œuvre signée Carmen Sylva inclut en outre :
une traduction en allemand de Pêcheur d'Islande de Pierre Loti,
la traduction en allemand des volumes du critique dramatique Paul de Saint-Victor, Les Deux Masques (Paris, 1881-1884),
la traduction en anglais, en 1891, avec la collaboration d'Alma Strettell, sous le titre The Bard of the Dimbovitza, d'un recueil de folklore roumain d'Elena Văcărescu publié antérieurement à Bonn, en 1889, sous le titre Lieder aus dem Dambovitzathal.

L'affaire Vacaresco

En 1881, afin d'assurer sa succession au trône de Roumanie, le roi Charles désigne son neveu, le prince Ferdinand de Hohenzollern-Sigmaringen, prince allemand, qui n'a jusque-là jamais foulé le sol roumain et n'en parle pas la langue. Le jeune homme tombe amoureux de la femme de lettres roumaine Hélène Vacaresco, qui est une des intimes de la reine. Celle-ci encourage cette relation, bien que la constitution de Roumanie stipule que l'héritier au trône ne peut pas épouser une Roumaine.
Le scandale finit par éclater, et la reine est contrainte à l'exil dans son château natal de Neuwied en Allemagne. Hélène Vacaresco est éloignée à Paris, tandis que le prince héritier est envoyé faire un tour des cours européennes pour y chercher une épouse.

Éditions récentes

Les pensées d'une reine / Carmen Sylva reine de Roumanie, préface par Louis Ulbach, postface par Nicolae Ionel; Éditions Fides,.
Les pensées d'une reine - Cugetările unei regine, ediţie bilingvă franceză-română, traducere din limba franceză de Dumitru Scorţanu
Gedanken einer Königin - Les pensées d'une reine, édition complète des pensées en allemand et français et des épigrammes de la reine Élisabeth de Roumanie, née princesse de Wied, pseudonyme

littéraire Carmen Sylva 1843-1916, édité par et avec une préface de Silvia Irina Zimmermann, avec des photographies des archives princières de Wied (Neuwied), Éditions Ibidem, Stuttgart,
Sagesse d'une reine, avec préface du prince Radu de Roumanie, postface de Gabriel Badea-Päun, et deux lettres de Pierre Loti à Carmen Sylva, Via Romana

Liens

http://youtu.be/mZp0tHafyYA Diaporama
http://youtu.be/dZGfyrLC0YU regard sur sa vie
http://youtu.be/mfXsdhJcpnI
Reines de Roumanie

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Posté le : 01/03/2014 14:12
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Camille Desmoulins
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Le 2 mars 1760 à Guise naît Camille Desmoulins,

mort guillotiné à Paris le 5 avril 1794 soit 16 germinal an II,


Il est dans l'histoire des figures privilégiées qui passent à travers les drames les plus sombres en gardant toujours le charme d'un sourire et comme le rayonnement de l'amour. Une légende attendrie se forme autour de leur mémoire et l'auréole de la pitié en fait des personnages de roman dont les générations se transmettent avec une sorte de tendresse la mémoire.
Tel est Camille Desmoulins qui nous apparaît en pleine Terreur au bras de sa Lucile et semble marcher avec elle à l'échafaud comme jadis, au seuil de Saint-Sulpice; - la martyre ayant remis une robe blanche telle qu'elle la portait pour marcher à l'autel.
La postérité est femme. Et elle a souri à Camille comme Lucile lui souriait. Elle lui a beaucoup pardonné parce qu'il fut beaucoup aimé. Son appel à la pitié traversera les siècles aussi sûrement que ses dernières et déchirantes lettres d'amour.
Le petit avocat de Picardie devenu un gamin de Paris nous apparaît, tout à coup, transfiguré par l'idée de clémence, comme un justicier dans son journal, comme un poète dans sa douleur.Et elle, la jeune fille aux cheveux blonds, se change sans effort en romaine, mourant comme celui à qui son coeur de femme avait enseigné la douceur et les larmes.
Et cette poignante histoire garde ainsi comme un reflet de légende; - et l'avenir s'attendrira éternellement devant ces deux jeunes têtes coupées qui échangeront toujours, dans la séparation suprême, leur dernier regard et leur dernier baiser.

avocat, journaliste et un révolutionnaire français.
Fils d'un lieutenant général au bailliage de Guise, Camille Desmoulins entre comme boursier à Louis-le-Grand et est condisciple de Robespierre. Avocat à Paris, il est élu aux États généraux. Il se lance dans la politique. Un moment, on le compte comme l'un de ceux qui soutiennent Mirabeau ; il devient, malgré son bégaiement, un des orateurs les plus écoutés des jardins du Palais-Royal où il prononce, le 13 juillet 1789, une harangue passée à la postérité
À la fin de novembre 1789, il fait paraître le journal Les Révolutions de France et de Brabant, qui connaîtra quatre-vingt-six numéros, où il ne cesse de dénoncer le complot aristocratique. Brillant opposant au suffrage censitaire, il fait remarquer, au cours des discussions, qu'une telle loi électorale exclurait Rousseau et Jésus-Christ de l'éligibilité. S'il ne participe pas à la manifestation du Champ-de-Mars 17 juill. 1791, il doit cependant suspendre la publication de son journal.
Partisan de la paix, comme Robespierre, en 1792, il change de camp et pétitionne en faveur de la guerre avec Danton et Marat à la section du Théâtre-Français.
Après le 10-Août, il devient secrétaire général du ministère de la Justice, occupé par Danton, et il déclare qu'aux massacres de Septembre :
"tout s'est passé avec ordre ".
Élu à la Convention, il siège dans les rangs de la Montagne où il ne joue qu'un rôle effacé, peut-être parce qu'on ne voit en lui qu'un léger républicain à calembours et à bons mots, diseur de gaudrioles de cimetière . Selon l'avis de Robespierre, c'est un enfant gâté. Barère affirme pour sa part :
"Il avait beaucoup d'esprit et trop d'imagination pour avoir du bon sens. »
Desmoulins s'oppose violemment à Brissot pour qui il était "vendu à tout le monde ... acheté de personne" et contre qui il publie deux brochures, "Brissot dévoilé" et "Histoire des brissotins", où il dénonce son absence de probité et lui rappelle qu'il fut l'homme de La Fayette.
Profondément ébranlé par la condamnation des Girondins le 30 octobre 1793, il lance Le Vieux Cordelier le 5 décembre, où il attaque d'abord les "exagérés à moustaches"
les hébertistes, puis, avec un grand courage, il fait de vibrants appels à la clémence :
"L'indignation imposa l'éloquence à l'intrépide et grivoise ironie du tribun", comme l'écrit Chateaubriand.
Arrêté le soir du 31 mars 1794, jugé en même temps et dans les mêmes conditions que les dantonistes, il est exécuté le 5 avril.
Sa femme Anne Lucile Duplessis-Laridon, connue sous le nom de Lucile Desmoulins, Paris 1771-Paris 1794, était la fille d'un premier commis à l'administration des Finances. Quand son mari fut arrêté, elle protesta dans une lettre adressée à Robespierre ; accusée de complicité, elle fut condamnée à mort et exécutée le 13 avril.

Sa vie

Lucie-Simplice-Camille-Benoît Desmoulins est le fils aîné de Jean-Benoît-Nicolas Desmoulins, seigneur de Bucquoy et de Sémery, lieutenant général au bailliage de Guise, en Picardie et de Marie-Madeleine Godart. Il a sept frères et sœurs.
Né le 2 mars 1760, Camille Desmoulins est baptisé le 3 mars 1760 à l'église Saint-Pierre-Saint-Paul à Guise, comme l'indique son acte de baptême :
"1760 : le deuxième jour du présent mois est né et a été baptisé le troisième jour de mars Lucie-Simplice-Camille-Benoist, fils de maistre Jean-Benoist-Nicolas Desmoulins, lieutenant-général civil et criminel au bailliage de Guise, et de dame Marie-Magdeleine Godart, son épouse.
Le parrain, M. Joseph Godart, son oncle maternel, de la paroisse de Wiège ; la marraine, dame Magdeleine-Élisabeth Lescarbotte, de cette paroisse, qui ont signé avec nous le présent acte.
Camille entre comme boursier au lycée Louis-le-Grand, où il fait de bonnes études : il est primé au concours général, la même année que son condisciple Maximilien de Robespierre. Il devient ensuite avocat à Paris.

Avocat et journaliste à Paris

Il fait alors partie de l’entourage de Mirabeau. Malgré un bégaiement remarqué, il devient un des principaux orateurs de la Révolution française. Son premier grand discours a lieu devant la foule réunie dans les jardins du Palais-Royal devant le café de Foy le 12 juillet 1789 après la démission de Necker à Versailles, prise pour un renvoi à Paris.
Il fait ses débuts de journaliste en novembre 1789, où il publie Les Révolutions de France et de Brabant, journal qui comptera 86 numéros. Il y dénonce constamment le complot aristocratique. Il s’oppose également au suffrage censitaire, en déclarant qu’un tel mode d’élection aurait exclu Jésus-Christ ou Jean-Jacques Rousseau.
Son journal est suspendu après la manifestation du Champ-de-Mars du 17 juillet 1791, bien qu’il n’ait lui-même pas participé à cet événement. Un autre journaliste jacobin, Joseph Du Saulchoy, par admiration pour lui, prendra la relève et fera publier le journal jusqu'en décembre 1791.

Le mariage avec Lucile

Camille Desmoulins épouse Anne Lucile Laridon-Duplessis le 29 décembre 1790 en l'église Saint-Sulpice à Paris. Ce jeune couple, qui s’est écrit de nombreuses lettres d’amour, est considéré comme un symbole des "Amours sous la Révolution française". Les témoins du mariage sont notamment Maximilien Robespierre et Louis-Sébastien Mercier. L'acte de mariage dans le registre paroissial de l'église Saint-Sulpice est ainsi rédigé :

"Ledit jour, vingt-neuf décembre 1790, a été célébré le mariage de Lucile-Simplice-Camille-Benoît Desmoulins, avocat, âgé de trente ans, fils de Jean-Benoît-Nicolas Desmoulins, lieutenant général au bailliage de Guise, et de Marie-Madeleine Godart, consentants, avec Anne-Lucile-Philippe Laridon-Duplessis, âgée de vingt ans, fille de Claude-Étienne Laridon-Duplessis, pensionnaire du Roi, et d'Anne-Françoise-Marc Boisdeveix, présents et consentants, les deux parties de cette paroisse, l'époux depuis six ans, rue du Théâtre-Français, l'épouse de fait et de droit depuis cinq ans avec ses père et mère, rue de Tournon ; trois bans publiés en cette église sans opposition, permission de fiancer et de marier le même jour en ce temps prohibé de l'avent, accordée par MM. les vicaires généraux le vingt-sept de ce mois, fiancailles faites.
Présents et témoins, du côté de l'époux : Jérôme Pétion, député à l'Assemblée nationale, rue du Fauxbourg Saint-Honoré, paroisse de la Madeleine-la-Ville-l'Évêque ; Charles-Alexis Brulard, député à l'Assemblée nationale, rue Neuve-des-Mathurins, paroisse de la Madeleine-la-Ville-l'Évêque ; du côté de l'épouse : Maximilien-Marie-Isidore Robespierre, député à l'Assemblée nationale, rue Saintonge, paroisse Saint-Louis-en-l'Île ; Louis-Sébastien Mercier, de plusieurs académies, rue des Maçons, paroisse Saint-Séverin, qui tous ont certifié le domicilie comme dessus et la liberté des parties, et ont signé.
Signé :
Camille Desmoulins, époux, Laridon-Duplessis, épouse, Laridon-Duplessis, père, Boisdeveix, mère, Pétion, Brulard, Robespierre, JP Brissot, Mercier
Berardier, député à l'Assemblée nationale,
Gueudeville, vicaire de Saint-Sulpice.
Député à la Convention nationale.

Avant et après la déclaration de guerre de 1792, il est résolument partisan de la paix, comme ses amis Robespierre, Danton et Marat. Cette opinion est formulée au club des jacobins en décembre 1791, dans Jacques-Pierre Brissot démasqué en février 1792, puis à partir du 30 avril 1792 dans La Tribune des Patriotes journal cofondé avec Fréron. Après le 10 août 1792 et la chute de la Monarchie, il devient secrétaire du ministère de la Justice, dirigé par Danton.
Il devient de plus en plus engagé dans la voie d’une répression des contre-révolutionnaires. Il est élu à la Convention nationale, où il siège parmi les Montagnards, mais ne joue pas de rôle important.
Dans le procès du roi en janvier 1793 il vote contre l'appel au peuple, pour la mort et contre le sursis. Le 13 avril 1793, il se prononce contre la mise en accusation de Marat. Beaucoup de ses contemporains voient en lui un brillant orateur, mais incapable de jouer un rôle politique. Il s’oppose beaucoup à Jacques-Pierre Brissot, qui l’accuse d’être corrompu.
Il publie contre lui Brissot dévoilé et Histoire des brissotins, où il rappelle la versatilité de son adversaire, ancien proche de La Fayette.
Il s’éloigne peu à peu des Montagnards, notamment après la condamnation des Girondins le 30 octobre 1793 qu'il aurait regrettée d'après des sources thermidoriennes.
Il fonde alors un nouveau journal, Le vieux cordelier, où il attaque les Hébertistes et lance des appels à la clémence. Dans le septième et dernier numéro, resté longtemps inédit, il attaque pour la première fois Robespierre qu'il accuse d'avoir tenu au club des jacobins contre l'Angleterre le 30 janvier 1794 le langage belliciste de Brissot

Procès et exécution à Paris

Considéré comme dantoniste, Camille Desmoulins est arrêté en même temps qu’eux le 31 mars 1794. Interrogé sur son identité devant le Tribunal révolutionnaire, Desmoulins répond :
"J’ai trente-trois ans, âge du sans-culotte Jésus, âge critique pour les patriotes".
Exclu des débats à la demande de Saint-Just, il est condamné à mort. Il est guillotiné place de la Révolution en même temps que Danton et leurs amis le 5 avril 1794. Sur l'échafaud, Camille Desmoulins aurait dit : "Voilà comment devait finir le premier apôtre de la liberté !", avant de demander au bourreau Sanson de remettre à sa belle-mère une mèche de cheveux de Lucile.
Son dernier mot, avant que ne tombe le couperet, est "Lucile". Il repose actuellement au catacombes de Paris.
Son acte de décès dans l'état civil de Paris est rédigé de la façon suivante :
"Du sept floréal l'an deuxième de la République, acte de décès de Lucie-Simplice-Camille-Benoît Desmoulins, du 16 germinal, profession : homme de lettres, âgé de trente-trois ans, natif de Guise, district de Vervins, domicilié à Paris, place du Théâtre-Français.
La place du Théâtre-Français est l'actuelle place de l'Odéon.
Anne Lucile Laridon-Duplessis, femme de Camille Desmoulins, sera également guillotinée une semaine plus tard, le 13 avril 1794

Descendance en Haïti : Horace-Camille Desmoulins

Camille et Lucile Desmoulins ont eu un fils, Horace-Camille Desmoulins, né le 6 juillet 1792 à Paris dont Robespierre sera le parrain lors d’un des premiers baptêmes républicains.
La formulation de l'acte de naissance d'Horace-Camille Desmoulins, en date du 6 juillet 1792, le premier acte de l'état civil de la municipalité de Paris et signé par le greffier Pierre-Paul Royer-Collard, est un témoignage du contexte de l'époque, annonçant la république :

"Acte de naissance d'Horace Desmoulins."
Extrait du registre provisoire des naissances, constatées à la ci-devant maison commune de Paris, année 1792.
Ce jourd'hui, 8 juillet 1792, l'an IV de la liberté, est comparu devant nous officier municipal, administrateur de police, étant actuellement à la maison commune dans le lieu des séances ordinaires du corps municipal, les portes étant ouvertes, Benoît-Camille Desmoulins, citoyen membre du conseil général de cette commune, demeurant à Paris, rue du Théâtre-Français. Lequel nous a dit que le 6 de ce mois, à neuf heures du matin, il lui était né un fils du légitime mariage de lui comparant, avec Anne-Lucile-Philippe Laridon-Duplessis.
Que la liberté des cultes étant décrétée par la Constitution, et par un décret de l'Assemblée nationale législative, relatif au mode de constater l'état civil des citoyens autrement que par des cérémonies religieuses, il doit être élevé dans chaque municipalité chef-lieu un autel sur lequel le père, assisté de deux témoins, présentera à la Patrie ses enfants. Le comparant voulant user des dispositions de la loi constitutionnelle, et voulant s'épargner un jour de la part de son fils, le reproche de l'avoir lié par serment à des opinions religieuses, qui ne pourraient pas encore être les siennes, et de l'avoir fait débuter dans le monde par un choix inconséquent, entre neuf cents et tant de religions qui partagent les hommes, dans un temps où il ne pouvait pas seulement distinguer sa mère.
En conséquence, il nous requiert, pour constater la naissance et l'état civil de son fils, qu'il nous a fait présenter sur le bureau en présence de Laurent Lecointre et de Merlin de Thionville, citoyens députés de l'Assemblée nationale, de recevoir la présente déclaration, voulant que son fils se nomme Horace-Camille Desmoulins. De laquelle déclaration il requiert qu'il en soit fait transcription dans le registre qui sera ouvert conformément à la loi ci-dessus rappelée, et que la présente minute, soit par nous en attendant, déposée au greffe de la municipalité, et dont expédition lui sera donné aussi signée par le déclarant avec nous et les témoins désignés, les jours et an que dessus.
Signé : Camille Desmoulins, Merlin de Thionville, et Lecointre.

Le dépôt de l'acte ci-dessus a été fait au secrétariat de la municipalité, et reçu par moi, secrétaire-greffier, le 9 juillet 1792, l'an IV de la liberté.
Signé : Royer.
Horace Desmoulins est élevé, après l’exécution de ses parents, par sa grand-mère maternelle Anne-Françoise-Marie Boisdeveix, Mme Duplessis.
En 1800, Bonaparte lui accorde une bourse d’études au Prytanée français.
En 1817, Horace Desmoulins se rend en Haïti pour monter une affaire commerciale et il y épouse Zoé Villefranche avec laquelle il a quatre enfants à Jacmel : Adolphe Desmoulins, né le 26 juin 1819 et mort jeune, Marie-Thérèse-Camille Desmoulins, née le 16 octobre 1820 et morte en 1862, Lucile, née le 8 septembre 1822 et Horace-Camille né le 29 juin 1825. Il y meurt d’une fièvre le 29 juin 1825, alors que naît son dernier enfant, Horace-Camille.
Sa tombe se trouve toujours au cimetière de Jacmel.

Jugements contemporain

"Camille avait été pour le moins aussi ami de Robespierre que de Danton. Mon frère avait pour lui une amitié très vive; souvent il m'a dit que Camille était peut-être celui de tous les révolutionnaires marquans qu'il aimait le plus, après notre jeune frère et Saint-Just. Desmoulins était un véritable patriote, et avait plus de vertu que Danton; sans en avoir autant que mes deux frères; il avait les qualités les plus aimables, mais aussi quelques défauts qui causèrent sa perte; il était orgueilleux et irascible: dès qu'il se croyait offensé il ne pardonnait plus, et faisait jouer contre ceux dont il croyait avoir à se plaindre les redoutables traits d'une critique mordante et acerbe.
Des hommes qui étaient loin de le valoir pour le patriotisme et pour le talent, et qui étaient jaloux de sa gloire, le calomnièrent et l'accusèrent d'être vendu aux aristocrates; il n'en fallut pas davantage pour que le bouillant Camille se déchaînât, et contre ceux qui l'attaquaient, et contre ceux qui, sans l'avoir attaqué, suivaient la même ligne de conduite que ses calomniateurs. Voilà pourquoi, au lieu de repousser les imputations de quelques membres des comités qui étaient ses ennemis personnels, il attaqua les comités en masse, fronda leurs actes, révoqua en doute la pureté de leurs intentions, et se rapprocha même des aristocrates. Les calomnies redoublèrent, ou plutôt les mensonges qu'on avait débités contre lui lorsqu'il était irréprochable devinrent des vérités, lorsque, par ressentiment, il eut cessé d'être pur. De jour en jour il se sépara davantage de ses anciens amis, fit cause commune avec Danton, et, se laissant aveugler par les éloges sans nombre que les aristocrates lui prodiguaient à cause de ses hostilités avec les plus terribles révolutionnaires, il devint réellement, l'acolyte de l'aristocratie. Le malheureux Camille tournait dans un cercle vicieux; les ennemis de la révolution l'élevaient jusqu'aux nues, vantaient ses principes, son éloquence, sa modération. Toutes ces louanges le rendait suspect aux yeux des véritables démocrates, ses ennemis en faisaient des armes contre lui, et disaient : Camille est contre-révolutionnaire. Camille, que cette accusation mettait hors de lui, se ruait avec plus de fureur contre ceux qui l'accusaient, et les aristocrates redoublaient d'éloges.
C'est alors que Desmoulins publia son Vieux Cordelier, où il faisait pour ainsi dire le procès à tous les révolutionnaires, et, par contre, à la révolution. C'était une haute imprudence de sa part; c'était plus, c'était un crime. Mon frère aîné me dit tristement à ce sujet "Camille se perd".
Il ressentait un très vif chagrin de le voir déserter la sainte cause de la révolution, et, au risque de se compromettre lui-même, il prit plusieurs fois sa défense; plusieurs fois aussi il essaya de le ramener, et lui parla comme à son frère, mais inutilement.
Dans une des séances de la Société des Jacobins, où une explosion de reproches et d'accusations tombait sur Camille Desmoulins et sur son Vieux Cordelier, Maximilien prit la parole, et tout en blâmant énergiquement l'écrit chercha à justifier l'auteur. Malgré son immense popularité et son influencé extraordinaire, des murmures accueillirent ses paroles. Alors il vit qu'en voulant sauver Camille il se perdait lui-même. Camille ne lui tint pas compte des efforts qu'il avait faits pour repousser les accusations dont il était l'objet; il ne se rappela que du blâme qu'il avait déversé sur son Vieux Cordelier, et dès lors il dirigea mille diatribes acrimonieuses contre mon frère."
— Charlotte Robespierre

Å’uvres

Ode
Discours à la lanterne
La France libre
L'Histoire des Brissotins juin 179I
Les Révolutions de France et de Brabant 1789-juillet 1791
Le Vieux Cordelier décembre 1793-février1794
La Tribune des patriotes avec la participation de Louis-Marie Stanislas Fréron avril-mai 1792
Jacques-Pierre Brissot démasqué février 1792
Les Nouvelles Révolutions de France et de Brabant, en collaboration avec Merlin de Thionville, novembre-décembre 1792

Citations

"Voilà mon pistolet, je saurai mourir glorieux " le 12 juillet 1789, au Palais-Royal
"Brûler n’est pas répondre "au club des Jacobins, à Robespierre
"Non contents de m’assassiner, ils veulent encore assassiner ma femme !"au procès des dantonistes, le 4 avril 1794
"Peuple on te trompe, on tue tes amis ! Mon seul crime n’a jamais été que d’avoir versé des larmes !"sur la charrette qui le conduisait à l’échafaud, le 5 avril 1794
"Bourreau, tu donneras les cheveux de ma femme à sa mère" mot qu’il lança au bourreau, avant de mourir sur l’échafaud
Lucile ! le nom de sa femme, qu’il cria avant que le couperet tombe

Cinéma et télévision

1977 - Danton, téléfilm italien avec Jean Négroni et Manuel Gélin Saint-Just
1977 - Les amours sous la révolution, Lucile et Camille Desmoulins, téléfilm de Jean-Paul Carrère, avec Bernard Alane (Camille) et Claude Jade (Lucile)
1982 - Danton, de Wajda - Patrice Chéreau dans le rôle de Camille Desmoulins
1989 - La Révolution Française : les Années Lumière, La Révolution Française : les Années Terribles - François Cluzet dans le rôle de Camille Desmoulins
2008 - Charlotte Corday - Raphaël Personnaz dans le rôle de Camille Desmoulins.
2013 : téléfilm Une femme dans la Révolution, rôle joué par Alexis Loret.

Théâtre

1835 - Georg Büchner, La Mort de Danton
1988 - La Liberté ou la mort d'après Danton et Robespierre d'Alain Decaux, Stellio Lorenzi et Georges Soria. Pièce mise en scène par Robert Hossein et jouée au Palais des congrès de Paris avec Daniel Mesguich dans le rôle de Camille Desmoulins.
2012 - 1789 les amants de la Bastille : Spectacle musical de Dove Attia et Albert Cohen, avec Rod Janois dans le rôle de Desmoulins

Roman

1872 - Alexandre Dumas, Création et rédemption "Le docteur mystérieux", "La fille du marquis"
2008 - Christophe Bigot, L'Archange et le Procureur, éditions Gallimard
Annie Jay et Micheline Jeanjean, L'inconnu de la Bastille.

Liens
http://youtu.be/bzYfUMmZWkE La passion de Lucille et Camille Desmoulins téléfilm
http://youtu.be/wLxUDbwpPuc La harangue de Desmoulins
http://youtu.be/wp9IHpmgP2Q Hymne à Camille Desmoulins
http://youtu.be/XiM74n8I2Gc Henri Guillemein conférence sur la révolution
http://www.ina.fr/video/CPB86005100/l ... -de-la-terreur-video.html Les hommes de la terreur


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Posté le : 01/03/2014 14:03
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Berthe Morisot
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Le 2 mars 1895 à Paris, à 54 ans meurt Berthe Morisot

née le 14 janvier 1841 à Bourges artiste-peintre française, membre fondateur et doyenne du mouvement d'avant-garde que fut l'Impressionnisme. Œuvres les plus réputées : "Vue du petit port de Lorient", "Le Berceau", "Eugène Manet à l'île de Wight", "Le Port de Nice", "Roses trémières", "Le Psyché", "Le Flageolet", "Julie et son lévrier"," L'Hortensia ", "Autoportrait avec julie"

Une femme peintre

Un peu à l'écart du groupe impressionniste, comme le remarque Paul Valéry dans un texte publié à l'occasion de la rétrospective de 1941 au musée de l'Orangerie, se tient une dame : Berthe Morisot. Dans cet écart, fait de modestie et de contraintes liées à son identité de femme, tiennent toute l'ambiguïté et les défis de ce statut nouveau : être femme et peintre. Longtemps connue comme le modèle préféré d'Édouard Manet, son beau-frère, et longtemps demeurée à l'ombre de ses confrères impressionnistes, Berthe Morisot fut pourtant considérée par eux comme leur égale. C'est la place que le musée Marmottan Monet à Paris a voulu mettre en évidence du 8 mars au 1er juillet 2012, plus de cinquante ans après la dernière rétrospective parisienne qui lui fut consacrée et dix ans après celle de Lille. Possesseur de la plus importante collection d'œuvres de l'artiste, le musée Marmottan Monet était sans doute le plus apte à retracer ce parcours, en quelque cent cinquante œuvres (peintures, aquarelles et dessins, venues également de musées internationaux et de collections privées.
Les œuvres de Berthe Morisot sont rapidement considérées d'une force égale à celles du groupe qui expose pour la première fois en 1874 dans l'atelier de Nadar, et qui entre dans l'histoire au titre de la première exposition impressionniste. La jeune femme y expose neuf toiles, qui sont remarquées par la critique. Elle participe dès lors à chacune des expositions impressionnistes, sauf en 1879, peu après la naissance de sa fille Julie. Son entrée dans la famille Manet, en 1874, par son mariage avec Eugène, le frère d'Édouard, lui procure la tendresse attentionnée et compréhensive de celui qui œuvra toute sa vie à sa reconnaissance en tant qu'artiste
À travers une œuvre d'une grande liberté de facture, elle donne une vision lumineuse et heureuse de sa vie de femme et de mère, "Jour d'été" en 1879 ; "Eugène Manet et sa fille" dans le Jardin de Bougival en 1884, qui ne laisse pas soupçonner les souffrances procurées par son exigence d'artiste. Des paysages aux portraits intimes, elle se distingue par une sûreté de composition et une qualité de dessin qui plaît particulièrement à Degas et à Renoir, sans rien sacrifier d'une spontanéité apparente. La touche, abrégée, rapide, dessine dans la couleur, et restitue le sentiment de l'instant capturé à la volée. Cette légèreté de la facture l'a souvent fait comparer à Fragonard, son arrière grand-oncle. Pourtant, son œuvre reste singulière. Les liens d'amitié particuliers qui la lient à Renoir renforcent son goût pour le dessin, et soutiennent l'ambition des grandes compositions décoratives qui apparaissent dès le début des années 1890, "Le Cerisier" en 1891. Non contente de réunir sa vie à son œuvre, c'est en peintre ambitieuse qu'elle réfléchit, déclinant parfois en grand des compositions qu'elle expérimente sous différents formats, différentes techniques "série des Bergères" en 1891. Elle parvient ainsi à restituer ce qui la torture depuis toujours, à l'instar de Monet : "fixer quelque chose de ce qui passe. En 1941, lors de la rétrospective de l'Orangerie, Paul Valéry la salue en ces termes :
"On perçoit à présent des qualités qu'elle fut seule à posséder parmi les impressionnistes, et qui sont, du reste, des plus rares en peinture."
Elle représente l'élément féminin du groupe impressionniste, respectée par ses camarades et admirée. À sa table, se réunissent son beau-frère Édouard Manet qui est le plus mondain, Edgar Degas, le plus ombrageux, Pierre-Auguste Renoir, le plus sociable, et Claude Monet le plus indépendant du groupe. Stéphane Mallarmé l'introduit auprès de ses amis écrivains.
Les étapes de la carrière de Berthe Morisot ne sont pas très marquées car elle a détruit toutes ses œuvres de jeunesse. C'est à peine si l'on discerne une influence d'Édouard Manet ou de Pierre-Auguste Renoir vers la fin de sa vie. Après sa mort, la galerie Durand-Ruel a organisé une rétrospective de ses peintures aquarelles, pastels dessins et sculptures : il y avait plus de quatre cents pièces.
En 1983, Elizabeth Kennan, rectrice du Mount Holyoke College et C. Douglas Lewis, conservateur du département de sculptures de la National Gallery of Art admirent la peinture de Berthe Morisot et ils décident, pour célébrer le cinquantième anniversaire de la création du Mount Holyoke College, d'organiser une grande rétrospective des œuvres de l'artiste à la National Gallery of Art, car les quatre principaux mécènes du college ont été parmi les premiers à collectionner les œuvres de Berthe Morisot. Ils ont été les pionniers d'une reconnaissance qu'on ne lui accordait pas, sans doute par sexisme, selon Sophie Monneret, car les femmes-peintres ont une place restreinte dans les musées, mais depuis quelques années, on constate une forme de réhabilitation de Berthe Morisot. La Fondation Gianadda de Martigny a accueilli en 2002 une grande exposition de ses œuvres. Le musée Marmottan lui a consacré une grande rétrospective de mars à août 2012. C'était la première rétrospective qu'on lui accordait à Paris depuis près de cinquante ans.
Berthe Morisot était une rebelle. Tournant le dos très jeune à l'enseignement académique du peintre lyonnais Chocarne, elle a fondé avec Claude Monet, Auguste Renoir, Alfred Sisley, Camille Pissarro, Edgar Degas le groupe d'avant-garde les Artistes Anonymes Associés, qui allait devenir la Société anonyme des artistes peintres, sculpteurs et graveurs regroupant des impressionnistes. Sa volonté de rupture avec les traditions, la transcendance de ses modèles, et son talent ont fait d'elle la grande dame de la peinture selon Anne Higonnet .
D'abord marquée par l'enseignement de Corot, puis par la fréquentation d'Édouard Manet, dont elle épouse le frère, Eugène, elle se lie aux impressionnistes et peint, dans une manière délicate et lumineuse, des scènes intimistes d'intérieur ou de plein air, le Berceau, 1872, la Chasse aux papillons, 1874, musée d'Orsay.
Vers 1890, sous l'influence de Renoir, elle tend vers un dessin plus ferme, des tons plus vifs, sans perdre son originalité
Élève de Guichard, ami de Corot, dont elle copia la Vue de Tivoli, en 1863, donnée au Louvre plus tard par la famille Rouart, elle peignit, sur le conseil de ce dernier, des paysages près de Pontoise, en 1863, et rencontra Daubigny et Daumier. Mais son nom est surtout lié à celui de Manet, qu'elle connut v. 1867. Celui-ci l'a peinte dans le Balcon, 1868, Paris, musée d'Orsay et a même retouché une de ses toiles, la Sœur de l'artiste, Edma, et leur mère, 1869, Washington, N. G.. Berthe Morisot se convertit à la peinture de plein air, à l'exemple des amis de Manet, Bazille, Renoir, Monet — Vue du petit port de Lorient, 1869, New York, coll. Mellon Bruce, la Chasse aux papillons, 1874, Paris, musée d'Orsay, l'Entrée du port, 1874, musée de Bagnols-sur-Cèze —, mais continua à peindre des portraits et des intérieurs : le Berceau, 1873, Paris, musée d'Orsay, Dans la salle à manger, 1886, Washington, N. G.
Bien que régulièrement admise au Salon, elle participa à la plupart des expositions impressionnistes, malgré la réprobation de Manet, dont elle épousa le frère Eugène, en 1874. Grâce aux impressionnistes, elle éclaircit sa palette, mais elle ne dut qu'à elle-même la fraîcheur lumineuse de ses tons, sa facture libre et vigoureuse et cette poésie " virginale " qui charma et séduisit Renoir.
Parmi ses œuvres les plus réussies de l'artiste, on peut citer Cousant dans le jardin, 1881, musée de Pau, Dans l'herbe à Maurecourt, 1884, Toledo, Ohio, Museum of Art, de nombreuses scènes d'intimité familiale, où l'artiste exprime sa tendresse pour la vie enfantine, et des aquarelles fraîches et elliptiques, coll. Rouart.

Sa vie

Berthe Morisot naît à Bourges où son père, Edmé Tiburce Morisot, est préfet du département du Cher. La mère de Berthe est l'arrière-petite-nièce du peintre Jean Honoré Fragonard. La famille s'installe définitivement à Paris en 1852.
Berthe avait deux sœurs. L'une, Yves, 1838-1893, devint plus tard Madame Théodore Gobillard, peinte par Edgar Degas sous le titre Madame Théodore Gobillard, Metropolitan Museum of Art, huile sur toile. Yves est bien le prénom de la jeune fille. Sa deuxième sœur, Edma, 1839-1921, pratiquait la peinture avec Berthe dont elle a fait le portrait en 1865 collection privée. Les deux sœurs exposèrent ensemble pour la première fois au Salon en 1864, mais Edma abandonna ses pinceaux aussitôt après son mariage avec un officier de marine de Cherbourg. Les sœurs Morisot avaient aussi un frère, Tiburce, dont on ne connaît rien d'autre que la date de naissance en 1848 et qu'on confond avec son père également prénommé Tiburce.
C'est le père qui rapporte les propos enflammés que Joseph Guichard tenait à son épouse sur le talent de ses filles "Avec des natures comme celle de vos filles, ce ne sont pas des petits talents d'agrément que mon enseignement leur procurera ; elles deviendront des peintres. Vous rendez-vous bien compte de ce que cela veut dire ? Dans le milieu de la grande bourgeoisie qui est le vôtre, ce sera une révolution, je dirais presque une catastrophe. Êtes-vous bien sûre de ne pas me maudire un jour ?".
C'est en effet la mère des sœurs Morisot qui leur avait offert des leçons de peinture pour faire une surprise à son mari qui, lui-même, avait étudié l'architecture et était amateur d'art. Le père venait d'être nommé à la Cour des Comptes, mais selon les souvenirs rapportés par Tiburce, le jeune frère de neuf ans, l'enseignement de Geoffroy-Alphonse Chocarne, dans le style néo-classique, ne plaisait pas du tout aux jeunes filles. Et comme l'École des beaux-arts n'était pas ouverte aux femmes, Madame Morisot trouva un autre professeur, Joseph Guichard, dont Edma et Berthe apprécièrent beaucoup l'enseignement.
Cependant, après avoir rencontré les copistes au Louvre, notamment Fantin-Latour qui s'enthousiasmait pour Horace Lecoq de Boisbaudran et ses méthodes originales, Edma et Berthe demandèrent à Guichard des leçons de peinture en plein air. Guichard les confia au paysagiste Achille Oudinot, qui les confia à son tour à son ami Jean-Baptiste Camille Corot.
La famille Morisot loua une maison à Ville-d'Avray, pendant l'été, pour que les jeune filles puissent peindre auprès de Corot, qui devint bientôt un familier de leur domicile parisien rue Franklin. Comme il était opposé à toute forme d'enseignement traditionnel, on ne sait pas si Corot donna souvent des leçons aux jeunes filles, et dans quel lieu. On remarque néanmoins que Berthe tient de lui sa palette claire et son goût pour les traces apparentes de pinceaux, ou pour les petites études de paysage

Premières expositions

En 1863, il y eut un phénomène qui devait marquer l'histoire de l'art : le Salon de peinture et de sculpture accepta les toiles de Corot. Mais il refusa un si grand nombre d'artistes parmi les cinq mille qui présentaient des œuvres, et cela créa un tel scandale, que l'empereur ouvrit un autre Salon : le Salon des refusés.
Cette agitation n'empêchait pas les sœurs Morisot de préparer leur premier envoi au Salon de 1864. Les Morisot louèrent une ferme dans un village de l'Oise nommé "Le Chou ", près d'Auvers-sur-Oise où Edma et Berthe furent présentées à Charles-François Daubigny, Honoré Daumier, Émile Zola.
Pour son premier envoi, Berthe fut admise au Salon avec Souvenir des bords de l'Oise et Un vieux chemin à Auvers, Edma avec une scène de rivière à la manière de Corot. Deux critiques d'art remarquèrent les tableaux des sœurs et notèrent l'influence de Corot, mais on leur accorda peu d'attention.
L'année suivante, l'envoi de Berthe au Salon de 1865 fut remarqué par Paul Mantz, critique d'art à la Gazette des beaux-arts, qui y voyait :
"beaucoup de franchise et de sentiment dans la couleur et la lumière", appréciation qui contraste avec celle qu'il va porter en 1881 sur la peinture lorsqu'elle montrera plus d'audace dans son style". Il est vrai que jusqu'en 1867, Berthe présentait encore des œuvres qui ne dérangeaient pas comme La Brémondière, scène de rivière aujourd'hui disparue. Il reste un de ses premiers chefs-d'œuvre Chaumière en Normandie une huile sur toile, en collection particulière où son talent éclate dans la manière de strier la toile de troncs d'arbres pour faire apparaître en arrière-plan des vues d'une chaumière.
Au Louvre, les deux sœurs ont rencontré Édouard Manet avec les copistes. Les parents Morisot donnaient des soirées où ils rencontraient les Manet. Madame Manet-mère donnait également des soirées où elle recevait les Morisot, et tout ce monde se retrouvait encore aux soirées de Monsieur de Gas père d'Edgar Degas où étaient présents Charles Baudelaire, Emmanuel Chabrier, Charles Cros, James Tissot, Pierre Puvis de Chavannes.
Cette bourgeoisie d'avant-garde était alors très mondaine. On apprit par Madame Loubens, surtout connue pour le portrait que Degas a fait d'elle que Degas avait été amoureux d'Edma, et que Manet avait exprimé son admiration pour le travail de cette même jeune fille. Le salon des Morisot était fréquenté par un nombre croissant de célibataires, parmi lesquels se trouvait Jules Ferry auquel Tiburce Morisot dénonça les dangers du baron Haussmann et ses projets urbains grandioses. Les deux sœurs avaient confié des toiles au marchand Alfred Cadart, dont elles attendaient beaucoup et qui se révéla décevant mais Madame Morisot s'inquiétait moins, désormais, pour la carrière de ses filles que pour le choix de leurs époux : Yves venait d'épouser en 1866 Théodore Gobillard, un fonctionnaire mutilé d'un bras pendant la campagne du Mexique. Edma épousa deux ans plus tard Adolphe Pontillon, officier de marine, ami de Manet, avec lequel elle partit pour la Bretagne.
Après avoir passé un dernier été avec ses deux sœurs en Bretagne, chez Edma, Berthe commença une carrière indépendante.
Elle peignit une vue de la rivière de Pont-Aven à Rozbras, exposée l'année suivante au Salon de 1868, avec les toiles d'Edma, qui exposait encore. La plupart des critiques -sauf Émile Zola, ardent défenseur de Manet- négligèrent les œuvres de Berthe et Edma Morisot, cette année-là.
À cette époque, le mépris pour les femmes-peintres atteignait des sommets, et Manet écrivait à Fantin-Latour :
"Je suis de votre avis, les demoiselles Morisot sont charmantes, c'est fâcheux qu'elles ne soient pas des hommes. Cependant, elles pourraient, comme femmes, servir la cause de la peinture en épousant chacune un académicien et en mettant la discorde dans le camp de ces gâteux ".
Mais Berthe poursuivit sa carrière.
En 1869, elle ramena d'une visite à sa sœur une "Vue du petit port de Lorient", huile sur toile, National Gallery of Art

L'encombrant ami Manet

De Lorient, en 1869, Berthe rapporta une toile représentant Edma, intitulée Jeune femme à sa fenêtre "Madame Pontillon", huile sur toile.
Berthe adoptait là un style qui rappelait une scène de genre d'Alfred Stevens, tout en faisant preuve d'une bien plus grande liberté. Manet venait alors de commencer une toile semblable de plus grand format, et il éprouvait les plus grandes difficultés à traiter le visage de son modèle Eva Gonzalès, qui s'était également mise en tête de devenir son élève : Manet s'y reprit trente fois. Frustré, il s'acharnait sur le petit portrait d'Edma souhaitant que Berthe le retravaillât.
Mais il en faisait les plus grands éloges. Le tableau fut d'ailleurs admis au salon de 1870 en même temps qu'un autre tableau de Berthe, de plus grand format, représentant Madame Morisot-mère et Edma, intitulé Madame Morisot et sa fille, Madame Pontillon, également intitulé La Lecture, huile sur toile, 1869-1870, National Gallery of Art. Manet était intervenu à outrance sur ce tableau, ce qui déplut à Madame Morisot-mère qui écrivait le 20 mars 1870 :
"Pour mon compte, je trouvais atroce les améliorations que Manet avait fait subir à ma tête. Le voyant dans cet état, Berthe me disait qu'elle préférait le voir au fond de la rivière plutôt que d'apprendre qu'il était reçu."
Berthe n'appréciait pas les interventions du peintre sur cette toile qu'elle retoucha discrètement avant de l'envoyer au salon. Il semble que les critiques aient été au courant des interventions excessives de Manet, raison pour laquelle ils gardèrent un silence discret, ce qui irrita Manet. Berthe ne lui tint pas rigueur de cet épisode et leur amitié resta intacte. Manet avait une tendance à s'approprier Berthe, qu'il avait déjà fait poser pour son tableau "Le Balcon" et qu'il choisit souvent comme modèle, notamment juste après ses fiançailles avec Eugène Manet et juste après leur mariage en 1874
Le 19 juillet 1870, éclatait la Guerre entre la France et la Prusse. Les frères Manet, Degas, Félix Bracquemond et d'autres artistes, étaient engagés dans la Garde Nationale. Berthe accepta de partir pour Saint-Germain-en-Laye avec sa mère, mais après avoir rejoint Edma à Cherbourg où elle peignit, elle refusa de quitter la France et revint à Paris quelques mois plus tard alors que les combats s'intensifiaient autour de Paris et que la santé de la jeune fille était mise à rude épreuve. Berthe cessa de peindre pendant un temps. De Cherbourg, elle avait rapporté Le Port de Cherbourg, 1871, huile sur toile, collection particulière, Femme et enfant assis dans un pré, 1871 , aquarelle sur papier, Au Bord de la forêt, 1871 aquarelle sur papier.

Évolution de la femme-peintre, Influence et échanges Morisot-Manet
‪

Il y eut ensuite un chassé-croisé d'influences mutuelles, d'emprunts parfois imperceptibles, de Manet à Morisot et inversement. Entre 1871 et 1872, Berthe réalisa un tableau représentant sa sœur, Yves Gobillard, avec sa fille, Bichette, sous le titre Femme et enfant au balcon, huile sur toile 60 × 50 cm, collection particulière. Yves est de profil et l'enfant, de dos, tourné vers Paris, reprend une idée que Berthe avait déjà traitée dans une des aquarelles de Cherbourg : Femme et enfant assis dans un pré 1871, où l'enfant a également le dos tourné.
L'année suivante Manet reprit la silhouette de l'enfant vue de dos, qui regarde au loin, à travers une grille dans son Chemin de fer, huile sur toile, National Gallery of Art, mais la balustrade verte de Berthe Morisot rappelle celle du Balcon de Manet.
Berthe aimait tant son tableau qu'elle en fit une copie à l'aquarelle 20,5 × 16,4 cm, Art Institute of Chicago. Le personnage de dos apparaît souvent dans les toiles de Berthe. Par ce procédé, elle donnait aux portraits de famille un aspect moins affecté, qui inaugurait un nouveau genre déjà expérimenté avec la toile Intérieur, 1871. La femme de profil au premier plan voit l'enfant écarter le rideau de la fenêtre, mais la lumière du jour est si forte que toutes les formes sont dissoutes, ce qui lui vaudra d'être refusé au Salon de 1872.
La même année, Berthe réalisa Vue de Paris des hauteurs du Trocadéro, Santa Barbara Museum of Art, Californie. Mais elle n'était pas contente de son travail car elle écrivit à Edma que " ... comme arrangement, cela ressemble à du Manet. Je m'en rends compte et je suis agacée", faisant allusion au tableau que Manet peignit pendant l'exposition universelle de 1867 : Vue de l'exposition universelle de 1867, huile sur toile, Nasjonalgalleriet, Oslo
L'atelier de Berthe à Passy avait été endommagé par la guerre. Elle cessa de peindre un temps et préféra poser pour Manet qui, déprimé par la guerre, n'arrivait plus à travailler44. De cette période date Berthe Morisot au chapeau noir, 1872, collection particulière.
Au début de l'année 1872, par l'intermédiaire d'Alfred Stevens, le marchand Paul Durand-Ruel vint dans l'atelier de Manet et lui acheta vingt deux toiles. Au début juillet, Berthe demanda à Manet de montrer un de ses paysages de bord de mer à Durand-Ruel qui acheta : L'Entrée du port de Cherbourg, huile sur toile, 35 × 41 cm, Musée Léon-Alègre, Bagnols-sur-Cèze45, et trois aquarelles de Berthe dont La Jeune fille sur un banc, Edma Pontillon, 1972, National Gallery of Art, puis en 1873, Vue de Paris des hauteurs du Trocadéro qu'il revendit à un prix respectable à Ernest Hoschedé négociant et collectionneur.
Peu à peu, Berthe allait s'écarter des couleurs sombres de Manet pour adopter des couleurs de plus en plus claires.

Maîtrise de l'art

La maîtrise de Berthe commençait à subjuguer ses camarades qui la reconnaissaient comme une artiste à part entière, en particulier Edgar Degas. Elle commençait à se détacher des couleurs un peu sombres pour adopter des tons de plus en plus clairs, qu'elle tenait de Corot. Parfois ses couleurs étaient éclatantes comme sur la toile Intérieur que le jury du salon de 1872 refusa, ce qui indigna Puvis de Chavannes. Manet qui suivait toujours de très près le travail de Berthe se laissa peu à peu influencer par les teintes claires de La Petite fille aux jacinthes, pastel, 1872, de Jeune fille assise sur un banc, Edma Pontillon, 1872, et du Berceau, 1872, huile sur toile, musée d'Orsay envoyé au salon de 1872.
Le Berceau marque une étape dans l'évolution de Berthe : "La façon dont Berthe peint cette enfant avec des blancs détrempés, des gris frottés et des petits points roses parsemés sur le bord du tissu suppose un pinceau extraordinairement libre qui contraste avec les traits nettement dessinés de la mère."
C'est de cette époque que date le plein épanouissement de Berthe qui allait souvent s'installer dans la propriété de sa sœur à Maurecourt dans l'Oise pour travailler. Son style évolue notablement :
"…son extraordinaire sensibilité artistique est exprimée avec une extrême délicatesse de touches, et une brosse rapide, art que l'on peut rapprocher de celui de la fugue, et qui semble faire naître de la lumière même les personnages inscrits dans le paysage. La Chasse aux papillons, 1874, huile sur toile, musée d'Orsay, Cache-cache, 1873, huile sur toile, collection privée, montrent la maîtrise parfaite de l'expression plastique où les influences de Corot et de Manet sont à la fois assimilées et transcendées.
De cette époque naîtront des œuvres comme : Madame Boursier et sa fille 1873, huile sur toile, Brooklyn Museum, Sur la pelouse, 1874, pastel, musée du Petit Palais, Paris, Sur la plage, 1873, huile sur toile, Virginia Museum of Fine Arts, Richmond en Virginie.
À l'été 1874, Berthe passa ses vacances à Fécamp avec Edma, ses enfants, et des amis de la famille qui posèrent pour elle. En vacances non loin de là, Eugène Manet, âgé de quarante et un ans, venait parfois peindre aux côtés de Berthe et surtout la courtisait.
Le 22 décembre suivant, Berthe l'épousait. Cette année-là, Édouard fit de Berthe deux magnifiques portraits, Portrait de Berthe Morisot à l'éventail, huile sur toile, Musée de Lille, où Berthe apparaît en deuil après la mort de son père en janvier. On distingue néanmoins sa bague de fiançailles sur la main gauche et l'éventail est replié. L'autre portrait est intitulé Berthe Morisot à l'éventail, Musée d'Orsay présente Berthe le visage caché derrière son éventail.

Engagement impressionniste

Le Salon de 1873 avait été houleux. Les artistes qui s'étaient vus refuser leurs travaux se plaignaient des choix conservateurs du jury. Berthe n'eut qu'un seul tableau accepté Blanche, œuvre très conventionnelle qui représentait sans doute Blanche Pontillon bébé.
Mais déjà, un groupe d'artistes composé de Monet, Pissarro, Sisley, Degas, avaient signé une charte le 27 décembre 1873, projetant d'organiser une coopérative : La Société des artistes français, qui allait prendre le nom de Société anonyme des artistes peintres, sculpteurs et graveurs à laquelle Berthe adhéra après la mort de son père. Elle abandonnait le Salon officiel pour les expositions impressionnistes dont elle allait être l'un des éléments marquants. Ceci en dépit des conseils de Puvis de Chavannes, et du refus de Manet, qui venait de recevoir une médaille au salon de 1873 et qui ne voulait pas se joindre au groupe, "...prouvant ainsi que pour être admis, il faut faire au goût officiel d'énormes concessions. Les discussions étaient vives.
La première exposition eut lieu dans les Salons Nadar, 35 boulevard des Capucines, là où se trouvaient les anciens ateliers de Nadar. Vingt neuf artistes y participaient, Berthe étant la seule femme. Une semaine avant l'ouverture de l'exposition, Puvis de Chavannes lui envoya une lettre pour la mettre en garde contre le fiasco de cette entreprise. Mais rien n'arrêta la jeune femme.
Elle affirmait ainsi son indépendance vis à vis de Manet qui s'était détourné de cette exposition contestataire. Parmi les huiles qu'elle envoya chez Nadar, il y avait : Le Berceau musée d'Orsay, Le Port de Cherbourg, la Lecture, Cache-cache, parmi les pastels : Portrait de mademoiselle Madeleine Thomas, Le Village de Maurecourt, Sur la Falaise, pastel, département des arts graphiques, musée du Louvre. D'après le catalogue de l'exposition, Berthe exposa quatorze huiles, trois pastels et trois aquarelles.
Trois mille cinq cents visiteurs se bousculèrent, la critique vint en nombre. La plus remarquée fut celle parue le 25 avril dans Le Charivari signée Louis Leroy, qui, reprenant dans son article le titre d'un des tableaux de Monet Impression, soleil levant, donna son nom au mouvement impressionniste :
"... Mais l'impression, devant le boulevard des Capucines ... En voilà de l'impression ou je ne m'y connais pas ... Je me disais aussi, puisque je suis impressionné, c'est qu'il y a de l'impression là-dedans."
Eugène soutenait déjà Berthe à l'été 1874, au moment où la presse ridiculisait la jeune fille, l'accusant de se donner en spectacle. Mais Berthe poursuivait avec ardeur dans la voie qu'elle avait choisie. Elle s'affirmait, abandonnant un tableau dont le fond n'était pas terminé : Portrait de madame Hubbard huile sur toile, Ordrupgaard museum de Copenhague, et le conservant pour le vendre, alors qu'autrefois, elle aurait détruit une œuvre inachevée.
Elle participa à une vente aux enchères à Drouot où douze de ses œuvres furent vendues.
Ce fut un scandale. Renoir racontait qu'un détracteur avait qualifié Berthe de prostituée et que Pissarro lui avait envoyé son poing dans la figure, ce qui avait déclenché une bagarre. La police fut appelée en renfort.
Manet encourageait les journalistes à apporter leur soutien à cette vente, alors que le journal Le Figaro dénonçait les tendances révolutionnaires et dangereuses de la première exposition impressionniste dans une violente diatribe signée Albert Wolff. Le journaliste traitait les artistes d'aliénés :
"Il y a aussi une femme dans le groupe comme dans toutes les bandes fameuses ; elle s'appelle Berthe Morisot et est curieuse à observer. Chez elle, la grâce féminine se maintient au milieu des débordements d'un esprit en délire. "
Eugène avait l'intention de le provoquer en duel, mais Berthe et ses camarades le détournèrent de ce projet
Des œuvres de cette époque s'appliquent à décrire, dans des formats plus petits, le monde ouvrier que Zola célébrait, et que Monet, Pissarro et Degas choisirent aussi pour sujet à partir de 1875. Berthe elle-même participa de cette tendance avec un de ses tableaux les plus réussis : Percher de blanchisseuses, 1875, huile sur toile,, National Gallery of Art, Washington. Cette année-là, Eugène fut contraint d'être le modèle de Berthe, il détestait poser pour le tableau : Eugène Manet à l'île de Wight, huile sur toile, collection particulière .
Berthe, désormais plus sûre d'elle, chercha à vendre ses toiles. Édouard et Eugène l'encouragèrent à les envoyer à la galerie Dudley de Londres qui n'en exposa aucune. En revanche, Hoschedé acheta chez Durand-Ruel Femme à sa toilette, scène d'intérieur inondée de lumière et traitée à grands traits, huile sur toile, collection particulière68. Certains critiques d'art, Arthur Baignières surtout, commentaient l'évolution de son style en regrettant qu'elle poussât aussi loin la recherche impressionniste :
"Elle pousse le système impressionniste à l'extrême et nous le regrettons d'autant plus qu'elle possède des qualités rares comme coloriste. Plusieurs de ses toiles représentent des vues de l'île de Wight et on ne peut pas les reconnaître (…) Mademoiselle Morisot est une impressionniste si convaincue qu'elle peut peindre jusqu'au mouvement de chaque chose inanimée."

Figure de proue impressionniste

Les expositions de ceux que Wolff qualifiait d'aliénés se poursuivirent jusqu'en 1886, avec beaucoup de difficultés, mais beaucoup d'enthousiasme. Il y en eut huit, la troisième étant financée par Gustave Caillebotte. Berthe participa à toutes sauf à la quatrième en 1879, car elle avait à faire avec sa fille Julie qui était née le 14 novembre 1878. Les femmes-peintres étaient brillamment représentées cette année-là par Marie Bracquemond et Mary Cassatt.
En 1876, à la deuxième exposition du groupe, à la galerie Durand-Ruel, rue Le Peletier, Berthe exposa Jeune fille au bal, Musée d'Orsay. Ainsi que Le Psyché huile sur toile, musée Thyssen-Bornemisza, Madrid, ancienne collection Thyssen-Bornemisza de Lugano
Elle était en train de devenir une des figures de proue du groupe impressionniste, en même temps que l'américaine Mary Cassatt, qui était venue vivre à Paris en 1874. Mais la critique conventionnelle s'offusquait de sa peinture féminine, sauf Mallarmé qui lui apportait un soutien enthousiaste.
Toutefois, les tableaux de Berthe intéressaient moins les critiques d'art que ceux de Renoir, de Caillebotte, ou de Monet. Ils parlaient surtout de « ... ses exquises harmonies blanches et argentées. » que l'on trouve dans Rêveuse, pastel sur toile, Nelson-Atkins Museum of Art, Kansas city, Missouri, où dans : La Toilette, Jeune femme de dos à sa toilette, 1875, Art Institute of Chicago.
Les œuvres présentées en 1877 lui valurent les compliments relatifs de Paul Mantz :
" Il n'y a, dans tout le groupe révolutionnaire, qu'une impressionniste, c'est Madame Berthe Morisot", et ceux de Théodore Duret qui classait la jeune femme dans " Le groupe primordial des impressionnistes".
En 1880, lors de la Ve exposition Berthe présenta : Jours d'été, huile sur toile, National Gallery, Londres, Hiver, 1880, huile sur toile, Dallas Museum of Art.
Pendant cette période, les toiles de Berthe engageaient un dialogue avec Manet. Jeune fille de dos à la toilette de Morisot qui répondait à Devant la glace de Manet, Jour d'été, le lac du Bois de Boulogne de Morisot qui répondait à En bateau de Manet.
Les critiques trouvaient les toiles de l'un et de l'autre inachevées.
Dès 1881, Berthe Morisot et Mary Cassatt apparaissaient comme les chefs de file de la nouvelle tendance impressionniste aux yeux des critiques : pour la première fois dans toute l'histoire de l'art, des femmes étaient considérées comme les maîtres incontestés d'un mouvement d'avant-garde.
Berthe faisait preuve d'encore plus d'audace que les années précédentes, ce qui provoqua l'indignation de deux critiques qui l'avaient appréciée jusque là : Paul Mantz et Charles Ephrussi : Madame Morisot a fini par exagérer sa manière au point d'estomper des formes déjà imprécises. Elle ne fait que des débuts de débuts ; le résultat est curieux, mais de plus en plus métaphysique. Il faut évidemment des talents de coloristes pour tirer du néant cette délicatesse. Charles Ephrussi est scandalisé par les pastels : Un pas de plus et distinguer ou comprendre quoi que ce soit deviendra impossible.
À partir de 1880, Berthe et sa famille passa tous ses étés dans une maison de campagne de Bougival, et, à partir de 1881, ils résidèrent plusieurs hivers à Nice. Ces deux lieux inspirèrent à Berthe un grand nombre de toiles qu'elle présenta aux dernières expositions révolutionnaires.
De Nice, elle ramena Le Port de Nice huile sur toile en deux versions et deux formats, collection particulière, et une troisième format Dallas Museum of Art; Plage à Nice 1881-1882, aquarelle sur papier, Nationalmuseum Stockholm.
Bougival fut une source d'inspiration encore plus importante. Son tableau le plus ambitieux Le Jardin, 1882-1883 huile sur toile, Sara Lee Corporation fut sans doute exposé à Londres par Durand-Ruel83. Berthe réalisa encore Le Quai de Bougival 1883 Nasjonalgalleriet Oslo, Eugène Manet et sa fille dans le jardin.
De la peinture de Berthe Morisot, Gustave Geffroy disait :
"Les formes sont toujours vagues dans les tableaux de Mme Berthe Morisot, mais une vie étrange les anime. L’artiste a trouvé le moyen de fixer les chatoiements, les lueurs produites sur les choses et l’air qui les enveloppe… le rose, le vert pâle, la lumière vaguement dorée, chantent avec une harmonie inexprimable. Nul ne représente l’impressionnisme avec un talent plus raffiné, avec plus d’autorité que Mme Morisot."

Dernières années

Vers 1886-1887 Berthe se mit à explorer de nouvelles techniques : sculpture, pointe sèche, qui constituaient un défi pour la coloriste virtuose qu'elle était.
Elle réalisa en 1886 un buste en plâtre blanc de sa fille Julie, que Monet et Renoir l'encouragèrent à exposer chez Georges Petit, galeriste chez qui ils avaient exposé eux-mêmes. Petit était un homme d'affaire avant tout : il demandait aux artistes de lui laisser une partie de leurs œuvres en compensation de ses frais.
Berthe accepta ses exigences, mais Petit ne réussit pas à vendre une seule de ses sept œuvres parmi lesquelles se trouvait le buste de Julie, et un portrait de sa nièce, Paule Gobillard, tout dans les tons de blanc. Berthe lui laissa Le Lever.
En février 1887, Berthe fut invitée à exposer à Bruxelles avec un groupe d'artistes d'avant-garde : le Groupe des XX où Georges Seurat et Pissarro exposaient aussi. L'envoi de Berthe comprenait Le Corsage rouge, 1885, huile sur toile, Ordrupgaard museum de Copenhague; Le Lever 1886, huile sur toile, collection particulière, le Port de Nice, 1881-1882, huile sur toile, collection particulière, Dans la salle à manger,1875 ou 1885-1886 selon les biographies, huile sur toile, National Gallery of Art, Intérieur à Jersey, 1886, huile sur toile, Musée d'Ixelles.
Vers 1886-87, Berthe commença à traiter des nus au pastel, au fusain, à l'aquarelle, tous exécutés dans des tons très doux : Jeune femme aux épaules nues, 1886, pastel sur papier, collection privée; Femme s'essuyant, pastel sur papier, collection privée. Par la suite, elle s'attacha à représenter sa fille, Julie, sous tous les aspects : en joueuse de flûte avec Jeanne Gobillard, dans Le Flageolet, 1891, huile sur toile, collection privée, Julie avec son lévrier, 1893. Elle avait le projet d'en faire une série.
Berthe peignit aussi beaucoup de jeunes filles La Mandoline, 1889, huile sur toile, ou Sous l'oranger, 1889, huile sur toile.
Le couple Manet était à ce moment-là dans le sud de la France. De retour à Paris, Berthe loua une maison à Mézy au Nord Ouest de Paris. Elle s'était aperçue que la santé d'Eugène n'était pas bonne et elle peignit très peu pendant un temps.
"Elle trouvait qu'elle et son mari avaient vieilli prématurément et elle éprouvait de la nostalgie au spectacle de sa fille et de ses nièces qui apprenaient à dessiner, peindre, jouer de la musique. Berthe sentait venir la fin de sa vie.
Dans une lettre à Edma, elle exprime dans son testament le désir que Mallarmé soit le tuteur de Julie."
Berthe fit malgré tout aménager une grange en atelier et elle prit les enfants de Mézy comme modèles, mais Renoir la pressait de terminer une toile décorative dans l'esprit du "Printemps" de Botticelli, commencée à Nice en 1888.
Berthe fit de nombreuses études préparatoires pour cette toile Le Cerisier", 1891-1892, huile sur toile, collection privée. Elle faisait désormais un grand nombre d'études préparatoires pour tous ses tableaux : elle fit trois versions de Bergère couchée, et, tout en continuant à travailler sur le Cerisier, elle reprit sa série de Julie Manet : Julie Rêveuse, 1894, huile sur toile, et Julie au violon 1894, collection privée.

Fin de vie

Mais la santé d'Eugène, âgé de 59 ans, déclinait de plus en plus. Il mourut le 13 avril 1892.
Berthe avait décliné l'invitation du Groupe des Vingt pour l'exposition de Bruxelles du début 1892, mais Eugène l'avait poussée à organiser une grande exposition individuelle à la galerie Boussod et Valladon. Cette galerie, fondée par Adolphe Goupil n'était pas favorable aux impressionnistes. Elle fit de la résistance assez longtemps, même lorsqu'elle fut reprise par Bousod, le mari de la petite fille de Goupil, et Valadon, son beau-frère. Elle ne commença à s'ouvrir aux impressionnistes que sous l'influence éphémère de Théo van Gogh.
L'exposition rencontra un accueil très favorable. Degas lui dit que sa peinture vaporeuse cachait un dessin de plus en plus sûr, ce qui était le compliment suprême. Gustave Geffroy de La Vie artistique lui consacra des pages très élogieuses. L'année suivante, Berthe rendit visite à Monet, à Giverny, pour admirer ses cathédarales et pour conjurer sa tristesse : sa sœur, Yves Gobillard, venait de mourir en 1893, et Chabrier, en 1894 Berthe se consacra à la représentation de sa fille Julie, de ses nièces, Paule et Jeanne Gobillard : Le Patinage au bois de boulogne, 1894. Caillebotte ayant légué sa collection au Musée du Luxembourg pour y faire entrer l'impressionnisme, on s'aperçut qu'il ne possédait pas une seule toile de Berthe Morisot. Sur instance de Mallarmé, l'État français acquit pour le musée du Luxembourg Jeune femme en toilette de bal, mi-février 1895.
Elle avait, selon les biographies, une congestion pulmonaire, ou une grippe, contractée en soignant sa fille du même mal.

Elle mourut le 2 mars 1895 à Paris, et légua la plupart de ses œuvres à ses amis artistes : Degas, Monet, Renoir. Malgré sa riche production

artistique, le certificat de décès mentionnait : "sans profession".

Elle est enterrée dans le caveau des Manet au cimetière de Passy où il est simplement gravé :

"Berthe Morisot, veuve d'Eugène Manet".

La mort de l'artiste n'entraîna cependant pas la dispersion du groupe impressionniste ; ses compagnons de lutte aimaient et protégeaient sa fille, dont Mallarmé était le tuteur et que Renoir emmenait peindre avec lui. Degas la maria en 1900 au fils d'Henri Rouart.
Pour le premier anniversaire de sa mort, du 5 au 21 ou 23 mars 1896, Durand-Ruel, aidé de Degas, Rouart et de sa fille Julie organisèrent une rétrospective de ses œuvres d'environ trois cents à quatre cents toiles.
Paul Valéry, qui épousa sa nièce, Jeanne Gobillard, écrivit un essai sur Berthe en 1926 et le dédicaça à Édouard Vuillard.
Il dira plus tard :
"La singularité de Berthe Morisot fut de vivre sa peinture et de peindre sa vie, comme si ce lui fût une fonction naturelle et nécessaire, liée à son régime vital, que cet échange d'observation contre action, de volonté créatrice contre lumière."

Chaumière en Normandie et l'affaire Wildenstein

C'est au cours d'une perquisition, au siège de l'Institut Wildenstein, diligentée en marge d'une des multiples affaires de détournement dont les Wildenstein père et fils sont accusés que les inspecteurs de la brigade financière découvrent, les 11 et 12 janvier 2011 la toile de Berthe Morisot intitulée Chaumière en Normandie, de 1865, huile sur toile.
Lors de l'inventaire de la succession, les académiciens Daulte et Wildenstein avaient décroché les tableaux ornant les murs de l'appartement d'Anne-Marie Rouart et les avaient étalés sur le sol pour qu'ils ne soient pas considérés comme meubles meublants, et ne soient pas rendus à l'héritier légitime, Yves Rouart.
À la suite de cette manœuvre de spoliation, orchestrée par les exécuteurs testamentaires de la succession d'Anne-Marie Rouart, cette toile avait été détournée au détriment de son neveu, Yves Rouart.
"Chaumière en Normandie", avait été déclaré collection privée sur le catalogue - qui faisait autorité absolue - de Daniel Wildenstein. Parmi les pièces majeures provenant de la succession d'Anne-Marie Rouart, il y a une très belle collection d'œuvres de Berthe Morisot. Les autres œuvres comprenaient des Gauguin, Degas, et des Manet.
Selon le testament de Madame Rouart, la plus grande partie de cette énorme collection allait à l'académie des Beaux-art, et une autre à Yves Rouart, petit fils de Julie Manet. Ce dernier n'avait jusque là jamais pu obtenir que quelques œuvres mineures répertoriées par les exécuteurs testamentaires ; ces derniers, Jean-François Daulte, Daniel Wildenstein et son fils Guy Wildenstein, étant censés protéger la collection dans les coffres de l'Institut Wildenstein.
C'est seulement en 2011, que la Chaumière en Normandie est enfin réapparue et qu'Yves Rouart a pu lancer une procédure pour l'obtenir. Cette toile avait été inscrite au catalogue Wildenstein sous l'intitulé vague collection privée sans mention du nom de sa propriétaire d'origine, ni du lieu d'où elle a été décrochée, ni de celui de son héritier en droit.
Yves Rouart qui avait dans un premier temps assigné l'académie des beaux arts et signé en 2000 un protocole d'accord révisable avec les exécuteurs testamentaires, a contesté ce protocole.
"S'il s'avère que la très belle collection de Morisot doit être retiré du musée Mamottan ce serait une grande perte pour le public et pour l'État français".
La collection d'Anne-Marie Rouart comprenait en outre le célèbre portrait de Berthe Morisot par Manet. Il devait être vendu pour payer la succession par les exécuteurs testamentaires. L'État français s'est opposé à la vente de cette œuvre à l'étranger et l'a rachetée pour plusieurs millions d'euros. C'est aujourd'hui une des pièces maîtresse du Musée d'Orsay".
En 2013, le musée Marmottan-Monet héberge encore environ 80 tableaux de Berthe Morisot.

Å’uvres

Cette sélection est issue de celle de l'ouvrage Berthe Morisot de Charles F. Stuckeynote 7, William P. Scott, et Suzanne G. Lindsaynote 8, elle-même issue du catalogue raisonné établi par Marie-Louise Bataille, Denis Rouaart, et Georges Wildenstein en 1961. Il y a des variations entre les dates d'exécution des œuvres, les dates de leur exposition, ou les dates d'achat des œuvre de Berthe Morisot, et des confusions entre les titres notamment les Ports.

Des débuts à l'engagement impressionniste 1864-1874
Étude, 1864, huile sur toile 60,3 × 73 cm, collection privée.

Chaumière en Normandie, 1865, huile sur toile 46 × 55 cm, collection privée.
La Seine en aval du pont d'Iéna, 1866, huile sur toile 51 × 73 cm, collection particulière.
La Rivière de Pont Aven à Roz-Bras, 1867, huile sur toile 55 × 73 cm, collection particulière Chicago
Bateaux à l'aurore, 1869, pastel sur papier 19,7 × 26,7 cm, collection privée.
Jeune fille à sa fenêtre, 1869, huile sur toile 36,8 × 45,4 cm, collection privée
Madame Morisot et sa fille Madame Pontillon (La Lecture), 1869-1870, huile sur toile 101 × 81,8 cm, National Gallery of Art, Washington.
Le Port de Cherbourg, 1871, crayon et aquarelle sur papier 15,6 × 20,3 cm, collection privée Paul Mellon, Upperville, Virginie.
Le Port de Cherbourg, 1871, huile sur toile 41,9 × 55,9 cm, collection privée Paul Mellon, Upperville, Virginie.
Vue de paris de hauteurs du Trocadéro, 1871, huile sur toile 46,1 × 81,5 cm, Santa Barbara Museum of Art, Californie.
Femme et enfant au balcon, 1871, huile sur toile 20,5 × 16,4 cm, Art Institute of Chicago.
Femme et enfant au balcon, 1871, aquarelle 20,5 × 16,4 cm, Art Institute of Chicago.
Intérieur, 1871, huile sur toile 60 × 73 cm, collection particulière
Portrait de Madame Pontillon, 1871, pastel sur papier 85,5 × 65,8 cm, Musée du Louvre, cabinet des dessins
leg de Madame Edma Pontillon attribué au Louvre en 1921, actuellement dans les collection du Musée d'Orsay
L'Entrée du port, 1871note 9, aquarelle sur papier 24,9 × 15,1 cm, Musée Léon-Alègre, Bagnols-sur-Cèze cabinet des dessins.
Madame Pontillon et sa fille Jeanne sur un canapé, 1871, aquarelle sur papier 25,1 × 25,9 cm, National Gallery of Art,
Jeune fille sur un banc Edma Pontillon, 1872, huile sur toile 33 × 41 cm,
Cache-cache, 1872, huile sur toile 33 × 41 cm123, Collection privée
Le Berceau, 1872, huile sur toile, 56 × 46 cm Musée d'Orsay, Paris
La Lecture Edma lisant, encore intitulé L'Ombrelle verte, 1873, huile sur toile 45,1 × 72,4 cm, Cleveland Museum of Art, Ohio.
Sur la plage des Petites-Dalles, 1873, huile sur toile 24,1 × 50,2 cm, Virginia museum of Fine Arts, Richmond, Virginie.
Madame Boursier et sa fllle, 1873, huile sur toile 74 × 52 cm, Virginia Museum of Fine Arts.
Le Village de Maurecourt, 1873, pastel sur papier 47 × 71,8 cm, collection privée.
Coin de Paris vu de Passy, 1873, pastel sur papier 27 × 34,9 cm, collection privée.
Sur la terrasse, 1874, huile sur toile 45 × 54 cm, Musée du Petit Palais, Paris.
Portrait de Madame Hubbard, 1874, huile sur toile 50,5 × 81 cm, Ordrupgaard museum de Copenhague.
Femme et enfant au bord de la mer , 1874, aquarelle sur papier16 × 21,3 cm, Collection particulière.

Maîtrise et innovation 1875-1883

Percher de blanchisseuses , 1875, huile sur toile 33 × 40,8 cm, National Gallery of Art,
Jeune fille au miroir, 1875, huile sur toile, 54 × 45 cm, collection privée.
Scène de port dans l'île de Wight, 1875, huile sur toile, 48 × 36 cm collection privée.
Scène de port dans l'île de Wight, 1875, huile sur toile, 43 × 64 cm, Newark Museum, Newark, New Jersey.
Eugène Manet à l'île de Wight, 1875, huile sur toile, 38 × 46 cm collection privée.
Avant d'un yacht, 1875, aquarelle sur papier, 20,6 × 26,7 cm, Sterling and Francine Clark Art Institute, Williamstown, Massachusetts.
Femme à sa toilette, 1875, huile sur toile, 46 × 38 cm collection privée.
Portrait de femme Avant le théâtre, 1875, huile sur toile 57 × 31 cm, Galerie Schröder & Leisewitz, Brême.
Jeune femme au bal encore intitulé Jeune femme en toilette de bal, 1876, huile sur toile, 86 × 53 cm Musée d'Orsay.
Au Bal ou Jeune fille au bal, 1875, huile sur toile 62 × 52 cm, Musée Marmottan-Monet, Paris
Le Corsage noir , 1876, huile sur toile, 73 × 59,8 cm National Gallery of Ireland, Dublin.
Le Psyché, 1876, huile sur toile 65 × 54 cm, Musée Thyssen-Bornemisza, Madrid.
Rêveuse, 1877, pastel sur toile 50,2 × 61 cm, Nelson-Atkins Museum of Art, Kansas City.
L'Été, encore intitulé Jeune femme près d'une fenêtre 1878, huile sur toile, 76 × 61 cm, Musée Fabre, Montpellier.
Jeune feme assise, 1878-1879, huile sur toile 80 × 100 cm, Collection privée New York.
Jeune fille de dos à sa toilette, encore intitulé Femme à sa toilette 1879, huile sur toile, 60,3 × 80,4 cm Art Institute of Chicago.
Le Lac du Bois de Boulogne Jour d'été, 1879, 45,7 × 75,3 cm, National Gallery, Londres.
Dans le jardin Dames cueillant des fleurs, 1879, huile sur toile, 61 × 73,5 cm, Nationalmuseum Stockholm.
Hiver, 1880, huile sur toile 73,5 × 58,5 cm, Dallas Museum of Art.
‪Deux filles assises près d'une table, 1880‬, crayon et aquarelle sur papier 19 6 × 26,6 cm collection particulière Allemagne
Plage à Nice 1881-1882, aquarelle sur papier 42 × 55 cm, Nationalmuseum Stockholm.
Le Port de Nice, 1881-1882, huile sur toile, 53 × 43 cm collection privée.
Le Port de Nice, 1881-1882, huile sur toile, 41 × 55 cm collection privée.
Le Port de Nice 1881 ?troisième version format 38 × 46 cm conservée au Dallas Museum of Art
Le Thé, 1882, huile sur toile 57,5 × 71,5 cm, Fondation Madelon Vaduz, Liechtenstein.
Le Port de Nice, 1881-1882, huile sur toile, 53 × 43 cm collection privée.
La Fable, 1883, huile sur toile, 65 × 81 cm collection privée.
Le Jardin Femmes dans le jardin 1882-1883 huile sur toile, 99,1 × 127 cm, Sara Lee Corporation, Chicago.
Eugène Manet et sa fille au jardin 1883, huile sur toile, 60 × 73, collection privée.
Dans le jardin à Maurecourt, 1883, huile sur toile, 54 × 65 cm, Toledo Museum of Art.
Le Quai de Bougival, 1883, huile sur toile 55,5 × 46 cm, Nasjonalgalleriet, Oslo.
Julie et son bateau Enfant jouant, 1883, aquarelle sur papier 25 × 16 cm, collection privée.
La Meule de foin 1883, huile sur toile 55,3 × 45,7 cm, collection particulière, New York

Plein épanouissement 1884-1894

Dans la véranda, 1884, huile sur toile 81 × 10 cm, collection privée.
Julie avec sa poupée, 1884, huile sur toile 82 × 10 cm, collection privée.
Petite fille avec sa poupée Julie Manet, 1884, pastel sur papier 60 × 46 cm, collection privée.
Sur le lac, 1884, huile sur toile 65 × 54 cm, collection privée.
Autoportrait, 1885, pastel sur papier 47,5 × 37,5 cm, Art Institute of Chicago.
Autoportrait avec Julie, 1885, huile sur toile, 72 × 91 cm, collection privée.
Jeune femme assise au Bois de Boulogne, 1885, aquarelle sur papier 19 × 28 cm, Metropolitan Museum of Art, New York.
La Leçon de couture, 1885, Minneapolis Institute of Arts
La Forêt de Compiègne, 1885, huile sur toile 54,2 × 64,8 cm, Art Institute of Chicago.
Le Bain Jeune file se coiffant, 1885-1886, huile sur toile 81,1 × 72,3 cm, Art Institute of Chicago.
Dans la salle à manger, 1885-1886, huile sur toile 61,3 × 50 cm, National Gallery of Art.
Le Lever, 1886, huile sur toile 65 × 54 cm, collection Durand-Ruel.
Intérieur à Jersey Intérieur de cottage, 1886, huile sur toile 50 × 60 cm, Musée d'Ixelles.
Femme s'essuyant, 1886-1887, pastel sur papier 42 × 41 cm, Non localisé .
Julie avec un chat, 1887, pointe sèche 14,5 × 11,3 cm, National Gallery of Art, Washington.
Nu de dos, 1887, fusain sur papier 57 × 43 cm, collection privée.
Éventail en médaillon, 1887, aquarelle sur soie en forme d'éventail, collection particulière.
Portrait de Paule Gobillard, 1887, crayon de couleur sur papier 27,9 × 22,9 cm, Reader's Digest Association, New York.
Le Lac du Bois de Boulogne, 1887, aquarelle sur papier 29,5 × 22,2 cm, National Museum of Women in the Arts, Washington.
Fillette lisant La lecture, 1888, huile sur toile 74,3 × 92,7 cm, Museum of Fine Arts St. Petersburg, St. Petersburg Floride.
La Cueillette des oranges, 1889, pastel 61 × 46 cm, Musée d'art et d'histoire de Provence, Grasse.
Sous l'oranger Julie, 1889, huile sur toile 54 × 65 cm, collection privée.
L'Île du Bois de Boulogne, 1889, huile sur toile 68,4 × 54,6 cm, National Gallery of Art, Washington.
Le Flageolet Julie Manet et Jeanne Gobillard, 1891, huile sur toile 56 × 87 cm, collection privée.
Le Cerisier 1891, 1891, huile sur toile 138 × 88,9 cm, collection privéeWashington.
Étude pour Le Cerisier, 1891, pastel sur papier 45,7 × 48,9 cm, The Reader's Digest Association.
Julie Manet avec son lévrier, 1893, huile sur toile 73× 80 cm, Musée Marmottan-Monet, Paris.
Les Enfants de Gabriel Thomas, 1894, huile sur toile 100 × 80 cm, Musée d'Orsay, Paris.
La Coiffure, 1894, huile sur toile 100 × 80 cm, Musée national des beaux-arts d'Argentine, Buenos Aires
Jeune fille aux cheveux noirs, 1894, crayon et aquarelle 23,1 × 16,8 cm, Philadelphia Museum of Art, Philadelphie.

À ceux-là s'ajoutent le Portrait de Berthe Morisot par Adèle d'Affry, 1875, conservé au Musée d'art et d'histoire de Fribourg en Suisse. Adèle d'Affry a réalisé plusieurs autres portraits de Berthe Morisot non localisés.

Expositions récentes

2013, Musée Marmottan Monet, Paris, du 8 mars au 1er juillet 2013
2002, Fondation Gianadda, Martigny et Palais des beaux-arts de Lille, du 10 mars au 19 juin 2002
1987, rétrospective au Mount Holyoke College Art Museum et National Gallery of Art Washington du 6 septembre au 29 novembre.

Liens

http://youtu.be/IQw-YgUOej8 Diaporama musical
http://youtu.be/gg4PfSYngls extrait du film Berthe Morizot téléfilm de Caroline Champetier diffusé le 16/2/2013 sur France 3.
http://youtu.be/Z_4rIDp5U1M Diaporama musical
http://youtu.be/jmEMmt0-_8g Diaporama Musical

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Posté le : 01/03/2014 13:56
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Louis de Rouvroy Duc de St Simon
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Le 2 mars 1755, à 80 ans, à Paris, meurt Louis de Rouvroy

2e duc de Saint-Simon,


né à Paris le 16 janvier 1675, membre de la noblesse française, célèbre pour ses Mémoires qui racontent par le menu la vie à la Cour aux temps du roi Louis XIV et de la Régence. Il est le fils de Claude de Rouvroy, duc de Saint-Simon et de sa seconde femme, Charlotte de L'Aubespine.
Il reçoit les distinctions de Duc et Pair de France, Ambassadeur extraordinaire en 1720, Chevalier de l'Ordre du Saint-Esprit, Grand d'Espagne
Il n'est ni le fondateur ni l'inspirateur du saint-simonisme, doctrine socio-économique et politique qui tient son nom de Claude Henri de Rouvroy de Saint-Simon, philosophe et industriel français, parent éloigné de l'auteur.

Mousquetaire à 16 ans, il prend part au siège de Namur et à la bataille de Neerwinden, puis il quitte l'armée en 1702 pour mener une vie de courtisan à Versailles.
Lié à l'entourage réformiste du duc d'Orléans et du duc de Bourgogne dont la mort ruinera ses espoirs, Saint-Simon ne jouera que des seconds rôles politiques.
À la mort du Régent, il se retire dans son château de la Ferté-Vidame, où il se consacre à la rédaction de ses Mémoires qui portent sur les années 1694-1723.
Visant à annoncer, au nom des valeurs révolues d'un passé mythique, la fin d'une monarchie absolue livrée à l'hypocrisie, ses Mémoires constituent un précieux témoignage sur la fin du règne de Louis XIV et sur la Régence : saisis par les Affaires étrangères à la mort de l'écrivain, ils ne seront publiés qu'en 1830.
Entièrement pénétré de sa conscience de classe, Saint-Simon met au jour le dessein constant de la monarchie absolue depuis Richelieu : la mise à l'écart de la grande aristocratie. Il rejoint les thèses des germanistes, tels Boulainvilliers et Montesquieu : l'absolutisme détruit l'ordre fondamental et naturel de la société, qui unit le roi et sa noblesse, et, privant la monarchie de son assise, et la liberté de ses garants, laisse face à face le peuple et le monarque. Car ce passéiste se bat aussi pour la liberté, la sienne, celle des ducs et pairs, c'est un ducomane , dira Stendhal, mais aussi, pense-t-il, celle du roi et des sujets. La lucidité et la hargne du mémorialiste à l'égard de la Cour et de son cérémonial ne se comprennent que par cette idéologie et la conscience de sa propre situation. Comme le fera bien plus tard Proust, Saint-Simon lit l'histoire dans les signes sociaux les plus imperceptibles de la mondanité. Le ressentiment, qui fait son génie, donne sa couleur à une immense fresque historique. L'écriture baroque bouscule tous les académismes, se débarrasse des conventions du goût et ne dédaigne pas d'emprunter des mots à un passé plus truculent. L'originalité du style est alors l'image de la solitude de l'homme – c'est là qu'apparaît, dans l'éloignement et la pudeur, un sujet d'autobiographie que cache la discrétion du mémorialiste. Saint-Simon se bat contre la mort qui l'a saisi tout vif avec son monde.
"Tout m'avoit préparé à me survivre à moi-même, et j'avois tâché d'en profiter".
Cette déclaration qui surgit vers la fin des célèbres Mémoires nous autorise à voir l'œuvre de Saint-Simon comme une immense opération de survie. Il s'agit d'abord d'un témoignage historique exceptionnel, qui se propose de dire la vérité – toute la vérité, fût-elle terrible – non sans céder allégrement aux tentations d'un subjectivisme de la pire espèce:" Je ne me pique donc pas d'impartialité, je le ferois vainement" . C'est ensuite et surtout une création littéraire prodigieuse et unique dans les annales de la littérature : la magie d'une écriture verte et indisciplinée l'énergie de mes expressions, même ordinaires, faisoit peur... " mais incroyablement expressive, fait revivre pour le meilleur et pour le pire deux règnes et deux régences siècle de Saint-Simon s'étend de la mort d'Henri IV à celle du Régent d'Orléans, préservant à tout jamais, sans les étouffer, plusieurs milliers de personnages dans un univers pessimiste mais haut en couleur. Des préjugés nobiliaires surannés la ducomanie tendent à communiquer à cet univers une noble ordonnance intemporelle. Que sont les Mémoires de Saint-Simon, sinon la chronique d'un monde condamné à disparaître, autour duquel une écriture où coule la lumière avec l'encre monte désespérément la garde ? Le rapprochement avec l'entreprise donquichottesque n'est permis que dans la mesure où l'on aura compris que celle-ci est plus dramatique que comique.
Fils d'un favori de Louis XIII qui ne fut pas trop délicat dans le choix des moyens de parvenir, le duc de Saint-Simon hérite d'une admiration aveugle pour le roi qui fit Claude de Rouvroy premier duc de Saint-Simon et pair de France. L'Inventaire des titres et papiers du trésor de Claude, duc de Saint-Simon en 1686, redécouvert, permet de mesurer l'ampleur des dignités et des biens qu'amassa le duc Claude. Son premier mariage avec Diane de Budos ne lui valut qu'une fille ; ce vieux titulaire d'un jeune duché se remaria donc en 1672 malgré son âge avancé, il avait soixante-cinq ans, dans la ferme intention de procréer coûte que coûte un deuxième duc de Saint-Simon. Il réussit au bout de trois ans, au milieu des applaudissements et des ricanements de ses contemporains. Le produit presque miraculeux de ces prouesses tardives était à proprement parler le fils d'un duché et se comportera toujours comme tel.
Saint-Simon n'avait que dix-neuf ans lorsqu'il se proposait d'écrire ses Mémoires. Quatre ans plus tard, il adressa à son "patriarche", Rancé, en guise d'échantillon, un extrait substantiel intitulé Relation du procès intenté pour la Préséance, par Mr le Mareschal Duc de Luxembourg. Il lui importait de savoir si le saint abbé de la Trappe approuvait son entreprise, car la question de savoir "s'il est permis d'écrire l'histoire, singulièrement celle de son temps", le préoccupait. Cet échantillon, découvert et publié par H. Himelfarb en 1969, confirme l'existence d'un avant-texte, de "pré-mémoires"si l'on veut. Le feu vert donné par Rancé nous a valu un monument unique, un château de Versailles fabriqué de phrases de feu et bourré de courtisans qui ne cessent de courir et d'intriguer.
L'écriture "à la diable" de Saint-Simon enchante et déconcerte à la fois. Stendhal, Balzac et Proust ont avoué tous trois le choc qu'ils ont ressenti à la lecture des Mémoires. Ce style touffu, sauvage, incroyablement vivant et expressif, où se chevauchent images et pensées, fait tourner la tête. Une société tout entière se matérialise dans un tumulte de phrases indisciplinées qui partent à l'assaut de l'ineffable et de l'innombrable. De son propre aveu, Saint-Simon cherche à "se montrer à soi-même, pied-à-pied, le néant de ce monde", mais ce néant a reçu, du fait de son écriture très concrète, une consistance qui n'était sans doute pas voulue. On voudrait citer par dizaines des exemples de ce langage dont on ne sait s'il faut souligner les archaïsmes ou les néologismes, "de cette syntaxe pour laquelle nous tremblons", comme disait Léon Daudet. En voici un seul, l'évocation cinématographique d'un duel : « Vardes, qui attendoit au coin d'une rue, joint le carrosse de mon père, le frôle, le coupe : coups de fouet de son cocher, riposte de celui de mon père ; têtes aux portières, arrêtent, et pied à terre. Ils mettent l'épée à la main... " Cette écriture nerveuse est très efficace lorsque le mémorialiste entend croquer ses personnages dont le conditionnement physique et moral explique le comportement : crayons rapides comme sans y toucher ou portraits élaborés qui épousent les particularités des corps et le mystère des âmes. Des coups de pinceau d'une précision qui coupe le souffle reconstituent en clair-obscur le paysage historique et la faune humaine qui l'anime.
Se demander par quel bout de la lorgnette et à travers quels filtres colorés Saint-Simon a observé l'histoire, est vain. Les Mémoires font coïncider une intention historique avec des dons littéraires sans doute inconscients ; le résultat est un chef-d'œuvre fulgurant, source à tout jamais de perplexité et d'enchantement.

Jeunesse

Fils unique tard venu de Claude de Rouvroy, duc de Saint-Simon et de sa seconde femme, Charlotte de L'Aubespine, il est né dans la nuit du 15 au 16 janvier 1675.
Cet enfant chétif venu tard et voué à la solitude, le jeune Saint-Simon titré vidame de Chartres grandit dans une ambiance calfeutrée, dominée par un père dont la mémoire sélective avait trié avec soin les fastes de la vieille cour de Louis XIII, et une mère inquiète de l'avenir de ce fils de vieillard, sans alliances avec la cour de Louis XIV.
Il est parrainé par le roi Louis XIV et la reine en la chapelle du château de Versailles. Titré dans sa jeunesse vidame de Chartres, Louis de Rouvroy reçoit de sa mère une éducation austère et soignée, il est notamment élevé dans le culte de la mémoire de Louis le Juste. Il devient à cette époque ami du duc de Chartres, le futur Régent. Un autre personnage qui joue un grand rôle dans sa vie est Rancé, l’abbé de La Trappe, voisin percheron proche de son père, et qui joue pour Saint-Simon le rôle de mentor en matière de religion. Le jeune homme s’intéresse surtout à l’histoire et aime la lecture, en particulier celles de mémoires, qui lui donnent l envie d’écrire aussi, les mémoires de ce qu’il verrait, dans le désir et l’espérance d’être de quelque chose, et de savoir le mieux qu’il pourrait les affaires de son temps.
Un respect pesant des dignités dont il allait bientôt hériter conditionnera à tout jamais son optique d'une société immuable dont les rangs et même les injustices sont voulus par Dieu et donc sacrés. Ses précepteurs lui donnèrent une formation intellectuelle et morale supérieure à celle que recevait habituellement un jeune seigneur. Il se sentait particulièrement attiré par l'histoire et ne manifestait que dédain pour la littérature et les poètes crottés. Il parlera dans ses Mémoires de ce goût qui est comme né avec moi pour l'histoire, et de sa froideur pour les lettres. Une telle disposition physique et intellectuelle le rendait peu apte au métier des armes, le seul qu'un jeune duc pût envisager sans déroger.
Il ne néglige pas pour autant les exercices physiques, équitation et escrime, et manifeste le désir de servir à l’armée.
En 1691, alors qu’il a 16 ans, son père, déjà âgé de 86 ans et qui s'est installé dans un modeste hôtel particulier de Versailles, intrigue à la Cour pour le faire entrer dans les mousquetaires gris : présenté à Louis XIV par l'entremise du chirurgien du roi Maréchal, ami de Claude de Rouvroy, le roi le " trouvant petit et l’air délicat, lui dit que j’étois encore bien jeune", accepte son entrée dans ce service.
Il participe ainsi comme chef de bataillon en 1692 au siège de Namur puis en 1693 à la bataille de Neerwinden. Peu de temps après, Louis XIV lui donne la troisième compagnie de cavalerie du Royal-Roussillon.
Il participa régulièrement aux campagnes louis-quatorziennes en Flandre et en Allemagne, de 1692 à 1701. Froissé de ne pas avoir été nommé brigadier dans l'ordre du tableau de janvier 1702, une invention de Louvois qui fit passer le mérite avant l'ancienneté, et l'ancienneté avant la naissance, il décida de quitter sans brusquer les choses un métier pour lequel il n'était pas fait. Trois mois plus tard, il remit au roi sa démission du service armé pour raisons de santé, et s'établit à la cour.

La majorité

Débuts à la cour

En avril 1693, son père Claude de Rouvroy de Saint-Simon meurt, et il devient duc et pair à dix-huit ans. Peu de temps après, Louis achète le régiment Royal-Carabiniers, et devient mestre de camp. Ses responsabilités militaires passent pourtant au second plan face aux responsabilités de la pairie. Saint-Simon prend son nouveau rang très à cœur, et s’engage rapidement dans un grand procès contre le maréchal-duc de Luxembourg, qui veut faire modifier son rang parmi les pairs. Il s’indigne aussi durang intermédiaire accordé aux bâtards de Louis XIV, le duc du Maine et le comte de Toulouse, qui les fait passer au-dessus des pairs immédiatement sous les princes du sang.
Il commence à écrire ses futurs Mémoires en juillet 1694 mais n'en fait la rédaction continue qu'à partir de 1739.
Il avait compris de bonne heure, dès la mort de son père en 1693, qu'on ne survit à une cour comme celle de Louis XIV qu'à condition d'être "bien appuyé", c'est-à-dire d'être allié par mariage, intérêts ou amitié à un grand nombre de familles influentes. Son mariage en 1695 avec Marie-Gabrielle de Durfort de Lorge, petite-nièce de Turenne et cousine du roi d'Angleterre Guillaume III d'Orange-Nassau, lui valut à la cour des appuis précieux.
Marie-Gabrielle de Durfort de Lorges, fille aînée du maréchal-duc de Lorges qui le commanda pendant les campagnes du Rhin et dont la mère, née Frémont, vient d’une famille roturière, mais fournit une dot importante. Le couple est très uni, et leur mariage, bien qu'arrangé comme le veut l’époque, particulièrement heureux.
Son amitié de longue date avec les ducs de Beauvillier et de Chevreuse, qui avaient épousé chacun une fille de Colbert et qui avaient l'oreille du roi, avec la princesse des Ursins, future Camarera mayor de la reine d'Espagne, et avec les puissants clans ministériels des Phélypeaux-Pontchartrain et des Chamillart consolidait sa position à la cour, cette jungle dorée.
Il put ainsi, malgré sa langue acérée et son intelligence insubordonnée, dissiper les soupçons de Louis XIV qui se méfiait instinctivement des gens trop spirituels qui parlaient trop et se mêlaient de choses qui ne les regardaient pas.
Saint-Simon avait le même âge que le futur Régent ; il sera, malgré les différences qui séparaient les deux hommes, toujours fidèle à son amitié pour le neveu du roi, même lorsque celui-ci sera tombé en disgrâce et qu'on ira jusqu'à l'accuser de haute trahison.

Sa haine viscérale des bâtards de Louis XIV, surtout le duc du Maine, de Mme de Maintenon, des ducs de Noailles et de Vendôme, des maréchaux de Villars et de Villeroi, de l'abbé-cardinal Dubois, de Jérôme Phélypeaux et de tant d'autres complète un paysage affectif complexe qui déterminera profondément l'œuvre immense du mémorialiste.
Il écrira dans ses Additions au Journal de Dangeau en parlant de lui-même à la troisième personne : Le duc de Saint-Simon passoit à la cour une vie extérieurement oisive, effectivement très-occupée. La cour offrait en effet à un esprit curieux et perspicace comme le sien le spectacle d'une comédie humaine d'une incroyable densité et variété. L'observation des ruses, des intrigues et des passions de cette faune humaine le plonge dans un ravissement perpétuel.
"Mes yeux travailloient avec autant d'application que mes oreilles", note-t-il. Chaque disgrâce importante, chaque décès dans la famille royale déséquilibre les factions et redistribue les cartes du pouvoir et des espérances. Observateur à la fois dégoûté et fasciné d'un système permanent de cabales, Saint-Simon s'en fera l'historien, sondant sans vertige les gouffres du mal et arrachant les masques du vice.

Le 8 septembre 1696 naît sa première fille Charlotte. L’enfant est contrefaite, et restera toute sa vie à la charge de ses parents.
Cette naissance est suivie de celles des deux fils de Saint-Simon, Jacques-Louis le 29 mai 1698 et Armand le 12 aoüt 1699.
Ces enfants, encore plus petits que leur père, à tel point que l’on les surnomme les bassets, sont une des grandes peines de Saint-Simon. Il semble que ses fils, aussi peu reluisants intellectuellement que physiquement, n’ont pas même hérité son honnêteté. Saint-Simon, qui en était douloureusement conscient, n’évoque qu’à peine ses enfants dans ses Mémoires, lorsqu'il obtient pour eux le collier de la Toison d'or et la grandesse d'Espagne, et lorsque sa fille devient princesse de Chimay.
En 1697, il mène une expédition en Alsace sous le commandement du maréchal de Choiseul . C’est son dernier séjour aux armées : il supporte de plus en plus mal l’obligation qui lui est faite de passer deux mois par an avec son régiment.
D’ailleurs, le sien est réformé. Il n’est plus que mestre de camp à la suite, sous les ordres d’un simple gentilhomme.
En 1699, préoccupé par l’ampleur que prennent ses Mémoires dont son premier projet avait été condamnés à ce qu’ils soient brûlés à sa mort, il consulte Rancé pour savoir quelle règle adopter. Ce dernier ne l’incite sans doute pas à continuer un journal, mais plutôt à collecter des documents sans donner libre cours à ses émotions sur le papier, signe d’orgueil envers Dieu. Il est alors possible qu’à partir de cette date Saint-Simon constitue des dossiers documentaires, complétés de notes personnelles. Ces dossiers auxquels il ajoute les anecdotes dont il se souvient sont la base des Mémoires rédigés quarante ans après.
En 1702, alors qu’il néglige son régiment pour la vie de Cour, Louis se voit dépassé pour une promotion par des officiers plus récents que lui dans leur grade. Parmi eux, le comte d’Ayen, futur duc de Noailles, qui est, sa vie durant, l’ennemi juré du duc "Le serpent qui tenta Ève, qui renversa Adam par elle, et qui perdit le genre humain, est l’original dont le duc de Noailles est la copie la plus exacte et la plus fidèle", déclare ce dernier dans les Mémoires. Devant ce qu’il considère comme une injustice flagrante, Saint-Simon quitte l’armée prétextant des raisons de santé. Louis XIV lui tient longtemps rigueur de cette défection alors que Saint-Simon devient un courtisan assidu à Versailles.

À Versailles

En 1702, toujours, il obtient un appartement pour lui et sa femme au château de Versailles : c’est l’ancien appartement du maréchal de Lorges, dans l’aile nord. Il l’occupe jusqu’en 1709. Désormais, il est en plein cœur de la société de cour, qu’il observe et consigne avec passion dans ses Mémoires.
En 1706, son nom est proposé pour le poste d'ambassadeur à Rome, en remplacement du cardinal de Janson. Mais au dernier moment, une promotion de cardinaux ayant été faite, Louis XIV décide d’envoyer plutôt le tout nouveau cardinal de La Trémoille.
En 1709, il perd son logement. Pontchartrain lui en prête un autre, situé au 2e étage de l’aile droite des ministres, puis en 1710, Saint-Simon — ou plutôt son épouse, nommée dame d’honneur de la duchesse de Berry — obtient un grand appartement, attribué auparavant à la duchesse Sforza et à la duchesse d'Antin. Le nouvel appartement possède en outre des cuisines, ce qui permet à Saint-Simon de donner fréquemment soupers et dîners, et d’enrichir encore ses Mémoires.
Sa vocation d'historien s'était manifestée très tôt, dès 1694 :

"Ce fut dans le loisir de ce long camp de Gau-Böckelheim que je commençai ces Mémoires, par le plaisir que je pris à la lecture de ceux du maréchal de Bassompierre, qui m'invita à écrire aussi ce que je verrois arriver de mon temps. La vie extérieurement oisive du duc-courtisan était en effet très-occupée : arpenter les corridors du pouvoir, compter les sourires et les sourcils froncés du roi, épier le va-et-vient des ministres, des maîtresses, des confesseurs, des favoris, recueillir les souvenirs des vieux courtisans et écouter au besoin aux portes, honorer de sa présence les temps forts de la liturgie royale, dresser l'oreille au moindre grincement des rouages de la machine dorée de l'administration louis-quatorzienne, veiller avec passion sur les privilèges des ducs, éplucher les généalogies d'un chacun, protester à la moindre entorse au cérémonial de cour, inscrire la nuit dans un cagibi les événements mémorables de la journée, et surtout avoir l'air parfaitement désœuvré et inoffensif, voilà de quoi occuper utilement un homme."

1711 : Une mort qui délivre

En 1711, Monseigneur, fils de Louis XIV, meurt. Saint-Simon était partisan et ami de son fils, le duc de Bourgogne, désormais premier dans la ligne de succession. L'annonce de la mort du Grand Dauphin et le spectacle de son palais de Meudon, la nuit de sa mort, donnent une page célèbre des Mémoires. L'attitude psychologique de Saint-Simon, en cette occasion, est remarquablement profonde :
" Mon premier mouvement fut de m'informer à plus d'une fois, de ne croire qu'à peine au spectacle et aux paroles, ensuite de craindre trop peu de cause pour tant d'alarme, enfin de retour sur moi-même par la considération de la misère commune à tous les hommes, et que moi-même je me trouverais un jour aux portes de la mort. La joie, néanmoins, perçait à travers les réflexions momentanées de religion et d'humanité par lesquelles j'essayais de me rappeler; ma délivrance particulière me semblait si grande et si inespérée, qu'il me semblait, avec une évidence encore plus parfaite que la vérité, que l'État gagnait tout en une telle perte. Parmi ces pensées, je sentais malgré moi un reste de crainte que le malade en réchappât, et j'en avais une extrême honte."

1712 : Une mort qui brise tout espoir

Le soutien public apporté par Saint-Simon envers le duc de Bourgogne l'avait mis jusqu'alors dans une situation difficile. Saint-Simon espère désormais accéder au pouvoir par son intermédiaire. Il accumule les projets de gouvernement, rédige de nombreux mémoires à l'intention du nouveau Dauphin. Il obtient de lui des audiences privées, où ils abordent tous les sujets. Si l'on en croit Saint-Simon, le futur roi approuve ses vues en tout.
Saint-Simon rêve d’une monarchie moins absolue, mais sans pour autant se faire le chantre de l’égalitarisme : il veut redonner à la noblesse, strictement hiérarchisée, un rôle politique majeur voire hégémonique. Ses écrits, signés ou non, se diffusent à la cour, et il y devient une sorte de personnage.
La réflexion politique de Saint-Simon est fondée sur le rôle qu’il accorde au groupe des pairs de France auquel il appartient. Pour lui, ce groupe, expression la plus haute de la noblesse et donc de la société française, a le rôle et la fonction naturelle de conseiller du roi. Le système ministériel, ébauché dès le règne de Henri IV mais mis en place avec force sous Louis XIV, est chargé de tous les maux, puisque substituant au gouvernement de conseil du roi et de ses nobles, d’ailleurs largement fantasmé par Saint-Simon, un gouvernement d’exécution où le roi décide seul et fait exécuter ses ordres par des ministres et secrétaires d’État, gens de peu, roturiers ou de fraîche noblesse.
Mais en 1712, le duc de Bourgogne meurt à son tour, en même temps que son épouse et leur fils aîné. Saint-Simon est brisé. À ce point des Mémoires, l'émotion lui fait seulement écrire :
"Ces Mémoires ne sont pas fait pour y rendre compte de mes sentiments : en les lisant, on ne les sentira que trop, si jamais, longtemps après moi, ils paraissent."
Son désespoir lui inspire cependant un mouvement de révolte envers le Roi, dont le règne " pour soi tout seul " dure depuis si longtemps.
Il se lance dans l’écriture d'une lettre anonyme d'une hauteur de vues si vertigineuse, et d'une puissance d'expression si forte et ininterrompue que la lecture en est édifiante. Il n'est pas certain que Louis XIV l'ait lu, mais la situation de Saint-Simon à Versailles devient précaire lui-même parle de son " peu de sécurité à la cour".
Il n'intègre pas cette lettre dans les Mémoires.
Parallèlement, il continue à se quereller pour des questions de préséances et enrage contre les bâtards, le duc du Maine au premier chef, qui est admis dans la ligne de succession après l’édit de 1714 comprenant les bâtards parmi les fils légitimés de France.

La Régence

Le conseil de régence et l'ambassade d'Espagne

En septembre 1715, Louis XIV s’éteint. La mort de Louis XIV modifia profondément l'existence de Saint-Simon. Ses préjugés nobiliaires, ou ce qu'il est convenu d'appeler son "fanatisme ducal" l'avaient fait rêver tout au long du Grand Règne des pairs de France qui partageaient avec saint Louis les responsabilités du pouvoir. Il est vrai qu'en 1706 le roi pensa un moment à lui pour l'ambassade de Rome, mais le projet n'eut pas de suite.
Le duc d’Orléans, ami d’enfance de Saint-Simon, devient régent. Pour Saint-Simon, c’est le moment de tenter d'imposer ses théories politiques. Membre du conseil de Régence, il est au sommet de l'État, et à l’origine du système de la polysynodie instituant, à la place des ministères, des conseils où domine l’aristocratie. À ses yeux, ce rôle est le seul digne d’un pair de France, conseiller né du roi mais non fonctionnaire, même de haut vol. Ainsi il refuse la présidence du conseil des Finances, qu’il confie même à un de ses ennemis jurés, le duc de Noailles.

Son intimité avec le duc de Beauvillier, gouverneur du duc de Bourgogne, fils aîné du Grand Dauphin, lui avait valu la confiance et l'estime du jeune prince, et il se voyait déjà, les poches bourrées de projets de gouvernement, appelé au ministère par ce nouveau saint Louis. Le rêve avait duré dix mois, de la mort du Dauphin à celle du duc de Bourgogne, avril 1711-février 1712. L'hécatombe des princes royaux, la disparition de Louis XIV et les cinq ans de son arrière-petit-fils et successeur Louis XV firent tomber la régence entre les mains du duc d'Orléans.
Il est difficile de s'imaginer deux hommes plus dissemblables que Saint-Simon et le Régent, mais l'amitié fidèle de ce dernier lui permit enfin de jouer un rôle politique réel. Mais la réalité du pouvoir le déçut et son influence au Conseil de la Régence diminuait rapidement.
En revanche, il obtient et accepte les honneurs les plus prestigieux de la cour : le justaucorps à brevet et les grandes entrées chez le roi. Il se fait également attribuer une croix de Saint-Louis, normalement réservée aux militaires, étape indispensable pour obtenir le cordon de l'ordre du Saint-Esprit. L’honnêteté de Saint-Simon l’empêche cependant de profiter de ce passage au pouvoir pour résoudre sa difficile situation financière.
Il répare son orgueil brisé en participant à l’éviction des bâtards de l'ordre de succession. Il fait retirer au duc du Maine la charge de l'éducation du roi, et le réduit au-dessous du rang de princes du sang qu'il avait acquis, lors du lit de justice du 26 août 1718.
Peu apte aux manœuvres politiques, il est de plus en plus supplanté par le cardinal Dubois, ancien précepteur du Régent et futur premier ministre. Philippe d’Orléans lui conserve son amitié et lui prête même en 1719 le château de Meudon, honneur considérable, suivi de plusieurs propositions de postes que Saint-Simon refuse sous des prétextes divers.
Une ambassade extraordinaire en Espagne en octobre 1721-avril 1722 lui apporta l'occasion de visiter en grande pompe la cour de Philippe V, non sans compromettre sa situation financière déjà précaire. Il part donc en Espagne, pays qu’il admire beaucoup, dans le but de marier Louis XV à une infante d’Espagne, mais cet épisode doré qui le voit revenir grand d’Espagne est son chant du cygne : quand il en rentre en 1722, Dubois est nommé premier ministre.
La mort du Régent en décembre 1723 mit fin à la vie publique de Saint-Simon.et lui fait perdre tout accès au pouvoir et, en le privant de son dernier ami, l’éloigne définitivement de la Cour. Fleury, bientôt cardinal, et le duc de Bourbon, le nouveau Premier ministre, lui firent poliment comprendre que sa présence à la cour n'était désormais plus indispensable.

La retraite

Saint-Simon se retire alors dans son château de La Ferté-Vidame, où il mène une vie de gentilhomme campagnard, véritablement soucieux des conditions de vie de ses paysans, et tentant de moderniser leurs techniques. Il se fait même maître de forges. Il se consacre également à la rédaction de traités historico-généalogiques. Il lit le Journal de Dangeau et, à partir de 1739, il rassemble ses notes et s’attelle à la rédaction proprement dite de ses Mémoires dans lesquels il évoque pas moins de 7 854 personnages.
En 1749, alors qu'il vit entre son château de La Ferté-Vidame et son hôtel n°218 boulevard Saint-Germain à Paris, il achève leur rédaction, les faisant s’arrêter en 1723, à la mort du Régent. Il reçoit encore des visiteurs importants, dont le philosophe Montesquieu, qui trouve la conversation de l'ancien duc et pair enchanteresse.
La mort de son épouse probablement de la grippe, en 1743, lui fait interrompre pendant six mois la rédaction de ses Mémoires. Il fait redécorer son appartement en son honneur, son cabinet de travail tendu de noir, son lit de gris, couleur de cendres. Par testament, il ordonnera que leurs deux cercueils soient scellés dans le caveau familial. Les morts successives de ses fils, Jacques-Louis en 1746, et Armand en 1754 le désolent encore, le laissant désemparé, sans descendance. Il écrit encore rédige des mémoires politiques et tient une correspondance admirable avec les membres du gouvernement et de la Cour. Epuisé, il meurt en 1755.

Les Mémoires, l’œuvre d’une vie, un océan d'écriture.

Saint-Simon alla bouder à Paris et dans son château percheron de La Ferté-Vidame. Il écrira plus tard dans le Préambule des Nottes sur les duchés-pairies : "Un grand loisir qui tout à coup succède à des occupations continuelles de tous les divers temps de la vie, forme un grand vuide qui n'est pas aisé ny à suporter ny à remplir."

C'est de cette horreur du "vuide" et de ce "goût qui est comme né avec moi pour l' histoire " qu'est née l'œuvre océanique du duc de Saint-Simon, témoin de son époque et historien de ce qui mérite d'être sauvé de l'oubli. D'impressionnantes lectures historiques ont préparé et nourri ses réflexions d'historien-moraliste. Nous connaissons, grâce à un catalogue de vente imprimé en 1755, la composition de sa bibliothèque riche de plus de 6 200 volumes. Les historiens et les mémorialistes constituent la section la plus importante de la bibliothèque ducale. L'étude des dates d'impression permet de conclure que Saint-Simon commença à acheter massivement de l'histoire à partir de 1723.
Pendant la trentaine d'années qui lui restent à vivre, plusieurs dizaines de milliers de pages sortiront de sa plume surchauffée. Faisant figure de survivant attardé d'un autre âge, il fera revivre, sous le règne de Louis XV dont il boude la cour, les règnes de Louis XIII et de Louis XIV dans un langage dont l'intensité et la puissance évocatrice sont restées inégalées.

L'œuvre immense de Saint-Simon fut publiée tard, du fait d'un ordre de Louis XV contresigné par Choiseul décrétant le transfert au dépôt des Affaires étrangères des " manuscrits trouvés chez M. le duc de Saint-Simon lors de son décès, en l'état où ils sont" décembre 1760. D'une forêt de collections généalogiques, de projets de gouvernement, de mélanges diplomatiques, émergent quatre textes majeurs : les Nottes sur les duchés-pairies, le Parallèle des trois premiers rois Bourbons, les Additions au Journal de Dangeau, et, bien entendu, les Mémoires.

"Les Nottes sur les duchés-pairies" furent probablement compilées entre 1730 et 1733. On dirait que Saint-Simon, avant de se livrer à la rédaction de ses œuvres majeures, a d'abord éprouvé le besoin d'amasser et de classer ses matériaux dans des travaux préliminaires, dont les Nottes sont le plus monumental. Les deux mille pages de cette histoire systématique de toutes les pairies et de tous les duchés éteints ou encore en activité vers 1730 ont de quoi déconcerter le lecteur moderne, mais elles ont permis au futur mémorialiste de se faire la main. L'écriture éclatante des Mémoires rayonne déjà dans les pages les plus réussies, les promesses du futur s'inscrivent en filigrane dans cette œuvre-fichier touffue à laquelle le duc aura constamment recours par la suite.

Le Parallèle des trois premiers rois Bourbons, achevé en mai 1746, a interrompu la rédaction des Mémoires. Ce texte de quatre cents pages propose un parallèle plutarquien des rois Henri IV, Louis XIII et Louis XIV. Quoi de plus exaltant pour le duc, si pénétré de la "juste reconnoissance" que les Saint-Simon devaient à "leur roi", que de faire ressortir par la vertu du contraste les vertus de ce grand oublié, replacé entre son père et son fils ? D'une composition plus rigoureuse que les autres œuvres saint-simonistes, le Parallèle compare systématiquement la vie et les mœurs des trois monarques.
En principe, il appartient au lecteur de juger, mais la "juste préférence" de l'auteur pour Louis XIII qui domine la triade royale ne fait pas de doute.
Les Additions au Journal de Dangeau peuvent être considérées comme le point de départ des Mémoires.

Le duc de Luynes, petit-fils du marquis de Dangeau, entra en 1729 en possession du fameux Journal de son grand-père et le communiqua à Saint-Simon. Celui-ci employa plusieurs copistes à faire une copie des trente-sept volumes in-folio du Journal en avril 1684-août 1720.
Dans cette copie une page sur deux restait blanche, prête à recevoir les annotations et corrections du duc qui n'appréciait guère la "fadeur à faire vomir "du marquis". Ainsi sont nées entre 1729 et 1738 les Additions au Journal de Dangeau.
On a compté 1 711 additions, suscitées par une phrase ou un mot de Dangeau ; elles représentent près de 1 200 pages de texte. Dans l'édition Soulié-Feuillet de Conches, chaque addition est imprimée à la suite du texte de Dangeau auquel elle se réfère. C'est la seule manière de faire ressortir la symbiose étroite entre les deux textes. Les éditions Boislisle et Coirault des Mémoires découpent à tort les Additions en tranches, les réduisant ainsi à une sorte de première mouture de la grande œuvre.
Le Journal servira d'aide-mémoire à Saint-Simon lorsque celui-ci entreprendra, sitôt après l'achèvement des Additions, la rédaction des Mémoires.
Ces Mémoires, qui embrassent la période 1691-1723, furent écrits entre 1739 et 1750. Trente-trois années, la seconde moitié du règne de Louis XIV et la régence du duc d'Orléans, revivent dans une somptueuse fresque de 8 000 pages où s'agitent 7 850 personnages.
Transféré avec tous les écrits de Saint-Simon aux Affaires étrangères, le manuscrit des Mémoires fut rendu en 1819-1828 au général-marquis de Saint-Simon.

Premières éditions

Œuvre majeure de Saint-Simon, les Mémoires ont longtemps attendu leur publication. Embastillés pendant soixante ans, ils ne furent pas le fait des héritiers directs, obérés par la succession.
Tous ses manuscrits, lettres, notes, Mémoires, en tout 162 portefeuilles en veau écaille, aux armes du Duc sont confiés par testament olographe à son cousin l'évêque de Metz puis en juillet 1755, suite aux difficultés de la liquidation de sa succession, après les procès de nombreux créanciers, placés en dépôt chez le notaire séquestre parisien Maître Delaleu jusqu'au 26 décembre 1760, date à laquelle ces manuscrits sont remis, par ordre du roi, à un commis aux Affaires Étrangères pour être transférés aux Archives de son ministère. Le secrétaire d’État à la Guerre le duc de Choiseul a en effet négocié avec la maréchale de Montmorency, sœur de l'évêque de Metz et héritière du fonds, la remise de ces archives pour leur valeur diplomatique, Saint-Simon fut ambassadeur en Espagne mais aussi littéraire.
Le duc de Choiseul fait lever une première copie des Mémoires à Chanteloup. Une première édition tronquée en est réalisée par l'éditeur Jean-Louis Giraud-Soulavie en 1788. Le petit-neveu du petit duc, le général et marquis de Saint-Simon, réclame au roi Louis XVIII en 1819 la "grâce d'un prisonnier de la Bastille "c'est-à-dire les écrits de son grand oncle, en obtient onze portefeuilles, correspondant aux 172 cahiers des 2854 pages manuscrites des Mémoires et commence le grand travail de publication : la première édition authentique a lieu chez Auguste Sautelet en 1829, la première grande édition des œuvres complètes est celle d'Adolphe Chéruel, à partir de 1858, suivie par celle de Boislisle, de 1879 à 1930. Ces éditions établissent la gloire de Saint-Simon, détrônant le cardinal de Retz au panthéon des mémorialistes, et le consacrant comme source historique majeure pour le règne de Louis XIV.
Le manuscrit autographe des Mémoires est vendu en 1860 par ce même général Saint-Simon à l'imprimeur Lahure qui le cède à la librairie Hachette, cette dernière en fait le don à la Bibliothèque Nationale en 1926.

La maison Hachette l'acquit et l'offrit en 1927, à l'occasion de son centenaire, à la Bibliothèque nationale. Quelques volumes d'extraits furent publiés à la fin du XVIIIe siècle. Dès 1829 paraissait une édition à peu près complète. C'est dans cette édition princeps, dite du marquis, que Stendhal, Michelet et Sainte-Beuve pratiquaient Saint-Simon. Deux éditions données par l'infatigable maison Hachette procurèrent d'abord un texte plus sûr, Chéruel, 1856-1858, 22 vol., et l'enrichirent ensuite d'un monumental apparat critique et historique.

Un modèle dans l'histoire des lettres

Mieux encore, Saint-Simon gagne le titre de véritable écrivain. Les admirateurs de sa prose sont nombreux parmi les auteurs francophones : c’est l’un des rares mémorialistes à être lu pour son style. Pourtant, Saint-Simon lui-même avoue : "Je ne me pique pas de bien écrire."
D’un point de vue académique, il dit vrai. Sa grammaire n’est pas toujours rigoureuse, et son vocabulaire est archaïque, figé à la première partie du règne de Louis XIV.
Cela même fait l’originalité du style de Saint-Simon : il ne se surveille pas. Chez lui la phrase se bouscule parfois, hachée et fiévreuse, toute en ellipses, ou bien elle semble, comme chez Proust, vouloir embrasser tous les aspects d’une question, et ne s’éteindre que lorsque le sujet a été épuisé. Saint-Simon supprime jusqu'au verbe, accumulant les notations rapides, comme prises sur le vif. Ainsi décrit-il le tsar Pierre le Grand lors de sa visite à Paris en 1717 :
" Ce monarque se fit admirer par son extrême curiosité, toujours tendante à ses vues de gouvernement, de commerce, d'instruction, de police, et cette curiosité atteignit à tout et ne dédaigna rien, dont les moindres traits avaient une utilité suivie, marquée, savante, qui n'estima que ce qui méritait l'être, en qui brilla l'intelligence, la justesse, la vive appréhension de son esprit. Tout montrait en lui la vaste étendue de ses lumières et quelque chose de continuellement conséquent. Il allia d'une manière tout à fait surprenante la majesté la plus haute, la plus fière, la plus délicate, la plus soutenue, en même temps la moins embarrassante quand il l'avait établie dans toute sa sûreté, avec une politesse qui la sentait, et toujours, et avec tous, et en maître partout, mais avait ses degrés suivant les personnes. Il avait une sorte de familiarité qui venait de liberté ; mais il n'était pas exempt d'une forte empreinte de cette ancienne barbarie de son pays qui rendait toutes ses manières promptes, même précipitées, ses volontés incertaines, sans vouloir être contraint ni contredit sur pas une ; sa table, souvent peu décente, beaucoup moins ce qui la suivait, souvent aussi avec un découvert d'audace, et d'un roi partout chez soi.
— Saint-Simon, Mémoires
C’est aussi un bon conteur, narrant avec clarté et minutie des histoires souvent embrouillées, sachant ménager ses effets et son suspense, transformant une anecdote mineure en véritable comédie. Enfin, Saint-Simon se distingue par la fougue de son discours. Il a l’indignation facile, l’insulte retorse et la plume formidablement aiguisée. Bien peu trouvent grâce à ses yeux. Saint-Simon détecte en chaque homme de la cour le fou qu'il refuse de voir en lui, explique à ce propos Claude Arnaud, dans un dossier du Magazine Littéraire consacré à Saint-Simon. Il offre ainsi au lecteur un panorama parfois injuste, mais souvent réjouissant, de la cour de Louis XIV.
L’œuvre n’est pas homogène. À des passages d’anthologie, portrait des personnalités disparues, révocation de l'édit de Nantes, veillée funèbre de Louis XIV s’opposent des tunnels auxquels le lecteur moderne est moins sensible : ainsi rédige-t-il de longues dissertations sur la hiérarchie relative des grands du royaume. Saint-Simon n’écrit en effet pas seulement pour raconter son époque, mais aussi pour promouvoir ses idées politiques. Les historiens considèrent en effet que, souvent, il exagère l'importance de son propre rôle dans les affaires politiques des années 1710-1723. Son œuvre elle-même ne fournit pas toujours ses sources. Saint-Simon puise abondamment dans le Journal de Dangeau pour les anecdotes de la cour, mais ne l'évoque guère que pour le critiquer lorsqu'il y trouve des erreurs. Il se fonde aussi sur le journal de Torcy pour les événements internationaux.

Postérité littéraire de Saint-Simon

De grands écrivains français sont profondément influencés par l’œuvre de Saint-Simon, dont Balzac, Stendhal et Proust.
Stendhal a pu connaître les Mémoires par les publications d’extraits réalisées entre 1781 et 1819, avant que les héritiers ne rentrent en possession des manuscrits à cette date et n’autorisent une première publication en 1829, complète mais très perfectible. Fasciné par les Mémoires, il leur emprunte de nombreux procédés littéraires " modernes " qu’utilise le duc en dépit de sa réputation d’archaïsme, en particulier la description subjective, qui consiste à décrire une scène uniquement à travers les détails qu’en perçoit un personnage. Dans La Chartreuse de Parme de Stendhal, les descriptions des intrigues de cour et les portraits de nombreux personnages secondaires sont ouvertement inspirés de Saint-Simon, qui est d’ailleurs cité parfois sans retouches.
Marcel Proust a été un admirateur fervent du mémorialiste, dont il a d’ailleurs fait un long et savoureux pastiche dans "Pastiches et mélanges en 1919".
L’évocation dans "À la recherche du temps perdu" des salons aristocratiques du début du XXe siècle doit autant aux souvenirs mondains de Proust lui-même qu’aux scènes de la cour de Louis XIV qu’il avait lues dans Saint-Simon, très souvent cité dans le roman, notamment lors des passages où apparaît le personnage haut en couleurs du baron de Charlus. Proust a aussi cherché à recréer dans ces passages une certaine manière de parler que Saint-Simon appelait, mais sans donner d’exemples, l’" esprit Mortemart" , du nom d’une grande famille noble à laquelle appartenait la marquise de Montespan :
"... une éloquence naturelle, une justesse d’expression, une singularité dans le choix des termes qui coulait de source et qui surprenait toujours, avec ce tour particulier à Mme de Montespan et à ses sœurs, et qui n’a passé qu’aux personnes de sa familiarité ou qu’elle avait élevées. caractère de Mme la duchesse d’Orléans". Proust chercha à illustrer cet esprit à travers son personnage de la duchesse de Guermantes, sans d’ailleurs être pleinement satisfait du résultat. Mais de manière plus profonde, Proust a été fasciné par la réussite du projet littéraire de Saint-Simon, qui ressuscite par l’écriture un monde disparu depuis trente ans : comme le duc-mémorialiste, le narrateur de la Recherche comprend sur le tard que les déceptions de la vie et la certitude de la mort peuvent être transcendées par la littérature.
Un prix littéraire Saint-Simon a été créé. Il fut fondé à l'occasion du tricentenaire de la naissance du duc de Saint Simon -1675-1755 sous les auspices de la Ville de La Ferté-Vidame, résidence d'élection de l'écrivain, du Conseil Général d'Eure et Loir et de l'Association des Amis de La Ferté-Vidame, avec la participation initiale de la Société Saint-Simon.

Aspects historiques, L’histoire selon Saint-Simon

C’est un dessein historique que poursuit Saint-Simon. Il s’en justifie dans un avant-propos qui n’est pas sans rappeler la préface de l'"Ab Urbe condita de Tite-Live". Il commence par rappeler que l’histoire est "étude recommandée", pratiquée par les saints et, mieux encore, par le Saint-Esprit.
Insistant sur le fait que la pertinence de lire et d’écrire l’histoire quand on est chrétien, Saint-Simon s’oppose vigoureusement à l’obscurantisme : il n’y a pas lieu de taire les défauts et les vices de ses prédécesseurs au nom de la charité.
"Ne mettons point le salut que le Rédempteur nous a acquis au prix indigne de l’abrutissement absolu."
Il conclut que l’histoire, loin d’être contraire à la charité, peut la servir.
Saint-Simon définit ensuite ce que doit être l’histoire, non pas la simple énumération des événements, mais aussi "leurs origines, leurs causes, leurs suites et leurs liaisons des uns aux autres ".
Et pour lui, cela ne peut se faire sans raconter aussi l’histoire des acteurs, leur personnalité, ce qui les meut, leurs relations entre eux. Enfin, qui peut mieux dépeindre l’histoire, sinon quelqu’un qui l’a lui-même vécue ?
« Écrire l’histoire de son pays et de son temps, c’est repasser dans son esprit avec beaucoup de réflexion tout ce qu’on a vu, manié, ou su d’original sans reproche, qui s’est passé sur le théâtre du monde, les diverses machines, souvent les riens apparents, qui ont mû les ressorts des événements qui ont eu le plus de suite et qui en ont enfanté d’autres.
— Saint-Simon, Préambule aux Mémoires, S'il est permis d'écrire l'histoire .

Tout cela montre, selon Saint-Simon, la vanité des existences et le néant des ambitions. L’histoire remplit donc un but moral, mieux que les livres de morale eux-mêmes, car l’histoire marque plus le lecteur :
"Ce sont des avis et des conseils que reçoivent les lecteurs de chaque coup de pinceau à l’égard des personnages, et de chaque événement par le récit des occasions et des mouvements qui l’ont produit."
Enfin, l’histoire parlant généralement de gens morts, elle peut se permettre d’être vraie tout en ne choquant personne.

Citations dans les extraits des Mémoires de Saint-Simon

Caractère du prince de Conti :
"Cet homme si aimable, si charmant, si délicieux, n’aimait rien. Il avait et voulait des amis comme on veut et qu’on a des meubles."
Portrait de la princesse d’Harcourt :
"Elle avait été fort belle et galante ; quoiqu’elle ne fût pas vieille, les grâces et la beauté s’étaient tournées en gratte-cul. C’était alors une grande et grosse créature fort allante, couleur de soupe au lait, avec de grosses et vilaines lippes et des cheveux en filasse toujours sortants et traînants comme tout son habillement sale, malpropre ; toujours intriguant, prétendant, entreprenant ; toujours querellant, et toujours basse comme l’herbe, ou sur l’arc-en-ciel, selon ceux à qui elle avait affaire. C’était une furie blonde, et de plus une harpie : elle en avait l’effronterie, la méchanceté, la fourbe, la violence ; elle en avait l’avarice et l’avidité ; elle en avait encore la gourmandise et la promptitude à s’en soulager, et mettait au désespoir ceux chez qui elle allait dîner parce qu’elle ne se faisait faute de ses commodités au sortir de table, qu’assez souvent elle n’avait pas loisir de gagner, et salissait le chemin d’une effroyable traînée, qui l’ont maintes fois fait donner au diable par les gens de Mme du Maine et de Monsieur le Grand.

Caractère de Louis XIV :

"Ce fut un prince à qui on ne peut refuser beaucoup de bon, même de grand, en qui on ne peut méconnaître plus de petit et de mauvais, duquel il n’est pas possible de discerner ce qui était de lui ou emprunté, et dans l’un et dans l’autre rien de plus rare que des écrivains qui en aient été bien informés, rien de plus difficile à rencontrer que des gens qui l’aient connu par eux-mêmes et par expérience, et capables d’en écrire, en même temps assez maîtres d’eux-mêmes pour en parler sans haine ou sans flatterie, de n’en rien dire que dicté par la vérité nue en bien et en mal."
Crayon de la cour de Versailles, à l’annonce du rang donné aux enfants du duc du Maine, bâtard du Roi :
"Pour tout le reste du monde c’était une cour anéantie, accoutumée à toute sorte de joug, et à se surpasser les uns les autres en flatteries et en bassesses."
Projets de gouvernements pour le duc de Bourgogne :
"J’en étais si rempli, qu’il y avait des années que je les avais jetés sur le papier, plutôt pour mon soulagement et pour me prouver à moi-même leur utilité et leur possibilité, que dans l’espérance qu’il en pût jamais rien réussir.
Un exemple de phrase sans verbe – la douleur du Roi à la mort de son fils :
"Pour le Roi, jamais homme si tendre aux larmes, si difficile à s'affliger, ni si promptement rétabli en sa situation parfaitement naturelle."
Un exemple de style bref – échange avec le duc de Beauvillier :
"Ce propos vrai et solide effraya étrangement le duc de Beauvillier : il me dit tout ce qu’il put ; moi, de me taire. Nous nous séparâmes de la sorte."

Textes divers

Saint-Simon accuse - le tiers état présenté au Roi 1712 :
"Le tiers état, infiniment relevé dans quelques particuliers qui ont fait leur fortune par le ministère ou par d'autres voies, est tombé en général dans le même néant que les deux premiers corps la noblesse et le clergé. Les divers tribunaux qui ont souvent paru avec quelque éclat dans les temps fâcheux, ne nourrissent plus de ces magistrats dignes de l'ancienne Rome par leur doctrine et par leur intégrité, de ces colonnes de l'État par leurs grandes actions, par leur application constante, par leur savoir profond, par leur génie. Ceux d'aujourd'hui, accoutumés aux mœurs présentes, contents de savoir juger les procès, s'en acquittent comme ils peuvent, entraînés souvent par le torrent des jeunes gens et des gens nouveaux qui emportent la pluralité des voix. La discipline, l'étude, la gravité, ne sont plus des talents d'usage ; et il n'est que trop vrai de dire que, les riches uniquement appliqués à conserver leur bien, et les pauvres à en acquérir ou à vivre, la magistrature est généralement tombée dans le même abîme qui enfouit le clergé et la noblesse. Pour ce qui est du reste du tiers état, sièges subalternes, corps de ville bourgeois, la misère, la mécanique, la grossièreté les a tous ensevelis sans éducation et sans étude que celle de vivre au jour la journée avec un pénible travail ; de là on peut inférer ce que sont les artisans et les paysans de la campagne.
L'esprit languissant de vide 1737 – vers les Mémoires... et la recherche du temps perdu :
"Un grand loisir qui tout à coup succède à des occupations continuelles de tous les divers temps de la vie, forme un grand vide qui n'est pas aisé ni à supporter ni à remplir. Dans cet état l'ennui irrite et l'application dégoûte. Les amusements, on les dédaigne. Cet état ne peut être durable ; à la fin on cherche malgré soi à en sortir. Ce qui rappelle le moins tout ce qu'on a quitté et qui mêle quelque application légère à de l'amusement, c'est ce qui convient le mieux. De médiocres recherches de dates et de faits pris par éclaircissement dans les livres, d'autres sortes de faits qu'on a vus ou qu'on a sus d'original sont de ce genre, quand ces autres faits qu'on trouve en soi-même ont quelque pointe, quelque singularité, quelque concordance fugitive et qui peut mériter d'être sauvée de l'oubli. L'esprit y voltige quelque temps sans pouvoir se poser encore, jusqu'à ce que le besoin de se nourrir de quelque chose, contracté par une si longue habitude, devienne supérieur au dégoût général ; et que, par l'affaiblissement des premiers objets à mesure qu'ils s'éloignent, il saisisse au hasard la première chose qui se présente à lui. Un malade repousse bien des plats sans vouloir y goûter, et plusieurs autres encore dont il n'a fait que tâter et encore avec peine. L'esprit, languissant de vide, effleure ainsi bien des objets qui se présentent, avant que d'essayer d'accrocher son ennui sur pas un."

Aspects littéraires

Regards sur ses contemporains

On aurait fort étonné le duc de Saint-Simon en lui déclarant qu'il était surtout un écrivain. Cependant, il n'a pas manqué de rencontrer quelques personnalités éminentes de la littérature française, et les Mémoires nous offrent d'intéressants portraits de la plupart d'entre eux.
Madame de Sévigné – dont le duc de Saint-Simon était fort des amis du jeune marquis de Grignan, son petit-fils :
"Cette femme, par son aisance, ses grâces naturelles, la douceur de son esprit, en donnait par sa conversation à qui n'en avaient pas, extrêmement bonne d'ailleurs, et savait extrêmement de toutes sortes de choses sans vouloir jamais paraître savoir rien."

Boileau regretté de Saint-Simon :

"En ce même temps 1711 mourut Boileau-Despréaux si connu par son esprit, ses ouvrages, et surtout par ses satires. Il se peut dire que c'est en ce dernier genre qu'il a excellé quoique ce fût un des meilleurs hommes du monde. Il avait été chargé d'écrire l'histoire du Roi : il ne se trouva pas qu'il y eût presque travaillé."

Racine – sa funeste distraction :
"Malheureusement pour lui, il était sujet à des distractions fort grandes. Il arriva qu'un soir qu'il était entre le Roi et Mme de Maintenon, chez elle, la conversation tomba sur les théâtres de Paris. Après avoir épuisé l'opéra, on tomba sur la comédie. Le Roi s'informa des pièces et des acteurs, et demanda à Racine pourquoi, à ce qu'il entendait dire, la comédie était si fort tombée de ce qu'il l'avait vue autrefois. Racine lui en donna plusieurs raisons, et conclut par celle qui, à son avis, y avait le plus de part, qui était que, faute d'auteurs et de bonnes pièces nouvelles, les comédiens en donnaient d'anciennes, et, entre autres, ces pièces de Scarron qui ne valaient rien et qui rebutaient tout le monde. À ce mot la pauvre veuve rougit -Paul Scarron- était le mari de Madame de Maintenon, non pas de la réputation du cul-de-jatte attaquée, mais d'entendre prononcer son nom, et devant le successeur. Le Roi s'embarrassa ; le silence qui se fit tout d'un coup réveilla le malheureux Racine, qui sentit le puits dans lequel sa funeste distraction le venait de précipiter. Il demeura le plus confondu des trois, sans plus oser lever les yeux ni ouvrir la bouche. Ce silence ne laissa pas de durer plus que quelques moments, tant la surprise fut dure et profonde. La fin fut que le Roi renvoya Racine, disant qu'il allait travailler."

Regards sur Saint-Simon

Madame du Deffand - première connaissance, partielle, des Mémoires 1770:
" Nous faisons une lecture l'après dîner, des Mémoires de M. de Saint-Simon, où il est impossible de ne pas vous regretter ; vous auriez des plaisirs indicibles... quoique le style soit abominable, les portraits mal faits, l'auteur n'étant point un homme d'esprit..."

Chateaubriand :
"Saint-Simon écrivait à la diable pour l'immortalité."
Stendhal :
" Mon seul plaisir était Shakespeare et les Mémoires de Saint-Simon, alors en sept volumes, que j'achetai plus tard en douze volumes, avec les caractères de Baskerville, passion qui a duré comme celle des épinards au physique…"
Michelet :
"Contre un Dangeau et autres, on se défend sans peine. Mais qu'il est difficile de marcher droit quand on a près de soi le maître impérieux qui vous tire à droite et à gauche, qui donne tout ensemble à l'histoire le secours et l'obstacle, son guide, son tyran, Saint-Simon... J'en sais le fort, le faible. S'il a écrit longtemps après, c'est sur des notes qu'il faisait le jour même. Il veut être vrai, il veut être juste. Et souvent, par un noble effort, il l'est contre sa passion.

Armoiries

Maison de Rouvroy de Saint Simon.
Blason de la Maison de Saint Simon
Description héraldique : Écartelé: aux 1 et 4, échiqueté d'or et d'azur, au chef d'azur, chargé de trois fleurs de lys d'or qui est Vermandois Saint Simon ; aux 2 et 3, de sable à la croix d'argent, chargé de cinq coquilles de gueules qui est Rouvroy.

Éditions

Mémoires. De nombreuses éditions existent. Celle de Boislisle, en 43 volumes parus de 1879 à 1930, est l’édition de référence des historiens. Celle d’Yves Coirault, en 8 volumes parus à partir de 1983 collection La Pléiade, Gallimard est la plus pratique et la plus utile à l’amateur. La première édition intégrale conforme au manuscrit original, l’édition Chéruel de 1856, est disponible ici en texte intégral cherchable. L'édition Carrefour du Net est la version papier la plus économique du texte intégral et est disponible ici.
Traités politiques et autres écrits, Gallimard, Pléiade, 1996. Papiers épars de Saint-Simon sur divers sujets, le plus souvent des questions de cérémonial ou de généalogie.
Les Siècles et les jours. Lettres, 1693-1754 et Note "Saint-Simon" des Duchés-pairies, etc. Textes établis, réunis et commentés par Yves Coirault. Préface d’Emmanuel Le Roy Ladurie, membre de l’Institut. Éditions Honoré Champion
Hiérarchie et mutations : Écrits sur le kaléidoscope social. Textes établis, réunis et commentés par Yves Coirault. Éditions Honoré Champion,

Hommages

Une rue de Saint-Simon, dans le VIIe arrondissement de Paris a été baptisée ainsi en hommage au duc.
Une statue du duc de Saint-Simon est présente dans la cour du Louvre et une autre se trouve sur la façade de l'Hôtel de ville de Paris
En 1955, la République française lui rend hommage par un timbre postal à son effigie à l'occasion du bicentenaire de sa mort. En 1975, c'est au tour de Monaco d'éditer un timbre à l'effigie du duc, commémorant cette fois le tricentenaire de sa naissance.


Extrait des mémoires de St Simon -> cliquez http://www.loree-des-reves.com/module ... ost_id=4773#forumpost4773

Liens :

http://youtu.be/Q75EK00aJfo Le système de la cour
http://youtu.be/Ft30R7nK60w lecture de St Simon

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Posté le : 01/03/2014 13:36
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Extrait des mémoires de St Simon
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Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57788
Hors Ligne
Restauré saisi en mode texte français actuel. Chapitre 1
Année 1691. Où et comment ces Mémoires commencés. — Ma première liaison avec M. le duc de Chartres. — Maupertuis, capitaine des mousquetaires gris ; sa fortune et son caractère. — Année 1692. Ma première campagne, mousquetaire gris. — Siège de Namur par le roi en personne. — Reddition de Namur. — Solitude de Marlaigne. — Poudre cachée par les jésuites. — Bataille navale de la Hogue. — Danger de badiner avec des armes. — Coetquen et sa mort.
Je suis né la nuit du 15 au 16 janvier 1675, de Claude, duc de Saint-Simon, pair de France, et de sa seconde femme Charlotte de L'Aubépine, unique de ce lit. De Diane de Budos, première femme de mon père, il avait eu une seule fille et point de garçon. Il l'avait mariée au duc de Brissac, pair de France, frère unique de la duchesse de Villeroy. Elle était morte en 1684, sans enfants, depuis longtemps séparée d'un mari qui ne la méritait pas, et par son testament m'avait fait son légataire universel.
Je portais le nom de vidame de Chartres, et je fus élevé avec un grand soin et une grande application. Ma mère, qui avait beaucoup de vertu et infiniment d'esprit de suite et de sens, se donna des soins continuels à me former le corps et l'esprit. Elle craignit pour moi le sort des jeunes gens qui se croient leur fortune faite et qui se trouvent leurs maîtres de bonne heure. Mon père, né en 1606, ne pouvait vivre assez pour me parer ce malheur, et ma mère me répétait sans cesse la nécessité pressante où se trouverait de valoir, quelque chose un jeune homme entrant seul dans le monde, de son chef, fils d'un favori de Louis XIII, dont tous les amis étaient morts ou hors d'état de l'aider, et d'une mère qui, dès sa jeunesse, élevée chez la vieille duchesse d'Angoulême, sa parente, grand'mère maternelle du duc de Guise, et mariée à un vieillard, n'avait jamais vu que leurs vieux amis et amies, et n'avait pu s'en faire de son âge. Elle ajoutait le défaut de tous proches, oncles, tantes, cousins germains, qui me laissaient comme dans l'abandon à moi-même, et augmentait le besoin de savoir en faire un bon usage, sans secours et sans appui; ses deux frères obscurs, et l'aîné ruiné et plaideur de sa famille, et le seul frère de mon père sans enfants et son aîné de huit ans.
En même temps, elle s'appliquait à m'élever le courage, et à m'exciter de me rendre tel que je pusse réparer par moi-même des vides aussi difficiles à surmonter. Elle réussit à m'en donner un grand désir. Mon goût pour l'étude et les sciences ne le seconda pas, mais celui qui est comme né avec moi pour la lecture et pour l'histoire, et conséquemment de faire et de devenir quelque chose par l'émulation et les exemples que j'y trouvais, suppléa à cette froideur pour les lettres; et j'ai toujours pensé que si on m'avait fait moins perdre de temps à celles-ci, et qu'on m'eût fait faire une étude sérieuse de celle-là, j'aurais pu y devenir quelque chose.
Cette lecture de l'histoire et surtout des Mémoires particuliers de la nôtre, des derniers temps depuis François Ier, que je faisais de moi-même, me firent naître l'envie d'écrire aussi ceux de ce que je verrais, dans le désir et dans l'espérance d'être de quelque chose et de savoir le mieux que je pourrais les affaires de mon temps. Les inconvénients ne laissèrent pas de se présenter à mon esprit; mais la résolution bien ferme d'en garder le secret à moi tout seul me lut remédier à tout. Je les commençai donc en juillet 1694, étant mestre de camp [5] d'un régiment de cavalerie de mon nom, dans le camp de Guinsheim sur le Vieux-Rhin, en l'armée commandée par le maréchal-duc de Lorges.
En 1691, j'étais en philosophie et commençais à monter à cheval à l'académie des sieurs de Mémon et Rochefort, et je commençais aussi à m'ennuyer beaucoup des maîtres et de l'étude, et à désirer fort d'entrer dans le service. Le siège de Mons, formé par le roi en personne, à la première pointe du printemps, y avait attiré presque tous les jeunes gens de mon âge pour leur première campagne; et ce qui me piquait le plus, M. le duc de Chartres y faisait la sienne. J'avais été comme élevé avec lui, plus jeune que lui de huit mois, et si l'âge permet cette expression entre jeunes gens si inégaux, l'amitié nous unissait ensemble. Je pris donc ma résolution de me tirer de l'enfance, et je supprime les ruses dont je ne servis pour y réussir. Je m'adressai à ma mère; je reconnus bientôt qu'elle m'amusait. J'eus recours à mon père à qui je fis accroire que le roi, ayant fait un grand siège cette année, se reposerait la prochaine. Je trompai ma mère qui ne découvrit ce que j'avais tramé que sur le point de l'exécution, et que j'avais monté mon père à ne se laisser point entamer.
Le roi s'était roidi à n'excepter aucun de ceux qui entraient dans le service, excepté les seuls princes du sang et ses bâtards, de la nécessité de passer une année dans une de ses deux compagnies des mousquetaires, à leur choix, et de là, à apprendre plus ou moins longtemps à obéir, ou à la tête d'une compagnie de cavalerie, ou subalterne dans son régiment d'infanterie qu'il distinguait et affectionnait sur tous autres, avant de donner l'agrément d'acheter un régiment de cavalerie ou d'infanterie, suivant que chacun s'y était destiné. Mon père me mena donc à Versailles où il n'avait encore pu aller depuis son retour de Blaye, où il avait pensé mourir. Ma mère l'y était allée trouver en poste et l'avait ramené encore fort mal, en sorte qu'il avait été jusqu'alors sans avoir pu voir le roi. En lui faisant sa révérence, il me présenta pour être mousquetaire, le jour de Saint-Simon Saint-Jude, à midi et demi, comme il sortait du conseil.
Sa Majesté lui fit l'honneur de l'embrasser par trois fois, et comme il fut question de moi, le roi, me trouvant petit et l'air délicat, lui dit que j'étais encore bien jeune, sur quoi mon père répondit que je l'en servirais plus longtemps. Là-dessus, le roi lui demanda en laquelle des deux compagnies il voulait me mettre, et mon père choisit la première, à cause de Maupertuis, son ami particulier, qui en était capitaine. Outre le soin qu'il s'en promettait pour moi, il n'ignorait pas l'attention avec laquelle le roi s'informait à ces deux capitaines des jeunes gens distingués qui étaient dans leurs compagnies, surtout à Maupertuis, et combien leurs témoignages influaient sur les premières opinions que le roi en prenait, et dont les conséquences avaient tant de suites. Mon père ne se trompa pas, et j'ai eu lieu d'attribuer aux bons offices de Maupertuis la première bonne opinion que le roi prit de moi.
Ce Maupertuis se disait de la maison de Melun et le disait de bonne foi; car il était la vérité et l'honneur et la probité même, et c'est ce qui lui avait acquis la confiance du roi. Cependant il n'était rien moins que Melun, ni reconnu par aucun de cette grande maison. Il était arrivé par les degrés, de maréchal des logis des mousquetaires jusqu'à les commander en chef et à devenir officier général; son équité, sa bonté, sa valeur lui en avaient acquis l'estime. Les vétilles, les pointilles de toute espèce d'exactitude et de précision, et une vivacité qui d'un rien faisait un crime, et de la meilleure foi du monde, l'y faisaient moins aimer. C'était par là qu'il avait su plaire au roi qui lui avait souvent donné des emplois de confiance. Il fut chargé, à la dernière disgrâce de M. de Lauzun, de le conduire à Pignerol, et, bien des années après, de l'en ramener à Bourbon deux fois de suite, lorsque l'intérêt de sa liberté et celui de M. du Maine y joignirent Mme de Montespan et cet illustre malheureux, qui y céda les dons immenses de Mademoiselle à M. du Maine pour changer seulement sa prison en exil. L'exactitude de Maupertuis dans tous ces divers temps qu'il fut sous sa garde le mit tellement au désespoir qu'il ne l'a oublié de sa vie. C'était d'ailleurs un très homme de bien, poli, modeste et respectueux.
Trois mois après que je fus mousquetaire, c'est-à-dire en mars de l'année suivante, le roi fut à Compiègne faire la revue de sa maison et de la gendarmerie, et je montai une fois la garde chez le roi. Ce petit voyage donna lieu de parler d'un plus grand. Ma joie en fut extrême; mais mon père, qui n'y avait pas compté, se repentit bien de m'avoir cru et me le fit sentir. Ma mère, après un peu de dépit et de bouderie de m'être ainsi enrôlé par mon père malgré elle, ne laissa pas de lui faire entendre raison et de me faire un équipage de trente-cinq chevaux ou mulets, et de quoi vivre honorablement chez moi soir et matin. Ce ne fut pas sans un fâcheux contretemps, précisément arrivé vingt jours avant mon départ. Un nommé Tessé, intendant de mon père, qui demeurait chez lui depuis plusieurs années, disparut tout à coup et lui emporta cinquante mille livres qui se trouvèrent dues à tous les marchands dont il avait produit de fausses quittances dans ses comptes. C'était un petit homme, doux, affable, entendu, qui avait montré du bien, qui avait des amis, avocat au parlement de Paris, et avocat du roi au bureau des finances de Poitiers.
Le roi partit le 10 mai 1692 avec les dames, et je fis le voyage à cheval avec la troupe et tout le service comme les autres mousquetaires pendant les mois qu'il dura. J'y fus accompagné de deux gentilshommes: l'un, ancien de la maison, avait été mon gouverneur, et d'un autre qui était écuyer de ma mère. L'armée du roi se forma ail camp de Gevry. Celle de M. de Luxembourg l'y joignait presque. Les dames étaient à Mons, à deux lieues de là. Le roi les fit venir en son camp où il les régala, puis leur fit voir la plus superbe revue qui ait peut-être jamais été faite, de ces deux armées rangées sur deux lignes, la droite de M. de Luxembourg touchant la gauche du roi et tenant trois lieues d'étendue.
Après dix jours de séjour à Gevry, les deux armées se séparèrent et marchèrent. Deux jours après le siège de Namur fut déclaré, où le roi arriva en cinq jours de marche. Monseigneur , Monsieur , M. le Prince et le maréchal d'Humières, tous quatre, l'un sous l'autre par degrés, commandaient l'armée sous le roi, et M. de Luxembourg, seul général de la sienne, couvrait le siège et faisait l'observation. Les dames étaient cependant allées à Dinant. Au troisième jour de marche, M. le Prince fut détaché pour aller investir la ville de Namur. Le célèbre Vauban, l'âme de tous les sièges que le roi a faits, emporta que la ville serait attaquée séparément du château contre le baron de Bressé, qui voulait qu'on fît le siège de tous les deux à là fois, et c'était lui qui avait fortifié la place. Un fort mécontentement lui avait fait quitter depuis peu le service d'Espagne, non sans laisser quelques nuages sur sa réputation de s'être aussitôt jeté en celui de France. Il s'était distingué par sa valeur et sa capacité; il était excellent ingénieur et très bon officier général. Il eut, en entrant au service du roi le grade de lieutenant général et un grand traitement pécuniaire. C'était un homme de basse mine, modeste, réservé, dont la physionomie ne promettait rien, mais qui acquit bientôt la confiance du roi et toute l'estime militaire.
M. le Prince, le maréchal d'Humières et le marquis de Boufflers eurent chacun une attaque. Il n'y eut rien de grande remarque pendant les dix jours que ce siège dura. Le onzième de tranchée ouverte, la chamade fut battue, et la capitulation telle, à peu près, que les assiégés la désirèrent. Ils se retirèrent au château, et il fut convenir de part et d'autre qu'il ne serait point attaqué par la ville, et que la ville serait en pleine sûreté du château qui ne tirerait pas un seul coup dessus. Pendant ce siège, le roi fut toujours campé, et le temps fut très chaud et d'une sérénité constante depuis le départ de Paris. On n'y perdit personne de remarque que Cramaillon, jeune ingénieur de grande espérance, et d'ailleurs bon officier, que Vauban regretta fort. Le comte de Toulouse reçut une légère contusion au bras tout proche du roi, qui, d'un lieu éminent et pourtant assez éloigné, voyait attaquer en plein jour une demi-lune qui fut emportée par un détachement des plus anciens des deux compagnies de mousquetaires.
Jonvelle, gentilhomme, mais d'ailleurs soldat de fortune, d'honneur et de valeur, mourut de maladie pendant ce siège. Il était lieutenant général et capitaine de la deuxième compagnie des mousquetaires; il avait plus de quatre-vingts ans, et fut fort regretté du roi et de sa compagnie. Toutes les deux se joignirent pour lui rendre les derniers devoirs militaires. Sa compagnie fut à l'instant donnée à M. de Vins qui la commandait sous lui, beau-frère de M. de Pomponne, et qui, maréchal de camp en l'armée d'Italie, commandait lors un gros corps pour couvrir la Provence, où il servit très utilement, et fut l'année suivante lieutenant général.
L'armée changea de camp pour le siège du château. En arrivant chacun dans le lieu qui lui était marqué, le régiment d'infanterie du roi trouva son terrain occupé par un petit corps des ennemis qui s'y retranchaient, d'où il résulta à l'instant un petit combat particulier assez rude. M. de Soubise, lieutenant général de jour, y courut et s'y distingua. Le régiment du roi acquit beaucoup d'honneur avec peu de perte, et les ennemis furent bientôt chassés. Le roi en fut très aise par son affection pour ce régiment qu'il a toujours particulièrement tenu pour sien entre toutes ses troupes.
Ses tentes et celles de toute la cour furent dressées dans un beau pré à cinq cents pas du monastère de Marlaigne. Le beau temps se tourna en pluies, de l'abondance et de la continuité desquelles personne de l'armée n'avait vu d'exemple, et qui donnèrent une grande réputation à saint Médard, dont la fête est au 8 juin. Il plut tout ce jour-là à verse, et on prétend que le temps qu'il fait ce jour-là dure quarante jours de suite. Le hasard fit que cela arriva cette année. Les soldats, au désespoir de ce déluge, firent des imprécations contre ce saint, en recherchèrent des images et les rompirent et brûlèrent tant qu'ils en trouvèrent. Ces pluies devinrent une plaie pour le siège. Les tentes du roi n'étaient communicables que par des chaussées de fascines qu'il fallait renouveler tous les jours, à mesure qu'elles s'enfonçaient; les camps et les quartiers n'étaient pas plus accessibles; les tranchées pleines d'eau et de boue, il fallait souvent trois jours pour remuer le canon d'une batterie à une autre. Les chariots devinrent inutiles, en sorte que les transports des bombes, boulets, etc., ne purent se faire qu'à dos de mulets et de chevaux tirés de tous les équipages de l'armée et de la cour, sans le secours desquels il aurait été impossible. Ce même inconvénient des chemins priva l'armée de M. de Luxembourg de l'usage des voitures. Elle périssait faute de grains, et cet extrême inconvénient ne put trouver de remède que par l'ordre que le roi donna à sa maison de prendre tous les jours par détachement des sacs de grains en croupe, et de les porter en un village où ils étaient reçus et comptés par des officiers de l'armée de M. de Luxembourg. Quoique la maison du roi n'eût presque aucun repos pendant ce siège pour porter les fascines, fournir les diverses gardes et les autres services journaliers, ce surcroît lui fut donné, parce que la cavalerie servait continuellement aussi, et en était aux feuilles d'arbres presque pour tout fourrage.
Cette considération ne satisfit point la maison du roi, accoutumée à toutes sortes de distinction. Elle se plaignit avec amertume. Le roi se roidit et voulut être obéi. Il fallut donc le faire. Le premier jour, le détachement des gens d'armes et des chevau-légers de la garde, arrivé de grand matin au dépôt des sacs, se mit à murmurer et, s'échauffant de propos les uns les autres, vinrent jusqu'à jeter les sacs et à refuser tout net d'en porter. Crenay, dans la brigade duquel j'étais, m'avait demandé poliment si je voulais bien être du détachement pour les sacs, sinon qu'il me commanderait pour quelque autre; j'acceptai les sacs, parce que je sentis que cela ferait ma cour par tout le bruit qui s'était déjà fait là-dessus. En effet j'arrivai avec le détachement des mousquetaires au moment du refus des troupes rouges, et je chargeai mon sac à leur vue. Marin, brigadier de cavalerie et lieutenant des gardes du corps, qui était là pour faire charger les sacs par ordre, m'aperçut en même temps, et, plein de colère du refus qu'il venait d'essuyer, s'écria, me touchant en me montrant et me nommant: « que puisque je ne trouvais pas ce service au-dessous de moi, les gens d'armes et les chevau-légers ne seraient ni déshonorés ni gâtés de m'imiter. » Ce propos, joint à l'air sévère de Marin, fit un effet si prompt qu'à l'instant ce fut sans un mot de réplique à qui de ces troupes rouges se chargerait le plus tôt de sacs. Et oncques depuis il n'y eut plus là-dessus la plus légère difficulté. Marin vit partir le détachement chargé, et alla aussitôt rendre compte au roi de ce qui s'y était passé et de l'effet de mon exemple. Ce fut un service qui m'attira plusieurs discours obligeants du roi, qui chercha toujours pendait e reste du siège à me dire quelque chose avec bonté toutes es fois qu'il me voyait, ce dont je fus d'autant plus obligé à Marin que je ne le connaissais en façon du monde.
Le vingt-septième jour de tranchée ouverte, qui était le mardi 1er juillet 1692, le prince de Barbançon, gouverneur de la place, battit la chamade, et certes il était temps pour les assiégeants à bout de fatigues et de moyens par l'excès du mauvais temps qui ne cessait point, et qui avait rendu tout fondrière. Jusqu'aux chevaux du roi vivaient de feuilles, et aucun de cette nombreuse cavalerie de troupes et d'équipages ne s'en est jamais bien remis. Il est certain que sans la présence du roi dont la vigilance était l'âme du siège, et qui, sans l'exiger, faisait faire l'impossible (tant le désir de lui plaire et de se distinguer était extrême), on n'en serait jamais venu à bout; et encore demeura-t-il fort incertain de ce qui en serait arrivé si la place eût encore tenu dix jours, comme il n'y eut pas deux avis qu'elle le pouvait. Les fatigues de corps et d'esprit que le roi essuya en ce siège lui causèrent la plus douloureuse goutte qu'il eût encore ressentie, mais qui de son lit ne l'empêcha pas de pourvoir à tout, et de tenir pour le dedans et le dehors ses conseils comme à Versailles, ainsi qu'il avait fait pendant tout le siège.
M. d'Elboeuf, lieutenant général, et M. le Duc, maréchal de camp, étaient de tranchée lors de la chamade, M. d'Elboeuf mena les otages au roi, qui eut bientôt réglé une capitulation honorable. Le jour que la garnison sortit, le plus pluvieux qu'il eût fait encore, le roi, accompagné de Monseigneur et de Monsieur, fut à mi-chemin de l'armée de M. de Luxembourg, où ce général vint recevoir ses ordres pour le reste de la campagne. Le prince d'Orange avait mis toute sa science et ses ruses pour le déposter pendant le siège sur lequel il brûlait de tomber; mais il eut affaire à un homme qui lui avait déjà montré qu'en matière de guerre il en savait plus que lui, et qui continua à le lui montrer le reste de sa vie.
Pendant cette légère course du roi, le prince de Barbançon sortit par la brèche à la tête de sa garnison qui était encore de deux mille hommes, qui défila devant M. le Prince et le maréchal d'Humières, entre deux haies des régiments des gardes françaises et suisses et du régiment d'infanterie du roi. Barbançon fit un assez mauvais compliment à M. le Prince, et parut au désespoir de la perte de son gouvernement. Il en était aussi grand bailli, et il en tirait cent mille livres de rente. Il ne les regretta pas longtemps, et il fut tué l'été d'après à la bataille de Neerwinden.
La place, une des plus fortes des Pays-Bas, avait la gloire de n'avoir jamais changé de maître. Aussi eut-elle grand regret au sien, et les habitants ne pouvaient contenir leurs larmes. Jusqu'aux solitaires de Marlaigne en furent profondément touchés, jusque-là qu'ils ne purent déguiser leur douleur, encore que le roi, touché de la perte de leur blé qu'ils avaient retiré dans Namur, leur en eût fait donner le double et de plus une abondante aumône. Ses égards à ne les point troubler furent pareils. Ils ne logèrent que le cardinal de Bouillon, le comte de Grammont, le P. de La Chaise, confesseur du roi, et son frère, capitaine de la porte; et le roi ne permit le passage du canon à travers leur parc qu'à la dernière extrémité, et quand il ne fut plus possible de le pouvoir conduire par ailleurs. Malgré tant de bontés, ils ne pouvaient regarder un Français après la prise de la place, et un d'eux refusa une bouteille de bière à un huissier de l'antichambre du roi, qui se renomma de sa charge et qui offrit inutilement de l'échanger contre une de vin de Champagne.
Marlaigne est un monastère sur une petite et agréable éminence, dans une belle forêt tout environnée de haute futaie, avec un grand parc, fondé par les archiducs Albert et Isabelle pour une solitude de carmes déchaussés, telle que ces religieux en ont dans chacune de leurs provinces, où ceux de leur ordre se retirent de temps en temps, pour un an ou deux et jamais plus de trois, par permission de leurs supérieurs. Ils y vivent en perpétuel silence dans des cellules plus pauvres, mais telles à peu près que celles des chartreux, mais en commun pour le réfectoire qui est très frugal, dans un jeûne presque continuel, assidus à l'office, et partageant d'ailleurs leur temps entre le travail des mains et la contemplation. Ils ont quatre chambrettes, un petit jardin et une petite chapelle chacun, avec la plus grande abondance des plus belles et des meilleures eaux de source que j'aie jamais bues, dans leur maison, autour et dans leur parc, et la plupart jaillissantes. Ce parc est tout haut et bas avec beaucoup de futaies et clos de murs. Il est extrêmement vaste. Là dedans sont répandues huit ou dix maisonnettes loin l'une de l'autre, partagées comme celles du cloître, avec un jardin un peu plus grand et une petite cuisine. Dans chacune habite, un mois, et rarement plus, un religieux de la maison qui s'y retire par permission du supérieur qui seul le visite de fois à autre. La vie y est plus austère que dans la maison et dans une séparation entière. Ils viennent tous à l'office le dimanche, emportent leur provision du couvent, préparent seuls leur manger durant la semaine, ne sortent jamais de leur petite demeure, y disent leur messe qu'ils sonnent et que le voisin qui entend la cloche vient répondre, et s'en retournent sans se dire un mot. La prière, la contemplation, le travail de leur petit ménage, et à faire des paniers, partagent leur temps, à l'imitation des anciennes laures .
Il arriva une chose à Namur, après sa prise, qui fit du bruit, et qui aurait pu avoir de fâcheuses suites avec un autre prince que le roi. Avant qu'il entrât dans la ville, où pendant le siège du château il n'aurait pas été convenable qu'il eût été, on visita tout avec exactitude, quoique par la capitulation les mines, les magasins, et tout en un mot eût été montré. Lorsque, dans une dernière visite après la prise du château, on la voulut faire chez les jésuites, ils ouvrirent tout, en marquant toutefois leur surprise, et quelque chose de plus, de ce qu'on ne s'en fiait pas à leur témoignage. Mais en fouillant partout où ils ne s'attendaient pas, on trouva leurs souterrains pleins de poudre dont ils s'étaient bien gardés de parler: ce qu'ils en prétendaient faire est demeuré incertain. On enleva leur poudre, et, comme c'étaient des jésuites, il n'en fut rien.
Le roi essuya, pendant le cours de ce siège, un cruel tire-lesse. Il avait en mer une armée navale commandée par le célèbre Tourville, vice-amiral; et les Anglais une autre jointe aux Hollandais, presque du double supérieure. Elles étaient dans la planche, et le roi d'Angleterre sur les côtes de Normandie, prêt à passer en Angleterre suivant le succès. Il compta si parfaitement sur ses intelligences avec la plupart des chefs Anglais, qu'il persuada au roi de faire donner bataille, qu'il ne crut pouvoir être douteuse par la défection certaine de plus de la moitié des vaisseaux Anglais pendant le combat. Tourville, si renommé par sa valeur et sa capacité, représenta par deux courriers au roi l'extrême danger de se fier aux intelligences du roi d'Angleterre, si souvent trompées, la prodigieuse supériorité des ennemis, et le défaut des ports et de tout lieu de retraite si la victoire demeurait aux Anglais, qui brûleraient sa flotte et perdraient le reste de la marine du roi. Ses représentations furent inutiles, il eut ordre de combattre, fort ou faible, où que ce fût. Il obéit, il fit des prodiges que ses seconds et ses subalternes imitèrent, mais pas un vaisseau ennemi ne mollit et ne tourna. Tourville fut accablé du nombre, et quoiqu'il sauvât plus de navires qu'on ne pouvait espérer, tous presque furent perdus ou brûlés après le combat dans la Hogue. Le roi d'Angleterre, de dessus le bord de la mer, voyait le combat, et il fut accusé d'avoir laissé échapper de la partialité en faveur de sa nation, quoique aucun d'elle ne lui eût tenu les paroles sur lesquelles il avait emporté de faire donner le combat.
Pontchartrain était lors secrétaire d'État, ayant le département de la marine, ministre d'État, et en même temps contrôleur général des finances. Ce dernier emploi l'avait fait demeurer à Paris, et il adressait ses courriers et ses lettres pour le roi à Châteauneuf son cousin, Phélypeaux comme lui et aussi secrétaire d'État, qui en rendait compte au roi. Pontchartrain dépêcha un courrier avec la triste nouvelle, mais tenue en ces premiers moments dans le dernier secret. Un courrier de retour à Barbezieux, secrétaire d'État ayant le département de la guerre, l'allait de hasard retrouver en ce même moment devant Namur. Il joignit bientôt celui de Pontchartrain, moins bon courrier et moins bien servi sur la route. Ils lièrent conversation, et celui de terre fit tout ce qu'il put pour tirer des nouvelles de celui de la mer. Pour en venir à bout il courut quelques heures avec lui. Ce dernier, fatigué de tant de questions, et se doutant bien qu'il en serait gagné de vitesse, lui dit enfin qu'il contenterait sa curiosité, s'il lui voulait donner parole d'aller de conserve, et de ne le point devancer, parce qu'il avait un grand intérêt de porter le premier une si bonne nouvelle; et tout de suite, lui dit que Tourville a battu la flotte ennemie, et lui raconte je ne sais combien de vaisseaux pris ou coulés à fond. L'autre, ravi d'avoir su tirer ce secret, redouble de questions pour se mettre bien au fait du détail qu'il voulait se bien mettre dans la tête; et dès la première poste donne des deux, s'échappe et arrive le premier, d'autant plus aisément que l'autre avait peu de hâte et lui voulait donner le loisir de triompher.
Le premier courrier arrive, raconte son aventure à Barbezieux qui sur-le-champ le mène au roi. Voilà une grande joie, mais une grande surprise de la recevoir ainsi de traverse. Le roi envoie chercher Châteauneuf, qui dit n'avoir ni lettres ni courrier, et qui ne sait ce que cela veut dire. Quatre ou cinq heures après arrive l'autre courrier chez Châteauneuf, qui s'empresse de lui demander des nouvelles de la victoire qu'il apporte; l'autre lui dit modestement d'ouvrir ses lettres; il les ouvre et trouve la défaite. L'embarras fut de l'aller apprendre au roi, qui manda Barbezieux et lui lava la tête. Ce contraste l'affligea fort, et la cour parut consternée. Toutefois le roi sut se posséder, et je vis, pour la première fois, que les cours ne sont pas longtemps dans l'affliction ni occupées de tristesse.
Le gouvernement de Namur et son comté fut donné à Guiscard. Il était maréchal de camp, mais fort oublié et fort attaché à ses plaisirs. Il avait le gouvernement de Sedan qu'il conserva, et qu'il avait eu de La Bourlie, son père, sous-gouverneur du roi, et il était encore gouverneur de Dinant qui lui fut aussi laissé. La surprise du choix fut grande, ainsi que la douleur de ceux de Namur, accoutumés à n'avoir pour gouverneurs que les plus grands seigneurs des Pays-Bas. Guiscard eut le bon esprit de réparer ce qui lui manquait par tant d'affabilité et de magnificence, par une si grande aisance dans toute la régularité du service d'un gouvernement si jaloux, qu'il se gagna pour toujours le coeur et la confiance de tout son gouvernement et des troupes qui s'y succédèrent à ses ordres.
Deux jours après la sortie de la garnison ennemie, le roi s'en alla à Dinant où étaient les dames, avec qui il retourna à Versailles. J'avais espéré que Monseigneur achèverait la campagne, et être du détachement des mousquetaires qui demeurerait avec lui; et ce ne fut pas sans regret que je repris avec toute la compagnie le chemin de Paris. Une des couchées de la cour fut à Marienbourg, et les mousquetaires campèrent autour. J'avais lié une amitié intime avec le comte de Coetquen qui était dans la même compagnie. Il savait infiniment et agréablement, et avait beaucoup d'esprit et de douceur, qui rendait son commerce très aimable. Avec cela assez particulier et encore plus paresseux, extrêmement riche par sa mère, qui était une fille de Saint-Malo, et point de père. Ce soir-là de Marienbourg, il nous devait donner à souper à plusieurs. J'allai de bonne heure à sa tente où je le trouvai sur son lit, d'où je le chassai en folâtrant, et me couchai dessus en sa place, en présence de plusieurs de nous autres et de quelques officiers. Coetquen en badinant prit son fusil qu'il comptait déchargé, et me couche en joue. Mais la surprise fut grande lorsqu'on entendit le coup partir. Heureusement pour moi, j'étais, en ce moment, couché tout à plat. Trois balles passèrent à trois doigts par-dessus ma tête, et comme le fusil était en joue un peu en montant, ces mêmes balles passèrent sur la tête, mais fort près, à nos deux gouverneurs qui se promenaient derrière la tente. Coetquen se trouva mal du malheur qu'il avait pensé causer; nous eûmes toutes les peines du monde à le remettre, et il n'en put bien revenir de plusieurs jours. Je rapporte ceci pour une leçon qui doit apprendre à ne badiner jamais avec les armes.
Le pauvre garçon, pour achever de suite ce qui le regarde, ne survécut pas longtemps. Il entra bientôt dans le régiment du roi, et sur le point de l'aller joindre au printemps suivant, il me vint conter qu'il s'était fait dire sa bonne aventure par une femme nommée la du Perchoir, qui en faisait secrètement métier à Paris; qu'elle lui avait dit qu'il serait noyé et bientôt. Je le grondai d'une curiosité si dangereuse et si folle, et je me flattai de l'ignorance de ces sortes de personnes, et que celle-là en avait jugé de la sorte sur la physionomie effectivement triste et sinistre de mon ami, qui était très désagréablement laid. Il partit peu de jours après et trouva un autre homme de ce métier à Amiens, qui lui fit la même prédiction; et, en marchant avec le régiment du roi pour joindre l'armée, il voulut abreuver son cheval dans l'Escaut et s'y noya, en présence de tout le régiment, sans avoir pu être secouru. J'y eus un extrême regret, et ce fut pour ses amis et pour sa famille une perte irréparable. Il n'avait que deux soeurs, dont l'une épousa le fils aîné de M. de Montchevreuil et l'autre s'était faite religieuse au Calvaire.
Les mousquetaires m'ont entraîné trop loin : avant de continuer, il faut rétrograder et n'oublier pas deux mariages faits à la cour au commencement de cette année, le premier prodigieux, le 18 février; l'autre, un mois après.

CHAPITRE II 1962

Mariage de M. le duc de Chartres. — Cause de la préséance des princes lorrains sur les ducs à la promotion de 1688. — Premiers commencements de l'abbé Dubois, depuis cardinal et premier ministre. — Appartement. — Fortune de Villars père. — Maréchale de Rochefort. — Comte et comtesse de Mailly. — Marquis d'Arcy, et comte de Fontaine-Martel et sa femme.
Le roi, occupé de l'établissement de ses bâtards, qu'il agrandissait de jour en jour, avait marié deux de ses filles à deux princes du sang. Mme la princesse de Conti, seule fille du roi et de Mme de La Vallière, était veuve sans enfants; l'autre, fille aînée du roi et de Mme de Montespan, avait épousé M. le Duc . Il y avait longtemps que Mme de Maintenon, encore plus que le roi, ne songeait qu'à les élever de plus en plus; et que tous deux voulaient marier Mlle de Blois, seconde fille du roi et de Mme de Montespan, à M. le duc de Chartres. C'était le propre et l'unique neveu du roi, et fort au-dessus des princes du sang par son rang de petit-fils de France et par la cour que tenait Monsieur. Le mariage des deux princes du sang, dont je viens de parler, avait scandalisé tout le monde. Le roi ne l'ignorait pas, et il jugeait par là de l'effet d'un mariage sans proportion plus éclatant. Il y avait déjà quatre ans qu'il le roulait dans son esprit, et qu'il en avait pris les premières mesures. Elles étaient d'autant plus difficiles que Monsieur était infiniment attaché à tout ce qui était de sa grandeur, et que Madame était d'une nation qui abhorrait la bâtardise et les mésalliances, et d'un caractère à n'oser se promettre de lui faire jamais goûter ce mariage.
Pour vaincre tant d'obstacles, le roi s'adressa à M. le Grand , qui était de tout temps dans sa familiarité, pour gagner le chevalier de Lorraine, son frère, qui de tout temps aussi gouvernait Monsieur. Sa figure avait été charmante. Le goût de Monsieur n'était pas celui des femmes, et il ne s'en cachait même pas; ce même goût lui avait donné le chevalier de Lorraine pour maître, et il le demeura toute sa vie. Les deux frères ne demandèrent pas mieux que de faire leur cour au roi par un endroit si sensible, et d'en profiter pour eux-mêmes en habiles gens. Cette ouverture se faisait dans l'été 1688. Il ne restait pas au plus une douzaine de chevaliers de l'ordre; chacun voyait que la promotion ne se pouvait plus guère reculer. Les deux frères demandèrent d'en être, et d'y précéder les ducs. Le roi, qui pour cette prétention n'avait encore donné l'ordre à aucun Lorrain, eut peine à s'y résoudre; mais les deux frères surent tenir ferme; ils l'emportèrent, et le chevalier de Lorraine, ainsi payé d'avance, répondit du consentement de Monsieur au mariage, et des moyens d'y faire venir Madame et M. le duc de Chartres.
Ce jeune prince avait été mis entre les mains de Saint-Laurent au sortir de celles des femmes. Saint-Laurent était un homme de peu, sous-introducteur des ambassadeurs chez Monsieur et de basse mine, mais, pour tout dire en un mot, l'homme de son siècle le plus propre à élever un prince et à former un grand roi. Sa bassesse l'empêcha d'avoir un titre pour cette éducation; son extrême mérite l'en fit laisser seul maître; et quand la bienséance exigea que le prince eût un gouverneur, ce gouverneur ne le fut qu'en apparence, et Saint-Laurent toujours dans la même confiance et dans la même autorité.
Il était ami du curé de Saint-Eustache et lui-même grand homme de bien. Ce curé avait un valet qui s'appelait Dubois, et qui l'ayant été du sieur.... qui avait été docteur de l'archevêque de Reims Le Tellier, lui avait trouvé de l'esprit, l'avait fait étudier, et ce valet savait infiniment de belles-lettres et même d'histoire; mais c'était un valet qui n'avait rien, et qui après la mort de ce premier maître était entré chez le curé de Saint-Eustache. Ce curé, content de ce valet pour qui il ne pouvait rien faire, le donna à Saint-Laurent, dans l'espérance qu'il pourrait mieux pour lui. Saint-Laurent s'en accommoda, et peu à peu s'en servit pour l'écritoire d'étude de M. le duc de Chartres; de là, voulant s'en servir à mieux, il lui fit prendre le petit collet pour le décrasser, et de cette sorte l'introduisit à l'étude du prince pour lui aider à préparer ses leçons, à écrire ses thèmes, à le soulager lui-même, à chercher les mots dans le dictionnaire. Je l'ai vu mille fois dans ces commencements, lorsque j'allais jouer avec M. de Chartres. Dans les suites Saint-Laurent devenant infirme, Dubois faisait la leçon, et la faisait fort bien, et néanmoins plaisant au jeune prince.
Cependant Saint-Laurent mourut et très brusquement. Dubois, par intérim, continua à faire la leçon; mais depuis qu'il fut devenu presque abbé, il avait trouvé moyen de faire sa cour au chevalier de Lorraine et au marquis d'Effiat, premier écuyer de Monsieur, amis intimes, et ce dernier ayant aussi beaucoup de crédit sur son maître. De faire Dubois précepteur, cela ne se pouvait proposer de plein saut; mais ses protecteurs, auxquels il eut recours, éloignèrent le choix d'un précepteur, puis se servirent des progrès du jeune prince pour ne le point changer de main, et laisser faire Dubois; enfin ils le bombardèrent précepteur. Je ne vis jamais homme si aise ni avec plus de raison. Cette extrême obligation, et plus encore le besoin de se soutenir, l'attacha de plus en plus à ses protecteurs, et ce fut de lui que le chevalier de Lorraine se servit pour gagner le consentement de M. de Chartres à son mariage.
Dubois avait gagné sa confiance; il lui fut aisé en cet âge, et avec ce peu de connaissance et d'expérience, de lui faire peur du roi et de Monsieur, et, d'un autre côté, de lui faire voir les cieux ouverts. Tout ce qu'il put mettre en oeuvre n'alla pourtant qu'à rompre un refus; mais cela suffisait au succès de l'entreprise. L'abbé Dubois ne parla à M. de Chartres que vers le temps de l'exécution; Monsieur était déjà gagné, et dès que le roi eut réponse de l'abbé Dubois, il se hâta de brusquer l'affaire. Un jour ou deux auparavant, Madame en eut le vent. Elle parla à M. son fils de l'indignité de ce mariage avec toute la force dont elle ne manquait pas, et elle en tira parole qu'il n'y consentirait point. Ainsi faiblesse envers son précepteur, faiblesse envers sa mère, aversion d'une part, crainte de l'autre, et grand embarras de tous côtés.
Une après-dînée de fort bonne heure que je passais dans la galerie haute, je vis sortir M. le duc de Chartres d'une porte de derrière de son appartement, l'air fort empêtré, triste, suivi d'un seul exempt des gardes de Monsieur; et, comme je me trouvais là, je lui demandai où il allait ainsi si vite et à cette heure-là. Il me répondit d'un air brusque et chagrin qu'il allait chez le roi qui l'avait envoyé quérir. Je ne jugeai pas à propos de l'accompagner, et, me tournant à mon gouverneur, je lui dis que je conjecturais quelque chose du mariage, et qu'il allait éclater. Il m'en avait depuis quelques jours transpiré quelque chose, et comme je jugeai bien que les scènes seraient fortes, la curiosité me rendit fort attentif et assidu.
M. de Chartres trouva le roi seul avec Monsieur dans son cabinet, où le jeune prince ne savait pas devoir trouver M. son père. Le roi fit des amitiés à M. de Chartres, lui dit qu'il voulait prendre soin de son établissement, que la guerre allumée de tous côtés lui ôtait des princesses qui auraient pu lui convenir; que, de princesses du sang, il n'y en avait point de son âge; qu'il ne lui pouvait mieux témoigner sa tendresse qu'en lui offrant sa fille dont les deux soeurs avaient épousé deux princes du sang, que cela joindrait en lui la qualité de gendre à celle de neveu, mais que, quelque passion qu'il eût de ce mariage, il ne le voulait point contraindre et lui laissait là-dessus toute liberté. Ce propos, prononcé avec cette majesté effrayante si naturelle au roi, à un prince timide et dépourvu de réponse, le mit hors de mesure. Il crut se tirer d'un pas si glissant en se rejetant sur Monsieur et Madame, et répondit en balbutiant que le roi était le maître, mais que sa volonté dépendait de la leur. « Cela est bien à vous, répondit le roi, mais dès que vous y consentez, votre père et votre mère ne s'y opposeront pas; » et se tournant à Monsieur: « Est-il pas vrai, mon frère? » Monsieur consentit comme il l'avait déjà fait seul avec le roi, qui tout de suite dit qu'il n'était donc plus question que de Madame, et qui sur-le-champ l'envoya chercher; et cependant se mit à causer avec Monsieur, qui tous deux ne firent pas semblant de s'apercevoir du trouble et de l'abattement de M. de Chartres.
Madame arriva, à qui d'entrée le roi dit qu'il comptait bien qu'elle ne voudrait pas s'opposer à une affaire que Monsieur désirait, et que M. de Chartres y consentait: que c'était son mariage avec Mlle de Blois, qu'il avouait qu'il désirait avec passion, et ajouta courtement les mêmes choses qu'il venait de dire à M. le duc de Chartres, le tout d'un air imposant, mais comme hors de doute que Madame pût n'en pas être ravie, quoique plus que certain du contraire. Madame, qui avait compté sur le refus dont M. son fils lui avait donné parole, qu'il lui avait même tenue autant qu'il avait pu par sa réponse si embarrassée et si conditionnelle, se trouva prise et muette. Elle lança deux regards furieux à Monsieur et à M. de Chartres, dit que, puisqu'ils le voulaient bien, elle n'avait rien à y dire, fit une courte révérence et s'en alla chez elle. M. son fils l'y suivit incontinent, auquel, sans donner le moment de lui dire comment la chose s'était passée, elle chanta pouille avec un torrent de larmes, et le chassa de chez elle.Un peu après, Monsieur, sortant de chez le roi, entra chez elle, et excepté qu'elle ne l'en chassa pas comme son fils, elle ne le ménagea pas davantage; tellement qu'il sortit de chez elle très confus, sans avoir eu loisir de lui dire un seul mot. Toute cette scène était finie sur les quatre heures de l'après-dînée, et le soir il y avait appartement, ce qui arrivait l'hiver trois fois la semaine, les trois autres jours comédie, et le dimanche rien.
Ce qu'on appelait appartement était le concours de toute la cour, depuis sept heures du soir jusqu'à dix que le roi se mettait à table, dans le grand appartement, depuis un des salons du bout de la grande galerie jusque vers la tribune de la chapelle. D'abord, il y avait une musique; puis des tables par toutes les pièces toutes prêtes pour toutes sortes de jeux; un lansquenet où Monseigneur et Monsieur jouaient toujours; un billard: en un mot, liberté entière de faire des parties avec qui on voulait, et de demander des tables si elles se trouvaient toutes remplies; au delà du billard, il y avait une pièce destinée aux rafraîchissements, et tout parfaitement éclairé. Au commencement que cela fut établi, le roi y allait et y jouait quelque temps, mais dès lors il y avait longtemps qu'il n'y allait plus, mais il voulait qu'on y fût assidu, et chacun s'empressait à lui plaire. Lui cependant passait les soirées chez Mme de Maintenon à travailler avec différents ministres les uns après les autres.
Fort peu après la musique finie, le roi envoya chercher à l'appartement Monseigneur et Monsieur, qui jouaient déjà au lansquenet; Madame qui à peine regardait une partie d'hombre auprès de laquelle elle s'était mise; M. de Chartres qui jouait fort tristement aux échecs, et Mlle de Blois qui à peine avait commencé à paraître dans le monde, qui ce soir-là était extraordinairement parée et qui pourtant ne savait et ne se doutait même de rien, si bien que, naturellement fort timide et craignant horriblement le roi, elle se crut mandée pour essuyer quelque réprimande, et était si tremblante que Mme de Maintenon la prit sur ses genoux où elle la tint toujours la pouvant à peine rassurer. À ce bruit de ces personnes royales mandées chez Mme de Maintenon et Mlle de Blois avec elle, le bruit du mariage éclata à l'appartement, en même temps que le roi le déclara dans ce particulier. Il ne dura que quelques moments, et les mêmes personnes revinrent à l'appartement, où cette déclaration fut rendue publique. J'arrivai dans ces premiers instants. Je trouvai le monde par pelotons, et un grand étonnement régner sur tous les visages. J'en appris bientôt la cause qui ne me surprit pas, par la rencontre que j'avais faite au commencement de l'après-dînée.
Madame se promenait dans la galerie avec Châteauthiers, sa favorite et digne de l'être; elle marchait à grands pas, son mouchoir à la main, pleurant sans contrainte, parlant assez haut, gesticulant et représentant bien Cérès après l'enlèvement de sa fille Proserpine, la cherchant en fureur et la redemandant à Jupiter. Chacun, par respect, lui laissait le champ libre et ne faisait que passer pour entrer dans l'appartement. Monseigneur et Monsieur s'étaient remis au lansquenet. Le premier me parut tout à son ordinaire. Jamais rien de si honteux que le visage de Monsieur, ni de si déconcerté que toute sa personne, et ce premier état lui dura plus d'un mois. M. son fils paraissait désolé, et sa future dans un embarras et une tristesse extrême. Quelque jeune qu'elle fût, quelque prodigieux que fût ce mariage, elle en voyait et en sentait toute la scène, et en appréhendait toutes les suites. La consternation parut générale, à un très petit nombre de gens près. Pour les Lorrains ils triomphaient. La sodomie et le double adultère les avaient bien servis en les servant bien eux-mêmes. Ils jouissaient de leurs succès, comme ils en avaient toute honte bue; ils avaient raison de s'applaudir.
La politique rendit donc cet appartement languissant en apparence, mais en effet vif et curieux. Je le trouvai court dans sa durée ordinaire; il finit par le souper du roi, duquel je ne voulus rien perdre. Le roi y parut tout comme à son ordinaire. M. de Chartres était auprès de Madame qui ne le regarda jamais, ni Monsieur. Elle avait les yeux pleins de larmes qui tombaient de temps en temps, et qu'elle essuyait de même, regardant tout le monde comme si elle eût cherché à voir quelle mine chacun faisait. M. son fils avait aussi les yeux bien rouges, et tous deux ne mangèrent presque rien. Je remarquai que le roi offrit à Madame presque de tous les plats qui étaient devant lui, et qu'elle les refusa tous d'un air de brusquerie qui jusqu'au bout ne rebuta point l'air d'attention et de politesse du roi pour elle.
Il fut encore fort remarqué qu'au sortir de table et à la fin de ce cercle debout d'un moment dans la chambre du roi, il fit à Madame une révérence très marquée et basse, pendant laquelle elle fit une pirouette si juste, que le roi en se relevant ne trouva plus que son dos, et [elle] avancée d'un pas vers la porte.
Le lendemain toute la cour fut chez Monsieur, chez Madame et chez M. le duc de Chartres, mais sans dire une parole; on se contentait de faire la révérence, et tout s'y passa en parfait silence. On alla ensuite attendre à l'ordinaire la levée du conseil dans la galerie et la messe du roi. Madame y vint. M. son fils s'approcha d'elle comme il faisait tous les jours pour lui baiser la main. En ce moment Madame lui appliqua un soufflet si sonore qu'il fut entendu de quelques pas, et qui, en présence de toute la cour, couvrit de confusion ce pauvre prince, et combla les infinis spectateurs, dont j'étais, d'un prodigieux étonnement. Ce même jour l'immense dot fut déclarée, et le jour suivant le roi alla rendre visite à Monsieur et à Madame, qui se passa fort tristement, et depuis on ne songea plus qu'aux préparatifs de la noce.
Le dimanche gras, il y eut grand bal réglé chez le roi, c'est-à-dire ouvert par un branle, suivant lequel chacun dansa après. J'allai ce matin-là chez Madame qui ne put se tenir de me dire, d'un ton aigre et chagrin, que j'étais apparemment bien aise des bals qu'on allait avoir, et que cela était de mon âge, mais qu'elle qui était vieille voudrait déjà les voir bien loin. Mgr le duc de Bourgogne y dansa pour la première fois, et mena le branle avec Mademoiselle. Ce fut aussi la première fois que je dansai chez le roi, et je menai Mlle de Sourches, fille du grand prévôt, qui dansait très bien. Tout le monde y fut fort magnifique.
Ce fut, un peu après, les fiançailles et la signature du contrat de mariage, dans le cabinet du roi, en présence de toute la cour. Ce même jour la maison de la future duchesse de Chartres fui déclarée; le roi lui donna un chevalier d'honneur et une dame d'atours, jusqu'alors réservés aux filles de France, et une dame d'honneur qui répondit à une si étrange nouveauté. M. de Villars fut chevalier d'honneur, la maréchale de Rochefort dame d'honneur, la comtesse de Mailly dame d'atours, et le comte de Fontaine-Martel, premier écuyer.
Villars était petit-fils d'un greffier de Coindrieu, l'homme de France le mieux fait et de la meilleure mine. On se battait fort de son temps; il était brave et adroit aux armes, et avait acquis de la réputation fort jeune en des combats singuliers. Cela couvrit sa naissance aux yeux de M. de Nemours, qui aimait à s'attacher des braves, et qui le prit comme gentilhomme. Il l'estima même assez pour le prendre pour second au duel qu'il eut contre M. de Beaufort, son beau-frère, qui le tua, tandis que Villars avait tout l'avantage sur son adversaire.
Cette mort renvoya Villars chez lui; il n'y fut pas longtemps que M. le prince de Conti se l'attacha aussi comme un gentilhomme à lui. Il venait de quitter le petit collet. Il était faible et contrefait, et souvent en butte aux trop fortes railleries de M. le Prince son frère; il projeta de s'en tirer par un combat, et ne sachant avec qui, il imagina d'appeler le duc d'York, maintenant le roi Jacques d'Angleterre, qui est à Saint-Germain et qui pour lors était en France. Cette belle idée et le souvenir du combat de M. de Nemours lui fit prendre Villars. Il ne put tenir son projet si caché qu'il ne fût découvert, et aussitôt rompu par la honte qui lui en fut faite, n'ayant jamais eu la plus petite chose à démêler avec le duc d'York. Dans les suites il prit confiance en Villars, alors que le cardinal Mazarin songea à lui donner sa nièce. Ce fut de Villars dont il se servit, et par qui il fit ce mariage. On sait combien il fut heureux et sage ensuite. Villars devint le confident des deux époux et leur lien avec le cardinal, et tout cela avec toute la sagacité et la probité possible.
Une telle situation le mit fort dans le monde, et dans un monde fort au-dessus de lui, parmi lequel quelque fortune qu'il ait faite depuis, il ne s'est jamais méconnu. Sa figure lui donna entrée chez les dames; il était galant et discret, et cette voie ne lui fut pas inutile. Il plut à Mme Scarron qui, sur le trône où elle sut régner longtemps depuis, n'a jamais oublié ces sortes d'amitiés si librement intimes. Villa fut employé auprès des princes d'Allemagne et d'Italie, et fut après ambassadeur en Savoie, en Danemark et en Espagne, et réussit et se fit estimer et aimer partout. Il eut ensuite une place de conseiller d'État d'épée, et, au scandale de l'ordre du Saint-Esprit, il fut de la promotion de 1698. Sa femme était soeur du père du maréchal de Bellefonds, qui avait de l'esprit infiniment, plaisante, salée, ordinairement méchante: tous deux fort pauvres, toujours à la cour, où ils avaient beaucoup d'amis et d'amies considérables.
La maréchale de Rochefort était d'une autre étoffe et de la maison de Montmorency, de la branche de Laval. Son père, second fils du maréchal de Boisdauphin, avec très peu de bien, épousa pour sa bonne mine la marquise de Coislin, veuve du colonel général des Suisses et mère du duc et du chevalier de Coislin, et de l'évêque d'Orléans, premier aumônier du roi. Elle était fille aînée du chancelier Séguier et soeur aînée de la duchesse de Verneuil, mère en premières noces du duc de Sully et de la duchesse du Lude. La maréchale de Rochefort naquit posthume, seule de son lit, en 1646, et M. de Boisdauphin, frère aîné de son père, n'eut point de postérité. Elle épousa en 1662 le marquis, depuis maréchal, de Rochefort-Alloigny, peu de mois après que l'héritière de Souvré, sa cousine issue de germaine, eut épousé M. de Louvois.
Cette héritière était fille du fils de M. de Courtenvaux, lequel était fils du maréchal de Souvré et frère de la célèbre Mme de Sablé, mère de M. de Laval, père de la maréchale de Rochefort. M. de Rochefort, qu'elle épousa, était ami intime de M. Le Tellier et de M. de Louvois qui lui firent rapidement sa fortune. Il mourut capitaine des gardes du corps, gouverneur de Lorraine, et désigné général d'armée, en allant en prendre le commandement au printemps de 1676. Il n'y avait pas un an qu'il était maréchal de France de la promotion qui suivit la mort de M. de Turenne. Cette même protection avait fait sa femme dame du palais de la reine.
Elle était belle, encore plus piquante, toute faite pour la cour, pour les galanteries, pour les intrigues, l'esprit du monde à force d'en être, peu ou point d'ailleurs, et toute la bassesse nécessaire pour être de tout et en quelque sorte que ce fût. M. de Louvois la trouva fort à son gré, et elle s'accommoda fort de sa bourse et de figurer par cette intimité. Lorsque le roi eut et changea de maîtresses, elle fut toujours leur meilleure amie; et quand il lia avec Mme de Soubise, c'était chez la maréchale qu'elle allait, et chez qui elle attendait Bontems à porte fermée, qui la menait par des détours chez le roi. La maréchale elle-même me l'a conté, et comme quoi elle fut un jour embarrassée à se défaire du monde que Mme de Soubise trouva chez elle, qui n'avait pas eu le temps de l'avertir; et comme elle mourait de peur que Bontems ne s'en retournât, et que le rendez-vous ne manquât, s'il arrivait avant qu'elle se fût défaite de sa compagnie.
Elle fut donc amie de Mmes de La Vallière, de Montespan et de Soubise, et surtout de la dernière, jusqu'au temps où j'ai connu la maréchale, et le sont toujours demeurées intimement. Elle le devint après de Mme de Maintenon, qu'elle avait connue chez Mme de Montespan, et à qui elle s'attacha à mesure qu'elle vit arriver et croître sa faveur. Elle était telle au mariage de Monseigneur que le roi n'eut pas honte de la faire dame d'atours de la nouvelle Dauphine; mais n'osant aussi l'y mettre en plein, il ne put trouver mieux que la maréchale de Rochefort pour y être en premier, et pour s'accommoder d'une compagne si étrangement inégale, et avoir cependant pour elle toutes les déférences que sa faveur exigeait. Elle y remplit parfaitement les espérances qu'on en avait conçues, et sut néanmoins avec cela se concilier l'amitié et la confiance de Mme la Dauphine jusqu'à sa mort, quoiqu'elle ne pût souffrir Mme de Maintenon, ni Mme de Maintenon cette pauvre princesse.
Une femme si connue du roi, et si fort à toutes mains, était son vrai fait pour mettre auprès de Mme la duchesse de Chartres qui entrait si fort de traverse dans une famille tellement au-dessus d'elle, et avec une belle-mère outrée, et qui n'était pas femme à contraindre ses mépris. Si une maréchale de France, et de cette qualité, avait surpris le monde dans la place de dame d'atours de Mme la Dauphine, ce fut bien un autre étonnement de la voir dame d'honneur d'une bâtarde, petite-fille de France. Aussi se fit-elle prier avec cette pointe de gloire qui lui prenait quelquefois, mais qui pliait le moment d'après. Elle était fort tombée par la mort de M. de Louvois, quoique M. de Barbezieux eût pour elle les mêmes égards qu'avait eus son père. Tout ce qu'elle gagna à ce premier refus fut une promesse d'être dame d'atours lorsqu'on marierait Mgr le duc de Bourgogne.
Mme de Mailly était une demoiselle de Poitou qui n'avait pas de chausses, fille de Saint-Hermine, cousin issu de germain de Mme de Maintenon. Elle l'avait fait venir de sa province demeurer chez elle à Versailles, et l'avait mariée, moitié gré, moitié force, au comte de Mailly, second fils du marquis et de la marquise de Mailly, héritiers de Montcavrel qui, mariés avec peu de biens, étaient venus à bout avec l'âge, à force d'héritages et de procès, d'avoir ce beau marquisat de Nesle, de bâtir l'hôtel de Mailly, vis-à-vis le pont Royal, et de faire une très puissante maison. Le marquis de Nesle, leur fils aîné, avait épousé malgré eux la dernière de l'illustre maison de Coligny. Il était mort devant Philippsbourg en 1688, maréchal de camp, et n'avait laissé qu'un fils et fine fille. C'était à ce fils que les marquis et marquise de Mailly voulaient laisser leurs grands biens. Ils avaient troqué un fils et une fille, et fait prêtre malgré lui un autre fils; une autre fille avait épousé malgré eux l'acné de la maison de Mailly.
Le comte de Mailly qui leur avait échappé, ils ne voulaient lui rien donner ni le marier. C'était un homme de beaucoup d'ambition, qui se présentait à tout, aimable s'il n'avait pas été si audacieux, et qui avait le nez tourne la fortune. C'était une manière de favori de Monseigneur. Avec ces avances il se voulut appuyer de Mme de Maintenon pour sa fortune et pour obtenir un patrimoine de son père: c'est ce qui fit le mariage en faisant espérer monts et merveilles aux vieux Mailly qui voulaient du présent, et sentaient en gens d'esprit que le mariage fait, on les laisserait là, comme il arriva. Mais quand on a compté sur un mariage de cette autorité, il ne se trouve plus de porte de derrière, et il leur fallut sauter le bâton d'assez mauvaise grâce. La nouvelle comtesse de Mailly avait apporté tout le gauche de sa province dont, faute d'esprit, elle ne sut se défaire; et enta dessus toute la gloire de la toute-puissante faveur de Mme de Maintenon: bonne femme et sûre amie d'ailleurs, quand elle l'était noble, magnifique, mais glorieuse à l'excès et désagréable avec le gros du monde, avec peu de conduite et fort particulière. Les Mailly trouvèrent cette place avec raison bien mauvaise, mais il la fallut avaler.
M. de Fontaine-Martel, de bonne et ancienne maison des Martel et des Claire de Normandie, était un homme perdu de goutte et pauvre. Il était frère unique du marquis d'Arcy, dernier gouverneur de M. le duc de Chartres, qui avait acquis une grande estime par la conduite qu'il lui avait fait tenir à la guerre et dans le monde, qui y était lui-même fort estimé, et qui s'était fait auparavant ce dernier emploi une grande réputation dans ses ambassades. Il était chevalier de l'ordre et conseiller d'État d'épée, et mourut des fatigues de l'armée et de son emploi sans avoir été marié, au printemps de 1694, à Valenciennes. Ce fut à cette qualité de frère de M. d'Arcy que la charge fut donnée. Sa femme était fille posthume de M. de Bordeaux, mort ambassadeur de France en Angleterre, et de Mme de Bordeaux, qui, pour une bourgeoise, était extrêmement du monde et amie intime de beaucoup d'hommes et de femmes distingués. Elle avait été belle et galante; elle en avait conservé le goût dans sa vieillesse, qui lui avait conservé aussi des amies considérables. Elle avait élevé sa fille unique dans les mêmes moeurs: l'une et l'autre avaient de l'esprit et du manège. Mme de Fontaine-Martel s'était ainsi trouvée naturellement du grand monde; elle était fort de la cour de Monsieur. La place de confiance que M. d'Arcy, son beau-frère, y remplit si dignement lui donna de la considération, et tout cela ensemble leur valut cette lucrative charge.
Le lundi gras, toute la royale noce et les époux superbement parés se rendirent un peu avant midi dans le cabinet du roi, et de là à la chapelle. Elle était rangée à l'ordinaire comme pour la messe du roi, excepté qu'entre son prie-Dieu et l'autel étaient deux carreaux pour les mariés, qui tournaient le dos au roi. Le cardinal de Bouillon tout revêtu y arriva en même temps de la sacristie, les maria et dit la messe. Le poêle fut tenu par le grand maître et par le maître des cérémonies, Blainville et Sainctot. De la chapelle on alla tout de suite se mettre à table. Elle était en fer à cheval. Les princes et les princesses du sang y étaient placés à droite et à gauche, suivant leur rang, terminés par les deux bâtards du roi, et pour la première fois, après eux la duchesse de Verneuil; tellement que M. de Verneuil, bâtard d'Henri IV, devint ainsi prince du sang, tant d'années après sa mort sans s'être jamais douté de l'être. Le duc d'Uzès le trouva si plaisant, qu'il se mit à marcher devant elle, criant tant qu'il pouvait: « Place, place à Mme Charlotte Séguier! » Aucune duchesse ne fit sa cour à ce dîner que la duchesse de Sully et la duchesse du Lude, fille et belle-fille de Mme de Verneuil, ce que toutes les autres trouvèrent si mauvais qu'elles n'osèrent plus y retourner. L'après-dînée, le roi et la reine d'Angleterre vinrent à Versailles avec leur cour. Il y eut grande musique, grand jeu, où le roi fut presque toujours fort paré et fort aise, son cordon bleu par-dessus comme la veille. Le souper fut pareil au dîner. Le roi d'Angleterre ayant la reine sa femme à sa droite et le roi à sa gauche ayant chacun leur cadenas . Ensuite on mena les mariés dans l'appartement de la nouvelle duchesse de Chartres, à qui la reine d'Angleterre donna la chemise, et le roi d'Angleterre à M. de Chartres, après s'en être défendu, disant qu'il était trop malheureux. La bénédiction du lit se fit par le cardinal de Bouillon, qui se fit attendre un quart d'heure, ce qui fit dire que ces airs-là ne valaient rien à prendre pour qui revenait comme lui d'un long exil, où la folie qu'il avait eue de ne pas donner la bénédiction nuptiale à Mme la duchesse s'il n'était admis au festin royal, l'avait fait envoyer.
Le mardi gras grande toilette de Mme de Chartres, où le roi et la reine d'Angleterre vinrent, et où le roi se trouva avec toute la cour; la messe du roi ensuite; puis le dîner comme la veille. On avait dès le matin renvoyé Mme de Verneuil à Paris, trouvant qu'elle en avait eu sa suffisance. L'après-dînée, le roi s'enferma avec le roi et la reine d'Angleterre; et puis grand bal comme le précédent, excepté que la nouvelle duchesse de Chartres y fut menée par Mgr le duc de Bourgogne. Chacun eut le même habit et la même danseuse qu'au précédent.
Je ne puis passer sous silence une aventure fort ridicule qui arriva au même homme à tous les deux. C'était le fils de Montbron, qui n'était pas fait pour danser chez le roi, non plus que son père pour être chevalier de l'ordre, qui le fut pourtant en 1688, et qui était gouverneur de Cambrai, lieutenant général, et seul lieutenant général de Flandre, sous un nom qu'il ne put jamais prouver être le sien. Ce jeune homme, qui n'avait encore que peu ou point paru à la cour, menait Mlle de Mareuil, fille de la dame d'honneur de Mme la Duchesse (les bâtards de cette grande maison des Mareuil) et qui, non plus que lui, ne devait pas être admise à cet honneur. On lui avait demandé s'il dansait bien, et il avait répondu avec une confiance qui donna envie de trouver qu'il dansait mal: on eut contentement. Dès la première révérence il se déconcerta. Plus de cadence dès les premiers pas. Il crut la rattraper et couvrit son défaut par des airs penchés et un haut port de bras; ce ne fut qu'un ridicule de plus qui excita une risée qui en vint aux éclats, et qui, malgré le respect de la présence du roi qui avait peine à s'empêcher de rire, dégénéra enfin en véritable huée. Le lendemain, au lieu de s'enfuir ou de se taire, il s'excusa sur la présence du roi qui l'avait étourdi, et promit merveilles pour le bal qui devait suivre. Il était de mes amis, et j'en souffrais. Je l'aurais même averti si le sort tout différent que j'avais eu ne m'eût fait craindre que mon avis n'eût pas de grâce. Dès qu'au second bal on le vit pris à danser, voilà les uns en pied, les plus reculés à l'escalade, et la huée si forte qu'elle fut poussée aux battements de mains. Chacun, et le roi même, riait de tout son coeur, et la plupart en éclats, en telle sorte, que je ne crois pas que personne ait jamais rien essuyé de semblable.Aussi disparut-il incontinent après, et ne se remontra-t-il de longtemps. Il eut depuis le régiment Dauphin infanterie,et mourut tôt après ...

Posté le : 01/03/2014 13:33
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Re: Les expressions
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« Mettre ou avoir la puce à l'oreille »


Eveiller l'attention, la méfiance, les soupcons, avoir l'attention éveillée, se douter de quelque chose ou se méfier de quelqu'un.


Oncques ne vit-on membre de la gent féminine se mettre une charmante petite puce en guise de boucle d'oreille !
Et pourtant !

Cette expression a changé de sens au cours des siècles.
Elle est attestée pour la première fois au XIIIe, sous la forme mettre la puche en l'oreille, à une époque où les petits parasites pullulaient, quel que soit le niveau social de leur hôte, et où les tourments qu'ils provoquaient occupaient les esprits et les mains, pour des séances de grattage où il n'y avait rien à gagner.
Bizarrement, elle signifiait alors "provoquer ou avoir un désir amoureux", sens que Jean de la Fontaine utilisait encore dans ses 'Contes' :

« Fille qui pense à son amant absent
Toute la nuit, dit-on, à la puce à l'oreille »

Au XVIIe siècle, l'expression se transforme, le 'à' remplace le 'en' et, surtout, le sens devient "être inquiet, agité", comme pour quelqu'un qui aurait senti une puce venir se loger dans son conduit auditif et qui en craindrait les conséquences 'démangeatoires'.

Parallèlement, dès le XIVe siècle, on évoquait déjà les oreilles qui sifflaient ou démangeaient lorsque quelqu'un était supposé parler de vous.

C'est probablement l'association de ces bizarres démangeaisons, " méfiez-vous, quelqu'un dit du mal de vous !'" et de l'inquiétude de quelqu'un ayant la puce à l'oreille qui a donné le sens moderne de cette expression.


Des connotations érotiques ont longtemps été associées à l'oreille, le sexe féminin et à la puce et sa 'piqûre' provoquant des démangeaisons très particulières à cet endroit. Mais les liens avec l'attention et la méfiance sont difficiles à faire.
Il paraît aussi qu'au XVIIe siècle, lorsqu'un homme capturait une puce sur le corps de sa maîtresse, il lui arrivait de la faire enchâsser dans un médaillon. Nous ne sommes plus très loin de la puce en boucle d'oreille !

Cette expression, bien que très ancienne, est pourtant d'une grande modernité puisque nos animaux domestiques ont maintenant la puce électronique à l'oreille, en guise de tatouage.
En attendant que l'avènement de Big Brother fasse que ce soit aussi notre tour...

Posté le : 01/03/2014 10:49
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Défi du 1/03/2014 :"Belle-maman"
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Bonjour chers Loriens,

Pour le défi de cette semaine, je vous propose un sujet qui nous concerne pour la plupart : "Belle-Maman". Parlez-moi donc de la mère de votre moitié, de la nouvelle femme de votre père divorcé ... à moins que vous vous inspiriez des mythiques belles-mères des contes pour enfants.

Je vous laisse libre choix. Mais pas trop de langues de vipère tout de même, vous ne savez pas qui vous lira ....

Personnellement, je peux parler librement de la maman de mon mari; Elle est à plus de 10 000 km de chez moi, ne comprend pas un mot de français, et j'ai une certaine tendresse pour elle.

Au boulot les amis !

Bon week end

Couscous

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Posté le : 01/03/2014 07:11
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Re: A table !
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La pauvre Clothilde qu'on essaie de cuisiner pour qu'elle se mette à table et révèle ses secrets ! Non, elle est plus maligne que cela.

Je pense qu'on va la revoir bientôt dans d'autres péripéties.

Merci Arielle

Couscous

Posté le : 01/03/2014 07:01
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Bon anniversaire EMMA
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SAMEDI 1 MARS 2014 Bon anniversaire EMMA

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] De la part de toute la tribu

Posté le : 28/02/2014 22:56
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Re: Les bons mots de Grenouille
Plume d'Or
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PALMARES DE PRIX DE L'HUMOUR POLITIQUE : 2010 -2011-2012
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2010

Prix Press club humour et politique
:
Je connais bien Dominique Strauss Kahn : je l’ai mis en examen. (Eva Joly)
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Prix spécial du Jury : Des gens intelligents, il y en a 5 à 6 % ; moi je fais campagne auprès des cons. (Georges Frêche)

Prix des internautes :
Quand on m’appelle Monsieur le Ministre, j’ai toujours l’impression que Jack Lang va surgir derrière moi ! (Frédéric Mitterrand)

Prix de l'encouragement :
Il n’y a pas besoin d’être de droite ou de gauche pour dire des conneries. (Lionnel Luca)
Une chose est sûre : ce ne sont pas nos suppléants qui vont nous pousser à nous faire vacciner contre la grippe A. (Claude Goasguen)


Étaient aussi en lice :
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Patrick Balkany, député-maire de Levallois-Perret :
« Je suis l’homme le plus honnête du monde ».( plusieurs condamnations à son actif )

Luc Chatel, ministre de l’éducation nationale :
« Une touche de rose, vert, rouge : c’est le retour de la gouache plurielle ».

Rachida Dati, députée européenne :
« Je n’ai jamais cherché à attirer l’attention des médias ».

Laurent Fabius, député PS :
« Je ne suis pas une Pom-Pom girl de DSK ».
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François Goulard, député-maire UMP de Vannes :
« François Fillon a tellement de qualités qu’il mériterait d’être Premier ministre ».

Claude Guéant, secrétaire Général de l’Élysée :
« Je veux bien qu’on fasse un remaniement, mais on manque de stock ».

Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères :
« J’ai bien pensé à démissionner, mais je n’ai pas voulu déserter ».

Ségolène Royal, présidente de la région Poitou-Charentes :
« C’est moi qui maîtrise la rareté de ma parole politique, pour dire des choses intelligentes quand j’ai besoin de les dire ».

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Dominique de Villepin :
« Le Villepin nouveau sera gouleyant, fort en bouche et il aura de la cuisse ».

Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’Emploi :
« Il n’a pas fallu 35 heures à Martine Aubry pour virer sa cuti sur Georges Frêche ».


2011

Prix Press club humour et politique :
Mitterrand est aujourd'hui adulé, mais il a été l'homme le plus détesté de France. Ce qui laisse pas mal d'espoir pour beaucoup d'entre nous… (Laurent Fabius)

Prix spécial du Jury :
Vu de la Chine, le port du Havre ne travaille pas. (Daniel Fidelin)

Prix des internautes :
Nous sommes tous des immigrés ; seule notre date d’arrivée change. (Jean-Louis Borloo)

Prix de l'encouragement
pour sa réponse à la question « quel est votre livre de chevet ? » : Zadig et Voltaire. (Frédéric Lefebvre)

[b]Étaient aussi en lice :
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Guillaume Bachelay, secrétaire national à l’industrie du PS, parlant de Ségolène Royal :
« Qu’on commette des erreurs en politique c’est possible ; qu’on les commette toutes, c’est fou ! ».

François Baroin, ministre du Budget :
« Michèle Alliot-Marie conserve toute sa légitimité à Saint-Jean-de-Luz ».

François Bayrou, président du Modem :
« Rassembler les centristes, c’est comme conduire une brouette pleine de grenouilles : elles sautent dans tous les sens ».

André Chassaigne, député PC du Puy-de-Dôme :
« Dans sa forme historique, le PC est mort ; mais il a encore de l’avenir ».

Gabriel Cohn-Bendit (frère de Daniel Cohn-Bendit) :
« Les Verts sont capables du meilleur comme du pire ; mais c’est dans le pire qu’ils sont les meilleurs ».

Patrick Devedjian, député, président du conseil général des Hauts-de-Seine :
« Il y avait tellement de gens à mon enterrement que j’ai décidé de ne pas m’y rendre ».

Renaud Donnedieu de Vabres, ancien ministre :
« Passer de Ministre à promeneur de son chien suppose un énorme travail sur soi-même ».

François Hollande, député de Corrèze :
« Mélenchon, ce qui est terrible, c’est qu’il a été Socialiste toute sa vie et que toute sa vie ça va le suivre ».
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Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, après la tempête de neige sur l’Ile-de-France : « Il n’y a pas de pagaille ; la preuve le Préfet a pu venir en trois minutes


]2012


Prix Press club humour et politique
« Être ancien Ministre, c'est s'asseoir à l'arrière d'une voiture et s'apercevoir qu'elle ne démarre pas »(François Goulard).

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«Prix spécial du Jury :
« Ce n‘est pas plus mal que ce soit une femme qui soit élue pour faire le ménage » (Ségolène Royal à la veille de la primaire socialiste)

Eva Joly, c'est un pour tous, tous pour un et deux pour cent », (Pierre Charon)

Prix des internautes :
« C‘est plus facile de pacifier la Libye que l'UMP » (Thierry Mariani)

Prix de l'encouragement :
« Ca lui fera les pieds ! » (Thierry Mandon député PS de l'Essonne, qui a battu le député sortant Georges Tron)

Le jury du prix Press club, humour et politique, présidé par Jean Miot, a distingué Jean-Pierre Raffarin
« pour l'ensemble de son oeuvre ».


Étaient aussi en lice:
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Nadine Morano, ancien ministre :
« Me faire passer pour quelqu'un de raciste, je trouve cela choquant... Ma meilleure amie est tchadienne, donc plus noire qu'une arabe ».

Philippe Poutou, ancien candidat NPA à la présidentielle :
« Je n'ai pas l'habitude d'être seul : on arrive chez le patron en groupe, on séquestre en groupe ».

Daniel Cohn-Bendit, député européen s‘adressant à Eva Joly :
« Si tu te retires, ça crée un vide. Si tu continues, tu tombes dans le vide ».

Bernard Cazeneuve, député-maire de Cherbourg, porte-parole de François Hollande : « L‘heure d‘été aura surtout un avantage : c‘est une heure de moins de Nicolas Sarkozy »

Brice Hortefeux, député européen, conseiller de Nicolas Sarkozy :
« Passer de rien à chef de l‘Etat, Hollande va souffrir ».

Chantal Jouanno, sénatrice UMP de Paris :
« La droite à Paris, c‘est la guerre des boutons avec des bazookas ».

Jean-Christophe Lagarde, vice-président du Nouveau Centre :
« 0 % pour un fromage c‘est bon pour la santé mais pas pour un sondage présidentiel ».

Christian Jacob, député de Seine-et-Marne :
« Le socialisme, c'est vraiment une île au milieu des terres ».


Quelques autres bons mots…..
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"Quand le moment est venu, l'heure est arrivée"(Raymond Barre).

"Même en avion, nous serons tous dans le même bateau" (Jacques Toubon)

"Voici que s'avance l'immobilisme et nous ne savons pas comment l'arrêter" (Edgar Faure)

"Les socialistes aiment tellement les pauvres qu'ils en fabriquent" (Jacques Godfrain).

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"Il est plus facile de céder son siège à une femme dans l'autobus qu'à l'Assemblée nationale" (Laurent Fabius).

"Villepin fait tout, je fais le reste" (Renaud Muselier).

"Mamère Noël est une ordure" (Michel Charasse)

"J'étais partisan du non, mais face à la montée du non, je vote oui" (Manuel Valls).

"Que l'on soit pour ou contre la Turquie, on ne pourra pas changer l'endroit où elle se trouve" (Michel Barnier).

Ce n'est pas parce que nous sommes un parti charnière qu'il faut nous prendre pour des gonds , ( Hervé de Charrette) à propos du Parti populaire pour la démocratie française (PPDF), devenu la Convention démocrate)

Mon mari était jusqu'à présent chômeur, mais je suis en train de changer de mari (Marie -Noêlle Lienemann)
J'ai été avocat pendant 28 ans et Garde des Sceaux pendant 28 jours. Si je suis le seul ministre de la Justice à ne pas avoir commis d'erreur, c'est parce que je n'ai pas eu le temps (Michel Crépeau)

Je préfère dire voici mon projet que mon projet c'est Voici6 (Laurent Fabius à propos de Ségolène Royal, lors d'une interview accordée à L'Express, le 24 août 2006)

Les coupures de presse sont celles qui cicatrisent le plus vite (Patrick Devedjian, citant Yvan Audouard)

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Ils ont de la réplique…..
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[b]Rien, ni les titres, ni les convenances, ne préservait des traits de Rivarol.
A une vieille coquette qui l'interroge imprudemment:
- Monsieur de Rivarol, combien d'années me donnez-vous ?
- Pourquoi vous en donnerais-je, Madame ? n'en avez-vous donc pas assez ?





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Ancien militant socialiste, Georges Bernard Shaw a participé à la fondation de la Société Fabienne.
Pacifiste à ses heures, éternel contempteur de capitalisme, il a tout pour détester Winston Churchill et se faire détester de lui. Désireux de l'épingler sous l'apprenne d'une politesse, le dramaturge lui envoie un carton d'invitation avec ses mots:
" Veuillez trouver ci-joint, deux places pour la première de mal nouvelle pièce.Venez avec un ami…. si toutefois vous en avez un "
Par retour du courrier, Churchill répond:
"Cher Maître, étant absent de Londres, je ne pourrai venir à la première représentation de votre pièce. Mais je viendrai volontiers à la seconde… si toutefois il y en a une. "


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On interviewe l'actrice Zsa Zsa Gabor: ( neuf fois mariée )
- " Combien avez vous eu de maris ?
-" Vous voulez dire, en dehors des miens ?

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Posté le : 28/02/2014 21:16
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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