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Cristobal Balenciaga
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Le 23 mars 1972 à Xàbia meurt Cristóbal Balenciaga Eizaguirre, né le 21 janvier 1895 à Getaria, petit village de pêcheurs de la côte basque espagnole grand couturier.
Son style classique et épuré lui vaut de compter parmi ses clientes fidèles les Reines d'Espagne et de Belgique, la Princesse Grace de Monaco et la Duchesse de Windsor. Son travail a influencé de nombreux couturiers, tels que Oscar de la Renta, André Courrèges qui travailla dans son atelier, Emanuel Ungaro et Hubert de Givenchy. En 1968, le couturier décide de se retirer. La marque, appartenant de nos jours à Kering, est actuellement sous la direction de Alexander Wang depuis décembre 2012.
Après avoir fondé plusieurs maisons de couture en Espagne, il s'installa à Paris en 1937. Ses créations sobres, parfois même austères, comme ses fameuses robes noires, ou la somptuosité de ses robes du soir marquèrent les créateurs ultérieurs;


Sa vie

Début

Encouragé dans son enfance par la marquise de Casa Torres, la femme la plus élégante de son village natal, Guetaria, Cristobal Balenciaga, après un apprentissage chez un tailleur madrilène, ouvre un atelier personnel à Saint-Sébastien.
Devenu, peu avant la Première Guerre mondiale, chef d'atelier aux Magasins du Louvre à Saint-Sébastien, il se familiarise avec les modèles parisiens au cours de ses premiers voyages d'affaires en France. L'ouverture à Saint-Sébastien d'une maison Balenciaga vers 1915, puis à Madrid, marque une période de prospérité pour le couturier jusqu'en 1931, date de l'abdication du roi d'Espagne, Alphonse XIII. La fin de la vie de cour entraîne en effet pour Balenciaga la disparition des clientes fortunées.
Âgé de quarante ans, il ouvre une nouvelle maison à Barcelone 1935, baptisée Eisa, du nom de sa mère. La guerre civile qui déchire bientôt l'Espagne met un terme au développement de ce salon de couture. Décidé à faire carrière ailleurs qu'en Espagne, le couturier se rend en 1936 à Londres, et s'établit finalement à Paris en 1937.
Les premières collections parisiennes de Balenciaga font sensation. Il exploite, dans une série de robes du soir, toutes les ressources optiques du jeu des rayures verticales, horizontales, diagonales, croisées ou contrariées. La Seconde Guerre mondiale, qui marque pour certains couturiers parisiens la clôture de leurs maisons de couture, n'interrompt pas la progression de Balenciaga. Sa puissance de travail lui permet d'assurer, en une seule journée, l'essayage de cent quatre-vingts modèles, avec leurs accessoires. À la différence de beaucoup d'autres, il est, compte tenu de son apprentissage, capable de réaliser et de monter lui-même une toile prototype d'un modèle, de la coudre, puis d'exécuter le modèle avec ses finitions. Pendant la guerre, Balenciaga crée en particulier des robes de ville avec pouf drapé à l'arrière ou sur les hanches, des robes du soir dotées de boléros brodés comme ceux des toréadors, et compose des manteaux imperméables en fibranne, une étoffe de remplacement créée par Bucol. Balenciaga s'impose par sa maîtrise de la coupe et de la construction d'un vêtement.
Après avoir relancé l'emmanchure kimono, lancée par Poiret, il remet en question le rapport entre le vêtement et le corps : tandis que le new-look a apporté des robes aux corsages ajustés et aux tailles étranglées, Balenciaga définit peu à peu un style de tailleurs, de manteaux plus ou moins décollés du corps. Parmi les formules alors créées on notera les manteaux et tailleurs creusés devant et bombés derrière, baptisés ronde-bosse en 1951. Puis le couturier accentue son évolution vers une silhouette libre, dégageant le cou, aux épaules élargies, et effaçant la taille.
Au printemps de 1955, il présente la robe-tunique, étape majeure de cette émancipation du vêtement : le décolleté est rond et sans col, les manches trois quarts sont étroites, et la tunique sept huitièmes se porte sur un fourreau court ou long selon qu'il s'agit d'une tenue de ville ou du soir. Dans un genre tout autre, Balenciaga propose également des robes à danser, courtes, dont les jupes, froncées et bouillonnées, se drapent sur des jupons de dentelle, des manteaux de cocktail en faille, très amples, et des robes volantées, d'un esprit très flamenco.
En 1957, l'influence de Balenciaga est à son apogée : la robe-tunique, rebaptisée robe-sac, est copiée par tous les confectionneurs de prêt-à-porter. Cette proposition n'a pourtant qu'un succès limité auprès des femmes accoutumées aux mièvreries du new-look ; cette expérience illustre les limites de l'influence de la haute couture sur le prêt-à-porter.
La suprématie de Balenciaga s'est affirmée avec la disparition des ténors du new-look, Jacques Fath en 1954, Christian Dior en 1957. Chanel, revenue à Paris depuis 1954, prône également une mode dégagée des contraintes et des artifices. À partir de 1960, la coupe Balenciaga a atteint un tel degré de perfection et de simplicité qu'elle n'évolue presque plus. Citons pourtant les robes du soir courtes devant et plongeant en arrière, les tailleurs ceinturés de cuir, les ensembles en daim portés avec des bottes vernissées noires, les vestes-blousons sans col, ainsi que des robes du soir d'une grande audace formelle qui font ressembler les femmes à de grands insectes déployant leurs élytres, et surtout une fameuse robe de mariée en forme de cône, comportant une seule couture...

Cristobal Balenciaga, taciturne, austère, a toujours évité la publicité tapageuse. Sa maison de couture se signalait par deux règles : pas de robe prêtée ; pas de prix de faveur. Par opposition aux mannequins aguichants des autres couturiers, il a choisi pour mannequins des femmes élancées, plutôt hautaines, auxquelles il était interdit de sourire aux clientes : ce qui frappe le plus, dans les partis pris du couturier, c'est ce hiératisme farouche, très hispanique, qui peut, paradoxalement, s'exprimer à travers une somptuosité sensuelle ou une ostentatoire sobriété.
Ayant fermé sa maison de couture en 1968, Cristobal Balenciaga a créé une dernière robe en 1972, la robe de mariée de la petite-fille du général Franco.

Repères biographiques

1895 : naissance de Cristóbal Balenciaga à Getaria en Espagne1.
1907-1911 : installé à Saint-Sébastien, il devient apprenti tailleur.
1911 : à seize ans, il commence à travailler comme tailleur aux Grands magasins du Louvre à Saint-Sébastien, avant d'être nommé chef d'atelier de confection pour dames deux ans plus tard.
1914 : il part s'installer à Bordeaux et travaille un temps avec des amis.
1917 : revenu à Saint-Sébastien, il fonde sa propre entreprise, C. Balenciaga, sur la rue Vergara. L'année suivante, les sœurs Benita et Daniela Lizaso s'associent à lui et injectent des capitaux dans son entreprise qui portera désormais le nom de Balenciaga y Compañía.
1919 : ouverture de sa première maison de couture à Saint-Sébastien.
1924 : il installe une boutique de Couture sur l'avenue de la Liberté.
1925 : la renommée de Balenciaga s'accroît. Des membres de la famille royale et de la Cour font partie de sa clientèle.
1927 : il élargit sa clientèle en ouvrant une autre boutique plus traditionnelle, Eisa Costura sur la rue Oquendo, toujours à Saint-Sébastien.
1931 : des difficultés économiques obligent Balenciaga à revoir sa stratégie commerciale.
1932 : ouverture d'une maison de couture à Madrid, puis d'une autre à Barcelone, en 1935. Elles portent le nom d'Eisa, en référence à Eisaguirre, nom de sa mère.

Paris

1936 : Balenciaga fuit la guerre d'Espagne et arrive à Paris, après un détour par Londres, délaissant pour un temps ses trois boutiques espagnoles.
1937 : en juillet, il ouvre sa maison de couture au 10, avenue George-V1, en partenariat avec Nicolas Bizcarrondo et Wladzio Jaworowski d'Attainville. Le 5 août, Balenciaga présente sa première collection. Le succès est immédiat.
1939 : un autre défilé, où il présente cette fois une collection inspirée du Second Empire français, remporte lui aussi un vif succès.
1943 : il introduit l'usage de la broderie et la passementerie dans ses robes su soir. Durant la Seconde guerre mondiale, il continue son activité, mais ce sont les années après guerre qui lui apportent le plus de succès.
1947 : lancement de sa ligne tonneau qui attire l'attention du public et de son premier parfum, baptisé Le Dix, allusion à l'adresse de sa maison de couture à Paris.
1948 : ouverture de la boutique Balenciaga, toujours au 10 avenue George-V, boutique conçue par le décorateur Christos Bellos. La collection de cette année là est encensée par Carmel Snow, qui décidera alors de ne plus porter que du Balenciaga toute sa vie.
1949 : lancement du second parfum : La Fuite des Heures.
1950 : ses créations font appel aux manches melon, aux jupes ballon et à des tissus volumineux et lourds. L'année suivante, Balenciaga revient à des lignes plus fluides, avec des tailleurs semi-ajustés, cintrés devant et vague derrière ; cette ligne sera appelée par Carmel Snow du Harper's Bazaar la semi fitted look.
1955 : présentation de la tunique, robe étroite deux pièces aux lignes droites et épurées. Création de son troisième parfum : Quadrille .
1958 : le 12 mai, Balenciaga est fait Chevalier de la Légion d'honneur pour sa contribution à l'industrie de la mode. Il crée la même année les robes Baby Doll et en queue de paon, longues derrière et courtes devant.
1962 : lancement du parfum Eau de Balenciaga. Les parfums Balenciaga resteront une activité très annexe pour la maison.
1963 : Balenciaga lance une élégante ligne de vêtements de style sport et introduit les premières bottes haute couture.
1966 : Le Yorkshire Post titre La bombe Balenciaga.
1967 : son style devient de plus en plus épuré - à l'instar de la robe de mariée qu'il dessine cette année-là - et est acclamé par la presse internationale.
1968 : Balenciaga décide de se retirer en Espagne, et ferme sa maison de couture à Paris. Les années Courrèges et de la mini-jupe, son refus de pratiquer le prêt-à-porter qui a révolutionné la mode depuis quelques années, auront eu raison de sa créativité et il présente sa dernière collection haute couture.
1969 : le projet initié en janvier 1968 voit le jour : les uniformes des hôtesses de l'air navigantes de la compagnie Air France, dessinés par Cristóbal Balenciaga qui s'est engagé pleinement dans cette commande, sont mis en service au milieu de cette année là. Deux ans plus tard, la maison équipe le personnel au sol d'une tenue différente. Malgré tout, dès le début, les uniformes rencontrent de nombreuses critiques.
1972 : il crée la robe de mariage de Carmen Martínez-Bordiú y Franco.

Il meurt à Xàbia, le 23 mars. Balenciaga est enterré dans le petit cimetière de Getaria.

Cristóbal Balenciaga est largement reconnu par ses pairs durant et après sa carrière ; Christian Dior l'appelle notre Maître à tous. Reconnu également par les historiens de la mode comme l'un des plus grands, il est un couturier disposant d'une technique et d'une créativité immense.
Durant sa carrière, le couturier refuse la mode pour ce qu'elle est, préférant le travail de coupe et le dessin de la silhouette. Les parutions dans les plus grands magazines de mode, grâce entre autres au soutient clairement affiché des influentes Diana Vreeland et Carmel Snow qui le désigne comme le nec plus ultra de la mode, les photos d'Henry Clarke ou Louise Dahl-Wolfe, feront du couturier espagnol une légende de la mode à l'influence très importante, symbole des années 1950.

Rachat

1986 : acquisition de Balenciaga par le groupe Jacques Bogart.
1995 : premiers pas de Nicolas Ghesquière chez Balenciaga
1997 : Nicolas Ghesquière est nommé à la direction artistique, puis présente sa première collection de prêt-à-porter féminin. Il va transformer la marque dans les années suivantes.
2001 : acquisition de la Maison par la marque italienne Gucci, qui sera intégrée deux ans plus tard au département luxe du groupe PPR.
2011 : ouverture du musée Balenciaga au Pays basque.
2012 : arrivée de Alexander Wang à la direction artistique

L'Å“uvre

Considéré comme un des grands couturiers du xxe siècle, l'œuvre de Balenciaga a accompagné de près l'évolution vestimentaire de la femme durant la première moitié du siècle. Son style se caractérise par la sobriété, les combinaisons de couleurs audacieuses et son inspiration espagnole, comme les robes infante.
Durant les années quarante, il introduit des broderies et de la dentelle. Balenciaga puise dans le passé pour ses robes aux formes amples et arrondies, à l'opposé des silhouettes cintrées de Christian Dior.
Durant ses plus grandes années, vers 1950, il sera souvent opposé, avec ses lignes fluides, au New Look de Dior qui triomphe alors à Paris et dans le monde1 à partir de 1947. Viennent ensuite les lignes tonneau, au dos arrondi et à la taille décentrée, semi-ajustée, en 1951, la veste ballon en 1953 enveloppant le haut du corps dans un cocon, la robe tunique deux ans plus tard, et la robe-sac en 1957.
À la fin de sa carrière, son style évolue vers de plus en plus de sobriété, sans ornements superflus, où il fait montre de sa profonde connaissance des tissus.

Musée

Le Cristóbal Balenciaga Museoa a été inauguré en 2011 à Getaria, la ville natale de Balenciaga. Il occupe deux bâtiments, l'ancien Palais Aldamar construit au xixe siècle et une annexe moderne conçue par l'architecte Julián Argilagos. Le musée présente dans six salles la vie et l'œuvre de Balenciaga.

Tableau de son chien

Cristóbal Balenciaga avait un chien nommé Plume, un Yorkshire Terrier qui fut portraituré par Bernard Buffet en 1963, huile sur toile vente Alcala, Madrid 18-19 février 2009, lot .

Liens

http://youtu.be/jINBWTVVti8 Prèt à poter chez Balenciaga
http://youtu.be/a2eSrVBYX-4 Défilé Prèt à porter 2001
http://youtu.be/01CIgSA3FNs prèt à porter 2001
http://youtu.be/D_RI0dyvN4c Prèt à porter Automne 91
http://youtu.be/pY-IZCtrZ6E 95/95
http://youtu.be/W-8zPO7uHdc Défilé Hte coutre 50/60
http://youtu.be/-40FgSFrfoY Hte couture 1960
http://youtu.be/ecLSjFS7TzE Hommage à Balenciaga

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Posté le : 22/03/2014 22:54
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Raoul Dufy
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Le 23 mars 1953 à Forcalquie, à 75 ans meurt Raoul Dufy, peintre, dessinateur,

graveur, illustrateur de livres, créateur de tissus, céramiste, créateur de tapisseries et de mobilier, décorateur d'intérieur, décorateur d'espaces publics et décorateur de théâtre français.Il est formé à lÉcole municipale des Beaux-Arts du Havre, il a pour Maître Charles Lhuillie, du mouvement Impressionnisme, fauvisme et cubisme cézannien, il est influencé par Marc Chagall

Compagnon d'étude de Friesz et de Braque au Havre, ami de Marquet, admirateur de Matisse, il passe par l'impressionnisme, le fauvisme et subit certaines influences cubistes. Il s'intéresse aux arts décoratifs tissus, tentures, céramiques, décors dès les années 1910 et atteint dans la décennie suivante son style pictural propre, tout en vivacité et concision, caractérisé par un graphisme libre et souple, des plages de couleurs claires autonomes par rapport aux contours, cela appliqué à des sujets gais et vivants, bords de mer, courses, villes, orchestres, etc.. Aquarelliste et dessinateur étonnamment suggestif, il est aussi l'auteur d'une gigantesque décoration pour l'Exposition universelle de 1937 la Fée électricité, musée d'Art moderne de la Ville de Paris;
" Parce que Fragonard riait, on a eu vite fait de dire que c'était un petit peintre." Le mot de Renoir pourrait s'appliquer aussi à Raoul Dufy dont l'œuvre, toujours sereine et souvent spirituelle, cache si bien les tourments de l'artiste. Mais Dufy a cherché sans cesse.
Son matre avait reçu les leçons de Dominique Ingres, il découvre ensuite les impressionnistes à Paris. En 1905, la toile de Matisse Luxe, calme et volupté le révèle à lui-même : Le réalisme impressionniste perdit pour moi son charme à la contemplation du miracle de l'imagination introduite dans le dessin et dans la couleur. D'où le rôle nouveau pour lui de ces tons exaltés d'abord, puis contenus, sous l'influence de Braque, un instant séduit lui aussi par la liberté de palette des fauves. Tous deux vont se tourner alors, chacun selon son tempérament mais dans le même souci d'une composition plus rigoureuse du tableau, vers Cézanne. C'est alors aussi que Dufy, pour vivre, s'initie à la gravure sur bois — il illustrera Le Bestiaire d'Apollinaire — et étudie le métier de dessinateur pour tissus, il collaborera pendant près de vingt ans avec les soyeux Bianchini et Férier. Est-elle venue de la planche à graver, du patron d'imprimerie où le dessin et la couleur ne concordent pas toujours, comme dans l'imagerie populaire, cette séparation du contour et de la couleur. Toujours est-il qu'elle formera l'une des caractéristiques de sa vision. Mais parfois c'est en quelque sorte le contraire : le dessin réapparaît dans la couleur par le mouvement de la touche. La touche est elle-même dessin dans ce mouvement rapide, léger qui évoque l'impatience d'un manuscrit de musique. Dufy dessine en peignant, comme il peint en dessinant, laissant aux blancs une valeur de lumière. Sur le bleu transparent, viennent jouer le rouge et le blanc ; sur le vert, voici l'ocre, les terres et le jaune pur. Quelque chose éclate comme les couleurs d'un tournoi ou d'un carrousel ; ou c'est la joie d'un beau dimanche à la campagne. Tels sont les sujets : les champs de courses et les terrains de concours hippiques ; les plages de Deauville et de Cannes, ces endroits où l'on peut suivre la mode. Mais aussi les travaux de la moisson, le dépiquage du blé, les paysages et les ateliers lumineux du Midi, et ces intérieurs dorés où rayonne, sur une console, un violon. À la fin, toujours préoccupé d'accords nouveaux, Raoul Dufy utilise souvent le noir. Et c'est l'ensemble de son œuvre qui prend ainsi une tonalité nouvelle, comme si l'artiste avait voulu dire lui-même qu'il peut y avoir une profondeur là même où il n'a voulu montrer que l'allégresse.

Sa vie

Il naît le 3 Juin 1877 au Havre sous les prénoms Raoul Ernest Joseph, il est le fils de Léon Auguste Dufy et de Marie Eugénie Lemonnier. Il passe ses premières années au havre. À partir de 1893, Raoul Dufy suit les cours du soir de Charles Lhuillier à l'École municipale des Beaux-Arts du Havre. Il rencontre Raimond Lecourt et Othon Friesz avec lequel il partagera ensuite un atelier à Montmartre et qui restera un de ses plus fidèles amis. Il peint des paysages normands à l'aquarelle.
En 1900, il entre à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, où il retrouve Othon Friesz. Il dessine beaucoup. Sa première exposition au Salon des Artistes français a lieu en 1901. Puis il expose en 1903 au Salon des indépendants. Le peintre Maurice Denis lui achète une toile. Il peint beaucoup aux environs du Havre, et notamment sur la plage de Sainte-Adresse rendue célèbre par Eugène Boudin et Claude Monet. En 1904, avec son ami Albert Marquet, il travaille, toujours sur le motif, à Fécamp.
En 1903-1904 et 1906-1907, Dufy séjourne à Martigues en Provence. Il peint une série de paysages représentant la ville et ses canaux.
Influencé par le fauvisme et en particulier par l’œuvre de Matisse, il travaille avec Friesz, Lecourt et Marquet sur des tableaux de rues pavoisées de drapeaux, de fêtes de village, de plages.
En 1908, prenant conscience de l'importance capitale de Cézanne au cours de la grande rétrospective de 1907, il abandonne le fauvisme. Il exécute des études d'arbres, de chevaux, de modèles en atelier, des natures mortes. Cette même année, il se rend à l'Estaque1, près de Marseille avec Georges Braque. Ils peignent, souvent côte à côte, les mêmes motifs que Cézanne.
Il séjourne dans la Villa Médicis libre qui accueille des jeunes peintres dépourvus de ressources à Orgeville avec André Lhote et Jean Marchand. En leur compagnie, il s’oriente vers des constructions influencées par les débuts du cubisme de Braque et de Picasso.
Il réalise en 1910 les bois gravés pour le Bestiaire d’Apollinaire. Il en fera d’autres pour les Poèmes légendaires de France et de Brabant d’Émile Verhaeren.
En 1911, il épouse une Niçoise, Eugénie-Émilienne Brisson. Appelé par le grand couturier Paul Poiret qui a été impressionné par les gravures du Bestiaire, il se lance dans la création de motifs pour les tissus de mode et de décoration. En effet, l'impression des tissus est alors réalisée à l'aide de bois gravés. Avec Paul Poiret, il monte une petite entreprise de décoration et d'impression de tissus, La Petite Usine. Il y imprime ses premières tentures et étoffes qui feront la célébrité de Paul Poiret. Un an plus tard, il est engagé par la maison de soieries lyonnaise Bianchini-Ferrier pour laquelle il créera d'innombrables motifs d'après ses thèmes favoris (naïades, animaux, oiseaux, fleurs, papillons..., qui seront mis en carte pour le tissage sur les métiers Jacquard. Cette collaboration se prolongera jusqu'en 1930.
Toujours influencé par Cézanne, son dessin devient cependant plus souple au cours de son séjour de 1913 à Hyères.
En 1915, il s’engage dans le service automobile de l’armée.
Au cours de son premier séjour à Vence en 1919, les couleurs de ses tableaux deviennent plus vives et son dessin plus baroque.
Il se lance dans la lithographie avec les Madrigaux de Mallarmé en 1920.Par la suite, il en réalisera pour Le Poète assassiné de Guillaume Apollinaire. Cette même année le Bœuf sur le Toit de Jean Cocteau est représenté avec des décors et des costumes de Dufy.
Sous l'impulsion de Paul Poiret et désireux de se rendre compte de l’effet de ses tissus sur les femmes, il commence à fréquenter les champs de courses en 1922 ; il y prend esthétiquement goût au spectacle des foule, des chevaux, et des mouvements. Il fait de plus en plus d’aquarelles, et travaille la céramique à partir de 1923 avec le grand céramiste catalan Artigas.
Dufy voyage beaucoup. Il découvre l’Italie, Venise, Florence, Rome, Naples, la Sicile puis le Maroc et l’Espagne. Il admire les tableaux de Titien au Musée du Prado. Il voyage également en Belgique et en Angleterre.Il séjourne à Nice de 1925 à 1929 avec son épouse niçoise.
En 1926, en regardant une petite fille qui court sur le quai de Honfleur, il comprend que l’esprit enregistre plus vite la couleur que le contour. Il va alors dissocier les couleurs et le dessin. Il ajoute son dessin à de larges bandes de couleurs, généralement trois.
Son tableau Le Paddock entre au Musée du Luxembourg en 1932.
En 1936-1937, aidé par son frère Jean Dufy, il réalise pour le pavillon de l'Électricité de l’Exposition internationale, la plus grande peinture existante au monde : La Fée Électricité 624 m2, aujourd'hui visible au musée d'art moderne de la ville de Paris.
Raoul Dufy commence à ressentir, en 1937, les premières atteintes d’une maladie douloureuse et invalidante : la polyarthrite rhumatoïde. Il est nommé membre du jury du prix Carnegie à Pittsburgh.
Les aquarelles des châteaux de la Loire et de Venise nombreuses vues de la ville et de la lagune voient le jour en 1938. Il travaille également à de très grands panneaux pour le palais de Chaillot : La Seine de Paris à la Mer. Othon Friesz réalise ceux de La Seine de la source à Paris.
Réfugié dans le sud de la France au début des années 1940, il peint les cartons pour les grandes tapisseries Collioure et Le Bel Été. Dufy excelle aussi dans la composition de décors et costumes de théâtre pour la Comédie-Française. Dans ses tableaux, il abandonne progressivement les larges bandes de couleurs pour une teinte d’ensemble dominante.
Jean Cocteau publie en 1948 un livre sur Raoul Dufy dans la collection Les maîtres du dessin aux Éditions Flammarion.
Dufy illustre les Nourritures terrestres d’André Gide en 1949, puis L’Herbier de Colette en 1950. Il est promu au grade de commandeur de la Légion d'honneur.
Au musée d’Art et d’Histoire de Genève, 261 œuvres, ainsi que des céramiques, tapisseries, livres sont rassemblées en 1952. Par ailleurs 41 œuvres sont envoyées par la France à la Biennale de Venise. Il remporte le prix de peinture et en offre le montant à un peintre italien et à Charles Lapicque pour qu’ils puissent séjourner l’un en France et l’autre à Venise. Le peintre Alfred Manessier sera le dernier Français à obtenir ce prix. Dufy s’installe à Forcalquier en Haute-Provence.
C’est là qu’il meurt le 23 mars 1953 d'une crise cardiaque. Ses derniers mots ont été pour demander à son secrétaire d’ouvrir les volets de sa chambre pour voir la montagne. Après une inhumation provisoire, la ville de Nice offre un emplacement au cimetière de Cimiez en 1956.

Raoul Dufy et L’impressionnisme
Raoul Dufy subit d’abord l’influence d’Eugène Boudin et de l’impressionnisme, mais il n’en retient pas la touche en virgule : la sienne devient par contre de plus en plus large et vigoureuse, comme on peut le voir dans La Plage de Sainte-Adresse en 1904 et Après le déjeuner 1905-1906. Il faut souligner une maîtrise précoce de l’aquarelle, et déjà des indices de son style propre futur dans une œuvre comme le 14- juillet 1998 au Havre où les teintes sont complétées à l’encre de Chine.

Le fauvisme

Raoul Dufy découvre Matisse et Signac. Dans La Place du village en 1906, les roses et les verts sont pris dans des traits assez épais soulignant les architectures. Les ombres sont franches. Un petit drapeau français dans un ciel encore impressionniste annonce les couleurs vives des rues pavoisées du Havre, qu’il peindra en compagnie de Marquet.
Dans Le Port du Havre en1906, les fumées des bateaux sont parcourues de frémissements et d’ondulations qui s’accentueront par la suite dans le style propre de Dufy. Les taches blanches des hangars et des bateaux viennent, avec quelques drapeaux français, éclairer un ensemble encore un peu trop terne pour être véritablement fauve.
Par contre, le Nu rose au fauteuil vert Claudine de dos en 1906 est de facture très nettement fauviste. La palette est proche de celle du Matisse des Intérieurs de Collioure ou de La Raie verte, Portrait de Madame Matisse de 1905. Il faut remarquer les plans secondaires traités par touches larges et parallèles, qui font penser à Cézanne, bien que Dufy n’ait pas encore une bonne connaissance de l’œuvre de ce peintre.
« Dans le Nu rose au fauteuil vert ou Claudine de dos de 1906, au musée de l'Annonciade à Saint-Tropez, Dufy, dont c’est probablement le seul nu de cette période, échafaude des plans simplifiés d’ombre et de lumière sur le corps contorsionné du modèle qu’il soumet à son imagination de la forme. À cette large tache de lumière qui couvre son dos, et au jeu ambigu des jambes plaquées d’ocre rouge répond l’arabesque claire du bras. Ce nu est une prouesse; ce que le dessin perd en sensualité, il le gagne en force expressive colorée.
Dans les arrière-plans de La balançoire, 1905-1906, la touche en bâtonnets fait penser à certains Vincent van Gogh de Provence.

Le cubisme cézannien

En 1907, Dufy peut admirer les tableaux de Cézanne lors de la rétrospective au Salon d’Automne. Afin de comprendre Cézanne sur les motifs mêmes qu’il a peints, il part pour l’Estaque avec Georges Braque, autre Havrais d’adoption, qui a fréquenté la même école municipale des Beaux-Arts que Friesz et Dufy.
Dans L’Estaque en 1908, les formes, tout juste suggérées par des lignes bleues dans les lointains, rappellent la Montagne Sainte-Victoire du Cézanne de la maturité. Les maisons du Village au bord de la mer en 1908 sont réduites à une géométrie simple.
Les touches sont cézanniennes obliques et posées à la brosse plate, les tons sont peu contrastés. L'Arbre à l’Estaque en 1908 de Dufy aurait pu être signé par le Georges Braque des Maisons à l’Estaque en 1908. Équarries comme des morceaux de roche, les maisons de Braque et de Dufy, ne sont guère plus minérales que le ciel, la mer ou les arbres. Comme pour Cézanne, le vrai sujet de leurs tableaux est le volume et la profondeur. Toutefois Dufy s'évadera assez vite vers d’autres recherches, alors Que Braque chercha à développer et épuiser les ressources de la géométrisation des motifs.
« Arbres à l’Estaque, qui est au musée Cantini à Marseille, appartient à une série de recherches de volumes décomposés en plans géométriques superposés encadrés par des troncs parallèles, parfois infléchis en ogives qui équilibrent leur agencement. L’harmonie d’ocres et de verts, les fûts et les rameaux gris des arbres, est volontairement sobre. Braque, qui exécute à ses côtés une série semblable, se maintient également dans ce géométrisme simple et cette austérité. C’est la structure interne des choses que tous deux poursuivent, Mais Dufy ne se laissera pas enfermer dans le schéma cézannien que va explorer Braque.
Raoul Dufy ne frôlera pas même la presque abstraction du cubisme synthétique. Il reste attaché à la lisibilité de ses toiles. Ses couleurs gagnent en éclat et en diversité. Il est possible que Dufy ait influencé Picasso qui souvent reprenait à son compte les idées d’autres peintres. La Cage d’oiseaux en 1923 du peintre espagnol présente bien des parentés avec La cage d’oiseau, 1913-1914, jusqu’au titre de l’œuvre qui ne diffère que par un pluriel. Mais alors que chez Picasso la couleur est solidaire du trait, les aplats de Dufy s’imposent sans relation nécessaire avec un dessin allusif, rudimentaire, de simples abréviations graphiques, écrit Pierre Cabanne.

Raoul Dufy tel qu’en lui-même

Environ 3 000 toiles, 6 000 grandes aquarelles, 6 000 dessins, des bois gravés, des lithographies, des tapisseries, des tissus... Et combien d’œuvres détruites par lui ! Dufy n’avait pas tendance à tout conserver, comme Picasso.
1913 est l’année charnière et La grande baigneuse aux formes massives est un adieu au cubisme. À l’arrière-plan de son corps massif, traité comme une articulation de parties cylindriques, s'étage un paysage réduit aux volumes mais dont les nombreuses maisons constituent une préfiguration des vues de Vence.
Dans Le Jardin abandonné en 1913, le style propre de Raoul Dufy est presque mis en place : couleurs vives déterminant des zones relativement arbitraires auxquelles se surajoutent les dessins des divers éléments.
Dufy se rend compte que, pour l’œil, les couleurs n’appartiennent pas indéfectiblement à une chose : ce ne sont pas des qualités qui n’auraient pas d’existence hors une substance. Elles ont leur vie propre, débordent les objets, et cela surtout dans l’expérience de la perception du mouvement. D’où l’usage de ce que Pierre Cabanne appelle les flaques de couleurs juxtaposées. La dissociation entre la couleur et le dessin est parfois très poussée, et Dufy installe souvent les objets réduits à un contour sur trois ou quatre larges plages colorées.
L’aquarelle, la gouache, qui prennent de plus en plus d’importance après 1930, lui offrent davantage de possibilités pour poursuivre cette expérience. Les flaques du fond sont étendues sur un papier préalablement mouillé et tendu sur une planche à dessin. Quand elles sont sèches, il dessine au pinceau fin les divers objets du motif. Le Bel Été en 1940 en est un remarquable exemple. Cette technique demande une très grande assurance, acquise par l’incessante pratique du dessin.
Les aquarelles de Raoul Dufy sont la vie même, exaltées sous le regard d’un créateur de génie et réalisées avec une économie de moyens. Elles sont fluides mais jamais floues. Elles sont prestes mais non hâtives. Souvent exécutées en vingt minutes, elles sont grosses de nombreux essais préliminaires écartés par le Maître au bénéfice de la dernière d’entre elles .... Elles sont profuses mais non chargées. Elles sont transparentes et non pas mièvres, à cause de la fermeté de l’attaque ...
Ses dessins témoignent de plus que de l’habileté. Et même si, comme le rapporte Fanny Guillon-Laffaille, il lui arrivait de dessiner des deux mains en même temps, l’art de Dufy ne tient pas dans une simple virtuosité contenant en soi seul son intérêt. C’est l’aboutissement d’un travail incessant couronné par le génie que n’explique jamais la facilité. La main obéit à un regard scrutateur et rapide. À première vue, ses dessins semblent fouillés, voire surchargés, mais un peu d’attention révèle que Dufy est allé droit à l’essentiel. Nous croyons d’abord avoir affaire à une œuvre baroque, et nous voyons vite que la plus grande simplicité, l'économie de moyens peut donner le sentiment de la richesse et presque de l’exhaustivité. Champs de blé, portraits, grilles de parcs, nus, bouquets d’anémones, feuillages : quelques traits rendent présente l'âme des choses.
Dans Le Grand Orchestre, encre de Chine de 1936, contrebasses et violoncelles, grosse caisse et tambours font l’objet d’un dessin précis. Est-ce un hasard ?
Dufy vient d’une famille où la musique tenait une très grande importance. Or ces sons graves, ces voix paternelles soutiennent de leur force et de leur profondeur la voltige des accords émanant des autres instruments. Ceux-ci sont suggérés, stylisés par des traits rapides. Les tracés successifs sont laissés en place : ce ne sont pas des maladresses corrigées, c’est l’objet qui dépasse son inertie et devient une frémissante existence sous la main de Dufy. Les violons, les cuivres profitent de l’exactitude du rendu des contrebasses : Dufy comprend que sous trop de détails, la vie serait étouffée. Les musiciens sont réduits à l’ovale de leurs têtes : on ne va pas au concert pour regarder une galerie de portraits.
La joie de vivre et de dévoiler la vie soutient chaque tableau, chaque gouache, chaque dessin. Dufy promène un regard émerveillé sur le monde et nous invite à une fête qui n’a rien de superficiel et de mondain. Si je pouvais exprimer toute la joie qui est en moi ! disait-il. Il y est largement parvenu, et peu d’œuvres sont une telle invitation à cheminer vers un horizon de bonheur.

Marché de l'Art

Les peintures de Dufy Raoul sont appréciées par les collectionneurs du monde entier. Par exemple, le 5 février 2007, l'huile sur toile La Foire aux oignons 88 cm × 115 cm est vendue chez Sotheby's à Londres pour 4 052 000 £ 6 049 636 €5, le 5 mai 2004, l'huile sur toile Fête à Sainte-Adresse de 1906 63,5 cm × 79,4 cm est vendue chez Sotheby's à New York pour 3 144 000 $ 2 618 323 €5 ou encore le 20 avril 2009, l'huile sur toile Scène de pesage 140 cm × 161 cm lors de la Collection Gérard Oury chez Artcurial à Paris pour la somme de 570 570 € avec les frais.

Quelques Å“uvres

1937, La Fée Électricité
1911, La Grande Baigneuse
1914, Baigneuse
1925, Baccara
1926, La Jetée et la promenade de Nice, huile sur toile, 38×46,5 cm, MAM, Paris, France
1928, Intérieur aux fenêtres ouvertes, huile sur toile, 66×82 cm
1928, Ceres à la mer, aquarelle, 52×65,5 cm
1928, Le Bassin à Deauville ou Cargo blanc, huile sur toile, 38,5x46 cm.
1930, Régates aux mouettes, huile sur toile, 73×92 cm, MAM, Paris, France
1930, Régates à Henley-on-Thames, huile sur toile, 54×65 cm
1930, La plage et l'estacade du Havre, Musée des Beaux-Arts André Malraux au Havre.
1931, 30 ans ou la vie en rose ,Huile sur toile, MAM à Montmartre,France
1933, Courses à Deauville, aquarelle, 50,5×66 cm
1934, Régates à Cowes, huile sur toile, 27,7×70,6 cm
1943, Notre maison à Montsaunès, aquarelle, 50×65 cm
1949, Scène de pesage, huile sur toile, 140x161 cm, commande du Prince Ali Khan.
1951 La fanfare, huile sur toile
Entrée du port du Havre, Cahors, Musée Henri-Martin.
Baigneuse, Cahors, Musée Henri-Martin.
Cargo noir à Saint-Adresse, Cahors, Musée Henri-Martin.
Fête maritime et visite officielle au Havre
Le Casino Marie-Christine
Le Yacht pavoisé au Havre

Liens

http://youtu.be/mgRgurR-k10 Diaporama musical
http://youtu.be/x94XyzH6NCA Dufy sur la musique de Bach
http://youtu.be/7v-M9XmMGfo Dufy en musique
http://youtu.be/6Hn3byLxxjk Diporama en musique
http://youtu.be/yObJX3pcMYA La fée électricité

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Posté le : 22/03/2014 22:44
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La castiglione
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Le 23 Mars 1837 à La Spezia, Italie naît Virginia Elisabetta Luisa Carlotta Antonietta

Teresa Maria Oldoïni, Contessa di Castiglione
,

Paris, 28 novembre 1899),célèbre espionne, aristocrate piémontaise, maîtresse de Napoléon III, mais aussi une figure des premières heures de la photographie. On utilise parfois pour la qualifier l'expression la plus belle femme de son siècle, elle décède à 62 ans , à Paris le 28 Novembre 1899

Virginia Oldoïne avait vu le jour à Florence, en 1837, le 22 mars. Elle avait grandi à la Spezia d'abord et à Florence. On l'appelait Virginicchia ou, plus familièrement : Nicchia. D'autres encore disaient Nina ou Niny .
Elle épouse, le 9 janvier 1854, à l'âge de 16 ans, le comte Francesco Verasis de Castiglione 1826-1867 auquel elle donne en 1855 un fils prénommé Giorgio qui mourra à l'âge de 24 ans. Afin de promouvoir l'unification de l'Italie auprès de Napoléon III, elle est envoyée, à l'âge de 18 ans, à Paris en mission secrète par Victor Emmanuel II, duc de Savoie et roi de Sardaigne 1820-1878. Elle devient la maîtresse de l'empereur et est contrainte de se séparer de son mari. « Soutenue par sa beauté mais aussi un charme irrésistible et une intelligence subtile, la comtesse de Castiglione va conquérir toutes les cours d'Europe, si bien que, durant la Guerre franco-prussienne de 1870, Napoléon III, vieillissant, malade et vaincu, lui demandera une dernière fois de jouer de ses talents de diplomate pour plaider la cause de la France auprès du Chancelier de Prusse Bismarck, et d'éviter à Paris l'humiliation d'une occupation par des troupes étrangères

Sa vie

Elle est la fille unique du marquis Filippo Oldoïni Rapallini qui naît à La Spezia le 25 février 1817, il est premier député de La Spezia au Parlement du Royaume de Sardaigne en 1848 puis ambassadeur italien à Lisbonne, il avait épousé sa cousine Isabella Lamporecchi, fille de Luisa Chiari, danseuse de théâtre et du grand juriste Ranieri Lamporecchi de Florence.
Viginia Oldoïni reçoit l'éducation soignée typique de la petite noblesse piémontaise, apprenant l'anglais et le français rapidement, pratiquant la danse et la musique. Consciente de sa beauté, elle est surnommée La Perla d'Italia, La Perle d'Italie, alors que sa famille l'appelle "Nicchia". Elle épouse, en 1854, à l'âge de 17 ans, le comte Francesco Verasis de Castiglione en 1826-1867, auquel elle donne le 9 mars 1855 un fils prénommé Giorgio en 1855-1879. Délaissée par un mari au caractère réservé si contraire au sien et devant souvent suivre le roi, elle prend pour amant le jeune officier Ambrogio Doria puis son frère Marcello, ce qui entraîne la mésentente dans le couple qui s'est installé à Turin.

A la cour de France

Quelques semaines après ses couches, aux fins de servir en secret les intérêts du roi de Sardaigne Victor-Emmanuel II, dont elle est devenue aussi la maîtresse et l'unification de l'Italie, son cousin Camillo Cavour lui demande de se rendre à Paris pour que la jeune femme de 18 ans devienne la maîtresse de l'empereur Napoléon III qui en a 47, afin d'influencer, sur l'oreiller, ses décisions politiques et d'obtenir l'appui du gouvernement français pour la création d'une Italie unifiée et indépendante. La Comtesse rêvant de jouer un rôle politique accepte cette mission. Le couple part rendre visite aux Walewski et arrive le 25 décembre à Paris, où ils s'installent au 10 rue de Castiglione. Le 9 janvier 1856 la Castiglione est présentée à la cour de Napoléon III et à l'impératrice Eugénie lors d'un bal chez la princesse Mathilde.
La relation charnelle de la comtesse avec Napoléon III se matérialise dans le parc de Saint-Cloud au milieu du château de Villeneuve-l'Étang à Marnes-la-Coquette le 27 juin 1856. L'empereur et la comtesse étant mariés, le double adultère impérial fait scandale, et contraint le comte de Castiglione à se séparer de sa femme : ruiné par le train de maison luxueux dans leur hôtel, 10 rue de Castiglione à Paris, il repart seul en Italie où il doit vendre toutes ses possessions pour rembourser les dettes faites par son épouse. Libre, la comtesse entretient avec l'Empereur des Français une relation de deux ans, 1856-57. Néanmoins, d'après une rumeur infondée, la comtesse de Castiglione serait devenue en 1862, la mère d'un fils illégitime de l'empereur, le chirurgien-dentiste Arthur Hugenschmidt. Robert de Montesquiou, dont la dédicace qu'il fit à Hugenschmidt de son poème des Paroles diaprées reprend la rumeur.
Cet adultère impérial qui défraye la chronique lui ouvre les portes des salons privés d'Europe qui, en temps normal, lui auraient été fermées. Elle y rencontre les grands de cette époque : la reine Augusta de Prusse, le comte Otto von Bismarck et l'homme politique Adolphe Thiers.
Mais narcissique et capricieuse, snobant le reste de la cour et se vantant publiquement des cadeaux que l'empereur lui offre à partir des fonds secrets, elle finit par se rendre antipathique et lasser l'empereur qui est passé à sa maîtresse suivante, la comtesse Marianne Walewska. De plus, dans la nuit du 5 au 6 avril 1857 alors qu'il sort de chez la comtesse Castiglione, trois carbonari italiens Grilli, Bartolotti, Tibaldi, accusés d'être à la solde du révolutionnaire Giuseppe Mazzini, tentent de tuer l'empereur. Soupçonnée à tort de complicité, elle est officiellement expulsée de France par des agents secrets en possession d'un décret signé par le ministre de l'Intérieur. En réalité, elle s'éloigne simplement et revient en grâce dès le mois suivant grâce à la princesse Mathilde et à son complice et confident Joseph Poniatowski.
Malgré la rupture avec Napoléon III, elle prétend néanmoins que son influence sur l'empereur s'est concrétisée le 21 juillet 1858 lors de l'entrevue secrète à Plombières entre Napoléon III et le comte de Cavour, aboutissant au traité de Plombières.
Soutenue par sa beauté mais aussi un charme irrésistible et une intelligence subtile, la comtesse de Castiglione va conquérir toutes les cours d'Europe, si bien que, durant la Guerre franco-prussienne de 1870, Napoléon III, vieillissant, malade et vaincu, lui demandera une dernière fois de jouer de ses talents de diplomate pour plaider la cause de la France auprès du Chancelier de Prusse Bismarck, et d'éviter à Paris l'humiliation d'une occupation par des troupes étrangères.

En juillet 1856, la Comtesse se rend à l'atelier des frères Mayer et de Pierre-Louis Pierson à Paris, ses premières poses signent le début d'une collaboration qui durera prés de 40 ans. Dans ses plus belles années la comtesse se pare de robes de bal ou de jour somptueuses, de bijoux, de postiches et de perruques poudrées, elle utilise également des accessoires pour recréer un personnage, une scène, un sentiment... Pierson réalise plus de 450 portraits pour lesquels elle organise elle-même la mise en scène, elle y dépense pratiquement toute sa fortune personnelle et auquel elle se décrit un jour comme la plus belle créature qui ait existé depuis le commencement du monde.
Elle pose également avec des costumes.Celui de la "dame de cœurs" est l'un des plus beaux. La photographie prise par Aquilin Schad est retravaillée à la gouache dans l'atelier Mayer et Pierson entre 1861 et 1863. Cette œuvre est présentée à la section française de photographie de l'Exposition universelle de 1867 à Paris. La Comtesse y fera sa visite le 1er mai au bras du prince Georges de Prusse.
La comtesse a porté cette robe le 17 février 1857 dans le bal donné au ministère des Affaires étrangères. Au point culminant de leur relation désormais connue de tous à la cour, Napoléon III déguisé et masqué essaye de se divertir incognito mais les invités suivent attentivement ses gestes. Cette soirée montre un reflet du faste de la cour impériale marquée par la nostalgie de Versailles ou de Trianon, Marie-Antoinette inspire particulièrement Eugènie. Tous les invités portent des costumes faisant référence à cette époque. Mal vue à la cour pour ses frasques assumées avec l'Empereur, la comtesse porte "le costume le plus fantaisiste et le plus hardi qui puisse être imaginé ". Ce costume Louis XV, moitié actuel, portait pour titre : dame de cœurs. Les jupes retroussées sur le jupon de dessous ainsi que le corsage se trouvaient enlacés de chaînes formants de gros cœurs. La merveilleuse chevelure de la comtesse en cascades sur son cou. Le costume éblouissant d'or était magnifique..." A la vue du cœur central cousu sur la robe juste au-dessus du haut des cuisses de la comtesse, Eugènie réplique sèchement "Le cœur est un peu bas." La tenue est indécente, elle porte sa robe sans corset, la gaze révèle presque le bout de son sein.
De 1856 à 1857 elle compose un album de photographies d'elle-même et l'offre à Costantino Nigra. Cet album contient vingt-cinq photographies de tailles et formats différents réalisés dans l'atelier. On peut voir son fils prendre la pose , par exemple comme garçon d'honneur portant la traine de la robe de sa mère. Nigra est dans le secret de la mission confiée à la Castiglione. Il la soutient pour qu'elle persuade Napoléon III de s'engager en faveur de l'Italie, mais aussi pour lui soutirer des informations concernant l'avancée des négociations du congrès de paix. Le jeune Nigra travaille avec Cavour, cousin de la comtesse et tête pensante de la mission. Cavour est le représentant du Piémont au congrès de paix ayant lieu à Paris, suite au succès de la Guerre de Crimée en 1856 où le sort de l'Italie doit être joué. Tous les deux veulent introduire la question de l'unification de l'Italie et gagner le soutien de l'Empereur des français.
Quand elle revient en France en 1861 avec son fils Giorgio, Georges commence une période de grande créativité jusqu'en 1863.
Pour la première fois depuis son retour à Paris en 1861, elle est invitée à la Cour, au bal costumé des Tuileries le 9 février 1863. Elle y apparait déguisée en reine d'Etrurie. Son costume se compose d'un péplum de velours noir sur une jupe orangée, elle porte des bijoux en cuivre doré et tient dans sa main un éventail en plumes de paon. Virginia se précipite le lendemain à l'atelier de photographie pour immortaliser sa tenue. Persuadée de son succès et de son retour dans les hautes shpères, elle prend des poses lascives et suaves, mime l'innocence. Toutefois son costume fait scandale. Mal aimée à la Cour, la presse se déchaine, elle est accusée d'être apparue nue à la fête. Son mari, le Comte François, toujours en Italie, menace de lui reprendre Giorgio. Elle lui répondra par une photographie nommée "La Vengeance" et garde l'enfant. Sur cette photo, elle est vêtue du même costume de reine d'Etrurie mais avec la cape recouvrant ses épaules et ses bras nus, à la main elle tient un poignard.
Entre 1861 et 1867, plus de quarante séances sont organisées pour 176 poses différentes.
La Comte meurt brutalement en 1867 de façon accidentelle, la Castiglione se fait photographier en vêtements de deuil chez Pierson et abandonne la photographie jusqu'en 1875. Après la fin du Second Empire, la mort de son mari puis de son fils, Virginia s'enferme au 26bis Place Vendôme dans un appartement morne, triste et sombre. À la mort de son ami le Docteur Blanche, elle demande à son fils, le peintre Jacques-Émile Blanche de peindre son portrait, chose qu'il ne fera qu'après la mort de la Comtesse.
De 1893 à 1895 ne parvenant pas à faire le deuil se son succès passé, elle réalise quatre-vingt-deux photos dans l'atelier parisien où elle revêt ses tenues fastueuses d'antan. D'une façon pathétique et morbide elle pose, comme avant, toutefois sa légendaire beauté s'en est allée, son corps s'est flétri, elle n'a plus de dents, presque plus de cheveux. Le 22 mars 1913, son ami photographe Pierson meurt avec le regret de n'avoir su capturer la vraie beauté de la Comtesse.

Fin d'une beauté

Après l'effondrement de l'Empire et l'établissement de la Troisième République bourgeoise et pudibonde, la comtesse, veuve et ayant perdu prématurément son fils légitime mort de la variole, est devenue inutile et vit dans un monde qui ne lui ressemble plus.
Dans les années 1880, esclave de son image et ne supportant pas de vieillir, elle souffre de neurasthénie et misanthropie. Elle se terre à l'abri des miroirs qu'elle a fait voiler dans son appartement parisien qu'elle loue 26 place Vendôme puis en 1893, 14 rue Cambon où elle sombre dans l'anonymat et le dénuement. Elle ne sort plus qu'à la nuit tombée, pour ne pas être confrontée au regard que les passants pourraient porter sur les ravages que le temps, d'après elle, a fait subir à sa beauté. Elle décède en 1899, à l'âge de 62 ans, aux côtés des dépouilles empaillées de ses chiens. Le secrétaire d'ambassade italienne à Paris Carlo Sforza accourt pour brûler ses papiers compromettants.
La comtesse de Castiglione, qui fit les beaux jours du Second empire, repose au Cimetière du Père-Lachaise, division 85, 2e ligne, tombe 83. Longtemps à l’abandon, cette tombe a été restaurée pour le centième anniversaire de sa mort grâce au prix Grinzane Cavour et une plaque de marbre, datée du 28 novembre 1999, déposée

Émile Zola, Son Excellence Eugène Rougon, publié en 1876. À travers le récit de la carrière politique d’Eugène Rougon inspiré d’Eugène Rouher, Zola, dans Son Excellence Eugène Rougon publié en 1876, met en scène divers personnages de l'entourage de Napoléon III, dont la Castiglione qui fut évidemment le modèle du personnage de Clorinde.

Film

La comtesse de Castiglione, de Josée Dayan, avec Jeanne Moreau. Première diffusion : 27 juin 2009 sur France 2.
La comtesse de Castiglione, 1953, film de Georges Combr


Voici la fin de vie de cette femme, adulée et oubliée, telle que racontée par Alain Decaux qui nous dévoile des pages très riches du Journal intime de la comtesse :

La folle de la Place Vendôme, Récit d'Alain decaux.

Durant les dernières quinze années du XIX° siècle, la place Vendôme fut presque chaque soir, le théâtre d'un étrange spectacle : la nuit tombée, la porte du 26 bis s'entrouvait. Une femme entièrement vêtue de noir, voilée, tirée par un ou deux chiens - généralement hideux - en sortait, s'arrêtait sur le seuil, jetait autour d'elle un regard méfiant, puis, si la route apparaissait libre, semblait se décider, refermait la porte derrière elle et s'avançait à petit pas. Elle allait, gagnant les arcades de la rue de Castiglione, puis s'engageant sous celles de la rue de Rivoli.

Elle continuait à inspecter, de dessous ses voiles épais, les alentours, Elle paraissait craindre on ne sait quoi, on ne sait qui. S'il survenait un passant dont le visage ou l'allure lui déplaisait, vite, elle s'engouffrait sous une porte cochère et, haletante, attendait que l'intrus fût passé.

Elle qui semblait tenir tant à son incognito, avait fini par devenir une attraction de quartier. Et même les enfants pouvaient nommer, avec un rire moqueur, la comtesse de Castiglione ...

La promenade reprenait. La femme voilée, marchait durant des heures, elle rentrait, lorsque l'aube, au-dessus des toits, dissipait ces ténèbres qu'elle exigeait autour d'elle.

La femme qu'elle était devenue, celle dont elle écrivait qu'elle était " laide à faire peur ", celle à qui manquaient toutes ses dents, refusait de la montrer aux passants; elle ne voulait pas non plus voir elle-même " touché par le temps, le visage qu'elle avait adoré ".

Malgré ses domaines qui valaient un million et à côté de ses bijoux qui en valaient autant, elle se croyait ruinée. De temps en temps, elle recevait d'Italie un peu d'argent qu'elle consacrait à régler des dettes criardes. Le roi Humbert continuait à lui servir la petite pension qu'avait fondée pour elle Victor-Emmanuel.

Les Rothschild qui, de bonne foi, la croyaient misérable, lui donnaient de petits secours; ceux-ci s'ajoutaient à une pension mensuelle de cent francs qu'elle allait chercher elle-même chaque fin de mois chez le baron Alphonse. En revanche, elle oubliait souvent de toucher la pension de deux mille francs par mois que continuait à lui verser le gouvernement italien.
La maladie - ou les maladies - dont elle souffrait l'accablaient cruellement, Elle demeurait la plupart du temps dans son lit aux draps de soie noire.

Elle écrivait là, toujours, d'innombrables lettres dont la majeure partie allait s'enfouir au château de Baromesnil, chez Estancelin; elle les écrivait au crayon parce qu'elle voulait en conserver des copies. Seul le crayon lui permettait d'utiliser un papier carbone.

Le moindre sujet était prétexte à d'infinis développements, où son esprit s'égarait. Ses luttes avec son propriétaire, avec ses voisins, devenaient sous la mine de son crayon de petites apocalypses. Elle revenait sur son passé, inlassablement, écorchant les noms, mêlant les dates et travestissant les faits.

Le soir venu, elle se levait, s'habillait, se voilait et partait dans la nuit, étrange " folle de la place Vendôme ", à la rencontre de l'inaccessible ...

Lorsque mourut son propriétaire, M. Demonjay, le joaillier Boucheron, qui s'était rendu possesseur du rez-de-chaussée, offrit à la comtesse trente à quarante mille francs si elle acceptait de quitter rapidement son entresol avant l'expiration de son bail. Elle refusa mais l'heure vint où, légalement, elle fut obligée de quitter les lieux.

Il lui fallait trouver un autre logis. Ce qui, curieusement, lui importait le plus, c'était de ne pas quitter ce quartier. Depuis longtemps, elle faisait venir ses repas du restaurant voisin, rue Cambon. Au maître d'hôtel, elle dit sa détresse. Il lui proposa un petit logement au-dessus du restaurant : deux ou trois chambres sans lumière et sans air. Sans chercher plus avant, les yeux fermés, elle accepta.

Un dimanche - le 15 janvier 1894 - elle vint s'installer rue Cambon, au n° 14. La tristesse du lieu la frappa : " une basse-cour" dit-elle. Elle était devenue indifférente à tout. Elle écrivit :" Je ne demande qu'à un lit, la paix, le silence, et puis, à la grâce de Dieu, car ce n'est pas le logement qui change, c'est ma vie ..."

Elle voyait mourir, l'un après l'autre, tous les témoins de sa jeunesse. Napoléon et Victor~Emmanuel n'étaient plus. Ni Poniatowski, ni La Tour d'Auvergne ... Lorsque mourut Laffitte, elle écrivit : « C'est un ami de plus à rejoindre bientôt. Que fais-je, ici, encore? Je n'ai plus rien, ni personne, de ce et de ceux que j'ai eus à moi ou pour moi, depuis mon enfance ... »

Par deux fois, elle avait fait le pèlerinage de Passy et, chaque fois, en une douloureuse circonstance : successivement le docteur Blanche et Mme Delessert avaient quitté cette terre.

Au cimetière, lorsqu'on avait mis en terre le docteur Blanche, elle était venue jeter des fleurs sur le cercueil et elle était allée embrasser le « petit Jacques » qui commençait à se faire un nom en peinture. Quelle n'avait pas été la stupéfaction de Jacques-Émile Blanche de s'entendre demander par la vieille amie de son père un rendez-vous! Elle se croyait, disait-elle, " encore à même, dans un certain éclairage, d'offrir quelques vestiges de sa splendeur ". Elle demandait au jeune peintre de faire son portrait l

De cette ultime exigence de la comtesse, naquirent les deux admirables études où le peintre a su, avec tant de vérité, évoquer la silhouette désespérée de cette "petite vieille inconsolable de sa beauté et de son règne abolis".

Le mois de novembre 1899 la trouva très mal. Bien des années auparavant elle avait écrit :" Le mois de novembre m'a toujours été fatal. Il finira par m'être funeste ..."

Estancelin, très inquiet, s'informa auprès du docteur Hugenschmidt. Celui-ci ne put le rassurer :" Le pronostic est assez sombre, expliqua-t-il... Un déplacement de la colonne vertébrale qui peut survenir à l'occasion d'un brusque mouvement peut amener à tout instant, soit une paralysie de la moitié inférieure du corps, ou la mort subite. Son amaigrissement rapide, survenu depuis quelques mois, malgré une suralimentation quoiqu'elle prétende ne rien manger est très défavorable ... "

Dans la nuit du 28 au 29 novembre 1899, en présence de sa vieille servante Luisa Corsi, et de garçons du restaurant voisin, Virginia de Castiglione s'éteignit doucement. L'un des assistants écrivit quelques heures plus tard à Estancelin : " La pauvre comtesse est morte, cette nuit, des suites d'une apoplexie cérébrale qui l'a frappée, dimanche, à deux heures, et qui a été aggravée d'une paralysie du côté gauche ... Elle s'est éteinte, très doucement, cette nuit, à trois heures trente minutes. Elle m'avait encore reconnu à onze heures, et je crois que, vers trois heures, son regard s'est posé la dernière fois, lassé, sur ceux présents ... "

Elle avait exigé, autour de sa mort, le silence. Elle fut obéie. Seuls les enfants du quartier de la place Vendôme surent qu'était morte la comtesse de Castiglione. On ouvrit ses placards. Les accessoires de cotillon qui les encombraient furent distribués aux enfants. La jeune place Vendôme joua pendant deux jours avec les vestiges des Tuileries.

Aux obsèques de la comtesse, dans le caveau de la Madeleine, il n'y eut que des domestiques silencieux et, seuls, deux anciens amis, informés par hasard : le vieux duc de Vallombrosa, et l'agent de change Meyrargues. Par le défaut de toute parenté, un avoué, Me Guillaume Desouches, s'était occupé de tout.

Qu'était-il advenu des derniers désirs et des dernières volontés de Virginia? On avait omis de la revêtir de la chemise de nuit de Compiègne ; on s'était gardé de lui passer autour du cou et aux bras des perles et des bracelets qui valaient une fortune.

Elle avait rêvé de reposer à La Spezia. Parfois son imagination lui avait fait édifier en songe une tombe à la frontière de l'Italie et de la France, ces deux pays objets de ses ambitions et de ses illusions politiques : une tombe de marbre blanc, Une épitaphe écarlate devrait rappeler aux générations à venir que là gisait la plus belle femme de son siècle ... D'autres jours, elle avait parlé du cimetière de Passy.

Ce fut au Père-Lachaise que la conduisit son dernier voyage. Sa tombe - une triste pierre de granit - solitaire, oubliée, s'y peut encore découvrir; mais il ne se trouve jamais personne pour en demander l'emplacement aux gardiens. La dalle même est nue; les caractères de l'inscription sont effacés.

" Vous qui fûtes la grâce ou qui fûtes la gloire, nul ne vous reconnaît ..." (Baudelaire.)

L'expression est de M. André Maurois.

Source: Alain Decaux, La Castiglione, dans H, Paris, Le Cercle Historia, 1965,

Liens
http://youtu.be/dPSO1Lh8_iw La Castiglione
http://youtu.be/4dmT0ZB02CY La comtesse de Castiglione (Film complet)
http://youtu.be/ZGRLtuXfIIw Oh ma belle Italie Castiglione Paul Durand suite pour orchestre

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Posté le : 22/03/2014 22:29
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Re: Apocalypse
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Nous sommes dans le même cas de figure avec un homme politique particulièrement dangereux, : Poutine, ancien du KGB, nourrit d'un autoritarisme sans réplique et pour qui la vie humaine n'a que peu de prix, il à tué ou fait tué tous ses contradicteurs, ce dictateur ronge son frein avec haine il n'a jamais accepté la perte de la puissance de l'URSS et du pouvoir qu'il en tirait.
Depuis qu'il est au pouvoir il n'a eut de cesse d'exciter le désir de revanche, le rêve de reconquête des russes qui se sentent dépossédés de leur aura de " grande puissance ".
Il a en peu de temps fait la guerre à la Georgie, asservit la Tchchetnie, dés qu'une opposition se dessine il tire sans état d'âme :
mort des milliers de Tchéchenes, de Georgiens, Mikhaïl Khodorkovski, Kasparov, Alexeï Navalny, Anna Politkovskaïa ,Boris Berezovski, Alexandre Litvinenko, empoisonné au polonium 210 ... et tant d'autres
Ce fou rouvre les camps, le goulag, Il est comme Hitler dans les années 35. Je suis effrayée par le manque de jugement des politiques qui l'entoure.
Et pendant ce temps on s'amuse au jeu des alliances

Posté le : 22/03/2014 22:18
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Plantu
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Le 23 mars 1951 à Paris naît Jean Plantureux, dit Plantu dessinateur de presse et

caricaturiste français.

Plantu est un être étrange. Il ne peut ouvrir un livre sans que les images lui sautent à la tête. "C'est vrai, le mot porte, le mot est lui-même un dessin. Les images m'obsèdent." Et d'illustrer séance tenante en trois coups de crayon un long passage de La recherche sur un rai de lumière passant sous la porte d'une chambre d'hôtel. Au bout du raisonnement, il y a ces curieux hiéroglyphes, nouveau langage stylisé, qu'il s'amuse à imaginer pour raconter aux générations futures la politique d'aujourd'hui.
Dans l'immédiat, Plantu, éternel metteur en scène, se fait son propre théâtre où les jeux de mots - chers à son père - sont indissociables des jeux de signes. Tout son génie est là: la malice du croisement des évènements, la figuration en un coup d'oeil de la complexité. Dessinées au jour le jour, ses images finissent par raconter une histoire. Chaque année, un album vient nous le rappeler. Sélection des meilleurs dessins du Monde et de L'Express, le cru 1995, Magic Chirac, est un merveilleux antidote à la mémoire courte: chronique d'une campagne présidentielle à rebondissements, il est - notamment - le témoin gênant de toutes les compromissions d'une nation et de ses dirigeants. Plantu n'a rien d'un antiparlementariste primaire. Tout au contraire, il avoue admirer le métier d'homme politique. Mais plus que tout, ce mélomane averti aurait aimé être un compositeur. A défaut, il plaque quelques accords sur sa guitare. Un adolescent, vous dis-je.

Jeunesse

Jean Plantureux a suivi sa scolarité au Lycée Henri-IV et a obtenu son baccalauréat en 1969.
Alors qu’il souhaite étudier le théâtre ou la bande dessinée, ses parents l'inscrivent dans une école de médecine. Deux ans plus tard, en 1971, il se rend à Bruxelles pour suivre les cours de dessin de l'école Saint-Luc.

Débuts dans le dessin de presse

De retour à Paris, Plantu propose ses dessins à plusieurs quotidiens avant d'être engagé au journal Le Monde. Le 1er octobre 1972, Bernard Lauzanne, rédacteur en chef du quotidien, publie le premier dessin de Plantu, consacré à la guerre du Viêt Nam. En 1974, Claude Julien, directeur du Monde diplomatique, sollicite Plantu pour publier ses dessins sur des sujets du Tiers-Monde dans son journal.
Plantu entame en 1980 une collaboration avec le journal Phosphore, pour lequel il dessinera jusqu'en 1986.
En 1982, André Laurens, directeur du Monde, et Claude Lamotte, rédacteur en chef, demandent à Plantu un dessin chaque samedi, publié en Une du quotidien.
Plantu participe jusqu'en septembre 1987 à l'émission de Michel Polac, Droit de réponse, diffusée sur TF1.
En 1985, le directeur de la publication du Monde, André Fontaine, impose la quotidienneté des dessins de Plantu en Une pour, selon lui, rendre sa place à la tradition française des dessins politiques .

Reconnaissance internationale

Plantu obtient en 1988 le prix Mumm pour son dessin Gordji chez le juge, et le prix de l'humour noir en 1989. Il collabore depuis 1991 à l'hebdomadaire L'Express qui lui consacre chaque semaine l'intégralité de sa troisième page.
Plantu fait la rencontre de Yasser Arafat en 1990 lors d'une exposition de ses dessins à Tunis, et le fait réagir à ses dessins. Ce dernier dessine lui même l'étoile de David du drapeau israélien sur un dessin de Plantu, le colorie et le signe. Plantu reçoit peu après le prix du document rare au festival du scoop d'Angers.
En 1992, Plantu se rend à Jérusalem et fait la rencontre du ministre des affaires étrangères israélien, Shimon Pérès. Ce dernier signe un de ses dessins auparavant signé par le numéro un de l'OLP. Pour la première fois, les signatures des deux parties en conflit sont apposées sur un même document, un an avant l'entérinement des Accords d'Oslo. À Amman, Plantu fait réagir le Président de la République française François Mitterrand et le roi Hussein de Jordanie lors d'une conférence de presse sur un de ses dessins sur le Proche-Orient.
Depuis 2006, avec l’aide du Prix Nobel de la Paix et ancien Secrétaire général de l’ONU Kofi Annan, Cartooning for peace présidée par Plantu, rassemble des dessinateurs de presse internationaux afin de défendre la liberté d’expression dans le monde entier.
En décembre 2010, Cartooning for Peace reçoit pour son action, le prix Doha Capitale Culturelle Arabe d'une valeur de 10 000 euros décerné par l’ambassadeur du Qatar, Mohamed Al Kuwari. Dans son discours de remerciement, Plantu déclare :
"Aujourd’hui, il est de plus en plus difficile d’exprimer une opinion personnelle et Doha a montré à quel point les relations entre le monde occidental et le monde musulman sont riches de rencontres. Plus nous aurons l’occasion d’organiser ces rencontres avec des dessinateurs de presse, plus nous apprendrons sur la culture des autres."
En 2010, Plantu obtient le 1er prix du 10e Concours international du dessin éditorial du Comité canadien de la liberté de la presse avec son dessin de Mahomet " Je ne dois pas dessiner " et en février 2011, il remporte le 2e prix du XIIIe Porto Cartoon World Festival pour son dessin sur l’expulsion des Roms.
En avril 2013, Plantu reçoit le prix Markiezenaward pour l’ensemble de sa carrière, décerné par la FECO Hollande et le Dutch Cartoon Festival.
En septembre 2013, Plantu reçoit le diplôme Honoris Causa de l'Université de Liège en Belgique.

Plantu, le trait et la politique

Son dessin est plus redoutable que bien des analyses. Tous les jours il fait la une du Monde sans que sa modestie en souffre.

Tout est dans le ton. Un ton qui respire la modestie. Plantu n'a pas la grosse tête et tient, semble-t-il, à le faire savoir en en rajoutant un peu dans le registre "Je n'ai aucune formation, je suis un autodidacte, mes dessins ne sont pas une fin en soi mais un point de passage vers le texte, je suis au service du journal...". Exprimées avec une telle humilité, les activités extraordinaires de cet homme être à la une du Monde tous les jours, faire trembler les politiciens les plus aguerris prennent un caractère des plus banal. Aussi précise-t-il qu'il fait l'objet de thèses à la Sorbonne comme d'autres s'enorgueillissent d'être allés parler à l'école primaire de leur quartier. Seule entorse à ce "nivellement", la rencontre avec Arafat. Là, même lui, l'effacé, le tranquille Plantu, n'en revient pas: "C'était en 1990, je faisais une exposition à Tunis. Le soir à mon hôtel, coup de téléphone, Arafat souhaitait me voir, j'ai d'abord cru à une blague. Puis on m'a fait traverser la ville avec quelques hommes baraqués bardés de kalachnikovs, tous feux éteints. C'était incroyable, j'ai discuté la nuit entière avec le chef de l'OLP. Il me parlait de mes dessins tout en me faisant des tartines de miel." Trois mois plus tard, Plantu revient avec une équipe de télévision et se produit alors l'inimaginable: Arafat, qui n'a jamais jusque-là reconnu l'Etat d'Israël, dessine tout: le drapeau israélien, les deux territoires, la reconnaissance du peuple d'Israël. Crayon en main, le maître de la langue de bois perd sa carapace. Comme si le dessin ne supportait pas le mensonge.

Le moment est d'autant plus fort aux yeux du dessinateur français que les événements du tiers monde l'ont toujours passionné. Clin d'oeil au passé? C'est justement une autre déchirure internationale, le conflit vietnamien, qui, en 1972, lors de la conférence de Paris, lui fait vendre son premier dessin au Monde: une colombe de la paix. Voilà alors deux ans que le jeune Jean Plantureux tire les sonnettes de toutes les rédactions, au risque - bien connu des débutants - de l'humiliation: "Lorsque j'ai présenté mes dessins à Pilote, le rédacteur en chef s'est retourné vers un grand casier où étaient entassés Lucky Luke, Goscinny, et m'a dit: ''Vous voyez ce que l'on fait, vous voyez ce que vous faites! " C'était traumatisant, ma fiancée m'a ramassé à la petite cuillère." Intéressé par la BD, après deux années de médecine infructueuses, ce grand admirateur de Sempé, de Reiser et de Charlie-Hebdo avait fait le voyage à Bruxelles. Mais il ne supporte pas de voir sa femme subvenir seule à leurs besoins. Retour à Paris, direction... les Galeries Lafayette. Vendeur le jour, dessinateur la nuit, il place de plus en plus de dessins auprès de Bonne Soirée, Pariscope, Vingt Ans, Poster Magazine, 30 Jours d'Europe, Génération, l'ancêtre de L'Etudiant ... Le Canard enchaîné fait alors autorité; il y collabore un an, mais n'apprécie guère l'atmosphère de bizutage permanent qui y règne: "Ils avaient un côté anar conventionnel, le scandale était impératif où qu'on soit, à la radio, lors d'une expo. Sans le savoir, je rêvais déjà d'un dessinateur de presse qui serait plus journaliste qu'artiste."

C'est définitivement chose faite en 1985, après treize ans de bonnes et loyales piges: André Fontaine, le nouveau directeur du Monde, l'a décidé, il ne quittera plus la une. Paradoxalement, c'est à ce moment qu'il ne dessine plus au journal même. "A la faveur" d'une grave maladie, il envoie ses dessins de l'hôpital puis de chez lui où il jouit d'une grande tranquillité. Installé dans un studio à Belleville dûment appareillé en Fax et autres photocopieuses, à deux pas de son appartement familial, il entame chaque matin une véritable course contre la montre émaillée de longs coups de fil avec la rédaction en chef: "A 8h30, on me dit C'est la Bosnie, à 9 heures, le plan Juppé, et à 9 h15 la baisse du franc. Alors que je dois envoyer mon brouillon à 10 heures! La baisse du franc, c'est une catastrophe. Entendons-nous, dessiner sur ce thème. Bon, il ne me reste plus que trois quarts d'heure pour peaufiner mon dessin. J'aimerais avoir un peu plus de recul, certains matins je prends dix ans." Gageons qu'il les reperd l'après-midi tant, à 44 ans, il a gardé un physique d'éternel adolescent. C'est d'ailleurs avec des airs de gamin satisfait qu'il nous montre ses derniers jouets: un toboggan de bois chevauché par Chirac, Jospin et Balladur, des figurines de Mitterrand et Chirac, un hommage aux 50 ans du Monde en carton, Placoplâtre et argile ... "Oui, contrairement à ce qu'on pense, moi je serais plus le manuel, l'intellectuelle, c'est ma femme. Elle dévore tous les livres, j'avoue avoir du mal à l'imiter." On croirait entendre l'inspecteur Colombo.

Sur Plantu

Rémi Pézerat, La signification politique des dessins de Plantu (1972-2000). Thèse de doctorat de l'Université de Nancy (2002), http://cyberdoc.univ-nancy2.fr/htdocs ... t/doc145/2002NAN20011.pdf

Ventes aux enchères

C'est du jamais vu. Un dessin de presse de Plantu a été cédé à 13 000 euros lors d'une vente aux enchères, mercredi, à Paris. "13 000 euros, c'est un record mondial pour un dessin de Plantu", s'enthousiasme la représentante de la maison d'enchères Piasa qui organisait la vente à laquelle "beaucoup de collectionneurs internationaux, notamment américains" ont participé.

Le dessin représente François Hollande en 2CV, arborant une banderole "Just President" et traînant des casseroles bruyantes sous l'oeil jaloux de Nicolas Sarkozy. Les bénéfices de la vente ont été reversés à l'association Cartooning for Peace/Dessins pour la Paix.

Plus de 150 dessins originaux de Plantu autour de 40 ans de présidentielles, de 1974 à 2012, étaient ainsi mis en vente au profit de l'association, créée en 2006 par Plantu et le secrétaire général de l'ONU Kofi Annan, au lendemain de la polémique déclenchée par la publication de caricatures de Mahomet par un journal danois.

Plantu a croqué avec humour et insolence pendant ces 40 ans les principaux acteurs du monde politique, de Mitterrand à Hollande, en passant par Sarkozy, VGE, Chirac, Balladur, Jospin, Ségolène Royal, Le Pen ou DSK.

Et, également mis en vente huit sculptures caricaturales de Plantu représentant entre autres François Mitterrand, Nicolas Sarkozy, Jean-Pierre Raffarin ou la petite souris née sous sa plume en 1995 pour protester contre le licenciement de dessinateurs du Monde. Le montant de l'ensemble de la vente tourne "autour de 160 000" euros.

Il est devenu une institution. Ses dessins à la Une du Monde et en ouverture de L'Express, célèbres par leur ironie, leur mordant et leur justesse, sont désormais des rendez-vous à ne pas manquer. En quelques coups de crayon, ils expriment l'essentiel de l'actualité du jour ou de la semaine. Ce dessinateur-journaliste, à qui rien n'échappe, vient notamment de publier au Seuil Le Nouveau Petit Chirac illustré. A lire de toute urgence à la veille de ce second tour.

Reconnaissance en France

En 1995, la nouvelle maquette du Monde empêche désormais d'avoir le choix du sujet de ses dessins. Il se soumet au choix du directeur de la rédaction, Edwy Plenel, en fonction de la Une.
Il fait exposer à la Cour de cassation de Paris ses originaux et sculptures sur la justice en 1996, et reçoit la même année le prix international Gat Perich de la caricature. Une mise aux enchères de ses œuvres est organisée peu de temps après à l'Hôtel Drouot à Paris.
En 1998, La Poste émet un timbre illustré par Plantu en hommage à l'ONG Médecins sans frontières, tiré à 8 millions d'exemplaires et vendu trois francs. L'UNESCO publie la même année plusieurs dizaines de portfolios de dessins de Plantu en langues étrangères, en l'honneur du cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. En 2005, La Poste fait à nouveau appel au dessinateur pour l'émission hors programme sur le 60e anniversaire de la libération des camps de concentration, émis le 24 avril 2005, jour du souvenir des déportés en France.
Une polémique éclate en septembre 2000 au sujet de l'un de ses dessins avec le président de la République française et Marianne, à l'occasion de la soirée du référendum sur France 2. Le dessin met en scène une Marianne assoupie, prise en levrette par le président Jacques Chirac s'interrogeant C'est pas vrai qu'elle dort ???, dans un contexte judiciaire tendu : la Cour de cassation vient de statuer sur l'immunité d'un président en exercice, en référence à l'affaire des malversations et emplois fictifs du RPR des années 1990.
Depuis 1991, il collabore avec l'hebdomadaire L'Express et publie un dessin par semaine.
Plantu fête en 2002 ses 54 800 dessins publiés et les 30 ans de sa collaboration avec Le Monde.
Son œuvre fait l'objet de nombreuses expositions, en 2008 elle est présentée au musée Yves Brayer5 avec l'exposition Daumier Plantu aux Baux-de-Provence.
En 2009, une autre polémique éclate à propos d'un dessin de Plantu dans lequel le Christ distribue des préservatifs à une mer d'africains.
En octobre 2012, Le Monde publie un numéro spécial entièrement illustré par Plantu en hommage à ses 40 ans de collaboration et ses 19 000 dessins publiés.
Depuis décembre 2012, Plantu et Cartooning for Peace coordonnent chaque semaine dans Le Monde une page de dessins de presse illustrée par des dessinateurs du monde entier sur un sujet d'actualité.
Éditeur, 1979

Bibliographie

Recueils de dessins de Plantu

Plantu, Sarko, sors de ce corps !!, Éditions du Seuil, 2013 ISBN 978-2-02-113488-9
Plantu, La Pépère-mobile, Éditions du Seuil, 2012 ISBN 978-2-02-109200-4
Plantu, On a marché sur les urnes - Présidentielle 2012, Éditions du Seuil, 2012 ISBN 978-2-02-107378-2
Plantu, Les conseils de tonton DSK, Éditions du Seuil, 2011 ISBN 978-2-02-106170-3
Plantu, Les figures de style illustrées par des dessins Plantu, Éditions Hatier, 2011 ISBN 978-2-218-94960-9
Plantu, Drôle de peuple - Komisches Volk! Dessins sur l'Allemagne - Politische Karikaturen zu Deutschland. Édité et commenté par Walther Fekl, Schaltzeit Verlag, Berlin 2011, ISBN 978-3-941362-11-6
Plantu, Tête de Gondole, Éditions du Seuil, 2010 ISBN 978-2-02-103477-6
Plantu, Bas les masques ! Éditions du Seuil, 2009 ISBN 978-2-02-100411-3
Plantu, Le Best of Sarko, Éditions Points, 2009 ISBN 978-2-7578-1093-4
Plantu, Un boulevard pour Sarko, Éditions du Seuil, 2008 ISBN 978-2-02-098445-4
Petite histoire de la chute du communisme illustrée par Plantu, Éditions du rocher, 2008 ISBN 978-2-268-06682-0
Plantu, Racaille Le Rouge, Éditions du Seuil, 2007 ISBN 978-2-02-096599-6
La présidentielle 2007 vue par Plantu, Éditions du Seuil, 2007 ISBN 978-2-02-094347-5
Plantu, Je ne dois pas dessiner..., Éditions du Seuil, 2006 ISBN 2-02-090284-3
Plantu, A quoi ça rime ? Éditions du Seuil, 2005 ISBN 2-02-084751-5
Plantu, Ils pourraient dire merci, Éditions du Seuil, 2004 ISBN 2-02-062846-5
Plantu sculpture et dessin, Éditions des musées de la Ville de Paris, 2003 ISBN 2-87900-556-6
Plantu, La France à la baguette, Éditions du Seuil, 2002 ISBN 2-02-056775-X
Plantu, Le petit écologiste illustré, Éditions du Seuil, 2002 ISBN 2-02-052409-0
Plantu, Le troisième homme illustré, Éditions du Seuil, 2002 ISBN 2-02-052410-4
Plantu, Le petit Jospin illustré, Éditions du Seuil, 2002 ISBN 2-02-052408-2
Plantu, Le nouveau petit Chirac illustré, Éditions du Seuil, 2002 ISBN 2-02-052407-4
Plantu, Wanted, Éditions du Seuil, 2001 ISBN 2-02-051907-
Plantu, Cassettes mensonges et vidéo, Éditions du Seuil, 2000 ISBN 2-02-047444-1
Plantu, L'année 1999, Éditions du Seuil, 1999 ISBN 2-02-038696-8
Plantu, Le petit juge illustré, Éditions du Seuil, 1999 ISBN 2-02-037604-0
Plantu, Pas de photos ! Le Monde Éditions, 1997 ISBN 2-87899-157-5
Plantu, Les années vaches folles, Le Monde Éditions, 1996 ISBN 2-87899-136-2
Plantu, Magic Chirac, Le Monde Éditions, 1996 ISBN 2-87899-112-5
Plantu, Le petit raciste illustré, Éditions du Seuil, 1995 ISBN 2-02-023162-X
Plantu, Le petit Chirac et Le petit Balladur illustré, Éditions du Seuil, 1995 ISBN 2-02-023160-3
Plantu, Le petit Mitterrand illustré, Éditions du Seuil, 1995 ISBN 2-02-023159-X
Plantu, Le petit communiste illustré, Éditions du Seuil, 1995 ISBN 2-02-023163-8
Plantu, Le pire est derrière nous, Le Monde Éditions, 1995 ISBN 2-87899-097-8
Plantu, Cohabitation à l'eau de rose, Le Monde Éditions, 1993 ISBN 2-87899-076-5
Impressions japonaises, Éditions Denoël, 1993 (ISBN 2-207-24154-8
Plantu, Le douanier se fait la malle, Le Monde Éditions, 1992 ISBN 2-87899-044-7
Plantu, Le président hip-hop ! Le Monde Éditions, 1991 ISBN 2-87899-034-X
Plantu, Reproche-Orient, Le Monde Éditions, 1991ISBN 2-87899-021-8
Plantu, Ici Maastricht ! les européens parlent aux européens ! Le Monde, 1991
Plantu, Un vague souvenir, Le Monde Éditions, 1990 ISBN 2-87899-009-9
Plantu, C'est la lutte finale, Éditions La Découverte / Le Monde, 1990 ISBN 2-7071-1946-6
Plantu, Des fourmis dans les jambes, Le Monde, 1989
Plantu, Ouverture en bémol, Éditions La Découverte / Le Monde, 1988 ISBN 2-7071-1794-3
Plantu, Wolfgang, tu feras informatique ! Éditions La Découverte / Le Monde, 1988 ISBN 2-7071-1750-1
Plantu, A la soupe ! Éditions La Découverte / Le Monde, 1987 ISBN 2-7071-1728-5
Plantu, Ça manque de femmes ! Éditions La Découverte / Le Monde, 1986 ISBN 2-7071-1653-X
Plantu, Bonne année pour tous ! Éditions La Découverte / Le Monde, 1985 ISBN 2-7071-1569-X
Plantu, Les cours du caoutchouc sont trop élastiques ! Éditions La Découverte, 1984 ISBN 2-7071-1322-0
Plantu, Pas nette la planète ! Éditions La Découverte / Le Monde, 1984 ISBN 2-7071-1495-2
Plantu, C'est le goulag ! Éditions La Découverte / Le Monde, 1984 ISBN 2-7071-1435-9
Plantu, Politik look, Éditions Le Centurion / Phosphore, 1984 ISBN 2-227-00210-
Plantu, Pauvres chéris, Éditions Le Centurion, 1984 ISBN 2-227-00202-6
Plantu, La démocratie ? Parlons-en ! Alain Moreau Éditeur, 1979
Plantu Le royaume d'Économia, textes de Grymfort, Éditions S.A., 1978

Liens
http://youtu.be/YODdfx7nHBk Plantu face à Finkielraut
http://youtu.be/J_9VL_FTEGE La liberté des journalistes
http://youtu.be/jRmZBwbyX6k Plantu par Plantu
http://youtu.be/lW6ICYieLGM Dessins de Plantu
http://youtu.be/NUa91ON55n0 Plantu Mes dessins pour la liberté.

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Posté le : 22/03/2014 21:53
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Erich Fromm
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Le 23 mars 1900, à Francfort naît Erich Fromm,

psychanalyste humaniste américain d'origine juive allemande, mort à 79 ans , à Locarno le 18 mars 1980.
Il est avec Adorno, Herbert Marcuse et d'autres, un des premiers représentants de l'École de Francfort. Il a greffé, d'une façon critique et originale qui lui est propre, la thèse freudienne sur la réalité sociale qui s'est fait jour dans l'après-guerre.


Par ailleurs, Erich Fromm fut l'un des premiers penseurs du xxe siècle à parler de l'idée d'un Revenu de base inconditionnel.
Psychanalyste américain d'origine allemand, Associé aux recherches de l'École de Francfort, il essaya de concilier Marx et Freud. Il s'efforça d'intégrer les facteurs socio-économiques au déterminisme des névroses. Il est considéré comme l'un des représentants, avec K. Horney, de la tendance culturaliste de la psychanalyse. Erich Fromm étudia la sociologie à Heidelberg, à Francfort et à Munich : il s'initia à la psychanalyse à l'université de Munich et auprès de l'Institut de psychanalyse de Berlin de 1923 à 1925. Il fut analysé par Hanns Sachs. À Berlin, il admire les travaux de G. Groddeck, qui n'est pas accepté par la communauté analytique de l'époque. Psychanalyste d'obédience freudienne pendant une dizaine d'années, il évolue peu à peu en dehors de ce courant traditionnel et développe, sous la bannière de Rank et de Marx, une critique qui va dans le sens d'une analyse socialiste marxisante. Membre, avec T. Adorno, G. Lukács et M. Horkheimer, de l'École de Francfort, il élabore une conception de la liberté humaine qui, encore implicite dans la théorie freudienne, intègre la psychanalyse dans la pensée sociale contemporaine, laquelle fait à la perspective socio-politique une place plus importante qu'à la perspective clinique. Il est un des premiers psychanalystes à mettre au jour les implications morales des idées psychanalytiques. Installé aux États-Unis en 1933, il travaille avec K. Horney, A. Adler, H. S. Sullivan et se révèle écrivain prolifique et critique forcené des théories de Freud ; il analyse Clara Thompson et David Riesman, mais s'attire l'animosité des représentants de la psychanalyse freudienne, aux yeux desquels les travaux de Fromm souffrent de ce que leur auteur n'a pas connu personnellement Freud. Dans sa pratique culturaliste de la psychanalyse Fromm reproche à ce dernier ses conceptions touchant la nature éternelle de l'homme et l'universalité du complexe d'Œdipe. Il établit un parallèle entre les rapports œdipiens envisagés par Freud et les relations économiques dans la société capitaliste. Au concept freudien de caractère anal, il substitue celui de caractère autoritaire, qui désigne une attitude spirituelle autonome n'ayant pas de base dans le corps. Ainsi, dépouillée du matérialisme que constitue un tel ancrage corporel, la psychanalyse chez Fromm et les néo-freudiens redevient ce qu'elle était avant Freud ; une psychologie de l'âme autonome.

Sa vie L'homme et son oeuvre

Erich Fromm est né à Francfort le 23 mars 1900. Il fait ses études en droit, histoire et sociologie à l'université de Heidelberg puis à celle de Munich et enfin des études à l'Institut psychanalytique de Berlin. C'est avec Karl Landauer notamment qu'il contribue à la création de l'Institut psychanalytique de Francfort en 1919. Il est tenté par le sionisme qu'il abandonne au bout de quelques années.
Erich Fromm est un psychanalyste analysé par Frieda Fromm-Reichmann, qui allait devenir sa femme puis Hanns Sachs. Il est analyste depuis 1927. Il fait partie du cercle de la Société psychologique du mercredi de Sigmund Freud. Puis il fréquente le Séminaire des enfants créé par Otto Fenichel en 1924, expression d'un mouvement de freudiens devenus non orthodoxes concernant le groupe des patients à traiter, personnes modestes. Erich Fromm est connu comme un sociologue marxiste ayant fait la conjonction de Karl Marx à Sigmund Freud voir Freudo-marxisme et Humanisme-marxisme. Freud en politique a une approche élitiste de la société et a une vision de l'individu selon la mythologie, en totale indépendance avec le temps présent, avec l'Histoire. Fromm prône l'adaptation de la psychanalyse à la dynamique sociale à partir d'une interprétation humaniste de Marx.
Devenu psychanalyste américain installé en 1934, ses textes persillés de nombreuses références bibliques et ses citations tirées des romantiques allemands témoignent de ses origines juives allemandes. Aux États-Unis, Erich Fromm a enseigné au Bennington College, à l'Université Columbia, puis à l'université du Michigan et à Yale.
Erich Fromm est inséparable de l'école psychodynamique américaine. Il est le chef de file de l'école culturaliste à Chicago. Il fait partie du mouvement de la psychanalyse pragmatique et utilitariste utilisant l'empathie, plutôt opposé à l'intellectualisme européen distanciant. Cette école reprend les concepts du Séminaire des enfants où les problèmes sexuels ne sont plus considérés au centre dynamique des névroses, mais plutôt l'effet que la cause du caractère névrotique, dû aux conditions de vie.
Erich Fromm prend la relève de Karen Horney dans l'école culturaliste américaine qui a délaissé la sexualité au profit de la culture, le passé au profit de l'effet de la situation actuelle. Il s'exprime dans la tendance marxo-freudienne pour catégoriser en sociologue et en psychiatre.
Avant de rejoindre le MRI, Mental Research Institute de l'École de Palo Alto, Erich Fromm agit aussi au Mexique dans le Centre Interculturel de Documentation de Cuernavaca, où a œuvré Ivan Illich et travaillé Paul Watzlawick.
Il participe à l'élaboration des, thérapies systémiques familiales, au sein des thérapies familiales dans la continuité de l'école psychodynamique américaine, sur des prémices cybernétiques, sémiotiques et systémiques des théories de la communication dans l’approche écosystémique.
Il vit au Mexique entre 1949 et 1973, fonde et dirige la Société Mexicaine de Psychanalyse en 1956 et enseigne à l'Université Nationale Autonome du Mexique. Sa retraite d'enseignant est prise en 1965.
Il ajoute à la technique de l'analyse une pratique concernant la connaissance de soi dans le domaine de l'être et l'avoir,voir Dualisme en philosophie qui s'exprime dans le mouvement de la période 1968, hippie dans la biophilie, en plus de la pratique de la thérapie.

Erich Fromm et ses conceptions

Les considérations sur l'inconscient, le complexe d'Œdipe, la libido en structure de la personnalité et le transfert divergent entre Freud et Fromm.
Pour Freud l'inconscient est hérité génétiquement à partir des tout premiers hommes, de façon métaphysique, inconscient, préconscient, conscient — première topique .
Pour Fromm le complexe d'Œdipe et la pulsion de mort ne sont pas universels, ils sont structurés en deuxième topique pour Freud.
Si pour le traitement du patient atteint d'une maladie, Freud écoute en mettant en œuvre les subconscients pendant l'analyse, l'analyste selon lui a pour principe fondamental concernant le transfert de se tenir à l'écart de l'analysé. Ni l'un ni l'autre ne se voient, qu'il y ait la verbalisation du patient ou le silence. Pour Fromm le rapport humain est un face à face d'échange où les signes du corps sont significatifs, autant que les mots, voir Sándor Ferenczi qui embrassait ses patients. L'échange entre les deux personnes existe, l'analyste continue sa prise de connaissance du monde général, la personne qui demande agit avec les conseils de l'analyste pour la résolution de son malaise, de son mal-être existentiel.
Pour Fromm, la part instinctuelle diminue chez l'Homme au profit d'un comportement qui tend à s'individualiser dans la résolution du problème fondamental : l'union-au-monde dans la liberté, liberté positive, freedom to et liberté négative, freedom from, amour et haine, confiance et méfiance, créativité et destructivité.
Fromm a fait une brillante étude sur le phénomène psychologique du nazisme en particulier et de tout totalitarisme en général à partir des idées de peur de la liberté Fear of Freedom et de l'évitement de la liberté Escape from Freedom dans la destructivité, la haine et la surconsommation pour se relier au monde. Fromm a pour fondement la structure patriarcale de la société qui peut s’inverser en matriarcat. Dans l'étiologie sociale, l'union-au-monde d'Erich Fromm peut être reliée au sentiment d'infériorité par le statut social et les conditions de vie selon la psychologie individuelle développée par Alfred Adler.
Fromm se veut clair et intelligible, univoque dans sa communication avec autrui, il s'oppose de ce fait à Jacques Lacan de l'école européenne qui est son congénère et dont le jeu des mots dans des métaphores est associé à l'apport de sens.
Chez Fromm, Avoir ou être, 1978 concept qui provient de son enfance en tant que fils de marchand de vins ayant été tenté par l'étude pure où seul l' être compte, étude du Talmud, la productivité de l'être, a été transformée par le productivisme fordiste américain en avoir disponibles sur l'étalage du supermarché de la performance des thérapies corporelles.
Son ouvrage Société aliénée et société saine, écrit en 1971 est sous-titré Du capitalisme au socialisme humaniste. Psychanalyse de la société contemporaine, ce qui renseigne sur les options politiques qui étaient les siennes. Son testament intellectuel réside dans Espoir et révolution. Vers l'humanisation de la technique, 1981. L'internationalisme est un de ses traits caractéristiques, hors du marxisme installé en politique.

Dans son ouvrage Escape from Freedom, en 1941 ; La Peur de la liberté, trad. C. Janssens, éd. Buchet-Chastel, Paris, 1963, Fromm, traitant de la psychologie sociale, du protestantisme, du capitalisme et de l'autoritarisme, montre que le problème fondamental de la psychologie n'a pas de rapport avec la satisfaction ou la frustration d'une pulsion, mais plutôt avec la relation spécifique de l'individu au monde. Bien que certaines pulsions organiques, telles la faim, la soif, la sexualité, soient communes à tous les hommes, les traits qui différencient les individus, tels la sensualité, l'amour, le désir de puissance ou de soumission, sont des produits des processus sociaux. En essayant de recouvrer la sécurité que lui donnaient les liens primaires infantiles, l'individu tourne le dos à la liberté : sa situation affective est déterminée par les événements sociaux, lesquels sont en fait maintenus, élaborés ou changés par son caractère prédominant. Pour désigner ce processus de fuite de la liberté et le système dans lequel il se déroule, Fromm emploie le terme de marketing, qu'il reprend au vocabulaire de l'économie américaine. La névrose résulte d'un conflit entre les pouvoirs innés de l'homme et les forces qui font obstacle à son développement, ce conflit ne constituant qu'un phénomène secondaire, car l'homme est mû par une pulsion innée d'intégration et de croissance : chacun a le pouvoir de s'adapter au milieu social et de mener une vie productive.

Bien qu'il affirme que sa conception de la psychanalyse est marxiste, Fromm fonde sa théorie sur l'individu, non pas sur la société, dont la structure agit sur la santé de celui-ci. Selon lui, un groupe est formé d'individus seulement : les mécanismes psychologiques que nous trouvons dans un groupe ne sont que les mécanismes opérant chez les individus. Traçant l'histoire des mouvements autoritaires, il considère que les masses manifestent une soumission innée à l'autorité, mais ne fait pas une analyse de cette soumission en termes de classe et n'offre aucune stratégie pour la combattre ; il se borne à défendre la démocratie pratiquée aux États-Unis. Sa thérapeutique sociale et morale n'emprunte à la théorie marxiste que des éléments affadis. De même, dans sa recherche d'une éthique psychanalytique, il s'appuie à la fois sur la planification socialiste et sur l'éducation morale, ce qui le rattache à l'école néo-freudienne de l'egopsychology aux États-Unis.
Redoutant la lutte des classes et refusant la révolution socialiste, il s'en prend à la technologie elle-même, non pas à son utilisation capitaliste.
À propos du marxisme, il écrit : Une véritable doctrine humaniste ne représente pas quelque force travestie et supérieure à l'individu, mais l'expression cohérente de l'ultime affirmation du moi. Toute idéologie qui s'oppose à l'épanouissement complet de l'homme prouve par là même qu'elle n'est que la transposition d'un besoin pathologique.

L'individu, né dans un monde où tout est réglé d'avance et où les conditions et méthodes de travail sont déterminées par la société dans laquelle il se trouve, ne peut pas changer le système social, dont dépendent pourtant ses traits et sa personnalité. Pessimiste sur les possibilités d'une libération humaine, la psychanalyse culturaliste de Fromm en vient donc à concevoir une nature humaine inaltérable. Centrée sur l'adaptation dynamique de l'individu à la société et sur le caractère social du psychisme, cette théorie voit la solution des problèmes humains dans la coopération avec l'autorité rationnelle et dans le rejet de l'autorité irrationnelle. Le but thérapeutique est la réalisation du potentiel humain pour la productivité, la maturité, la liberté et la spontanéité.

Parmi les œuvres principales de Fromm, citons, outre La Peur de la liberté : L'Homme pour lui-même, Man for Himself, 1947 trad. J. Claude, E.S.F., Paris, 1968 ; Société aliénée et société saine, The Sane Society, 1955, trad. J. Claude, Courrier du Livre, Paris, 1971 ; L'Art d'aimer, The Art of Loving, 1956, trad. J. L. Laroche et F. Tcheng, Épi, Paris, 1969 ; Espoir et Révolution, Revolution of Hope, 1970, trad. G. Khoury, Stock, Paris, 1970 ; La Crise de la psychanalyse, The Crisis of Psychoanalysis, 1970, trad. J. R. Ladmiral, Anthropos, Paris, 1971 ; Bouddhisme, zen et psychanalyse, Zen Buddhism and Psychoanalysis, 1971, trad. T. Léger, Presses universitaires de France, Paris, 1971.

Erich Fromm et l'École psychodynamique américaine

Henri Atlan, 1986, "À tort et à raison". "Intercritique de la science et du mythe", Seuil, Paris, 1986.

Commentaires talmudiques d'un médecin microbiologiste contemporain, entre la montagne Sainte-Geneviève à Paris et le mont Scopus à Jérusalem.
Il s'agit des dialogues, dialectiques et dialogiques entre différentes formes de connaissance et différentes façons de connaìtre. La partie 14 est d'un intérêt particulier puisqu'il s'agit d'un essai sur L'opposition Freud-Jung et la scientificité de la psychanalyse qui précède le duel entre André Green et Erich Fromm dans la partie 15 sur Le pari scientifique dans la psychanalyse moderne.
Green est freudien et Fromm est humaniste. Le premier a souci de scientificité et le second se tourne vers la tradition mystique orientale. Pour André Green, la psychanalyse ne peut qu'être scientifique, même s'il s'agit du vécu de l'expérience du transfert et de l'affect dans son intégralité. Pour cela, Green ne peut qu'adopter le paradigme de l'information par la systémique, la cybernétique et la sémiotique pour rendre compte à ce niveau de complexité de l’approche écosystémique.
" … Unir Freud à Marx est conjoindre au noyau de l’homo faber le noyau de la psyché. L'âme est ici la notion protoplasmique, colloïdale où communiquent la nature affective de la vie et la nature psychique de l'homme; c'est la plaque tournante du complexe psycho-affectif. L'âme n'est donc pas une donnée ultime mais un complexe en mouvement difficile à définir. Les deux noyaux constituent comme une bipolarité autour de laquelle s'ordonne le phénomène humain. Ils fondent deux infrastructures, l'une produisant l'outil, l'autre sécrétant le rêve. Ces deux infrastructures dépendent mutuellement l'une de l'autre, se trouvant souvent en communication étrange, mais on ne saurait les réduire l'une à l'autre… "

Edgar Morin, Introduction à une politique de l'homme, Seuil, Paris, 1965.

" Pour Freud comme pour Marx, mais plus explicitement, l'homme est fondamentalement et dialectiquement bon-mauvais. Fondamentalement car l'homme est le sujet d'un conflit radical, et ce conflit est le foyer des progressions comme des régressions, mieux, d'un perpétuel mouvement progressif-régressif. Dialectiquement, le bon peut naître du mauvais, le mauvais du bon. La nature du bon-mauvais est instable, car le moi est instable, formé génétiquement et travaillé constamment, non seulement par l'antagonisme d'Eros et Thanatos, mais aussi par la lutte permanente entre la pulsion et la répression, le Ça et le Surmoi. Les dérivations sublimées des conflits l'art, la culture, la civilisation sont en principe bonnes mais comportent leur poison et leur insuffisance ; les régressions névrotiques et psychotiques sont en principe mauvaises. mais les mécanismes qui se bloquent dans la névrose ne sont-ils pas ceux qui entretiennent la santé de la vie normale ? Le plus remarquable, dans l'axe de l'anthropologie freudienne, est que l'homme mauvais-bon est constitutionnellement névrosé-sain. L'homme vit une situation névrotique permanente qui est la condition de sa santé. Dès l'origine, la conscience de la mort lui est un traumatisme qui le suit toute sa vie, et cristallise la religion comme " névrose obsessionnelle de l'humanité" : dès l'origine, le rapport avec le monde et avec autrui l'amène à doubler son rapport pratique, l'outil, le travail d'un rapport magique le rite, le fétiche, la possession, dès l'origine, la répression fondamentale - le tabou - qui établit la règle sociale, le stabilise et le détraque à la fois et refoule une part torrentueuse de lui-même dans l'imaginaire. Ainsi l'homme social est inadapté à son sort biologique d'être mortel ; l'homme biologique est inadapté à son sort social d'être réprimé. Cette double inadaptation projette l'homme dans les délires, mais en même temps le catapulte dans le devenir.
Herbert Marcuse, Eros et civilisation, Postface, point.
qui a lui aussi mené une lecture marxienne de Freud dans Eros et civilisation, formule un reproche majeur à l'encontre de Fromm.
" Fromm consacre une grande partie de ses écrits à la critique de l'économie de marché et de son idéologie, qui place de fortes barrières sur la voie du développement productif. Mais il en reste là. Ces vues ne conduisent pas à un examen critique des valeurs de la productivité et de la personnalité qui sont exactement les valeurs de la société critiquées."
Michel Onfray, - Conférence Déconstruction de l’analyse freudienne dans le cadre de l'Université populaire de Caen en 2010-2011.
Erich Fromm propose une direction spirituelle du même ordre que celles proposées dans les philosophies antiques où des conseils correspondant à la situation de la personne ayant choisi son philosophe sont donnés.

Å’uvres

Psychanalyse de l'amour
La Crise de la psychanalyse, 1971
Anatomie de l'agressivité humaine, 1975
Fuite hors du réel, 1987
L'Amour de la vie, 1987
Psychanalyse et Religion, 1996
L'Art d'aimer, Erich Fromm ; traduit de l'anglais par J. Laroche et Françoise Tcheng. Paris : Editions Universitaires PsychothèqueTitre original: The art of loving. Réédité en 1968 aux éditions EPI coll. Hommes et groupes et en 1999 aux Éd. Desclée de Brouwer.
L'Homme pour lui-même, éditions sociales, Paris, 1967.
Grandeur et limites de la pensée freudienne, Laffont, Paris, 1980.
Espoir et révolution. Vers l'humanisation de la technique, Stock, Paris, 1970.
Avoir ou être : un choix dont dépend l'avenir de l'homme, Erich Fromm ; traduit de l'américain par Théo Carlier; postface de Ruth Nanda Anshen. Paris : Laffont (Réponses), 1978. - 43 p. ; 20 cm. Titre original : To have or to be? , édité chez Harper & Row en 1976. - Bibliographie, 10 p.
Bouddhisme Zen et psychanalyse, Daisetz T. Suzuki, Erich Fromm et R. de Martino; traduction de Théo Léger. Paris: Presses Universitaire - L'actualité psychanalytique.
La Conception de l'homme chez Marx, Erich Fromm; traduit de l'anglais par M. Matignon. Paris : Payot, 1977. Petite Bibliothèque Payot. - Notes bibliographiques
La Crise de la psychanalyse : essais sur Freud, Marx et la psychologie sociale, Erich Fromm; traduction par Jean-René Ladmiral. Paris: Anthropos, 1971. - 292 p. ; 19 cm. - Sociologie et connaissance. - Titre original : The crisis of psychoanalysis.
De la désobéissance et autres essais, Erich Fromm; traduit de l'américain par Théo Carlier. Paris: R. Laffont,1982. -176 p. ; 23 cm. Réponse. Santé/ dirigée par Joëlle de Gravelaine. - Titre original: On disobedience and other essays :
Disobedience as a psychological and moral problem, publié initialement in Clara Urquhart, A Matter of Life, Londres, Jonathan Cape, cop. 1963.
Le cœur de l'homme, sa propension au bien et au mal ; traduit de l'anglais par Sylvie Laroche, 1964 Petite Bibliothèque Payot.
The application of humanist psychoanalysis to Marx's theory, publié initialement in Socialist humanism: an international symposium.New-York, Doubleday, cop. 1965.
Prophets and priests, initialement publié in Ralph Schoenmann, Bertrand Russell,philosopher of the century. cop. 1967.
Humanisme as a global philosophy of Man, publié initialement sous le titre A global philosophy of man in The humanist, Yellow spring, Ohio,1966. cop. 1965.
Let Man prevail et Humanist socialism, initialement publiés in Let Man prevail:a socialist manifesto and program, New-York. cop. 1960.
The psychological aspects of the guaranteed income, initialement publié in R. Theobald, The Guaranteed income. N-Y:Doubleday and C°, cop. 1966.
The case for unilateral disarmement, publié initialement in Daedalus, cop. 1960.
Zur Theorie und Strategie des Friedens, publié initialement in Friede im nuklearen Zeitalter.
Eine Kontroverse zwischen Realiste, und Utopisten, Salzburger. Humanismusgespräch, éd. à Munich, cop. 1970.
Le Dogme du Christ : et autres essais / Erich Fromm. Paris : Complexe, 19.Textes. - suivi d'autres essais : La psychanalyse : une science ou un parti. Le caractère révolutionnaire. Des limites et des dangers de la psychologie.
Espoir et révolutions: vers l'humanisation de la technique, Erich Fromm ; traduction de Gérard D. Khoury. Paris : Titre original: the revolution of hope: toward a humanized technology.
L'Homme pour lui-même, Erich Fromm; traduit par Janine Claude. Paris: Éditions sociales françaises-Collection des sciences humaines appliquées Titre original: Man for himself.
Le Langage oublié : introduction à la compréhension des rêves, des contes et des mythes, Erich Fromm; trad. par Simone Fabre. Paris : Payot, 1975.- Titre original : The forgotten language. -
La Mission de Sigmund Freud: une analyse de sa personnalité et de son influence, Erich Fromm; trad. de l'américain par Paul Alexandre. Bruxelles : - Textes. - Titre original: World perspectives series.
La Passion de détruire: anatomie de la destructivité humaine, Erich Fromm; traduit de l'américain par Théo Carlier. Paris: Laffont, 1975. - Réponses. - Titre original : The anatomy of human destructiveness, édité en 1973 chez Holt, Rinehart et Winston.
La Peur de la liberté, Erich Fromm; traduit de l'anglais par C. Janssens. Paris : Buchet-Chastel, - Titre original: The fear of freedom. - la bibliographie en annexe de Grandeur et limites de la pensée freudienne de E. Fromm donne comme titre original: Escape from Freedom, édité à New York en 1941. Edition allemande à Francfort en 1966 : Die Furcht vor der Freiheit. Nouvelle traduction parue aux Éditions Parangon/Vs en 2011, traduit de l'américain par Séverine Mayol et Lucie Erhardt.
Psychanalyse et religion, Erich Fromm; traduit par D. Merllie. Paris: EPI, 1978. - 160 p. ; 20 cm. - Hommes et groupes. - Titre original: Psychoanalysis and religion.
Société aliénée et société saine : du capitalisme au socialisme humaniste. Psychanalyse de la société contemporaine, Erich Fromm; traduit par Janine Claude. Paris : Courrier du Livre, 1967. - 352 p. ; 23 cm. - L'Université permanente. - Titre original : The sane society, édité à New-York: éd. Rinehart,1955. Contient : présentation de la psychanalyse humaniste d'Erich Fromm / par Mathilde Niel.- réédité en 1971.
Vous serez comme des dieux : une interprétation radicale de l'Ancien Testament, Erich Fromm; traduit de l'américain par Paul Alexandre; postface de Evelyne Sznycer et Serge Pahaut. édition revue et annotée par E.Sznycer et S. Pahaut. Bruxelles : Complexe, 1975. - Textes. Index,broché.

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http://youtu.be/RpfW1xfouaM Les droits de l'homme (Anglais)

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Posté le : 22/03/2014 21:36
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Balzac et la petite tailleuse chinoise
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Balzac et la petite tailleuse chinoise, Dai Sijie, 2000.

« Nous nous approchâmes de la valise. Elle était ficelée par une grosse corde de paille tressée, nouée en croix. Nous la débarrassâmes de ses liens, et l'ouvrîmes silencieusement. À l'intérieur, des piles des livres s'illuminèrent sous notre torche électrique ; les grands écrivains occidentaux nous accueillirent à bras ouverts : à leur tête, se tenait notre vieil ami Balzac, avec cinq ou six romans, suivi de Victor Hugo, Stendhal, Dumas, Flaubert, Baudelaire, Romain Rolland, Rousseau, Tolstoï, Gogol, Dostoïevski, et quelques Anglais : Dickens, Kipling, Emily Brontë...
Quel éblouissement !
Il referma la valise et, posant une main dessus, comme un chrétien prêtant serment, il me déclara :
- Avec ces livres, je vais transformer la Petite Tailleuse. Elle ne sera plus jamais une simple montagnarde. »

Ce livre m'a été conseillée par mon professeur d'histoire lorsqu'on étudiait la montée en puissance de la Chine au XXème siècle.
Il décrit à merveille l'atmosphère qui régnait à l'époque de la révolution culturelle en Chine. Le fait que le narrateur ne soit pas nommé permet de penser qu'il s'agit de la biographie de Dai Sijie lui-même.
On y découvre aussi que la littérature française a influencé les jeunes chinois et, c'est assez ironique étant donné que, pendant le "règne" de Mao Zedong, la Chine était à la mode en France.

J'ai, cependant, été un peu déçue par la fin de l'histoire, mais je ne vous en dirai pas plus.

Je le conseille tout de même.

Posté le : 22/03/2014 21:20
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Elisabeth Taylor
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Le 23 mars 2011 à Los Angeles meurt Dame Elizabeth Rosemond Taylor,

communément appelée Liz Taylor
,

actrice britannico-américaine d'origine arménienne , née le 27 février 1932 à Londres, dans le quartier d'Hampstead.
La carrière d’Elizabeth Taylor s’avère l’une des plus éclatantes et des plus complètes de l’histoire d’Hollywood. En quatre décennies, l’actrice aux yeux violets est devenue une légende du cinéma, l’ultime produit de l’âge d’or des grands studios, la dernière star selon le titre d’une de ses nombreuses biographies.

Des nombreux enfants prodiges qu'Hollywood a élevés au rang de star, Elizabeth Taylor est celle qui aura connu la carrière la plus longue, s'étendant sur plus de quarante ans – et également la plus brillante. Enfant-star débutant entre autres dans la série des Lassie, elle passe aisément le cap difficile de l'adolescence
Pur produit du star-system, Elizabeth Taylor a mené, dès le plus jeune âge, une vie de cinéma, en technicolor, avec ses drames et ses passions.
Des yeux violets ? Cette légende des prunelles mauve ou améthyste tient, certes à un bleu particulier, irisé de reflets dorés, mais surtout à une particularité génétique : une double rangée de cils accentue son regard.
8 mariages, 7 maris. Célèbre pour ses mariages à répétition, Elizabeth Taylor a épousé deux fois le même homme, Richard Burton.
Dès qu'elle commence sa carrière à l’âge de dix ans elle rencontre le succès en tournant dans des films tels que Fidèle Lassie, le mélodrame Le Grand National, qui lui vaut son premier triomphe personnel réalisé par le directeur favori de Greta Garbo, Clarence Brown, Les Quatre Filles du docteur March mis en scène par Mervyn LeRoy, qui révéla Lana Turner, la comédie Le Père de la mariée de Vincente Minnelli et sa suite… Une place au soleil et Géant, les deux de George Stevens avec respectivement Montgomery Clift, James Dean et Rock Hudson, lui ouvrent, en 1956, les portes de l’immortalité. Étoile d’Hollywood dans les années 1950 et 1960, elle reçoit deux Oscars pour ses rôles dans La Vénus au vison et Qui a peur de Virginia Woolf ?. Ses autres grands succès incluent La Chatte sur un toit brûlant, Soudain l’été dernier ainsi que Cléopâtre et La Mégère apprivoisée.
Plus rare sur grand écran à partir des années 1970 en raison de sa santé précaire et de l’insuccès de ses films dès la fin des années 1960, Elizabeth Taylor se consacre à la lutte contre le SIDA avant même le décès en 1985 de son ami, l'acteur Rock Hudson .
En 1999, l’American Film Institute distingue Elizabeth Taylor de la septième plus grande actrice de tous les temps dans le classement AFI’s 100 Years… 100 Stars.

Sa vie

Elizabeth Taylor naît le 27 février 1932 à Hampstead, situé en Angleterre dans la banlieue cossue de Londres, avec la nationalité britannique, de parents tous deux américains d'origine armenienne et originaires de Kansas City, Missouri. Elle est la seconde enfant de l'actrice Sara Viola Warmbrodt, de son nom de scène Sara Sothern, 1895–1994 et de Francis Taylor 1897–1968, propriétaire d'une galerie d'art. Elle grandit au 8 Wildwood Road d'Hampstead Garden Suburb auprès de ses parents et de son frère aîné Howard Taylor né en 1929.
Ses deux prénoms, Elizabeth et Rosemond lui ont été donnés en l'honneur de sa grand-mère paternelle Elizabeth Mary Rosemond.
Le colonel Victor Cazalet, un des meilleurs amis de la famille, a beaucoup d'influence sur cette dernière. Riche et bien introduit, membre du Parlement et proche de Winston Churchill, il est un passionné d'art et de théâtre. Il persuade les Taylor de s'établir définitivement au Royaume-Uni. Adepte de Science chrétienne, ses liens avec la famille sont également d'ordre religieux. Il devient le parrain d'Elizabeth et entraîne la famille sur le chemin de sa propre obédience.
Le biographe Alexander Walker suggère qu'il est probable que la conversion d'Elizabeth à la religion juive, et son long engagement à la cause d'Israël, a pour origine la vision sympathique qu'elle en a eu chez elle au cours de ces années formatrices. Walter note que Cazalet était un propagandiste actif pour un État hébreu et sa mère a milité activement au sein de groupements caritatifs avec des collecteurs de fonds en faveur du sionisme. Elle se souvient de l'influence de Cazalet sur sa fille en ces termes: Victor s'assit sur le lit et prit Elizabeth dans ses bras tout en lui parlant de Dieu. Ses grands yeux sombres scrutaient son visage, s'imprégnant de chaque parole, croyant et comprenant, ce qu'il lui disait.
Peu avant le début de la Deuxième Guerre mondiale, fuyant les hostilités, les parents d'Elizabeth décident de rentrer aux États-Unis. Sara part la première avec les enfants. Elle débarque à New York au mois d'avril 1939. Le père, resté momentanément à Londres pour emballer les œuvres d'art de son magasin, arrive à son tour au mois de novembre. La famille choisit de s'établir à Los Angeles, en Californie, ville dont Sara est originaire et où elle possède de la famille. Francis Taylor y ouvre une galerie où il expose les peintures qu'il a rapportées du Royaume-Uni. Son magasin attire rapidement de nombreuses célébrités du tout-Hollywood. D'après Walter, la galerie ouvre grand les portes aux Taylor, leur donnant accès à la société argentée et prestigieuse du cinéma hollywoodien. Elizabeth découvre le milieu du cinéma lorsque sa mère la présente aux studios de Hollywood.
Elizabeth bénéficie de la double nationalité. Américaine par ses parents, elle est aussi citoyenne britannique par le fait d'être née sur le sol du Royaume-Uni.

Elizabeth Taylor et la religion

Lors de sa venue à Hollywood, la jeune femme n’était pas croyante. Néanmoins, lorsqu’elle commence à fréquenter Conrad Hilton, son premier mari, elle se convertit au catholicisme.
Début 1959, elle se convertit au Temple Israël à Hollywood, au grand désespoir de ses parents, et reçoit le nom hébreu de Elisheba Rachel. Dans son autobiographie Elizabeth Takes Off, elle déclare que ça n’a absolument rien à voir avec mon passé. Mes deux maris Mike Todd et Eddie Fisher étaient tous les deux juifs, mais j’avais voulu le devenir avant.
Cependant la passion qu’elle a pour cette religion diminue rapidement, et elle n’est allée qu’une fois à la synagogue, sans jamais renoncer pour autant à porter sa croix. Des années plus tard, elle commence à s’intéresser à la spiritualité, à Dieu et à la prière.
En 1998, elle participe à une session de 200 dollars US à 300 dollars US du Centre de la Kabbale. Ce mouvement spirituel repose principalement sur la lecture du Zohar, dont une version originale reliée en vingt-trois volumes est vendue par le centre. Cette pratique est fortement contestée par de nombreux rabbins qui y voient non seulement une appropriation mercantile de leur patrimoine culturel mais également une dérive sectaire. Comme Elizabeth Taylor, de nombreuses stars ont affirmé leur appartenance à ce mouvement comme Madonna, Tippi Hedren ou Demi Moore.

Mariages

Mise à part sa longue amitié amoureuse avec l’acteur Montgomery Clift, mais sans lendemain en raison de l’homosexualité de l’acteur, Elizabeth Taylor est mariée huit fois avec sept hommes différents :
du 6 mai 1950 au 29 juin 1951, avec Conrad Nicholson Hilton Jr. 1926-1969 dit Nicky Hilton, héritier de la chaîne des hôtels Hilton et directeur de la TWA. Leur union n'est pas heureuse et se solde par un divorce au bout de treize mois et demi.
du 21 février 1952 au 26 janvier 1957, avec l’acteur Michael Wilding 1912-1979 qui est son aîné de 20 ans.
du 2 février 1957 au 22 mars 1958, avec le producteur Michael Todd 1909-1958 dit Mike Todd. Seule de ses unions à ne pas s’être conclue par un divorce leur idylle prend fin avec la mort du producteur.
du 12 mai 1959 au 6 mars 1964, avec le chanteur Eddie Fisher29 meilleur ami de Todd et consolateur de la veuve éplorée. Leur idylle alors que Fisher est encore marié à Debbie Reynolds crée un scandale. Elizabeth le quitte lorsqu'elle entame une liaison avec Richard Burton6.
du 15 mars 1964 au 26 juin 1974, avec Richard Burton premier mariage. Richard Burton joue au théâtre à Toronto. Elizabeth et lui viennent d’obtenir leur divorce respectif du Mexique, un papier que ne voudront pas reconnaître les autorités à Toronto, qui refusent donc au célèbre couple le droit de se marier sur leur territoire. Un avocat appelle alors le Ritz Carlton, à Montréal, où Elizabeth Taylor et Richard Burton ont décidé de venir se marier puisqu’au Québec, les lois sont moins sévères. En toute discrétion, ils se disent oui une première fois, dans le salon royal de l’hôtel Ritz Carlton, à Montréal. Minée par le fait qu'elle n'obtient aucun rôle, elle devient boulimique et prend du poids. Elle divorce au bout de dix ans de mariage.
du 10 octobre 1975 au 29 juillet 1976, avec Richard Burton second mariage. Seize mois après avoir divorcé, ils se remarient en privé à Kasane, Botswana mais se séparent rapidement et divorcent à nouveau en 1976. Burton est opposé à l'image qu'on se fait de sa beauté. Il admet volontiers qu'elle a des yeux magnifiques mais que l'appellation de plus belle femme au monde est un non-sens. Elle a... un double menton, une poitrine volumineuse, est plutôt courte sur pattes. En 1976 il déclare que, lors de leur première rencontre, elle était incontestablement splendide. Je n'ai pas d'autre mot pour décrire cette combinaison de plénitude, de frugalité, d'abondance, de minceur. Elle était somptueuse. Elle était d'une grande générosité. En bref, elle était super.
du 4 décembre 1976 au 7 novembre 1982, avec le sénateur John Warner né en 1927. Comme pour Burton, l'actrice s'imaginait qu'être la femme d'un sénateur républicain la ferait connaître. Peine perdue. Elle est admise pour une dépression à la Betty Ford Clinic.
du 6 octobre 1991 au 31 octobre 1996, avec l’ouvrier en bâtiment Larry Fortensky qu'elle a rencontré à l'occasion d'une deuxième cure de désintoxication à la Betty Ford Clinic. Ils se marient au Ranch de Neverland, la résidence de Michael Jackson.
En 2010, un neuvième mariage avait été évoqué avec l'agent et compagnon de la comédienne depuis quelques années, Jason Winters, de presque trente ans son cadet. Elle déclare à la journaliste Liz Smith Jason Winters est l'un des hommes les plus merveilleux que j'aie jamais connus et c'est la raison pour laquelle je l'aime. Il nous a acheté la plus belle maison d'Hawaï et nous nous y rendons le plus souvent possible. Taylor et Winters ont été aperçus fêtant l'Independence Day sur un yacht à Santa Monica, Californie.
Lorsqu'on lui demande pourquoi elle a épousé tant d'hommes, elle répond : Je ne sais pas, chéri. Cela chasse sûrement le démon qui est en moi. Mais en fait, la réalité est toute autre : Elizabeth Taylor n'a jamais été heureuse.

Amants

C. David Heymann, dans son livre Liz : La biographie non autorisée d’Elizabeth Taylor, dresse la liste des amants de la belle actrice, grande séductrice de l’écran dotée d’une vitalité extraordinaire en témoigne sa résistance à ses problèmes de santé et à ses abus divers. Outre ses amitiés amoureuses avec les plus célèbres homosexuels d’Hollywood Montgomery Clift, Rock Hudson… et ses liaisons déjà citées avec les réalisateurs Stanley Donen et Richard Brooks et avec l’acteur George Hamilton, le biographe détaille de façon parfois choquante les passades de Taylor, avec les acteurs Peter Lawford, Victor Mature, et le chanteur et acteur Frank Sinatra parmi les plus connus de ses amants.

Enfants

De ses différentes unions, Elizabeth Taylor a eu plusieurs enfants :
avec Michael Wilding :
Michael Howard Wilding né le 6 janvier 1953,
Christopher Edward Wilding né le 27 février 1955 ;
avec Michael Todd :
Elizabeth Frances Todd, surnommée Liza née le 6 août 1957 ;
avec Richard Burton:
Une fille adoptive, Maria Burton née le 1er août 1961, adoptée en 1964. Les démarches d'adoption ont été faites à l'époque où Elizabeth Taylor était mariée à Eddie Fisher mais ont abouti lorsque l'actrice eut épousé Burton.
Elizabeth Taylor est grand-mère pour la première fois en 1971, à l'âge de 39 ans. À la fin de sa vie, elle est la grand-mère de dix-petits enfants et arrière-grand-mère de quatre. Tous étaient présents lors de son décès en 2011 .

Une amitié indéfectible

Taylor et Michael Jackson ont développé au fil du temps une amitié indéfectible. Depuis le début des années 1980, elle réside à Bel Air en Californie où habite Michael Jackson. En 2005, elle le défend et le soutient lors des deux accusations d’abus sur mineurs dont il est victime et pour lesquelles il a été respectivement relaxé et acquitté. Elle est la marraine de ses deux enfants Paris Jackson et Prince Michael Jackson. Le 6 octobre 1991, Elizabeth choisit le Ranch de Neverland pour la fête qu'elle donne à l'occasion de son mariage avec Larry Fortensky.
En 1997, Jackson interprète la chanson Elizabeth, I Love You qu'il a composée pour elle à l'occasion de son 65e anniversaire. Elizabeth est très bouleversée lorsqu'elle appris la mort de Michael Jackson avec qui elle était proche.

Péchés mignons

Sa passion pour la joaillerie, les fourrures et la haute couture est proverbiale. Dans la vie, il n’y a pas que l’argent. Il y a aussi les fourrures et les bijoux a-t-elle coutume de dire. Elle est une cliente du bijoutier Shlomo Moussaieff. Au fil des ans, elle acquiert plusieurs bijoux de haute lignée comme le Krupp Diamond de 33,19 carats 6,64 grammes, ou encore le Taylor-Burton Diamond de 69 carats en forme de poire qu'elle porte lors de la fête d'anniversaire de Grace Kelly et que lui a offert son mari Richard Burton pour son 40e anniversaire. Après leur divorce, il est vendu aux enchères en 1978 pour la somme de 5 000 000 $, qui sont utilisés pour construire un hôpital au Botswana. Burton lui a également acheté, à l’occasion de la Saint Valentin en 1969, la Peregrina Pearl. Cette perle de 50 carats avait appartenu autrefois à Marie Ire d’Angleterre, dont Burton avait acquis le portrait où elle portait ce même bijou. Au moment de son acquisition, le couple découvre que le National Portrait Gallery de Londres ne possède pas de peinture originale de Marie et décide donc de l’offrir à la galerie. Sa collection de bijoux a été répertoriée et photographiée par John Bigelow Taylor dans son livre My Love Affair with Jewelry sorti en 2002. Première personne célèbre à mettre sur le marché des bijoux conçus par elle, Elizabeth Taylor a également lancé trois parfums, Passion, White Diamonds qui fait partie des dix meilleures ventes de parfums de la décennie 1990 et Black Pearls dont les ventes lui rapportent près de 200 000 000 dollars US annuels.
Du 10 décembre 2010 au 12 janvier 2011, dans le cadre de l’exposition Bulgari, l’actrice dévoile pour la première fois en France des pièces exceptionnelles issues de sa collection privée.
Taylor est également une importante cliente des maisons de haute couture tout au long de sa carrière cinématographique. Conjointement à ses propres achats, Edith Head et Helen Rose, habilleurs à la MGM, conseillent l'actrice pour choisir des vêtements qui la mettent en valeur. Ce faisant, elle contribue à populariser les modèles de Valentino et d'Halston.
En 1980, les laboratoires Schering-Plough commercialisent des lentilles de contact dont la couleur est inspirée par celle des yeux de l'actrice
Elle a fait de la salle de ventes aux enchères Christie's, la première place mondiale pour la vente de ses bijoux, fourrures, vêtements et souvenirs.

Santé

Elizabeth Taylor s'est battue contre la maladie sa vie durant et a fait preuve d'une grande vitalité. Les journaux ont plusieurs fois laissé prévoir, à tort, son décès imminent.
Elle est victime de cinq chutes de cheval sur le plateau de tournage du film Le Grand National. Un tassement vertébral sur une colonne vertébrale déjà éprouvée par une scoliose congénitale la handicapera toute sa vie durant par des dorso-lombalgies pour lesquelles elle a subi plusieurs interventions sur une période de 25 ans. En 2010, elle renonce à une ènième opération. Ayant subi la pose d'une prothèse de hanche bilatérale, souffrant également d'ostéoporose, elle est condamnée au fauteuil roulant vers la fin de sa vie.
L'actrice se remet mal de son divorce d'avec Burton. Elle devient boulimique et enchaîne les régimes. Elle sombre dans l'alcoolisme et la drogue et se soumet à deux cures de désintoxication au Betty Ford Center en 1983 puis à l'automne 198860.
Taylor a été victime de deux pneumonies dont la première, survenue en 1961, a nécessité une trachéotomie.
Ayant beaucoup fumé vers l'âge de 55 ans, Elizabeth Taylor, en 1975, craint avoir un cancer du poumon à la suite d'une radiographie montrant des taches suspectes mais les examens ne confirment pas ce diagnostic.
Elle a encore été opérée pour une tumeur bénigne au cerveau63 et pour un cancer de la peau.
Elle souffre en outre de diabète.
Le diagnostic d'insuffisance cardiaque est porté pour la première fois en 2004; probablement en rapport avec la mutation génétique FOXC2, la même qui est à l'origine de sa rangée de double cils ou distichiasis dont elle est atteinte. Le 6 avril 2008, elle est conduite d’urgence au Cedars-Sinai Medical Center de Los Angeles où Taylor est prise en charge immédiatement avant de rentrer chez elle plus tard dans la journée. Son attaché de presse Dick Guttman déclare à la presse :
"Mme Taylor va bien. Les rumeurs qui ont démarré en Angleterre sont spectaculaires, alarmistes et fausses. Sa visite à l’hôpital s’effectue par précaution."
En octobre 2009, l'actrice subit une intervention sur son cœur. Elle est à nouveau hospitalisée au début de l'année 2011 au Cedars-Sinai Medical Center pour des problèmes cardiaques. Ce sera son ultime combat contre la maladie.

La fin d'une époque

Elizabeth Taylor meurt d’une insuffisance cardiaque aiguë le 23 mars 2011, à l'âge de 79 ans, au centre médical Cedars-Sinaï de Los Angeles où elle a été admise au début du mois de février 2011. Elle est inhumée dès le lendemain de son décès au cours d'une cérémonie privée présidée par le rabbin Rabbi Jerry Cutler selon le rite religieux hébraïque au Grand Mausolée du Forest Lawn Memorial Parks & Mortuaries de Glendale, Californie, dans une section interdite au public.
Toujours en retard à ses rendez-vous, elle avait souhaité que la cérémonie commence en retard. Cette dernière débute quinze minutes après qu'elle a été programmée.

Carrière, une enfance volée

" On m'a volé mon enfance " s'exclame Elizabeth dans ses mémoires.
Sara Taylor joue un rôle déterminant dans la carrière de sa fille. Dès l’âge de trois ans, celle-ci prend ses premières leçons de danse, de chant et d'équitation. Tout en complétant l’instruction d’Elizabeth, sa mère la présente avec sa famille aux personnalités du milieu cinématographique. Elle attire ainsi l’attention d’un dirigeant de Universal Pictures, J. Cheever Cowdin qui offre un contrat de six mois à Elizabeth. Elle obtient son premier rôle en 1941 dans le film There’s One Born Every Minute mais les studios Universal ne sont pas convaincus par cet enfant au regard d’adulte et ne renouvellent pas son contrat.
Sara, déterminée, repart à l’assaut des maisons de production et obtient un casting pour un film de la Metro-Goldwyn-Mayer. Grâce aux conseils de sa mère et à son accent anglais impeccable, Elizabeth obtient le petit rôle de Priscilla dans Fidèle Lassie, Lassie Come Home, 1943. Le film, qui est un succès, lui permet de rencontrer Roddy McDowall, un des enfants stars de la MGM, avec qui elle reste amie sa vie durant. Ses parents signent ensuite un contrat d’un an avec la Metro-Goldwyn-Mayer.
Après deux apparitions non-créditées dans les films Jane Eyre et Les Blanches Falaises de Douvres de Brown déjà, côtoyant des stars de première grandeur, Orson Welles, Joan Fontaine, Irene Dunne, elle obtient son premier grand rôle avec Le Grand National aux côtés de Mickey Rooney, le plus illustre des enfants stars de l’époque, qui avait déjà vingt-quatre ans alors. Elle y interprète une jeune fille qui entraîne un cheval pour remporter une célèbre compétition hippique. Le film étant un succès plus de 4 000 000 dollars de recettes, elle est engagée pour un contrat longue-durée avec la MGM. Elle poursuit alors ses études avec d’autres enfants-star à la Little Red School, où elle reçoit son diplôme d’études en 1950.
Dès lors elle ne cesse d’enchaîner les tournages. Elle retrouve la mascotte de la MGM, la chienne Lassie, dans Le Courage de Lassie, 1946 pour le premier rôle et devient l’une des Quatre Filles du docteur March où elle fait preuve d’humour en incarnant la petite peste Amy. Elle y a pour partenaire Janet Leigh, autre espoir du studio. L’adolescente interprète la fille de William Powell et Irene Dunne dans Mon père et nous du vétéran Michael Curtiz, et croise des monuments de Hollywood tels que Mary Astor, Wallace Beery ou Greer Garson, travaillant avec Jack Conway et Richard Thorpe, le plus souvent dans des comédies familiales. Cependant la beauté de la jeune fille s’épanouit précocement et elle passe rapidement à des rôles adultes.
Mère possessive mais meilleur agent de publicité pour sa fille, Sara Taylor est attentive et exigeante durant toute cette période, ce qui n’empêche pas Liz d’avoir des idylles. Elle s'affiche au bras d'Howard Hughes à l'âge de 17 ans et épouse son premier mari Conrad Nicky Hilton Jr, héritier de la chaîne d’hôtels Hilton, en 1950, . Cependant, le mariage est un échec et s’achève au bout de neuf mois.

La belle aux yeux couleur d'améthyste

La jeune femme, dont les yeux à la forme amandée ont la particularité d’être couleur d'améthyste aux reflets dorés avec une anomalie génétique, une double rangée de cils ou distichiasis ourlant ses paupières lui fournit un regard naturellement soutenu semblable à celui d'une adulte maquillée avec du mascara, est désormais mûre pour les premiers rôles. À seize ans, elle est l’épouse de Robert Taylor dans le suspense Guet-apens, puis elle joue les jeunes mariées dans deux productions de Vincente Minnelli Le Père de la mariée et sa suite Allons donc, papa !, deux comédies, satire de la classe moyenne américaine, qui lui donnent pour parents Spencer Tracy et Joan Bennett.
C’est au cours de la première de L’Héritière qu’elle rencontre un autre acteur avec qui elle a une relation amicale privilégiée, Montgomery Clift. Elle tourne avec lui en 1951 Une place au soleil, un classique de George Stevens, pour la Paramount Pictures. Ce film est l’adaptation du roman An American tragedy de Theodore Dreiser dont Josef von Sternberg a réalisé une première version en 1931.

La Dernière Fois que j’ai vu Paris en 1954.
Interprète de Rebecca, séquestrée et menacée de viol par Bois-Guilbert George Sanders, elle est la véritable héroïne d’Ivanhoé, film d’aventures médiévales réalisé par Richard Thorpe et tourné aux studios de Boreham Wood en Angleterre. Sa présence éclipse le couple vedette formé par Robert Taylor et Joan Fontaine. C’est à cette époque qu’elle côtoie l’acteur Michael Wilding à Londres ; elle l’épouse en 1952 et aura avec lui deux enfants : Michael Howard Wilding né en 1953 et Christopher Edward Wilding né en 1955.
Elle tourne ensuite sous la direction de Stanley Donen Une vedette disparaît/Love Is Better Than Ever, avec qui elle a une aventure81, Charles Vidor Rhapsodie face à Vittorio Gassman, William Dieterle, La Piste des éléphants pour lequel elle remplace au pied levé Vivien Leigh, son modèle81), Curtis Bernhardt Le Beau Brummel aux côtés des Britanniques Stewart Granger et Peter Ustinov et Richard Brooks, La Dernière Fois que j’ai vu Paris en 1954) avec qui elle a aussi une brève liaison.

Une sensualité révélée

Géant 1956.
Elle participe ensuite à deux superproductions. Pour commencer Géant, autre classique de George Stevens mais plus controversé, vaste fresque d’une famille au Texas avec pour partenaires James Dean et Rock Hudson, dont elle deviendra également très proche. La production coûte un peu plus de cinq millions de dollars et est un des plus grands succès de la Warner.
L’autre budget impressionnant de 6 millions de dollars fut pour L’Arbre de vie, grande fresque avec pour toile de fond la guerre de Sécession. La MGM veut en faire un second Autant en emporte le vent, sans y parvenir malgré les moyens et les scénaristes qui s’attellent au scénario pendant six ans. Le tournage est interrompu pendant deux mois à la suite d’un terrible accident de voiture survenu à son ami Montgomery Clift15 après une réception qu’elle a donnée. Il se brise la mâchoire et la moitié du visage et malgré la chirurgie plastique l’accident lui laisse de profondes séquelles définitives. Ayant été alertée par Kevin McCarthy, elle a sauvé la vie de Clift en lui retirant les dents qui l’étouffaient.
Elle rencontre par la suite Mike Todd, inventeur du procédé Todd-AO et producteur de cinéma notamment du Le Tour du monde en quatre-vingts jours, alors que son couple est au plus mal. C’est le coup de foudre et après avoir divorcé de Michael Wilding elle se remarie avec Mike Todd en 1957. De cette union naît une petite fille, Liza, une naissance très douloureuse qui faillit emporter Elizabeth. Sept mois plus tard, Mike Todd se tue dans un accident d’avion. Elizabeth n’a pas terminé le tournage de La Chatte sur un toit brûlant qui va consacrer son talent. Inconsolable, elle termine le film tant bien que mal avec l’aide du réalisateur Richard Brooks et de son partenaire Paul Newman.
Ce film et le suivant Soudain l’été dernier de Joseph L. Mankiewicz, aux côtés de Montgomery Clift et de Katharine Hepburn sont tirés de pièces à succès du dramaturge Tennessee Williams. Elle y exprime une sensualité animale rarement aussi bien exploitée. Les deux films remportent un énorme succès au box-office et obtiennent en tout neuf nominations aux Oscars dont, dans les deux cas, celui de meilleure interprète féminine pour Elizabeth Taylor. Joseph L. Mankiewicz déclara à propos d’elle Elizabeth Taylor, à l’époque de Soudain l’été dernier, avait ce que vous appelez en peinture un talent de primitif, que je trouvais extraordinaire. Je pense que Tennessee Williams, l’auteur de la pièce, écrit ce que j’appelle des arias, comme à l’Opéra, pour des actrices ; par exemple, le dernier aria d’Elizabeth Taylor dans Soudain l’été dernier.
Pendant cette période, elle se rapproche du chanteur Eddie Fisher, le meilleur ami de Mike Todd. Mais Fisher est marié avec Debbie Reynolds et après avoir attendri l’Amérique en veuve inconsolable, elle apparaît en briseuse de ménages. La presse se déchaîne ce qui n’empêche pas Liz Taylor d’épouser Eddie Fischer en 1959. L’année suivante, elle joue une prostituée dans La Vénus au vison. Malgré une hospitalisation pour une pneumonie à Londres qui a nécessité une trachéotomie en urgence, elle est présente pour recevoir son premier Oscar de la meilleure actrice en 1961. Elle avait pourtant émis des critiques publiques contre le film. Ce trophée la récompense après trois échecs consécutifs pour de grands films. La Vénus au vison est un film mineur dans sa carrière mais sans doute les votants ont-ils voulu l’encourager dans sa convalescence et faire office de rattrapage pour les statuettes qu’elle avait ratées pour des rôles largement plus marquants. Ce film achève d’ailleurs le contrat qui lie Elizabeth Taylor avec la MGM.
Elle défraie de nouveau la chronique lors de sa liaison avec Richard Burton, quelques années plus tard.

Cléopâtre et Marc Antoine 1963.

En 1963, elle devient l’actrice la mieux payée du cinéma, ayant obtenu un cachet d’un million de dollars et 10 % des bénéfices93 pour jouer le rôle-titre dans Cléopâtre pour la 20th Century Fox, sous la direction de Rouben Mamoulian puis de Joseph Leo Mankiewicz. C’est la première fois qu’elle travaille avec son futur mari, Richard Burton. Le tournage commence à Londres dans les studios de Pinewood en septembre 1960. Mamoulian est à la réalisation, Stephen Boyd interprète Marc Antoine et Peter Finch Jules César. Mais très vite la production vire à la catastrophe. Des décors faramineux sont acheminés en Angleterre, la pluie, le froid et le brouillard perturbent le tournage et Liz Taylor tombe malade pendant les six premiers mois de tournage en raison de la trachéotomie qu’elle doit subir. Pour réduire les coûts astronomiques le plateau est déplacé à Rome à Cinecittà au climat plus propice et la distribution est remaniée. On remplace le réalisateur et les acteurs principaux par Mankiewicz, Richard Burton et Rex Harrison et le film reprend en septembre 1961 sous de meilleurs auspices.
C’était sans compter sur la rencontre Taylor-Burton qui se transforme aussitôt en passion. Le scandale éclate et leur liaison fait tant de bruit que le film manque d’être de nouveau interrompu. Le couple est harcelé par les paparazzi, les studios expriment leur mécontentement et même le Pape s’en mêle en se déclarant choqué. Mais tout rentre dans l’ordre devant l’enthousiasme du public et la détermination de ce couple explosif à afficher leur relation.
Le film se termine, après avoir mis au bord de la faillite selon la légende les studios de la 20th Century Fox, avec un record de coût de 44 millions de dollars, le film en rapporte 57. Malgré ce déchaînement médiatique chacun réussit à divorcer et ils se marient enfin en 1964.
Pour Cléopâtre, le contrat d’Elizabeth Taylor stipule que son salaire sera versé comme suit : 125 000 dollars US pour les 16 semaines de travail et 50 000 dollars US en plus par semaine97. Quand le film est retourné à Rome en 1961, elle a gagné plus de 2 millions de dollars. Elle gagne le procès intenté par la 20th Century Fox contre elle et Burton et remporte finalement 7 000 000 de dollars.

La dernière icône d'Hollywood.

Liz Taylor avec Cléopâtre atteint son apogée. Sa passion pour Burton se reflète à l’écran, sur ses huit films suivants, sept se tournent avec lui. Le couple s’illustre dans des projets prestigieux associés aux auteurs Terence Rattigan, Dalton Trumbo ou Graham Greene, sous la direction d’Anthony Asquith ou de Vincente Minnelli, avec pour covedettes Orson Welles, Alec Guiness ou Lillian Gish… Surtout, il triomphe avec Qui a peur de Virginia Woolf ? du jeune Mike Nichols, pour lequel Taylor prend quinze kilos et se vieillit de vingt ans. Le rôle de Martha dans ce film est souvent considéré comme le meilleur qu’elle interpréta. Elle remporte son deuxième Oscar tandis que Burton est snobé par la profession.
Ils produisent eux-mêmes leur film suivant, dont un million de dollars qu’ils payent par leur propres moyens, La Mégère apprivoisée, comédie de Shakespeare adaptée par Franco Zeffirelli. Le film est un succès et rapporte 8 000 000 dollars. L’actrice apparaît également en Hélène de Troie dans un film coréalisé par son mari.
Elle enchaîne avec Reflets dans un œil d’or de John Huston avec Marlon Brando et deux films de Joseph Losey Boom encore Tennessee Williams et Cérémonie secrète - ce dernier sans Burton mais avec Robert Mitchum et Mia Farrow. Les trois films sont aujourd’hui des classiques mais cette fois le public ne suit pas. Son rôle dans Les Noces de cendre, où l’actrice est partagée entre Henry Fonda et Helmut Berger et pour lequel elle est nommée au Golden Globe de la meilleure actrice est jugé publiquement vulgaire et sans intérêt par Burton et leur vie privée finit par occulter sa carrière. La critique trouve ses films sans intérêt.
Aux côtés de Richard Burton, elle est encore l’héroïne au cinéma de Hammersmith Is Out de Peter Ustinov inspiré par la légende de Faust et Ours d’argent à Berlin et de Under Milk Wood d’après Dylan Thomas avec également Peter O'Toole, et à la télévision de Divorce en 1973. Sur grand écran surtout, la star collectionne les échecs publics et critiques car ni Las Vegas, un couple de Stevens ni Une belle tigresse David de la meilleure actrice étrangère, après Ali McGraw et avant Liza Minnelli, face à Warren Beatty et Michael Caine, ne suscitent l’enthousiasme, malgré des critiques aujourd’hui plus tendres. Puis Taylor interprète une femme perturbée dans Identikit en 1974 de Giuseppe Patroni Griffi où elle croise Andy Warhol. D’ailleurs la tonalité de ces films tardifs est souvent sombre, glauque même, Night Watch, film d’horreur où elle retrouve son partenaire de La Vénus au vison, Laurence Harvey, exception faite pour la comédie musicale A Little Night Music, autre argument négatif de la critique, qui se déchaîne aussi sur la voix de Taylor, jugé criarde ou grêle si elle chante, et regrette la beauté exquise des années 1950.
En 1976, c’est avec d’autres grands noms du cinéma, Kirk Douglas, Richard Dreyfuss, Anthony Hopkins, Burt Lancaster et la jeune Linda Blair qu’elle joue dans Victoire à Entebbé. Puis, quatre ans après, elle est dirigée par Guy Hamilton dans une adaptation d'Agatha Christie, une aventure de la célèbre Miss Marple, jouée par Angela Lansbury, Le miroir se brisa où elle donne la réplique à Rock Hudson, Kim Novak et Tony Curtis. Dans le coûteux L'Oiseau bleu, adaptation de la pièce de Maeterlinck tournée en Russie par le prestigieux George Cukor, mais échec cuisant, elle incarne l'amour maternel et Ava Gardner le vice.
Les médias, et surtout les humoristes, la caricaturent à outrance et se moquent cruellement de son embonpoint, critiquent sa personnalité et ses goûts jugés vulgaires : le monstre sacré évince la comédienne.

Une retraite progressive.

Malgré ses nombreux problèmes de santé, Elizabeth Taylor demeure plutôt active, elle n’a que 50 ans et paraît immortelle, surtout à la télévision dans les années 1980. Elle participe ainsi à des séries télévisées comme Hôpital central, elle se propose en tant que fan, La Force du destin et même Les Simpson où elle prête sa voix à Maggie Simpson mais également à sa propre personne.
En 1985, Taylor interprète, toujours pour la télévision, Louella Parsons, qu’elle a bien sûr connue durant l’âge d’or d’Hollywood, et surtout revient, bronzée et amincie, dans la saga Nord et Sud. Son retour fait sensation et elle collectionne les couvertures de presse : c’est alors qu’Elizabeth Taylor devient la rivale de Joan Collins110, tardivement promue superstar grâce à la télévision, et que sa venue au festival de Cannes crée l’événement.
C’est ainsi qu’elle paraît, une des beautés les plus exceptionnelles de l’écran américain dans ses derniers flamboiements, dans des téléfilms de prestige en compagnie d’autres vétérans, Robert Wagner, Tom Skerritt, George Hamilton avec qui elle connaît une aventure ou face à Mark Harmon dans une adaptation de Tennessee Williams, et qu’elle effectue un retour fugace au cinéma, dans un court rôle de cantatrice, jouant Aïda sous la direction de son cher Zeffirelli, mais de nouveau des problèmes de santé l’éloignent des écrans.
En 1991, elle épouse son huitième et dernier mari Larry Fortensky rencontré à la clinique Betty Ford de Los Angeles trois ans plus tôt. Ils divorceront après cinq ans de mariage.
La Famille Pierrafeu en 1994, produit par Steven Spielberg, dans lequel John Goodman, à son grand désarroi, la traite de vieux fossile, est son dernier film. Pour sa prestation, la superstar tant de fois enterrée et ressuscitée est nommée au Razzie Award de la Pire Actrice dans un Second Rôle. En 2001, le téléfilm Drôles de retrouvailles associe Taylor à Joan Collins, Shirley MacLaine et Debbie Reynolds, trois autres survivantes du Hollywood des années 1950 : l’événement rencontre peu d’écho, et en 2003, après avoir tourné dans un épisode de la série Dieu, le diable et Bob elle annonce mettre un terme définitif à sa carrière.

Elizabeth Taylor 1987. Travail pour l'amfAR

Elizabeth Taylor a consacré beaucoup de temps et d’énergie à la collecte de fonds pour la lutte contre le SIDA.
"Je regardais toutes les actualités sur cette nouvelle maladie et je me demandais pourquoi personne ne faisait rien. Et ensuite je me suis rendue compte que j’étais comme eux. Je ne faisais rien pour aider " se souvient l’actrice qui a également aidé au lancement de l’American Foundation for AIDS Research amfAR, aux côtés du Dr Mathilde Krim et de médecins et scientifiques, après la mort de son ami et partenaire au cinéma Rock Hudson en 1985. Aimée du public, elle a réussi à attirer l’attention des médias et toucher des millions de personnes. En 1986, elle est apparue dans quelques spots télévisés dont Men, Women, Sex et AIDS dans le but de sensibiliser sur son action. En 1991, les photos de son huitième mariage avec Larry Fortensky ont été vendues 1 million de dollars, somme reversée ensuite à l’association. Depuis sa retraite progressive du cinéma, elle touche 115  millions d'euros par an de royalties grâce à de nombreux produits dérivés, notamment sa gamme de parfums.
En 1991, elle a fondé sa propre organisation The Elizabeth Taylor AIDS Foundation qui a pour but de recueillir des fonds pour lutter contre la maladie dans le monde entier. Elle a également apporté son soutien à plusieurs événements majeurs, dont la Journée mondiale de lutte contre le SIDA ainsi que les soirées organisées au Festival de Cannes chaque année. Depuis 2004, c’est Sharon Stone qui préside le gala.
On estime qu’en 1999, elle avait contribué à la collecte d’au moins 50 millions de dollars pour financer la recherche contre le SIDA. Elle a été honorée de plusieurs récompenses pour ses activités caritatives.

Ses cachets

Année Film Cachet47$
1942 There’s One Born Every Minute 200 $ par semaine
1943 Fidèle Lassie 100 $ par semaine
1944 National Velvet
1946 Le Courage de Lassie 750 $ par semaine
1951 Une place au soleil 1 500 $ par semaine
1952 Ivanhoé 5 500 $ par semaine
1956 Géant 175 000 $
1958 La Chatte sur un toit brûlant 4 750 $ par semaine
1959 Soudain l’été dernier 500 000 $
1960 La Vénus au vison 150 000 $
1963 Cléopâtre 1 000 000 $ + 10 % des bénéfices
1965 Le Chevalier des sables 1 000 000 $
1966 Qui a peur de Virginia Woolf ? 1 000 000 $ + 10 % des bénéfices
Elizabeth Taylor in London 250 000 £
1967 La Mégère apprivoisée 50 % des bénéfices
Les Comédiens (film, 1967) 500 000 $
1968 Boom 1 250 000 $
Cérémonie secrète 1 000 000 $
1970 Las Vegas, un couple 1 250 000 $
1979 Winter Kills 100 000 $
1980 Le miroir se brisa 250 000 $
1987 Poker Alice 500 000 $
1994 La Famille Pierrafeu 2 500 000 $

Popularité

Aujourd’hui, Elizabeth Taylor reste une actrice parmi les plus connues et il existe de nombreuses références à l’actrice ou aux rôles qu’elle incarna dans la culture populaire. Depuis 1975, onze documentaires ont été réalisés sur elle. En 1995, un téléfilm, Liz: The Elizabeth Taylor Story, a aussi retracé sa vie avec Sherilyn Fenn dans le rôle titre. Elle a également fait la couverture de 227 magazines.
De la même manière que Saint-Tropez grâce à ou à cause de Brigitte Bardot, Puerto Vallarta, petit village de pêcheurs, est devenu un lieu de villégiature pour classes aisées après qu'Elizabeth Taylor et Richard Burton s’y furent installés.
Mark David Chapman, l’assassin de John Lennon, a confié lors d’une vidéo conférence tenue depuis la prison Attica à New York le 7 septembre 2010, qu’il avait envisagé d’assassiner d’autres célébrités, dont Johnny Carson et Elizabeth Taylor, et qu’il avait arrêté son choix sur Lennon parce qu’il lui semblait une cible plus aisée à atteindre - dramatique effet de la popularité.
Deux ans auparavant, Matt Groening le créateur des Simpson lui rend hommage dans l’épisode Krusty, le retour. Elle double son propre personnage pendant deux scènes où elle astique ses Oscars et ses diamants.
Elizabeth Taylor apparaît également dans le premier tome des Chroniques de San Francisco d’Armistead Maupin. Dans ce roman, le personnage de DeDe Halcyon-Day rencontre l’actrice lors d’un séjour dans un centre d’amaigrissement. En 1990, le parolier et interprète Jacques Duvall publie sur son album Je déçois… la chanson Elizabeth Taylor : Elizabeth Taylor/Retire lentement/Son peignoir lamé or/Ses bas et ses diamants/En sifflant du Gershwin/Et du Jack Daniels/Elle dénude sa poitrine/La plus belle c’est bien elle .
Michael Jackson a déclaré, lors d’une interview avec Oprah Winfrey :
"C’est Elizabeth Taylor qui a commencé à m’appeler le Roi de la Pop à la remise d’un des trophées que j’ai reçus. Depuis, tout le monde m’appelle ainsi" .
Jackson a écrit pour Elizabeth la chanson Elizabeth, I love you : You're every star that shines in the world to me … et en 1987, dans le clip de Leave Me Alone, l’actrice apparaît à l’époque de La Chatte sur un toit brûlant.
La robe qu’elle portait pour présenter l’Oscar du meilleur film en 1969, a été vendue aux enchères pour un montant de 167 500 dollars US à Londres en 1995112. Les bénéfices ont été reversés à l’amfAR.
En 2000, au Royal Albert Hall de Londres, fut donné Dame Elizabeth Taylor, A Musical Celebration avec les participations de Tony Bennett, Andrea Bocelli, Ute Lemper, John Barry compositeur, Joan Collins, Stephen Fry et de l’intéressée, édité en DVD le 14 mars 2001 en France.
La même année, Mattel sort quatre poupées Barbie à l’effigie d’Elizabeth Taylor dans Le Père de la mariée, Cléopâtre.
Un portrait d’Elizabeth Taylor intitulé Silver Liz réalisé par Andy Warhol en 1963 a été adjugé aux enchères chez Christie’s à Londres pour la somme record de 10 millions de dollars.
Dans le Vanity Fair de janvier 2011, Johnny Depp, interrogé par Patti Smith, confie après le tournage de The Tourist : J’ai eu l’honneur et le plaisir de connaître Elizabeth Taylor pendant un certain nombre d’années. Vous savez vous vous asseyez avec elle, elle se jette dans le fauteuil, jure comme un marin, elle est hilarante. Avec Angelina Jolie, c’était la même chose, la même approche.

Filmographie

Année Titre du Film Réalisateur Rôle Détails
1942 There’s One Born Every Minute Harold Young Gloria Twine
1943 Fidèle Lassie Lassie Come Home Fred M. Wilcox Priscilla
1944 Jane Eyre Jane Eyre Robert StevensonHelen Burns non créditée70
Les Blanches Falaises de Douvres The White Cliffs of DoverClarence Brown Betsy Kenney à 10 ans non créditée71
Le Grand National National VelvetClarence Brown Velvet Brown
1946 Le Courage de Lassie (Courage of Lassie ou Blue Sierra)Fred M. Wilcox Kathie Merrick
1947 Mon père et nous (Life with Father Michael Curtiz Mary Skinner
Cynthia (Cynthia: The Rich, Full Life ou The Rich Full Life Robert Z. Leonard Cynthia Bishop
1948 Ainsi sont les femmes A Day with Judy Richard Thorpe Carol Pringle
La Belle imprudente (Julia Misbehaves) Jack ConwaySusan Packett
1949 Les Quatre Filles du docteur March (Little Women) Mervyn LeRoy Amy
Guet-apens (Conspirator) Victor Saville Melinda Greyton
1950 Le Chevalier de Bacchus (The Big Hangover)Norman Krasna Mary Belney
Le Père de la mariée (Father of the Bride)Vincente Minnelli Kay Banks
1951 Allons donc, papa ! (Father’s Little Dividend) Vincente Minnelli Kay Dunstan
Une place au soleil (A Place in the Sun)George Stevens Angela Vickers
Quo Vadis (Quo Vadis) Mervyn LeRoy Une prisonnière chrétienne dans l’arène non créditée128
1952 Une vedette disparait (en) (Love Is Better Than Ever ou The Light Fantastic Stanley Donen Anastacia (Stacie) Macaboy
Ivanhoé (Ivanhoe ou Sir Walter Scott’s Ivanhoe) Richard Thorpe Rebecca d'York
1953 La fille qui avait tout (The Girl Who Had Everything)Richard Thorpe Jean Latimer
1954 Rhapsodie (Rhapsody) Charles Vidor Louise Durant
La Piste des éléphants (Elephant Walk) William DieterleRuth Wiley
Le Beau Brummel (Beau Brummell) Curtis BernhardtLady Patricia Belham
La Dernière Fois que j’ai vu Paris (The Last Time I Saw Paris) Richard Brooks Helen Ellswirth/Wills
1956 Géant (Giant) George Stevens Leslie Benedict
1957 L’Arbre de vie (Raintree County) Edward Dmytryk Suzanna Drake
1958 La Chatte sur un toit brûlant (Cat on a Hot Tin Roof) Richard Brooks Maggie
1959 Soudain l’été dernier (Suddenly, Last Summer) Joseph L. Mankiewicz Catherine Holly Golden Globe Award
1960 Scent of Mystery ou Holiday in Spain La Vraie Sally Kennedy (non créditée)
La Vénus au vison (BUtterfield 8) Daniel Mann Gloria Wandrous Oscar de la meilleure actrice
1963 Cléopâtre (Cleopatra) Joseph L. Mankiewicz Cléopâtre
Hôtel International (The V.I.P.s ou International Hotel)Anthony Asquith France Andros
1965 Le Chevalier des sables (The Sandpiper) Vincente MinnelliLaura Reynolds
1966 Qui a peur de Virginia Woolf ? (Who’s Afraid of Virginia Woolf?)Mike NicholsMarthaOscar de la meilleure actrice, BAFTA
1967 la Mégère apprivoisée (The Taming of the Shrew) Franco Zeffirelli Katharina
Doctor Faustus (Doctor Faustus) Richard Burton et Neville Coghill Helen de Troie
Reflets dans un œil d’or (Reflections in a Golden Eye) John HustonLeonora Penderton
Les Comédiens (The Comedians) Peter Glenville Martha Pineda
1968 Boom (Boom!) Joseph Losey Flora ‘Sissi’ Goforth
Cérémonie secrète (Secret Ceremony) Joseph Losey Leonora
1969 Anne des mille jours (Anne of the Thousand Days ou Anne of a Thousand Days)Charles JarrottCourtesan (non créditée)
1970 Las Vegas, un couple (The Only Game in Town) George Stevens Fran Walker
1972 Une belle tigresse (en) (Zee and Co.) Brian G. Hutton Zee Blakeley
Under Milk Wood Andrew Sinclair Rozie Probert
Hammersmith Is Out Peter Ustinov Jimmie Jean Jackson
1973 Divorce (en) (Divorce His, Divorce Hers) Waris HusseinJane Reynolds Téléfilm
Terreur dans la nuit (Night Watch) Brian G. Hutton Ellen Wheeler
Les Noces de cendre (Ash Wednesday) Larry PeerceBarbara Sawyer
1974 Identikit (The Driver’s Seat ou Psychotic)Giuseppe Patroni Griffi Lise
Il était une fois Hollywood (That Entertainment)Jack Haley Jr
1976 L’Oiseau bleu (The Blue Bird) George CukorQueen of Light/Mother/Witch/Maternal Love
Victoire à Entebbé (Victory at Entebbe) Marvin Chomsky Edra Vilnofsky Téléfilm
1977 A Little Night Music Harold Prince Desiree Armfeldt
1978 Return Engagement Harold PrinceDr Emily Loomis Téléfilm
1979 Winter Kills William Richert Lola Comantenon créditée
1980 Le miroir se brisa (The Mirror Crack’d) Guy Hamilton Marina Rudd
1981 Hôpital central (General Hospital)Helena Cassadine (3 épisodes) Série télévisée
1983 Between Friends ou Nobody Makes Me Cry Deborah Shapiro Téléfilm
1984 La Force du destin (All My Children) Série télévisée
Hôtel (Hotel) Katherine Cole (Épisode Intimate Strangers) Série télévisée
1985 Malice in Wonderland ou The Rumor Mill Louella Parsons Téléfilm
Nord et Sud (North and South) Madam Conti (6 épisodes) Feuilleton Télévisé
1986 Une vie de star There Must Be a Pony Marguerite Sydney Téléfilm
1987 Poker Alice Alice Moffit Téléfil
1988 Toscanini(Il giovane Toscanini Franco ZeffirelliNadina Bulichoff
1989 Sweet Bird of Youth Alexandra Del Lago Téléfilm
1992 Captain Planet and the Planeteers Mère de Todd Épisode A Formula for Hate Série télévisée
Les Simpson (The Simpsons) Maggie Simpson épisode 10 : Le Premier Mot de Lisa
et Elizabeth Taylor (épisode 22 : Krusty, le retour) Série télévisée
1994 La Famille Pierrafeu ou The Flinstones – La famille Pierrafeu (The Flinstones Brian Levant Pearl Slaghoople
1996 Une nounou d'enfer ou The Nanny – Une nounou d'enfer (The Nanny)Fran DrescherElle-même (Épisode 21 : Les perles d'Elizabeth Taylor)Série télévisée
2001 Drôles de retrouvailles (These Old Broads)Beryl Mason
2003 Dieu, le diable et Bob (God, the Devil and Bob)Sarah (Épisode God’s Girlfriend Série télévisée

Distinctions

En 1985, le ministre de la culture français de l’époque, Jack Lang, lui remet les insignes de Commandeur des Arts et des Lettres.
Elle est faite Commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique par la reine Élisabeth II en 1999, ce qui lui donne droit à l’appellation protocolaire Dame Elizabeth Taylor utilisée par exemple sur la chaîne ITV.
La même année, l’American Film Institute, qui lui avait déjà rendu hommage en 1993, l’a classée septième des plus grandes actrices de tous les temps dans le classement AFI’s 100 Years… 100 Stars.
À l’âge de 70 ans, le journal britannique The Sunday Express la sacre Plus belle femme du monde devant Grace Kelly, Audrey Hepburn, Sophia Loren, Marilyn Monroe, Brigitte Bardot ou encore Catherine Zeta-Jones.
Ses empreintes de main et de pied ont été immortalisées dans la cour d’honneur du Grauman’s Chinese Theatre le 26 septembre 1956, tandis qu’à Hollywood, sur la promenade des célébrités Walk of Fame, une des 2 000 étoiles porte son nom, à hauteur du 6336 Hollywood Boulevard.

Récompense

Année Cérémonie Récompense Film
1957 Golden Globes Special Award
1958 Laurel Award Meilleure Actrice dans un film dramatique L’Arbre de vie
1960 Golden Globes Meilleure Actrice dans un film dramatique Soudain l’été dernier
Laurel Award 2e Star Féminine
Meilleure Performance dans un film dramatique Soudain l’été dernier
1961 Oscar du cinéma Meilleure actrice La Vénus au vison
Laurel Award 2e Meilleure Performance dans un film dramatique
2e Star Féminine
1963 Laurel Award 2e Star Féminine
1964 Laurel Award 2e Star Féminine
1965 Laurel Award Star Féminine
1966 Laurel Award Star Féminine
3e Meilleure Performance dans un film dramatique Le Chevalier des sables
1967 Oscar du cinéma Meilleure actrice Qui a peur de Virginia Woolf ?
BAFTA Awards BAFTA Film Award
Kansas City Film Critics Circle Awards Meilleure actrice
National Board of Review Meilleure actrice
1968 Prix Bambi
1972 Ours d'argent de la meilleure actrice Meilleure actrice Hammersmith Is Out
1974 Golden Globes Henrietta Award
1977 Hasty Pudding Theatricals Woman of the Year
1993 Oscar du cinéma Jean Hersholt Humanitarian Award
American Film Institute Award pour l’ensemble de sa carrière
1996 Golden Globes Cecil B. DeMille Award
1998 Screen Actors Guild Award Life Achievement Award
1999 BAFTA Awards Academy Fellowship
2001 Taos Talking Picture Festival Maverick Award

Nominations

Année Cérémonie Nomination Film
1958 Oscar du cinéma Meilleure actrice L’Arbre de vie
Laurel Award 4e Star Féminine
1959 Oscar du cinéma Meilleure actrice La Chatte sur un toit brûlant
BAFTA Awards Meilleure actrice
1960 Oscar du cinéma Meilleure actrice Soudain l’été dernier
1961 Golden Globes Meilleure Actrice dans un film dramatique La Vénus au vison
1962 Laurel Award 7e Star Féminine
1966 Golden Globes Henrietta Award
1967 Golden Globes Meilleure Actrice dans un film dramatique Qui a peur de Virginia Woolf ?
1968 BAFTA Awards Meilleure actrice Soudain l’été dernier
Laurel Award 7e Star Féminine
1969 Golden Globes Henrietta Award
1971 Laurel Award 7e Star Féminine
1974 Golden Globes Meilleure Actrice dans un film dramatique Les Noces de cendre
1994 Razzie Awards Pire Actrice dans un Second Rôle La Famille Pierrafeu

Iconographie

1962 : Andy Warhol, Silver Liz as Cleopatra, collection privée.

Doublage français

Paule Emanuele dans :
Qui a peur de Virginia Woolf ?
Cérémonie secrète
Boom
Divorce (téléfilm)
Terreur dans la nuit
L'Oiseau bleu
Victoire à Entebbé
Le miroir se brisa
Malice in Wonderland (téléfilm)
Nord et Sud (mini-série)
La Famille Pierrafeu
Nelly Benedetti dans :
La Dernière Fois que j'ai vu Paris
La Piste des éléphants
Géant
Hôtel international
Le Chevalier des sables
Les Comédiens
Claude Winter dans :
Soudain l'été dernier
Cléopâtre
Reflets dans un Å“il d'or
La Mégère apprivoisée
Nicole Riche dans :
Les Quatre Filles du docteur March
Rhapsodie
Le Beau Brummel
Micheline Cevennes dans :
Une place au soleil
Ivanhoé
Jacqueline Porel dans La Chatte sur un toit brûlant
Martine Sarcey dans Une belle tigresse

Liens
http://youtu.be/3OHMNuMKO9g Les yeux améthystes
http://youtu.be/PfF7TeYAiJM Les yeux améthystes 2
http://youtu.be/rX6YCLmnYcs Les yeux améthystes 3
http://youtu.be/tivbmZJZelA Les yeux améthystes 4
http://youtu.be/ZEinIGf8bb4 Les yeux améthystes 5
http://youtu.be/nzjznYXdX8A Les yeux améthystes 6
http://youtu.be/BzmDHvjhosE The last tile I saw Paris (entier)
http://youtu.be/GGgNm7w9T-Q Cléopatra 1963 (entier)

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Posté le : 22/03/2014 20:47
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Stendhal
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Le 23 mars 1842 à Paris, à 59 ans, meurt Marie-Henri Beyle, connu sous le

pseudonyme de Stendhal


né le 23 Janvier 1783 à Grenoble, écrivain français, réaliste et romantique, connu en particulier pour ses romans Le Rouge et le Noir et La Chartreuse de Parme, Lucien leuwen.
Stendhal est fâcheusement réduit, de nos jours, à l'état de classique du roman : encore n'en connaît-on ordinairement qu'un ou deux titres. Stendhal s'éloigne, et l'on méconnaît le rôle magistral qu'il a joué dans la littérature française du XXe siècle et l'exceptionnelle présence qu'il a été, lui seul ou presque parmi les écrivains du romantisme.


Mythe moderne, que lui-même a sans doute voulu et créé, mythe qui repose sur une certaine " sacralité "de l'auteur, sans laquelle son œuvre ne peut être ni saisie ni comprise, mythe enfin qui se confond avec l' égotisme, autre invention de Stendhal, ou mieux d'Henri Beyle, qui unit l'homme et l'œuvre, et brouille les distinctions entre littérature et existence. L'égotisme chez Stendhal, c'est d'abord l'affirmation d'un moi fort : tout événement vaut par la conscience qu'il en prend ; il doit éprouver et connaître, c'est-à-dire se connaître éprouvant, explorer et apprécier son moi dans l'acte de se réfléchir et de se saisir. Étant à lui-même son propre idéal, l'être stendhalien vit et écrit d'un même mouvement. L'œuvre de Stendhal se confond donc avec sa vie, qui inversement devient une œuvre, et Stendhal est d'abord l'auteur dont l'existence révélée, exhibée et cachée par lui-même est contenue dans la masse des textes qui la rapportent, et qui vont du journal intime presque continu de 1801 à 1817, de l'œuvre épistolaire, à l'autobiographie, deux essais inachevés, Souvenirs d'égotisme, 1832 ; Vie de Henry Brulard, 1835-1836, au journal de voyage fictif et à la fiction complète. Son moi, trop riche pour être contenu dans un nom, ne cessera, à travers l'usage des pseudonymes, de produire des dizaines de fausses identités. Une étrange graphomanie le conduit à écrire son moi sur tout support : meubles, vêtements, boîtier de montre, les livres des autres et les siens sur lesquels il griffonne d'innombrables marginales.
Stendhal aurait voulu consacrer sa vie à la rêverie, à la chasse au bonheur, aux arts et à l'amour ; bien malgré lui, il eut une vie mouvementée.
Après la mort d'une mère trop aimée, il souffre d'une enfance étouffante à Grenoble auprès d'un père qu'il méprise et d'un grand-père qu'il adore. Il trouve refuge dans la littérature avant de s'échapper de Grenoble en 1799 pour aller étudier à Paris. En réalité, il s'est découvert une vocation, et abandonne ses études : il veut être comic bard, il rêve d'écrire des comédies. Ses cousins Daru le forcent à entrer au ministère de la Guerre. C'est ainsi qu'il est envoyé à Milan en mai 1800. Il découvre, émerveillé, en même temps la guerre, l'Italie, l'opéra, l'amour et le bonheur. Il ne cessera de retourner en Italie entre ses missions administratives. De tempérament timide et romanesque, souffrant de l'hypocrisie de la société de son temps, il invente pour lui-même une méthode pratique du bonheur, le beylisme.
Perdant son emploi au moment de la chute de l'Empire, il se consacre à ses passions : l'Italie, la musique, la peinture. Il écrit Vie de Haydn, Mozart et Métastase, puis Histoire de la peinture en Italie, dont il perd le premier manuscrit dans la Retraite de Russie, et Rome, Naples et Florence, journal de sensations plutôt que guide touristique. En 1819, son chagrin d'amour pour Matilde Dembowski lui fait écrire un traité, De l'amour, tentative d’analyse du sentiment amoureux, paru en 1822, dont à peine quarante exemplaires seront vendus. C'est à partir de 1827, à l'âge de quarante-quatre ans, qu'il se lance dans le roman, avec Armance, mal compris de ses contemporains ; puis c'est Le Rouge et le Noir, paru juste après la Révolution de Juillet 1830, qui lui confère une certaine notoriété, dont il ne profite pas, ayant été nommé consul à Civitavecchia par le gouvernement de Juillet. Malgré l'ennui dans lequel le plongent ses nouvelles fonctions, Stendhal ne cesse d'écrire : il commence des autobiographies, Souvenir d'égotisme, Vie de Henry Brulard et des romans, Lucien Leuwen, Lamiel, qu'il n'achève pas. Lors de l'un de ses congés à Paris, il écrit La Chartreuse de Parme, qui suscite l'admiration d'Honoré de Balzac. Il meurt à Paris d'une crise cardiaque en pleine rue le 23 mars 1842.
Ses romans de formation Le Rouge et le Noir en 1830, La Chartreuse de Parme en 1839 et Lucien Leuwen, inachevé ont fait de lui, aux côtés de Balzac, Hugo, Flaubert ou Zola, un des grands représentants du roman français au xixe siècle. Dans ses romans, caractérisés par un style économe et resserré, Stendhal cherche la vérité, l'âpre vérité dans le domaine psychologique, et campe essentiellement des jeunes gens aux aspirations romantiques de vitalité, de force du sentiment et de rêve de gloire.

Sa vie

Le docteur Henri Gagnon, son grand-père
" Tout mon malheur peut se résumer en deux mots : jamais on ne m'a permis de parler à un enfant de mon âge. Et mes parents … m'honoraient d'une attention continue. Pour ces deux causes, à cette époque de la vie si gaie pour les autres enfants, j'étais méchant, sombre, déraisonnable... "
C’est ainsi que Stendhal résumera son enfance dans Vie de Henry Brulard.

Henri Beyle naît le 23 janvier 1783, 12 rue des Vieux Jésuites à Grenoble, fils de Chérubin Beyle, avocat consistorial, et d'Henriette Gagnon. Il avouera dans son autobiographie, Vie de Henry Brulard : " À six ans j'étais amoureux de ma mère. … Je voulais couvrir ma mère de baisers et qu'il n'y eût pas de vêtements. Elle m'aimait à la passion et m'embrassait souvent, je lui rendais ses baisers avec un tel feu qu'elle était souvent obligée de s'en aller. J'abhorrais mon père quand il venait interrompre nos baisers."
Elle meurt en couche le 23 novembre 1790, alors qu'il a sept ans. Là commence ma vie morale, dira Henri. Fou de chagrin, il ne peut pleurer. Sa tante Séraphie lui reproche son insensibilité. On lui explique qu'il s'agit de la volonté divine. Il en deviendra athée.
Le jeune Henri a peu d’estime pour son père, avocat au Parlement de Grenoble, homme taciturne, pieux, hypocrite, bourgeois qui ne pensait qu’à ses affaires financières. Le précepteur qu'on lui donne, l'abbé Raillane, va détériorer leurs rapports : Je haïssais l'abbé, je haïssais mon père, source des pouvoirs de l'abbé, je haïssais encore plus la religion au nom de laquelle ils me tyrannisaient.Entre son père, sa tante Séraphie, ce diable femelle et l'abbé Raillane, ennemi juré de la logique et de tout raisonnement droit, qui l'empêche d'aller se baigner avec les autres enfants par peur de la noyade, le jeune Henri passe une enfance malheureuse atténuée par la présence bienveillante de son grand-père maternel, Henri Gagnon, médecin célèbre de Grenoble, homme des Lumières, extrêmement aimable et amusant, qui l'initie à la littérature : Molière, Fénelon, Voltaire, Horace, Ovide, Dante, Le Tasse, Cervantès… Sa maison place Grenette, avec sa terrasse ensoleillée, voir appartement du docteur Gagnon devient l'antithèse de celle de son père, étroite, sombre, humide et, de manière générale, Henri voit dans les valeurs des deux branches de sa famille deux mondes que tout oppose : Le côté Beyle, c'est le pouvoir, l'avarice, l'insensibilité, l'ombre, le froid, la tristesse, le pédantisme, la vanité, … l'affection des parents et les dangers de la liberté. Contre eux, les Gagnons, la culture, la gaieté, la lumière, le plaisir, la beauté, la tendresse, la générosité et la fierté, la folie des chimères, rattachés à cette Italie dont l'enfant se persuade qu'elle est la patrie des Gagnons ….

La journée des tuiles à Grenoble.

Le 7 juin 1788, le jeune Henri assiste à la Journée des Tuiles du balcon de son grand-père, qui annonce les journées révolutionnaires de 1789. Par aversion pour la tyrannie familiale et la religion, Henri se sent républicain enragé. Sa famille est horrifiée de l'exécution de Louis XVI, lui, exulte. À l'arrivée des représentants du peuple, son père, considéré comme suspect, est incarcéré durant presque un an. Au printemps 1794, un Bataillon de l'Espérance est créé par les jacobins de Grenoble. Il veut les rejoindre, écrit une fausse lettre officielle, est découvert et grondé. En août 1794, il est délivré de l'abbé Raillane qui, ayant refusé de prêter serment, doit s'enfuir, puis, en 1797, c'est sa tante Séraphie qui meurt. Il se sent enfin libre.
Le 21 novembre 1796, à treize ans, il entre à l'École Centrale de Grenoble, école créée par la Révolution pour remplacer les collèges religieux. Il s'y fait, enfin, des camarades de son âge et se passionne pour les mathématiques, science logique par excellence. À l'automne 1798, il fait un coup d'éclat avec ses camarades : ils tirent au pistolet sur l'arbre de la Fraternité. L’adolescence est l’âge des premiers émois où la découverte de l’amour se mêle à celui de la musique : il s'éprend d'une comédienne, Virginie Kubly, membre d'une troupe itinérante, qui joue dans des pièces ou des opéras. Amoureux fou, il essaye divers instruments de musique et le chant, sans succès.
C'est grâce à un prix en mathématique qu'il peut fuir Grenoble en octobre 1799, à seize ans, pour tenter d’entrer à l'École Polytechnique à Paris.

À Paris, 1799-1800

Pauline Beyle, sa sœur, son amie, sa confidente, son élève…
Henri arrive à Paris au lendemain du coup d’état du 18 brumaire an VII soit le 9 novembre 1799. Il est au début un opposant à Bonaparte et à l'Empire, qu'il raille dans son Journal, et auquel il ne se rallie que plus tard. C'est en réécrivant sa vie qu'il se prétend plutôt, enchanté que le jeune général Bonaparte se fit roi de France.Il loge près de l’École Polytechnique, alors installée rue de l’Université, puisqu’il doit y passer le concours d'entrée. Mais son vrai projet intime, est d’être un séducteur de femme et d’écrire des comédies. Désirant avec ardeur un cœur ami, tout en étant extrêmement timide, n’osant parler aux femmes, il se réfugie dans la rêverie :
" J'étais constamment profondément ému. Que dois-je donc aimer si Paris ne me plaît pas ? Je me répondais : “une charmante femme versera à dix pas de moi, je la relèverai et nous nous adorerons, elle connaîtra mon âme …“ Mais cette réponse, étant du plus grand sérieux, je me la faisais deux ou trois fois le jour, et surtout à la tombée de la nuit qui souvent pour moi est encore un moment d'émotion tendre… Très gauche, il se présente à son cousin Noël Daru, et à ses fils Pierre, secrétaire général au Ministère de la Guerre, et Martial, qui n’avait ni tête ni esprit, mais un bon cœur."

Pierre Daru, le cousin colérique et bienveillant à la fois.

Dans la solitude de sa petite chambre près des Invalides, il déchante. Il n’a nulle envie d’entrer à l’École Polytechnique et Paris le dégoûte, à s’en rendre malade : La boue de Paris, l’absence de montagnes, la vue de tant de gens occupés passant rapidement dans de belles voitures à côté de moi connu de personne et n’ayant rien à faire me donnaient un chagrin profond.Sa maladie s'aggrave, il est alité, fiévreux, délirant, perd ses cheveux… son cousin Noël Daru lui envoie un bon médecin puis le fait venir auprès de lui, dans son hôtel particulier de la rue de Lille. Lorsque Henri a repris des forces il essaye d'écrire des comédies, mais doute, hésite avec l'Opéra alors qu'il ne connaît pas les notes, n'arrive à rien… Les repas chez les Daru le mettent au supplice, par manque d'habitude des convenances, par timidité, il n'ouvre pas la bouche, et se déçoit lui-même : Qu'on juge de l'étendue de mon malheur ! moi qui me croyais à la fois un Saint-Preux et un Valmont …, moi qui, me croyant une disposition infinie à aimer et être aimé, croyais que l'occasion seule me manquait, je me trouvais inférieur et gauche en tout dans une société que je jugeais triste et maussade, qu'aurait-ce été dans un salon aimable!. Il multiplie les maladresses, les Daru se demandent s’il est imbécile ou fou. Durant toute cette période, il écrit abondamment à sa jeune sœur Pauline, sa confidente et son élève. Il essaye de former son esprit, lui conseille de lire, d’apprendre l’Histoire, l’arithmétique, l’orthographe, plutôt que de faire des travaux d’aiguille ou de fréquenter les religieuses.
Il ne sait que répondre à Noël Daru qui le presse de faire quelque chose, au moins se préparer à passer le concours de Polytechnique de la saison suivante, pour finir par lui imposer, en février, d’aller travailler sous les ordres de son fils Pierre au Ministère de la Guerre qui est en train de préparer Marengo. Il se rêvait Don Juan ou auteur de comédie à succès, il se retrouve secrétaire. Les débuts se passent mal : son écriture est illisible, il fait des fautes, il écrit cella au lieu de cela, met trop de en effet dans ses lettres, est terrorisé par son cousin, qu’il surnomme le bœuf furibond : Tout le monde à la Guerre frémissait en abordant le bureau de M. Daru ; pour moi, j'avais peur rien qu'en regardant la porte.
Ses souffrances prennent fin le 7 mai 1800. Il doit rejoindre la grande Armée avec Pierre et Martial Daru en Italie.

L’éblouissement milanais, 1800-1802

" J’étais absolument ivre, fou de bonheur et de joie. Ici commence une époque d’enthousiasme et de bonheur parfait. ": c’est le sentiment général de la traversée de la Suisse et de l’arrivée en Italie dont se souvient Henri lorsqu'il racontera cet épisode en 1836. Gai et actif comme un jeune poulain, il est heureusement accompagné dans son périple par le capitaine Burelviller qui lui donne des cours d’équitation et le protège des dangers du voyage. Il porte un sabre dont il ne sait pas se servir, monte pour la première fois à cheval, manquant de peu finir dans un lac, traverse le Grand-Saint-Bernard en longeant des précipices, essuie des tirs au fort de Bard… Malgré cela, tout l’émerveille. Lui qui a été si protégé durant son enfance, est fasciné par la nouveauté du danger et de la situation, par la beauté des paysages :
"Je ne demandais qu’à voir de grandes choses ".

Angela Pietragrua, la catin sublime.

Arrivé à Ivrée, il se rend au spectacle où Il matrimonio segreto de Cimarosa l’éblouit d’un bonheur divin. À partir de ce moment, Vivre en Italie et entendre de cette musique devint la base de tous ses raisonnements. Il arrive à Milan vers le 10 juin. Immédiatement cette ville devient pour lui le plus beau lieu de la terre. A peine arrivé, il croise Martial Daru qui le croyait perdu. Il le conduit à son logement, Casa d’Adda, dont l’architecture, la cour, le salon, les côtelettes panées qu’on lui sert… tout l’enchante. Ne pouvant peindre le bonheur fou, Stendhal arrêtera là sa Vie de Henry Brulard. C’est par son Journal, commencé en avril 1801, que l’on connaît son éblouissement pour la ville : la beauté des monuments, des femmes, les cafés, l’opéra surtout, La Scala, au décor fastueux, salon de la ville, où se retrouve toute la bonne société milanaise, chaleureuse, accueillante, tellement éloignée de la froideur et de la vanité parisienne. Le commissaire des guerres pour lequel il travaille, Louis Joinville, lui présente sa maîtresse, Angela Pietragrua, femme magnifique dont il tombe éperdument, et silencieusement, amoureux.
La bataille de Marengo, est livrée le 14 juin 1800. À la suite de la victoire, Henri doit accompagner Pierre Daru à la citadelle d’Arona, sur le lac Majeur. Il en profite pour visiter les îles Borromées. À son retour à Milan, il fréquente à nouveau les bals et les soirées. Tous ses amis se sont trouvé des maîtresses italiennes, mais lui, par timidité, par excès de romanesque, et ceci d'une une manière plus courante alors, va découvrir les femmes avec des prostituées.
Le 23 septembre 1800, il est nommé sous-lieutenant au sein du 6e régiment de dragons. En décembre, il est envoyé en garnison près de Brescia. Il s’y ennuie. Il revient à Milan dès qu'il le peut. Au printemps 1801, il tombe malade, probablement la syphilis contractée auprès des prostituées. Il restera fiévreux, avec des périodes de rémission. En décembre 1801, on lui accorde un congé de convalescence. Il revient à Paris début 1802.

Paris et Marseille, 1802-1806

Victorine Mounier, qu’il aime comme le bonheur sans réellement la connaître.
Après un passage par Grenoble où il est resté trois mois, il retrouve Paris sous un meilleur jour, puisqu’il continue de recevoir sa solde de sous-lieutenant. Il sort, fréquente les théâtres, les salons, commence à écrire des comédies, étudie le comique, suit des cours de danse, d'anglais, de grec ; il lit beaucoup : Hobbes, Destutt de Tracy, Vauvenargues, Hume, Goldoni, Alfieri… Le 20 juillet 1802, il démissionne de son poste dans l'armée. Son père lui envoie 200 francs par mois, pas assez pour Henry qui dépense pour ses cours, ses livres, son habillement… car, ne se trouvant pas beau, il tient à son élégance. Son manque d’argent le fait souffrir ; il lui attribue sa timidité, son manque d’assurance dans les salons et auprès des femmes : Un an de luxe et de plaisirs de vanité, et j'ai satisfait aux besoins que l'influence de mon siècle m'a donnés, je reviens aux plaisirs qui en sont vraiment pour mon âme, et dont je ne me dégoûterai jamais. Mais dans ce temps de folie, je me serai défait de ma timidité, chose absolument nécessaire pour que je paraisse moi-même ; jusque là on verra un être gourmé et factice, qui est presque entièrement l'opposé de celui qu'il cache… Dans ses lettres, il partage ce qu'il apprend avec sa sœur Pauline, lui fait part de ses pensées. Il flirte avec sa cousine Adèle Rebuffel… pour finir par coucher avec la mère de celle-ci, Madeleine. Le 2 décembre 1804, le Premier Consul se fait couronner Empereur par le Pape. Réaction méprisante d'Henri qui voit passer le cortège : cette alliance si évidente de tous les charlatans. La religion venant sacrer la tyrannie, et tout cela au nom du bonheur des hommes. Il tombe très amoureux de la sœur d’un ami, Victorine Mounier, rencontrée à Grenoble. La connaissant peu, il lui imagine mille qualités et rêve de mariage : Si j'allais dans les mêmes sociétés qu'elle, je suis sûr qu'elle m'aimerait, parce qu'elle verrait que je l'adore et que j'ai une âme, belle comme celle que je lui suppose, que son éducation … doit lui avoir donné, et qu'elle a sans doute ; et il me semble qu'une fois que nous nous serions sentis, et combien le reste du genre humain est peu propre à mériter notre amour et à faire notre bonheur, nous nous aimerions pour toujours. Il écrit d’abord à son frère, dans l’espoir qu'il fera lire les lettres à sa sœur puis à Victorine elle-même, sans recevoir de réponse.
Il prend des cours de déclamation chez Dugazon, afin de bien lire les vers. Il y rencontre Mélanie Guilbert, dite Louason, jeune comédienne, qui lui fait oublier Victorine. Il en tombe progressivement très amoureux. Très intimidé, il n’a pas l’esprit d’avoir de l’esprit en sa présence. Ils se voient tous les jours et s’embrassent beaucoup, mais Mélanie ne veut pas d’un amant de peur de se retrouver enceinte. Henri commence à s’accoutumer au bonheur.Ils sont amants le 29 juillet 1805, lorsqu'il la rejoint à Marseille où elle a obtenu un rôle au Grand Théâtre. À Marseille, il tente de se faire banquier, avec son ami Fortuné Mante, mais, son père ayant refusé de lui prêter les fonds nécessaires, c’est un échec. Sa vie de couple avec Mélanie finit par le lasser, il la trouve bête, tyrannique et geignarde, mais c’est elle qui part en mars 1806. Ennuyé par la ville, désœuvré, ruiné, il rentre à Paris le 10 juillet, renoue ses relations avec la famille Daru, leur demande un poste, qu'il obtient. Vers le 3 août il est reçu franc-maçon. Le 16 octobre 1806, il suit Martial Daru en Allemagne.

L’Allemagne et l’Autriche, 1806-1810

Le 18 octobre 1806, Henri écrit à sa sœur Pauline : Nous allons à Cobourg, mais l’empereur est sans doute bien en avant. Nous allons d'ici à Mayence, de Mayence à Wurtzbourg, de Wurtzbourg à Bamberg, de là, à Cobourg et de là, à la gloire.Le 27 octobre, Napoléon entre à Berlin, où Henri arrive peu après. Le 29, Henri est nommé adjoint aux commissaires des guerres et envoyé à Brunswick, où il arrive le 13 novembre. Accaparé par son emploi, il trouve tout de même le temps de suivre des cours d’équitation, de tirer au pistolet, d’aller au théâtre, au café concert, a des bals… et de tomber amoureux de Wilhelmine von Griesheim, la fille de l’ancien gouverneur de la ville, tout en couchant avec d’autres femmes. Il croit être heureux. Il n’aime pourtant ni la nourriture allemande composée de pain noir, de choucroute et de bière, Ce régime rendrait flegmatique l’homme le plus emporté. A moi, il m’ôte toute idée, ni leurs édredons, ni leur culture, il ignore Novalis, Hölderlin, Hegel…. Par contre, il s’enthousiasme pour Mozart. Pauline, après avoir suivi les injonctions à la liberté prodiguées par son frère un peu trop à la lettre, elle se promène à Grenoble en habit d'homme, rentre dans le rang et se marie à François Daniel Perrier-Lagrange le 25 mai 1808.
Le 11 novembre, il reçoit l’ordre de regagner Paris. Un médecin lui confirme sa syphilis. Il doit suivre un traitement rigoureux. Le 10 avril 1809, l'armée autrichienne passe à l'offensive, Henri doit retourner en Allemagne. Il est affligé du spectacle de la guerre a Ebersberg, ville et corps brûlés. Napoléon entre dans Vienne le 12 mai. Henri passe sous les ordres de Martial Daru, intendant de la province de Vienne. D'abord enchanté par le climat et la musique, il finit par s'ennuyer à mourir dans son emploi. En octobre, il pense plaire à Alexandrine Daru, l’épouse de Pierre, sans parvenir à la courtiser, il ne sait comment prendre ce ton galant qui permet de tout hasarder, parce que rien n’a l’air d’être dit sérieusement.Comme à son habitude, il prend une maîtresse plus accessible. Le 2 janvier 1810 il demande à être envoyé en Espagne . Sans attendre la réponse, il part pour Paris.

L’ascension sociale, 1810-1811

À Paris il retrouve Alexandrine Daru, dont il tente d’interpréter le moindre geste comme une preuve d’intérêt pour lui. Martial le propose comme auditeur au Conseil d'État, son père lui fournissant le revenu nécessaire à la fonction. Profitant d’un moment d'inactivité, Henri lit, fréquente les cafés et les salons où il éprouve la plus grande quantité d’ennui pur.Le 10 mai 1810, on lui ordonne de rejoindre Lyon. Il décide d'ignorer cet ordre, et continue à fréquenter les théâtres, à lire, à se promener, et à écrire : il reprend sa comédie qu'il ne finira jamais, Letellier. Il projette d'écrire des biographies de peintres ou de musiciens afin de pallier les ignorances de ses contemporains. Il alterne moments de bonheur et mélancolie. Il lui manque une maîtresse et les îles Borromées.
Il est officiellement nommé auditeur au Conseil d'État par décret le 1er août 1810, puis, le 22 août, il devient inspecteur de la comptabilité des Bâtiments et du Mobilier de la Couronne. Il est chargé de l'inventaire des œuvres d'art des musées et palais impériaux. Il s'est acheté un cabriolet à la mode, des cachets à ses initiales, loue un appartement plus conforme à son nouveau statut, qu'il partage avec un beau jeune homme, Louis de Bellisle. Sa situation sociale met fin a ses soucis financiers et lui fait espérer la baronnie, mais le laisse insatisfait : Ce bonheur d’habit et d’argent ne me suffit pas, il me faut aimer et être aimé.Et puis cet emploi lui prend son temps, ses moments de plaisir et de réflexion : Les affaires me pillent mon temps, je n'en ai pas pour huit à dix heures de travail ; cependant, je ne puis pas suivre un travail particulier. Le travail de réfléchir, du moins pour moi, ne se prend pas et ne se quitte pas comme un habit : il faut toujours une heure de recueillement, et je n'ai que des moments.
Depuis le 29 janvier 1811, il passe ses nuits avec Angelina Bereyter, une chanteuse d’opéra. Il ne peut s’empêcher d’y voir des inconvénients : Mon bonheur physique avec Angela m’a ôté beaucoup de mon imagination.Il rêve toujours d’Italie et voudrait qu'on l’envoie en mission à Rome, mais c’est Martial Daru qui y est envoyé. Le 17 mars 1811, il invente pour lui-même la notion de Beylisme dans son Journal : Crozet est toujours amoureux d’A., conduisant sa barque comme un niais, et il en est triste et attristant. C’est ce que je lui dis sans cesse à lui-même pour le rendre un peu beyliste. Mais il regimbe. La volupté n’aura jamais en lui un adorateur véritable, et il me semble presque irrévocablement dévoué à la tristesse et à la considération qu’elle procure chez ce peuple de singes.
Le 31 mai il trouve enfin le courage, après de longues hésitations qui le tourmentent, de se lancer dans la bataille et d'oser se déclarer à Alexandrine, lors d'un séjour dans le château des Daru de Becheville : Elle est troublée, mais lui répond qu'il ne doit voir en elle qu'une cousine qui a de l'amitié pour lui. Il va se coucher, partagé entre la peine et le soulagement de n'avoir plus de remords. Au moment de quitter Becheville, il tente de plaisanter malgré son chagrin : J'avais besoin de rire, car je me sentais une violente envie de pleurer.Triste, déçu, ennuyé par Angelina Bereyter qu'il ne désire plus, il demande, en août, un congé de quelques jours à Pierre Daru. En réalité, il a pris une place dans une diligence pour Milan.

Milan, Angela et l’Italie, 1811

Il arrive à Milan le 7 septembre, y retrouve les émotions de sa jeunesse mêlé au souvenir Angela Pietragrua : Je ne puis faire un pas dans Milan sans reconnaitre quelque chose, et, il y a onze ans, j’aimais ce quelque chose parce qu'il appartenait à la ville qu’elle habitait. Il se rend chez elle et lui avoue l’avoir aimée. Elle en est touchée et l’introduit dans les meilleurs salons de la ville. Ils se voient régulièrement, chez elle dans la journée, à la Scala le soir. Henri est à nouveau amoureux. Il est furieux contre lui-même de ne pas oser se déclarer, et finit, le 12 septembre, par tout lui confier. Ils s’embrassent, mais elle ne veut aller plus loin. Henri est déçu : Elle m’aime et l’ennui me saisit. C’est avoir en soi un principe de malheur. Il décide de partir le 22 septembre pour visiter l’Italie. Victoire juste avant son départ, le 21 ils sont amants. Il en inscrit la date et l’heure sur ses bretelles.
Il visite Bologne et Florence, qui le déçoivent, puis Rome où il est bouleversé par le Colisée. Il y rencontre Martial Daru, qui le presse de rentrer à Paris où son congé prolongé n’est pas du goût de son frère, Pierre. Mais Henri poursuit sa route et arrive à Naples début octobre. S’il n’aime pas le peuple napolitain, qu'il juge bruyant, ni la musique, ennuyeuse, il gardera un souvenir impérissable du Pausilippe. Après avoir visité Pompei et Herculanum, il rentre à Milan, visite Parme et revoit les îles Borromées. Il retrouve Angela à Varèse. Elle est inquiète, prétendant que son mari est au courant de leur liaison. Henri soupçonne plutôt un autre amant. Il rentre à Paris le 27 novembre 1811. L’accueil glacial de Pierre Daru ne l’empêche pas de retrouver ses activités à l’intendance de la Maison de l’Empereur, ainsi que sa vie de couple avec Angelina Bereyter, qui l’ennuie toujours un peu.
Le 4 décembre, Henri commence l’écriture de l’Histoire de la Peinture en Italie, se documentant à la Bibliothèque Impériale. Mais la guerre avec la Russie se prépare. Elle est officielle le 8 avril 1812, avec l’ultimatum d’Alexandre Ier.

La chute, 1812-1814

Le 23 juillet 1812, Henri se met en route, appelé par Pierre Daru, chargé de courriers et de paquets pour l’Empereur. Il rêvait d’action, de repartir en campagne, mais il ne peut s’empêcher de maugréer contre les sots qui l’entourent, la poussière de la route, le manque d’eau, de livres… et l’absence de linge de rechange : " Dans cet océan de barbarie, pas un son qui ne réponde à mon âme ! Tout est grossier, sale, puant au physique et au moral."Il s’extasie en revanche devant l’incendie de Smolensk qui vient d’être bombardée. Après la sanglante bataille de Borodino, l’armée pénètre dans un Moscou désert le 14 septembre. Les incendies éclatent peu après dans toute la ville. L’armée française pille les maisons dont les vitres éclatent sous la chaleur. Au lieu de voler du vin ou de la nourriture, Henri prend un volume des Facéties de Voltaire. L’armée est obligée de quitter la ville.
" Nous sortîmes de la ville, éclairée par le plus bel incendie du monde, qui formait une pyramide immense qui était comme les prières des fidèles : la base était sur la terre et la pointe au ciel. La lune paraissait, je crois, par-dessus l'incendie. C’était un grand spectacle, mais il aurait fallu être seul pour le voir. Voilà la triste condition qui a gâté pour moi la campagne de Russie : c’est de l’avoir faite avec des gens qui auraient rapetissé le Colisée et la mer de Naples. "
Fiévreux, pris d’une rage de dent, il a une révélation, en Italien : ce qu'il désire faire naître un jour, c’est un mélange d’allégresse et de tendresse, comme Cimarosa. Le 6 octobre, alors que Napoléon attend toujours des nouvelles du tsar, il est chargé de la direction des approvisionnements de réserve et des réquisitions. Il retourne à Smolensk le 7 novembre, avec 1500 blessés, puis repart immédiatement pour Vilna. Durant le trajet, il se fait attaquer par des cosaques, et perd le manuscrit de L’Histoire de la Peinture en Italie. Le froid terrible, températures de -40 °C, la faim, la fatigue ont réduit la Grande Armée en miettes. Henri à la bonne idée de passer la Bérézina le 27 novembre, la veille de la bataille, pourtant victorieuse et du désastre qui s’ensuivit : les ponts brulés, les blessés abandonnés. Le 30 décembre, il part pour Dantzig puis rejoint Berlin. Il est à Paris le 31 janvier 1813. Il a survécu à la Campagne de Russie.
Les souffrances de cette campagne l’ont vieilli et rendu amer : "Je suis actuellement dans un état de froideur parfait, j’ai perdu toutes mes passions, même si plus tard, auprès de ses amis, il fanfaronne en disant avoir pris la retraite comme un verre de limonade ".Il a perdu goût à tout, hormis à la nourriture, comme s’il rattrapait la période de jeûne forcé en Russie. Il retravaille Letellier, n’ayant pas le courage de recommencer L’Histoire de la Peinture en Italie. Il est pressenti pour recevoir une préfecture, comme tous ses collègues, ce qui le laisse perplexe : "Je serai un peu humilié de n’avoir rien ; d’un autre côté, être préfet autre part que dans les quatorze départements italiens est entièrement contre mes goûts les plus chers."
La guerre reprend, mais Henri n’a nulle envie d’y participer. Il est pourtant envoyé à Mayence le 19 avril. Le 20 mai c'est la guerre à Bautzen : tout ce qu'on peut voir d’une bataille, c’est-à-dire rien.Il voudrait qu’on l’envoie à Venise en attendant l’armistice, mais on l’envoie à Sagan. Pris de fièvre, il est envoyé en convalescence à Dresde, puis il peut enfin regagner à Paris le 14 août. Il en profite pour aller à Milan où il arrive début septembre. Le plaisir n’est plus le même, Angela a peut-être un amant, sans oser le lui avouer. Il en profite pour explorer Venise et le lac de Côme. Le 20 septembre son grand-père Gagnon meurt. Le 14 novembre il doit rentrer en France et rejoindre Grenoble s’occuper de la conscription. Henri tombe à nouveau malade. Il retourne à Paris fin mars 1814. Il assiste, indifférent, aux batailles qui font rage autour de la ville. Le 6 avril 1814, l’Empereur abdique. Henri écrira plus tard : Je tombai avec Napoléon en avril 1814. … Qui le croirait ! quant à moi personnellement, la chute me fit plaisir.
Louis XVIII entre dans Paris le 6 mai. Henri tente vaguement de proposer ses services au nouveau pouvoir, mais « trente mille nobles affluent par toutes les diligences pour tout demander. N’ayant plus rien à faire en France, il part à nouveau pour Milan.

Milan et Métilde, 1814-1821

Henri arrive à Milan le 10 août 1814. Angela l’accueille très froidement, arguant que les Français sont mal vus à Milan depuis le retour des Autrichiens au pouvoir. Il pense à nouveau que cela cache un amant. Il lui propose de partir ensemble à Venise, elle se dérobe. Il part pour Gênes. Il visite Livourne, Pise, Florence… À son retour à Milan, Angela veut mettre un terme définitif à leur relation. Il hésite à se brûler la cervelle, mais se met plutôt au travail. Il termine Vies de Haydn, Mozart et Métastase qui sera publié en janvier 1815 sous le nom de Bombet, et reprend son Histoire de la peinture en Italie. Il est rapidement accusé de plagiat pour Vies de Haydn, Mozart et Métastase par le musicologue italien Giuseppe Carpani auteur d’un essai sur Haydn. Pourtant coupable, il en a, en réalité, plagié bien d’autres, Henri lui répond dans la presse, se faisant passer pour son frère, avec humour et mauvaise foi : je prierais encore M. Carpani de nous dire s’il aurait la charmante prétention d’avoir servi de modèle au style plein de grâce, plein d’une sensibilité sans affectation, et qui n’exclut pas le piquant qui, peut-être, est le premier mérite de l’ouvrage de M. Bombet.

Au printemps 1815, le retour de Napoléon ne l'incite pas à revenir en France. La défaite de Waterloo lui fait dire que tout est perdu, même l’honneur.En juillet 1815, il est sous le charme de Venise. Il ne désespère pas d’y faire venir Angela, mais, après une brève réconciliation, l’amour est tué le 15 octobre 1815.Revenu malade à milan, il achève l’Histoire de la peinture en Italie entre deux saignées et crise de palpitations.
Il est présenté à Ludovico di Breme, dont la loge à la Scala est fréquentée par l’élite intellectuelle Milanaise: Silvio Pellico, Vincenzo Monti… Grâce à ces nouvelles rencontres, il découvre en septembre 1816, l’Edinburgh Review et un compte rendu de trois poèmes de Lord Byron, Le Corsaire, Le Giaour et La fiancée d’Abydos. C’est une révélation :
" Henri comprend que le véritable système romantique n’est pas allemand ; il est anglais et c’est celui que Byron met en œuvre, en célébrant les passions fortes. … C’est l’Edinburg Review qui lui ouvre la perspective d’une définition dynamique du beau moderne, conçu non pas comme la perfection des formes, mais comme une énergétique passionnelle.C’est donc, intimidé et très ému, qu’il rencontre Lord Byron, le 16 octobre dans la loge de Ludovico di Breme. Il le décrit à son ami Crozet : " un joli et charmant jeune homme, figure de dix-huit ans, quoiqu'il en ait vingt-huit, profil d’un ange, l’air le plus doux. … C’est le plus grand poète vivant…. Durant les jours qui suivirent, Henri lui fait visiter Milan. Il tente de l’impressionner en lui racontant des anecdotes fantaisistes sur la campagne de Russie et Napoléon, dont il fait croire qu'il était très proche.

Matilde Viscontini Dembowski, son grand amour malheureux

En avril 1817, il se rend à Paris, après un passage par Grenoble, pour donner son manuscrit à Pierre Didot. En août, il visite Londres. À son retour à Paris, sont parus l’Histoire de la peinture en Italie, sous son vrai nom, et Rome, Naples et Florence sous le pseudonyme de Stendhal. En novembre 1817, il retourne à Milan accompagné de sa sœur Pauline qui vient de perdre son mari. Il entreprend une Vie de Napoléon à partir de février 1818 pour répondre aux ouvrages de Madame de Staël.
En mars 1818, son ami Giuseppe Vismara, lui présente Matilde Dembowski. Son admiration pour celle qu'il appelle Métilde le paralyse de timidité et de maladresse : Je n'ai jamais eu le talent de séduire qu'envers les femmes que je n'aimais pas du tout. Dès que j'aime, je deviens timide et vous pouvez en juger par le décontenancement dont je suis auprès de vous. Dans un premier temps Matilde se montre touchée par cette adoration silencieuse. Mais subitement, elle se refroidit, probablement parce que sa cousine, Francesca Traversi, aurait dépeint Stendhal comme un séducteur.
Au printemps 1819 Stendhal ruine tous ses espoirs en suivant sous un déguisement, Matilde, qui était allée voir ses fils à Volterra. Elle ne le lui pardonnera pas, malgré ses nombreuses lettres d'excuses et n'acceptera de le revoir que sous certaines conditions très strictes.
Le 10 août, apprenant le décès de son père, il part pour Grenoble, puis regagne Paris jusqu'en octobre. Fin décembre, de retour à Milan, il commence De l'amour, pour exprimer tout ce que lui fait éprouver Matilde, véritable essai de psychologie, dans lequel il expose sa théorie de la cristallisation. En 1821 éclate une révolution dans le Piémont contre l'occupant autrichien. Parce qu'il est accusé de sympathie pour le carbonarisme il est expulsé de Milan par l'administration autrichienne. Il se voit obligé de quitter Matilde qu'il aime pour regagner Paris qu'il n'aime pas.

L'essor littéraire, 1821-1830

Fin juin 1821, il est de retour à Paris, presque ruiné après le décès de son père, déprimé par ses adieux à Matilde :
" Je quittais Milan pour Paris le … juin 1821, avec une somme de 3 500 Francs, je crois, regardant comme unique bonheur de me brûler la cervelle quand cette somme serait finie. Je quittais, après trois ans d’intimité, une femme que j’adorais, qui m’aimait et qui ne s’est jamais donnée à moi." Pour tenter de l’oublier, il fréquente assidument ses amis Adolphe de Mareste et Joseph Lingay. Il racontera dans Souvenirs d’égotisme son fiasco auprès d'une belle prostituée du nom d’Alexandrine, encore obnubilé par Matilde, puis sa guérison lors d’un séjour à Londres où il va chercher un remède au Spleen, auprès d’une douce et jeune Anglaise.

Sa grande passion qui dura deux ans, Clémentine Curial, qu'il surnomme Menti.

À Paris, il passe ses soirées à l’opéra ou dans les salons de la gauche Libérale d’Antoine Destutt de Tracy, de La Fayette, cénacle d’Etienne-Jean Delécluze. Il est admiré pour sa manière de raconter des histoires, mais choque par ses sarcasmes, ses boutades, ses provocations politiques, ses idées jacobines… Il fréquente beaucoup aussi celui de Giuditta Pasta, cantatrice Italienne avec qui on lui prête, à tort, une liaison ; il s’installe d’ailleurs dans le même immeuble, rue de Richelieu. En réalité, c’est pour y entendre les Carbonari en exil, y parler Italien et, parfois, de Matilde. Son ami Lingay lui présente le jeune Prosper Mérimée, avec qui il nouera une amitié ambivalente faite de complicité et de méfiance.
En 1822 il publie dans l’indifférence générale, De l'amour, après avoir récupéré le manuscrit égaré pendant plus d'un an. Il prend ardemment la défense du Romantisme avec Racine et Shakespeare, pamphlet en faveur de la modernité en littérature et dans tous les arts, ainsi qu’une Vie de Rossini en 1823, ouvrages qui le font connaître. Afin de gagner sa vie, il entame une intense activité de journaliste. De 1824 à 1827, il écrit des articles pour le Journal de Paris, sur les Salons et sur le Théâtre Italien. De 1822 à 1829, il collabore à diverses revues britanniques : Paris Monthly Review, New Monthly Magazine, London Magazine . Ses chroniques portent sur la vie politique, les faits divers, les mœurs, la culture de la société française sous la Restauration.

Alberthe de Rubempré qu’il surnomme Madame Azur parce qu’elle habite rue Bleue.

Cette époque est aussi celle des amours tumultueuses : Clémentine Curial, la fille de son amie la comtesse Beugnot, qui l’avait déjà troublé en 1814, lorsqu'il l’avait vue pieds nus chez sa mère, attend longuement de lui une déclaration : Ma mélancolie regardait avec plaisir les yeux si beaux de Mme Berthois, Clémentine Curial. Dans ma stupidité, je n’allais pas plus loin.Il finit par lui avouer ses sentiments en mai 1824. Jusqu’en 1826 ils s’aiment, s’écrivent, se déchirent. Elle le cache trois jours dans la cave de son château en juillet 1824, le nourrissant, vidant son pot de chambre… C’est elle qui le guérit définitivement de Matilde : alors seulement le souvenir de Métilde ne fut plus déchirant, et devint comme un fantôme tendre et profondément triste.
En juin 1829, c’est Alberthe de Rubempré, femme très belle et très libre, cousine de Delacroix, qui devient sa maîtresse. Il a avec elle une relation torride et de courte durée. Au retour d’un voyage en Espagne, en décembre 1829, il la retrouve dans les bras de son ami Mareste.
En février 1830, c’est une jeune fille italienne, Giulia Rinieri qui lui déclare son amour Je sais bien et depuis longtemps que tu es laid et vieux, mais je t’aime. C’est chez elle qu’il passera la nuit du 29 juillet 1830 où il assistera à la Révolution de Juillet de son balcon.
Période intellectuellement très féconde. Il publie son premier roman, Armance en 1827, mal compris et mal reçu, dont le thème, l’impuissance, lui est fourni par le roman de son amie Claire de Duras, Olivier, ou le secret. En 1829 c’est Promenades dans Rome. Tout en écrivant de nombreuses nouvelles, Vanina Vanini, Le coffre et le revenant, Le philtre, il commence à écrire son second roman, Le Rouge et le Noir. Il en corrige les épreuves durant les journées de Juillet. Il paraît le 13 novembre 1830, alors qu'il est déjà parti en Italie.

Se foutre carrément de tout, 1831-1842

Giulia Rinieri, l’amoureuse dévouée
Alors que sa notoriété naissante, le courage des Parisiens lors de la Révolution de Juillet commençaient à lui faire aimer Paris, il doit quitter la France. Ses amis ont parlé de lui au comte Molé, ministre des Affaires étrangères du nouveau Roi des Français, il est nommé consul à Trieste. Il part le 6 novembre 1830, le jour où il demande la main de Giulia Rinieri, à son oncle. Elle ne lui sera pas accordée. Metternich lui refuse l'exequatur, à cause de ses positions libérales et son mépris des Autrichiens qui transparaît dans Rome, Naples et Florence. En attendant qu'on lui trouve un autre poste, il se rend à Venise où il fréquente le salon de la Comtesse Albrizzi. Par son éloignement, il ignore la réception du Rouge et le Noir. Admiré par Sainte Beuve, il est honni par Victor Hugo : chaque fois que je tente de déchiffrer une phrase de votre ouvrage de prédilection répondant à Rochefort, admirateur du Rouge, c’est comme si on m’arrachait une dent… Stendhal ne s’est jamais douté un seul instant de ce que c’était que d’écrire.

Il est finalement nommé en 1831 à Civitavecchia, seul port des États Pontificaux, trou abominable de sept mille cinq cents habitants, dont mille forçats. Là il y est terrassé par l'ennui et la bêtise : aucun salon, aucun ami, aucune jolie femme, aucune discussion intellectuelle. Il se donne du courage avec son mot d’ordre, SFCDT Se Foutre Carrément De Tout et en commençant plusieurs romans : Une Position sociale en septembre 1832, Lucien Leuwen en mai 1834 ; deux essais d’autobiographies, Souvenirs d’égotisme de juin à juillet 1832, la Vie de Henry Brulard en novembre 1835. Il n’en termine aucun. Il écrit pour lui seul puisqu’il a décidé, en février 1831 de ne rien publier tant qu'il serait fonctionnaire par crainte de déplaire à sa hiérarchie : Je me fais plat, j’écris peu ou point… Tout mon but est d’être moral comme un sous-chef de bureau. Pour s'occuper, il participe aux fouilles archéologiques menées par son ami Donato Bucci, se rend fréquemment à Rome, voyage à Florence, Naples… Il se rend fréquemment à Sienne rejoindre Giulia Rinieri. Leur liaison continue jusqu’en juin 1833, lorsqu’elle est obligée de se marier. En mai 1836 il obtient un congé de trois ans en France, jusqu’en avril 1839, qui lui permet d'écrire ses Chroniques Italiennes, et La Chartreuse de Parme. De voyager, aussi, en France, en Suisse, aux Pays-Bas, et d’en écrire les Mémoires d’un touriste. À Paris, il retrouve, une fois de plus, Giulia, qui éprouve toujours pour lui beaucoup de tendresse.
En mars 1839, changement de gouvernement, Stendhal n’est plus sous la protection du Comte Molé, il doit retourner à son poste. Le 6 avril, paraît La Chartreuse de Parme, qui remporte un vif succès, 1200 exemplaires vendus en dix-huit mois puis l’Abbesse de Castro et trois autres chroniques en décembre de la même année. Entretemps, il avait commencé Lamiel, le Rose et le Vert, qui restera inachevé et repris une Vie de Napoléon. Revenu à Civitavecchia le 10 août 1839, il est a nouveau malade d’ennui. Puis il est réellement malade lorsqu'il est frappé d’une syncope le 1er janvier 1840. Ce qui ne l’empêche pas de tomber amoureux d’une certaine Earline, peut-être la Comtesse Cini, une de ses admiratrices en février, ni de revoir Giulia à Florence.
En septembre 1840, un article élogieux d’Honoré de Balzac sur la Chartreuse de Parme, l’étonne, l’amuse et lui fait plaisir. Une autre attaque d’apoplexie le frappe en mars 1841. Le 21 octobre, il retourne à Paris, en congé maladie. Se sentant mieux, il s’engage le 21 mars 1842 à fournir des nouvelles à la Revue des Deux-Mondes, juste avant d’être foudroyé par une nouvelle attaque, le lendemain, rue Neuve-des-Capucines, alors qu'il sortait d'un rendez-vous avec son ministre de tutelle François Guizot. Il meurt à son domicile parisien, Hôtel de Nantes au 22, rue Danielle-Casanova, le 23 mars à deux heures du matin.

Liste des femmes qu’il a aimées, insérée en 1835 dans Vie de Henry Brulard : Je rêvais profondément à ces noms, et aux étonnantes bêtises et sottises qu’ils m’ont fait faire.
Sa dépouille est inhumée au cimetière de Montmartre à Paris en présence de trois amis malgré son vœu testamentaire d'être enterré à Andilly où il avait séjourné. Comme ultime provocation, il avait dès 1821 composé lui-même son épitaphe en italien Arrigo Beyle Milanese Scrisse Amo Visse, Henri Beyle. Milanais. Il écrivit, Il aima, Il vécut que fait graver Romain Colomb, son cousin et ami d'enfance, exécuteur testamentaire. Méprisé et moqué par son siècle, il ne connaîtra qu'un succès posthume comme il l'avait prédit : Je serai connu en 1880. Je serai compris en 1930.
Lorsque Stendhal fera le bilan de sa vie dans Vie de Henry Brulard en 1835, il écrira ceci :
L’état habituel de ma vie a été celui d’amant malheureux, aimant la musique et la peinture … Je vois que la rêverie a été ce que j’ai préféré à tout, même à passer pour homme d’esprit.

Pseudonymes

Avant de signer Stendhal, il a utilisé d'autres noms de plume, tels : Louis Alexandre Bombet, ou Anastase de Serpière. Seule L'Histoire de la peinture en 1817 fut publiée sous son vrai nom. À partir de Rome, Naples, Florence, septembre 1817 c'est sous le pseudonyme de M. de Stendhal, officier de cavalerie qu'il publia ses œuvres. Ce nom de plume est inspiré d'une ville d'Allemagne Stendal, lieu de naissance de l'historien d'art et archéologue renommé à l'époque Johann Joachim Winckelmann, mais surtout proche de l'endroit où Stendhal vécut en 1807-1808 un moment de grande passion avec Wilhelmine de Griesheim. Ayant ajouté un H pour germaniser encore le nom, il souhaitait que l'on prononce Standhal.
Il use aussi de très nombreux pseudonymes dans ses œuvres intimes et sa correspondance : Dominique, le plus intime, mais aussi Don Flegme, Giorgio Vasari, William Crocodile, Poverino… etc. L’un de ses correspondants, Prosper Mérimée, dira : Jamais il n’écrivait une lettre sans signer d’un nom supposé. On dénombre plus d’une centaine de pseudonymes utilisés par Stendhal.Tels de ces pseudonymes sont pour la parade, drôle, glorieuse ou tendre. Et d'autres sont des pseudonymes de fuite, pour se rendre invisible et se soustraire aux gêneurs. Manière de se cacher, de se méfier du langage en tant que convention sociale ou désir d’être un autre : Je porterais un masque avec plaisir ; je changerais de nom avec délices. … mon souverain plaisir serait de me changer en un long Allemand blond, et de me promener ainsi dans Paris.Selon Jean Starobinski qui consacre un chapitre aux pseudonymes de Stendhal dans l’Œil vivant, le désir de paraître et le désir de disparaître font partie en lui d’un même complexe.Il précise : le pseudonyme n'est pas seulement une rupture avec les origines familiales ou sociales : c'est une rupture avec les autres. et, plus loin :il permet à Stendhal la pluralité des moi, qui lui permet de se révolter contre une identité imposée du dehors. Et puisque le nom est situé symboliquement au confluent de l'existence pour soi et de l'existence pour autrui, le pseudonyme le rend à l'intime exclusivement, elle lui offre la possibilité de voir sans être vu, fantasme de Stendhal.
Il prend l’habitude aussi de changer les noms des personnes dont il parle dans ses lettres et journaux, afin, qu’en cas de publication, ils ne soient pas reconnus, ou par simple goût du cryptage et du jeu. Avancer masqué lui permet d’être vrai. Car pour lui, la liberté d'agir n'est concevable que dans l'insubordination : c'est pourquoi il recourt au pseudonyme qui lui rend les mains libres.

Les romans de Stendhal

L'œuvre de Stendhal consiste aussi bien en des textes autobiographiques, Vie de Henry Brulard par exemple que dans des romans qui comptent parmi les plus beaux dans la littérature française : Le Rouge et le Noir, Lucien Leuwen, La Chartreuse de Parme. Ce dernier roman fut salué à sa première publication par un éloge d'Honoré de Balzac, autre maître du roman réaliste dont Stendhal lui-même se déclara heureusement surpris. Cet article étonnant, ... je l'ai lu, ... en éclatant de rire. Toutes les fois que j'arrivais à une louange un peu forte ... je voyais la mine que feraient mes amis en le lisant.

Le Rouge et le Noir

Le Rouge et le Noir en 1830 est le premier grand roman de Stendhal. Il est le premier roman à lier de façon si subtile la description de la réalité sociale de son temps et l’action romanesque, selon Erich Auerbach dans sa célèbre étude Mimesis. Julien Sorel, le héros principal du livre, est le pur produit de son époque en un certain sens, le héros d'une France révoltée et révolutionnaire. Littéralement ivre d’ambition à cause de la lecture du Mémorial de Sainte-Hélène de Las Cases et conscient que, depuis la Révolution, c’est le mérite et non plus la naissance seule qui compte, il rêve de devenir lui-même un nouveau Bonaparte, à une époque, la Restauration, qui ne permet pas à un fils de charpentier de gravir les échelons de la société.
Le projet de ce roman dut être soumis à Paul-Louis Courier, que Stendhal tenait pour le meilleur écrivain français contemporain. Un écho des difficultés rencontrées par le pamphlétaire en Touraine est, d'ailleurs, perceptible à travers le personnage Saint-Giraud, qui apparaît au chapitre premier de la seconde partie du roman. Quand Courier fut assassiné, Stendhal soupçonna des mobiles politiques à ce forfait jamais élucidé. On y trouve une description très précise dans ce roman et dans celui de Vie de Henry Brulard, de l'Hôtel de Castries, que l'auteur fréquenta.

La Chartreuse de Parme.

C'est une œuvre majeure qui valut la célébrité à Stendhal. Elle fut publiée en deux volumes en mars 1839. Balzac la considérait comme un chef-d'œuvre et écrivit en mars 1839 son admiration à l'auteur pour la superbe et vraie description de bataille que je rêvais pour les Scènes de la vie militaire. Dans un premier article de l'éphémère Revue parisienne, en 1840, il parle du récent chef-d'œuvre de M. Beyle, terminant par ces mots : Je regarde l'auteur de La Chartreuse de Parme comme un des meilleurs écrivains de notre époque et dans le troisième et dernier numéro se trouve le grand texte qui fait du roman de Stendhal le chef-d'œuvre senti comme classique dès sa parution, comme l'archétype du genre roman . Refondu en 1842 peu avant la mort de Stendhal, il prit de fait un tour plus balzacien : mais c'est le texte d’origine, plus purement stendhalien, qui s'est imposé de nos jours.
Cependant, l’œuvre sera, jusqu’au début du xxe siècle, relativement inconnue en dehors de quelques cercles d’esthètes, de critiques littéraires, ou de personnalités visionnaires Nietzsche, ce que Stendhal semblait appeler de ses vœux, dédicaçant son roman To the Happy Few.

Lucien Leuwen


Lucien Leuwen est le deuxième grand roman de Stendhal, écrit en 1834, après le Rouge et le Noir. Ce roman est demeuré inachevé par crainte de s’attirer les foudres du gouvernement de Juillet. Stendhal y dépeint avec une ironie féroce les diverses sociétés et les magouilles politiques du nouveau régime. Stendhal plonge son personnage, Lucien Leuwen, fils d’un riche banquier tout en étant de sensibilité républicaine, dans les différents milieux politiques de la Monarchie de Juillet : légitimistes et républicains de province à Nancy, Juste Milieux à Paris, cabinets ministériels… Lorsqu'il est à Nancy, Lucien se demande : Mon sort est-il donc de passer ma vie entre des légitimistes fous, égoïstes et polis, adorant le passé, et des républicains fous, généreux et ennuyeux, adorant l'avenir? C’est aussi une description du désœuvrement et de l’ennui de cette jeunesse a qui la fin de l’Empire à ôté les rêves de gloire.

Le réalisme chez Stendhal

Stendhal n'a pas seulement appliqué une certaine esthétique réaliste : il l'a pensée d’abord. Le réalisme de Stendhal, c’est aussi la volonté de faire du roman un miroir c’est-à-dire un simple reflet de la réalité sociale et politique d’une époque dans toute sa dureté. Stendhal a d'ailleurs écrit que le roman, c’est un miroir que l’on promène le long d’un chemin.
Dans Racine et Shakespeare, il assigne pour devoir à l'art romantique de faire un art qui sera en adéquation avec les goûts et tendances des peuples. Le réalisme de Stendhal c’est d’abord la volonté de peindre des faits capables d’intéresser ses contemporains, Monarchie de juillet dans Lucien Leuwen, Restauration dans Le Rouge et le Noir, défaite et retour des Autrichiens dans La Chartreuse de Parme.
En revanche, Stendhal dépeint avec un grand souci de réalisme psychologique, les sentiments des personnages principaux. Il s’inspire même souvent des théories relatives à l’amour de son traité De l’amour et essaie de faire œuvre de psychologue rigoureux.
Prosper Mérimée le considérait comme un remarquable observateur du cœur humain. Et les sentiments amoureux sont dépeints avec beaucoup de soin : le narrateur expose longuement la naissance de la passion amoureuse et ses péripéties, que ce soit entre Mme de Rênal et Julien, Julien et Mathilde de La Mole, Lucien Leuwen et Mme de Chasteller ou Fabrice et Clélia.

Le réalisme dans la peinture des mœurs et de la société

Le Rouge et le Noir et Lucien Leuwen sont une peinture acerbe de la société sous la Restauration, comme l'indique le sous-titre du roman Le Rouge et le Noir : Chronique de 1830. Lucien Leuwen est le vaste tableau de la Monarchie de juillet. La Chartreuse de Parme est une peinture des mœurs politiques dans les Monarchies italiennes du xixe siècle. Ces romans sont donc politiques non par la présence de longues réflexions politiques, Stendhal qui s'est toujours refusé à l'oratoire rejette un tel procédé et le compare à un coup de pistolet au milieu d'un concert dans Le Rouge et le Noir, mais par la peinture des faits.
Le Rouge et le Noir et La Chartreuse de Parme sont aussi des critiques acerbes de la position subordonnée de la femme : voir l’interprétation féministe par Simone de Beauvoir des romans de Stendhal, in Le Deuxième Sexe.
La peinture des mœurs chez Stendhal ne se veut jamais impartiale, mais critique : elle n’est pas motivée par une volonté sociologique, mais par le souci de faire tomber les faux-semblants et de montrer la vérité, l’âpre vérité, exergue du premier livre de Le Rouge et le Noir de la société de son temps.
Malgré son souci de réalisme, il n’y a pas de descriptions détaillées de la réalité matérielle. Le narrateur, qui se méfie de la description, décrit à peine les lieux. La description de Verrières au tout début du roman prend juste une page et sert d’introduction à une critique acerbe des habitants. On ne sait rien non plus de l’Hôtel de la Mole, Le Rouge et le Noir ni de Milan ou bien du Château du Marquis Del Dongo, La Chartreuse de Parme. Car la peinture des lieux est fonctionnelle. Le narrateur décrit le monde uniquement dans la mesure où c’est nécessaire à la compréhension de l’action. Si la prison de Fabrice est décrite avec soin, c'est qu'elle constitue un lieu essentiel pour l’action de La Chartreuse de Parme.
Appartenant plutôt à une tendance modérée du romantisme, par opposition au romantisme flamboyant représenté par Victor Hugo, le narrateur, qui a affirmé, dans Vie de Henry Brulard abhorrer la description matérielle, lui préférant des éléments descriptifs, décrit à peine les personnages : on ne sait quasiment rien des toilettes de Mme de Rênal, de Mathilde ni des tenues de Julien, Lucien Leuwen ou Fabrice, juste la couleur des cheveux et quelques détails sur leur aspect, mentionnés très brièvement. Ainsi, Mathilde de La Mole est extrêmement blonde et fort bien faite, et Julien pensa qu'il n'avait jamais vu des yeux aussi beaux.
Mais la peinture de la réalité matérielle se fait aussi discrète à cause des particularités du roman stendhalien. Ainsi, le thème de l’argent est souvent lié à des personnages secondaires ou détestables, M. de Rênal, le Marquis Del Dongo : l’attention du lecteur se tourne plutôt vers les protagonistes principaux qui sont bien loin de tels soucis, Fabrice, Mme de Rênal, Lucien Leuwen. Le roman stendhalien avance rapidement, alors que la description crée une pause dans la narration.
L’autre limite du réalisme de Stendhal tient au romanesque, qui traverse tous ses romans. Le héros stendhalien est une figure romanesque. Le personnage de Julien est intelligent, ambitieux jusqu’à la folie, et nourrit une haine profonde pour ses contemporains. Fabrice est un jeune homme exalté et passionné. Lucien Leuwen est idéaliste et bien fait de sa personne. Ces personnages ont souvent à peine 20 ans.
En outre, la politique dans La Chartreuse de Parme est nettement moins importante que dans Le Rouge et le Noir et Lucien Leuwen. C’est surtout l’histoire qui joue un rôle, Waterloo, arrivée des troupes françaises à Milan en 1796. Et encore elle est inséparable de l’action du roman. La Chartreuse de Parme a un caractère romanesque nettement plus prononcé que les deux autres grands romans, voir les personnages de la Duchesse Sanseverina ou de Clélia. Le réalisme stendhalien se limite donc aux personnages secondaires, les personnages prévisibles et non à ses personnages principaux, les personnages vrais, qui échappent à la description, ce qui ne sera pas le cas chez Zola.

Réalisme subjectif chez Stendhal

Mais le réalisme chez Stendhal se fait aussi réalisme subjectif sans que cela soit une contradiction. Par réalisme subjectif on entend un des procédés fondamentaux de la conduite du récit chez Stendhal. Georges Blin, dans Stendhal et les problèmes du Roman, est un de ceux qui mirent en avant ce procédé. Stendhal pense que chacun est enfermé dans sa subjectivité et ne peut percevoir le monde que dans les limites de son regard.
La grande originalité de Stendhal est l’usage important de la focalisation interne, pour reprendre la terminologie de Gérard Genette pour raconter les événements. Les événements sont vus en grande partie par les protagonistes voire par un seul d'entre eux. Stendhal refuse donc le point de vue du narrateur omniscient, mais pratique la restriction de champ. Dans Le Rouge et le Noir et dans Lucien Leuwen les événements sont vus dans le rayon de Julien Sorel et Lucien. Dans La Chartreuse de Parme le narrateur a reconnu le droit de regard des autres personnages, Clélia, Mosca, Sanseverina, mais Fabrice Del Dongo garde le foyer principal, la scène de la bataille de Waterloo est vue exclusivement par ses yeux. On peut donc parler d’une restriction de champ chez Stendhal. Stendhal a en effet coupé ses récits de monologues intérieurs et a ramené le roman à la biographie du héros. Les trois grands romans commencent par la jeunesse du héros ou même avant et finissent avec sa mort, Le Rouge et le Noir et La Chartreuse de Parme.
Première conséquence de la restriction du champ : les descriptions sont brèves chez Stendhal. Elles sont l’œuvre d’un narrateur extérieur qui voit l’aspect des personnages du dehors ou bien d’un narrateur qui observe la nature. Un tel narrateur est incompatible avec la restriction du champ et il joue donc un rôle secondaire chez Stendhal.
Le choix de la restriction du champ explique aussi que certains personnages apparaissent ou disparaissent aussi rapidement au fil de l’action comme le Comte de La Mole dans Le Rouge et le Noir et Rassi dans La Chartreuse de Parme car tout est vu par les yeux d’un personnage central.
Troisième conséquence du recours à la restriction de champ : les événements se dévoilent graduellement. Les héros de Stendhal sont souvent un peu étonnés de ce qu’ils voient et n’en comprennent le sens que progressivement. Ce n’est que peu à peu que Julien comprend pourquoi Mlle de La Mole apparaît un jour en vêtement de deuil alors que personne ne vient de mourir autour d’elle. Il découvrira ultérieurement qu’elle porte le deuil d’un ancêtre mort au xvie siècle

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Posté le : 22/03/2014 20:32
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Stendhal 2 suite
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Réalisme et postérité

Passionné par la politique, par les faits divers, qu'il recense dans les articles qu’il envoie aux journaux anglais, désireux de dénoncer les absurdités de son temps, Stendhal se trouve confronté au désir de créer un chef-d’œuvre intemporel, être lu en 1880 ou en 1935.S'il veut être un "miroir", le roman doit "parler politique", mais "la politique au milieu des intérêts d'imagination" détonne, est une "pierre" tombale qui "submerge" la littérature "en moins de six mois". Réalisme ou immortalité, il faut choisir, mais Stendhal, lui, veut le réalisme et l'immortalité. Comment Stendhal a-t-il procédé pour satisfaire son inextinguible "désir de gloire" posthume sans cependant sacrifier "l'âpre vérité" du moment présent ? Très concrètement, la réponse à cette question se trouve dans les œuvres laissées en chantier, et plus particulièrement dans les manuscrits de Lucien Leuwen, lesquels révèlent les coulisses des "chroniques" réalistes, donnent à voir au jour le jour le travail de "l'animal", le romancier. A lire les marginales du roman de la monarchie de Juillet, nous comprenons quels écueils guettaient le romancier et combien ce dernier devait brider sa nature profonde, résister à sa pente naturelle, celle d'un polémiste qui a la riposte facile, qui, spontanément, verse dans le pamphlet. De fait … on s'aperçoit que le plaisir premier de Stendhal est assurément de "stendhaliser", de ferrailler ferme, de croiser la plume avec tout ce qui se mêle de penser ou d'écrire. Le pamphlet, la satire, Stendhal "aime beaucoup", mais il n'ignore pas que toute polémique, dont les enjeux sont toujours fortement datés et localisés, frappe de mort tout ouvrage littéraire qui en est "imbibé". Raison pour laquelle le romancier s'autocensure, rature beaucoup, et souvent pour "adoucir" le premier jet, spontanément agressif, voire "offensant", essaie de se tenir au-dessus de la mêlée politique … s'efforce de prendre du champ avec l'époque et les milieux qu'il décrit, retravaille les données brutes des journaux, "ôte la ressemblance" pour éviter les "applications", "dépayse les anecdotes", brouille les repères et les modèles, évite "le détail qui vieillit dans quatre ans au plus", afin de ne pas tomber dans le roman à clés, les "allusions", les caricatures, les passions et les partis pris, toutes tares éminemment préjudiciables à la qualité et à la survie d'une œuvre littéraire.

L’œuvre autobiographique, vie de Henry Brulard et Souvenirs d'égotisme.

Stendhal par Félix Vallotton.
L’œuvre de Stendhal est profondément autobiographique. Même ses romans tant ils sont inspirés par sa propre vie, mais aussi parce qu’ils constituent une autobiographie idéale de Stendhal. Julien Sorel, Lucien Leuwen et Fabrice Del Dongo sont ce que Stendhal aurait rêvé d’être.
Les œuvres autobiographiques de Stendhal sont de trois natures. D’une part Stendhal a tenu pendant de très longues années un journal où il raconte au fur et à mesure les événements de sa vie. On pourrait parler d’une prise sur le vif de sa propre vie. D’autre part Stendhal a rédigé deux autres grandes œuvres autobiographiques : la Vie de Henry Brulard et Souvenirs d'égotisme. Elles poursuivent le même projet que le Journal, mais aussi que celui des Confessions de Rousseau : mieux se connaître soi-même. Cependant elles se distinguent du Journal car elles ont été écrites a posteriori. Enfin, l’autobiographie prend une forme bien particulière chez Stendhal : il aimait écrire sur la marge de ses livres, et même de ses romans, mais de manière cryptique ou sur des vêtements, par exemple sur une ceinture comme dans la Vie de Henry Brulard.
L'œuvre autobiographique de Stendhal ne se distingue pas tant par son projet, Rousseau poursuivait le même que par l’importance qu’elle prend. Elle s’exprime aussi bien par des romans que par des autobiographies. Même la critique d'art chez Stendhal se fait autobiographie.

L'égotiste

Le masque va donc de pair avec l'égotisme, car il permet à l'individu de s'épanouir en toute quiétude.
Parmi les mots nouveaux dont Stendhal a enrichi la langue française, tels que cristallisation, amour-passion, touriste, ceux d'égotisme et d'égotiste sont sans doute les plus importants. Lorsqu'on procède au recensement des différents passages où ces termes reviennent, on s'aperçoit qu'ils recèlent une acception péjorative : l'égotisme est haïssable – et, parfois, même une manifestation de vanité – parce qu'il est l'expression de ce besoin propre à l'homme de s'accorder une place prédominante, soit en faisant le vide autour de soi, soit en rabaissant ce qui l'entoure. Stendhal est néanmoins conscient que l'égotisme comporte une autre acception bien plus élevée : loin d'être l'émanation d'un culte desséchant de la personnalité, apanage d'individus décadents, l'égotisme représente l'avènement conscient du moi. Stendhal est parvenu à cette prise de conscience non pas à la suite d'une recherche dialectique, mais d'instinct. Le journal qu'il a commencé à tenir régulièrement dès l'âge de dix-huit ans a été d'emblée un instrument de connaissance. D'où une distinction qui a fini par s'imposer à son esprit comme une vérité évidente : il y a les bons et les mauvais égotistes, ceux pour qui l'univers n'existe qu'en fonction d'eux-mêmes – et, dans ce cas-là, l'égotisme devient le synonyme de vanité et d'afféterie – et ceux, au contraire, que seule préoccupe la connaissance du moi – et c'est son cas. La différence réside moins dans le miroir que dans l'œil du regardant.
L'égotisme ainsi conçu est présent dans l'œuvre stendhalienne tout entière, y compris un ouvrage d'où il semblerait devoir être exclu : le traité de De l'amour 1822. Le lecteur qui, sur la foi du titre, s'attendrait à un ouvrage érotique, à des scènes croustillantes, voire grivoises, en serait pour ses frais, car il a l'impression d'avoir entre les mains une ennuyeuse dissertation philosophique. Le philosophe, ou le moraliste, subit à son tour le même genre de déception, parce que, au lieu de l'exposé systématique et profondément structuré auquel il s'attendait, il se rend bientôt compte que l'auteur se borne à de vagues notations psychologiques sans le moindre souci d'approfondissement théorique et de classification. Or, il suffit d'y regarder d'un peu plus près pour s'apercevoir que De l'amour ne ressemble en rien à ces « physiologies si à la mode à l'époque romantique, et qui n'ont pour elles que le mérite du pittoresque et du divertissement. Un examen plus attentif encore révèle que le livre est de nature essentiellement autobiographique : c'est le journal secret de la passion malheureuse que Stendhal avait conçue à Milan pour Mathilde ou Métilde Dembowski. Il s'agit à la fois d'une confession et d'une analyse. Grâce à une trame complexe et continue d'alibis, l'auteur peut se permettre de mettre son cœur à nu, en même temps qu'il se pose la question angoissante : comment un véritable amour-passion, tel que le sien, se heurte-t-il à l'indifférence, voire à l'hostilité de la femme qui en est l'objet ? Jamais la quête du bonheur poursuivie par Stendhal ne s'est révélée aussi illusoire. Le mérite de l'écrivain est de ne pas avoir versé dans la misanthropie et la misogynie. Stendhal nous ravit parce que ses réactions sont inattendues.
Les œuvres le plus directement placées sous le signe de l'égotisme sont, en plus du Journal, les Souvenirs d'égotisme, la Vie de Henry Brulard.

Stendhal, Souvenirs d'égotisme

Les Souvenirs d'égotisme devaient être le récit de la vie de l'auteur au cours de la décennie 1821-1830, depuis son retour à Paris, après le long séjour à Milan, jusqu'à son nouveau départ pour l'Italie en qualité, cette fois-ci, de consul de France. En fait, seule une petite partie du plan a été réalisée, Stendhal ayant, à un moment donné, renoncé à poursuivre la composition de l'ouvrage. Mais pourquoi l'avoir entreprise ? Certes pas en vue de se livrer à une confession générale, pour s'accabler ou s'absoudre, mais plus simplement afin de s'efforcer de cerner son moi, de déchirer le voile qui le lui cache. Le mot égotisme qui figure dans le titre ne désigne plus l'attitude traditionnelle de se représenter tel qu'on croit aveuglément être ou encore tel qu'on se souhaite, mais bien la disposition de l'individu à se scruter en vue de se connaître réellement. La résonance extraordinaire des Souvenirs d'égotisme vient de ce que cette œuvre n'est pas coulée dans le moule habituel des récits autobiographiques. D'ailleurs, elle ne renferme guère de récits proprement dits. Et ceux-ci ne sont pas non plus remplacés par une succession de considérations générales apparentant l'ouvrage à un traité de morale.
La marche suivie par l'analyste est une marche ascendante : des faits aux causes. Il ne pouvait y en avoir d'autre pour un esprit à qui Condillac et Helvétius avaient appris à raisonner. Dans ces conditions, n'est-il pas singulier que Stendhal se soit arrêté en cours de route, comme s'il doutait de ses forces ou de l'efficacité de ce travail de fouille ? C'est que le lecteur – car lecteur il y a – auquel il s'adresse a beau lui ressembler, il n'en a pas moins d'indiscrètes et humaines curiosités. Stendhal, qui est tout le contraire d'un exhibitionniste, finit par se trouver enfermé dans une contradiction sans issue : le désir, le besoin d'être sincère, vrai, d'une part ; les exigences de la discrétion, d'autre part. Une secrète pudeur le porte à ne pas franchir un certain seuil, de crainte de tomber dans la forfanterie ou l'affabulation. Aussi, deux semaines à peine après le début de cet examen de conscience, s'arrête-t-il dans la voie de l'égotisme systématique. Ces Souvenirs resteront inachevés.
Stendhal ne renoncera pas pour autant à écrire sur lui-même, mais il préférera remonter aux sources, au lieu de vouloir aller à la découverte à travers les vicissitudes de l'homme déjà adulte.
Ce qui caractérise la Vie de Henri Brulard, cette autobiographie dont on commence à peine à saisir toute la nouveauté et l'originalité, c'est que l'auteur, en allant à la recherche du temps perdu, ne doit faire aucun effort pour le ressusciter. D'emblée, le plus lointain passé se révèle étrangement présent. Un fond de mélancolie voile cette constatation : J'étais à la montée de la vie …. J'en suis à la descente. Un fait s'impose à lui avec une évidence aveuglante : Tel j'étais, tel je suis.Aussi les souvenirs se pressent-ils en foule. À tel point que l'écrivain, renonçant à les endiguer, a à peine le temps matériel de les fixer sur le papier : Comment veut-on que j'écrive bien, forcé d'écrire aussi vite pour ne pas perdre mes idées ? Les idées me galopent ; si je ne les note pas assez vite, je les perds. Ces idées sont des souvenirs de sensations. En d'autres termes, Stendhal ne s'applique pas à une reconstitution méthodique de sa vie passée, mettant bout à bout les épisodes les plus saillants ; il revit avec la même intensité qu'autrefois des événements dont l'empreinte sur son âme ne s'est pas effacée. La Vie de Henry Brulard n'est donc ni une narration, ni un plaidoyer, ni un réquisitoire. Il constitue pour l'auteur le seul moyen en sa possession d'atteindre cette vérité qui le fuit, car il ne dispose pas d'autres outils pour identifier et analyser les différentes couches qui sont venues se superposer dans sa mémoire, ou, pour reprendre son image, remonter le puits que les années ont creusé : Le puits avait dix pieds de profondeur ; chaque année j'ai ajouté cinq pieds ; maintenant, à cent quatre-vingt-dix pieds, comment voir l'image de ce qu'il était en février 1800, quand il n'avait que dix pieds ?
Tandis que, jusqu'alors, l'enfance avait été tenue pour une phase de simple et inintéressante vie végétative, Stendhal, le premier, lui reconnaît sa véritable valeur, qui est celle de la formation de l'individu sous le double rapport de l'intelligence et de la psyché. C'est pourquoi son dessein est de respecter scrupuleusement l'optique propre de l'enfant : J'ai vu tout cela, déclare-t-il, d'en bas, comme un enfant ….En même temps, il se rend compte avec lucidité que c'est bien l'adulte qui interprète les sensations de l'enfant : Je ne vois la vérité de ces choses qu'en les écrivant en 1835 ….Cependant, ces interprétations ne sont pas entachées d'un esprit de système. Sans cesse, Stendhal emploie des tournures négatives ou dubitatives qui sont autre chose que des précautions oratoires : Je ne prétends pas peindre les choses en elles-mêmes, mais seulement leur effet sur moi …; Je ne prétends nullement écrire une histoire, mais tout simplement noter mes souvenirs …; Je n'ai que ma mémoire d'enfant ….Autrement dit, l'un des aspects sans doute les plus hardis et les plus modernes de l'autobiographie stendhalienne est constitué par la notion même de temps. L'auteur évite de représenter le passé comme un bloc monolithique, ce qui, jusque-là, avait été la règle. Pour la première fois, il est fait appel au mystérieux cheminement des sensations.
L'égotisme se confond ainsi avec l'autobiographie. L'un et l'autre constituent une sève nourricière ; ils forment le substrat de l'œuvre stendhalienne, au point que la tentation est forte de se demander si l'activité créatrice de Stendhal n'a été, en définitive, qu'une sorte de circuit fermé excluant tout ce qui est habituellement du domaine de l'imagination.

Le pamphlétaire

Outre le masque et l'égotisme, un troisième trait caractérise Stendhal : l'adhérence dialectique à l'actualité de son temps. Digne enfant de son Dauphiné natal, qui a produit moins d'artistes que de philosophes, d'historiens, d'économistes, d'hommes d'État, Henri Beyle ne bâtit qu'avec des matériaux fournis par la vie quotidienne, et que, bien entendu, il façonne à sa guise. Sans cela, Stendhal ne serait pas Stendhal.
Sous l'Empire, Henri Beyle, à l'instar de ses contemporains, a été mordu par le démon de l'ambition. Il a convoité alors un de ces postes de responsabilité créés par l'Empereur, sûr de bien le remplir. La chute du régime impérial lui a rendu l'inappréciable service de lui permettre de redevenir lui-même. Désormais, Stendhal ne quittera plus l'opposition, même lorsque sa situation économique l'obligera, sous Louis-Philippe, à solliciter un consulat. Le premier et, paradoxalement, heureux effet du retour des Bourbons a été l'épanouissement de sa vocation de pamphlétaire. Les ouvrages que Stendhal a publiés à l'époque de la Terreur blanche sont d'authentiques pamphlets.
D'abord l'Histoire de la peinture en Italie, sur le frontispice de laquelle figurent les énigmatiques initiales M.B.A.A., Monsieur Beyle Ancien Auditeur. Ce titre annonce un panorama de la peinture italienne depuis les origines jusqu'au xixe s. L'entreprise était d'autant plus remarquable que rien de semblable n'existait sur le marché de la librairie française. Or, les rares lecteurs qui sont parvenus au bout du livre n'ont pas caché leur perplexité et leur irritation. Non seulement le panorama promis était fort incomplet – il n'était question que des primitifs, de Léonard de Vinci, de Michel-Ange ; par conséquent, les écoles de Venise et de Bologne, entre autres, n'étaient pas étudiées –, mais encore ils butaient sur des théories esthétiques fort peu orthodoxes, doublées d'obscures et incompréhensibles allusions ; aussi l'auteur a-t-il été considéré, même par des exégètes récents, comme un esprit volubile, incapable de se concentrer et de composer un livre à l'ordonnance claire et rigoureuse. En fait, chez lui, qui est tout le contraire d'un phraseur, chaque mot compte. Comment n'a-t-on pas vu que, dans ce cas précis, Stendhal a pris la précaution de prévenir ses lecteurs sur ses intentions réelles : On me dira qu'à propos des arts je parle de choses qui leur sont étrangères. Je réponds que je donne la copie de mes idées et que j'ai vécu de mon temps.Cette Histoire n'est pas un manuel anodin, intemporel ; elle a été écrite par un homme qui ne peut s'empêcher de ressentir le contrecoup des événements. En un mot, au-delà du précis historique, vous percevez la réaction d'un esprit libre, qui proteste à la fois contre une conception routinière du fait artistique et contre toutes les contraintes imposées par le parti au pouvoir.
Ce même ton de pamphlet, cette même protestation se retrouvent dans un ouvrage contemporain du précédent, Rome, Naples et Florence en 1817. Si on se fie à la lettre, il s'agit d'un banal carnet de route comme il en existait à foison. Une lecture plus attentive permet de déceler un arrière-plan inhabituel dans ces sortes d'écrits. Peu à peu, le but de l'auteur apparaît dans sa netteté : dénoncer le marasme où la Sainte-Alliance a plongé la péninsule, en la contraignant, contre sa volonté, à revenir vingt ans en arrière. Ce n'est donc pas par hasard ou bizarrerie que sur la page du titre figure, pour la première fois, le pseudonyme destiné à devenir célèbre : M. de Stendhal. Ce nom à consonance germanique était destiné à couvrir l'auteur, qui vivait alors à Milan, possession autrichienne. Pour mieux étoffer l'alibi, ce pseudonyme est suivi de la qualification d'officier de cavalerie, espèce éloignée de toute pensée sérieuse et préoccupée de passe-temps frivoles, théâtres et belles dames.
Le plus connu des pamphlets stendhaliens, Racine et Shakespeare – ils sont deux, en réalité, publiés à deux ans de distance –, n'est donc pas un phénomène isolé. Il s'insère dans un plus large contexte. C'est une vigoureuse et piquante plaidoirie contre l'immobilisme cher aux académies et pour une littérature nouvelle. L'épigraphe du premier Racine et Shakespeare est à retenir : Le vieillard : Continuons. – Le jeune homme : Examinons.Elle fait bien ressortir, sous une forme lapidaire, l'esprit contestataire qui l'anime. Car, en réclamant une littérature nouvelle, l'auteur n'entend pas fonder une école de plus ; il se déclare en faveur d'un mode d'expression conforme aux goûts et aux besoins de la génération montante. Une fois de plus, il s'élève au-dessus de l'éphémère et parle un langage universel.
Autre pamphlet : D'un nouveau complot contre les industriels. Sous une forme plaisante, recouvrant des traits acérés, Stendhal s'élève contre la puissance d'argent, l'industrialisation envahissante ou, comme nous disons, la société de consommation, au détriment de la justice sociale et des valeurs de l'humanisme.
La veine polémique ne s'exprime pas que dans les pamphlets proprement dits. Elle est présente partout, y compris dans l'œuvre romanesque. Dans Armance sont persiflés aussi bien les émigrés, qui, après Waterloo, sont rentrés en France avec les idées d'avant 1789, que les nouveaux députés, dont la roture s'accommode mal de la morgue des habitants du faubourg Saint-Germain. Mais c'est surtout dans le Rouge et le Noir qu'est nettement affirmée ce qu'on appellera la lutte des classes. Né quelques lustres plus tôt, un roturier, tel Julien Sorel, s'il était doué d'audace et d'intelligence, de courage et de talent, se serait aussitôt distingué et aurait parcouru une brillante carrière, tandis que, sous la Restauration, la caste au pouvoir lui interdit de franchir les portes de son ghetto. Aussi Julien, accusé de meurtre, refuse-t-il de se défendre, sachant par avance qu'il sera condamné à mort. Les paroles qu'il prononce à cette occasion sont lourdes de signification : Messieurs les jurés, je n'ai pas l'honneur d'appartenir à votre classe ; vous voyez en moi un paysan qui s'est révolté contre la bassesse de sa fortune …. Voilà mon crime, Messieurs, et il sera puni avec d'autant plus de sévérité que, dans le fait, je ne suis point jugé par mes pairs. Je ne vois pas sur les bancs des jurés quelque paysan enrichi, mais uniquement des bourgeois indignés.
À l'attitude de Julien Sorel fait pendant, dans Lucien Leuwen, l'épisode de l'officier obligé de marcher à la tête de ses soldats contre les ouvriers qui se sont « confédérés, c'est-à-dire mis en grève, pour protester contre des salaires de famine, et cet officier, Lucien, n'éprouve que honte pour le métier qu'il fait et dégoût pour le gouvernement qu'il sert.
À noter que Stendhal ne cherche pas, de propos délibéré, à introduire partout la politique. Bien au contraire, il aimerait s'en passer. N'est-ce pas à lui qu'appartient l'image tant de fois citée : La politique est un coup de pistolet au milieu d'un concert ? Mais Stendhal est en même temps assez lucide pour se rendre compte que la politique est un état de fait qu'on ne peut pas plus écarter de soi que la maladie. Aussi tout être conscient de ses devoirs est-il obligé de faire un choix, de prendre un parti, tout en sauvegardant sa liberté.

La conception stendhalienne de l'art

Stendhal aimait particulièrement " Leda et le cygne ", l'œuvre du Corrège, dont il possédait une gravure.
Stendhal ne fut pas seulement un romancier et un autobiographe, mais également un critique d’art dont la réflexion esthétique influença le travail romanesque, ainsi que l'appréciation des arts plastiques et de la musique. Citons Histoire de la Peinture en Italie, Rome, Naples et Florence, Promenades dans Rome, Mémoires d'un touriste.
Féru d'art lyrique, amoureux de l'Italie, comme en témoignent ses écrits, c'est lui qui fit connaître Rossini à Paris et en France. Des travaux de la deuxième moitié du xxe siècle ont fait apparaître sa compétence en matière picturale et musicale, sa familiarité avec ses peintres, sa vaste expérience du monde de la musique de son temps aussi bien instrumentale que lyrique, allemande ou italienne. Mais il était surtout un véritable spécialiste de l'opéra italien et de la peinture italienne. Bien qu'il se présentât comme un dilettante, on lui doit des analyses très fines de Rossini et Mozart. Il a saisi la mélancolie de Léonard de Vinci, le clair-obscur du Corrège, ou la violence michelangelesque.
Sa critique cohérente repose sur l'Expression, qui destitue les formes arrêtées et le Beau antique, la Modernité qui implique l'invention artistique pour un public en constante évolution, et la subordination du Beau à l'opinion seule, l'Utile qui donne du plaisir réel à une société, à des individus, et le dilettantisme qui repose sur la pure émotion du critique. Stendhal fonde ainsi une critique historique, l'art étant l'expression d'une époque, et revendique le droit à la subjectivité ; il admet la convergence des arts et leur importance selon qu'ils procurent ou non du plaisir physique, qu'ils ouvrent l'esprit à la liberté de l'imaginaire et qu'ils suscitent la passion, principe de base. Stendhal est un critique d'art qui marque une étape importante dans l'intelligence de tous les arts.
L'Histoire de la peinture en Italie paraît en 1817 ; de l'aveu même de l'auteur, l'ouvrage est un pamphlet et, de ce fait, un défi à la tradition académique,un manifeste qui remet en cause l'idée classique selon laquelle l'art serait transcendant, intemporel, et universel. Stendhal entend bien ramener le ciel sur la terre : les tableaux de Giotto, les Madones de Raphael, le Jugement dernier de Michel Ange sont immergés dans le temps, et ne sont pleinement intelligibles qu'à la lumière de mises au point replaçant les œuvres dans leur contexte. … Et ce que Stendhal dit de Michel Ange, il le dit de tous les autres peintres, ce qui fait de la peinture en Italie une histoire sinon matérialiste, du moins sociologique, et réaliste.

Stendhal et la politique

Malgré son annonce répétée que parler politique dans un roman est comme un coup de feu dans un théâtre, tous ses romans sont pétris de politique, que ce soit dans Lamiel, où il prévoyait pour son personnage du Docteur Sansfin un destin de député, ou dans La Chartreuse de Parme, critique transparente des despotismes italiens, et surtout dans Lucien Leuwen attaque en règle des turpitudes de la Monarchie de juillet tout autant que du ridicule des légitimistes, roman volontairement laissé inachevé pour ne pas déplaire au gouvernement de Louis-Philippe.
Les idées de Stendhal concernant la politique de son temps son pleines de contradictions, au point qu'il a pu être qualifié de Jacobin aristocratique. Il résume ses convictions politiques dans Vie de Henry Brulard : J'abhorre la canaille …, en même temps que, sous le nom de peuple je désire passionnément son bonheur, et que je crois qu'on ne peut le procurer qu'en lui faisant des questions sur un objet important. C'est-à-dire en l'appelant à se nommer des députés le suffrage universel. … J'ai horreur de ce qui est sale, or le peuple est toujours sale à mes yeux.S'il avoue donc être de gauche, c'est-à-dire libéral, il trouve les libéraux "outrageusement niais"; républicain de conviction, il méprise la canaille ; admirateur des qualités d'administrateur de Napoléon, il est écœuré par son côté tyrannique ; s'il trouve les légitimistes ridicules, il ne peut s'empêcher de regretter l'esprit d'AncSien Régime. Fidèle a son beylisme, Stendhal se méfie de tout et de tout le monde. Il se place résolument du côté de la subversion, de la modernité, contre les conservatismes et les hypocrisies du pouvoir.

Romantisme Racine et Shakespeare.

Stendhal a découvert le romantisme avec Frédéric Schlegel, mais Ces plats allemands toujours bêtes et emphatiques se sont emparés du système romantique, lui ont donné un nom et l’ont gâté.Il ne supporte pas non plus l’emphatisme niais de Chateaubriand et de Madame de Staël. C’est l’Edinburgh Review et Lord Byron qu'il découvre en septembre 1816, qui lui révèle un Romantisme qui rejoint ses idées, au moment où il termine son Histoire de la peinture en Italie : Byron, Byron est le nom qu'il faut faire sonner ferme. L’Ed. H. le place immédiatement après Shakespeare pour la peinture des passions énergiques. Ses ouvrages sont des histoires d’amour tragiques. Pour lui, le Romantisme est a la fois subversion et modernité, une rupture avec les anciens, une nouvelle manière d’exprimer les passions et une connaissance des émotions : La connaissance de l’homme, … si l’on se met à la traiter comme une science exacte, fera de tels progrès qu’on verra, aussi net qu’à travers un cristal, comment la sculpture, la musique et la peinture touchent le cœur. Alors ce que fait Lord Byron on le fera pour tous les arts.
Cependant Son style sec, précis, la revendication d'écrire aussi nuement que le Code civil, écartent de Stendhal tout soupçon de romantisme, si, par romantisme on entend : voiles gonflées, vents en rafales, orageux aquilons, souffles brûlants de la nuit, lunes épandues sur les lacs, coeurs en pâmoison, enflures, boursouflures et tonnerre des grandes orgues. Pourtant, Sainte-Beuve le qualifiait de hussard du romantisme, et Racine et Shakespeare, paru en 1825, où il prenait parti avec véhémence pour Shakespeare contre Racine, pour les sorcières échevelées de Macbeth contre les perruques de Bérénice, fut considéré comme un manifeste de la nouvelle école romantique, et même comme le premier manifeste, avant la préface de Cromwell de Victor Hugo en 1827. En réalité Stendhal ne livrait pas bataille pour le romantisme en soi, il émettait l'idée neuve que le goût est mobile, qu'à chaque siècle correspond une nouvelle sensibilité qui réclame des oeuvres d'un ton nouveau.
Jean Goldzink propose de faire un parallèle entre Stendhal et Théodore Géricault, son contemporain : Le Romantisme très particulier de Stendhal (un art de la modernité énergique, de la prose et de l'héroïsme dans les sentiments, qui allie culte de Napoléon et le culte de l'amour, l'ironie et la rêverie, trouve un équivalent pictural plus exact chez Gericault que dans l'univers onirique de Caspar David Friedrich.

Beylisme

Stendhal invente pour lui-même le Beylisme le 17 mars 1811, lorsqu'il écrit dans son journal à propos de l’un de son ami : Crozet est toujours amoureux d’A., conduisant sa barque comme un niais, et il en est triste et attristant. C’est ce que je lui dis sans cesse à lui-même pour le rendre un peu beyliste. Mais il regimbe. La volupté n’aura jamais en lui un adorateur véritable, et il me semble presque irrévocablement dévoué à la tristesse et à la considération qu’elle procure chez ce peuple singes.Il en reparle plus loin, à propos du poète Vittorio Alfieri et de la vie qu’il aurait dû avoir en tant que comic bard, poète comique : regarder la vie comme un bal masqué où le prince ne s’offense pas d’être croisé par le perruquier en domino.Si Alfieri avait été beyliste, il en aurait été plus heureux.
Dans Stendhal et le Beylisme, Léon Blum explore les principes et les contradictions de cette méthode pratique du bonheur : Quand on a pris clairement conscience des exigences essentielles de sa nature, quand on a concentré vers ce but toute sa volonté agissante, quand on a rejeté résolument les faux principes de la morale courante ou de la religion, les fausses promesses de la société, le bonheur peut s'obtenir logiquement, par stades nécessaires, comme une démonstration mathématique. Dans cette démarche, on se heurtera à l'éternel ennemi : le monde, mais on sait le moyen de la combattre, c’est-à-dire de le tromper. Dès qu'une tactique appropriée nous a débarrassé de son emprise, le bonheur ne tient plus qu'à notre lucidité et à notre courage : il faut voir clair, et il faut oser. … Une mécanique du bonheur et non du plaisir, dans cette formule tient la nouveauté profonde. Stendhal part de Condillac et d'Helvetius, des philosophies qui expliquent toute connaissance par les sens et réduisent toute réalité à la matière ; mais il les couronne par une conception du bonheur où nul élément sensuel et matériel n'entre plus. Le bonheur, tel que Stendhal l'entend, dépasse de beaucoup la secousse heureuse des sens ; il intéresse les énergies profondes de l'âme ; il implique un élan, un risque, un don où la personne entière s'engage.… Il est un épanouissement, un moment d'oubli total et de conscience parfaite, une extase spirituelle où toute la médiocrité du réel s'abolit. Les états intenses de l'amour, la jouissance que procure l'oeuvre d'art peuvent en fournir une idée.
Ou, comme le résumait plus récemment Charles Dantzig : Si les écrivains du XIXe siècle broient du noir, Stendhal broie du rose. … Le bonheur chez Stendhal n’est pas une idéologie, il est la vie même, ou plutôt ce que la vie devrait être. Le bonheur chez Stendhal est l’état idéal du petit nombre de papillons toujours attaqués par les bœufs pour leur délicatesse.

Un nouveau "roman"


Stendhal n'a pas été un romancier prolifique. Il a publié seulement trois romans Armance, le Rouge et le Noir, la Chartreuse de Parme et une demi-douzaine de nouvelles Vanina Vanini, le Philtre, les Chroniques italiennes. Il est vrai que d'autres œuvres, pour des raisons qui mériteraient d'être précisées, tellement le phénomène est caractéristique, n'ont pas été achevées : Une position sociale, Lucien Leuwen, Mina de Vanghel, Lamiel, Suora Scolastica. Mais, même en tenant compte de ces dernières, le chiffre total demeure assez faible. Autre remarque : Stendhal est arrivé très tard au roman, la quarantaine passée, après s'être surtout occupé de théâtre, ce qui implique une lente maturation et une formation dont on aurait tort de ne pas tenir compte. C'est pourquoi le roman stendhalien ne ressemble en rien, par sa conception et sa structure, ni au roman traditionnel, ni au roman contemporain, celui de Balzac en particulier.
Armance, le coup d'essai, n'est sans doute pas un coup de maître, bien qu'il laisse présager un écrivain original. Le sujet, un cas d'impuissance, n'est pas une invention du néo-romancier, qui a exploité une aventure passablement scandaleuse narrée par la duchesse de Duras dans un livre qui courait Paris sous le manteau. Sa nouveauté réside en la manière dont l'intrigue est nouée et dans son insertion dans la vie contemporaine. Mais trop d'interdits existaient en 1827 pour qu'il fût possible de parler ouvertement du mal mystérieux dont souffre le héros, de sorte que, par la force des choses, le récit tourne court, l'auteur ne pouvant – ni ne voulant – s'exprimer avec la liberté nécessaire.
Le Rouge et le Noir est, lui aussi, issu de l'actualité. Deux faits divers, l'un survenu dans les Pyrénées, l'autre dans le Dauphiné, ont joué le rôle de catalyseur
Les différences entre les deux chefs-d'œuvre romanesques stendhaliens sont grandes. Cette différence se double d'une évolution non moins certaine. Néanmoins, les points de contact sont nombreux, tant sur le plan psychologique que sur le plan historique. Que l'on songe, pour n'en donner qu'un seul exemple, au donjon-prison qui trône dans la deuxième partie des deux romans. Le retour du même thème ne peut être imputé au hasard ou à l'impéritie. En outre, le dénominateur commun est constitué par l'enracinement dans l'actualité contemporaine. Stendhal connaît le secret de supprimer tout hiatus entre la fiction et la réalité.
Au tableau de la France courbée sous la férule de la toute-puissante Congrégation fait pendant celui de l'Italie divisée, opprimée. La toile de fond est tellement imprégnée d'actualité qu'il est loisible de chercher à deviner sous les personnages issus de l'imagination du romancier des silhouettes du temps et à retrouver dans tel ou tel épisode des événements ayant défrayé la chronique.
Le Rouge et le Noir et la Chartreuse de Parme ne sont pas une exception ; toute l'œuvre romanesque stendhalienne présente ce même aspect : qu'il s'agisse de ce drame cornélien entre l'amour et l'amour de la patrie qu'est Vanina Vanini, ou de Lucien Leuwen, l'un des tableaux les plus lucides, les plus pénétrants qu'on ait jamais peints des mœurs provinciales dans la première partie et des dessous de la politique dans la seconde, ou encore de Lamiel, qui, mettant en scène une séduisante aventurière, voulait – car, pas plus que le précédent, il n'a pas été achevé – offrir à son tour un tableau des mœurs politiques sous Louis-Philippe. Est-on donc autorisé à considérer ces œuvres comme des romans historiques et le romancier, ainsi qu'on s'est plu à le répéter ces dernières années, comme un champion du réalisme ? Ce serait singulièrement l'appauvrir. Stendhal ne peut être comparé à ceux qui, à l'instar de Walter Scott, ont essayé de faire du vrai avec du faux. En dépit de son goût pour les petits faits vrais, Stendhal n'est pas un naturaliste, n'a rien d'un Zola. Loin de là, il a horreur de ce qui est vulgaire. Or, trop souvent, la réalité est basse, sale, ignoble, prosaïque. Il est bien vrai que ses romans sont conçus comme des chroniques – c'est le mot qui figure sur le frontispice du Rouge et le Noir – et comme un miroir – autre mot mis en épigraphe d'un chapitre du même ouvrage –, mais ils sont aussi et surtout le résultat d'une secrète et heureuse alchimie. Alors que les réalistes sont condamnés à patauger dans la déchéance physique et morale de l'être humain, Stendhal se place, lui, sous le signe de l'élévation, et cela non par obédience à un quelconque mot d'ordre d'une quelconque religion ou d'une quelconque morale, mais d'instinct, parce qu'il est persuadé que c'est là, et non ailleurs, l'aboutissement de la condition humaine. Et c'est par suite de la même conviction que l'amour-passion prend le pas sur l'érotisme. D'où un changement radical d'optique : celui qui, pour les exégètes du XIXe s., était un mauvais maître est devenu une source de foi en la valeur profonde de l'âme humaine, un maître de vie courageuse tendue vers l'idéal.
Original par sa conception, le roman stendhalien ne l'est pas moins par l'écriture. On a beaucoup parlé du style sec et dépouillé de Stendhal, qui, à l'en croire, lisait, pour se mettre en train, quelques pages du Code civil. Mais, par le suite, on a pris conscience de la signification et de la portée de ce dépouillement et de cette sécheresse. Dans ses romans – ainsi d'ailleurs que dans tous ses écrits –, Henri Beyle a su supprimer le décalage existant entre la langue littéraire et la langue parlée. Autrement dit, il a exprimé de la manière la plus immédiate ses idées et ses sentiments sans chercher à les affubler de tournures académiques. Cela explique l'allure parfois heurtée de ses phrases, ses redites et même ses incorrections, ses incohérences apparentes, qui ont si fort choqué ses contemporains.
Cette allure heurtée, si éloignée des phrases bien rythmées d'un Chateaubriand ou des tournures souvent rocailleuses d'un Balzac, vient surtout de l'élimination des idées intermédiaires. En sous-entendant les charnières, Stendhal met en relief le détail essentiel, amené la plupart du temps de manière imprévue, et il l'impose à l'attention des lecteurs. Sous un certain rapport, l'écriture stendhalienne annonce l'écriture cinématographique : bâtir à petites touches, petit détail par petit détail ; d'où de courtes scènes dont la puissance d'évocation crée le lien, et c'est Stendhal qui, le premier, a eu recours au procédé de la limitation du champ. La célèbre description de la bataille de Waterloo en est l'exemple le plus frappant : renonçant à la vue panoramique traditionnelle, le romancier reproduit uniquement ce que l'œil de son héros pouvait voir. La leçon a été retenue par les romanciers de notre siècle, et c'est à juste titre que la plupart d'entre eux considèrent Stendhal comme leur maître.
" Je ne sais pourquoi j'ai une honte mortelle du métier d'auteur."

À maintes reprises, Stendhal s'est exprimé en termes vifs à l'égard de l'académisme régnant à son époque. Ses contemporains et, plus encore, sa postérité immédiate se sont vengés en l'ignorant. Pour nous, au contraire, la récusation de la « littérature » explique et justifie le succès extraordinaire de l'œuvre stendhalienne. Stendhal a fait de l'anti-littérature non par parti pris, non en disciple d'un cénacle, mais parce qu'il a eu l'intuition que la littérature telle qu'on la concevait de son temps était désormais vidée et qu'il était absurde de continuer à s'asservir à un mode périmé d'expression.
La rapidité avec laquelle Stendhal compose est, par elle-même, la meilleure preuve de cette attitude. Toutes ses œuvres ont été écrites tambour battant, depuis le premier livre, les Vies de Haydn, de Mozart et de Métastase, jusqu'au dernier, la Chartreuse de Parme. Une seule exception, l'Histoire de la peinture en Italie, dont la composition s'étale sur quelque six ans. En général, la rédaction n'est entreprise que lorsqu'un sujet est mûr dans l'esprit de l'auteur. Alors elle avance vite, très vite, comme si celui-ci était obsédé par la crainte de voir son inspiration s'envoler. Le travail littéraire est, pour lui, état de crise, synonyme de crispation et de tension nerveuse. Cela explique aussi que Stendhal écrive mal au propre et au figuré : entraîné par son élan, il n'a cure de bien mouler ses lettres, pas plus qu'il n'a le temps de choisir ses expressions, d'éviter les répétitions, la pléthore des pronoms relatifs, les cascades des subordonnées. À peine prend-il le temps de marquer d'une croix dans l'interligne les termes qu'il se propose de remplacer ou d'en mettre deux l'un à côté de l'autre, se réservant de choisir plus tard. Il est pressé d'arriver au bout, de couper le cordon ombilical. Le dénouement de presque tous ses livres est hâtif, trahissant une espèce d'angoisse qui porte l'écrivain à trancher dans le vif. Dès que, au contraire, il commence à « fignoler », à tracer des plans, à revenir en arrière pour améliorer les parties déjà écrites, introduire de nouvelles circonstances, soyons assurés que l'ouvrage est condamné à rester inachevé. Les exemples abondent ; c'est le cas, entre autres, de Lucien Leuwen et de Lamiel.
C'est pourquoi il est difficile – et dangereux – de classer Stendhal dans un genre bien défini. Il n'est pas tour à tour romancier, pamphlétaire, essayiste, voyageur, historien ; il est tout cela à la fois. C'est pourquoi, aussi, il est beaucoup plus qu'un écrivain du modèle habituel, de ceux que guettent la sclérose et le temps edax rerum. Au contraire, il possède une éternelle jeunesse, car il a le don inné d'inciter son lecteur à réfléchir, à faire un retour sur lui-même, sans pour autant violer son indépendance d'esprit, à l'engager dans la voie qui a été la sienne, celle de l'anticonformisme.
Ce qu'on a pris autrefois pour une expression de frivole amateurisme se présente à nous sous un tout autre aspect. Stendhal a cru à la littérature. Il a vécu d'elle et pour elle ; mais cette littérature-là ne ressemble point à celle qui avait cours de son temps. Ce n'est pas plus un passe-temps qu'un gagne-pain. Elle est un moyen de transmission et non une finalité. Être homme de lettres implique une responsabilité, un engagement vis-à-vis de soi-même : prendre conscience des problèmes qui se posent à l'individu vivant la vie de son temps et qui, dans la plupart des cas, le transcendent. Il n'y a pas pire présomption que celle de vouloir à tout prix trouver des solutions totales et définitives. Stendhal a su restituer à la littérature sa valeur et sa raison d'être.

Le stendhalisme

C'est un curieux et important phénomène, unique dans l'histoire des lettres. Il témoigne de l'empreinte laissée par Stendhal.
Il est vrai que les stendhaliens ne jouissent pas d'une bonne réputation. On se gausse de leurs minutieuses investigations, dont l'intérêt ne semble pas toujours proportionné aux moyens mis en action. On leur reproche de se perdre dans l'accessoire, laissant échapper l'essentiel ; on ironise sur leur tendance à s'enfermer dans une chapelle dont l'entrée est interdite aux non-initiés.
Pourquoi nier la part de vérité existant dans ces chicanes ? Un fait, cependant, est indiscutable : le stendhalisme existe depuis bientôt un siècle ; il s'est perpétué de génération en génération, à travers les fluctuations de tous les engouements et de toutes les modes ; il a débordé les frontières de la littérature française : il n'y a guère de pays au monde où le stendhalisme n'ait pris racine et n'ait ses adeptes. Un tel phénomène mérite réflexion.
Le promoteur en a été Stendhal lui-même. C'est lui qui a mis en circulation la notion de beylisme et a forgé le néologisme stendhaliser. C'est lui qui, par son habitude de s'exprimer en code, a intrigué ses lecteurs, qui se sont appliqués à le décrypter. Aussi son purgatoire n'a-t-il duré que peu d'années. Dès 1870, on signale des beylistes cherchant, avec de compréhensibles tâtonnements, à expliquer le pouvoir de séduction de l'écrivain. Après ces pionniers vient la génération des Bourget, des Taine, des Zola ; avec eux, Stendhal prend définitivement une place de choix dans l'histoire littéraire et dans celle des idées. Grâce à Émile Faguet, il franchit le seuil de l'université, habituée à n'admettre que les valeurs reconnues. À cette même époque, Casimir Stryienski et Jean de Mitty, en exhumant du fatras des manuscrits déposés à la bibliothèque de Grenoble des œuvres mal connues ou même totalement inconnues – Lucien Leuwen, Lamiel, les Souvenirs d'égotisme, la Vie de Henry Brulard, le Journal –, élargissent l'horizon stendhalien. Pendant ce temps, Andrew Archibald Paton fait paraître à Londres, en 1874, la première étude d'ensemble. Depuis lors, les stendhaliens se sont multipliés. La simple énumération de leurs noms remplirait plus d'une page.
Avec les années, le stendhalisme a changé de caractère : à l'amateurisme du début ont succédé des méthodes rigoureuses de recherche. Le résultat de cette ferveur est que l'image de Stendhal, telle que la voyaient ses contemporains, s'est notablement modifiée. Le cliché de l'homme frivole, du libertin cynique, de l'écrivain fantaisiste et assez fumiste sur les bords a été remplacé par l'image d'un être tout différent : une âme délicate et farouche, un passionnel qui n'a guère connu ce bonheur qu'il a poursuivi toute sa vie, un anticonformiste qui a toujours refusé de se plier à la contrainte d'où qu'elle vînt, un écrivain pénétrant et lucide, d'une inépuisable richesse. Notre génération a découvert des aspects que nos aînés avaient ignorés, par exemple l' actualité où baigne son œuvre tout entière – actualité littéraire, politique, sociale. Les générations qui nous suivront seront sensibles à d'autres formes d'expression que notre optique mentale ne nous permet pas d'appréhender. Et c'est bien là le plus étonnant aspect de la personnalité de Stendhal que cet attrait sans cesse renouvelé qu'exerce son esprit sur les générations successives, qui, chacune à son tour, se reconnaissent en lui.

Le touriste

Un autre mot dont Stendhal a enrichi la langue française est touriste. Et l'écrivain a joint au mot la chose, puisqu'il a été un grand voyageur et que quatre de ses livres sont des récits de voyage : Rome, Naples et Florence en 1817, Rome, Naples et Florence, nouvelle édition entièrement refondue, Promenades dans Rome, Mémoires d'un touriste.
« Il avait toujours adoré les voyages, la visite des curiosités d'un pays ….C'est par ces paroles que Stendhal présente, au début du dernier de ces ouvrages, son alter ego, le touriste Philippe L. Il est pourtant indispensable de s'entendre sur les limites de cette curiosité. S'il est vrai que Stendhal a passé hors de France et dans de continuels déplacements un tiers environ de sa vie, il n'en est pas moins vrai qu'il n'a jamais manifesté le moindre penchant pour l'exotisme, tellement à la mode à l'époque romantique. Il est allergique à l'Orient. Rien, chez lui, d'initiatique ; il ne voyage pas à la recherche des secrets de la raison d'être de l'humanité. Son champ est beaucoup plus limité. Ayant sympathisé d'emblée avec le caractère italien, Stendhal désire toujours mieux le connaître, car, à travers lui, il a l'impression de mieux apprendre à se connaître lui-même. Le voyage stendhalien est conçu comme la quête du moi.
Dans l'Avertissement des Promenades dans Rome, le mot égotisme revient par deux fois. Après avoir rapporté le souvenir, d'ailleurs fictif, d'un prétendu premier séjour qu'il aurait fait dans la Ville éternelle en 1802, Stendhal poursuit : M'accusera-t-on d'égotisme pour avoir rapporté cette petite circonstance ? Tournée en style académique ou en style grave, elle aurait occupé toute une page. Voilà l'excuse de l'auteur pour le ton tranchant et pour l'égotisme.Cette insistance n'est pas casuelle. L'ouvrage que l'auteur propose à son lecteur est le fruit de son égotisme. Le voyage est une occasion de sensations.
Si les voyages en Italie foisonnent de considérations esthétiques et de réflexions sur les mœurs, le voyage en France abonde en réflexions économiques et sociales. En effet, les Mémoires d'un touriste sont le miroir de la France sous la monarchie de Juillet. Stendhal a le mérite d'avoir perçu l'importance des problèmes concernant l'aménagement du territoire et l'environnement au moment même où l'industrialisation et l'introduction de la machine à vapeur provoquaient une crise aiguë et anéantissaient toutes les vieilles conceptions.
À une époque où le tourisme était, lui aussi, en pleine mutation, Stendhal donne au voyage une dimension nouvelle. Loin de le considérer comme une sorte d'opium où chercher l'oubli de l'angoisse quotidienne ou un simple complément de la formation intellectuelle, il vise à l'approfondissement du moi, sans que, pour autant, ses notations perdent leur allure spécifique de carnets de route. Ce résultat est atteint grâce, en premier lieu, à la forme de journal qu'il a adoptée, ensuite au grand nombre d'allusions plus ou moins voilées, aux sous-entendus, aux demi-aveux. Ce sont là les principaux éléments de ce piquant, où Stendhal est passé maître et qui rend la lecture de l'œuvre si attrayante.

Le voyage, la passion, l'esthétique

Le voyage, la passion, l'esthétique dominent l'expérience et l'œuvre de Stendhal et constituent comme une ligne brisée, qui le conduit au roman, lequel tend à devenir son mode d'expression préféré. Ces trois notions sont à la fois vécues et écrites plus que pensées, tant il est vrai que, pour la phénoménologie spontanée du romantique, l'expression de l'art prolonge sans perte ni rupture la dimension première de la vitalité en acte, où s'enracinent les valeurs idéales.
La Vie de voyage : c'est le titre d'une nouvelle de Gobineau qui implique que la vie est voyage, ou encore que le voyage représente la vérité de la vie. C'est en ce sens que Stendhal en a fait une pratique romantique, où le contact imprévu et neuf avec une réalité toujours différente révèle la différence toujours renouvelée qui construit le moi et fait de l'existence une suite de présents délivrés de la contrainte et du but à atteindre. Dans le tourisme, Stendhal est un des premiers à reprendre cet anglicisme, deux postulats romantiques – l'être est un vivant sensible, l'être n'est qu'individuel – sont explicités. Mais le voyage de Stendhal est italien d'abord. L'Italie est le lieu où Henri Beyle a découvert le bonheur de vivre ; mais ce bonheur est le propre du Sud, parfaite antithèse du Nord. Celui-ci, protestant, libéral, rationnel, moral et même puritain, industriel et technique, moderne et déjà démocratique, est peu à peu l'objet d'une critique radicale. Le grand Sud, catholique, archaïque, asocial et apolitique, univers de la violence, de la sensualité, de la passion amoureuse, s'épanouit, lui, dans l'esthétique, car il laisse en liberté les puissances du désir et de la vitalité, en même temps qu'il leur interdit toute issue dans l'action pratique ou sociale. L'Italien, heureux-malheureux, est ainsi le plus physique des hommes et le plus idéal : il n'existe absolument que dans les régions désintéressées et irréelles des beaux-arts. L'Italie récuse le monde moyen, tout ce qui est maîtrise de la réalité, organisation calculée de la vie et du temps, monopole de la raison et de ses domaines d'application, technique, science, morale. Les antivaleurs pour Stendhal sont le travail, l'argent, la vanité, condition nécessaire de toute société. Tout pays se situe dès lors à l'intérieur de cette dichotomie moderne : nord-sud. L'extrême nord, c'est les États-Unis. Mais le voyage, qu'il soit réel ou mental, se déroule toujours à l'intérieur de l'opposition et en parcourt les deux pôles. Que choisir, au reste ? Stendhal, qui se veut moderne dans le romantisme, est un héritier des pensées critiques du XVIIIe siècle. Libéral et républicain, positiviste et irréligieux, il est du nord comme du sud.

Seulement, son romantisme moderne refuse la modernité unilatérale. Il pense les contraires, sa philosophie implicite repose sur un usage agressif et railleur du paradoxe. Stendhal défend aussi bien l'État minimal du libéralisme que le despotisme génial de Napoléon ou le couple despotisme-anarchie qui caractérise l'Italie. Républicain de conviction, il reste nostalgique des sociétés aristocratiques. Pensant par évidences instantanées et impulsives, il établit sa logique à l'intérieur d'une logique supérieure qui réconcilie vérité et sentiment, raison et plaisir.
Il est donc devenu traditionnel de définir Stendhal par des oppositions intérieures : ironie et passion, conscience et rêverie... Rien de plus vrai, mais il faut ajouter qu'en un certain point s'esquisse une unité, une complétude, proprement romantiques. La passion amoureuse, ou plus profondément l'éros, au sens platonicien, a cette fonction d'unification dans la vie de Stendhal comme dans toute son œuvre ; d'où la place centrale qu'occupe De l' amour. Œuvre de circonstance, plaidoyer de l'amoureux méprisé, consolation d'un amant transi, analyse psychologique et sociologique, mais aussi longue plainte d'un Pétrarque romantique, retour à la tradition courtoise et romanesque, le livre est un art d'aimer, un traité d'érotique moderne, qui fait du long désir, du désir de loin, le centre d'une aventure spirituelle, le moyen d'un perfectionnement, et le cœur de toute découverte esthétique. Il s'agit donc bien d'une connaissance sensible, d'une mise en rapport du désir et de l'idée, ou de l'image, de l'éros et de l'inspiration. Sans émotion, sans désir ou plaisir, Stendhal n'est rien. La cristallisation, invention par l'imagination de la femme aimée, qui la constitue en objet d'une inépuisable perfection dans son unicité, est une sorte de folie, mot clé de Stendhal, mais c'est aussi la démarche essentielle qui unit le désir à la création imaginaire, la vitalité à la spiritualité.

La critique d'art à laquelle Stendhal s'adonne pendant sa première période créatrice est une expérience très proche de cette pensée. Cette activité est mal jugée : livres faits de plagiats, partis pris de Stendhal qui refuse par exemple la musique allemande au profit d'un ralliement exclusif au bel canto, et encore, il n'apprécie que Cimarosa, Mozart, et Rossini partiellement, romantisme étrange qui l'écarte de Chateaubriand, Delacroix, Hugo, Balzac, Beethoven... En fait, il faut reconnaître à Stendhal une incontestable compétence, c'est-à-dire une science de l'art, et le droit c'est le dilettantisme de juger en fonction de son seul plaisir et de son émotion : l' esthétique est la sensibilité, sous toutes formes, depuis le plaisir des sens jusqu'au bouleversement presque sacré du sublime, Michel-Ange, Mozart, c'est l'émotion sympathique qui unit le sujet à l'œuvre et fait de son interprétation une assimilation. En ce sens, Stendhal est plus qu'un critique d'art. Sa réflexion esthétique n'est pas un système, elle n'est fondée que sur les données immédiates du jugement esthétique dans tous les arts, hiérarchisés en fonction de leur pouvoir de favoriser le libre essor de la subjectivité créatrice, ou imagination. Stendhal refuse identiquement l'alexandrin, la tragédie néoclassique, la peinture hollandaise, la symphonie allemande et l'harmonie pure, le dessin, la sculpture antique, peut-être même le théâtre, toutes formes qui appauvrissent le sens, le cernent dans un contour ou dans un agencement de signes.

En peinture, Stendhal préfère le clair-obscur, surtout corrégien qui généralise le lointain, opère la fusion de l'ombre et de la lumière, offre le tableau comme une surface que l'imagination se doit d'achever. À Moscou, en 1811, Stendhal note que son idéal général de beauté est dans Cimarosa, ce misto di tenerezza e d'allegria qu'il offre à jamais comme œuvre idéale et style complet.

Le romancier

Chez Stendhal comme chez Balzac, Gautier, Baudelaire, l'expérience et la réflexion esthétiques ne se séparent pas de l'écriture. Stendhal, plus nettement que tout autre, est passé par cette méditation sur les arts pour élargir son idéal de beauté et de style : en apparence, il s'éloigne de la littérature, il la réduit à sa personne le journal, il la déborde en découvrant les effets qui le passionnent dans la peinture et la musique. En fait, l'artiste-écrivain aspire à une nouvelle littérature, et souffre dès le début d'une insuffisance du classicisme qui le conduit à revenir à la littérature enrichi et fortifié par son passage par l'esthétique ; celle-ci suppose une autonomie nette de l'art, un pouvoir global de signification et, surtout, de suggestion, plus de confiance aussi dans les capacités créatrices de l'imagination. À rebours du classicisme, ce que Stendhal appelle le style, le sien, suppose un brisement des continuités, d'où l'importance du fragment, de la parataxe, de l'ellipse, du détail, un refus de la construction et une préférence pour l'implicite et sa capacité illimitée de sens. Stratégie d'inachèvement, polyphonie ludique : l'effet Cimarosa ou l effet Corrège sont chez Stendhal des données stylistiques.

Conteur, anecdotier, Stendhal a pratiqué le récit, sans jamais songé à écrire un roman. Il s'y met pour des motifs personnels : dans Armance, il conçoit le personnage d'Octave, héros impuissant, en plein désespoir amoureux, en pleine défaite de lui-même. Le roman est alors une manière impersonnelle de dire le moi. Ses souvenirs jamais avoués de la passion pour Métilde sont dans Lucien Leuwen. Le plus intime de sa vie, les impressions de l'arrivée à Milan, impossibles dans Henry Brulard, sont permises dans La Chartreuse. Et puis, en 1827, le roman est un genre dont les romantiques s'emparent. Stendhal y vient par le romanesque, patrie utopique de ceux qui rêvent de passions et d'héroïsme, d'exploits et de bonheur absolu. C'est son monde, celui de ses premières lectures, le Tasse, l'Arioste, Cervantès, qui le placent dans l'univers enchanté et magique de l'éternel romance. Le romanesque est un monde complet, c'est ce qu'il nomme l'espagnolisme, ce culte du beau en tout, l'engagement illimité dans la chimère qui annule la réalité et en fait une terre d'exil. Tout commence donc avec Don Quichotte, et Stendhal, comme tant de romanciers du XIXe siècle, en revient à cette fondation du roman moderne. Tous ses héros sans exception sont définis par le conflit entre l'idée qui peut être l'idéalisme politique, l'abus des livres, l'a priori du cœur et le monde tel qu'il est.

Car, en 1827, le roman, c'est aussi le roman historique et politique, à l'exemple de Walter Scott, et le premier roman de Stendhal adapte au monde contemporain les procédés de saisie de l'histoire. Le romantique découvre la modernité du roman, qui s'adresse à un public démocratique, raisonnable et positif, qui se méfie des conventions du genre et de l'imagination, et qui veut satisfaire à la fois son goût du romanesque et son incrédulité. Renonçant à la fiction, le roman, qui se dit miroir, veut être vrai et propose un ensemble de faits authentiques. Stendhal n'invente pas le sujet de ses romans ; le plus souvent, il emprunte son schéma directeur à un autre texte, Latouche pour Armance, son amie Mme Gaulthier pour Lucien Leuwen, à un fait-divers notoire, l'affaire Berthet pour Le Rouge et le Noir ou réécrit, en changeant les données temporelles, un autre récit, Le Philtre ; La Chartreuse, née des Origines de la famille Farnese. Mais il lui faut encore la caution continuelle de la vérité stricte, le renvoi au référent précis et prouvé, au monde de petits faits vrais. Le roman qui déjoue la méfiance, sans cesser d'être pur roman, sera par excellence un roman politique, la politique, c'est l'actualité, ou un roman de la politique.

Certes, son roman évolue : violent, sombre, tendu, avec Armance et Le Rouge qui ont des tonalités tragiques, il tend à devenir, par un changement de manière, plus large, plus moqueur, et carrément comique dès Lucien Leuwen. Mais il reste fidèle à cet équilibre générique entre la tradition du romance et sa profanation par un réalisme antihéroïque et bas. Il faudrait dire que ces deux niveaux évoluent contradictoirement. Car c'est toujours à partir d'une courtoisie radicale que s'organise l'œuvre : le désir veut l'obstacle, la passion se fonde sur son impossibilité, elle implique le dévouement absolu, le renoncement, la prouesse de l'amant, le rayonnement idéal, tendre ou cruel, mystérieux ou violent, de la beauté féminine, le cœur du roman stendhalien, c'est bien l'érotique courtoise. Stendhal fait varier l'obstacle, ou encore le radicalise, l'impuissance d'Octave, la froideur de Lamiel, la pureté d'Armance, le complique d'aspects sociaux, Julien et son infériorité sociale, ou surtout son complexe d'infériorité, le purifie, Lucien et Mme de Chasteller, voire le sacralise, le vœu de Clélia. Son romanesque même évolue vers plus de rigueur, il retrouve ses sources avec le contexte italien et historique, L'Abbesse de Castro, La Chartreuse de Parme, où le récit d'aventure, la prouesse courtoise, le picaresque allègre sont regroupés, tandis que s'accentuent la lourdeur et la laideur du niveau bas, avec les scènes de la vie politique moderne dans Lucien Leuwen, les scènes de cour à Parme, la généralisation d'un ton burlesque dans Lamiel.
Il y a un comique, une ironie inhérents au roman stendhalien ou à son romanesque tombé dans la réalité d'une époque non héroïque. Le romancier mis à part L'Abbesse de Castro, qui relève du roman de chevalerie ne peut pas présenter un héroïsme intégral : les personnages sont des modernes, et le lecteur les aimera d'autant plus qu'il pourra se moquer d'eux. Leurs grandes actions, prendre la main de Mme de Rênal, suivre l'escorte de Napoléon à Waterloo sont petites, parodiques, paradoxales. Ce qui compte, c'est le degré d'effort, ou la mesure de la force qui est utilisée ; l'énergie selon Stendhal est justement là : non dans le résultat de la force, mais dans l'effort interne. Cet héroïsme intérieur et ironique est au centre des interventions du narrateur stendhalien, dont la voix et les intrusions infinies, se moquant de tout, et brisant toute cohérence, déploie autour des personnages une atmosphère d'ambiguïté qui tour à tour les abaisse et les élève. Roman de l'anxiété du moi, le roman de Stendhal la montre violente et sombre chez Julien, désespérée chez Octave, ingénue et naïve chez Lucien et en délivre un Fabrice plus attaché à la quête de l'amour qu'à la quête de lui-même.

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Posté le : 22/03/2014 20:26
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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