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Robert II le pieux 2 suite
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Robert et la paix de Dieu

La paix de Dieu est un mouvement conciliaire d’initiative épiscopale qui apparaît au cours de la seconde moitié du xe siècle dans le sud de la Gaule et qui se poursuit les décennies suivantes dans certaines régions septentrionales (1010-1030). Pendant longtemps, l’historiographie a avancé le contexte d’une « déliquescence des structures carolingiennes et de violences au cours d’une période que Georges Duby a appelée Premier Âge féodal ou Mutation féodale. Aujourd’hui le tableau de la paix de Dieu est plus nuancé : les prélats auraient-ils pu concevoir une société religieuse où les liens auraient été horizontaux à une époque où précisément un Adalbéron de Laon ou un Gérard de Cambrai méprisaient le serf des champs, bien que son travail fût utile. D’autre part, comment peut-on envisager à la fois une croissance économique importante aux Xe et XIe siècles au cours d’une époque violente et anarchique?
On sait que les mouvements de paix existaient déjà au Haut Moyen Âge. D’ailleurs les pénitentiels carolingiens se préoccupaient tous de la souillure que représentait l’homicide et les violations de l’Église. Selon Christian Lauranson-Rosaz, les premiers signes de la paix de Dieu apparaissent dans les montagnes auvergnates lors du plaid de Clermont en958 où les prélats déclarent que la paix vaut mieux que tout. Puis la première assemblée se serait tenue à Aurillac 972 à l’initiative d’Étienne II de Clermont et des évêques de Cahors et de Périgueux. On contraint par les armes ceux qui ne veulent pas jurer la paix. En revanche, tout le monde est d’accord pour dater de 989 la première assemblée de paix connue à Charroux Poitou à l’initiative de Gombaud, archevêque de Bordeaux. Elle est suivie quelques années plus tard par celles de Narbonne (990), du Puy 994… À chaque fois, on évoque la paix, la loi et on prête serment sur les reliques qu’on a amenées pour l’occasion. Les premières assemblées se réalisent souvent sans la présence des princes, car elles ne concernent que les zones périphériques, externes à leur champ d’investigation même si Guillaume d’Aquitaine en préside certaines dès 1010.
Progressivement, les assemblées deviennent des conciles car les décisions sont consignées dans des canons élaborés. D’ailleurs la violation du serment et des sentences conciliaires est passible de l’anathème. Ainsi la paix est montrée comme une condition nécessaire au salut de l’âme discours du Puy en 994. Les objectifs pris, au cours de ces assemblées, concernent avant tout la protection des biens d’Église contre les laïcs continuité de la réforme carolingienne. Mais la paix de Dieu n’est pas pour autant antiféodale puisque les droits des seigneurs sur leurs serfs et la vengeance privée, qui appartenaient au droit coutumier, sont confirmés. Ce qui, au contraire, est dénoncé ce sont les influences nuisibles provoquées par les guerriers aux tiers non armés. Quelquefois un arrangement est trouvé entre le clerc et le chevalier. Le moine pardonne alors à son interlocuteur qui a martyrisé des serfs en échange d’un don pour sa communauté. Que demandent précisément ces assemblées conciliaires ?
-La protection des bâtiments religieux, puis l’emplacement des églises : lutter contre la mainmise laïque.
-La protection des clercs désarmés : le port d’armes est interdit pour les oratores et les laboratores.
-L’interdiction de voler du bétail : il s’agit surtout ici d’assurer l’approvisionnement de la seigneurie on remarque que les vagues de paix concordent souvent avec les famines du Xe siècle.
-La participation des évêques à la paix de Dieu. D’après H.-W. Goetz, La paix de Dieu en France….
-La paix de Dieu, partie d’Aquitaine, se diffuse dans tout le royaume :
" En l’an mille de la Passion du Seigneur,… tout d’abord dans les régions de l’Aquitaine, les évêques, les abbés et les autres hommes voués à la sainte religion commencèrent à réunir le peuple en des assemblées plénières, auxquelles on apporta de nombreux corps de saints et d’innombrables châsses remplies de saintes reliques."

Après l’Aquitaine, le mouvement gagne la cour de Robert le Pieux qui tient sa première assemblée connue à Orléans le 25 décembre 1010 ou 1011. Du peu qu’on en connaisse, il semble que ce soit un échec. Les sources ne nous ont laissé de cette réunion qu’un chant de Fulbert de Chartres :

" Ô foule des pauvres, rend grâce au Dieu tout-puissant. Honore-le de tes louanges car il a remis dans la voie droite ce siècle condamné au vice. Il te vient en aide, toi qui devait supporter un lourd labeur. Il t’apporte le repos et la paix."

La paix de Dieu n’est sûrement pas homogène, au contraire pendant longtemps c’est un mouvement intermittent et localisé : où l’Église en a besoin et peut l’imposer, elle le fait. Une fois prise en main par Cluny à partir de 1016, le mouvement continue sa progression vers la Bourgogne où un concile se tient à Verdun-sur-le-Doubs 1021. Sous la présidence de Hugues de Châlon, évêque d’Auxerre, d’Odilon de Cluny et peut-être du roi Robert, la paix des Bourguignons est signée. Odilon commence alors à jouer un rôle majeur. Il propose dans un premier temps aux chevaliers bourguignons une diminution de la faide guerre privée et la protection des chevaliers qui feront le Carême. Dans un second temps à partir de 1020, il instaure une nouvelle paix clunisienne en Auvergne par le biais de sires de sa parenté. La seconde vague de paix, de plus en plus imprégnée par les moines, connaît son paroxysme avec l’initiation à la trêve de Dieu concile de Toulouges, 1027. Cependant, les évêques du Nord, tels que Adalbéron de Laon et Gérard de Cambrai ne sont pas favorables à l’instauration des mouvements de paix dans leur diocèse. Pourquoi ? Dans le Nord-Est du royaume, la tradition carolingienne est encore très forte et elle avance que seul le roi est le garant de la justice et de la paix. D’autre part, les évêques sont souvent à la tête de puissants comtés et n’ont pas besoin d’asseoir leur autorité par la paix de Dieu, contrairement à leurs confrères méridionaux. Les prélats considèrent aussi que la participation populaire au mouvement est telle qu’elle risque de montrer un caractère trop ostentatoire des reliques, ce qui est contraire aux volontés divines. En outre, Gérard de Cambrai accepte finalement de faire promettre et non de jurer la paix de Dieu dans son diocèse.
Y a-t-il vraiment un contexte de faiblesse royale ? La société féodale du XIe siècle n’a-t-elle pour faire sa police rien d’autre que la paix de Dieu ? D’une part, la justice et la paix d’Aquitaine sont sous la responsabilité exclusive du duc Guillaume et dans l’ensemble de ces régions où le roi ne règne qu’en titre, les clercs se bornent à mentionner ses années de règne au bas des chartes. De son côté, le roi Robert multiplie les assemblées : après celle d’Orléans, il en rassemble une à Compiègne 1023, puis à Ivois 1023 et enfin à Héry 1024. Il y a bien beaucoup de violences au temps du roi Robert mais certains historiens insistent sur la perception des limites de cette violence et l’existence de formes de paix. Ce que veulent ducs et évêques c’est surtout que ces négociations se déroulent sous leur tutelle. D’autre part la faide, que déplorent les nombreux lettrés qui décrivent leur époque, est une nécessité sociale dans la société : trouver des vengeurs garantit la sécurité de telle ou telle seigneurie. En bref, la paix de Dieu n’est pas un groupe de mouvement populaire pour changer le monde mais une paix pour aider au maintien du monde. Bien qu’ils craignent les colères de Dieu, lorsqu’ils le peuvent, les moines tentent toujours de négocier la situation et de s’arranger avec les chevaliers.
Le mouvement se poursuit une dernière fois dans la partie méridionale jusqu’en 1033 où il disparaît. En réalité, l’Église pense que la répression des dégâts de la guerre privée serait plus efficace si des armées paysannes étaient lancées contre les châteaux. Certains seigneurs utilisent de plus en plus la paix de Dieu comme moyen de pression contre leurs adversaires : v. 1030-1031, raconte André de Fleury, l’archevêque Aymon de Bourges constitue et encadre une milice de paix anti-châtelaine dont le but est la destruction de la forteresse du vicomte Eudes de Déols. Pourtant en 1038, les paysans sont défaits définitivement par les hommes d’armes du vicomte : "c’est la fin de la paix de Dieu."

La société ordonnée du XIe siècle

À la fin de sa vie vers 80 ans, l’évêque Adalbéron de Laon, qui s’était autrefois illustré par ses nombreuses trahisons, adresse au roi Robert un poème Carmen ad Rotbertum regem de 433 vers, écrit entre 1027 et 1030. Il s’agit en fait d’un dialogue entre le religieux et le roi, bien qu’Adalbéron monopolise la parole. Ce dernier dresse un portrait de la société de son temps, il dénonce par ses vers le bouleversement de l’ordre du royaume dont les moines de Cluny sont largement responsables et dont le principal usurpateur n’est autre que l’abbé Odilon de Cluny.

" Les lois dépérissent et déjà toute paix a disparu. Les mœurs des hommes changent comme change l’ordre de la société "

Ce texte souligne le discours moralisateur des clercs, dont le rôle est de décrire l’ordre idéal de la société. Ainsi le désordre apparent de la société et ses conséquences les mouvements de paix dérangent les prélats du Nord de la France de tradition carolingienne. Le schéma des trois ordres ou tripartite a été élaboré dès le ixe siècle avant d’être repris dans les années 1020 par Adalbéron et Gérard de Cambrai, deux évêques de même parenté. Pour quelles raisons ? Il s’agit de remettre de l’ordre dans la société et de rappeler à chacun le rôle qu’il tient dans celle-ci. L’évêque de Laon résume sa pensée par une phrase célèbre :
Triplex ego Dei domus est quae creditur una. Nunc orant, alii pugnant, aliique laborant On croit que la maison de Dieu est une, mais elle est triple. Sur Terre, les uns prient, d’autres combattent et d’autres enfin travaillent.
Depuis le commencement, le genre humain est divisé en trois : les orants, les agriculteurs, les combattants et chacun des trois est réchauffé à droite et à gauche par les autres.
Ceux qui prient : pour l’auteur, l’ensemble de la société constitue un seul corps à partir duquel l’Église apparaît unique et entière. Jusqu’au IXe siècle, les moines et les séculiers faisaient partie de deux catégories distinctes sacerdotes et orantes. Leur rôle, rappelle Adalbéron, est de dire la messe et de prier pour les péchés des autres hommes. À aucun moment, les clercs ne doivent juger ou diriger les hommes, cela est du ressort du roi ! Son témoignage souligne le profond malaise qui existe au XIe siècle entre l’épiscopat et les monastères, en particulier les abbés de Cluny qu’il voit en horreur puisqu’ils se prennent pour des rois dit-il.
Ceux qui combattent : l’aristocratie châtelaine qui émerge au même moment a bien conscience de son appartenance aux lignages princiers et royaux de par l’apparition des noms de famille, l’émergence des récits généalogiques et du développement du titre de miles chevalier dans les sources du XIe siècle. Tous descendent directement des rois carolingiens et ne sont pas comme on l’a longtemps cru des hommes neufs. Adalbéron n’aime pas cette nouvelle catégorie de personnes qui se montre arrogante et usurpatrice. Néanmoins, les guerriers protègent les églises et défendent les hommes du peuple, grands et petits. Dans ce texte, la notion de liberté est très proche de celle d' aristocratie, les domini seigneurs, aptes au commandement, se distinguent des soumis.
Ceux qui travaillent : les serfs travaillent toute leur vie avec effort. Ils ne possèdent rien sans souffrance et fournissent à tous la nourriture et le vêtement. Le fait que la servitude reste la condition du paysan reste très ancrée dans les classes dirigeantes de l’an mil. D’ailleurs pour désigner le paysan, Adalbéron n’utilise pas d’autres termes que servus esclave puis serf en latin. D’autre part, il englobe dans la condition servile l’ensemble de ceux qui fendent la terre, suivent la coupe des bœufs … criblent le blé, cuisent près du chaudron graisseux. En bref, le monde paysan est peuplé par des individus soumis et souillés par la crasse du monde. Cette image péjorative des catégories populaires est le fait des élites ecclésiastiques.
Ce message du vieil Adalbéron est néanmoins plus complexe qu’il n’y paraît. Il faut d’abord remarquer que la protection des paysans est un faux problème. Cette protection n’est-ce pas en réalité les seigneurs qui leur interdisent de s’armer eux-mêmes pour mieux les dominer ? Ce schéma tripartite fonctionne, uniquement, dans un contexte national, contre un ennemi extérieur. Lors des guerres privées, qui sont monnaie courante au XIe siècle, les bellatores combattent pour leur intérêt propre et ils ne défendent que partiellement leurs paysans. Pire, ils les exposent à leurs adversaires qui se feront un plaisir de les piller dans un dessein de vengeance chevaleresque. En allant plus loin que Georges Duby, il faut enfin souligner que le modèle tripartite proposé par Adalbéron est l'un des nombreux modèles possibles : bipartite clercs et laïcs, quadripartite clercs, moines, guerriers et serfs. Il ne faudrait pas croire non plus à une certaine hiérarchie des ordres. Les contemporains sont conscients que chacun a besoin de l’autre pour survivre.
Ces trois ordres sont indispensables l’un à l’autre : l’activité de l’un d’eux permet aux deux autres de vivre.
Dans l’idéal, les paysans doivent recevoir une protection, insuffisante soit-elle, des guerriers et la rémission à Dieu aux clercs. Les guerriers doivent leur subsistance et leur profit impôts aux paysans et leur rémission à Dieu aux clercs. Enfin les clercs doivent leur nourriture aux paysans et leur protection aux guerriers. Pour Adalbéron et Gérard, cette société idéale est déréglée lorsqu’ils écrivent vers 1025-1030.

Robert le Pieux et l’Église Un roi moine

L’abbaye de Fleury et l’ascension du mouvement monastique Ordre de Cluny.
Le règne de Hugues Capet était celui de l’épiscopat, celui de Robert en sera autrement. Depuis le concile de Verzy 991-992, les Capétiens sont au cœur d’une crise politico-religieuse qui oppose d’un côté, un proche du pouvoir, l’évêque Arnoul II d'Orléans et de l’autre l’abbé Abbon de Fleury.
En ces temps troublés Xe-XIe s., on assiste au renouveau du monachisme qui se caractérise par la volonté de réformer l’Église, un retour à la tradition bénédictine, éphémèrement revivifiée au temps de Louis le Pieux par Benoît d'Aniane. Leur rôle est de réparer les péchés du peuple. Les moines rencontrent rapidement un grand succès : rois et comtes les attirent près d’eux et les dotent richement en terres (souvent confisquées à des ennemis, en objets de toute nature, les grands abbés sont appelés à purifier certains lieux : ainsi Guillaume de Volpiano est appelé par Richard II de Normandie à Fécamp 1001. Sous l’égide de Cluny, les monastères cherchent de plus en plus à s’émanciper de la tutelle épiscopale, en particulier Fleury-sur-Loire. D’ailleurs des abbés s’en vont à Rome entre 996 et 998 réclamer des privilèges d’exemption au pape. Dans les régions méridionales du royaume, Cluny et les autres établissements, les mouvements de paix sont diffusés avec l’aide de certains ecclésiastiques qui espèrent un renforcement de leur pouvoir : Odilon, appuyé par sa parenté, travaille en étroite collaboration avec l’évêque du Puy pour commencer la trêve de Dieu en Auvergne v. 1030. Néanmoins, dans les provinces septentrionales, Cluny n’a pas bonne presse. Ici les évêques sont à la tête de comtés puissants et l’intervention des clunisiens pourrait leur nuire. Adalbéron de Laon et Gérard de Cambrai n’apprécient pas les moines qu’ils considèrent comme des imposteurs. D’ailleurs du côté des évêques, les critiques contre les moines ne manquent pas : ainsi on leur reproche d’avoir une vie opulente, d’avoir des activités sexuelles contre nature et de porter des vêtements de luxe l’exemple de l’abbé Mainard de Saint-Maur-des-Fossés est détaillé. Du côté des réguliers, les exemples contre les évêques foisonnent : on affirme que les prélats sont très riches trafic d’objets sacrés, la simonie et dominent en véritables seigneurs de la guerre. Abbon, le chef de file du mouvement réformateur monastique, montre l’exemple en tentant d’aller pacifier et purifier le monastère de La Réole, où il trouvera la mort dans une bagarre en 1004.
La force de Fleury et de Cluny est leur centre intellectuel respectif : le premier conserve au XIe siècle plus de 600 manuscrits de tout horizon, l’abbé Abbon lui-même écrit de nombreux traités, fruits de lointains voyages notamment en Angleterre, sur lesquels il réfléchit par exemple sur le rôle du prince idéal ; le second par l’intermédiaire de Raoul Glaber est un lieu où on écrit l’Histoire. Les rois Hugues et Robert, sollicités par les deux partis épiscopal et monastique, reçoivent la plainte d’Abbon qui dénonce les agissements d’un laïc, Arnoul châtelain d’Yèvres, qui aurait élevé sans autorisation royale une tour et surtout aurait soumis par la force les communautés paysannes qui appartiennent à l’abbaye de Fleury. Arnoul d’Orléans, l’oncle d’Arnoul d’Yèvres, affirme quant à lui que son neveu est, pour le roi, un appui indispensable pour lutter contre Eudes Ier de Blois. Finalement une négociation se déroule sous la présidence de Robert et un diplôme daté à Paris de 994 met fin provisoirement à la querelle. Abbon est alors dénoncé de corrupteur et convoqué à une assemblée royale. Il écrit pour l’événement une lettre s’intitulant Livre apologétique contre l’évêque Arnoul d’Orléans qu’il adresse au roi Robert, réputé lettré et piqué de culture religieuse. L’abbé de Fleury saisit l’opportunité pour réclamer la protection de Robert, qui y répond favorablement. L’épiscopat traditionnel carolingien se sent alors lâché par la royauté et menacé par les moines. Cette situation va se renforcer avec la mort de Hugues Capet à l’automne 996. Robert est désormais plutôt tenté par la culture monastique que par un pouvoir épiscopal et pontifical qui reste encore en grande partie le serviteur de l’Empereur germanique. En parallèle de ces luttes de factions, on sait également que les évêques et les abbés se retrouvent aux côtés des comtes pour veiller au respect de leurs immunités juridiques.

Robert, le prince idéal

À la mort du roi Robert, les chanoines de Saint-Aignan demandent à un moine de Fleury ayant côtoyé le roi et ayant accès à la bibliothèque de l’abbaye ligérienne, de composer la biographie du second Capétien.
"Le très bon et très pieux Robert, roi des Francs, fils de Hugues, dont la piété et la bonté ont retenti par tout le monde, a de tout son pouvoir enrichi chéri et honoré ce saint Aignan par la permission duquel nous avons voulu écrire la vie de ce très excellent roi.
Dans sa biographie, Helgaud s’efforce de démontrer la sainteté de ce roi puisqu’il n’entend pas relater les faits touchant aux fonctions guerrières.
Cette œuvre semble s’être inspirée de la vie de Géraud d'Aurillac, un autre saint laïque racontée par Odilon de Cluny. La vie de Robert est une série d’exempla, destinés à montrer que le comportement du roi fut celui d’un prince humble qui possédait toutes les qualités : douceur, charité, accessible à tous, pardonnant tout. Cette hagiographie est différente de l’idéologie royale traditionnelle, puisque le roi semble suivre les traces du Christ. Le péché permet aux rois de se reconnaître comme simples mortels et ainsi asseoir des bases solides pour la nouvelle dynastie.
L’abbaye de Fleury, depuis le règne de Hugues Capet, s’est occupée de légitimer profondément la monarchie capétienne en créant une nouvelle idéologie royale. Selon Helgaud, Robert est depuis son sacre, particeps Dei regni participant à la royauté de Dieu. En effet, le jeune robertien a reçu en 987 l’onction de l’huile à la fois temporelle et spirituelle, désireux de remplir sa puissance et sa volonté du don de la sainte bénédiction. L’ensemble des clercs pour qui on possède les travaux, se soumet à l’égard de la personne royale : pour Helgaud, Robert tient la place de Dieu sur terre princeps Dei, Fulbert de Chartres le nomme « Saint père ou votre Sainteté , pour Adémar de Chabannes c’est le père des pauvres et enfin selon Adalbéron de Laon, il a reçu de Dieu la vraie sagesse lui donnant accès à la connaissance de l’univers céleste et immuable. Un autre grand lettré de son temps, Raoul Glaber, relate l’entrevue d’Ivois août 1023 entre Henri II et Robert le Pieux. Ils s’efforcèrent de définir ensemble les principes d’une paix commune à toute la chrétienté. Selon les théoriciens du XIe siècle, Robert était du niveau de l’empereur puisque par sa mère des ascendances romaines, c’est le Francorum imperator.
Secret de leur succès auprès des moines, les premiers Capétiens et en premier lieu Robert II sont réputés pour avoir effectué de nombreuses fondations religieuses. Hugues le Grand et Hugues Capet en leur temps avaient fondé le monastère de Saint-Magloire sur la rive droite à Paris. La reine Adélaïde, mère du roi Robert, réputée très pieuse, ordonne la construction du monastère Saint-Frambourg à Senlis et surtout celui dédié à sainte Marie à Argenteuil. À ce propos voici le commentaire de Helgaud de Fleury :
Elle la reine Adélaïde construisit aussi dans le Parisis, au lieu appelé Argenteuil, un monastère où elle réunit un nombre considérable de serviteurs du Seigneur, vivant selon la règle de saint Benoît.
Le second Capétien se porte au premier rang dans la défense des saints qui, selon lui, garantissent l’efficacité de la grâce divine et concourent ainsi à la purification de la société en faisant barrage aux forces du mal. Ainsi plusieurs cryptes sont construites ou rénovées pour l’occasion : Saint-Cassien à Autun, Sainte-Marie à Melun, Saint-Rieul de Senlis à Saint-Germain-l'Auxerrois. Le souverain va plus loin en offrant des morceaux de reliques à certains moines un fragment du chasuble de saint Denis à Helgaud de Fleury. On sait aussi que v. 1015-1018, à la demande de la reine Constance, Robert commande la réalisation d’une châsse à l’intention de saint Savinien pour l’autel des reliques de l’église abbatiale de Saint-Pierre-le-Vif près de Sens. D’après la légende, saint Savinien aurait protégé le couple royal lorsque Robert était parti à Rome avec Berthe avant de la quitter définitivement. La commande est faite à un des meilleurs moine-orfèvres du royaume, Odorannus. Au total, l’objet sacré est composé de 900 grammes d’or et de 5 kg d’argent. Au total, l’inventaire est impressionnant : durant son règne le roi offre une quantité de chapes, de vêtements sacerdotaux, de nappes, de vases, de calices, de croix, d’encensoirs… L’un des présents qui marque le plus les contemporains est probablement l’Évangéliaire dits de Gaignières, réalisé par Nivardus, artiste lombard, pour le compte de l’abbaye de Fleury début du XIe s..

L’élu du Seigneur

La définition de la royauté au temps de Robert le Pieux est difficilement appréciable de nos jours. Le roi n’a qu’une préséance sur les princes du royaume des Francs. Certains comme Eudes II de Blois en 1023, bien que le respect soit de mise, lui font bien comprendre qu’ils souhaitent gouverner à leur guise sans son consentement. Un prince respecte le roi mais il ne se sent pas son subordonné. Pourtant en parallèle le souverain tend à s’imposer comme Primus inter pares, le premier des princes. Qui plus est, les textes datés de la première partie du xie siècle évoquent largement la fidélité des princes envers le roi.
Un jour de 1027, une pluie de sang tombe sur le duché d’Aquitaine. Le phénomène inquiète suffisamment les contemporains pour que Guillaume d’Aquitaine l’explique comme un signe divin. Le duc décide alors d’envoyer des messagers à la rencontre du roi Robert pour que ce dernier demande aux meilleurs savants de sa cour une explication et des conseils. Gauzlin, abbé de Fleury et archevêque de Bourges et Fulbert de Chartres prennent en main l’affaire. Gauzlin répond que le sang annonce toujours un malheur qui s’abattra sur l’Église et la population, mais qu’après viendra la miséricorde divine. Quant à Fulbert, mieux documenté, il analyse les anciennes historiae les ouvrages qui relatent les faits passés :
J’ai trouvé Tite-Live, Valère, Orose et plusieurs autres relatant cet événement ; en la circonstance je me suis contenté de produire le témoignage de Grégoire, évêque de Tours, à cause de son autorité religieuse.
Fulbert conclut d’après Grégoire de Tours Histoire des Francs, VII, que seuls les impies et les fornicateurs mourront pour l’éternité dans leur sang, s’ils ne se sont pas préalablement amendés . Ami de l’évêque Fulbert, Guillaume d’Aquitaine aurait pu s’adresser directement à celui-ci. Or, conscient que le roi Robert est l’élu du Seigneur, c’est à lui, responsable du royaume tout entier, qu’il faut demander conseil. Il est le mieux placé pour connaître les mystères du monde et les volontés de Dieu. Au XIe siècle, même les plus puissants des hommes respectent l’ordre établi par Dieu, c’est-à-dire se recueillir auprès de son seigneur le roi.
L’histoire des pouvoirs magiques royaux a été traitée par Marc Bloch dans les Rois thaumaturges 1924. Pendant le haut Moyen Âge, le pouvoir de faire des miracles était strictement réservé à Dieu, aux saints et aux reliques. À l’époque mérovingienne, on a la mention du pieux Gontran, mentionné par Grégoire de Tours VIe siècle et considéré comme le premier roi guérisseur franc. Durant le règne d’Henri Ier, au milieu du XIe siècle, on commence à raconter à Saint-Benoît-sur-Loire que le roi Robert avait le don de guérir les plaies de certaines maladies en les touchant. Helgaud de Fleury écrit dans sa Epitoma vitae regis Roberti pii :

… cet homme de Dieu n’avait pas horreur d’eux des lépreux, car il avait lu dans les saintes Écritures que souvent notre Seigneur Jésus avait reçu l’hospitalité sous la figure d’un lépreux. Il allait à eux, s’en approchait avec empressement, leur donnait l’argent de sa propre main, leur baisait les mains avec sa bouche …. Au reste, la divine vertu conféra à ce saint homme une telle grâce pour la guérison des corps qu’en touchant aux malades le lieu de leurs plaies avec sa pieuse main, et y imprimant le signe de la croix, il leur enlevait toute douleur de maladie.
En effet, le Capétien est le premier souverain de sa lignée à être crédité d’un don thaumaturgique. Peut-être est-ce une compensation symbolique à la faiblesse du pouvoir royal ? Probablement que oui, ne pouvant s’imposer par la force épisode d’Eudes de Blois en 1023, la monarchie a dû trouver une alternative pour imposer sa primauté. Néanmoins, cette première thaumaturgie est reconnue comme généraliste c’est-à-dire que le roi n’était pas spécialisé dans telle ou telle maladie comme ce sera le cas pour ses successeurs avec les écrouelles. On ne sait pas grand-chose des actions magiques de Robert si ce n’est qu’il aurait guéri des lépreux dans le Midi au cours de son voyage de 1018-1020. Le roi des Francs n’est pas le seul à user de ce genre de pratique, son contemporain Édouard le Confesseur en fait de même en Angleterre. Selon la tradition populaire, le sang du roi véhicule une capacité à faire des miracles, don qui est renforcé par le sacre royal. Enfin, selon Jacques Le Goff, aucun document ne prouve que les rois des Francs aient pratiqué régulièrement le toucher des écrouelles avant saint Louis.

Robert le Pieux et l’économie Une période de pleine croissance économique

À partir du IXe siècle l’amélioration progressive de la productivité agricole entraine une expansion démographique qui est à la base d’une phase de croissance qui s’accélère à partir de Xe siècle dure jusqu’au XIVe siècle.
Si au IXe siècle les pillages ont notablement ralenti l’économie, celle-ci est en expansion soutenue à partir du Xe siècle. En effet avec l’instauration d’une défense décentralisée, la seigneurie banale apporte une réponse bien adaptée aux rapides raids sarrasins ou vikings. Il devient plus rentable pour les pillards de s’installer sur un territoire, recevoir un tribut contre la tranquillité des populations et commercer, plutôt que de guerroyer, et ce dès le Xe siècle. Les Vikings participent ainsi pleinement au processus de féodalisation et à l’expansion économique qui l’accompagne. Ils doivent écouler leur butin, et ils frappent de la monnaie à partir des métaux précieux qui étaient thésaurisés dans les biens religieux pillés. Ce numéraire, qui est réinjecté dans l’économie, est un catalyseur de premier plan pour la mutation économique en cours. La masse monétaire globale augmente d’autant qu’avec l’affaiblissement du pouvoir central de plus en plus d’évêques et de princes battent monnaie. Or la monétarisation grandissante de l’économie est un puissant catalyseur : les paysans peuvent tirer profit de leurs surplus agricoles et sont motivés pour accroitre leur capacité de production par l’emploi de nouvelles techniques et l’augmentation des surfaces cultivables via le défrichage. L’instauration du droit banal contribue à cette évolution car le producteur doit dégager suffisamment de bénéfices pour pouvoir reverser le cens. Les châtelains réinjectent d’ailleurs ce numéraire dans l’économie car l’un des principaux critères d’appartenance à la noblesse en pleine structuration est d’avoir une conduite large et dispendieuse envers ses pendants cette conduite étant d’ailleurs nécessaire pour s’assurer la fidélité de ses milites.
De fait, dans certaines régions, les mottes jouent un rôle pionnier dans la conquête agraire sur le saltus. En Thiérache, c’est à l’essartage de terres revenues à la forêt qu’est lié le premier mouvement castral. En Cinglais, région située au sud de Caen, les châteaux primitifs s’étaient installés aux confins des ensembles forestiers. Dans tous les cas, l’implantation castrale en périphérie du village est très courante. Ce phénomène s’insère dans un peuplement linéaire très ancré et ancien qui se juxtapose à un défrichement précoce sûrement carolingien bien antérieur au phénomène castral. Néanmoins, les chartes du nord de la France ont confirmé une activité d’essartage intensive encore présente jusqu’au milieu du XIIe siècle et même au-delà.
D’autre part, la seigneurie comme le clergé ont bien perçu l’intérêt de stimuler et de profiter de cette expansion économique : ils favorisent les défrichages et la construction de nouveaux villages, et ils investissent dans des équipements augmentant les capacité de production moulins, pressoirs, fours, charrues…, de transports ponts, routes…. D’autant que ces infrastructures permettent d’augmenter les revenus banaux, de prélever péages et tonlieu… De fait, l’augmentation des échanges entraîne la multiplication des routes et des marchés le réseau qui se met en place est immensément plus dense et ramifié que ce qui pouvait exister dans l’Antiquité. Ces ponts, villages et marchés se construisent donc sous la protection d’un seigneur qui est matérialisée par une motte castrale. Le pouvoir châtelain filtre les échanges de toute sorte qui s’amplifient à partir du XIe siècle. On voit de nombreux castra implantés sur les axes routiers importants, sources d’un apport financier considérable pour le seigneur du lieu. Pour la Picardie, Robert Fossier a remarqué que près de 35 % des sites localisables en terroirs villageois sont situés sur des voies romaines ou à proximité, et que 55 % des nœuds routiers et fluviaux possédaient des points fortifiés.

Politique monétaire

Le denier d’argent est, nous l’avons vu, l’un des principaux moteurs de la croissance économique depuis le ixe siècle. La faiblesse du pouvoir royal a entrainé la frappe de monnaie par de nombreux évêques, seigneurs et abbayes. Alors que Charles le Chauve comptait 26 ateliers de frappe monétaire, Hugues Capet et Robert le Pieux n’ont plus que celui de Laon. Le règne d’Hugues Capet marque l’apogée de la féodalisation de la monnaie. Il en résulte une diminution de l’uniformité du denier et l’apparition de la pratique de la refrappe de la monnaie aux marchés on se fie au poids de la pièce pour en déterminer la valeur. Par contre on est dans une période où l’augmentation des échanges est soutenue par l’augmentation du volume de métal disponible. En effet l’expansion vers l’est de l’empire permet aux Ottoniens de pouvoir exploiter de nouveaux gisement d’argent. La marge de manœuvre de Robert le Pieux est faible. Or, la pratique du rognage ou des mutations, entraine des dévaluations tout à fait préjudiciables. Cependant en soutenant la paix de Dieu, Robert soutient la lutte contre ces abus. Les clunisiens qui comme d’autres abbayes battent leur monnaie ont tout intérêt à limiter ces pratiques.
C’est pourquoi, au XIe siècle dans le Midi, les utilisateurs doivent s’engager à ne pas rogner ou falsifier les monnaies et les émetteurs s’engagent à ne pas prendre prétexte d’une guerre pour pratiquer une mutation monétaire.

Robert le Pieux et l’État L’administration royale

On sait que depuis 992 environ, Robert a la réalité du pouvoir face à un Hugues Capet vieillissant. Les historiens montrent ainsi que les premiers Capétiens commencent à renoncer au pouvoir autour de 50 ans, par tradition mais aussi parce que l’espérance de vie d’un souverain est d’environ 55-60 ans. Robert fera la même chose en 1027, Henri Ier en 1059 et Philippe Ier en 1100. À l’image de son père et dans la tradition carolingienne de Hincmar de Reims, Robert prend conseil auprès des ecclésiastiques, chose qui ne se faisait plus, au grand regret des clercs, depuis les derniers Carolingiens. Cette politique est reprise et théorisée par l’abbé Abbon de Fleury. Du temps qu’il était encore associé à Hugues, le roi pouvait écrire de la plume de Gerbert :
Ne voulant en rien abuser de la puissance royale, nous décidons toutes les affaires de la res publica en recourant aux conseils et sentences de nos fidèles.
Le terme qui revient le plus souvent dans les chartes royales est celui de bien commun res publica, notion reprise de l’Antiquité romaine. Le roi est ainsi le garant, du haut de sa magistrature suprême, du bien-être de tous ses sujets.
L’administration royale nous est connue par les archives et en particulier par le contenu des actes diplômes royaux. Comme pour son père, on enregistre à la fois une continuité avec l’époque précédente et une rupture. L’historiographie a véritablement changé son point de vue sur l’administration au temps de Robert depuis une quinzaine d’années. Depuis la thèse de Jean-François Lemarignier, on pensait que l’espace dans lequel les diplômes étaient expédiés avaient eu tendance à se rétrécir au cours du xie siècle : le déclin s’observe entre 1025-1028 et 1031 aux divers points de vue des catégories de diplômes. Mais cet historien affirmait que, à partir d’Hugues Capet et encore plus sous Robert le Pieux, les chartes comportaient de plus en plus de souscriptions signatures étrangères à la chancellerie royale traditionnelle : ainsi les châtelains et même de simples chevaliers se mêlaient aux comtes et aux évêques jusqu’alors prépondérants et devenaient plus nombreux qu’eux à la fin du règne. Le roi n’aurait plus suffi à garantir ses propres actes.
Plus récemment, Olivier Guyotjeannin a mis en évidence un tout autre regard sur l’administration du roi Robert. L’introduction et la multiplication des souscriptions et des listes de témoins au bas des actes signent, selon lui, plutôt une nouvelle donne dans les systèmes de preuves. Les actes royaux par des destinataires et par une chancellerie réduite à quelques personnes se composent pour la moitié d’entre eux encore, d’une diplomatique de type carolingien monogramme, formulaires carolingiens jusque vers 1010. Les préambules se modifient légèrement sous le chancelier Baudouin à partir de 1018 mais il y a toujours l’augustinisme politique et l’idée du roi protecteur de l’Église. Surtout, souligne l’historien, les actes royaux établis par la chancellerie de Robert ne s’ouvrent que très tardivement et très partiellement à des signatures étrangères à celles du roi et du chancelier. En revanche, dans la seconde partie du règne, on note quelques actes à souscriptions multiples : par exemple dans l’acte délivré pour Flavigny 1018, on note le signum de six évêques, de Henri, de Eudes II, du comte de Vermandois et de quelques ajouts ultérieurs. Il semble néanmoins que les chevaliers et les petits comtes présents dans les chartes ne soient pas les châtelains révoltés de l’historiographie traditionnelle mais plutôt les membres d’un réseau local tissé autour des abbayes et des évêchés tenus par le roi. En clair, les transformations des actes royaux à partir de la fin du règne de Robert ne traduisent pas un déclin de la royauté.

La justice du roi Robert

Depuis la fin du xe siècle, la formulation de l’idéologie royale est l’œuvre du monde monastique, et en particulier dans le très dynamique monastère de Fleury à Saint-Benoît-sur-Loire. Dans la théorie d’Abbon de Fleury v. 993-994, le souci du souverain de l’an mil est de faire régner l’équité et la justice, garantir la paix et la concorde du royaume. Son dessein est de sauvegarder la mémoire capétienne pour des siècles. De leur côté, les princes territoriaux du XIe siècle savent ce qui fonde et légitime leur pouvoir jusque dans leurs aspects royaux. La présence d’une autorité royale en Francie reste indispensable pour les contemporains. Cependant, Abbon souligne également dans ses écrits la nécessité pour le souverain franc d’exercer son office en vue du bien commun, en décidant des affaires avec le consentement des conseillers les évêques et les princes. Or, Robert le Pieux n’a pas toujours suivi, à son grand tort, cette théorie, en particulier dans l’affaire de la succession des comtés de Meaux et de Troyes 1021-1024.
Depuis le début du règne de Robert le Pieux, les comtés de Meaux et Troyes étaient aux mains d’un puissant personnage, Étienne de Vermandois, un cousin germain du roi. En 1019, Étienne en appelle à la générosité du roi, c’est-à-dire qu’il lui confirme la restitution d’un bien à l’abbaye de Lagny. Le roi accepte mais le comte décède quelques années plus tard à une date inconnue entre 1021 et 1023. Fait rare à l’époque, Étienne n’a pas de successeur ni d’héritier clairement nommé. Le roi se charge de gérer la succession qu’il cède sans difficulté à Eudes II de Blois, seigneur déjà implanté dans la région Épernay, Reims, Vaucouleurs, Commercy et surtout cousin germain d’Étienne. Quelques mois plus tard une crise éclate. L’archevêque de Reims Ebles de Roucy fait part au roi des mauvaises actions du comte Eudes qui accapare tous les pouvoirs à Reims au détriment du prélat. Robert, en tant que défenseur de l’Église, décide, sans le consentement de quiconque, de retirer la charge comtale à Eudes de Blois. Ce dernier, furieux, s’impose à Reims par la force. En outre, le roi des Francs n’est pas soutenu, sa justice est mise à mal. Ses fidèles Fulbert de Chartres et Richard II soutiennent Eudes de Blois en avançant que le roi ne doit pas se comporter en tyran. Convoqué par Robert en 1023, le comte de Blois informe courtoisement son roi qu’il ne se déplacera pas et ce dernier n’a ni les moyens de l’obliger ni les moyens de saisir son patrimoine comtal, car ces terres n’ont pas été données personnellement par Robert à Eudes, ce dernier les ayant acquises de ses ancêtres par la volonté du Seigneur.
Sorti affaibli de cette affaire, le roi ne réitère pas la même erreur. En 1024, après une réunion des grands à Compiègne qui lui suggèrent l’apaisement avec Eudes de Blois, Robert doit confirmer les possessions de Eudes. Quelques années plus tard, en mai 1027, Dudon, abbé de Montierender, se plaint publiquement de l’usurpation violente exercée par Étienne le châtelain de Joinville. Ce dernier s’est emparé de sept églises au détriment du monastère dont il est pourtant l’avoué. Le roi se charge une nouvelle fois de l’affaire, et profitant du couronnement de son second fils Henri à la Pentecôte 1027 à Reims, il convoque le châtelain Étienne. Ce dernier ne se déplace pas pour l’événement. L’assemblée présente, composée entre autres par Ebles de Reims, Odilon de Cluny, Dudon de Montierender, Guillaume V d’Aquitaine, Eudes II de Blois, décide collégialement de lancer l’anathème sur le châtelain de Joinville. En bref, le roi Robert n’est pas le roi faible que l’historiographie a toujours présenté. Certes, ses décisions en matière de justice doivent tenir compte du conseil des ecclésiastiques et des princes territoriaux, mais le souverain reste le Primer inter pares, c’est-à-dire le premier parmi ses pairs.

Le roi des Francs est-il reconnu ?

Nous avons conservé deux visions tout à fait opposées du roi Robert : d’un côté Raoul Glaber qui fait, entre autres, le récit de la campagne de Bourgogne soulignant l’attitude énergique et déterminée du roi; et de l’autre Helgaud de Fleury, qui n’hésite pas à en faire un roi saint qui pardonne à ses ennemis :
Le reste, ce qui a trait à ses combats dans le siècle, aux défaites de ses ennemis, aux honneurs qu’il a acquis par son courage et son habileté, je la laisse écrire aux historiens, s’il s’en trouve.
Robert est le premier et le seul des premiers Capétiens à s’aventurer loin au sud de la Loire. Selon Helgaud de Fleury il s’agit uniquement d’une visite des reliques les plus vénérées du Midi. Le roi est reconnu par plusieurs de ses vassaux. En 1000, un comte des Bretons, Béranger, vient prêter allégeance au roi. En 1010, le roi Robert, qui est invité par son ami Guillaume V d'Aquitaine à Saint-Jean-d'Angély, offre à l’église un plat d’or fin et des étoffes tissées de soie et d’or. Les résidences royales sont embellies et agrandies, surtout celles où le roi passe le plus de temps (Orléans, Paris et Compiègne. De nombreuses personnalités sont reçues par le roi Robert, telles que Odilon de Cluny ou Guillaume de Volpiano. Le souverain est ainsi le dernier roi jusqu’à Louis VII à entretenir des contacts avec la plus grande partie du royaume. Raoul Glaber affirme dans sa chronique qu’excepté le roi Henri II du Saint-Empire, Robert n’a pas d’autre concurrent en Occident. Sur son sceau, le roi des Francs porte le globe, ce qui prouve sa vocation à rassembler la chrétienté. On dit que les rois Æthelred II d'Angleterre, Rodolphe III de Bourgogne et Sanche III de Navarre l’honorent de cadeaux et n’ont pas son envergure royale. On raconte que dans certaines régions où le roi n’est jamais allé Languedoc les actes sont datés de son règne. Il mène à la fois des actions offensives qui ne sont pas toujours victorieuses en Lorraine et des actions matrimoniales auprès des princes territoriaux : Adèle de France, veuve de Richard III de Normandie, épouse en secondes noces Baudouin V de Flandre 1028. Le roi avait précédemment lancé de vaines attaques sur la principauté du Nord. À la fin de son règne, les deux plus puissantes principautés territoriales, la Normandie et la Flandre, sont alliées du roi.

Siège de Melun par Robert le Pieux, roi de France. Grandes Chroniques de France de Charles V, Paris, XIVe siècle.
A contrario, la royauté capétienne n’impose pas son autorité partout, comme l’illustre la prise de Melun par Eudes Ier en 991, que Robert et son père avaient dû reprendre par la force. À travers les très rares témoignages qu’on garde du voyage dans le Midi, on sait que le roi n’a pas eu des rapports très amicaux avec les princes méridionaux. Même si Guillaume V d'Aquitaine et Robert sont amis, le duc parle à son propos de la nullité du roi vilitas regis dans une lettre. La couronne d’Italie a échappé au duc d’Aquitaine et Robert s’en réjouit169. Vers 1018-1020, l’Auvergne est soumise au désordre et le passage du roi ne rétablit pas la situation autour du Puy et d’Aurillac. À proximité de son domaine, la maison de Blois pose à la royauté la plus grosse menace. Le roi laisse à Eudes II de Blois, fils de son épouse Berthe de Bourgogne, à la suite de l’affaire du comté de Champagne, le soin d’obtenir la succession du comté de Troyes 1024. Mais ce choix permet au comte de brouiller les relations entre Robert et les évêchés du Nord-Est. Le roi ne se montre pas pour autant vaincu en s’appuyant sur les arrières du Blésois dans le Maine et à Saint-Martin de Tours170. Lors d’un voyage en Gascogne, Abbon de Fleury s’exprime :

Me voici plus puissant en ce pays que le roi, car ici personne ne connaît sa domination.
Et à Fulbert de Chartres de rajouter :
Le roi notre seigneur qui a la haute responsabilité de la justice est tellement empêché par la perfidie des méchants que pour le moment il ne peut ni se venger, ni nous secourir comme il convient.
La reconstitution réelle de son action dans le royaume est très difficile à cerner tant les sources sont flatteuses à son égard conception hagiographique de Helgaud. Doit-on au contraire considérer que son règne a été dans la continuité d’un déclin commencé sous les derniers Carolingiens ? En réalité, les chartes du premier tiers du xie siècle montrent plutôt une lente adaptation des structures dans le temps. Dans tous les cas, Robert le Pieux, Capétien continuateur des valeurs carolingiennes, reste un grand personnage du XIe siècle.
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Posté le : 19/07/2014 13:31
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Robert II le pieux 3 suite Les Capétiens
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Les Capétiens 987-1498


Cette dynastie royale a régné en France de 987 à 1792. On appelait autrefois ces souverains les rois de la troisième race, venus après les Mérovingiens et les Carolingiens. Les Capétiens de ligne directe régnèrent jusqu'en 1328. Des branches collatérales leur succédèrent. Les Capétiens-Valois de 1328 à 1498 ; les Valois-Orléans de 1498 à 1515 ; les Valois-Angoulême de 1515 à 1589 ; les Bourbons de 1589 à 1792. Le surnom de Capet fait sa première apparition vers 1030 dans la chronique d'Adémar de Chabanne, il s'applique alors au père d' Hugues Capet, le duc Hugues Ier. Il ne qualifie Hugues Capet qu'au début du XIIe siècle et le terme capétien apparaît pour la première fois chez le chroniqueur anglais Raoul de Diceto mort en 1202. Les révolutionnaires le donnèrent par dérision à Louis XVI détrôné le citoyen Capet et à sa famille. Le surnom vient du mot cappa, chape, et désigne le porteur d'un petit manteau. Peut-être fait-il allusion à la chape abbatiale, Hugues et son père étant abbés laïques de nombreuses abbayes. Au XIIe siècle, la chape étant devenue un chaperon ou chapeau, Hugues Capet fut considéré comme l'homme au chapeau et la légende, appuyée sur cette fausse étymologie, naquit, selon laquelle il n'avait pas pu ou voulu recevoir la couronne.
On ne citera ici que les Capétiens directs 987-1328 et les Capétiens-Valois 1328-1498 et on laissera également de côté les branches capétiennes qui ont été à la tête de principautés et seigneuries en France par exemple en Bourgogne et celles qui ont occupé des trônes étrangers à Constantinople, à Naples, en Navarre, en Hongrie aux XIIIe-XIVe siècles.

Les premiers Capétiens et la féodalité 987-1180

Élaboration de la dynastie

Lorsque, à la mort du Carolingien Louis V, Hugues Capet, duc des Francs, fut élu roi de France (on disait alors roi des Francs à Senlis par une assemblée de grands, laïques et ecclésiastiques, qui le préféra à un concurrent carolingien, Charles de Basse-Lorraine, oncle du roi défunt, puis sacré à Noyon le 1er juin ou le 3 juillet 987, la longévité et la puissance de sa postérité n'étaient pas prévisibles. Certes, sa famille avait joué un grand rôle politique depuis son arrière-grand-père Robert le Fort, d'origine inconnue, qui détint sous Charles le Chauve de grands pouvoirs, entre Seine et Loire, sur la Neustrie en voie de s'appeler France, et plus tard Île-de-France. Son grand-oncle Eudes, fils de Robert, avait été déjà élu roi après la mort de Charles le Gros, en 888, et avait régné dix ans 888-898 et son propre père Hugues Ier le Grand, duc de France de 923 à 956, avait été le tuteur de Louis IV d'Outremer 936-954 et le véritable maître du royaume. Mais le nouveau roi et ses successeurs allaient accomplir une tâche énorme : assurer la continuité dynastique, affermir le pouvoir royal face aux grands seigneurs dont beaucoup étaient aussi puissants qu'eux le comte de Périgord à qui Hugues Capet et son fils Robert demandent : Qui t'a fait comte ? réplique : Qui vous a faits rois ?, donner une base économique et administrative à la royauté, faire progresser le pouvoir monarchique et la puissance nationale dans le Midi et les défendre contre l'Empire à l'est et contre l'Angleterre dans l'ouest même du royaume, acquérir un prestige national et international, devenir des rois très chrétiens.
L'essentiel de ce programme, qui ne fut sans doute pas conçu clairement ni systématiquement par les souverains et leur entourage, fut réalisé en deux siècles, lente évolution ponctuée de succès et d'échecs sur laquelle les documents parvenus jusqu'à nous nous renseignent mal.
La continuité dynastique fut due d'abord à la chance qui assura à tous les Capétiens des héritiers mâles jusqu'en 1314, mais aussi à une politique persévérante qui choisit la primogéniture la reine Constance, troisième femme de Robert le Pieux, chercha pourtant à imposer le cadet Robert contre l'aîné Henri et imposa la succession dynastique. En effet, l'élection du roi par les grands subsista jusqu'en 1179, mais chaque souverain fit, de son vivant, élire et couronner son fils aîné : Robert le Pieux dès 988, en 1017 Hugues mort en 1025, puis Henri Ier en 1027, Philippe Ier en 1059, Louis VI à une date indéterminée, Philippe mort en 1130 en 1129, puis Louis VII en 1131 et Philippe II Auguste en 1179.

Le domaine royal

La base territoriale et économique de la puissance des premiers Capétiens, c'est le domaine royal. Au sens strict, le domaine royal est composé d'un ensemble de biens matériels châteaux, terres, moulins, de droits et de redevances, de vassaux directs et de rapports privilégiés avec certains évêchés, monastères et églises ; mais, comme ces ressources sont surtout concentrées dans certaines régions où le roi exerce un pouvoir direct, il est concrètement, sinon juridiquement, permis d'évaluer le domaine en termes territoriaux. Le domaine, essentiellement composé en 987 des biens patrimoniaux des Robertiens, ancêtres d'Hugues Capet, comprenait, autour du grand axe Paris-Orléans, de la Seine à la Loire, voies économiques de premier ordre, des terres fertiles qui connurent un défrichement énergiquement mené et une forte poussée démographique. Les principales acquisitions de la période il y eut aussi des pertes : mouvance du Vendômois, comté de Dreux furent Sens, Bourges, le Vexin français, le Gâtinais, la mouvance du Forez. Mais, outre les défrichements et l'équipement rural, les rois créèrent des villeneuves et favorisèrent la puissance économique des villes de leur royaume – foires et marchés –, notamment à Paris. Louis VI crée sur la rive droite le marché neuf des Champeaux, noyau du quartier des Halles. Sur ces domaines, les Capétiens installent au XIe siècle des agents domaniaux, les prévôts, chargés de percevoir droits et redevances.
Face aux grands féodaux, le roi sut user non seulement de ses droits de seigneur sur ses vassaux directs, mais il se refusa à prêter l'hommage pour les fiefs qui faisaient de lui un vassal par exemple, vassalité de l'abbaye de Saint-Denis pour le Vexin et, au cours du XIIe siècle, chercha à imposer en théorie et en pratique la suzeraineté royale à tous les seigneurs du royaume. Dans ce domaine, les Capétiens – notamment Louis VI le Gros – réduisirent les châtelains brigands Hugues de Puiset, Bouchard de Montmorency, Thomas de Marle, occupèrent ou détruisirent leurs donjons Montlhéry, 1104 ; Le Puiset, 1112 ; Coucy, 1130, et assurèrent la tranquillité et la prospérité des églises, des paysans et des marchands. Les premiers Capétiens favorisèrent aussi en général l'essor urbain et le mouvement communal, qu'il s'agisse de communes rurales coutumes de Lorris octroyées par Louis VI ou de véritables villes Louis VII aurait tenté de faire reconnaître l'appartenance de toutes les villes communales du royaume au domaine royal.
Si Robert le Pieux alla tenir une cour à Toulouse, les liens du Midi avec les Capétiens se distendirent pourtant encore dans la seconde moitié du XIe siècle. Louis VII ne se contenta pas d'intervenir en Auvergne et de séjourner en Languedoc. En épousant, en 1137, Aliénor, fille et héritière de Guillaume X d'Aquitaine, il parut étendre le domaine royal et la puissance capétienne vers le sud d'une façon décisive ; mais, en 1152, il divorça et Aliénor se remaria avec Henri Plantagenêt. Pis encore, Henri Plantagenêt devint en 1154 roi d'Angleterre et la menace qui pesait sur la monarchie capétienne depuis qu'en 1066 le duc de Normandie était devenu roi d'Angleterre et que le Capétien avait ainsi en Normandie un vassal, roi aussi et plus puissant que lui, devint plus précise et plus grave. L'empire Plantagenêt, outre l'Angleterre, comprenait en France la Normandie, l'Anjou, l'Aquitaine, presque tout l'Ouest, en dehors de la Bretagne, pratiquement indépendante. À l'est, face à l'empereur, les Capétiens avaient remporté un succès de prestige en 1124. L'empereur Henri V menaçant de détruire Reims, Louis VI appela à l' ost royal, en tant que suzerain, des contingents de tous les seigneurs ecclésiastiques et laïques, n'essuya aucun refus et Henri V, intimidé, n'insista pas. Cet épisode fut, dès l'époque, considéré comme une manifestation d'unité nationale autour du roi capétien.

Un caractère sacré

C'est surtout dans le domaine religieux que les Capétiens connurent de grands succès de prestige. Déjà Hugues Capet avait dû beaucoup à l'Église : à l'évêque Adalbéron de Reims son intervention décisive à Compiègne, aux abbayes royales un soutien efficace. Les abbayes de Fleury Saint-Benoît-sur-Loire, puis de Saint-Denis jouèrent un rôle décisif dans l'établissement d'une historiographie capétienne – où une généalogie imaginaire rattachait d'ailleurs Hugues Capet à Charlemagne, source de tout prestige monarchique – et d'une mystique monarchique. En même temps, l'idée d'une division de la société en trois catégories : clercs, chevaliers, travailleurs, faisait du roi capétien le guide nécessaire de cette troïka poème au roi Robert le Pieux de l'évêque Adalbéron de Laon. Des clercs furent les conseillers efficaces des rois qui, en retour, comblaient de dons et de privilèges églises et abbayes. Le plus célèbre de ces ministres fut Suger, abbé de Saint-Denis, conseiller de Louis VI et de Louis VII, régent pendant la IIe croisade mort en 1151. Louis VII dut un grand prestige à sa participation, avec l'empereur, à cette IIe croisade 1147-1149 et à son pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle 1154. Les rois capétiens acquirent, sur deux plans en particulier, une auréole sacrée. Malgré certains épisodes de leur vie privée, plusieurs d'entre eux, aidés par les écrivains ecclésiastiques, firent figure de dévots, sinon de saints : à Robert le Pieux, le moine Helgaud de Fleury consacre une véritable hagiographie ; Suger décrit la mort de Louis VI comme celle d'un saint ; Aliénor reproche à Louis VII de vivre comme un moine. Et surtout, le roi capétien prend un caractère sacré à cause du sacre et de son pouvoir miraculeux. Lors de la cérémonie qui se déroule à Reims au cours du XIe siècle, le Capétien est oint du chrême qui tend à l'assimiler à un évêque et lui confère une auréole d'autant plus grande que, selon la légende, le chrême aurait été apporté à saint Remi par une colombe pour le baptême de Clovis. Enfin, dès Robert le Pieux, le roi avait la réputation de guérir certains malades en les touchant et, sous Philippe Ier, la croyance s'instaura qu'il guérissait par simple toucher les écrouelles ou scrofules adénite tuberculeuse.

Les grands Capétiens et l'unité territoriale 1180-1314

De Philippe II Auguste 1180-1223 à Philippe IV le Bel 1285-1314, cinq souverains d'envergure, dont trois ont un règne d'une longueur et d'une importance exceptionnelles Philippe Auguste, Louis IX et Philippe le Bel, règnent sur un pays qui devient le plus prospère, le plus puissant et le plus prestigieux de la chrétienté. Les Capétiens recouvrent la plus grande partie des domaines passés sous domination anglaise, étendent l'influence de la monarchie aux régions touchées par le commerce maritime, en Méditerranée, dans l'Atlantique et la Manche, en mer du Nord. Ils rattachent solidement au royaume et au domaine royal le midi de la France et renforcent la « centralisation » monarchique. Mais, dès la fin du règne de Saint Louis 1226-1270, apparaissent des difficultés liées aux transformations de l'économie, en particulier au développement du secteur monétaire et à la crise des revenus seigneuriaux ainsi qu'aux luttes sociales dans les villes.

L'essor économique

Au début du XIVe siècle, le roi de France est réputé le plus puissant de la chrétienté parce que la population de son royaume est la plus nombreuse vingt millions environ contre quatorze à l'Allemagne, quatre à l'Angleterre. Le développement des échanges extérieurs et intérieurs a entraîné, à peu près au même moment qu'à Gênes, Florence et Venise et avant les autres États européens, la reprise de la frappe de l'or écu de Saint Louis, 1263 et l'émission de gros d'argent. Les défrichements ont continué en beaucoup de régions et les rendements se sont élevés, notamment sur certains domaines bien gérés aux terres fertiles, en Artois notamment. Deux produits ont pris au XIIIe siècle une grande importance dans les exportations françaises : le vin et le sel. Les revenus du roi de France lui permettent de mener une politique d'achat de fidélités, surtout de part et d'autre des frontières du royaume, dans le Nord-Est et l'Est, en bordure de l'Empire, en distribuant des fiefs de bourse ou fiefs-rentes. Paris devient, grâce à la présence habituelle du roi capétien et de ses services, une capitale prospère et forte Halles et murailles de Philippe Auguste, réglementation des corporations sous Saint Louis conservée dans le Livre des métiers du prévôt Étienne Boileau, peuplée 200 000 habitants au début du XIVe siècle, de loin la plus populeuse de la chrétienté, rayonnant par son Université statuts de 1215 et de 1231 – on dit que l'Italie a le pape, l'Allemagne l'empereur, la France l'Université, son art Notre-Dame de Paris, Sainte-Chapelle, ateliers de miniatures et d'ivoires. Louis IX fournit à la chrétienté le modèle vivant du roi chrétien, et sa canonisation en 1297 rehausse le prestige de la dynastie capétienne et du royaume de France.

Le roi, empereur en son royaume

Dès 1190, la chancellerie royale emploie parfois à la place de rex Francorum, « roi des Francs », le titre de rex Francie, « roi de France », attestant l'unification du royaume. L'expression devient usuelle en 1204 et le terme de regnum Francie, royaume de France, apparaît en 1205. Le terme de couronne, de plus en plus usité, reflète la croyance en une idée et une réalité monarchique transcendant la personne du roi. Celui-ci devient « empereur en son royaume », ce que le pape Innocent III reconnaît de facto dans la lettre Per venerabilem (1202). À la fin de la période, une violente querelle entre Philippe IV le Bel et le pape Boniface VIII se termina par l'affirmation de l'entière souveraineté du Capétien au temporel : il récusait aussi bien l'ingérence du pape au nom des « deux glaives » que celle de l'empereur. À cette époque, les conseillers du roi, formés dans les facultés de droit (à Orléans, Toulouse ou Montpellier, car Paris n'avait pas de faculté de droit civil) et nommés pour cette raison les « légistes », mirent au point la théorie du roi non seulement « empereur en son royaume », mais aussi supérieur aux lois, rex solutus legibus.

L'extension du domaine royal

Cependant, les grands Capétiens avaient soutenu contre les rois d'Angleterre des luttes où ils remportèrent des succès décisifs qui accrurent considérablement le domaine royal malgré l'amputation répétée de certains grands fiefs donnés en apanage à des frères ou à des fils de roi. Entre 1203 et 1205, le roi d'Angleterre Jean sans Terre ayant été condamné par la cour de France à la perte de ses domaines français pour félonie 1202, Philippe Auguste conquit la Normandie, le Maine, l'Anjou, la Touraine, le nord du Poitou et de la Saintonge. En 1214, la victoire remportée à Bouvines par Philippe Auguste sur l'empereur et le comte de Flandre alliés à l'Angleterre fit du Capétien le plus puissant seigneur de son royaume et d'Europe. En 1224, Louis VIII soumit l'ensemble du Poitou et de la Saintonge et prit La Rochelle, grand port du vin, au roi d'Angleterre qui ne conservait que la Guyenne avec Bordeaux. Saint Louis, après avoir repoussé une attaque d'Henri III, fit renoncer le roi d'Angleterre à ses droits sur les territoires perdus et lui fit prêter hommage pour la Guyenne et divers domaines dans le Sud-Ouest traité de Paris, 1258.
Les Capétiens mirent aussi la main, outre diverses acquisitions secondaires, sur le comté de Mâcon, sur la Champagne et la Brie dont l'annexion définitive au domaine royal ne se fit qu'en 1361, et Philippe le Bel fit entrer dans la mouvance française une partie du Barrois, la châtellenie de Tournai et Lyon.
Surtout, les Capétiens firent au XIIIe siècle des progrès décisifs dans le Midi à la faveur de la croisade contre les Albigeois. L'intervention de Louis VIII puis de Saint Louis, sous la régence de Blanche de Castille, valut au Capétien, au traité de Paris 1229, le Bas-Languedoc futures sénéchaussées de Beaucaire-Nîmes et de Carcassonne-Béziers et l'expectative du reste des domaines du comte de Toulouse Toulousain, Albigeois, Rouergue, Quercy et Agenais pour son frère, Alphonse de Poitiers, et sa femme, Jeanne de Toulouse. L'influence capétienne, forte à travers Alphonse à partir de 1249, se transforma en possession à la mort d'Alphonse et de Jeanne en 1270. Inaugurée par Simon de Montfort au début du siècle, la pénétration française par les coutumes du Nord, le droit romain et les lents progrès de la langue d'oïl se développa avec les fonctionnaires capétiens. La solution des problèmes territoriaux dans le Midi fut complétée par le traité de 1258 avec le roi d'Aragon renoncement du Capétien au Roussillon et à la Catalogne, de l'Aragonais au Languedoc, l'entrée de Montpellier dans la mouvance française 1293 et l'acquisition du comté de Bigorre en 1293. Mais la Navarre ne fut que provisoirement réunie à la Couronne 1314-1316.
Ainsi les Capétiens s'installaient solidement sur les façades maritimes où renaissait le commerce international, en Méditerranée où était fondée Aigues-Mortes, dans l'Atlantique d'où les « rôles d'Oléron » définissant à la fin du XIIe siècle le droit maritime pour les bateaux transporteurs de sel se diffusèrent en Flandre, en Angleterre et dans la Baltique, dans la Manche où la conquête de la Normandie fut complétée par l'acquisition du port de Honfleur 1281, dans la mer du Nord enfin où les « affaires de Flandre » prirent une importance capitale sous Philippe le Bel qui y connut des fortunes diverses.

La centralisation monarchique

Une fois leur domaine dilaté et leur royaume affermi, les grands Capétiens consolidèrent leur pouvoir grâce au développement d'une administration centralisée. Dans le domaine apparaissent sous Philippe Auguste des fonctionnaires royaux, représentants du roi et de ses prérogatives, les baillis, qui se stabilisèrent au cours du XIIIe siècle dans des circonscriptions territoriales ou bailliages (dans certaines provinces, ces officiers et leur ressort gardèrent, dans leurs fonctions nouvelles, le vieux terme de sénéchal et de sénéchaussée). Des « enquêteurs royaux » allèrent, à partir de Saint Louis, contrôler l'action des fonctionnaires royaux, réparer les torts éventuels des monarques et rétablir les droits que baillis et sénéchaux avaient pu laisser usurper ou bafouer. La domesticité du roi se développa et constitua un « hôtel » qu'une série d'ordonnances organisèrent à partir de 1261. Sur le plan financier, Philippe le Bel retira en 1295 son Trésor du Temple et le confia à une Chambre ou Cour des comptes. Sous Saint Louis, l'appel à la justice royale personnelle (image du roi rendant la justice sous un chêne à Vincennes) ou institutionnelle se développa au point que la Cour du roi fut débordée. Aussi une juridiction spéciale, le Parlement, s'instaura peu à peu ; elle était pratiquement constituée à la fin du règne de Philippe le Bel. Mais en 1307, le règlement qui l'organisa reçut encore le nom d'« ordonnance des parlements » au pluriel.

Vers 1280, le bailli Philippe de Beaumanoir, rédacteur et commentateur des Coutumes de Beauvaisis, déclare que le roi, ministre de Dieu pour le bien et souverain par-dessus tous, peut faire tous établissements pour le commun profit ». Mais il doit les faire à une triple condition : 1. par grand conseil après consultation de son entourage et des grands ; 2. pour le profit commun ; 3. conformément aux lois divines et humaines. Ainsi s'établissait une nouvelle image du roi et du pouvoir royal, alliant la tradition féodale, les nouvelles théories des canonistes et des légistes, l'idéal religieux transformé qui, sous l'influence notamment des ordres mendiants (Dominicains et Franciscains auxquels Saint Louis était très favorable, insistait sur la pratique des vertus et des œuvres plus que sur le respect des rites. En même temps, la royauté devenait aussi nationale par la langue. En 1274, les Grandes Chroniques de France, à la gloire de la dynastie capétienne, rédigées en latin à Saint-Denis, furent traduites en français par le moine Primat. Enfin Philippe le Bel innova dans les rapports de la monarchie avec la nation en convoquant des assemblées de barons, prélats et représentants des villes pour en recevoir des avis en 1302, 1303, 1308 et, limitées semble-t-il à des délégués de certaines villes, en 1309 et 1314. Mais ces assemblées issues de la tradition féodale du « conseil » n'avaient aucun droit à contrôler la royauté, elles n'avaient rien de parlementaire au sens moderne du terme. Elles étaient appelées simplement à donner des avis ou même à accepter des demandes royales et à entériner des décisions du monarque. Il reste que cet embryon de représentation nationale – des historiens y ont vu les premiers états généraux – était né à l'occasion de difficultés rencontrées par la monarchie : en 1302 et 1303 à propos du conflit avec la papauté, en 1308 au sujet de l'affaire des Templiers et des problèmes monétaires, en 1314 sur la question des monnaies et la levée d'un subside pour la guerre.

Difficultés économiques et monétaires

Dès la fin du XIIIe siècle, l'écroulement des voûtes de la nef de la cathédrale de Beauvais élevées à 64 mètres fut le symbole d'une limite technique atteinte. L'essor économique de la France capétienne s'était essoufflé. Les défrichements s'étaient ici et là arrêtés et les essarts avaient même parfois reculé. La moyenne et petite noblesse avait éprouvé des difficultés croissantes qui avaient frappé châtelains puis simples chevaliers, parfois, comme en Mâconnais, dès la première moitié du XIIIe siècle. Ceux-ci, de plus en plus endettés, accensaient des parties de plus en plus étendues de la réserve domaniale pour lesquelles ils recevaient des cens en argent – qui lui-même se dépréciait – et s'appauvrissaient sans cesse. Les tenures paysannes de leur côté se fractionnaient et se rétrécissaient continuellement. Le fossé, dans les villes, s'élargissait entre riches et pauvres. Grèves et conflits du travail éclatèrent, surtout dans les villes drapantes, à Douai dès 1245, à Paris en 1270, 1277 et 1279, puis à partir de 1280 à Ypres, Bruges, Douai, Tournai, Provins, Rouen, Caen, Orléans, Reims, Béziers, Toulouse. Les difficultés de l'économie se manifestèrent aussi dans le domaine monétaire : l'insuffisance des signes monétaires, les intrigues des marchands italiens qui étaient les principaux conseillers du roi en la matière, le désir de la monarchie de se procurer des ressources en manipulant les monnaies conduisirent à des mutations monétaires qui furent en général l'équivalent de nos dévaluations.
Une réévaluation en 1306 provoqua une émeute des ouvriers et artisans parisiens qui fut durement réprimée : Philippe le Bel fit pendre les meneurs et supprima les corporations. En 1314, la monarchie était devenue très impopulaire et le royaume était au bord de la révolte.

La mise en place d'un État moderne 1314-1498

Plus que du changement de branche dynastique en 1328, c'est de la mort de Philippe le Bel que datent aussi bien les signes manifestes de crise de la monarchie que les efforts d'adaptation du gouvernement royal à la gestion d'un État moderne. Alimenter régulièrement les finances par la levée d'impôts permanents, organiser le gouvernement et l'administration notamment, en matière de justice, par la consolidation du Parlement, défendre le royaume grâce à une armée régulière, associer l'élite sociale du pays à l'action de la Couronne, surtout en période de difficultés, tel fut le programme de plus en plus conscient et systématique des rois capétiens et de leurs conseillers.
Mais ils se heurtèrent à une triple série de difficultés. La crise économique du XIVe siècle et les conséquences de la Grande Peste affaiblirent le potentiel matériel et démographique du royaume. Les luttes sociales réaction seigneuriale, jacquerie, émeutes urbaines entravèrent l'établissement de l'absolutisme royal. La guerre réveillée avec l'Angleterre prit la forme d'un duel engageant l'existence de la dynastie et l'indépendance de la couronne de France.
Ce n'est que dans la seconde moitié du XVe siècle que la dynastie put surmonter ces épreuves : liquider à son profit la guerre de Cent Ans, vaincre les dernières résistances intérieures, favoriser la reprise économique et démographique et même, en se lançant dans l'aventure des guerres d'Italie, pénétrer du même coup dans le monde de la Renaissance.

L'action de la monarchie

Le premier problème qui se pose de façon urgente aux Capétiens après 1314, c'est celui de trouver de l'argent pour subvenir à un train royal de plus en plus fastueux, pour rémunérer fonctionnaires et soldats, de plus en plus nombreux. Entre 1332 et 1344, les recettes royales augmentent de 158 000 livres et les dépenses de 440 000 livres. Pour faire face à cet accroissement, pour financer la guerre, les Capétiens du bas Moyen Âge cherchent à remplacer l'impôt féodal extraordinaire par un impôt permanent. C'est ce que Philippe V cherche à obtenir dès 1321 d'une assemblée de barons, prélats et représentants des villes. Ces efforts se heurtèrent à la résistance opiniâtre des trois ordres de la société et de leurs représentants aux assemblées. De nombreux essais échouèrent entre 1315 et 1356, par exemple celui de la gabelle sur le sel, instituée en 1341, abolie à la demande des états de Paris (pour la langue d'oïl et de Toulouse pour la langue d'oc en 1346. Cependant, la Chambre des comptes était organisée par l'ordonnance de Vivier-en-Brie 1320. La guerre de Cent Ans fournit à la royauté l'occasion décisive d'établir l'impôt. Ce fut fait entre 1356 et 1370 : impôts directs le fouage et la taille et indirects les aides, parmi lesquelles la gabelle sur le sel reprise en 1355-1356, définitive à partir de 1383.
Ce processus ne s'accomplit cependant pas sans difficultés ni sans abandons, même de la part de la monarchie. Charles V abolit sur son lit de mort 16 sept. 1380 tous les fouages, qui ne furent rétablis qu'en 1388. En 1417, Jean sans Peur supprima également les aides dans les pays de langue d'oïl, à l'exception de ses domaines ; Charles VII les rétablit en 1436. La levée de ces impôts entraîna la création de nouveaux fonctionnaires et de nouvelles institutions : les élus chargés de lever les aides, les greniers à sel pour la gabelle 89 entre 1355 et 1422, 139 sous Charles VII, les généraux chargés d'organiser les aides et de surveiller les élus 4 à la fin du règne de Charles VII, à Tours, Montpellier, Paris et Rouen, la Chambre ou Cour des aides organisée à la fin du XIVe siècle.
Le Parlement, d'où les clercs furent exclus en 1319, fut définitivement organisé par l'ordonnance du 11 mars 1345 avec ses trois Chambres : Grand-Chambre ou Chambre des plaids, Chambre des enquêtes et Chambre des requêtes. Parallèlement à la justice, les rois organisent la police de Paris, confiée au prévôt qui siégeait au Châtelet, prison et cour de justice criminelle qui, au cours du XVe siècle, étendit largement son action hors de Paris.
Le Parlement, ainsi que les justices du Châtelet et des bailliages et sénéchaussées, engendra toute une société nouvelle de gens de loi dépendant de la monarchie : parlementaires de plus en plus laïques et roturiers, mais constituant bientôt de puissantes familles, procureurs se formant en confrérie de Saint-Nicolas et Sainte-Catherine en 1342, avocats organisés en corporation en 1340-1345, greffiers confrérie en 1351, notaires confrérie en 1351, huissiers, sergents, clercs de la basoche.
Dans le domaine militaire, l'engagement de plus en plus important de combattants soudoyés amènera l'apparition, vers la fin du règne de Philippe VI, de véritables entrepreneurs militaires se faisant appeler capitaines semblables aux condottieri italiens qui offraient aux princes les services de leur route ou compagnie. Bientôt apparut le danger de certaines de ces bandes, les Grandes Compagnies. Charles V tenta d'organiser les routiers par des ordonnances de 1373 et 1374, mais celles-ci restèrent lettre morte. Il fallut attendre 1445 pour que des progrès décisifs soient réalisés dans ce domaine.
Aux XIVe et XVe siècles, les rois de France multiplièrent la convocation d'assemblées, sur le modèle de celles qu'avait réunies Philippe le Bel. Mais, plus que l'aide qu'ils en attendaient, ces assemblées leur causèrent des difficultés, soit en repoussant leurs demandes, soit en cherchant à contrôler l'administration royale. Il est vrai que les souverains et une partie de leur entourage n'étaient pas disposés à accepter une sorte de monarchie constitutionnelle et que, s'ils s'éloignèrent de formes monarchiques proprement féodales, ce fut pour affirmer leur supériorité à partir de la théorie des droits régaliens d'une part, du caractère sacré de la Couronne de l'autre.
En matière régalienne, les souverains affirmèrent et firent respecter leur monopole de frappe de la monnaie, de contrôle des poids et mesures, de levée de l'impôt. Dans le domaine du sentiment, ils développèrent un faste et un rituel monarchiques destinés à impressionner Cour, cérémonies publiques : baptêmes, mariages, funérailles, entrées solennelles dans les villes ; ils tendirent à faire de la famille royale tout entière une sorte de famille sacrée, celle des princes du sang. Charles V donna une impulsion décisive à cette évolution en favorisant d'une part les écrits de conseillers traitant de la monarchie sacrée l'auteur anonyme du Songe du verger ; Jean Golein, avec sa traduction en 1372 du Rational des divins offices de Guillaume Durand où il inséra un Traité du sacre, d'autre part en faisant traduire les principaux traducteurs sont ses conseillers Nicolas Oresme et Raoul de Presles des œuvres de l'Antiquité païenne et chrétienne saint Augustin et surtout Aristote où puiser une théorie et une pratique de la monarchie rationnelle et de droit divin. C'est alors que se charge d'un sens spécial l'expression de roi très chrétien dont l'exclusivité est réclamée pour le roi de France. Il faut replacer dans ce climat l'importance exceptionnelle du sacre de Charles VII à Reims pour le succès de la cause de Jeanne d'Arc et du roi de Bourges. Enfin, le sentiment monarchique fut renforcé par la création de l'ordre chevaleresque de l' Étoile par Jean le Bon en 1351.

Les obstacles

Mais l'action monarchique se heurta d'abord à la crise économique et à la mortalité effroyable de la Grande Peste. Une famine générale consécutive à des intempéries reparut en 1315-1317. Les revenus seigneuriaux s'amenuisèrent. Le commerce de luxe traditionnel étoffes de prix recula devant la production et l'exportation de produits de prix et qualité moindres. La Peste noire, à partir de 1348, fit périr un tiers de la population du royaume. Les souverains en mal d'argent aggravèrent ces difficultés par de nouvelles dévaluations monétaires. De 1336 à 1355, les mutations reprirent dans de grandes proportions, surtout pendant la période 1337-1343 ; mais ces mesures, défavorables pour les rentiers, c'est-à-dire les seigneurs, aidaient débiteurs et locataires. Inversement, la stabilisation de la monnaie, sous Charles V, à partir de 1360, consacra les privilèges des possédants et le mécontentement des salariés s'accrut d'autant plus que, dès 1350, le roi Jean le Bon avait freiné par ordonnance royale la hausse des salaires consécutive aux ravages de la Peste noire. Les mutations, sous la pression des besoins militaires, reprirent à la fin du règne de Charles VI et au début de celui de Charles VII.

Les mécontentements divers et contradictoires amenèrent des réactions qui se tournèrent souvent contre la monarchie et ses prétentions fiscales et administratives. En 1315 éclata le soulèvement qui couvait sous Philippe le Bel et qui prit souvent un aspect régional derrière lequel se camouflaient les intérêts des privilégiés seigneuriaux, mais également toutes sortes de revendications. Louis X 1314-1316 dut concéder des chartes à presque toutes les provinces. Cependant, ces concessions étaient disparates, souvent de pure forme, et elles avaient été arrachées en ordre dispersé, sans que la masse se fût émue. Si elles retardèrent les progrès de l'autorité monarchique, elles ne l'empêchèrent pas.
En 1355, des états généraux consentirent à Jean le Bon la levée d'un impôt, mais lui imposèrent un strict contrôle de son emploi. Réunis à nouveau à Paris en octobre 1356 (il s'agit toujours des états de langue d'oïl, ceux de langue d'oc, assemblés à Toulouse, se montrant beaucoup plus dociles, après le désastre de Poitiers, ils voulurent sous la conduite de l'évêque de Laon, Robert Lecoq, et d'un riche drapier parisien, Étienne Marcel, prévôt des marchands, imposer au régent Charles de Normandie un véritable régime de monarchie constitutionnelle : une commission de réforme de quatre-vingts membres, des représentants en province pour contrôler les fonctionnaires royaux, un conseil de vingt-huit délégués quatre prélats, douze chevaliers et douze bourgeois, lesquels conseillers auraient la puissance de tout faire et ordonner dans le royaume comme le roi. Pendant deux ans, les états et plus particulièrement le conseil, dominé par les partisans d'Étienne Marcel, gouvernèrent pratiquement la France du Nord. Nobles et prélats se rapprochèrent peu à peu du régent qui louvoyait. Les états de février 1358 limitèrent encore le pouvoir royal ; une émeute populaire se déchaîna, massacra les conseillers du régent en sa présence et Charles dut admettre au conseil Étienne Marcel et ses partisans. Mais, fin avril, il s'enfuit de Paris et organisa la reprise du pouvoir, tandis qu'Étienne Marcel, paraissant malgré lui compromis avec le bas peuple, les paysans révoltés, les Jacques, et même avec le roi de Navarre, Charles le Mauvais, qui intriguait avec les Anglais, perdait l'appui de la bourgeoisie parisienne. Dans la nuit du 31 juillet au 1er août, Étienne Marcel était assassiné. La révolution parisienne était finie et la France avait perdu sa meilleure occasion d'instaurer une monarchie constitutionnelle. Le régent, bientôt roi, reprit habilement celles des mesures de 1356-1358 qui pouvaient servir à la monarchie ; mais il s'agissait de réformes octroyées et, si le pays pouvait conseiller, il lui était interdit de contrôler.

Au début du règne de Charles VI, une série d'émeutes urbaines, dont la plus spectaculaire fut celle des Maillotins à Paris 1382, révéla le malaise social qui se manifestait contre les agents du roi. Une tentative plus profonde eut lieu en 1413. Des représentants de l'Université et de la bourgeoisie présentèrent aux princes en février 1413 un programme de réformes très proches de celles prônées un demi-siècle plus tôt par Étienne Marcel. Les princes tergiversant, une violente émeute populaire dirigée par la corporation des bouchers, riches comme les grands bourgeois mais méprisés par eux et rejetés vers le peuple, imposa à la Cour une ordonnance de réforme, l'ordonnance cabochienne, du nom du chef des bouchers, Caboche, qui instaurait un contrôle efficace de l'administration royale et qui a été définie comme le plus beau programme de réformes qu'ait connu un État au Moyen Âge R. Fawtier. Elle fut abolie dès septembre 1413 par la Cour royale qui dirigea une féroce répression dans Paris. Cette attitude traditionnelle de la monarchie à l'égard du peuple parisien jeta la capitale dans les bras du duc de Bourgogne et même dans une certaine collaboration avec les Anglais. C'est de ceux-ci que vint le plus mortel péril pour la monarchie capétienne aux XIVe et XVe siècles. En 1316, le problème de la succession royale se pose pour la première fois depuis 987. Louis X, à sa mort, le 5 juin 1316, ne laissait qu'une fille de quatre ans, mais la reine était enceinte. Le fils qui naquit le 15 novembre mourut quatre jours après. La couronne fut donnée par une assemblée de grands au frère de Louis X, Philippe, à qui avait été confiée la régence. En 1322, même situation à la mort de Philippe V : une fille et la reine enceinte. Même résultat ; le nouveau-né étant une fille, le troisième fils de Philippe le Bel prit la couronne. Même situation encore à la mort de Charles IV en 1328, mais il n'y avait plus de fils de Philippe le Bel et le régent à désigner avait toutes les chances, si le nouveau-né était une fille ou ne survivait pas, d'être le prochain roi. L'assemblée de grands et de notables, qui avait à choisir entre le roi d'Angleterre, Édouard III, petit-fils de Philippe le Bel par sa mère, Philippe, comte de Valois, petit-fils de Philippe III par son père, et Philippe, comte d'Évreux, petit-fils également de Philippe III et mari de la fille de Louis X le Hutin, n'hésita guère. Les décisions de 1316 et de 1322 avaient déjà écarté les femmes du trône et, par conséquent, de la transmission du droit de succession la loi dite salique ne fut invoquée par des juristes qu'à l'époque moderne ; ce qui semble avoir été déterminant, c'est que l'action du sacre était une sorte d'ordination et que l'Église n'ordonnait pas des femmes. En ce qui concernait Édouard III, sa jeunesse et surtout le fait qu'il était étranger contribuèrent à sa disqualification. Philippe de Valois devint Philippe VI.
Tout sembla alors réglé. Édouard III prêta hommage à Philippe VI pour la Guyenne en 1329. Mais, lorsque le conflit pour la possession de la Guyenne entraîna en 1337 une rupture qui était le commencement de la guerre de Cent Ans, Édouard revendiqua publiquement, le 7 octobre 1337 à Westminster, la couronne de France. Pourtant, si les désastres de la guerre de Cent Ans mutilèrent pratiquement la France d'un tiers environ de son territoire au traité de Brétigny 1360, il n'y eut pas de véritable menace dynastique anglaise, même quand, après Poitiers (1356), Jean le Bon fut prisonnier d'Édouard III à Londres. En revanche, après Azincourt 1415, le traité de Troyes 1420 faisait du roi d'Angleterre Henri V le successeur de Charles VI et, à sa mort, les deux couronnes devaient rester unies à jamais sous lui et ses successeurs. Mais le dauphin Charles n'accepta pas son déshéritement. Ses partisans (Jean de Terre-Rouge dans le Traité de la succession à la Couronne et les Droits du Dauphin) invoquèrent la nullité juridique des clauses dynastiques du traité de Troyes, une succession au trône ne pouvant être assimilée à une succession privée comme l'avait déjà dit le Songe du verger. La résistance du «roi de Bourges , les succès de Jeanne d'Arc, le sacre de Reims 1429, les victoires des armées de Charles VII sur celles d'Henri VI, roi d'Angleterre et de France , rendirent définitivement couronne et royaume à la dynastie.

Les succès et leurs causes

Au milieu de terribles épreuves, la lutte contre l'étranger a apporté à la monarchie un soutien inappréciable, celui du sentiment national. La remontée démographique et économique qui s'amorçait permit alors à Charles VII et à son fils et successeur Louis XI (1461-1483) d'accélérer le retour aux progrès monarchiques.
L'unité territoriale de la France et l'agrandissement du domaine royal s'accomplirent d'abord par la récupération de toutes les possessions anglaises, y compris la Guyenne, perdue depuis le milieu du XIIe siècle, et excepté Calais. Cette récupération fut effective en 1453. Ces apports au domaine furent complétés par les annexions du XIVe siècle le Dauphiné et Montpellier sous Philippe VI et les acquisitions de Louis XI : la Cerdagne et le Roussillon conquis en 1463, rendus par Charles VIII en 1482, le duché de Bourgogne et la Picardie, après la mort de Charles le Téméraire 1477, l' Anjou, le Barrois et la Provence par héritage de Charles du Maine 1481. Charles VIII épousait enfin en 1491 Anne, héritière du duché de Bretagne. La monarchie française avait repris l'Ouest et débordé, à l'est et surtout au sud-est, jusqu'aux Alpes et à la Méditerranée.
L'autorité monarchique fut restaurée et renforcée. Charles VII créa enfin une armée permanente par une série d'ordonnances de 1445 à 1448 qui réorganisèrent le service des nobles, réglementèrent le service des communes, créèrent des unités de cavaliers compagnies d'ordonnances et de fantassins francs-archers et arbalétriers. Louis XI recruta surtout son infanterie parmi des mercenaires étrangers : les Suisses.
Depuis longtemps, sous Philippe le Bel en tout cas et davantage encore à l'époque du Grand Schisme 1378-1417, une partie du haut clergé français avait pris ses distances vis-à-vis de la papauté. La Pragmatique Sanction de Bourges 1438 sembla sanctionner ce gallicanisme en faisant désigner les évêques et abbés par élection et en limitant considérablement les droits du Saint-Siège en matière de bénéfice, d'appel et de taxes. Mais, plus que l'existence d'une Église nationale, ce qui intéressait le roi, c'était la nomination des évêques, et Louis XI pensa qu'il était plus commode de s'entendre à ce sujet avec le pape. Malgré les vives protestations du Parlement, il abolit la Pragmatique Sanction dès 1461 ; mais un concordat entre la royauté et la papauté ne fut signé qu'en 1516.
Les souverains surent enfin utiliser les états généraux au profit de leur politique. Charles VII obtint d'eux les subsides nécessaires pour achever la guerre de Cent Ans. Louis XI ne les réunit qu'une fois, en 1468, pour se faire relever de la promesse de constituer la Normandie en apanage pour son frère Charles. Au début du règne de Charles VIII, les régents convoquèrent les états généraux en 1484. Pour la première fois nationaux toutes les provinces étaient représentées, pays d'oc comme pays d'oïl), illustrés par l'éloquence et le sérieux des délégués du tiers état, ils cherchèrent de nouveau à imposer leur contrôle à la monarchie. Mais l'égoïsme de la noblesse et du clergé, l'hostilité sournoise de la Cour en firent une manifestation qui n'eut d'autre lendemain que la crainte qu'elle laissa au pouvoir monarchique et aux privilégiés.
Charles VIII meurt sans héritier en 1498, à la fin du Moyen Âge. Il laisse la couronne à une autre branche capétienne, celle des Valois-Orléans représentée par son cousin Louis d'Orléans. La dynastie capétienne a alors solidement affermi son pouvoir en France, mais en laissant une assez large autonomie aux parlements provinciaux qui combinent loyalisme monarchique et particularisme. Les distances, la difficulté de maîtriser l'espace demeurent la principale limitation au pouvoir royal.
Si l'on ne croit plus que la valeur individuelle des rois (la plupart d'entre eux n'ont été ni des guerriers valeureux, ni des politiques intelligents, mais des hommes faibles et parfois malades) ait bâti la monarchie et fait la France, les causes qui ont assuré le triomphe de l'idée monarchique restent mal élucidées. La tradition jacobine leur a conservé le mérite de l'unité nationale (territoriale, centralisatrice, sentimentale)
Les rapports de la Couronne avec les féodaux, l'Église, la bourgeoisie montante, le peuple étaient ambigus et demeurent obscurs. S'il faut accorder à l'entourage royal – qui a socialement et intellectuellement changé, des grands officiers du XIe siècle aux juges, aux légistes, aux conseillers bourgeois – une grande importance dans l'œuvre capétienne, il n'est pas sûr qu'ils aient eu d'une politique systématique une conception beaucoup plus claire que celle des souverains (attitudes à l'égard des apanages, des monnaies, de l'Église). Si les Capétiens ont joué et bénéficié du sentiment national, ils n'ont pas eu, et ils l'ont montré face aux assemblées et aux états généraux, la volonté d'associer vraiment une représentation nationale à leur pouvoir. S'ils ont eu le sens de la supériorité de la Couronne sur leur personne, ils n'ont pas eu celui d'une responsabilité envers la nation, mais envers Dieu, se réservant jalousement à partir du XIVe siècle l'expression : par la grâce de Dieu.

Lien
http://youtu.be/kc3StB2Mafk Robert II le pieux



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Posté le : 19/07/2014 13:28

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Max Liebermann 1
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Hors Ligne
Le 20 juillet 1847 à Berlin naît Max Liebermann, peintre et graveur allemand,

mort le 8 février 1935, dans la même ville. Il compte parmi les plus grands représentants du mouvement impressionniste allemand.
Après une formation à Weimar et plusieurs séjours à Paris et aux Pays-Bas, il peint tout d'abord des œuvres naturalistes à thème social. L'étude des impressionnistes français lui permet de trouver à partir de 1880 la palette claire et le coup de pinceau vigoureux qui caractérisent ses principales toiles.
Son œuvre représente symboliquement la transition entre l'art du XIXe siècle et l'art moderne classique de l'époque wilhelminienne et de la République de Weimar. C'est cette mutation qu'il a encouragée en tant que président de la Sécession berlinoise.
De 1920 à 1933, il dirige l'Académie prussienne des arts de Berlin avant de démissionner en raison de l'influence grandissante du nazisme sur la politique des arts. Il se retire alors à Berlin, sa ville natale où il passe les deux dernières années de sa vie.

En bref

Peintre allemand, l'un des représentants, avec Slevogt et Corinth, de ce que l'on appelle à tort l'impressionnisme allemand. Né à Berlin, fils d'une riche famille de fabricants, Liebermann fait ses études, de 1868 à 1872, à l'École des beaux-arts de Weimar. Très impressionné par Mihaly Munkácsy, qu'il rencontre à Düsseldorf, il peint en 1872 ses Plumeuses d'oies (Nationalgalerie, Berlin), grande toile directement inspirée par Les Faiseuses de charpie du peintre hongrois. De 1873 à 1878, il travaille à Paris ; dès cette époque, il prend l'habitude de séjourner pendant les mois d'été en Hollande, où il étudie la peinture de Frans Hals, dont l'influence sur son œuvre est considérable. Il se rend ensuite à Munich, où il fréquente le cercle de Wilhelm Leibl, puis, en 1884, il s'installe définitivement à Berlin. Élu à l'Académie des beaux-arts en 1889, il devient en 1898 président de la Sécession qui vient d'être fondée dans la ville. En 1933, son origine juive l'oblige à se retirer de la vie publique.
Réaliste à ses débuts, tant par le choix de sujets tirés de la vie du peuple que par les tonalités sombres de ses tableaux (inspiration qui se retrouve encore dans les grandes toiles peintes vers 1890, comme La Femme à la chèvre, Nouvelle Pinacothèque, Munich), Liebermann a adopté par la suite une palette plus claire et s'est attaché à la représentation des jeux de la lumière et de l'ombre, dans ses vues de cafés en plein air, d'allées de parcs, de jardins d'orphelinats en Hollande (Le Marchand de perroquets, 1902, musée Folkwang, Essen). S'il est certain que l'exemple des impressionnistes a favorisé, sinon provoqué cette évolution, l'art de Liebermann reste d'un esprit très différent (si l'on pouvait parler d'impressionnisme allemand, ce serait plutôt à propos de peintres comme le Stuttgartois Pleuer). Après 1900, il devient de plus en plus le peintre en vogue de la grande bourgeoisie libérale de Berlin, dont il fut alors le portraitiste attitré.

Sa vie

Max Liebermann, né le 20 juillet 1847 à Berlin, est le fils du riche industriel juif Louis Liebermann et de son épouse Philippine Liebermann née Haller. Son grand-père était Josef Liebermann, un important fabricant de textiles qui avait bâti la fortune des Liebermann. Trois jours après la naissance de Max entre en vigueur le Décret sur le statut des Juifs qui octroie plus de droits à la population juive. En 1851, les Liebermann emménagent dans la Behrenstraße et Max fréquente l'école enfantine située à proximité. Il se met bientôt à la détester, comme par la suite tous les établissements scolaires.

Après l'école primaire, Liebermann rejoint la Dorotheenstädtische Realschule collège. Max consacre de plus en plus de temps au dessin, comportement qui est modérément encouragé par ses parents. Alors que Max est âgé de dix ans, son père fait l'acquisition du Palais Liebermann, hôtel particulier représentatif situé directement sur la Pariser Platz de Berlin. La famille assiste régulièrement à l'office religieux de la communauté réformée et se détourne de plus en plus du style de vie orthodoxe du grand-père. Bien que la demeure de la famille Liebermann possède de grands salons et plusieurs chambres, les parents tiennent à ce que leurs trois fils partagent la même chambre. Celle-ci est, de plus, pourvue d'une petite fenêtre percée dans le mur afin que l'on puisse surveiller les devoirs de l'extérieur.
En 1859, Louis Liebermann commande une huile sur toile représentant sa femme. Max Liebermann accompagne alors, à cette occasion, sa mère chez la peintre Antonie Volkmar. Pris d'ennui, il demande un crayon et se met à dessiner. Des années plus tard, Antonie Volkmar, déjà âgée, se félicitera encore d'avoir découvert Liebermann. Les parents de Max ne sont pas vraiment enchantés par la peinture mais ils n'interdisent pas à leur fils de fréquenter les établissements d'enseignement de cet art. Les après-midi où il n'a pas classe, Max suit les cours de peinture privés d'Eduard Holbein et de Carl Steffeck.

Les parents de Max Liebermann

Dans sa famille qui est apparentée à d'autres familles bourgeoises juives influentes, Emil Rathenau était, par exemple, le cousin de Max Liebermann, Max est considéré comme peu intelligent. Il est souvent perdu dans ses pensées à l'école et répond à côté. C'est pourquoi il est souvent raillé par ses camarades qui lui deviennent si insupportables qu'il s'absente plusieurs fois en prétextant des maladies. Ses parents lui donnent de l'affection et le soutiennent mais l'exhortent à suivre l'exemple de son frère aîné Georg, plus raisonnable, ce qui renforce chez Max le sentiment d'être différent. Les parents de Max font peu de cas de son don pour le dessin. Lorsque Max publie à treize ans ses œuvres, son père lui interdit de citer le nom Liebermann.
Pour la poursuite des études de son fils, Louis Liebermann choisit le lycée Friedrichwerdersches Gymnasium où sont scolarisés les fils d'Otto von Bismarck. En 1862, Max, âgé de 15 ans, assiste à une réunion organisée par Ferdinand Lassalle et est fasciné par les idées passionnées de ce jeune socialiste. En 1866, Max passe son baccalauréat. Plus tard, il prétendra avoir été un mauvais élève et n'avoir réussi ses examens qu'à grand-peine. En réalité, il n'était médiocre qu'en mathématiques, sa participation était considérée dans les classes supérieures comme honorable et bien élevée. Bien qu'aux examens du baccalauréat, il atteignit la quatrième place de sa promotion, il eut toujours l'impression d'être un mauvais élève pour sa famille.

Études et premières œuvres Sur le chemin de l'école à Edam

Après le baccalauréat, Max Liebermann s'inscrit à l’université Humboldt de Berlin, en chimie, matière dans laquelle a réussi son cousin Carl Liebermann. Mais ces études de chimie ne devaient servir que de prétexte pour pouvoir se consacrer aux arts et à sa nouvelle liberté tout en faisant bonne figure devant son père. C'est pourquoi elles ne furent jamais suivies avec sérieux. Au lieu d'assister aux cours, il monte à cheval dans le parc Tiergarten et peint. En outre, il assiste de plus en plus Carl Steffeck dans la création de peintures monumentales de scènes de bataille. C'est chez lui qu'il fait la connaissance de Wilhelm von Bode, le futur mécène de Liebermann et directeur du Kaiser-Friedrich-Museum. Le 22 janvier 1868, il est radié de l'université pour manque d'assiduité aux cours. Après une importante dispute avec son père, il obtient de ses parents le soutien nécessaire pour intégrer l'Académie des Beaux-arts Großherzoglich-Sächsische Kunstschule de Weimar. Il y devient l'élève du peintre d'histoire belge Ferdinand Pauwels qui l'initie à Rembrandt au cours d'un voyage de classe au Fridericianum de Cassel. Cette rencontre avec Rembrandt va avoir une influence durable sur le style du jeune Liebermann.
Lors de la guerre franco-prussienne de 1870, il succombe pendant un moment à l'engouement patriotique général. Il s'enrôle volontairement dans l'Ordre protestant de Saint-Jean, étant donné qu'une fracture du bras mal ressoudée l'empêche d'intégrer le service militaire. Il sert alors comme soldat sanitaire près de Metz. En 1870/1871, 12 000 Juifs au total entrent dans la guerre du côté allemand. Les images des champs de bataille choquent le jeune artiste et atténuent son enthousiasme pour la guerre.
À partir de Pâques 1871, Max Liebermann séjourne à Düsseldorf où l'influence de l'art français est beaucoup plus marquée qu'à Berlin. Il y rencontre Mihály Munkácsy dont la représentation réaliste de femmes effilant la laine - simple scène de la vie quotidienne- attire son attention. Grâce à l'aide financière de son frère Georg, il se rend pour la première fois aux Pays-Bas et visite Amsterdam et Scheveningen où la lumière, les personnes et le paysage l'enchantent.

Les Plumeuses d'oie : la première grande peinture à l'huile de Liebermann a été créée en 1872 sous l'influence de Mihály Munkácsy et de Rembrandt
Son premier grand tableau Les Plumeuses d'oies a été créé pendant les mois suivant son retour. Il montre, dans des tons foncés, une activité prosaïque peu appréciée : le plumage des oies. Dans cette œuvre, Liebermann a intégré, en plus du naturalisme de Munkászy, des éléments de la peinture historique. À la vue du tableau encore inachevé, son maître Pauwels le renvoie, lui disant qu'il ne peut désormais plus rien lui apprendre. Lorsque Liebermann présente le tableau en 1872 à la Hamburger Kunstausstellung exposition d'arts de Hambourg, ce sujet inhabituel suscite le dégoût et choque. Si la critique loue l'adresse du peintre, elle le surnomme néanmoins « l'apôtre du laid. La toile est exposée la même année à Berlin. Elle y fait naître les mêmes réactions mais trouve cependant un acheteur auprès du géant des chemins de fer Bethel Henry Strousberg.
L'art de Liebermann est qualifié de peinture du sale. Il envoie donc sa deuxième grande œuvre Les Faiseuses de conserve Die Konservenmacherinnen à la grande exposition annuelle d'Anvers où il trouve aussitôt deux acheteurs intéressés. Liebermann a trouvé le style qui caractérisera la première période de son œuvre : il peint, de façon réaliste et dénuée de toute sentimentalité, des hommes au travail, sans condescendance ni transfiguration romantique mais sans militantisme non plus. Il montre dans ses motifs la dignité naturelle sans avoir besoin d'embellir quoi que ce soit.
En 1873, Liebermann voit des paysans occupés à la récolte de raves aux portes de Weimar. Il décide de faire de ce motif une peinture à l'huile mais lorsque Karl Gussow lui conseille cyniquement de ne pas même débuter cette peinture, Liebermann gratte les premières couches de la toile entamée. Il se sent vidé de ses forces et démotivé. Il décide alors de partir pour Vienne et de rendre visite au célèbre peintre historique et peintre de salon Hans Makart chez lequel il ne restera pourtant que deux jours. Il est décidé à tourner le dos à l'Allemagne et à son milieu artistique qu'il juge rétrograde et poussiéreux.

Paris, Barbizon et Amsterdam

Récolte de pommes de terre à Barbizon : Liebermann est influencé à partir de 1874 par l'École de Barbizon
En décembre 1873, Max Liebermann déménage à Paris et s'installe un atelier à Montmartre. À Paris, dans cette capitale mondiale des arts, il désire nouer des liens avec les réalistes et impressionnistes les plus influents de son temps. Mais les peintres français refusent d'entretenir tout contact avec le peintre allemand. En 1874, il expose ses Plumeuses d'oies au Salon de Paris où l'œuvre est particulièrement remarquée mais reçoit de mauvaises critiques de la presse fortement influencée par les idéaux nationalistes. À l'été 1874, Liebermann séjourne pour la première fois à Barbizon, près de la forêt de Fontainebleau. Munkácsy me fascinait énormément mais plus encore Troyon, Daubigny, Corot et surtout Millet.
L'École de Barbizon jouait un rôle majeur dans l'émergence de l'impressionnisme : elle façonnait la peinture paysagiste impressionniste et enrichissait les courants de l'époque en les dotant des techniques de la peinture de plein air. Cette influence fait naître chez Liebermann une réaction de rejet envers la peinture lourde et démodée de Munkácsy. Mais il s'intéresse plus aux méthodes de l'école de Barbizon qu'à ses motifs. C'est ainsi que son étude de Weimar Arbeiter im Rübenfeld Travailleurs dans un champ de raves lui revient à l'esprit. Il se met à la recherche, à Barbizon, d'un motif similaire et crée la Récolte de pommes de terre à Barbizon qu'il n'achèvera que plusieurs années après. Il essaie, en fait, de marcher dans les pas de Millet mais lui reste inférieur, selon l'avis de ses critiques contemporains. La représentation des travailleurs dans leur environnement ne paraît pas naturelle ; ils semblent avoir été plantés dans le décor a posterior.
En 1875, Liebermann passe trois mois à Zandvoort en Hollande. Il copie, à Haarlem, de nombreux tableaux de Frans Hals. L'étude de la peinture de portrait de Hals lui ouvre des perspectives pour son propre style. La méthode de Frans Hals pour appliquer les couleurs, qui est à la fois vigoureuse et imprécise, se retrouve dans la période tardive de Liebermann tout comme l'influence des impressionnistes français. Liebermann prend, de plus, l'habitude de laisser s'écouler une longue période entre l'apparition de l'idée et la réalisation des grands tableaux. Ce n'est qu'à l'automne 1875, une fois rentré à Paris et installé dans un plus grand atelier, qu'il s'inspire du vécu pour créer une première toile représentant de jeunes pêcheurs en train de se baigner ; il réutilisera ce motif plusieurs années après et le couchera sur la toile.
École de couture en Hollande : en 1876, Liebermann subit de plus en plus fortement l'influence de l'impressionnisme
À l'été 1876, il effectue à nouveau un séjour de plusieurs mois aux Pays-Bas. Il y poursuit son étude de Hals. C'est grâce à cela qu'il trouvera plus tard son propre style, qui profitera tout particulièrement à ses portraits. À Amsterdam, il fait la connaissance du graveur William Unger qui le met en contact avec Jozef Israëls et l'école de La Haye. Dans son tableau École de couture en Hollande, Liebermann emploie l'effet de la lumière de façon déjà impressionniste. Par le biais du professeur August Allebé, il découvre la Synagogue portugaise d'Amsterdam, ce qui l'amène à une réflexion picturale sur ses origines juives. C'est à cette même époque qu'il réalise ses premières études de l'orphelinat d'Amsterdam.
Face à la pression de ses parents et à sa propre autocritique, il sombre à Paris dans une profonde dépression, souvent proche du désespoir5. Pendant cette période, rares sont les tableaux qu'il peint. Sa participation répétée au Salon de Paris ne lui amène pas non plus la réussite escomptée. Liebermann ne peut rien apporter au milieu artistique parisien qui refuse même de le reconnaître en tant qu'artiste pour des raisons patriotiques. Après toutes ces années, ses peintures ne sont toujours pas perçues comme françaises. En revanche, ses séjours répétés en Hollande lui valent une notoriété grandissante. Finalement, Liebermann se résout à quitter définitivement Paris.

Munich

En 1878, Liebermann se lance tout d'abord dans un voyage en Italie. Il désire contempler à Venise des œuvres de Vittore Carpaccio et de Gentile Bellini pour y puiser une nouvelle inspiration. Il fait, à cette occasion, la connaissance d'un groupe de peintres munichois - parmi lesquels se trouve Franz von Lenbach - en compagnie duquel il reste à Venise pendant trois mois. Puis, il suit le groupe dans la capitale bavaroise qui, avec l'école de Munich, constitue le centre allemand de l'art naturaliste.
En décembre 1878, Liebermann débute son Jésus à 12 ans au temple, en s'aidant des premières esquisses qu'il a débutées dans les synagogues d'Amsterdam et de Venise. Il n'a encore jamais consacré autant de travail à la mise en scène d'un tableau : il combine ses études de l'intérieur de la synagogue à des personnages individuels dont il a fait auparavant des études de nu et qu'il habille finalement dans le tableau. Il fond le sujet dans une lumière quasi mystique qui semble émaner de l'enfant Jésus, véritable centre lumineux.
Cette peinture provoque une vague d'indignation dans tout l'empire allemand. Tandis que le prince régent Léopold soutient Liebermann, le journal Die Augsburger Allgemeine reproche à l'artiste d'avoir peint le garçon juif le plus infatué et le plus laid qu'on puisse s'imaginer. Dans l'opinion publique, Max Liebermann passe pour un blasphémateur. Au Parlement bavarois, le député conservateur Daller lui retire le droit en tant que Juif de représenter Jésus de cette façon. À Berlin, le prêtre de la cour poursuit le débat antisémite sur le tableau dans des termes très blessants.
Tandis que l'opposition de l'Église et des critiques est de plus en plus impitoyable, des artistes de renom tels que Friedrich August von Kaulbach et Wilhelm Leibl interviennent en faveur de l'œuvre. D'un point de vue artistique, ce tableau apparaît comme le résumé de cette période de la peinture du jeune Liebermann, qualifiée d' années d'apprentissage.

Liebermann est alors déjà un artiste célèbre mais sa peinture connaît une période de stagnation lors de son séjour en Hollande en 1879. La lumière dans la représentation d'une rue de village datée de cette époque semble blafarde et artificielle. En 1880, il participe au Salon de Paris. Les tableaux qu'il y expose ont cela de commun qu'ils représentent des hommes travaillant ensemble paisiblement au sein d'une communauté harmonieuse. Cette ambiance, Liebermann ne la doit en aucun cas au Munich échauffé par les querelles antisémites mais plutôt aux Pays-Bas où il se rend désormais chaque année. Il effectue également des séjours dédiés à la peinture dans la région de Dachau, à Rosenheim et dans l'Inntal qui lui inspire son tableau Brasserie de campagne à Brannenbourg.

Les Pays-Bas

À l'été 1880, il se rend au village de Dongen dans le Brabant. C'est là qu'il crée les études qu'il utilisera plus tard pour sa toile L'Atelier du cordonnier. Une fois ce travail terminé, il retourne encore une fois à Amsterdam avant de repartir pour Munich. Et dans la capitale hollandaise se passe quelque chose qui va bouleverser sa carrière artistique. Il jette un œil sur le jardin de la maison de retraite catholique où de vieux messieurs en habits noirs prennent le soleil, assis sur des bancs. Liebermann décrira cet instant de la façon suivante : C'était comme quelqu'un qui marche sur un chemin plat et pose soudain le pied sur un ressort et se trouve alors propulser. Il commence à peindre ce motif en utilisant pour la première fois une lumière traversant un feuillage ou un autre obstacle que l'on appellera plus tard les tâches de soleil à la Liebermann. Cet effet se caractérise par la représentation ponctuelle de la lumière afin de créer une atmosphère pleine de poésie. Il laisse déjà entrevoir le style de la période tardive de Liebermann.
Au Salon de Paris de 1880, ce tableau lui voit les honneurs. Liebermann est ainsi le premier allemand à jouir de cette considération. De plus, Léon Maître, un grand collectionneur d'œuvres impressionnistes, fait l'acquisition de plusieurs toiles de Liebermann. Encouragé par ce succès tant attendu, il se consacre à un ancien sujet : à l'aide d'anciennes études de peinture, il compose Dans l'orphelinat, Amsterdam, toile, elle aussi, pleine de tâches de soleil.
En automne, Liebermann repart à Dongen pour achever sur place L'Atelier du cordonnier. Il exprime également dans cette œuvre son orientation vers la peinture de lumière. Mais il reste cependant fidèle à ces travaux antérieurs en évitant toute transfiguration romantique. Les tableaux L'Atelier du cordonnier et Dans l'orphelinat, Amsterdam trouvent en 1882 au Salon de Paris un acheteur en la personne de Jean-Baptiste Faure. La presse française le célèbre en tant qu'impressionniste. Le collectionneur Ernest Hoschedé écrit plein d'enthousiasme à Édouard Manet : Si c'est vous, mon cher Manet, qui nous avez initiés aux secrets du plein air, Liebermann, lui, a le don de capter la lumière dans un espace fermé.
Mais au lieu de se laisser englober par le mouvement impressionniste, Liebermann délaisse la peinture de lumière pour se consacrer à nouveau au naturalisme dans son tableau La Blanchisserie. Alors qu'il travaille à ce tableau, Vincent van Gogh tente de faire sa connaissance à Zweeloo, rencontre qui n'aura pas lieu. De retour des Pays-Bas, Liebermann répond à l'appel de la comtesse de Maltzan résidant à Militsch en Silésie et réalise sa première commande : une vue de village.

Retour à Berlin

En 1884, Liebermann décide de retourner à Berlin, sa ville natale tout en sachant qu'il va au-devant de conflits inévitables. D'après lui, Berlin jouera tôt ou tard le rôle de capitale des arts car elle abrite le plus grand marché d'art. En outre, Liebermann considère la tradition munichoise de plus en plus comme un fardeauL.
En mai 1884, il se fiance à la sœur de sa belle-sœur, Martha Mackwald. Le mariage a lieu le 14 septembre, une fois le déménagement de Munich à Berlin terminé. Le premier appartement du jeune couple se trouve dans la rue In den Zelten 11 à la limite nord du Tiergarten. Le voyage de noces ne les conduit pas, comme c'était la tradition, en Italie mais à Scheveningen en Hollande, avec comme étapes à Brunswick et Wiesbaden. À Scheveningen, Jozef Israëls se joint au couple ; tous les trois partent ensuite à Laren où Liebermann fait la connaissance du peintre Anton Mauve. Le voyage se poursuit par Delden, Haarlem et Amsterdam. Liebermann fait, à chaque étape, des esquisses et rassemble suffisamment d'idées pour l'occuper les prochaines années.
Une fois de retour, il est admis à l'Association des artistes berlinois, Verein Berliner Künstler. Il doit son admission, entre autres, à Anton von Werner qui sera plus tard son adversaire. En août 1885 naît sa fille unique. Elle reçoit le nom de Marianne Henriette Käthe mais sera appelée tout simplement Käthe. Très peu de tableaux datent de cette époque. Liebermann se consacre entièrement à son rôle de père.
Carl et Felicie Bernstein habitent en face de la famille Liebermann. C'est chez ces voisins extraordinairement cultivés que Max Liebermann voit des tableaux d'Édouard Manet et d'Edgar Degas, qui l'accompagneront le reste de sa vie. Dans le cercle d'amis de ses voisins, Liebermann se sent, pour la première fois, reconnu comme membre de la communauté des artistes berlinois : Max Klinger, Adolph von Menzel, Georg Brandes et Wilhelm von Bode en sont des habitués tout comme Theodor Mommsen, Ernst Curtius et Alfred Lichtwark. Ce dernier, directeur de la Kunsthalle de Hambourg, reconnaît très tôt le don pour l'impressionnisme de Liebermann. L'adhésion de Liebermann à la Société des amis Gesellschaft der Freunde contribue également à le faire accepter auprès de la classe bourgeoise supérieure.
Après huit années d'absence loin de Berlin, Liebermann participe à nouveau, en 1886, à l'exposition de l'Académie des Beaux-Arts à laquelle il destine les tableaux Dans l'orphelinat, Amsterdam, Maison de retraite, Amsterdam et Das Tischgebet, la prière du souper. Ce dernier tableau qui représente une famille de paysans hollandais à l'heure de la prière, dans un cadre austère, a été créé sur le conseil de Jozef Israëls au cours du voyage de noces. Le faiseur d'opinions Ludwig Pietsch qualifie Liebermann d'homme de grand talent et de parfait représentant de l'art moderne.
À l'été 1886, Martha Liebermann et sa fille vont en cure à Bad Homburg vor der Höhe, ce qui donne à son mari l'occasion de se consacrer à des études en Hollande. Il retourne à Laren où le lin est travaillé dans des chaumières. Liebermann, à nouveau sous le charme des travaux en commun, débutent des esquisses et une première version à l'huile. Dans son atelier berlinois, il se sert de ces études pour composer un tableau de grand format qu'il achève au printemps 1887. La représentation des travaux collectifs a pour objectif de souligner la patience héroïque du quotidien.
En mai 1887, ce tableau est exposé au Salon de Paris où il reçoit un accueil réservé. Lors de l'Exposition internationale de Munich, un critique décrit le tableau de la façon suivante : la représentation réelle d'un mal sourd, provoqué par une multitude de durs travaux. ... Des paysannes en tabliers bien serrés et en sabots dont les visages prennent dès la jeunesse les traits d'une vieillesse morose accomplissent de manière mécanique leur pensum quotidien, dans une pièce aux poutres pesantes. Adolph von Menzel, en revanche, loue le tableau et décrit le peintre comme étant le seul à représenter des hommes et non des modèles.

À cette époque, le critique d'art Emil Heilbut publie une Etude sur le naturalisme et Max Liebermann, Studie über den Naturalismus und Max Liebermann dans laquelle il décrit Liebermann comme le peintre le plus téméraire de l'art nouveau en Allemagne. En mars 1888, l'empereur Guillaume Ier décède. Frédéric III lui succède alors sur le trône. Sa régence fait naître l'espoir d'un changement politique de la Prusse en une monarchie parlementaire, espoir qui s'éteint 99 jours après, à sa mort. En ce printemps de l'année des trois empereurs, Max Liebermann séjourne à Bad Kösen. Choqué par la mort de Frédéric III, il peint une commémoration fictive en l'honneur de l'empereur Frédéric III à Bad Kösen, ce qui montre qu'il était attaché à la monarchie des Hohenzollern malgré ses convictions politiques de gauche. Il désirait être un libre penseur mais ne pouvait se résoudre à renier les traditions prussiennes.
En 1889, l'Exposition universelle a lieu à Paris, à l'occasion du centenaire de la Révolution française. Les monarchies russe, britannique et austro-hongroise refusent de participer par opposition à la célébration de la Révolution. La nomination des Allemands Kuehl, Karl Koepping et Max Liebermann comme membres du jury enflamme le climat politique à Berlin. Liebermann s'adresse au ministre prussien de l'Éducation et de la Culture Gustav von Goßler qui le laisse faire et lui offre ainsi son appui de façon officieuse. Le journal La France lance, à la même époque à Paris, une campagne contre la participation de la Prusse.
Liebermann projette avec Menzel, Leibl, Trübner et von Uhde de présenter l'élite de la peinture allemande. La presse allemande lui reproche de servir les idées de la révolution. Le viel Adolph von Menzel prend alors à nouveau parti pour Liebermann et la première exposition de l'art allemand non officiel a lieu sur le sol français. L'Exposition universelle fait connaître Liebermann définitivement du grand public. À Paris, il est récompensé par une médaille d'honneur et est admis à la Société des Beaux-Arts. Il refuse la Légion d'honneur par égard au gouvernement prussien.
En 1889, Liebermann se rend à Katwijk où, en peignant Femme avec des chèvres dans les dunes, il prend pour la dernière fois la classe sociale comme sujet. Le succès grandissant, Liebermann trouve le loisir de se consacrer à des toiles représentant des scènes de vie plus légères. En 1890, il reçoit plusieurs commandes de tableaux de Hambourg, toutes grâce à l'aide d'Alfred Lichtwalk : outre un pastel de la Kirchenallee à Hambourg, il reçoit sa première commande de portrait. Le bourgmestre Carl Friedrich Petersen, à la vue de son portrait achevé fortement inspiré de la peinture de Hals, s'indigne. Le naturel du tableau sur lequel sa fonction de dignitaire semble être représentée de façon anecdotique par un costume historique le répugne. Aux yeux de Lichtwark, le portait du Bourgmestre est un véritable coup manqué. Liebermann remporte plus de succès avec son œuvre, Femme avec des chèvres dans les dunes pour lequel il reçoit la grande médaille d'or au printemps 1891, à l'exposition du Münchner Kunstverein, cercle d'art de Munich.

Liebermann à la tête de la Sécession berlinoise

Le 5 février 1892, est fondé à Berlin le groupe des XI qui réunit onze peintres. Le groupe des XI deviendra au cours des années suivantes la pierre angulaire de la future Sécession qui s'opposera aux idées conservatrices de l'école de peinture académique. La Sécession berlinoise se réunit tout d'abord dans la Kantstraße, puis déménage en 1905 vers le Kurfürstendamm, près du Romanisches Café et de l'atelier de la photographe Frieda Riess, ouvert en 1917. Selon Lovis Corinth, Liebermann était déjà, peu de temps après la fondation du groupe, le chef officieux des onze anarchistes. Sous l'influence de Guillaume II, s'intensifient les tendances réactionnaires dans la politique culturelle de l'empire. Les réactions des critiques d'art de la capitale face à la création du groupe d'artistes qui s'opposent au courant officiel sont très différenciées. La plupart d'entre eux dénigrent Liebermann et critiquent son coup de pinceau insolent mais personne ne lui dispute sa place de principal artiste berlinois.
Quelques mois avant la mort de sa mère en septembre 1892, alors que sa santé de celle-ci se détériore, Liebermann emménage avec sa famille dans le palais familial sur la Pariser Platz. C'est avec beaucoup d'autodiscipline qu'il suit son emploi du temps quotidien : il quitte le domicile à 10 heures pour s'isoler dans son atelier de l'Auguste-Viktoria-Straße et en revient à 18 heures.Je suis mes habitudes quotidiennes comme un parfait bourgeois ; je mange, je bois, je dors, je me promène et je travaille avec la régularité d'une horloge.
Le 5 novembre 1892, l'Association des artistes berlinois expose 55 toiles du peintre norvégien Edvard Munch. La critique s'indigne devant les œuvres qu'elles dénoncent comme les excès du naturalisme. Une demande urgente de réexamen devant la Cour d'Appel est rejetée, une seconde demande, en revanche, conduit à la réunion d'une assemblée générale de l'Association des artistes berlinois. Celle-ci décide, à 120 contre 105, de fermer l'exposition Munch. Cet événement provoque la scission définitive entre l'école conservatrice réactionnaire dont Anton von Werner devient le porte-parole au cours de cet incident, et l'école libérale moderne dont Max Liebermann est un des leaders. 60 autres membres indignés de l'Association fondent, le soir même de la décision, l'Association libre des artistes.
En 1893, Liebermann se rend à Rosenheim où il rencontre Johann Sperl et Wilhelm Leibl. L'année suivante à l'occasion d'une exposition à Vienne, il reçoit la grande médaille d'or pour son œuvre Femme avec des chèvres dans les dunes. À la mort de la mère de Liebermann en 1892, suit celle de son père Louis Liebermann en 1894. Peu avant la mort de celui-ci, Max Liebermann avait retrouvé son affection pour lui oubliant les anciennes querelles. Suite à cette réconciliation, sa mort lui pèse d'autant plus. Dans le même temps, il utilise ces impressions pour approfondir encore son travail et créer des peintures vibrantes.

À la mort de son père, Liebermann hérite de plusieurs millions. Il devient également le propriétaire de la maison sur la Pariser Platz. Il lui devient alors possible d'aménager à son goût sa résidence, inhabituellement luxueuse pour un artiste. Il fait appel à l'architecte Hans Grisebach pour la construction d'un escalier en colimaçon menant à son futur atelier dans les combles. Étant donné que la préfecture de police émet des réserves quant à la modification du bâtiment en raison d'un paragraphe figurant dans le contrat de vente, Liebermann décide de continuer à utiliser son atelier dans l'Auguste-Viktoria-Straße. Les toiles créées à cette époque sont impressionnistes, comme l'Avenue dans Overveen achevée en 1895. Liebermann continue à puiser son inspiration pour les nombreuses œuvres dans ses séjours réguliers aux Pays-Bas.
Parallèlement, il se consacre à la peinture de portrait. En 1895, il crée un portrait au pastel de son ami Gerhart Hauptmann pour lequel il remporte le premier prix à Venise.Liebermann reprend également son sujet favori des garçons se baignant car il s'intéresse au défi pictural des corps en mouvement à la lumière naturelle. Mais au lieu de créer comme autrefois des peintures conservatrices avec des compositions du mouvement classiques, il parvient à une représentation plus libre de la vie balnéaire. Il ne réussit à donner à ce sujet les traits impressionnistes que plusieurs années après.
En 1896, Hugo von Tschudi est nommé directeur de la Nationalgalerie, galerie nationale de peinture. Il s'intéresse aux impressionnistes français et se rend à Paris pour acquérir des toiles. Max Liebermann l'accompagne afin de le conseiller dans ses choix pour la Nationalgalerie. Alors que Tschudi s'apprête à acquérir l'œuvre de Manet Au Jardin d'hiver, Liebermann le lui déconseille étant donné que Berlin trouve le naturalisme scandaleux. Ce qui a nécessité plus d'une vie à Paris pour être admis, ne pourrait s'imposer du jour au lendemain en Allemagne. Grâce à Tschudi, Liebermann peut entrer en contact avec Edgar Degas qu'il rencontre à Paris. Il y reçoit également la Légion d'honneur avec l'accord du ministre de l'Éducation et de la Culture Robert Bosse. Après cela, Liebermann part pour dix jours à Oxford où son frère Felix reçoit la distinction de docteur honoraire de l'université. À Londres, il rencontre le peintre James McNeill Whistler dont la gravure à l'eau forte sur le modèle des grands maîtres laisse un souvenir indélébile dans l'esprit de Liebermann. Grâce à l'intervention du ministre prussien des Travaux publics Karl von Thielen, la préfecture de police de Berlin autorise la construction d'un atelier dans les combles du Palais Liebermann, alors que le peintre séjourne à Paris et Londres.

À l'occasion de son 50e anniversaire en 1897, l'Académie des Beaux-Arts consacre toute une salle d'exposition à Liebermann dans laquelle trente toiles, neuf dessins, trois lithographies et dix-neuf gravures peuvent être admirés. Après que l'Académie berlinoise conservatrice a connu une véritable défaite avec la célébration de son bicentenaire en 1892, elle s'ouvre peu à peu aux influences modernes. Cette tendance est illustrée par la remise de la grande médaille d'or à Liebermann. Celui-ci reçoit, de plus, le titre de professeur et est admis en 1898 à l'Académie, grâce au vote notamment d'Anton von Werner. Sa renommée artistique n'a, à cette époque, jamais été aussi grande.
Il connaît cependant, à cette même époque, une certaine régression dans son art. Liebermann passe les étés 1897 et 1898 à Laren. C'est là que sont créées les toiles Die Weberei in Laren tissanderie à Laren et Der Schulgang in Laren où le peintre reprend des éléments de composition appartenant à ses jeunes années qu'il pensait avoir dépassés.

Après que le jury sous la direction d'Anton von Werner a refusé une toile du peintre berlinois Walter Leistikow à la Grande exposition d'art de Berlin en 1898, celui-ci propose de fonder une communauté d'artistes indépendants. Max Liebermann est nommé président de ce groupe d'artistes libres, modernes.[34] Il est assisté pour la présidence des artistes Otto H. Engel, Ludwig Dettmann, Oskar Frenzel, Curt Herrmann et Fritz Klimsch. Liebermann ne s'est pas porté volontairement comme porte-parole de la Sécession, il fut, au contraire, poussé par ses collègues à en être le chef. Sa notoriété éveille l'intérêt du public pour la Sécession berlinoise.[35] Liebermann introduit les galeristes Bruno et Paul Cassirer comme secrétaires.
La présidence de la Sécession Berlinoise lors de la 2e exposition de la Sécession en 1900. Max Liebermann, 2e en partant de la droite.
Pour la 1e exposition de la Sécession en mai 1899, Liebermann a réussi à inviter également des artistes de Munich, Darmstadt et Stuttgart. Se joint également à eux la colonie d'artistes de Worpswede, Arnold Böcklin, Hans Thoma, Max Slevogt et Lovis Corinth. Ces derniers exposent pour la première fois dans la capitale. Les Berlinois se lancent dans des débats animés en faveur et contre la Sécession, qui suscitent un nouvel intérêt pour les arts plastiques. Le succès de l'exposition qui dépasse toutes les attentes avec ses 1800 visiteurs et ses chiffres de vente élevés est encore renchéri en 1900. Les expositions de la Sécession deviennent, sous la direction de Liebermann, un événement artistique européen.
L'arrivée de Corinth et Slevogt à Berlin, en 1901, change le rôle de la capitale dans le paysage artistique allemand. Alors que le déclin de Munich s'accélère, Berlin affirme sa place de capitale également dans les arts. Le recteur de l'Académie Anton von Werner essaie par tous les moyens de freiner l'ascension des courants modernes. Il va même plus loin que Guillaume II qui n'apprécie pas la Sécession mais la laisse tout de même exister. Tandis que la direction de l'Académie nie de plus en plus la réalité du paysage artistique, le gouvernement prussien, notamment le ministre de l'Éducation et de la Culture Heinrich Konrad Studt commence à concéder plus de liberté à l'art. C'est ainsi que Studt approuve le concept de Liebermann pour l'exposition universelle de 1904 à St Louis qui propose une représentation égale de la Sécession et de l'Académie. Von Werner refuse cette proposition dans ces termes : Ces mouvements sécessionnistes n'ont rien à voir avec la poursuite d'idéaux et les courants artistiques particuliers, ils ne servent que des intérêts futiles.

À l'été 1899, Liebermann séjourne à Zandvoort et Scheveningen. Il y poursuit son travail sur le tableau sur les garçons se baignant jusqu'à parvenir à une représentation insouciante de la vie balnéaire. Les motifs de la population rurale hollandaise aux mœurs spartiates disparaissent. Il recherche des motifs lui servant de base à un impressionnisme léger. C'est pourquoi il s'oriente, outre la vie balnéaire des gens cultivés avec de vagues représentations de cavaliers et de femmes, vers les jeux de lumière dans les jardins foisonnants. En 1901, il crée l'œuvre Maison de campagne à Hilversum sur le modèle de La Maison à Reuil d'Édouard Manet dont le jeu d'ombres et de lumières suggère l'harmonie et le calme. À l'été 1901, Liebermann visite le zoo d'Amsterdam. Il y découvre l'Allée des perroquets qui deviendra son sujet

En 1902, Liebermann se rend à nouveau à Hambourg et réside du 3 au 5 juillet 1902, sur l'invitation du directeur de la Kunsthalle de Hambourg, à l'Hôtel Jacob qui existe toujours aujourd'hui. Il est venu dans le but de peindre des vues des alentours de Hambourg pour la collection de toiles de Hambourg. Il crée, entre autres, la toile Polospiel in Jenischs Park jeu de polo au parc Jenisch et une de ses toiles les plus connues Terrasse du restaurant Jacob à Nienstedten au bord de l'Elbe. En 1903, apparaît sa première publication en tant que professeur de l'Académie des Beaux-Arts de Berlin sous le titre Die Phantasie der Malerei, dans laquelle il rejette catégoriquement toute création ne provenant pas de l'observation du réel. Pour la peinture, le sujet a, en fait, peu d'importance, il s'agit de trouver « les moyens picturaux permettant de reproduire au mieux la nature. Il rejette ainsi le nouveau mouvement de l'art abstrait, notamment l'expressionnisme. L'essai de Liebermann n'est pas une œuvre militante mais son plaidoyer personnel en faveur du naturalisme et de l'impressionnisme. Pour l'Avant-garde expressionniste, l'ennemi n'est plus la direction réactionnaire de l'Académie mais la direction de la Sécession impressionniste. En réaction à l'essai de Liebermann, Henry Thode et Hans Thoma dénoncent sa vision de l'art de la façon suivante : au sujet de son œuvre naturaliste antérieure, ils déclarent qu'ils n'ont pas l'intention de se laisser dicter les lois de l'art par le charbon échauffé de Berlin. Cette argumentation laisse déjà entrevoir la crise de la Sécession.
L'atelier de l'artiste, 1902 - dans son atelier sous les combles du Palais Liebermann, règne une ambiance de travail élégante et dynamique.
Lorsque la Sécession berlinoise quitte la Kantstraße en 1905 pour emménager dans un plus grand bâtiment d'exposition sur le Kurfürstendamm, Liebermann noue des contacts étroits avec le directeur de la Nationalgalerie, Wilhelm von Bode. En été, il peint à l'huile à Amsterdam la Judengasse qu'il a découverte trois décennies plus tôt. En septembre, il retourne à Hambourg pour réaliser une commande de Lichtwark consistant à peindre pour la Kunsthalle de Hambourg un tableau représentatif de neuf professeurs de Hambourg. La force créatrice de Liebermann a atteint son apogée. Depuis la mort d'Adolph Menzel qui l'a fortement influencé, il est devenu le seul représentant majeur de l'art berlinois.

En 1907, la Sécession Berlinoise consacre à son président une grande exposition commémorative qui attire un grand nombre de visiteurs. Liebermann passe son soixantième anniversaire à Noordwijk où il s'isole du bruit fait autour de sa personne. Depuis 1900, Liebermann s'intéresse de plus en plus au graphisme et au dessin au crayon. En 1908, la Sécession présente 59 de ses gravures à l'eau forte dans l'« exposition noir et blanc .

La Sécession en crise

Walter Leistikow qui, en tant que fondateur, constituait l'un des piliers de la Sécession Berlinoise décède en 1908. La santé de Liebermann se dégrade, elle aussi, à partir du printemps 1909 si bien qu'il part en cure à Karlsbad. C'est à ce moment qu'éclate le conflit de génération qui couvait depuis déjà longtemps entre impressionnistes et expressionnistes : en 1910, la direction de la Sécession sous la présidence de Liebermann refuse 27 toiles expressionnistes. Le président impose son avis sur l'expressionnisme et devient ainsi le porte-parole du conservatisme, lui qui se rebellait autrefois contre l'art académique. Par son attitude, il amorce le déclin du mouvement sécessionniste. Son adversaire dans ce conflit n'est autre qu'Emil Nolde qui écrit : Cet homme si intelligent se conduit comme d'autres hommes intelligents avant lui. Il ne connaît pas ses limites ; son œuvre ... s'effrite et s'effondre ; il essaie de la sauver, devient nerveux et emphatique. ... reconnaît combien que cela est voulu, faible et démodé. ... Lui même accélère l'inévitable, nous les plus jeunes, nous l'observons, sereins.
Nolde reproche à Liebermann sa haine du progrès ainsi que son pouvoir dictatorial au sein de la Sécession. Le premier reproche, du moins, est quelque peu contredit par les faits. En 1910, sont exposés pour la première fois des œuvres de Pablo Picasso, Henri Matisse, Georges Braque et des fauvistes. La direction de la Sécession est solidaire de son président et qualifie le comportement de Nolde de « grosse hypocrisie ». On réunit une assemblée générale qui, à 40 voix contre 2, s'exprime en faveur de l'exclusion de Norlde. Liebermann, quant à lui, a voté contre cette exclusion et déclare dans son plaidoyer : Je suis tout à fait opposé à l'exclusion de l'écrivain même au risque que des motifs semblables ... conduisent de nouveau à de telles opposions des plus jeunes

Bien que Liebermann sorte grandi de ce débat, Nolde a atteint son objectif : la Sécession est ébranlée dans ses fondements. En tentant de réhabiliter Nolde, Liebermann a voulu montrer sa tolérance mais le clivage du mouvement sécessionniste ne peut plus être stoppé. Nolde fonde la Nouvelle Sécession à laquelle adhèrent les peintres du mouvement Die Brücke et l'Association des artistes munichois NKVM. Au printemps 1911, Liebermann fuit la crise de la Sécession et se réfugie à Rome. La mort de son ami Jozef Israëls a lieu également à cette époque. Les critiques sur la façon de diriger de Liebermann sont de plus en plus véhémentes et finissent par s'immiscer dans les rangs des siens. Le 16 novembre 1911, Liebermann se retire de la Présidence de la Sécession Berlinoise. Max Beckmann, Max Slevogt et August Gaul quittent également la Sécession. L'assemblée générale fait de Liebermann son président d'honneur et confie la direction de la Sécession à Lovis Corinth. Cette décision marque la fin de la Sécession et scelle la disparition des impressionnistes allemands.

Dès 1909, Liebermann fait l'acquisition d'une parcelle de terrain au bord du lac Wannsee. Il y fait construire une maison de campagne par l'architecte Paul Otto August Baumgarten sur le modèle des villas patriciennes de Hambourg. Il appelle la villa Liebermann où il emménage à l'été 1910 son château au bord du lac. Liebermann s'y sent bien et apprécie son aménagement personnalisé. Le grand jardin qu'il a conçu avec Alfred Lichtwark lui procure une grande joie et servira de sujet à de nombreux tableaux de sa période tardive.
La première exposition annuelle de la Sécession, postérieure à l'ère Liebermann, qui a lieu en 1912 sous la direction de Corinth ne connaît aucun succès. Liebermann passe cet été-là à Noordwijk. Lors d'un séjour à La Haye, la reine Wilhelmine des Pays-Bas le décore de l'Ordre de la maison d'Oranie. L'université Friedrich-Wilhelm de Berlin le nomme docteur honorifique et il est invité, comme c'est depuis longtemps son souhait, à faire partie du sénat de l'Académie des Beaux-Arts. Les universités des Beaux-Arts de Vienne, Bruxelles, Milan et Stockholm l'acceptent comme membre. Tous les bourgeois berlinois ayant un rang et un nom commandent un portrait à Liebermann.
Au début de l'année 1913, Corinth ainsi que les autres membres de la direction de la Sécession quittent leurs postes. Paul Cassirer est nommé président. Le président d'honneur essaie d'empêcher la nomination de ce non-artiste mais il ne veut pas à nouveau ruer dans les brancards. Cassirer exclut de l'exposition annuelle de 1913 les membres qui ont voté contre lui durant l'assemblée générale. Contre toute attente, Lovis Corinth se range de leur côté. Liebermann et les anciens fondateurs de la Sécession quittent le groupe au cours de cette deuxième crise. En février 1914, est fondée finalement la Sécession libre qui poursuit la tradition du premier mouvement de la Sécession. Une hostilité symbolique, résultat de la sécession atrophiée et de la Sécession libre, règne entre Liebermann et Corinth. Corinth essaie jusqu'à sa mort de s'opposer à Liebermann dans la mesure de ses moyens et dresse, dans son autobiographie, un portrait de son collègue empreint de mépris. Ce dernier se retire de plus en plus de la scène publique et se consacre à son jardin au bord du lac Wannsee.

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Posté le : 19/07/2014 13:26
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Max Liebermann 2 suite
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La guerre

Trois semaines après le déclenchement de la Première guerre mondiale, Liebermann, âgé alors de 67 ans, écrit : Je travaille aussi calmement que possible en pensant que c'est ainsi que je sers le mieux les intérêts généraux. Malgré ces propos, il est sensible au patriotisme ambiant. Il se consacre à la propagande artistique de la guerre et dessine pour le journal Kriegszeit – Künstlerflugblätter, hebdomadaire publié par Paul Cassirer. Le premier numéro montre une lithographie de Liebermann représentant la foule amassée devant le Château de Berlin à l'occasion du discours de partis de Guillaume II au début de la guerre. Liebermann interprète les paroles de l'empereur comme une exhortation à servir la cause nationale au-delà des barrières sociales. Sa place de marginal en tant que Juif et artiste peut être ainsi occultée du moins en apparence à cette époque. L'appel prosémite de l'empereur À mes chers juifs l'encourage à apporter sa contribution civile à la guerre. L'ancien pionnier du mouvement sécessionniste est rendu entièrement à la cause de l'empire. Il s'identifie à la politique Burgfrieden du chancelier Bethmann Hollweg qui essaie de faire fi des contradictions au sein de la société allemande. Bethmann Hollweg nourrit des convictions plus libérales que son prédécesseur. Liebermann fait son portrait en 1917 dans une lithographie.
À l'automne 1914, Max Liebermann fait partie des 93 signataires, rassemblant professeurs, écrivains et artistes de l'appel Au monde civilisé dans lequel les crimes de guerre allemands sont réfutés six fois de suite par l'expression Il n'est pas vrai !. À la fin de la guerre, il commentera cet appel dans des termes pleins d'autocritique : Au début de la guerre, on ne tergiversait pas longtemps. On était solidaire avec son pays. Je sais bien que les socialistes sont d'un autre avis. ... Je n'ai jamais été socialiste et on ne le devient plus à mon âge. Toute mon éducation, je l'ai acquise ici, toute ma vie, je l'ai passée dans la maison où vivaient déjà mes parents. Et la patrie allemande vit dans mon cœur comme un idéal intouchable et immortel.

Il rejoint, en 1914, la Société allemande regroupant, sous la présidence du libéral conservateur Wilhelm Solf, des personnalités publiques pour s'entretenir de questions politiques et privées. La seule condition d'adhésion est de ne pas appartenir à un courant politique particulier mais de vouloir défendre la politique Burgfrieden du chancelier Bethmann Hollweg. Plus la guerre s'accentue, plus Liebermann se retire dans son intimité, dans sa maison de campagne au bord du Wannsee. Au début de la guerre en revanche, même la peinture de portraits se limite au début uniquement aux militaires, comme Karl von Bülow. Dès l'éclatement de la guerre, Liebermann devient le peintre portraitiste incontesté de la bourgeoisie berlinoise. Quiconque est fier de son nom, se laisse faire une peinture à l'huile par Liebermann. C'est ainsi que se constitue une collection considérable de portraits qui conforte Liebermann dans sa place de peintre contemporain. Son enthousiasme pour la guerre lui vaudra plus tard des critiques acerbes. L'écrivain d'art Julius Meier-Graefe écrit au sujet des lithographies parues dans Kriegszeit : Certains abandonnent tout aujourd'hui et découvrent soudain de nouveaux motifs à la guerre, d'autres donnent un sabre à leur joueur de polo et s'imaginent en faire un vainqueur.

À l'exception de deux cures à Wiesbaden en 1915 et en 1917, Liebermann ne quitte plus Berlin. Il ne passe plus ses étés aux Pays-Bas mais à Wannsee, tandis qu'il vit sur la Pariser Platz l'hiver. Sa famille n'est pas dans le besoin mais face aux aléas de l'approvisionnement, elle transforme les parterres de fleurs de sa maison de campagne en potager. En mai 1915, la fille du peintre Käthe Liebermann épouse, à presque 30 ans, le diplomate Kurt Riezler qui, en tant que conseiller de Bethmann Hollweg entretient d'étroites relations avec le monde de la politique. C'est cette année-là que décèdent Anton von Werner, véritable symbole d'une ère révolue, ainsi qu'Emil Rathenau, le cousin de Liebermann. La génération des fondateurs trépasse et une nouvelle époque s'amorce.
En avril 1916, l'essai de Liebermann Die Phantasie in der Malerei, L'imagination dans la peinture est édité pour la première fois sous forme de livre. Dans l'introduction retravaillée, il écrit : Les conceptions de l'esthétisme ont-elles jamais été aussi déroutantes qu'aujourd'hui ? Alors qu'un jeune historien de l'art nommé Wilhelm Worringer écrit depuis les tranchées de Flandre que la guerre ne décide pas seulement de l'avenir de l'Allemagne mais aussi de la victoire de l'expressionnisme.. Lorsqu'en 1916, le journal Kriegszeit, suite au désenchantement face à la guerre, change son nom en Bildermann , Liebermann cesse d'y contribuer. À la place, il se consacre pour la première fois à l'illustration des nouvelles parutions en 1916 et en 1917 de Nouvelle et de Der Mann von fünfzig Jahren, L'homme de cinquante ans de Goethe et de Petits écrits de Kleist. Le style de ses illustrations crée une atmosphère typique des tournants dramaturgiques et ne se prête pas à la narration, c'est pourquoi il ne réussit pas à percer dans ce domaine et délaissera les illustrations pendant 10 ans.
En 1917, l'Académie des Beaux-Arts de Prusse propose une grande rétrospective des œuvres de Liebermann pour fêter ses 70 ans. Près de 200 toiles sont exposées. Julius Elias nomme les honneurs rendus au peintre une consécration. Le directeur de la Nationalgalerie Ludwig Justi successeur de Tschudi lui promet son propre cabinet. Guillaume II autorise l'exposition-anniversaire et décore Liebermann de l'Ordre de l'Aigle Rouge de troisième classe. Le décoré constate avec satisfaction que Sa Majesté a enterré la hache de guerre en ce qui concerne l'art moderne. Walther Rathenau publie dans le quotidien Berliner Tageblatt un essai sur l'exposition: Les œuvres de Liebermann mettent en scène la nouvelle Prusse mécanisée des grosses villes. ... Le fils des villes, du patriciat juif, de la culture internationale était destiné à remplir cette fonction. Il fallait que ce soit un homme d'esprit et de volonté, de combat, de passion et de réflexion.
Le 18 janvier 1918, a lieu la cérémonie d'ouverture du cabinet Max Liebermann de la Nationalgalerie. Le discours d'inauguration est tenu par le ministre de l'éducation et de la culture Friedrich Schmidt-Ott. Quelques semaines plus tard, 500 000 ouvriers se mettent en grève rien qu'à Berlin - l'empire est au bord du gouffre. Lorsque la Révolution allemande éclate enfin, Liebermann réside dans sa maison sur la Pariser Platz. Les monarchistes y ont installé des mitrailleuses, c'est pourquoi son palais est pris d'assaut par les soldats révolutionnaires. Après qu'une balle a percé la paroi du premier étage pour venir se planter dans le salon, les défenseurs se rendent. Suite à cet incident, Liebermann met à l'abri sa précieuse collection de toiles et déménage avec sa femme pour quelques semaines dans la maison de sa fille. Liebermann voit les changements politiques d'un mauvais œil. Il est, certes, en faveur de l'institution de l'égalité du droit de vote en Prusse et des réformes pour faire de l'empire une démocratie parlementaire mais pour lui, c'est « tout un monde, quand bien même il est pourri », qui s'écroule. Déjà en 1917, il regrette le départ de Bethmann Hollweg et voit dans la républicanisation la fin de l'espoir en une monarchie parlementaire. Nous avons, entre temps, traversé de sales périodes. ... Berlin est en haillons, sale et noir la nuit, une ville morte. À cela s'ajoutent des soldats qui vendent des allumettes ou des cigarettes dans la Friedrichstraße ou Unter den Linden, des aveugles joueurs d'orgue de barbarie en uniforme moisi ; en un mot : misérable.

Les dernières années

Une fois la guerre et la révolution passées, Liebermann revêt en 1920 la fonction de président de l'Académie prussienne des arts de Berlin. Les sécessionnistes continuent à exister en parallèle jusqu'à ce qu'ils disparaissent sans bruit. La nomination de Max Liebermann comme président de l'Académie met un terme de facto à l'époque du mouvement sécessionniste. Il essaie de regrouper les différents courants sous l'égide de l'Académie et y intègre aussi l'expressionnisme. Dans le discours d'ouverture de l'exposition de l'Académie, il s'exprime en ces termes : Quelqu'un qui a fait l'expérience, dans sa jeunesse, du rejet de l'impressionnisme, se gardera bien de condamner un mouvement qu'il ne comprend pas ou ne comprend plus, notamment en tant que directeur de l'Académie, qui, aussi conservatrice soit-elle, se figerait totalement si elle désapprouvait systématiquement la jeunesse.Avec ce discours, il retrouve son attitude libérale du temps précédant la crise de la sécession et essaie de tirer, avec tolérance, les rênes de l'Académie.
Contraint de rebâtir l'institution impériale en ruines, Liebermann parvient à lui donner une structure démocratique, un enseignement libre et à lui attirer le respect de l'opinion publique. Grâce à son intervention, Max Pechstein, Karl Hofer, Heinrich Zille, Otto Dix et Karl Schmidt-Rottluff sont admis à l'Académie.
En 1922, Walther Rathenau est assassiné par des activistes d'extrême droite. Liebermann est profondément choqué par ce meurtre commis sur un proche et un compagnon. À côté des nombreuses œuvres sur son jardin, il réalise des lithographies pour l'ouvrage de Heinrich Heine Le rabbin de Bacharach et des dessins en hommage aux soldats juifs morts au front. Le 7 octobre 1924, décède son frère cadet Felix Liebermann qui lui a toujours été un ami. Et deux jours après, Liebermann doit faire face à la mort de son proche Hugo Preuß, le père de la Constitution de Weimar. Le peintre se renferme de plus en plus sur lui et se réfugie dans son jardin. Il apparaît souvent renfrogné et grincheux aux yeux de son entourage.
Malgré tout, il continue à prôner un art progressiste mais aussi politique, bien que ses propres œuvres soient considérées soit comme des classiques, soit comme démodées. C'est ainsi qu'il soutient la toile La tranchée d'Otto Dix qui représente la noirceur de la Guerre mondiale et à laquelle on reproche d'être une « croûte tendancieuse. Pour Liebermann, il s'agit d'une des œuvres les plus significatives de l'après-guerre. D'un autre côté, il polémique contre Ludwig Justi qui expose les expressionnistes à la Nationalgalerie. Ses attaques publiques constituent un triste chapitre de sa biographie. En septembre 1926, Max Liebermann s'exprime dans le journal Jüdisch-Liberale Zeitung. Dans l'édition de Yom Kippour, il affirme publiquement sa foi à laquelle il se consacre davantage avec la vieillesse. De plus, il aide financièrement l'orphelinat juif Ahawah et l'association caritative juive Jüdischer Hilfsvere

En 1927, Liebermann revient sur le devant de la scène publique : les médias et le monde artistique le célèbrent, lui et son œuvre, à l'occasion de son 80ème anniversaire. Parmi les congratulants, on trouve, outre l'archétype berlinois Zille, également des personnages internationaux tels qu'Albert Einstein, Heinrich et Thomas Mann ainsi que Hugo von Hoffmannstal. Encore aucun artiste n'a été aussi honoré par sa ville natale que Liebermann par Berlin lui offrant une exposition-anniversaire de plus de 100 toiles. Son œuvre est entrée parmi les classiques. Son style autrefois provocateur fait l'effet en 1927 d'un document d'une autre époque. C'est pourquoi le vieux Liebermann réplique, dans le catalogue de l'exposition, aux critiques qui lui reprochent son retranchement hors du monde et son conservatisme : Le fléau de notre époque est de toujours rechercher la nouveauté ... : le véritable artiste n'aspire à rien d'autre que de devenir celui qu'il est.
La ville de Berlin lui décerne le titre de citoyen d'honneur après de vifs débats au conseil municipal. Le Président du Reich Paul von Hindenburg décore Liebermann de la Grande Croix de l'ordre de l'Aigle germanique comme remerciement de la part du peuple allemand. Le Ministre de l'intérieur Walter von Keudell lui décerne la médaille nationale d'or gravée des mots pour ses mérites envers l'état.
À la fin de l'année 1927, Liebermann fait le portrait du Président du Reich Hindenburg. Bien qu'il ne l'appuie pas politiquement, il accepte volontiers cette commande et la considère comme un honneur. Il renonce dans sa toile à utiliser tout élément pathétique pour la représentation. Les séances de pose avec son modèle qui est du même âge sont empreintes de respect mutuel et de sympathie. Le « Vieux maître du courant moderne allemand » voit dans Hindenburg un vieux patriote prussien qui ne peut basculer dans la déraison. Liebermann écrit : Récemment, un journal pro-hitlérien a écrit- on me l'a envoyé - c'est une honte qu'un Juif fasse le portait du Président du Reich. Je ne peux qu'en rire. Je suis persuadé que si Hindenburg l'apprend, il en rira aussi. Je ne suis qu'un peintre. Qu'est-ce que la peinture a à voir avec le judaïsme ?.
En 1932, Liebermann tombe gravement malade. C'est pour cette raison qu'il libère son poste de Président de l'Académie et devient président d'honneur. Grâce aux soins de son ami le médecin Ferdinand Sauerbruch, le peintre recouvre la santé. Les portraits qu'il fait de Sauerbruch constituent la fin de son œuvre portraitiste et en sont l'apogée. Pour la dernière fois, il se tourne vers un nouveau motif.
En janvier 1933, a lieu la prise de pouvoir des Nazis. Alors que la retraite au flambeau des nouveaux hommes au pouvoir défile devant sa maison sur la Pariser Platz, Liebermann prononce dans son dialecte berlinois la célèbre phrase maintes fois citée :

...." Ick kann jar nich soville fressen, wie ick kotzen möchte " :je ne pourrai jamais assez manger pour vomir autant que je le souhaite

Liebermann ne se risque cependant pas à faire front aux changements s'amorçant dans la politique culturelle, comme le firent par exemple Käthe Kollwitz et Heinrich Mann. « Le plus naturel serait de démissionner. Mais cela passerait, de la part du Juif que je suis, pour de la lâcheté. En mai 1933, le lendemain de l'autodafé de livres, il quitte toutes ses fonctions officielles et explique à la presse : Pendant toute ma longue vie, je me suis toujours efforcé de servir l'art allemand. » Je suis persuadé que l'art n'a rien à voir avec la politique ni avec les origines, je ne peux donc plus faire partie de l'Académie des Beaux-Arts ... étant donné que mon opinion n'est plus respectée..
Il se retire de la scène publique et rares sont les compagnons qui le soutiennent et lui restent fidèles. Seule Käthe Kollwitz recherche encore sa compagnie. En 1934, est créé un dernier autoportrait. Liebermann avoue à un de ses derniers visiteurs : « Je ne vis plus que par haine. ... Je ne regarde plus par les fenêtres de cette maison - je ne veux plus voir le nouveau monde qui m'entoure.
Le 8 février 1935, Max Liebermann décède dans sa maison de la Pariser Platz. Käthe Kollwitz rapporte qu'il s'est endormi silencieusement à sept heures du soi. Le masque mortuaire est réalisé par le jeune sculpteur Arno Breker qui sera plus tard controversé en raison de son rôle d'artiste préféré d'Hitler et de son attachement au Nazisme. La photographe Charlotte Rohrbach photographie le masque en plâtre.
Les médias n'accordent aucune attention à son décès qui n'est mentionné qu'en marge. L'Académie des Beaux-Arts devenue entre-temps un instrument des Nazis refuse d'honorer son ancien président. C'est ainsi qu'aucun représentant officiel n'apparaît à son enterrement au cimetière juif de la Schönhauser Allee, le 11 février 1935 - ni l'Académie, ni la ville dont il est le citoyen d'honneur. La Gestapo avait interdit à l'avance la participation à ses obsèques afin qu'elles ne donnent pas lieu à une manifestation pour la liberté artistique. Cependant, près de 100 amis et proches y assistent. On compte parmi les personnes présentes, Käthe Kollwitz, Hans Purrmann, Konrad von Kardorff, Otto Nagel, Ferdinand Sauerbruch avec son fils Hans, Bruno Cassirer, Max Jakob Friedländer, Friedrich Sarre et Adolph Goldschmidt. Dans son discours funèbre, Karl Scheffler fait remarquer que ce n'est pas seulement un grand artiste que l'on enterre mais aussi toute une époque dont il est le symbole.
Peu avant sa déportation au camp de concentration de Theresienstadt, sa femme prend une surdose de véronal et décède le 10 mars 1943 à l'hôpital juif de Berlin. Le Palais Liebermann sur la Pariser Platz ne tarde pas à tomber en ruines.

Ses Å“uvres

Dans l'orphelinat, Amsterdam, 1881/1882 – autrefois à la Nationalgalerie, aujourd'hui au Städelsches Kunstinstitut de Francfort-sur-le-Main
Écrits
Briefe. Lettres choisies par Franz Landsberger, nouvelle édition complétée par Ernst Volker Braun. Hatje, Stuttgart 1994.
Die Phantasie in der Malerei – Schriften und Reden. Avec une préface de Karl Hermann Roehricht et une postface de Günter Busch. Buchverlag Der Morgen, 2ème édition. Licence de la maison d'édition S. Fischer Verlag, Frankfurt am Main 1986.
Gesammelte Schriften. Cassirer, Berlin 1922.
In memoriam Paul Cassirer. Oraison funèbre à l'occasion lors des funérailles, le 7 janvier 1926, prononcée par Max Liebermann et Harry Graf Kessler. Avec une notice nécrologique de René Schickele. Cranach-Presse, Weimar 1926.
Jozef Israels. Cassirer, Berlin 1911.
Illustrations
Micha Josef Bin-Gorion éditeur : Die Geschichte von Tobias. Traduction de Rahel Ramberg de la version en hébreu. Inselverlag, Leipzig 1920.
Theodor Fontane : Effi Briest. Inselverlag, 11ème édition. Frankfurt am Main 1994. Avec 21 lithographies de Max Liebermann.
Johann Wolfgang von Goethe : Der Mann von fünfzig Jahren. Cassirer, Berlin 1922.
Johann Wolfgang von Goethe : Die Novelle. Cassirer, Berlin 1922.
Johann Wolfgang von Goethe : Gesammelte Gedichte. 4 volumes. Cassirer, Berlin 1911.
Eduard Grisebach : Der neue Tanhäuser. Avec des lithographies de Max Liebermann. J. G. Cotta'sche Buchhandlung, Stuttgart et Berlin 1922.
Heinrich Heine : Der Rabbi von Bacherach. Propyläen-Verlag, Berlin 1923.
Gottfried Keller : Der schlimm-heilige Vitalis: Eine Legende. Avec 1 lithographie de Max Liebermann. F. Heyder-Verlag, Berlin 1924.
Thomas Mann : Gesammelte Werke in 10 Bänden. S.-Fischer-Verlag, Berlin 1925.
Das Buch Ruth. Propyläen-Verlag, Berlin 1924.
Répertoire des œuvres, catalogues :
Katrin Boskamp : Studien zum Frühwerk von Max Liebermann mit einem Verzeichnis der Gemälde und Ölstudien von 1866 bis 1889. Hildesheim 1994. ISBN 3-487-09897-0
Matthias Eberle : Max Liebermann. Werkverzeichnis der Gemälde und Ölstudien. Hirmer. 1995. 1440 pages. ISBN 3-7774-6760-X
Kunstanstalt Stengel : Katalog der Zeichnungen und Aquarelle von Max Liebermann. Dresden 1927.
Max Liebermann : Werke und Schriften. Répertoire numérique des œuvres sur DVD. Directmedia Publishing, Berlin 2008.
Max Liebermann : Gartenlokal an der Havel, 1916

Réception et critique

En février 1936, l'Association des Juifs Allemands Kulturbund Deutscher Juden organise une exposition commémorative dans la Nouvelle synagogue de Berlin un an après la mort de Liebermann. Elle attire près de 6 000 visiteurs en l'espace de six semaines. Lorsque Martha Liebermann décède en 1943, tout l'héritage est confisqué au profit du Reich allemand. Cela concerne non seulement des toiles qu'il avait réalisées lui-même mais aussi des pièces de la collection Liebermann. Max Liebermann avait, en effet, regroupé de son vivant une des plus grandes collections d'arts privée de Berlin, comprenant notamment quelques œuvres de Manet. En confisquant la collection, le régime nazi s'empare d'une collection unique qui n'a jamais pu être reconstituée sous sa forme d'origine. À l'époque du nazisme, les œuvres de Liebermann sont qualifiées, elles aussi, d'art dégénéré. Pourtant, seules six toiles sont retirées des musées. La proscription de son œuvre concerne moins ses travaux dans lesquels on ne peut reconnaître une expressivité extraordinaire mais davantage sa personnalité. En tant que bourgeois juif, libéral qui a reçu des honneurs nationaux sous la Constitution de Weimar et jouit d'une renommée internationale, Liebermann n'est pas, pour les idéologues nazis, un artiste dont il faut préserver la mémoire. Peu de temps après la prise de pouvoir s'amorce donc une lente réduction des fonds de toiles de Liebermann dans les collections publiques. Lors des bombardements, quatre toiles sont détruites. 114 des œuvres acquises avant 1933 restent dans l restent dans les musées jusqu'en 1945.
Le portrait de Wilhelm von Bode, 1904, est représentatif de l'œuvre portraitiste de Liebermann. Dès 1947, il a pu être à nouveau exposé à la Nationalgalerie.
À l'occasion du centenaire du peintre, des œuvres rescapées de la guerre sont exposées le 20 juillet 1947 à la Nationalgalerie. Le Niedersächsisches Museum de Hanovre et la Kunsthalle de Hambourg exposent, dans le même temps, les tableaux de Liebermann qui ont été conservés. Deux ans plus tard, le directeur de la Nationalgalerie Paul Ortwin Rave rouvre plusieurs salles. C'est ainsi que six toiles de Liebermann Dans l'orphelinat, Amsterdam, L'atelier du cordonnier, Les plumeuses d'oie, La grange au lin, Portrait de Wilhelm von Bode et Portrait de Richard Strausssont exposées de façon permanente. Au cours de décennies suivantes, le nombre d'œuvres de Liebermann présentes dans les musées allemands augmente sans cesse grâce au retour des travaux reçus en héritage ou des nouvelles acquisitions. Il a doublé depuis 1945. Les œuvres principales de Liebermann sont entrées dans les collections ouest-allemandes, y mettant de nouveaux accents ; citons par exemple La Blanchisserie en 1954 au Wallraf-Richartz-Museum de Cologne ou l'Allée aux perroquets en 1955 à la Kunsthalle de Brême. Des dons de collectionneurs privés et des restitutions s'ajoutent à cela. En 1954, le Niedersächsisches Landesmuseum organise une exposition à l'occasion du 20ème anniversaire de la mort du peintre, avec le parrainage du Président de la République Fédérale Theodor Heuss qui s'est battu en faveur de l'acquisition des œuvres de Liebermann par les musées ouest-allemands. Cet événement fait figure de redécouverte par un large public. Comparée à la réhabilitation de ses œuvres dans les collections, l'étude historico-artistique de Max Liebermann se fait très modeste pendant les premières décennies de l'après-guerre. En 1947, apparaît à Potsdam un fascicule avec 48 reproductions des œuvres majeures de Liebermann, accompagnées d'un essai de Willy Kurth. En 1953, la biographie de Liebermann publiée en 1906 par Karl Scheffler est rééditée. Elle s'articule autour de la constatation que le révolutionnaire d'hier est devenu le classique du temps présent. La publication se conclut par ces mots : Il est, en Allemagne, le dernier peintre bourgeois de grand talent. En 1961, apparaît la première nouvelle monographie consacrée à l'œuvre de Liebermann. Son auteur, Ferdinand Stuttmann, essaie d'y expliquer la longue absence d'une nouvelle étude historico-artistique de l'œuvre de Liebermann. D'après lui, le visage des arts plastiques a complètement changé si bien que l'art de Liebermann n' offre plus, à l'après-guerre, matière à une nouvelle représentation »29. Stuttmann se perçoit comme un historien de l'art et veut rendre justice à la personnalité historique de Liebermann.

La blanchisserie 1882/1883 fait partie des nouvelles acquisitions des musées ouest-allemands à l'après-guerre, son acquéreur étant le Wallraf-Richartz-Museum à Cologne.
Tandis que la RFA cherche, d'un côté, à se joindre au développement international de l'art dont elle a été exclue sous le régime nazi et réhabilite, d'un autre côté, les œuvres historiques, la situation évolue tout à fait différemment en RDA : un réalisme socialiste émerge sous l'influence soviétique. Les œuvres des artistes du passé qui critiquent la classe dominante, sont déclarées patrimoine national et doivent soutenir l'effort socialiste. C'est ainsi que Max Liebermann, en tant que Juif prussien humaniste et bourgeois progressiste, est rattaché à la cause socialiste. Dissocié de la tradition incarnée par Menzel, Franz Krüger et Carl Blechen, il est présenté dans la lignée de Käthe Kollwitz, Heinrich Zille et Hans Baluschek31. En 1965, a lieu une exposition de l'Académie des Beaux-Arts à Berlin-Est où sont montrés des œuvres de jeunesse de Liebermann et ses portraits. La toile La grange au lin, Laren soulève beaucoup de controverses. Stuttmann écrit à son sujet : Liebermann crée, sans intention aucune, une image accusatrice de la situation sociale de son temps. Karl Römpler réfute cette thèse dans son ouvrage paru en 1958 à Dresde Der deutsche Impressionismus L'impressionnisme allemand : Il manque à un tableau comme La grange au lin ... l'accusation d'un système qui n'hésite pas à exploiter les jeunes. Liebermann se montre ici digne de sa classe sociale. Günter Meiszner pense, au contraire, reconnaître dans le tableau une profession de foi envers les travailleurs comme il l'écrit dans sa monographie la première en RDA à tendance marxiste de Liebermann, parue en 1974 à Leipzig. Cela montre combien les discussions autour de l'œuvre de Liebermann sont enflammées et souvent politisées. En 1973, Karl-Heinz et Annegret Janda publie une représentation détaillée de la collection d'arts de Liebermann. En 1970, paraît Max Liebermann als Zeichner Max Liebermann, le dessinateur à l'occasion d'une exposition à l'Institut de l'histoire des arts de
l'université de Mayence. Il faut attendre la fin des années 1970 pour qu'ait lieu une exposition comparable à la grande exposition de l'œuvre complète de 1954. Les petites expositions comme celle de 1968 Max Liebermann in Hamburg Max Liebermann à Hambourg ne permettent que d'entrapercevoir la production artistique de Liebermann. La plupart du temps, ses œuvres apparaissent dans de vastes expositions regroupant aussi d'autres artistes de son époque. De cette façon, les travaux de Liebermann sont souvent exposés à l'étranger, notamment aux États-Unis. Son œuvre n'a cependant pas acquis une notoriété internationale - le nom de Max Liebermann reste intimement lié à l'interprétation allemande de l'impressionnisme faisant figure de retardataire par rapport au reste de l'Europe. Il appartient donc, en histoire de l'art, aux pointures nationales en Allemagne mais sur la scène internationale, il ne figure qu'au deuxième rang des impressionnistes.
En 1979/1980, la Neue Nationalgalerie à Berlin-Ouest abrite l'exposition Max Liebermann in seiner Zeit Max Liebermann à son époque. Depuis la construction du Mur de Berlin, une grande rétrospective a été rendue impossible par l'absence des tableaux possédés par l'Allemagne de l'Est. Cette exposition tente de montrer Liebermann dans le contexte des œuvres de ses contemporains allemands, français et américains. En 1985, la RDA commémore le 50ème anniversaire de sa mort avec l'exposition noir et blanc Schwarzeiß-Ausstellung dans le cabinet des estampes des Staatliche Museen musées nationaux. Elle est tenue grâce aux dessins et impressions des fonds est-allemands. Plusieurs monographies telles que les ouvrages biographiques de Bernd Küster et Lothar Brauner paraissent à l'Est et à l'Ouest à l'occasion du 50ème anniversaire de sa mort. Depuis la Réunification allemande, Liebermann a connu un regain d'intérêt. Plusieurs grandes rétrospectives ont pu rassembler tous les aspects de son œuvre et la création de la Max-Liebermann-Gesellschaft Société Max Liebermann en 1995 qui compte, entre temps, plus de 1200 membres a rendu la Villa Liebermann à Wannsee accessible au grand public. Après des travaux de restauration et de reconstruction entre 2002 et 2006, touchant également le jardin à Wannsee, un musée permanent a été ouvert pour honorer la mémoire de Max Liebermann et étudier son œuvre. En 2006/2007, a eu lieu une exposition commune du Niedersächsisches Landesmuseum, du Drents Museum à Assen et du Rijksmuseum à Amsterdam, intitulée Max Liebermann et les Hollandais titre néerlandais : Max Liebermann en Hollande qui a fait connaître les œuvres de Liebermann au public néerlandais. Le livre Wir sind die Liebermanns Nous sommes les Liebermann de Regina Scheer est publié en 2006. Ce best-seller présente au grand public l'histoire de la famille Liebermann et connaît une bonne résonance dans le monde.

Liens
http://youtu.be/tz1y5TgkgfU Diaporama
http://youtu.be/lQq3VWcfQwM Liebermann et l'influence des impressionistes Français


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Posté le : 19/07/2014 13:23

Edité par Loriane sur 20-07-2014 14:49:29
Edité par Loriane sur 20-07-2014 14:56:37
Edité par Loriane sur 21-07-2014 22:58:52
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Re: Les expressions
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« Tailler des croupières »


Occasionner des difficultés, des embarras.
Faire obstacles à des projets.



Non, je ne vais pas vous emmener aujourd'hui aux tables de jeu d'un casino : une croupière n'est pas une femme croupier.

Il s'agit, mais les autres n'ignorent pas que la croupière est une longe qui est reliée à la selle d'un cheval, qui passe sur sa croupe d'où le nom, puis sous sa queue et qui est destinée à empêcher la selle de remonter vers le garrot.

Au XVIIe siècle, à une époque où les blindés n'existaient pas encore et où le cheval était le seul 'véhicule' de combat, tailler des croupières, c'était "combattre rudement" et "mettre en fuite", par allusion aux cavaliers qui galopaient à la suite et suffisamment près des ennemis en fuite pour, de coups d'épée ou de lance, couper leurs croupières et, ainsi, les déstabiliser et provoquer leur chute.

C'est des difficultés ainsi occasionnées à l'ennemi que, par extension, l'expression a pris son sens actuel.

Même s'il est parfois utilisé dans certains magazines, le mot 'croupière' avec ce sens ne semble pas, pour l'instant, être accepté par l'Académie.

Posté le : 19/07/2014 10:01
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Re: Les bons mots de Grenouille
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L'humour, c'est l'amour d'entendre rire les gens qu'on aime. Nicolas Certenais


ENFIN LES VACANCES ….. !!!
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CITATIONS CHOISIES:
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- " Être en vacances, c'est n'avoir rien à faire et avoir toute la journée pour le faire."
Robert Orban, écrivain


- " Si l'on passait l'année entière en vacances, s'amuser serait aussi épuisant que travailler."
William Shakespeare


- " Vacances : Période ou l'on dépense beaucoup d'argent pour savoir à quoi ressemble la pluie dans les autres parties du globe. "
Robert Orban, écrivain

- " Le farniente est une merveilleuse occupation. Dommage qu'il faille y renoncer pendant les vacances, l'essentiel étant alors de faire quelque chose."
Pierre Daninos,


- " On ne saurait aller cherche trop loin le plaisir de rentrer chez-soi. "
Paul Morand


-" On n'a jamais autant besoin de vacances que lorsqu'on en revient."
Ann Landers, journaliste américaine

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- " Les vacances c'est la période qui permet aux employés de se souvenir que les affaires peuvent continuer sans eux."
Earl Wilson


- " La meilleure condition de travail, c'est les vacances. "
Jean-Marie Gourio, humoriste français


- " Il est étonnant de voir que les gens passent plus de temps à préparer leurs prochaines vacances que leur avenir.
Patricia Fripp, Conférencière américaine


- " Jouer : Le mois de jouer est le premier mois des vacances. Après vient le mois doux, puis le mois de s'étendre.
Pef, Scénariste et illustrateur humoristique

- " Je pensais que les vacances me videraient la tête. Mais non, les vacances, ça ne vide qu'une chose : le porte-monnaie. "
Jean-Philippe Blondel, Ecrivain


- "Il n'y a d'homme plus complet que celui qui a beaucoup voyagé, qui a changé vingt fois la forme de sa pensée et de sa vie. "
Alphonse de Lamartine, Poète français (1790-1869)
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- " Un touriste, c'est quelqu'un qui parcourt des milliers de kilomètres pour se faire photographier devant sa voiture."
Emile Genest, Acteur canadien (1921-2003)


- " En Provence, le soleil se lève deux fois, le matin et après la sieste."
Yvan Audouard, Auteur-Journaliste, Français.


- " On n'a jamais vu un aveugle dans un camp de nudistes."
Woody Allen, Réalisateur.


- " SI vous voulez aller sur la mer, sans aucun risque de chavirer, alors, n'achetez pas un bateau : achetez une île ! "
Marcel Pagnol, Cinéaste français.


- " Vacances: Période de vie professionnelle durant laquelle les questions relatives à la pérennité de votre poste de travail sont résolues à votre insu par votre supérieur et de tierces personnes intéressées à prendre votre succession."
Anonyme


- " Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux."
Marcel Proust


- " Nous avons hésité un moment entre un divorce ou des vacances. Nous avons pensé que des vacances aux Bermudes, c’est fini en deux semaines alors qu’un divorce, ça dure toute la vie."
Woody Allen


- " Pourquoi, en vacances, s'obstine-t-on à choisir douze cartes postales différentes alors qu'elles sont destinées à douze personnes différentes?"
Sacha Guitry


- " Mon mari m'a dit qu'il voulait passer ses vacances dans un endroit où il n'était jamais allé. J'ai répondu: «Et pourquoi pas la cuisine?»
Nan Tucket


- " Des moyens accrus et des loisirs accrus sont les deux agents de civilisation de l’homme."
Benjamin Disraeli


- " Le loisir, voilà la plus grande joie et la plus belle conquête de l'homme."
Rémy de Gourmont


- " On voyage pour changer, non de lieu, mais d'idées."
Hippolyte Taine

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- « Je déteste les vacances. Pourquoi rester assis sur la plage si l’on peut employer ses journées à construire des immeubles. ».
Philip Johnson


- " Je reviens de vacances, et j'suis crevé dis donc. Je sais pas qui a dit que partir c'est crever un pneu mais il avait raison."
Coluche


- " Les seules vacances de l’homme sont les neuf mois qu’il passe dans le sein maternel… "
San-Antonio


- " Le farniente est une merveilleuse occupation. Dommage qu'il faille y renoncer pendant les vacances, l'essentiel étant alors de faire quelque chose."
Pierre Daninos

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- " Si j'étais médecin, je prescrirais des vacances à tous les patients qui considèrent que leur travail est important."
Bertrand Russell, Mathématicien et philosophe anglais (1872-1970)

- " Heureux le touriste qui a tout vu avant l'arrivée des touristes ! "
Bernard Arcand, Anthropologue canadien

- " Rien de tel que des vacances ratées pour vous réconcilier avec une vie de labeur "
Arnold Bennett, auteur anglais

- " Un vacancier qui pique-niquait sur une plage a été attendri par les sardines à l'huile qu'il s'apprêtait à manger, et les a relâchées dans la mer. "
Marc Escayr


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D' Où VIENNENT LES VACANCES:
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C'est l'apparition des civilisations urbaines qui amène la naissance du concept des vacances.
Cette tradition s'enracine dans la vie urbaine par opposition au monde agricole qui, à cause du climat, ne dicte pas un rythme de travail continu tout au long des saisons. En ce sens, à la campagne, les périodes de vacances s'intercalent naturellement à travers de périodes de travail et de labeur.

Au Moyen Âge, il existe déjà des "vacances" en Europe. Celles-ci correspondent aux temps des moissons et des vendanges en été, période où les universités ferment leurs portes afin de permettre aux étudiants de travailler dans les champs.

Un peu plus tard, au XIXe siècle, les vacances deviennent une coutume répandue dans l'aristocratie et la bourgeoisie. Elles correspondent à la période de l'année où les classes supérieures de la société quittent leurs demeures principales (qui deviennent vacantes) afin de se rendre dans les résidences secondaires et profiter de la nature, du grand air et des bienfaits du climat marin pour la santé. Le romantisme est à son apogée.

Du côté de l'Angleterre, l'économie est en avance sur son temps. Les Anglais ont été les premiers à populariser les stations balnéaires, d'abord sur leurs côtes, puis de l'autre côté de la Manche (Deauville, Dinard, etc.) et enfin dans le sud de la France (sur la Côte d'Azur: Nice, Cannes et Marseille).

Vers de la fin des années quarante, avec l'apparition des congés payés ( 1936 )qui se concentrent dans la période estivale, les vacances deviennent plutôt un moment où l'on bouge, où l'on voyage et découvre de nouveaux horizons. C'est un moment d'aventure et de découverte qui maintient toutefois l'idée du ressourcement et du laisser vivre.

Avec le développement de la publicité et les enjeux commerciaux qu'elles représentent, les vacances deviennent incontournables bien qu'elles restent inaccessibles encore à un grand nombre de personnes et de familles.
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départ en vacances en 1936

Fixés à quinze jours à l'origine, les congés payés minimum obligatoires se sont allongés au xxe siècle par l'action législative : de deux semaines en 1936, ils passent à 3 en 1956, puis à 4 en 1969 et enfin à 5 semaines en 1982.

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REFLEXIONS :
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Dans la vie, on est obligé de se taper tous les moments sans intérêt que la littérature évite soigneusement : les petits pipis, les files d'attente, les jours où il pleut tellement qu'on ne peut pas sortir, les semaines de vacances où les autres sont partis et pas nous, les trois minutes qu'il faut au micro-ondes pour réchauffer le repas. .. La liste est infinie. Si on réfléchit, la vie est même beaucoup plus pleine de ce genre de moments idiots que d'instants cruciaux.
[ Agnès Desarthe ]

- Les mères de famille sont les seuls travailleurs à ne pas avoir de vacances.



UN DES PLAISIRS ( ! ) DE L' ETE …. LES INSECTES ! :
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de Pierre Desproges

n.m., du latin insectus, sous le tabouret. Ainsi le mot insecte désigne-t-il un animal si petit qu’il peut (à l’aise) passer sous un tabouret sans ramper, alors que le python, si.

Les insectes sont des invertébrés de l'embranchement des articulés. Il n'y a pas de quoi se vanter. Leur corps, généralement peu sensible à la caresse, est entouré d’une peau à chitine d’aspect volontiers dégueulasse. Il se compose de trois parties :
La tête, avec deux antennes que l’enfant aime à couper au ciseau pour tromper son ennui à la fin des vacances, deux gros yeux composés à facettes et peu expressifs au-delà du raisonnable, et une bouche très dure garnie d’un faisceau redoutable de sécateurs baveux dont la vue n’appelle pas le baiser.
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Le thorax, lisse et brillant, affublé d’un nombre invraisemblable de pattes est le plus souvent garni de deux paires d’ailes dont la finesse des nervures ne manque pas de surprendre, chez un être aussi fruste. C’est grâce à ses ailes que l’insecte peut vombrir, signalant ainsi sa présence au creux de l’oreille interne de l’employé de banque assoupi.
L’abdomen, divisé en gros anneaux mous et veloutés est percé sur les côtés de maints trous faisant également office de trachées pulmonaires. (« Ce qui est étrange, chez la libellule, c'est qu'elle respire par où elle pète. » MAURICE GENEVOIX, Humus.)
Il existe plusieurs millions d’espèces d’insectes. Certains vivent en Seine-et-Marne, au Kenya, ou sur un grand pied, tel le cafard landais qui, comme le berger du même nom, vit juché sur des échasses pour dominer fièrement les ordures ménagères dont il est friand.

Certains insectes, comme la mouche des plafonds, possèdent des ventouses sous les pattes qui leur permettent de se coller aux ptères.




LES VACANCES DE COLUCHE :
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On a été à Lisieux, on a mit le pied dans la grotte...
Du pied gauche ça porte bonheur hein.
J'voyais pas bien l'intérêt, j'étais dis : "Lisieux tout le monde en parle, c'est surtout les infirmes que ça intéresse."
Ceux qu'on été à Lourdes sûrement, on leur a dit : - "Ça vous à rien fait, il vous reste Lisieux pour pleurer", j'sais pas.
Je sais pas hein j'dis ça, c'est une connerie.
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On a fait plein de pays, on a fait la Turquie.
Alors la Turquie c'est nul.
Déjà que les Turcs y restent mais que les autres y aillent, non j'vois pas, non.
Et alors ils parlent que Turc hein les Turcs.
Moi j'parle un peu le Turc, mais sous la torture, sans ça…

J'ai été au Chili aussi c'est bien, mais seulement, à 6 heures et quart, tout est fermé au Chili.
J'ai vu un flic dans la rue au Chili, il a demandé a un mec :
- Qu'est-ce t'en pense toi ?
- Ben comme vous
- Ben j't'arrête alors

Non pour nous pour les vacances y'a un pays qu'est bien, qu'a gardé ces traditions, c'est la Suisse.
Non parce qu'au moins c'est propre quoi on attrape pas, on peut attraper que des médicaments en Suisse, on peut pas attraper d'maladies voyez.
Et puis au moins y'a pas de pauvres ou alors ils sont pas Suisses.
Ils ont gardé les traditions le matin on fait la gymnastique à la radio :
"Levez, baissez, levez, baissez...
Bon maintenant on va faire l'autre paupière".

Moi c'que j'ai surtout détesté à l'étranger, à part les étrangers eux mêmes évidemment, c'est surtout qu'ils parlent pas Français.
Et selon les pays où qu'on va, ils parlent pas le même étranger.
T'apprends l'étranger, tu vas ailleurs, tu sais plus parler avec les mecs.
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T'arrives à Dakar, avec un plan acheté à Paris, y'a pas une rue qui correspond.
Ils disent qu'ils veulent développer le tourisme, y s'foutent de notre gueule... Quand même un p'tit peu, hein, quand même un p'tit peu.

Et surtout c'qu'est désolant c'est la bouffe.
En France on bouffe quand même très bien.
Moi j'suis pas chauvin, hein, j'suis même pas Français.
Mais on bouffe bien hein.
Mon vieux, les mecs ils économisent 11 mois, le 12ème mois ils arrivent aux Indes on leur donne des boulettes, ils les donnent aux chiens ils les mangent pas.

T'arrives dans des pays ils mangent de la merde !
Ils pourraient faire gaffe quand même on est à table.
Et puis alors j'sais pas comment y s'démerdent mais t'as vite fait de manger épicé hein.
Pas en même temps, pas en même temps hein, mais déjà hein.
Ah dis donc la douane le lendemain, lha, lha, t'as intérêt à mettre des caleçons bout filtre hein.

J'suis allé en Grèce aussi, en bateau, le capitaine a dit : - "Tout l'monde a fini d'écrire ? Je jette l'ancre".
Bon, on a accosté j'suis pas resté la Grèce c'est très pauvre.
Quand ils mangent du poisson ils gardent la queue pour peindre.
J'vous dis la misère qu'y a dans ces pays là.

L'Afrique y parait qu'c'est plus bien maintenant.
Avant c'était bien quand y'avait que des noirs.
Mais maintenant qu'il y a trop de blancs il parait que c'est pas bien.
C'est un blanc qui m'a dit ça.
Il parait l'Afrique c'est bien, sauf quand ils gueulent à table, c'est toi qui bouffent, mais sans ça le reste c'est sympa, c'est sympa ouais.

Les arabes aussi ont fait beaucoup de progrès.
Maintenant y'en a des riches hein.
Y'en a aussi des pauvres hein rassurez vous hein.
Vous allez pas être obligés de bosser tout de suite.
Enfin moi j'suis pas allé en Arabie, j'les ai vu à Cannes.
J'ai vu à l'hôtel y'a un émir qu'est arrivé, et puis il a finit par repartir aussi...
Adieu l'émir on t'aimait bien.
Il est arrivé... non, j'l'aime bien...
il est arrivé à l'hôtel il s'est mit l'doigt dans la porte, il a dit : - "Vite, vas m'acheter une clinique !"

Alors, j'ai fais l'Ecosse en autocar j'vous l'conseille pas hein;
c'est un peu comme l'Australie en kangourou, faut pas l'faire.

J'ai été la Suède, la Suède c'est gentil.
Bon la Suède ils jouent bien au tennis.
Moi j'aime mieux le ping-pong moi personnellement hein.
Y'a pas de quoi crâner avec le tennis, c'est pareil que le ping-pong sauf qu'ils sont debout sur la table hein, bon.

Heu, la Laponie c'est sympa, j'ai été réveillé un matin :
- "Boum boum. Police, qu'est ce que vous avez fait dans la nuit du 23 novembre au 27 avril ?"
- "Ben heu…"

L'Espagne aussi c'est bien, puis c'est pas loin au moins.
Faut pas y aller en camion, mais c'est sympa.

Mais dis donc ce que je savais pas l'Espagne c'est à quel point c'est pauvre.
Y'a pas de viande.
La boucherie c'est un cirque.
D'ailleurs c'est dans un cirque.
Ils tuent les boeufs à l'épée, vous saviez ça ?
Ils lâchent un boeuf, et y'a un mec qui rentre avec un costard à paillettes, pratiquement habillé en poisson.
Parce que ils ont pas de viande mais les bouchers sont bien sappés.
Il arrive là le mec, il court après avec son épée, il l'énerve avec son manteau et tout et à chaque fois qu'il le rate les mecs qu'attendent pour bouffer : - "Olé ! !"
Y'a un boeuf, y'a un monde !
Le mec qui le tue il a 2 oreilles et la queue, c'est pour vous dire la misère.

Y'a la Chine aussi qu'a ouvert ces portes maintenant.
La Chine : plus on est de fous, moins y'a de riz.
C'est sympa la Chine, tout le monde peut y aller, les blancs, tout le monde.
Alors j'ai parlé avec un Chinois, moi qui parlait un peu le Turc.
J'ai dis "Mais...", j'ai dis :
- "Mais ça vous emmerde pas de voir les blancs arriver chez vous, ils ont fait que des conneries les blancs, même chez eux...
Vous craignez pas le mélange ?"
Il m'a dit : - "On ne craint pas le mélange vous savez... Dans un oeuf y'a du blanc et du jaune...
Et ben quand on mélange, y reste plus que du jaune hein !"
-- Coluche 1979



ET CELLES DE PATRICK TIMSIT :
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Il y a une chose qu'est bien, c'est les vacances.

C'est une agence de voyage qui m'a conseillé.... Bien !
Sur le catalogue y avait marqué : "Koumac, beau pays, pas cher le billet".

D'abord "beau voyage" sur une compagnie qui s'appelle Charter, t'en as pour ton pognon : 45 heures de vol.
Paris Bruxelles, Bruxelles Londres, Londres Barcelone, Barcelone Los Angeles, Los Angeles Grenoble, Grenoble Koumac.

Et quand tu arrives là-bas la première chose que tu fais, tu dors. Forcement il faut que tu récupères.
J'ai dormi 77 heures. Je me suis réveillé un mercredi à minuit j'avais une patate d'enfer.

Seulement là-bas, à minuit, il n'y a rien à faire tout est fermé.
Parce qu'on dit 12 heures de décalage horaire, mais point de vue niveau de vie, il y a trois siècles de décalage horaire.
Pendant 1 semaine je me suis réveillé à minuit. Les nuits sont belles, longues mais belles. Mais longues.
Et puis j'ai été malade, j'ai perdu 12 kilos, mais c'est de ma faute. J'ai fais une connerie : j'ai bu un verre d'eau.
C'est de ma faute. J'avais soif, la connerie !
Là-bas c'est soda quinine, quinine soda. En boite : whisky quinine, mais quinine.
Faut pas s'amuser à boire l'alcool local, eux ils le boivent, toi tu le mets dans ta mobylette tu montes à 160 !

L'hôtel est bien. Oui, attention, la photo de l'hôtel sur le prospectus, c'est le projet.

La plage, elle existe au nord de l'hôtel, à 50 km de brousse. Pour aller à la plage, tu pars la veille.
Et quand t'arrives là-bas bien, le soleil : présent, bien. Il tape : 40 degrés à l'ombre.
Là-bas, y a pas d'ombre. Là-bas, le soleil, ce n'est pas ton ami.
Là-bas, c'est crème solaire, indice de protection 18-20 xl, xxl, tee shirt manche longue en coton, parce que, là-bas, le nylon, quand ça fond, ça brûle !
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La mer : bleue, chaude et pas de requins. Trop dangereux, ils ne viennent pas les requins.

Du coup mer dangereuse, soleil agressif, alcool nocif, tu visites.
Forcement Koumac, tu ne visites pas par plaisir. Vraie nature, celle d'avant, hostile.
Là-bas tu vis avec des cuissardes : oublie les Rangers. Oui parce que les scorpions ça dort dans les Rangers.
Et puis ça a le sommeil léger, dès que tu mets le pied tu le réveilles et c'est pas du matin les scorpions.
De toute façons, je ne pouvais pas les mettre les Rangers.
Après la première piqûre je chaussais du 82, je ne mettais plus que des Adidas : pas les chaussures, les sacs de sport.

A l'agence ils m'avaient dit de me méfier des moustiques, j'avais amené de la citronnelle : erreur ! il faut un lance-flammes : des vrais moustiques, gros comme des libellules, à coté, des scorpions, c'est peace and love.
Ah, ils ne te piquent pas les moustiques là-bas, ils t'empalent. Ils te pompent trois litres de sang à chaque voyage.
Moi il m'ont chopé les pectoraux, j'avais les seins de Samantha Fox.

Avec mes Adidas aux pieds y a un orang-outan qui est tombé amoureux de moi.
Il ma collé pendant une semaine et puis, l'orang-outan, tu dis oui une fois, il te passe la bague au doigt.
Hostile la nature !

Par contre le retour, tout seul dans l'avion, mais le luxe, tout le monde au petit soin pour toi...
je ne voyagerais qu'avec Europe assistance !





QUELQUES HEBERGEMENTS INSOLITES EN FRANCE :
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Avec les oiseaux …

Cliquez pour afficher lOù sont les indiens ?



Cliquez pour afficher l Décollage imminent ...



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Au fil de l'eau


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Les années folles …


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La citadelle Vauban


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Avec les nomades Mongols, la yourte …


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Au sommet du pic du Midi ...


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La fibre bohème …


0Cliquez pour afficher l
Vingt cinq marches, mais quelle vue !!


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OVNI pour buller


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A 15 m. du sol !!


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Don Quichotte n'à bien se tenir !


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Flottante ou sur pilotis, retour à la nature ...


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La dernière mode venue de l'étranger, chambres d'hôtes dans un tonneau; vin gratis ?



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A la belle étoile .. ou presque



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Le bus Impériale, rien que ça ! et avec salle de bain ...



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Une île déserte ? presque


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La caravane vintage aux chromes rutilants ...!


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La belle étoile… sans les moustiques !


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Renversant, la barque retournée des pêcheurs ...


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La conquête de l'ouest ...


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Très tendance, dormir au milieu des animaux sauvages



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Un nid douillet à 7 m. du sol...



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La suspension de la Deudeuche vaut tous les sommiers du monde ….



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Pour vivre heureux vivons cachées.. dans un troglodyte



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Un hôtel quatre étoiles pour les plus grandes chapelle ...


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Dorrmir dans un Mont Blanc !


Rien de tentant ?? alors voici :

LES TROIS HOTELS LES PLUS CHERS DU MONDE :
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3eme Le Palm Ressort de Las Vegas 29 000 € la nuit



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2 eme Le Lagonissi Ressort d' Athènes 39 500 € la nuit


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le 1er Le Président Wilson à Genève 45 000 € la nuit


BOF ..!
.



SURPRENANT : LE MOT " NUIT "
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L’ origine du mot NUIT:

La lettre N est le symbole de l’infini.

Dans de nombreuses langues européennes, le mot NUIT est formé par la lettre "N" ,et suivie du numéro 8 dans la langue respective.
La lettre "N" est le symbole mathématique de l'infini, suivi du nombre 8, qui symbolise aussi l'infini.

Ainsi, dans toutes les langues, NUIT signifie l'union de l'infini.

FRANCAIS : nuit = N + huit

Voici quelques exemples :

PORTUGAIS : noite= n + oito
ANGLAIS : night= n + eight
ALLEMAND : nacht= n+ acht
ESPAGNOL : noche= n+ ocho
ITALIEN : notte= n+ otto

ET ENCORE ……

8 + N

néerlandais achat nacht
suédois aetta natta
roumain opt noapte
wallon ût nut
occitan uèch nuèch
catalan vuit nit
gascon ueit nueit
picard uit nuit
piedmontais eut neuit
espéranto ok nokto

CURIEUX, NON ?




[size=x-large]ILS ONT DE LA REPARTIE:
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On faisait compliment à madame Denis, nièce de Voltaire, de la façon dont elle venait de jouer Zaïre à l'une des représentations théâtrales privées de son oncle à Ferney :

« Hélas, fait-elle remarquer, pour bien interpréter ce rôle, il faudrait être belle et jeune. ! »

« Vous êtes bien la preuve du contraire. » lui répond Voltaire.

-------------

Un ami d'Albert Einstein lui présente un jour son fils de dix-huit mois. L'enfant dévisage un court instant le scientifique avant de se mettre à hurler.

Einstein, en caressant la tête du bambin : " Tu es la première personne depuis des années qui me dise vraiment ce qu'elle pense de moi. "

--------------

Un homme à une jeune femme "collante" :

Lui : « Le champagne vous rend jolie ! »
Elle : « Du champagne ? Je n'en ai pas bu une seule coupe ! »
Lui : « Oui, mais moi j'en suis à ma dixième ! »

---------------




DOUBLE VISION:
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=

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LA PHOTO :
==========

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Bonne semaine à Tous !
Grenouille

Posté le : 18/07/2014 23:15

Edité par Grenouille sur 19-07-2014 11:24:32
Edité par Grenouille sur 19-07-2014 19:28:05
Edité par Grenouille sur 19-07-2014 19:52:41
Edité par Grenouille sur 19-07-2014 20:05:34
Edité par Grenouille sur 19-07-2014 20:09:18
Edité par Grenouille sur 19-07-2014 20:10:45
Edité par Grenouille sur 20-07-2014 18:03:08
Edité par Grenouille sur 20-07-2014 18:03:51
Edité par Grenouille sur 20-07-2014 18:05:32
Edité par Grenouille sur 20-07-2014 18:07:01
Edité par Grenouille sur 20-07-2014 18:15:37
Edité par Grenouille sur 20-07-2014 18:32:37
Edité par Grenouille sur 20-07-2014 18:45:48
Edité par Grenouille sur 20-07-2014 18:57:25
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Edité par Loriane sur 02-08-2014 12:20:57
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Edité par Loriane sur 02-08-2014 12:34:00
Edité par Loriane sur 02-08-2014 12:42:25
Edité par Loriane sur 02-08-2014 13:24:11
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Re: On va danser !!!
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Alexis,

L'univers que tu décris est dur, cruel. Ton texte est puissant et je reste scotchée par tes descriptions fortes.
Merci de ne pas nous avoir fait languir.

Bonne vacances

Arielle,

Quel plaisir de retrouver ton personnage fétiche de Clothilde. La voilà enfin casée ? Il ne faut pas qu'il la laisse cuisiner tout de même. Monsieur au fourneau pour plus de sécurité. J'ai bien ri.
Merci.

Je table sur le sujet et je reviens.

Posté le : 18/07/2014 20:28
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Re: On va danser !!!
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Tes personnages sont souvent perdus dans des mondes impitoyables Alexis. C'est un univers de polar futuriste que j'aime bien.

Posté le : 18/07/2014 16:01
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Re: Les expressions
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« A plein badin »


À toute vitesse.


Il faut avoir fréquenté le milieu de l'aviation pour comprendre l'origine de cette expression dont l'explication sera simple et courte.

C'est en 1879 que naît Raoul-Edouard Badin, officier français passé par SupAéro , promotion 1910)
. L'histoire ne nous dit pas si ce monsieur avait un tempérament badin, mais il avait au moins quelques neurones opérationnels, puisqu'en 1914 il a inventé cet anémomètre qui, dans les avions, permet de mesurer la vitesse de l'aéronef par rapport à l'air et qui depuis s'appelle, je vous le donne en mille, un badin.
De là, il est facile d'imaginer que, lorsque l'aiguille du badin tutoie le taquet de blocage de droite, c'est que l'avion est à plein badin.

C'est une image : il n'y a en général pas de taquet bloqueur d'aiguille sur un badin et la vitesse maximum n'est pas forcément affichée à droite .

Posté le : 18/07/2014 12:14
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Re: Les expressions
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« Un navet ! »


Un mauvais tableau ! ancien
Un mauvais spectacle / film !


Ce terme n'est pas vraiment une expression, mais comme il mérite qu'on s'y attarde un peu quand même...

Pourquoi ce légume peu engageant et au goût fade, certes est-il devenu le symbole d'une oeuvre complètement ratée ?

Selon certains, c'est au XIIIe siècle qu'il faut remonter, puisqu'à cette époque, le mot était déjà employé au figuré pour indiquer une valeur de nullité ou minime, peut-être parce que c'était un légume extrêmement répandu et au coût très faible.
Ce sens ne s'est ensuite jamais complètement perdu "des naveaulx !" -variante du mot 'navet'- était au XVIe siècle une expression de refus, comme "des nèfles !" ou notre "que dalle !" aujourd'hui, et c'est au milieu du XIXe siècle qu'un mauvais tableau est alors affublé du nom de 'navet', avant que ce terme soit transposé aux pièces de théâtre et aux films.

Duneton donne une autre explication qui n'est pas incompatible avec la précédente, au moins pour l'usage de la dénomination à partir du XIXe.

À Rome, dans le jardin du Belvédère, se trouve depuis longtemps une statue antique d'Apollon, longtemps considérée comme un symbole de la perfection.
Mais à la fin du XVIIIe siècle, les jeunes artistes français qui passaient là-bas n'étaient pas complètement d'accord avec cette perception de la haute qualité de l'oeuvre et la surnommaient "le navet épluché" en raison de sa blancheur et de la forme allongée et lisse des membres sans musculature apparente.
Cette statue ayant été transférée à Paris par Napoléon en 1798 mais elle est retournée à Rome depuis, la moquerie l'accompagna et le terme péjoratif finit par s'étendre, au milieu du XIXe, aux tableaux mal dessinés ou mal peints.
Et lorsque le cinématographe prit de l'ampleur, c'est assez naturellement que le 'navet' désigna des films bâclés, sans intérêt ou ne répondant pas aux attentes des spectateurs

Et les bretons facétieux qui ne comprenaient pas cette expression posaient toujours la question "Quels naveaulx ?" devenue ensuite "Qué navo ?" tout comme en Espagne, on dit "Qué rideaux ?", puis... Ah ?! On me signale en régie que le 'kenavo' breton ne vient pas de là. Bon tant pis !

Posté le : 17/07/2014 10:56
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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