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François. Pétraque 2 suite
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L’installation à Arqua

En 1367, Pétrarque quitta la Sérénissime République avec sa fille Francesca et son gendre Francescuolo da Brossano pour se rendre à l’invitation de Francesco de Carrare, seigneur de Padoue. Le poète acheta alors une maison à Arqua, dans les Monts Euganéens.
Là, il apprit l’entrée triomphale d’Urbain V dans Rome le 16 octobre 1367. Pétrarque afficha une joie sans retenue. Il en fit part à son ami Francisco Bruni : "Jamais mes paroles n’ont égalé ce que je pense de ce pontife. Je lui ai fait des reproches que je croyais justes, mais je ne l’ai pas loué comme je voulais. Mon style a été vaincu par ses mérites. Ce n’est point l’homme que je célèbre, c’est cette vertu que j’aime et que j’admire avec étonnement.
Le 30 mai 1368, Urbain V décréta Barnabò Visconti coupable de révolte contre l’Église et prêcha la croisade contre lui. Le pape désirait que Charles de Luxembourg en prenne la tête. Pétrarque quitta Arqua pour se rendre à Udine auprès de l’empereur et participer à la guerre contre les Visconti.
Deux ans plus tard, alors qu’il se rendait à Rome auprès d’Urbain V, une syncope frappa le poète. Le 4 avril 1370, il dut rédiger son testament.
Quand, en 1373, Grégoire XI annonça à son tour son intention de retourner à Rome, Pétrarque en fut comblé d’aise. Un an auparavant, désespéré, il avait rédigé son Apologia contra Gallum, où il réfutait la thèse favorable au maintien de la papauté en Avignon.
Cette année-là, le poète, fatigué par l’âge, accepta quand même de reprendre sa toge d’ambassadeur pour aider son ami Francesco de Carrare. Battu par les Vénitiens, ce dernier devait non seulement verser une forte rançon mais aussi livrer son fils en otage. Ce fut Pétrarque qui l’accompagna à Venise afin de le recommander au doge Andrea Contarini.
Pétrarque mourut à Arqua, le 19 juillet 1374, terrassé par une crise d’apoplexie. Sa fille le retrouva la tête reposant sur un livre. Francesca lui fit élever un mausolée et son gendre fut son exécuteur testamentaire.

Laure et la poésie Du Canzoniere...

Épouse de Hugues de Sade ou personnage anonyme idéalisé ? La représentation réaliste de Laure dans ses poèmes contraste avec les clichés des troubadours et de l'amour courtois. Sa présence lui causait une joie inexplicable mais son amour non partagé lui fit endurer un désir insoutenable. Plus que Laure, c'est le poète lui-même qui est le personnage central. Au fil de chaque poème, il déroule l'inquiétude de celui qui n'est plus très sûr des valeurs morales de son époque .
Partagé entre l'amour profane - il confesse son vil penchant pour les femmes - et la conception médiévale de l'amour - Laure, comme Béatrice, devant lui montrer la voie qui conduit au salut - Pétrarque se réfugie dans le rêve et magnifie dans ses vers ce qui pourrait être la réalité.
Marc Maynègre résume en deux phrases cette philosophie du poète : Cette mise en scène, cette contemplation de lui-même, vont devenir contemplation esthétique, œuvre d'art. La Beauté devient alors l'Idéal du Poète.
Maria Cecilia Bertolami constate : Dès le premier sonnet, le Canzoniere se présente comme l'histoire exemplaire d'un échec. L'amour pour Laure, tel qu'il est décrit dans le premier sonnet du recueil, est un giovenile errore qui a conduit le poète à osciller constamment fra le vane speranze e il van dolore .
Pétrarque a canalisé ses sentiments en poèmes d'amour exclamatifs plutôt que persuasifs et son œuvre montre son dédain envers les hommes qui harcelaient les femmes. À l'époque de la mort de Laura en 1348, le poète considérait son chagrin aussi difficile à vivre que l'était son précédent désespoir :
Dans mon jeune âge, j'ai lutté constamment contre une passion amoureuse débordante mais pure - mon seul amour, et j'aurais lutté encore si la mort prématurée, amère mais salutaire pour moi, n'avait éteint les flammes de la passion. J'aimerais certainement pouvoir dire que j'ai toujours été entièrement libre des désirs de la chair mais je mentirais en le disant.
Ève Dupperay, éminente pétrarquienne, commente : Pétrarque reprend le thème néoplatonicien de l'amour comme médiateur entre le profane et le sacré. La poésie de Pétrarque est essentiellement une anagogie car elle se veut à la fois l'expression de l'extériorité des sentiments et de l'intériorité de la conversion .
Et ce durant toute sa vie, c'est l'analyse que fait Pier Giorgio Ricci à partir du Canzioniere et des Triomphes, ses deux œuvres majeures en langue vulgaire : « Les désirs, les espérances, les angoisses, les tristesses de Pétrarque furent toujours les mêmes, à trente ans comme à soixante ans. C'est une remarque importante parce qu'elle révèle que le climat spirituel de Pétrarque n'eut point de développements quand bien même la disposition des poèmes du Canzioniere voudrait démontrer une ascension progressive de l'humain au divin, fait confirmé par les Triomphes qui manifestent également l'intention de considérer comme atteint ce port tranquille toujours convoité par le poète.

... au Triomphe de l'Amour

Si, dans le Canzionere, Laure n'existe qu'à travers les effets qu'elle provoque dans l'âme du poète, il en va tout autrement dans les Trionfi. Commencé en 1354, ce poème allégorique est un testament spirituel où triomphent, tour à tour, le Désir et la Chasteté, la Mort et la Gloire, le Temps et l'Éternité. Ève Dupperay commente ainsi cette œuvre : Ce poème en langue italienne, en tercets d'hendécasyllabes à la manière dantesque, participe à l'œuvre la plus expérimentale de Pétrarque. Il s'inscrit dans une structure emboîtante de six Triomphes distribués en douze chapitres selon le schéma combatif et homicide du vaincu-vainqueur-vaincu où les abstractions personnifiées terrestres Amour, Chasteté, Mort, Renommée et célestes Temps, Éternité s'affrontent et s'efforcent crescendo sous un pouvoir plus irréductible dans un mécanisme qui s'accélère en degrés ascendants avec une unique triomphatrice : Laure.
Dans cette épopée amoureuse, le poète adresse à sa muse provençale cette question qu'il avait laissée sans réponse dans le Canzoniere :
L'amour fit-il jamais naître dans votre esprit la pensée d'avoir pitié de mon long tourment ?
Quittant enfin sa froideur habituelle, Laure déclare son amour à Francesco :
Jamais loin de toi ne fut mon cœur, jamais ne le sera.
Et le poète lui fait préciser :
En nous l'ardeur amoureuse était égale, avec toi était mon cœur, mais je n'osai porter mes yeux sur toi.
Alors que le Canzoniere se clôt avec une invocation au nom de la Vierge Marie, les Triomphes se terminent sur celui de Laure, son éternel amour.
Une Laure qui renvoie à quelque chose de plus haut, à une splendeur qui n'est plus humaine mais qui, cependant, garde et exalte cette humanité, explique Maria Cecilia Bertolami. Ce que confirme Pierre Dubrunquez pour qui Pétrarque, toujours hésitant entre attrait et retrait du monde, développe dans son œuvre : Une sensibilité si neuve qu'elle ne sait pas encore ce qu'elle perçoit, et une conscience qui cherche dans son patrimoine spirituel une règle de conduite pour en user.
C'est ce que laisse entrevoir Pétrarque dans une lettre adressée à l'un de ses amis :
La part la plus considérable de la vie se passe à mal faire, une large part à ne rien faire, toute la vie à ne pas être à ce que l'on fait. Me citeras-tu un homme qui attribue une valeur réelle au temps, qui pèse le prix d'une journée, qui comprenne qu'il meurt un peu chaque jour ?
Sénèque, Lettre à Luciliu
Dans ce conflit entre l'humain et le divin, Pier Giorgio Ricci souligne que, dans chacune des œuvres du poète, il est possible de trouver des allusions au temps qui s'envole, à notre vie qui n'est qu'une course rapide vers la mort, au monde qui va, lui aussi, vers une fin inéluctable.

Modernité de Pétrarque

Pétrarque a occupé dans l'histoire de la poésie et de la culture de l'Europe chrétienne et moderne une place exceptionnelle : jamais peut-être écrivain n'exerça influence aussi décisive ni aussi prolongée ; cette influence ne se limite pas en effet au champ de la littérature, elle embrasse la vie morale et politique. Si cette présence a pu être à ce point efficace, c'est qu'elle n'a cessé de rayonner, par la parole comme par la plume, qu'elle s'est imposée par le truchement d'un enseignement rigoureux et éloquent, par une œuvre prodigieuse ainsi que par une inlassable activité d' inventeur des trésors de la science et de l'art antiques ; des textes que l'on croyait perdus ont été retrouvés par ses soins ; philologue rigoureux autant que délicat, il en a illuminé d'autres par une lecture pénétrante et originale.
Sa poésie sublime, ses Nugellae vulgares, bagatelles auxquelles il tenait, à preuve le zèle amoureux avec lequel il les a tout au long de sa carrière polies et repolies, ses profondes réflexions morales et spirituelles, sa connaissance à la fois analytique et synthétique de l'histoire, sa croisade passionnée en faveur des humanités, toute son œuvre gigantesque tend à un même but et l'atteint : apporter en le dépassant une solution au problème séculaire de la conciliation du monde antique et de la culture païenne avec le monde chrétien et la foi ; l'identité fondamentale des âmes humaines – découverte qu'il proclame avec force – lui est occasion constante à des retours au passé, à des rencontres, à des rapprochements, à des affirmations de vérités semblables, à des époques et sous des cieux divers. Les paroles de saint Augustin qui, au cours de l'ascension du mont Ventoux, flamboyèrent devant les yeux de son âme, Les hommes s'en vont admirer les cimes des montagnes, l'immensité de l'océan, les révolutions des astres et ils se détournent d'eux-mêmes pourraient servir de devise à sa vie et à son art.
Depuis les grands moralistes de l'Antiquité, depuis les Pères de l'Église, personne peut-être n'avait témoigné pareille connaissance de l'homme, de ses misères et de ses grandeurs, personne ne s'était montré un champion aussi ardent de sa dignité et de sa vérité, un interprète aussi pathétique et subtil de son éternelle inquiétude, hors du sein de Dieu. Je sens toujours quelque chose d'inassouvi en mon cœur, écrivait-il dans le Secretum, fidèle à la doctrine de saint Augustin. Aussi la figure de Pétrarque n'a-t-elle cessé de dominer de très haut cette école de pensée à qui l'homme a emprunté son nom, l'humanisme. C'est pourquoi également l'art qui exprime avec le plus de rigueur et de perfection les sentiments et les aspirations les plus constants et les plus élevés de l'homme passe nécessairement par Pétrarque, de Bembo à Michel-Ange et à Ronsard, de Góngora et Milton à Klopstock, de Shelley et Heine à Leopardi, Heredia et D'Annunzio.

La diffusion du pétrarquisme en France

Phénomène européen, le pétrarquisme fait montre en Italie, en France ou en Angleterre d'une même complexité. Il se caractérise d'un côté par un succès qui en fait une mode, et qui impose un renouvellement constant – le pétrarquisme assagi des Rime 1530 de Bembo différant par exemple des recherches sophistiquées des quattrocentistes –, et d'un autre côté par des crises d'antipétrarquisme, dont témoignent les parodies italiennes de Berni, le poème de Du Bellay Contre les pétrarquistes, ou les réticences de Jodelle.
En France, la fortune de Pétrarque n'attend pas la Pléiade, comme l'attestent les adaptations de certains sonnets : six chez Marot, douze dans les Œuvres poétiques de Peletier du Mans 1547, et surtout la version de 196 sonnets du Canzoniere publiée en 1548 par Vasquin Philieul. Mais lorsqu'ils imitent, les prédécesseurs de Ronsard préfèrent la subtilité mignarde des pétrarquistes du Quattrocento. D'Antonio Tebaldeo proviennent des épigrammes de Marot sur l'incendie d'amour ou sur les effets du feu et de la neige. Serafino dall'Anquila inspire à Jean Lemaire de Belges le premier Conte de Cupido et d'Atropos, et dicte à Maurice Scève des variations sur le feu et les pleurs, le miroir et le regard. L'apport de la Pléiade est de puiser aussi dans le texte même de Pétrarque, ou chez ses imitateurs moins infidèles, Bembo et ses disciples, que nos poètes connaissent grâce aux Rime di diversi publiées à Ferrare 1545-1547. Elle aura également le mérite de composer des cycles d'une certaine ampleur, qui se succèdent à partir de 1549, date du premier canzoniere français, l'Olive de Du Bellay, et des Erreurs amoureuses de Pontus de Tyard. L'année 1552 voit paraître les Amours de Ronsard et les Amours de Méline de Jean-Antoine de Baïf, l'année 1553 les Amours d'Olivier de Magny, et la suite ininterrompue des recueils va répondre à l'engouement du public. Enfin la Pléiade a fixé les formes genres et mètre de cette imitation. Après la diversité des premiers essais, Ronsard impose sa prédilection pour le sonnet dit marotique, dont les tercets sont construits sur trois rimes, CCDEED à la façon de Marot, et non pas sur deux à la mode italienne. Les sonnets de la Pléiade sont d'abord en décasyllabes, mais l'alexandrin domine à partir de 1555. La Pléiade intronise d'autres genres pétrarquistes : la chanson, cette suite de strophes passée de Provence en Italie, la sextine, six strophes de six vers, introduite par Tyard, ou le madrigal. Compositions musicales, qui montrent bien que le pétrarquisme contribue à l'essor d'une poésie lyrique.
L'évolution postérieure correspond à une recréation incessante. À partir de 1570, le néo-pétrarquisme d'un Philippe Desportes, Premières Œuvres, 1573 est un jeu littéraire, dont les inventions galantes et les codes sont déterminés par le milieu fermé des salons aristocratiques, par exemple l'hôtel de Dampierre. Ronsard lui-même doit suivre ces goûts, et dans les Sonnets pour Hélène en 1578 il traite parfois de menus sujets, envoi de fleurs ou premier jour du Carême. Mais dans le même temps apparaît un pétrarquisme noir, au décor funèbre et aux visions sanglantes, dans le Printemps d'Agrippa d'Aubigné ou dans les poèmes d'Hesteau de Nuysement. Il préfigure le pétrarquisme baroque des années 1585-1600. Jean de Sponde ou S. G. de La Roque sont soumis au flux des métamorphoses, des apparences ou des songes, et les procédés stylistiques s'exaspèrent dans ce vertige de la mouvance.
Ces poètes n'ont cessé de réinventer le pétrarquisme, parce que Pétrarque lui-même les y invitait en valorisant l'acte de l'écriture. Certes le pétrarquisme est d'abord une façon de vivre l'amour, du coup de foudre aux serments de fidélité. Passion impossible pour un être idéal, qui a hérité par l'intermédiaire de Laure des vertus et de la courtoisie chantées par la lyrique provençale, et pour une inhumaine, aussi insensible qu'un rocher ou que Méduse : la froide Hélène en est aux yeux de Ronsard l'irritante incarnation. Le poète est dépossédé de son moi, dissocié par le jeu des contraires, entre l'espoir et la douleur, au fil d'une durée perturbée. Cette tension proche de la folie est rendue par le cliquetis des antithèses et par les images de violence et de mort, que renforce le contexte de la guerre de Troie dans les Amours de Ronsard. Mais cet échec est indispensable pour que l'expérience devienne poésie. C'est pourquoi Pétrarque et ses imitateurs français ont juxtaposé au cycle de l'amour des poèmes sur la mort de la dame : Ronsard compose en 1578 un « Tombeau » de Marie. La mort achève de dérober l'amie, qui est d'ailleurs stylisée au point qu'on ignore son individualité physique et mentale. Ainsi Pétrarque apprend aux poètes de la Renaissance à chanter l'amour en le centrant sur le personnage et sur la parole du poète, dont la Pléiade affirme le pouvoir. C'est par la contemplation poétique que l'amant possède la beauté de la dame. Lyrisme au-delà de la sincérité, puisqu'il compense précisément les manques du vécu.

Cette transposition littéraire explique que le pétrarquisme soit d'abord un système d'écriture, une grille d'images où l'amour est poison, feu, flèche, et un réseau de synecdoques, le tout étant désigné par la partie, le corps par la main ou par le regard. L'hyperbole et la périphrase dépassent le réel, jusqu'à la pointe finale, qui dégage l'essence de la beauté ou nous projette dans l'étrange. Car ces recherches aboutissent souvent à la surprise ou même au bizarre, une tentation commune au courant littéraire du pétrarquisme et à l'esthétique maniériste, qui cultivent l'un et l'autre les contrastes inattendus et l'expression indirecte. Cette écriture est difficile, au point que la Délie de Scève frôle l'hermétisme, et que les Amours de Ronsard nécessitent dès 1553 un commentaire.
Poésie d'imitation, comme le lui reproche du Bellay. Moins qu'il ne semble à première lecture, car ce système d'écriture est remodelé par la manière individuelle, imagination et travail stylistique. Ainsi la voix de Desportes est unique, qui chante l'inconstance, et l'inconsistance du monde extérieur. L'évolution de Ronsard n'est pas moins significative. Dès les Amours de 1552, inspirés par Cassandre, un tempérament voluptueux transforme les thèmes pétrarquistes : le combat allégorique devient combat amoureux, la métamorphose exprime le désir. Cette sensualité s'affirme à partir de 1555 dans la Continuation des Amours, où l'amant frustré dit sa révolte avec cynisme, mais se révèle un esthète heureux, comblé par les aubes et les printemps de l'Anjou, dans les paysages du fantasme. Parallèlement, il opte pour un style un peu plus simple. D'autres poètes au contraire ont préféré un pétrarquisme plus abstrait, en particulier les écrivains de l'école lyonnaise, Scève et Tyard. Les Erreurs amoureuses sont parsemées de termes platoniciens, idée ou exemplaire. D'autres enfin transposent les thèmes et les procédés pétrarquistes dans un registre grave, la méditation philosophique dans les Antiquités de Du Bellay, ou les visions apocalyptiques dans Les Tragiques d'Agrippa d'Aubigné. Ainsi le pétrarquisme est le détour nécessaire – détour stylistique et passage par un autre texte – pour que chacun devienne soi-même, et pour que le poète se crée un langage à part, selon le dessein de la Pléiade.

Les sonnets

Le sonnet de Pétrarque, dit sonnet italien, comprend un huitain suivi d’un sizain. Le huitain est composé de deux quatrains, le sizain de deux tercets. Il comporte une volta qui consiste en un changement majeur du sujet entre le huitain et le sixain. Le poète, dans la première moitié du poème, rime sur un thème, la seconde lui permettant de présenter, grâce à la ‘’volta’’, une réflexion personnelle à propos de ce même sujet.

Å’uvres

Avec son premier gros ouvrage, Africa - une épopée en latin qui fait le récit de la seconde guerre punique - Pétrarque devint une célébrité européenne. En effet, c'est cet ouvrage qui lui valut la couronne de lauriers des poètes et la reconnaissance de ses pairs.
Cependant, si ses œuvres en latin ont consacré sa célébrité de son vivant, c'est surtout son Canzoniere, rédigé en toscan, qui passa à la postérité. À partir du xvie et jusqu'au XVIIIe siècle, nombreux furent les imitateurs de son style pur et harmonieux. Ses imitations furent si nombreuses qu'elles ont donné naissance à un courant : le pétrarquisme. Il est caractérisé par les dialogues avec les modèles antiques, le recours aux antithèses, aux symétries et aux images.

Sa mort en 1374 empêcha Pétrarque d'achever ce qui aurait dû constituer sa troisième œuvre majeure : les Trionfi. Corrado Belluomo Anello, dans le catalogue de l'exposition Le Triomphe de l'Amour : Éros en guerre, souligne que le Carros de Raimbaut de Vacqueyras est parmi les sources possibles des Triomphes du poèteN 48. Le troubadour provençal l'a inspiré au même titre que la Divine Comédie de Dante et l'Amoroso Visione de Boccace, la Bible ou les auteurs latins, Virgile, Ovide, Properce.
En dehors de l'Africa, du Canzoniere et des Trionfi, Pétrarque a laissé un très grand nombre de textes en latin : églogues invectives, biographies héroïques, récits exemplaires et plusieurs traités. Il faut ajouter à cela un Epistolario riche de plus de six-cents lettres adressées à ses parents, amis et même à certains grands penseurs de l'antiquité.
Parmi les œuvres latines de Pétrarque, on trouve De Viris Illustribus, le dialogue Secretum dans lequel il fait le récit de ses pensées et de ses combats intérieurs et qui n'était pas destiné à la publication, un débat avec saint Augustin, un Rerum Memorandarum Libri, un traité incomplet sur les vertus cardinales, De Remediis Utriusque Fortunae, son œuvre en prose latine la plus populaire, Itinerarium, un guide sur la Terre promise et De Sui Ipsius Et Multorum Ignorantia, contre les Aristotéliciens. Il a écrit ses œuvres culturelles et son épopée poétique en latin, ses sonnets et chants en toscan, idiome qui allait dès lors fixer la langue littéraire italienne.

Un texte apocryphe de Pétrarque

La Cronica delle vite de Pontefici et Imperatori Romani est généralement attribuée sans preuve à PétrarqueN 49. Ce texte, qui fut pour la première fois imprimé à Florence en 1478 puis à Venise en 1534, est surtout célèbre car il élève la papesse Jeanne au rang de personnage historique.
En Italie, une tradition vivace voulait qu’une femme d'origine anglaise, mais née à Mayence, se fût travestie en homme pour poursuivre des études avec son amant. Ils se rendirent à Athènes puis à Rome. Anna ou Agnès, tel aurait été son prénom, dissimulant toujours son sexe, fut reçue dans les milieux ecclésiastiques et en particulier par la Curie. Son savoir et son charisme furent tels que le conclave l’éleva sur le trône de saint Pierre. Mais ce qui devait arriver arriva : la papesse se retrouva enceinte. Au cours d'une procession qui se déroulait entre Saint-Pierre du Vatican et Saint-Jean de Latran, elle fut prise de contractions et fut contrainte d’accoucher publiquement, ce qui lui valut d’être condamnée à mort.

Manuscrits et incunables

Dès le XIVe siècle commence la diffusion des œuvres du poète par des traductions.
En France, ce fut en 1378 que Jean Daudin rédigea De Remediis en français pour le Dauphin à la demande du roi Charles V.
Il fut suivi par Philippe de Mézières qui, entre 1384 et 1389, traduisit Griseldi .
À la Bibliothèque Inguembertine de Carpentras se trouve l’un des plus anciens manuscrits du Canzoniere milieu XVe siècle avec, sur deux médaillons, les portraits de Pétrarque et de Laure de Sade. Ce recueil des sonnets à la louange de Madonna Laura débute ainsi :In comincia la cantilena di Messer Francesco Petrarco famossimo poeta fiorentina chiamato il canzioneri... .
Le Canzoniere et les Trionfi figure dans le manuscrit vénitien du cardinal Mazarin dont les enluminures furent réalisées par Cristoforo Cortese en 1420. Ce manuscrit se trouve à la Bibliothèque nationale de Paris
Un manuscrit des Trionfi, calligraphié à Florence par Besse Ardinghelli en 1442 et illustré par Apollonio di Giovanni, fait partie des collections de la Bibliothèque Laurentienne. Un autre manuscrit florentin des Trionfi, provenant du studio de Francesco d'Antonio del Ghierico et réalisé vers 1456-1457, est déposé à la Bibliothèque nationale.
La bibliothèque de l'Université de Manchester possède seize éditions incunables des Rime de Pétrarque, depuis l'édition princeps de 1470, imprimée à Venise par Vindelinus de Spira, jusqu'à l'édition de 1486 avec sa typographie à la mode différenciant les vers imprimés en gros caractères et les commentaires en petits caractères.
Une attention toute particulière doit être portée à la merveilleuse et rarissime édition Lauer de 1471 ainsi qu'à trois éditions vénitiennes différentes de 1473.
En 1476, la ville de Florence offrit à Charles VIII, roi de France, un manuscrit des Triomphes somptueusement illustré. Quant à celui de la Walter Art Gallery de Baltimore, il a été composé à la fin des années 1480 par Sanvito.
Deux manuscrits vénitiens des Trionfi, datés de la fin du XVe siècle se trouvent l'un au Musée Jacquemart-André et son jumeau à la Bibliothèque Apostolique du Vatican . Au cours de la même période, à Paris, fut enluminé un livre des Triomphes de l'Amour par un artiste inconnu dénommé le Maître des Triomphes de Pétrarque.
Manchester détient également deux éditions des Rime qui ne se trouvent pas dans l'incomparable Willard Fiske Collection de la bibliothèque de l'université Cornell : l'édition napolitaine de 1477 par Arnold de Bruxelles et une édition vénitienne de 1480 due à un imprimeur inconnu. Elle possède en outre quatre-vingt des approximativement cent-cinquante éditions publiées au cours du XVI siècle, dont la totalité des éditions Aldine, les fameuses éditions lyonnaises contrefaites, ainsi que deux des dix exemplaires sur vélin de l'édition de 1501.
Enfin, la Bibliothèque nationale, le Musée Condé à Chantilly et le British Museum possèdent les éditions du Laure d'Avignon : au nom et adveu de la Royne Catharine de Médicis, Royne de France, extraict du poete florentin François Petrarque ; mis en françois par Vaisquin Philieul à Carpentras. La première fut imprimée à Paris en 1548, la seconde à Avignon.

Éditions des œuvres Pétrarquisme et anti-pétrarquisme

Italie

Une Accademia degli Umidi fut fondée par un groupe de jeunes marchands florentins en novembre 1540. Son but était d'offrir une seconde chance à ces marchands qui n’ont pas eu accès à la culture classique. Elle était consacrée à la poésie, à la philosophie puis aux sciences. Ses principaux fondateurs furent Niccolò Martelli, Luigi Tansillo, Annibal Caro et le Bronzino. Réunis autour de Giovanni Mazzuoli da Strada par une même admiration pour Dante et Pétrarque, une commune passion pour les lettres, leur but était de défendre l'utilisation de la langue florentine.
Placée au départ sous le simple patronage de Cosme Ier, elle passa sous sa coupe. Le grand-duc imposa statuts et membres, lieux de réunions et productions littéraires3. Le 23 février 1541, elle changea son nom en Accademia Fiorentina o Società di Eloquenza38, mais elle fut le plus souvent désignée sous celui de l'Accademia Fiorentina. Son premier secrétaire fut Anton Francesco Doni.

France

À la suite d'une rencontre entre Jacques Peletier du Mans et Joachim du Bellay puis avec Pierre de Ronsard, l'idée d'un renouveau littéraire germa et prit tout d'abord le nom de La Brigade. Il allait donner naissance à la Pléiade, réunissant sept poètes très influencés par Pétrarque qui allaient se retrouver dans une même démarche celle de La Défense et Illustration de la Langue Française.

Au même moment, dans tous les pays de langue d'oc, une renaissance littéraire se fit aussi sous l'influence du pétrarquisme avec le gascon Pey de Garros (1525-1583), le provençal Bellaud de la Bellaudière (1543-1588) et le languedocien Auger Galhard (1540-1593)40. Il faut également compter parmi les adeptes du pétrarquisme le lyonnais Maurice Scève (1501-1564), à qui l'on a attribué de son temps la découverte du Tombeau de Laure41.

Jugements sur Pétrarque et sur son œuvre

Vittore Branco, dans sa biographie consacrée au poète, affirme que :"Pétrarque a occupé dans l'histoire de la poésie et de la culture de l'Europe chrétienne et moderne une place exceptionnelle : jamais, peut-être, un écrivain n'eut une influence aussi décisive ni aussi prolongée".

Au XIVe siècle

Quand il apprit la mort de Pétrarque, Grégoire XI salua en lui une lumière éclatante de la sagesse morale et demanda à Philippe de Cabassolle, son Vicaire en Italie de lui procurer ou de lui faire copier, De Africa, ses Invectives et De Vita Solitaria.

Au XVe siècle

"Au grand Pétrarque, nous sommes redevables en premier lieu d'avoir fait surgir du caveau des Goths les lettres depuis longtemps ensevelies."
Jean Pic de la Mirandole 1463-1494

Au XVIe siècle

"J'allèguerai Pétrarque, duquel j'ose bien dire que, si Homère et Virgile avaient entrepris de le traduire, ils ne pourraient le rendre avec la même grâce et naïveté." Joachim du Bellay 1522-1560

Au XVIIe siècle

La reine Christine de Suède 1626-1686 qui lui portait une admiration sans borne eut ce mot à son sujet : Grandissimo filosofo, grandissimo innamorato, grandissimo poeta ! .
Madeleine de Scudéry, qui tenait le poète vauclusien en grande estime, lui rend hommage dans Clélie puis dans Mathilde où elle narre le récit de ses amours avec Laure. Dans cette dernière nouvelle, la Grande Précieuse fait quatorze fois référence à des sonnets du Canzionere.

Au XVIIIe siècle

Le poète vauclusien a perdu toute son aura et est même dénigré. C'est ce que fait Voltaire en 1764 :
"Pétrarque, après tout, n'a peut-être d'autre mérite que d'avoir écrit des bagatelles sans génie dans un temps où ces amusements étaient fort estimés parce qu'ils étaient rares. "
Seul l'Abbé de Sade 1705-1778 s'intéressa au poète auquel il consacra trois tomes intitulés Mémoires pour la vie de François Pétrarque, tirés de ses œuvres et des auteurs contemporains avec les notes ou dissertations et les pièces justificatives.

Au XIXe siècle

Chateaubriand et Victor Hugo, les deux géants de la littérature française, lui rendirent hommage en des termes tout à fait différents :
" Siècle fécond, jeune, sensible, dont l'admiration remuait les entrailles ; siècle qui obéissait à la lyre d'un grand poète, comme à la loi d'un législateur. C'est à Pétrarque que nous devons le retour du souverain pontife au Vatican ; c'est sa voix qui a fait naître Raphaël et sortir de terre le dôme de Michel-Ange "

— François-René de Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, partie 2, livre 14, chapitre 2 Voyage dans le midi de la France, 1802
"Pétrarque est une lumière dans son temps, et c’est une belle chose qu’une lumière qui vient de l’amour. Il aima une femme et il charma le monde. Pétrarque est une sorte de Platon de la poésie ; il a ce qu'on pourrait appeler la subtilité du cœur, et en même temps la profondeur de l’esprit ; cet amant est un penseur, ce poète est un philosophe. Pétrarque en somme est une âme éclatante. Pétrarque est un des rares exemples du poète heureux. Il fut compris de son vivant, privilège que n’eurent ni Homère, ni Eschyle, ni Shakespeare. Il n'a été ni calomnié, ni hué, ni lapidé. Pétrarque a eu sur cette terre toutes les splendeurs, le respect des papes, l’enthousiasme des peuples, les pluies de fleurs sur son passage dans les rues, le laurier d'or au front comme un empereur, le Capitole comme un dieu.

Verlaine a écrit un sonnet intitulé :

À la louange de Laure et de Pétrarque

Chose italienne où Shakspeare a passé
Mais que Ronsard fit superbement française,
Fine basilique au large diocèse,
Saint-Pierre-des-Vers, immense et condensé,

Elle, ta marraine, et Lui qui t’a pensé,
Dogme entier toujours debout sous l’exégèse
Même edmondschéresque ou francisquesarceyse,
Sonnet, force acquise et trésor amassé,

Ceux-là sont très bons et toujours vénérables,
Ayant procuré leur luxe aux misérables
Et l’or fou qui sied aux pauvres glorieux,

Aux poètes fiers comme les gueux d’Espagne,
Aux vierges qu’exalte un rythme exact, aux yeux
Épris d’ordre, aux cœurs qu’un vœu chaste accompagne.
Paul Verlaine Jadis et naguère

Au XXe siècle

Pierre de Nolhac 1869-1936, qui fut conservateur du musée de Versailles et l'un des meilleurs spécialistes de Pétrarque et de son école, écrivit :
" Pétrarque est donc du petit nombre des esprits auxquels, sans le savoir, nous devons tous quelque chose de notre vie intellectuelle. Il faut juger sa grandeur à celle des idées qu'il a fait revivre et dont l'Europe n'a pas encore, après des siècles, cessé de nourrir sa pensée. "
En 1947, Aragon et Picasso unirent leurs talents pour faire éditer à 110 exemplaires Cinq sonnets de Pétrarque. Aragon, pour cet hommage, a finement pétrarquisé en plaçant en exergue They said Laura was somebody else , jeu de mot bien dans la veine du poète vauclusien où le texte anglais qui affirme : Ils disent que Laure était une autre, laisse à entendre et à lire le nom d'Elsa.

Héritage

En novembre 2003, des anatomistes ont annoncé vouloir exhumer le corps de Pétrarque à Arquà Petrarca dans le but de vérifier les rapports établis au XIXe siècle indiquant qu'il avait une taille de 1,83 m, ce qui l'aurait rendu très grand pour cette période. Le groupe de scientifiques souhaitait aussi reconstruire son crâne pour obtenir une image numérisée de ses caractéristiques faciales. Malheureusement, les tests d'ADN effectués en 2004 ont révélé que le crâne trouvé dans son cercueil n'était pas le sien, ce qui entraîna l'annulation de toute l'opération.


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Posté le : 19/07/2014 18:56

Edité par Loriane sur 20-07-2014 10:25:13
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Edité par Loriane sur 20-07-2014 14:22:27
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Re: Défi du 19 juillet 2014
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Avion au départ sur le vol "Air Bacchus". Prête pour l'embarquement !

Merci Bacchus.

Posté le : 19/07/2014 18:13
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Re: Défi du 19 juillet 2014
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All included ??? Yes !!

Posté le : 19/07/2014 17:47
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Défi du 19 juillet 2014
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Bonjour à tous !

Bien que je ne me manifeste plus sur l'Orée depuis quelques temps, cela ne m'empêche pas de venir voir ce qui s'y passe.C'est un site auquel je suis attaché depuis déjà un long moment et je suis sur que le moment viendra où le goût d'écrire reprendra le dessus sur le reste.
Avant de partir en vacances, Couscous m'avait demandé de proposer le thème de cette semaine, ce que je fais très volontiers :
Puisque nous sommes en pleine période de départs et de voyages, je présume que tous ceux qui partent et ceux qui ne partent pas ont, dans un coin de leur esprit, le rêve de vacances qu'ils feront peut-être un jour, peut-être jamais...
Parlez-nous de ce voyage imaginaire. Tiens, cadeau : Sans limitation de budget !

Amitiés à tous
Bacchus

Posté le : 19/07/2014 17:31
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Re: On va danser !!!
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Dernière danse
Charles observe la jeune femme depuis qu’il est entré dans « L’After », cette boîte de nuit branchée qu’il fréquente depuis quelques semaines, juste après l’Annonce. À l’époque, tout le monde a d’abord cru à un canular ; en effet, annoncer la fin du monde un premier avril, il y avait peu de chance que les gens prennent cela au sérieux. Mais les scientifiques les plus éminents se sont succédé sur toutes les chaînes, dans tous les pays, expliquant de concert que la catastrophe était inévitable. Un scénario digne d’un blockbuster américain ; une météorite géante se dirigeait inexorablement vers la Terre. En traversant l’atmosphère, elle se transformera en une multitude de boules de feu géantes qui iront s’écraser sur la majeure partie de la planète, générant des raz-de-marée, des feus ravageurs et des tremblements de terre. L’humanité connaîtra ainsi la fin du monde, comme les dinosaures en leur temps.

Depuis lors, les survivalistes vident les rayons des supermarchés, les lieux de culte retrouvent les fidèles qui les avaient abandonnés, le taux de suicides a explosé, les hôpitaux sont débordés par les patients sujets aux crises de panique, la criminalité est devenue incontrôlable. Dans ce chaos, Charles avait gardé la tête froide et accepté son sort. Il souhaitait juste ne pas finir seul. Il a jeté son dévolu sur cette jolie blonde qui sirote un bloody Mary sur le coin du bar, les yeux dans le vide. Elle a revêtu sa plus belle robe de satin rouge, avec les escarpins assortis, s’est maquillée légèrement, juste pour masquer les traits tirés de son visage, sûrement générés par les insomnies des derniers jours.

Il jette un coup d’œil à sa montre ; le temps presse. Il se lève et se dirige vers elle. Ses mains sont un peu moites et son cœur cogne fort.

« Bonsoir, Mademoiselle. Puis-je me joindre à vous ? »

Elle tourne doucement la tête et le dévisage avant de répondre :

« Je ne peux rien refuser ce soir. Et puis… vous n’êtes pas désagréable à regarder. Ce sera toujours mieux que le serveur qui ne s’est plus rasé ni lavé depuis l’Annonce.
– Je vous offre un verre ?
– Bonne idée. Et, vu l’heure, vous aurez peut-être la chance qu’on ne vous le fera pas payer. Champagne ?
– Champagne ! »

Le serveur au teint cadavérique, apporte deux flutes et une bouteille sortie du frigo. Le couple fraîchement formé trinque.

« À la fin de tous nos problèmes mineurs ! dit la jeune femme
– Vous êtes toujours si optimistes ?
– Carpe diem ! Cela vient de prendre tout son sens depuis peu.
– Comment vous appelez-vous ?
– Attendez, je réfléchis.
– Vous avez oublié votre prénom ?
– Non, mais je ne l’aime pas alors c’est le moment où jamais de changer. Appelez-moi Candy !
– C’est sucré.
– Et vous ?
– Charles… non appelez-moi Diego.
– Laisse aussi tomber le vouvoiement. Tu sais danser ?
– Un peu.
– Bois encore quelques gorgées pour t’échauffer et rejoins-moi sur la piste. »

Candy se mêle aux autres clients de la boîte de nuit qui se trémoussent, les yeux fermés, le corps moite et la bouche entrouverte. C’est à se demander s’ils ne sont pas déjà dans un autre monde. Diego, finit son verre cul-sec et part rejoindre sa cavalière avant qu’elle ne tombe en transe à son tour. Il l’attrape d’un geste sûr et colle ses hanches aux siennes. Ils se mettent à se mouvoir de façon synchrone comme s’ils ne faisaient plus qu’un. Les yeux dans les yeux, aucune parole ne sort de leur bouche, leur respiration devient saccadée. La note finale du morceau résonne au moment où le morceau de météorite réduit « l’After » à néant et unit deux inconnus dans une mort commune, une danse éternelle.

Posté le : 19/07/2014 15:57
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Paul Valéry
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Le 20 juillet 1945 à Paris, meurt à 73 ans Ambroise Paul Valéry

Né Paul Toussaint Jules Valéry


écrivain, poète et philosophe français symboliste, né à Sète dans l'Hérault le 30 octobre 1871

En Bref

Le 30 octobre 1871 naissait à Cette devenu Sète Ambroise Paul Toussaint Jules Valéry, fils de Barthélemy Valéry, vérificateur principal des douanes, et de Fanny Grassi, issue de la noblesse italienne. Le jeune Paul entre d'abord chez les frères dominicains 1876, puis au collège de Cette Sète octobre 1878.
Ce collège avait des charmes sans pareils. Les cours dominaient la ville et la mer. L'enfant se construit déjà un univers : J'ai dû commencer vers l'âge de neuf ou dix ans à me faire une sorte d'île de mon esprit, et, quoique d'un naturel assez sociable et communicatif, je me réservais de plus en plus un jardin très secret où je cultivais les images qui me semblaient tout à fait miennes, ne pouvaient être que miennes …. En 1884, il renonce à entrer à l'École navale et tente de dériver cette passion marine malheureuse vers les lettres et la peinture. Il écrit ses premiers vers. Cette activité est plutôt un refuge pour échapper au lycée de Montpellier, où il entre en 1884. Les horaires tambourinés, les exercices lui semblent absurdes. Dès cette époque et malgré la pression de l'école, Valéry se forge sa propre culture. Il lit le Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe s. au XVIe s. de Viollet-le-Duc, la Grammaire de l'ornement The Grammar of Ornament, 1856 d'Owen Jones. Il écrit des notes, des vers, et il peint. Il étudie les arts savants du Moyen Âge, de Byzance et quelque peu la Grèce. Malgré cette érudition peu scolaire, il obtient son baccalauréat en 1887 et commence en 1888 son droit à Montpellier. Sous l'instigation de son ami Pierre Féline, il s'intéresse aux mathématiques. En 1889, il publie sa première œuvre, Rêve, dans la Revue maritime. Mais le monde littéraire lui est encore fermé.
C'est en 1890, au cours d'un banquet à Palavas, que Valéry fait la connaissance de Pierre Louÿs 1870-1925, qui le met en relation avec André Gide, qu'il rencontrera au mois de décembre de la même année. Une amitié, dont témoigne une correspondance, se noue entre les deux hommes. Louÿs met également Valéry en relation épistolaire avec Mallarmé, le maître de l'heure, à qui il demande conseil : Seule en donne la solitude, répond le poète.
Valéry est alors lancé dans le monde des lettres. En 1891, il publie dans la Conque le premier état de Narcisse parle, l'Ermitage, le Paradoxe de l'architecte. Le Journal des débats prophétise : Son nom voltigera sur les lèvres des hommes. Vers la fin de cette année, Valéry séjourne à Paris, où il rencontre enfin Mallarmé et Huysmans, l'auteur d'À rebours, qu'il considère comme sa bible et son livre de chevet. Pendant ce temps, il termine sa licence en droit, qu'il obtiendra en 1892.
Une ascèse géométrique

Sa vie

Né d'un père d'origine corse et d'une mère génoise, Paul Valéry entame ses études à Sète alors orthographiée Cette chez les dominicains, puis au collège de Sète et enfin au lycée de Montpellier. Il commence en 1889 des études de droit. Cette même année, il publie ses premiers vers dans la Revue maritime de Marseille. Sa poésie de cette époque s'inscrit dans la mouvance symboliste. En 1890, sa rencontre avec Pierre Louÿs sera déterminante pour l'orientation de sa vie de poète. Ce dernier lui présentera André Gide et l'introduira dans le cercle étroit de Stéphane Mallarmé. Paul Valéry lui restera fidèle jusqu'à sa mort solitaire.
Nuit de Gênes :
Dans la nuit du 4 au 5 octobre 1892, il connaît à Gênes ce qu'il décrit comme une grave crise existentielle. Il sort résolu à "répudier les idoles" de la littérature, de l'amour, de l'imprécision, pour consacrer l'essentiel de son existence à ce qu'il nomme "la vie de l'esprit". En témoignent les Cahiers dans lesquels il s'astreint à noter toutes ses réflexions au petit matin. Après quoi, ajoute-t-il en manière de boutade, ayant consacré ces heures à la vie de l'esprit, je me sens le droit d'être bête le reste de la journée .
La poésie n'est pas pour autant exclue de sa vie, car justement, selon Valéry, tout poème n'ayant pas la précision exacte de la prose ne vaut rien. Tout au plus a-t-il vis-à-vis d'elle la même distance que Malherbe affirmant sérieusement qu'un bon poète n'est pas plus utile à l'État qu'un bon joueur de quilles.
Quoi qu'il en soit, Paul Valéry indique à plusieurs reprises qu'il considère cette nuit passée à Gênes comme sa véritable origine, le début de sa vie mentale.

1892 : une année déterminante ; une passion platonique tourne à l'idée fixe. Et, au cours de vacances passées à Gênes, dans une nuit orageuse d'octobre, Valéry prend la décision de renoncer à toute vie sentimentale et littéraire. Il se consacrera désormais à la connaissance pure et désintéressée. Il est alors entre moi et moi, entre ce moi ancien soudain pulvérisé, de jeune homme promis à un brillant avenir littéraire, et ce moi nouveau qu'il va se forger par la force de l'esprit pour correspondre à une image idéale à laquelle il s'efforcera d'adhérer parfaitement, image dénuée de tout sentiment, de toute sensation. Ceux-ci agressent, dérivent et détériorent le Moi pur vers lequel il s'achemine, dans lequel le hasard, auquel les surréalistes attacheront une importance fondamentale, ne doit intervenir en aucune manière. Refusant la passion, il se livre passionnément à la conscience. Sublimation ? Cela semble peu probable. Mais Valéry s'interdit d'être gouverné par l'ingouvernable. Il entend garder en permanence le contrôle de soi, une distance respectable entre ses idées et ses gestes. Il guillotine l'amour et la littérature pour se délivrer des faux-semblants. La question se pose : ne s'est-il pas guillotiné lui-même en parlant de l'autre comme d'un ennemi qui entame et appauvrit le Moi divin, s'il ne le fait disparaître ? Quoi qu'il en soit, l'amour lui apparaîtra comme un besoin, analogue au manger et au boire. Tout le reste est littérature, comblement du vide pour rendre attrayante une existence animée par l'ennui. L'acte sexuel est une violence dont chacun pâtit. L'amour ? il ne permet aucun dépassement. C'est un passage sournois vers la mort, un suicide pour le moins.
Dès lors, les idoles, littéraires et amoureuses sont jetées à bas, Mallarmé y compris. De retour à Montpellier, Valéry se débarrasse de tous ses livres. Il ne s'intéresse plus qu'aux lectures ayant un rapport direct avec ses propres préoccupations, repoussant le bizarre, l'énorme, le brutal, qui lui font toujours un peu hausser les épaules. Il se livre à la seule réflexion et explique ce dépouillement systématique, au jour le jour, dans ses Cahiers il en produira 251, où il note scrupuleusement les moindres variations de son intellect préoccupé de lui-même.

En 1894, il s'installe à Paris, où il commence à travailler comme rédacteur au ministère de la Guerre, et où il se lie avec Paul Léautaud. En 1900, il devient le secrétaire particulier d'Édouard Lebey, le directeur de l'agence Havas, auquel il restera attaché pendant vingt-deux ans. Cette occupation lui réserve de nombreux loisirs pour se livrer à ses recherches. Il ne publie que des essais desquels semble bannie toute préoccupation poétique : Introduction à la méthode de Léonard de Vinci 1895, la Soirée avec Monsieur Teste 1896, la Conquête allemande 1897.
Il reste distant de l'écriture poétique pour se consacrer à la connaissance de soi et du monde. Depuis 1900 jusqu'en 1922, secrétaire particulier d'Édouard Lebey, administrateur de l'agence Havas, il s'affaire chaque matin aux petites heures à la rédaction de ses Cahiers, journal intellectuel et psychologique dont l'essentiel n'est publié qu'après sa mort.
En 1900, il épouse Jeannie Gobillard, cousine germaine de Julie Manet fille de Berthe Morisot et d'Eugène Manet, frère d'Edouard Manet, cette dernière épousant ce même jour Ernest Rouart. Le double mariage est célébré en l'église Saint-Honoré d'Eylau, dans le quartier de Passy, à Paris. Le couple Valéry est logé dans l'immeuble construit par les parents de Julie Manet, dans la rue de Villejust, aujourd'hui, rue Paul-Valéry dont a hérité la jeune fille, alors qu'elle n'avait pas dix-huit ans 1895. Le couple Valéry-Gobillard aura trois enfants et demeurera lié au couple Rouart-Manet qui aura trois fils, au point que les deux familles partageront aussi leurs vacances dans la propriété Le Mesnil, achetée par Berthe Morisot et Eugène Manet sur les bords de Seine, en aval de Meulan, peu avant la mort d'Eugène en 1893. Julie, unique héritière après le décès de Berthe Morisot en 1895, laissera les portes du Mesnil ouvertes au couple Valéry-Gobillard jusqu'à ce que la mort les sépare.
Paul Valéry se rend régulièrement Rue de Rome aux mardis de Stéphane Mallarmé, rencontres littéraires qui ont lieu au domicile du poète dont il sera l'un des fidèles disciples.

Le poète officiel

Valéry ne fera sa rentrée en poésie qu'en 1917 avec la Jeune Parque. Encore a-t-il fallu les pressions amicales de Gide et de Gaston Gallimard pour le convaincre de ne pas renoncer définitivement à la littérature. Depuis 1912, ils lui avaient demandé de publier ses vers de jeunesse.
Durant ces années de silence, Valéry n'a pas rompu avec les milieux littéraires et artistiques. Il s'est lié avec les grands peintres de l'époque, et son mariage 1900 avec Jeannie Gobillard, nièce de Berthe Morisot, n'a fait que resserrer ses liens avec le monde des arts.
Le succès de la Jeune Parque est considérable. Valéry devient l'auteur à la mode. Il est invité dans les salons de la haute société, et la parution du Cimetière marin dans la Nouvelle Revue française en 1920 et de l'Album de vers anciens la même année ne font que consolider sa réputation. Charmes, en 1922, n'ajoute rien à sa gloire. Valéry a été désigné l'année précédente comme le plus grand des poètes contemporains.
À la même époque, son patron, M. Lebey, étant décédé, il décide de se consacrer uniquement à la littérature. Il est constamment sollicité pour écrire des préfaces, des essais, pour faire des tournées de conférences à travers la France et toute l'Europe, articles et conférences qui seront rassemblés dans la série de Variétés (Variété, 1924 ; Variété II, 1929 ; Variété III, 1936 ; Variété IV, 1938 ; Variété V, 1944, Tel quel Tel quel I, 1941 ; Tel quel II, 1943, Regards sur le monde actuel (1931). Il est regardé comme une espèce de poète d'État, et tous les honneurs lui sont donnés. En 1925, Valéry est élu à l'Académie française au fauteuil d'Anatole France. Il cumule les fonctions honorifiques : président du Pen Club de 1924 à 1934, membre du Conseil des musées nationaux, président de la cinquième session des arts et lettres à la Société des Nations 1935, titulaire de la chaire de poétique au Collège de France 1937. Il poursuit jusqu'à la fin de sa vie cette activité littéraire et mondaine, glorieuse. Les funérailles nationales en 1945 ne feront rien pour arranger cette image factice qu'on s'est faite de lui et qui met au second plan le poète qu'il fut dans toute l'acception de ce terme, le chercheur quotidien, le créateur incontesté.

La poésie

En 1917, sous l'influence de Gide notamment, il revient à la poésie avec La Jeune Parque, publiée chez Gallimard. Il brise un 'long silence' avec ce poème de 500 vers auquel il a consacré quelque quatre années. Initialement, il devait écrire - à la demande de son éditeur Gallimard et de son ami André Gide - une préface poétique d'une trentaine de lignes pour accompagner une réédition de ses premiers poèmes. Mais il fut dépassé par le projet initial et écrivit alors ce que d'aucuns considèrent comme son chef-d'œuvre : le monologue intérieur d'une jeune femme en proie à un combat entre le corps et l'esprit, écrit dans un formalisme digne de son maître Mallarmé.

Un autre grand poème suit quelques années plus tard : Le Cimetière marin, 920, puis un recueil, Charmes 1922. Toujours influencé par Stéphane Mallarmé, Paul Valéry privilégia toujours dans sa poésie la maîtrise formelle sur le sens et l'inspiration : Mes vers ont le sens qu'on leur prête. En particulier dans le tercet de la page 96 :

Cette main, sur mes traits qu'elle rêve effleurer
Distraitement docile à quelque fin profonde,
Attend de ma faiblesse une larme qui fonde

existe une controverse sur le fait que le verbe utilisé soit fondre ou fonder.
Après la Première Guerre mondiale, Paul Valéry devient une sorte de poète officiel, immensément célèbre — peu dupe, il s'en amuse — et comblé d'honneurs. En 1924, il devient président du Pen Club français, puis est élu membre de l'Académie française l'année suivante. Dans le discours de réception qu'il prononce le 23 juin 1927, Paul Valéry fait l’éloge d'Anatole France, son prédécesseur, sans prononcer son nom une seule fois2. En effet il ne pardonnait pas à Anatole France de s'être autrefois opposé à la publication de poèmes de Mallarmé.

En 1931, il est promu au grade de commandeur de la Légion d'honneur ; en 1932, il entre au conseil des musées nationaux ; en 1933, il est nommé administrateur du Centre universitaire méditerranéen de Nice ; en 1936, il est nommé président de la Commission de synthèse de la coopération culturelle pour l'exposition universelle ; en 1937, on crée pour lui la chaire de poétique au Collège de France ; en 1938, il est élevé à la dignité de grand officier de la Légion d'honneur ; en 1939, enfin, il devient président d'honneur de la SACEM. Il fut par ailleurs membre du Comité d'honneur de l'Association du Foyer de l’Abbaye de Royaumont.
Son œuvre véritable, pendant ce temps, continue toujours dans l'ombre. La profondeur des réflexions qu'il a émises dans des ouvrages exigeants, Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, La Soirée avec monsieur Teste, ses réflexions sur le devenir de la civilisation Regards sur le monde actuel et sa vive curiosité intellectuelle en ont fait un interlocuteur de Raymond Poincaré, Louis de Broglie, Henri Bergson et Albert Einstein.

Occupation allemande

Sous l'Occupation, Paul Valéry, refusant de collaborer, prononce en sa qualité de secrétaire de l'Académie française l'éloge funèbre du juif Henri Bergson. Cette prise de position lui vaut de perdre ce poste, comme celui d’administrateur du Centre universitaire de Nice Centre universitaire méditerranéen.

Il meurt le 20 juillet 1945, quelques semaines après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Après des funérailles nationales à la demande de Charles de Gaulle, il est inhumé à Sète, au cimetière marin qu'il avait célébré dans son poème :

Ce toit tranquille, où marchent des colombes,
Entre les pins palpite, entre les tombes…

Engagement associatif

Paul Valéry a également été président de l'Union française pour le sauvetage de l'enfance de 1941 à 1945.

Un délire de lucidité

Le travail de Valéry s'est étendu sur une cinquantaine d'années ; années de labeur incessant. Les vingt années durant lesquelles l'écrivain afficha un refus de littérature n'ont jamais été qu'un silence peuplé, pour reprendre l'heureuse expression d'André Nadal. Durant ces années silencieuses, Valéry s'est encore davantage fondé en lui-même ; il a aiguisé ce pouvoir de faire des œuvres qui l'intéresse, en fait, plus que l'œuvre elle-même. Est-ce à dire que l'œuvre est inutile ? Elle n'est qu'un moyen pour avancer dans cette quête de soi-même, un mécanisme choisi pour aider à découvrir le mécanisme de l'être humain, qui le passionne, et dont il sera le spécimen favori.
Narcissisme ? Cette obsession de soi, de son moi exclusivement, unique, autonome, inaltérable, parfois triomphant, pourrait le laisser accroire. En vérité, il ne s'agit pas d'un moi psychologique, inséré dans une histoire spécifique qui serait, en l'occurrence, la sienne, mais d'un moi pur de toute incursion étrangère, indifférent à l'événementiel, un moi impersonnel, dirait Rimbaud. Le moi est un pronom universel, appellation de ceci qui n'a pas de rapport avec un visage. Ce moi édulcoré s'assume dans sa totalité après avoir écarté l'autre, le différent. Ma vie est ce qu'elle est mais elle n'est pas celle des autres : elle est MA vie et ce possessif lui donne son prix, et ce moi, cette vie qui est la sienne et qui ne peut être assimilée à aucune autre ne deviennent ce qu'ils sont qu'à force d'attente et de patience et de volonté de les vouloir tels. Ils sont une lente et longue conquête dont la fin est sans lieu et le processus infini, incessant : Pas de changement, pas de révolution mais une évolution jusqu'au bout de moi-même. Le fond n'est jamais atteint. La fin donne à plonger encore davantage : Écoute ce que l'on entend lorsque rien ne se fait entendre ?.
Valéry réduit son univers au Moi, à son moi, qui lui est le plus proche, un objet privilégié dont il faut déjouer les faux-fuyants, dénoncer les contorsions, dénouer les entrelacs mystificateurs pour mettre à nu le mécanisme. Cet affrontement de soi, ce délire de lucidité, ne peut être en partie épongé que par la toute-puissance de l'intellect appliquée sur la matière première de la poésie, du langage. Notre poésie ignore et même redoute tout, l'époque et le pathétique de l'intellect. À la suite de Rimbaud, en même temps que Mallarmé, Valéry déplore : Nous n'avons pas chez nous de poète de la connaissance. Qu'à cela ne tienne ! Il sera le premier. Cette quête passionnée de l'intellect épuré est le problème de Monsieur Teste, tout à la fois Tête et Texte imbriqués l'un dans l'autre sans séparation. Monsieur Teste possède la froide et parfaite clarté, la lucidité meurtrière et inexorable. Il voit les choses comme elles sont, telles quelles, et s'efforce de découvrir les lois qui les régissent. Qui es-tu et comment connais-tu ? Telles sont les questions fondamentales de l'œuvre de Valéry.
L'intellect combat sans relâche les débordements trompeurs des passions, des sentiments : L'intellect est une tentative de s'éduquer en vue d'empêcher les effets de déborder infiniment des causes.Tous nos orages affectifs font une énorme dissipation d'énergie et s'accompagnent d'une confusion extrême des valeurs et des fonctions. Il s'agit de se rendre maître de cette confusion qui régit le cheminement de la conscience, de dominer non point l'esprit des autres mais le sien propre ; en connaître le fonctionnement, s'en rendre maître afin d'en disposer à son gré, Gide. Mais ne pas se laisser aller au flux des sentiments ou des passions ne signifie pas nécessairement qu'il faille imposer une autorité, qui, elle aussi, peut être trompeuse. Valéry propose une conduite qui n'est ni celle du relâchement, ni celle de l'autorité systématique, mais celle de l'attention, de la patience aux choses et à soi, de l'écoute permanente et lucide. Il prône le temps de la maturation, de la classification, de l'ordre, de la perfection, qui se découvrent nécessairement si l'on écarte les faux-semblants, à partir d'ailleurs d'une contrainte justement dosée : Il faut se soumettre à une certaine contrainte : pouvoir la supporter ; durer dans une attitude forcée pour donner aux éléments de pensée qui sont en présence ou en charge, la liberté d'obéir à leurs affinités, le temps de se joindre, de se construire et de s'imposer à la conscience et de lui imposer je ne sais quelle certitude. Contrainte et liberté, Apollon et Dionysos s'affrontent sans que jamais l'un cède à l'autre. Avec cette rigueur de tout instant, Valéry ne risque pas de s'égarer dans l'enthousiasme et quand bien même serait-il celui de l'intellect. Quant à la passion amoureuse, elle est, par excellence, l'accident désastreux de l'esprit : Aimer : disposer intérieurement – donc entièrement – de quelqu'un pour satisfaire un besoin imaginaire et, par conséquent, pour exciter un besoin généralisé. Valéry ne fut jamais dupe de cette folie qui le guette, et, si folie il y a, c'est encore celle de l'intellect : Je sens ma folie à travers ma raison …. Mais c'est non ma folie mais celle des choses, de la réalité … dans toute sa puissante inexplicabilité essentielle. Il s'agit d'en rendre compte sans la dénaturer, de doser sa part de rêve et sa part de réalité, que les hommes insatisfaits y ont placées sans même s'en rendre compte. Non content de tenter de dire en permanence la prise de conscience de la conscience, Valéry fut en même temps un constructeur, plus précisément un architecte d'une méthode et non pas d'un système comme moyen d'investigation. En cette matière, Léonard de Vinci fut son modèle. N'a-t-il pas le premier allié d'une manière remarquable l'esprit scientifique et l'esprit artistique, l'un étant inséparable de l'autre ?

L'écriture comme architecture infinie

L'un et l'autre sont en effet un moyen pour parvenir à un objet dans la plus haute perfection. Dans Eupalinos ou l'Architecte, il retrouve le problème déjà posé dans l'Introduction à la méthode de Léonard de Vinci, qu'il examina. Il lui importe de saisir le chemin de labyrinthe aussi bien extérieur qu'intérieur, des méandres de la conscience, de saisir le cheminement qui va de l'observation à l'expression. Comment connais-tu est le problème essentiel qu'il se pose. Eupalinos est l'architecte parfait qui n'oublie aucun détail et qui, en plus de la connaissance universelle, est doué d'une lucidité à toute épreuve. Du flot de l'inspiration, Valéry saisit le purement poétique, le diamant qu'il sort de la gangue, pour parvenir à l'expression pure, à un classicisme, somme toute, où se trouve formulé essentiellement ce qui est à dire, qui a surmonté, non sans peine et sans mal, le flux tumultueux de la conscience brute. Tout classicisme suppose un romantisme intérieur. Le poète, obsédé par la pureté de la forme, opère un choix allant se raréfiant, mais ce choix, si strict soit-il, n'est jamais unique et définitif. L'œuvre sera donc toujours inachevée et perfectible, ce qui explique peut-être le long silence de Valéry, durant lequel il affirma non seulement sa conscience, mais sa maîtrise de la forme, sa méthode. Ce perfectionnisme incessant qui cherche à s'approprier la chose allant s'édulcorant a pu faire dire de Valéry qu'il était obscur. Valéry n'a fait que vouloir exprimer des états infiniment complexes ; d'où la complexité de la composition de ses poèmes.
À côté de Valéry poète et prosateur, il ne faut pas négliger l'essayiste qui n'a cessé de s'interroger, d'interroger les problèmes posés par le monde dans lequel il vivait, les civilisations qui l'entouraient. Humaniste, il le fut au plus haut point, recherchant l'homme autour de lui et en lui-même.
Valéry a traversé immuable la première moitié du XXe s., poursuivant son œuvre sans relâche, presque indifférent au grand courant littéraire et artistique qui l'a bouleversé, le surréalisme. Son indépendance totale, faisant fi des modes et des engouements, lui a permis de mener à bien une expérience qui, même si elle resta inachevée, témoigne d'une authenticité réelle, dont l'exemple demeure un modèle.

Son Å“uvre

Les essais de Valéry traduisent ses inquiétudes sur la pérennité de la civilisation, Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles , l'avenir des droits de l'esprit , le rôle de la littérature dans la formation, et la rétroaction du progrès sur l'homme.
Sa série Variété I, II, III, IV, V se compose d'un autre type d'écrits : ceux qui lui ont été commandés et qu'il n'eût sans doute, de son aveu, jamais écrits de lui-même. Ils n'en témoignent pas moins d'une profondeur d'analyse impressionnante que l'on retrouve aussi dans la série de courts essais sur divers sujets d'actualité du XXe siècle publiée sous le titre : Regards sur le monde actuel (Voir par exemple Notre destin et les lettres.
Sa correspondance avec André Gide a été plusieurs fois publiée à la NRF, la dernière édition à ce jour 2013 datant de 2009. On y découvre tant un Gide impressionné par la puissance intellectuelle de Valéry, que des aspects humains peu connus du second dont un flirt "poussé", et surtout un témoignage sur la façon dont ces deux écrivains assistaient inquiets à la montée des périls des années 1930.
On retrouve dans ses Cahiers des passages de Tel quel ainsi que des indications probablement destinées à faciliter leur regroupement en un seul ouvrage ou en des ouvrages ultérieurs : Nombres plus subtils, Robinson, etc.
Il a aussi publié L'Idée fixe.
Paul Valéry est également connu comme traducteur en vers Les Bucoliques de Virgile) et apprécié pour ses préfaces critiques "Lucien Leuwen" de Stendhal, "Les Chimères" de Nerval.

Philosophie

La portée philosophique et épistémologique de l'œuvre de Valéry est souvent méconnue, peut-être en raison de la publication tardive de ses cahiers. Pourtant Valéry est l'un des penseurs éminents du constructivisme3.

Le rapport que Valéry entretient avec la philosophie est singulier. Dans ses Cahiers il écrit : Je lis mal et avec ennui les philosophes, qui sont trop longs et dont la langue m'est antipathique.En effet, s'il s'inspire librement de Descartes en ce qui concerne une certaine méthode du penser il est en revanche très critique sur le discours philosophique lui-même. Pour Valéry, le philosophe est plus un habile sophiste, manieur de concepts, qu'un artisan au service du Savoir comme l'est le scientifique.
En revanche, son désir de comprendre le monde dans sa généralité et jusqu'au processus de la pensée lui-même — caractéristique du philosophe — oriente fortement son travail, ce qui se manifeste en particulier dans :

La Crise de l’esprit Variété I Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles
Petite Lettre sur les mythes Variété II
La Politique de l’esprit, Le bilan de l'intelligence (Variété III) Nous entrons dans l'avenir à reculons
Discours de réception à l’Académie française
Discours de l’histoire Variété IV
Discours aux chirurgiens, L’Homme et la coquille Variété V
Notre destin et les lettres Regards sur le monde actuel
et tout au long de ses Cahiers.

Bibliographie Å’uvres

Introduction à la méthode de Léonard de Vinci 1895
La Soirée avec monsieur Teste 1896
Essai d'une conquête méthodique 1897
La Jeune Parque 1917
La Crise de l’esprit 1919
Le Cimetière marin 1920
Album de vers anciens 1920
Charmes 1922
Eupalinos ou l'Architecte 1923
L'Âme et la danse 1923
Variété I 1924
Propos sur l'intelligence 1925
Monsieur Teste 1926
Variété II 1930
Regards sur le monde actuel 1931
Amphion 1931
Pièces sur l'art 1931
L'idée fixe ou Deux Hommes à la mer 1932
Discours en l'honneur de Goethe 1932
Sémiramis 1934
Notion générale de l’art 1935)en ligne
Variété III 1936
Degas, danse, dessin 1938
Discours aux chirurgiens 1938
Variété IV 1938
Mauvaises pensées et autres 1942
Tel quel 1941, puis 1943 Cahier B 1910; Moralités; Littérature et Choses tues
Dialogue de l'arbre 1943
Variété V 1944

Posthumes :

Mon Faust 1946
L'Ange 1947
Histoires brisées 1950
Lettres à quelques uns 1952 Correspondance de Paul Valéry s'étageant tout au long de sa vie.
Vues 1948
Å’uvres I 1957
Les Principes d'anarchie pure et appliquée 1984
Corona et Coronilla 2008
La totalité des Cahiers est consultable en fac-similé à la bibliothèque du Centre Georges-Pompidou de Paris. Réédition, Gallimard, 2009.

Liens

http://youtu.be/mxAEsFa7FRg Opinion dez Valéry sur la guerre et Hitler
http://youtu.be/O5Hv5C3JGNw Le cimetière marin
http://youtu.be/anS-bJHFg2Q Valéry lu par F. Lucchini
http://youtu.be/POElbxmuFKE Fragment de Narcisse.




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Posté le : 19/07/2014 14:46

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Alberto Santos-Dumont
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Le 20 juillet 1873 à Palmira, aujourd’hui ville de Santos Dumont, Brésil naît

Alberto Santos-Dumont


pionnier franco-brésilien de l'aviation. Il passe la majeure partie de sa vie en France mort à 59 ans le 23 juillet 1932 à Guarujá, Brésil
Il construit de nombreux ballons à bord desquels il vole et conçoit le premier dirigeable pratique. La démonstration de son puissant aéronef plus-lourd-que-l'air, le 14 Bis, a lieu dans le parc de Bagatelle près de Paris, lors d'un vol public, homologuant par la même occasion le premier record du monde d'aviation, le 23 octobre 1906. C'est le premier homme à posséder les trois brevets de pilote : ballon, dirigeable et aéroplane.


En bref

Venu très jeune en France, il créa, de 1898 à 1905, plusieurs modèles de dirigeables. Il effectua le 23 octobre 1906 le premier vol propulsé homologué en Europe. Ses avions du type Demoiselle, créés à partir de 1909, sont les précurseurs des avions légers modernes.
Sans apporter de solution positive aux premières expériences aéronautiques, Alberto Santos-Dumont suscite à leur égard, par des démonstrations originales, une grande curiosité dans le public français. Brésilien d'origine et Parisien d'adoption, il construit, à partir de 1898, de nombreux dirigeables équipés d'un moteur à explosion — la priorité, en l'occurrence, appartenant au dirigeable de l'Allemand Wölfert avec un moteur Daimler en 1888. Ces aérostats sont expérimentés à Longchamp, à Bagatelle et à Saint-Cloud sur le terrain de l'Aéro-Club de France. C'est en 1904 que Santos-Dumont réalise deux prototypes d'aéroplanes, qu'il essaie sans succès. Deux ans plus tard, il exécute un modèle pour le moins très insolite : le Santos-Dumont-XIV bis, avion biplan suspendu sous le dirigeable Santos-Dumont-XIV, ce dernier devant assurer l'envol et la sustentation. Les ailes, assemblées en dièdre, sont reliées deux à deux par des plans verticaux formant cellules.
À l'avant, debout dans le fuselage, le pilote manœuvre une cellule indépendante qui remplace les gouvernails de profondeur et de direction. À l'arrière : moteur Antoinette de 24 ch propulsant une hélice. L'ensemble 300 kg repose sur trois roues de bicyclette. Essayé à Bagatelle juillet 1906, cet engin hybride est à peine soulevé. Débarrassé du ballon, l'aéroplane effectuera quelques vols, sur 220 mètres, au mieux, et sans dépasser 5 mètres d'altitude. Santos-Dumont lancera ensuite en 1907 le premier de ses petits monoplans appelés Demoiselles, envergure : 5,10 m ; poids : 56 kg. Mais, déjà, les frères Voisin et Louis Blériot engagent la construction aéronautique vers des réalisations plus convaincantes.

Sa vie

Son père, Henri Dumont était français naturalisé Brésilien qui fit fortune dans la plantation de café. Sa mère Dona Francisca dos Santos était la fille d’un notable Brésilien. Santos-Dumont eut sept frères et sœurs.
Alberto suivit des études à São Paulo et à la prestigieuse école des mines d'Ouro Preto. À la suite d'un accident de cheval, son père devint paraplégique et vendit les plantations. Sa famille décida d’émigrer à Paris en 1891. En 1896, Alberto retourna au Brésil où vivait sa mère mais en 1897 il revint vivre à Paris.
En 1898, Alberto participa à une course de ballons avec un ballon de 1 800 m³ nommé l'Amérique. Durant cette course il effectua un vol de 22 heures, de Paris à la Creuse.
Cette même année, il commanda à deux ingénieurs français, Henri Lachambre et Alexis Machuron, le plus petit ballon du monde, qu'il appela le Brazil. Le diamètre de ce ballon était de 6 mètres, ce qui correspond à une sphère dont le volume et la surface sont égaux en chiffres : 113 mètres cubes et 113 mètres carrés. Construite en soie du Japon, l'enveloppe ne pesait que 3,5 kg et 14 kg après avoir été vernie en trois couches. Le filet en coton pesait 1 800 g. La nacelle, petite mais suffisamment spacieuse, pesait elle 6 kg. Un guiderope de 8 kg et un grappin de 3 kg complétaient l'équipement. Son poids total était de 27,5 kg sans ses engins d'arrêt. En raison du poids réduit de l'aéronaute, 50 kg, le Brazil gonflé à l'hydrogène réussit à emporter 30 kg de lest. L'inauguration eut lieu le 4 juillet 1898. L'ascension se prolongea pendant cinq heures, durée impressionnante pour un si petit ballon, et se termina près de Pithiviers.

Santos-Dumont fit construire son premier dirigeable, le numéro 1 en 1898 par Henri Lachambre. Celui-ci était équipé d'un moteur De Dion-Bouton. Une grande lignée suivit jusqu'à 1905.
En 1901, Henry Deutsch de la Meurthe créa une compétition, dotée de 100 000 francs, réservée aux seuls dirigeables et qui consiste à couvrir en moins de 30 minutes la distance entre Saint-Cloud et la Tour Eiffel. Santos-Dumont y participa et la remporta. Il se passionna également pour les machines volantes de Clément Ader, des frères Wright et d'Otto Lilienthal, dont les machines parvenaient à peine à s’arracher du sol.

En 1904, il publia son livre Dans L'air chez Fasquelle. Ce livre ne fut tiré qu'à cinquante exemplaires numérotés.
Six mois après le premier vol de Traian Vuia, le 23 octobre 1906, dans le parc de Bagatelle, Santos-Dumont parvint à maintenir sa machine au-dessus du sol sur une distance d’une soixantaine de mètres « au-dessus de l’herbe.
L'histoire retint cet évènement comme l'un des premiers vols d'Europe. Conforté par cet exploit, le 12 novembre 1906, à bord du 14 Bis, un biplan à moteur Antoinette d’une puissance de 50 ch, il franchit en vol une distance de 220 mètres en 21 secondes, à la vitesse de 41,3 km/h – considérable pour l'époque ; cette prouesse figurait sur les tablettes de la toute nouvelle Fédération aéronautique internationale comme le premier record du monde d'aviation. Il avait appelé son aéroplane 14 Bis parce que ses premières expériences de sustentation s’étaient déroulées arrimées à un dirigeable immatriculé 14
Le 22 novembre de la même année, l’aérostier remporta le prix d'aviation créé conjointement par Deutsch de la Meurthe et Ernest Archdeacon. En 1907, Santos-Dumont tenta à quinze reprises des vols motorisés avec les moteurs Antoinette. Bon nombre furent des échecs.
Alors que le nom de Santos-Dumont circulait depuis plus de 10 ans dans les milieux des aéronautes et des aérostiers, Alberto entreprit la construction des "Demoiselle ", petits monoplans motorisés.
Ces réalisations augmentèrent sa popularité auprès du public français mais aussi auprès des vedettes des meetings aériens. Son aura augmenta d'autant plus qu'il offrait gratuitement les plans de ses avions à ceux qui souhaitaient les construire. Ces appareils étaient d’une incroyable maniabilité, si bien qu’ils devinrent à leur tour les vedettes des exhibitions aériennes que le public réclamait. Encouragé par ses succès et sa célébrité naissante, Santos-Dumont modifia et améliora ses aéronefs. Bientôt ce furent de véritables avions de tourisme faits de toile de chanvre et de bambous qu’il vendit en kit au public. Il en abandonna les droits de licence ce qui en favorisa la construction par des tiers, Roland Garros, Audemars et Brindejonc des Moulinais firent leurs premiers vols sur des Demoiselle, on les appelait alors les demoisellistes.
Après la Première Guerre mondiale, Santos-Dumont resta encore en France une dizaine d’années. Mais la seule perspective de voir évoluer l'aviation aux seules fins militaires le dégoûta. Il fut atteint de sclérose en plaques en 1928 et retrouva son pays natal la même année où il fit quelques meetings, mais il finit par se suicider dans une chambre du Grand hôtel de Guarujá le 23 juillet 1932.

Anecdotes

Santos-Dumont a favorisé la création du Parc national de l'Iguaçu à la frontière argentino-brésilienne. Une statue dans la partie brésilienne du parc commémore cette intervention.
À Paris existent, dans le 15e arrondissement la rue Santos-Dumont et la villa Santos-Dumont.
En 1904, le joaillier Louis Cartier, avec lequel il est ami, crée pour lui une montre spécifiquement conçue pour être portée au poignet avec un bracelet de cuir.
Le film Odyssée de la marque Cartier rend hommage à Santos-Dumont.

Controverse

Santos-Dumont revendique être le premier à avoir quitté le sol à bord d'un aéronef plus lourd que l’air pourvu d'un moteur à essence qu'il a lui-même élaboré, mais Clément Ader, sous contrat avec l'armée française aurait le premier volé, en 1890, sur un aéronef propulsé par un moteur à vapeur.

Honneurs posthumes

En hommage à Santos-Dumont, pionnier brésilien de l'aviation, La Poste française émet un timbre à son effigie.
Une rue a son nom a été crée à Bois d'Arcy.

Liens
http://youtu.be/3cRc-MA0IS0 (Brésilien)
http://youtu.be/o7Rf-MnERfo Biographie en Anglais
http://youtu.be/849ytgB2WV4 Premier vol
http://youtu.be/tz1y5TgkgfU Centenaire 12 Novembre 2006



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[img width=600]http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/9b/Alberto_Santos_Dumont_flying_the_Demoiselle_(1909).jpg[/img]

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Posté le : 19/07/2014 14:02

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Lucian Freud
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Le 20 juillet 2011 à Londres Royaume-Uni, à 88 ans, meurt Lucian Freud,

né le 8 décembre 1922 à Berlin Allemagne peintre figuratif, Réalisme, expressionnisme
britannique.
Par son style à la fois réaliste, acéré et presque caricatural, il est considéré comme un des peintres figuratifs les plus importants, et un des plus exemplaires.
Il est notamment célèbre pour avoir peint, en 2001, le portrait de la reine Élisabeth II à l'occasion de son jubilé d'or, tableau qui a soulevé une polémique en Grande-Bretagne.


En bref

Né en 1922, le peintre Lucian Freud s'est imposé comme une figure singulière dans l'art contemporain, tant il a poursuivi une œuvre anachronique et originale, à rebours des modes et des avant-gardes successives. Ses portraits s'inscrivent dans la tradition des plus grandes époques de l'art pictural tout en étant travaillés par un sens radicalement moderne de l'inquiétude et du soupçon. Un de ses tableaux, le Portrait de la reine Elizabeth II, 2001, Queen's Gallery, Buckingham Palace, a ainsi subi les critiques des journaux conservateurs pour son style agressif, tandis qu'il peut aussi passer pour le témoignage intempestif d'une peinture antimoderne. Cette liberté de ton comme de touche rapproche Lucian Freud de Francis Bacon, avec lequel il a exposé à maintes reprises. Elle nous rappelle surtout que le XXe siècle demeure, sans que les contemporains s'en rendent toujours bien compte, un des grands siècles du portrait, de Giacometti à Baselitz, de Dubuffet à Warhol ou de Picasso à Boltanski.

sa vie

Petit-fils du médecin et fondateur de la psychanalyse, Sigmund Freud, Lucian naît à Berlin. Son père, l'architecte Ernst Freud 1892-1970, est le plus jeune fils de Sigmund Freud. En 1934, pour échapper à l'antisémitisme nazi, Ernst Freud emmène sa famille à Londres. Lucian a deux frères, Stephen Freud né en 1921 et sir Clement Freud 1924-2009. En 1938, à la suite de l'Anschluss, leur grand-père les y rejoint.
Après ses études secondaires, Lucian entre en 1938–1939 à la Central School of Arts and Crafts de Londres. De 1939 à 1941, il suit les cours de Cedric Morris à l'East Anglian School of Painting and Drawing à Dedham. Il est alors mobilisé dans la marine marchande puis démobilisé après trois mois de mer.
De 1942 à 1943 il étudie à temps partiel au Goldsmith's College à Londres. En 1943, il illustre les poèmes de Nicholas Moore. Il expose, pour la première fois, à la galerie Lefèvre à Londres en 1944. Sa peinture est alors influencée par le surréalisme : en témoigne le tableau énigmatique The Painter's Room. Déjà, l'univers personnel de Freud y est représenté : la fenêtre, la plante, l'animal, tous les éléments de son œuvre sont en place.

En 1946, Freud visite Paris et la Grèce. Il reviendra très régulièrement à Paris pour rendre visite à Picasso et à Giacometti.

En 1948, il épouse la fille du sculpteur Jacob Epstein, Kitty Garman. C'est son premier mariage. Il divorce puis se remarie et divorce pour la deuxième fois.
Lucian Freud a eu de nombreux enfants légitimes ou naturels, une quinzaine, dont la styliste Bella Freud née en 1961, l'écrivain Esther Freud, l'artiste Jane Mc Adam Freud née en 1958 ou encore Noah Woodman, entre autres.
À partir des années 1960, son style à la fois brutal et réaliste se forge avec comme thèmes privilégiés les portraits de ses amis, mais aussi des commandes, des grands nus vus comme écrasés par la vision de l'artiste, des portraits de chevaux et de chiens.
Il est alors proche de Francis Bacon, Frank Auerbach, Kossoff, Andrews, etc., amis avec qui il forme ce que l'on appellera l' École de Londres – groupe auquel sera consacrée une exposition, en 1998–1999, au musée Maillol6.

Il décède dans la nuit du 20 au 21 juillet 2011, dans sa résidence de Londres.

La reconnaissance

Le talent de Freud est reconnu à partir des années 1970–1980 avec, en 1974, l'exposition rétrospective de ses œuvres à la Hayward Gallery de Londres, puis, en 1982, avec la publication de la première monographie consacrée à son œuvre par Lawrence Gowing.
La première grande exposition itinérante de son œuvre a lieu en 1987-1988 Washington, Paris, Londres, Berlin. Après l'exposition de l'École de Londres suivent, en 2002, l'exposition de la Tate Britain, celle de la fondation La Caixa Barcelona, celle du Musée d'art contemporain de Los Angeles.
En 2005 a lieu une importante rétrospective de son œuvre à Venise.
En 2010 – Lucian Freud a 88 ans – est présentée à Paris l'exposition Lucian Freud - L'Atelier, au Centre national d'art et de culture Georges-Pompidou, plus de vingt ans après la première rétrospective que lui avait consacrée le Centre, en 1987.

Distinctions

Membre de l'Ordre des compagnons d'honneur CH - 1983
Membre de l'Ordre du Mérite britannique OM

Présentation de l'œuvre L' Ingres de l'existentialisme

L'œuvre de Lucian Freud est divisé en plusieurs périodes : une première période aux compositions surréalistes ; puis une période réaliste dite néo-romantique, où apparaissent les portraits dans une texture légère ; enfin la période de maturité, qui a fait la réputation de l'artiste.
Peints dans une texture épaisse, dans des tons bruns, gris et blancs, les portraits apparaissent souvent comme vus avec une acuité particulière qui ne veut cacher aucun détail, en particulier du visage, du modèle scruté. Peints sur le vif, ils sont repris de nombreuses fois.

Les modèles nus sont vus dans des ateliers désolés – en fait l'appartement vide où travaille le peintre –, sur des lits ou des sofas défoncés dans des poses inhabituelles et avec des attitudes crues. Aucun détail n'est caché. L'éclairage de la scène est souvent électrique, et on remarque des coups de blanc sur les chairs des modèles peints qui renforcent la sensation d'éclairage artificiel.
Freud parle d'une déformation particulière qu'il obtient par sa façon de travailler et d'observer.
Il faut reconnaître aussi que, pour ses détracteurs, le style particulier de Freud choque par l'aspect caricatural, presque morbide de certaines de ses œuvres.
Peintre, Freud est également graveur. On lui doit une œuvre gravée sur cuivre abondante, en noir et blanc, et qui reprend et réinterprète les thèmes de sa peinture.

L'homme mis à nu

De fait, pendant toute sa carrière, Freud met à nu le corps humain et en souligne avec compassion la séduction et la fragilité. Peintre de la tristesse de la chair plus que de son exaltation (Homme nu au rat, 1977-1978, Art Gallery of Western Australia), il s'éloigne des canons du beau idéal et met crûment en valeur l'apparence physique, souvent banale, de ses modèles, éloignés de toute grâce particulière, voire marqués par l'âge. Si cette nudité présente une dimension sexuelle évidente, elle paraît aussi renvoyer à une faiblesse humaine d'ordre plus essentiel. Ce mystère et ce drame qui se manifestent dans la chair nue, Freud continue de les explorer même lorsqu'il se concentre sur un simple visage. Ainsi confie-t-il à Laurence Gowing, à propos de Tête endormie (1962, collection particulière) : « J'allais faire un nu quand je me suis rendu compte que je pouvais le faire avec la tête seule. » Dès le Portrait de Francis Bacon (1952, Tate Gallery, Londres), la figuration du visage humain, dans sa singularité et son expressivité, devient un de ses thèmes favoris. C'est dans ce genre qu'il procède, avec La femme qui sourit (1958-1959, collection particulière), à un renouvellement décisif de sa manière de peindre, en abandonnant la valorisation du seul contour au profit de la couleur matière, étalée avec vigueur et violence sur la surface au moyen des poils durs d'un pinceau en soie de porc. Ce travail de représentation en relief déstructure le visage et lui confère une singulière intensité. De fait la spécificité de la peinture, par rapport à la photographie notamment, n'est pas aux yeux de Freud d'ordre technique, mais relève de l'éthique : la différence entre le portrait photographique et le portrait peint, souligne-t-il, est « le degré d'intervention des sentiments dans l'échange entre les deux parties en présence. La photographie les laisse jouer dans une toute petite mesure, la peinture dans une mesure illimitée ».

Cet échange de sentiments s'opère d'autant plus fortement que Freud peint avec le modèle vivant, et non d'après lui, et travaille généralement avec des personnes qui appartiennent à son entourage. Une série d'importants portraits se présente cependant comme des créations à vocation publique, dans la lignée des portraits d'apparat courants aux siècles antérieurs, Lord Goodman in his Yellow Pyjamas, 1987 ; Portrait of Baron H. H. Thyssen-Bornemisza, 1981-1982, musée Thyssen-Bornemisza, Madrid. Mais, même dans ces tableaux qu'on peut dire officiels, Freud montre l'ambition de traquer l'authenticité de la personne derrière son masque social, et met en valeur avec une violence savamment retenue l'émotion qui émane de chaque être humain : La peinture, c'est la personne, aime-t-il à répéter. Portée à incandescence, la peinture est cet art de révélation qui traque dans l'apparence sensible une vérité complexe et mystérieuse ; même les natures mortes – Cyclamen, 1964 ; Deux Plantes, 1977-1980, Tate Gallery, Londres – se révèlent de ce point de vue plus étranges qu'on ne le croirait à première vue.

Réinventer la tradition de la peinture

Les nombreux autoportraits qui jalonnent la carrière de Lucian Freud constituent bien plus qu'un simple exercice d'introspection. Ils constituent, ainsi que le prouve notamment l'autoportrait nu Painter Working, Reflection 1993, collection particulière, de véritables manifestes de la peinture comme travail, comme ambition plastique inscrite dans une histoire. Freud a de manière générale le souci de lier ses créations modernes à la tradition de la peinture occidentale ; il manie la brosse avec la brutalité d'un Frans Hals, évoque directement le Pierrot content de Watteau 1712 dans Grand Intérieur W. 11 1981-1983, collection particulière ou fait en maints détails de son œuvre référence à Rubens, Corrège et beaucoup d'autres.
En 2002, l'année même de son importante rétrospective à la Tate Gallery, l'artiste a été choisi pour sélectionner les œuvres de l'exposition Constable au Grand Palais à Paris, dont il a su mettre en valeur avec originalité l'art de portraitiste et la manière, subtile et spontanée, d'utiliser l'aquarelle et l'huile. La toile D'après Cézanne 2000, National Gallery of Australia, libre réinterprétation du tableau de Cézanne L'Après-midi à Naples 1870-1875 qui figure dans sa collection personnelle, atteste avec éclat l'importance de ce rapport, savant et inventif, à de grands maîtres.
La composition présente deux femmes et un homme, associés en une scène énigmatique qui prend place dans un lieu de plaisir. Les jeux de regard et d'expression, le mode de figuration tourmentée des corps mettent surtout en lumière le malaise de l'homme d'aujourd'hui, perdu dans un univers apparemment dénué de sens et confronté à des questions sans réponse.
Ainsi, Lucian Freud s'affirme comme le peintre moderne de la figure humaine, dans la vérité de sa chair et dans son inquiétude existentielle.

Le point de vue d'Hector Obalk

Le critique d'art Hector Obalk a consacré à Lucian Freud un épisode de son émission Grand'Art, diffusée sur Arte en mars 2009. Il nous fait voyager dans l'univers de l'artiste depuis ses débuts jusqu'à son œuvre récente, notamment au travers d'une série d'autoportraits allant de ses toiles des années 1940 à celui de 2005.
Hector Obalk y voit un bon moyen pour décrire l'évolution de la technique de Freud. Il y voit également, tour à tour, la représentation d'un peintre présomptueux, sûr de lui, faussement inquiet, enfin assumant sa nudité et les marques de la vieillesse.
Son dernier autoportrait le représente en effet nu, les pieds dans des godillots ouverts, tenant de la main gauche sa palette et de la droite son couteau de peinture, dans le vide de son atelier, qu'il n'a jamais voulu aménager nous dit le critique.
Ses portraits traitent de personnes ordinaires, des proches du peintre. Ils constituent parfois des séries, comme ceux de l'industriel irlandais, son chien et son fils, ceux de sa fille ou de son assistant David Dawson. En rendant aussi fidèlement que possible certains éléments de lumière, en exagérant d'autres traits, Lucian Freud a été capable de faire sentir le caractère de ses personnages.
Ses sujets non animés ont plutôt tendance à s'intégrer comme éléments du portrait, qu'ils soient détails, remontoir de montre ou ceinture pour l'industriel, cravate du fils de l'industriel au rendu rendant les reflets de la pièce ou plus conséquents, fouillis d'objets sur la chaise à côté de son assistant.
Toutefois, quelques œuvres portent exclusivement sur des éléments de décor, comme deux représentations du lavabo de son atelier.
D'un point de vue technique, Hector Obalk remarque au début de son travail un attachement aux reflets dans les yeux, certaines exagérations touchant presque à la caricature et, toujours, une recherche obsessionnelle du rendu de la lumière.
Sur le tard, Freud ne dessine pour ainsi dire plus, il pose les touches de teintes des carnations, dessinant ainsi des visages, parfois englués sous une épaisse couche de peinture. Pour Obalk, toutefois, cela n'a pas toujours été une réussite…
Ce dernier relève trois changements dans la technique picturale de Freud. D'abord, un changement d'outil, une brosse plus dure. Ensuite, le passage à un blanc contenant plus d'oxyde de plomb, ce qui lui permet de rendre encore mieux les contrastes de lumière. Enfin, après être passé maître de sa technique, une remise en question totale qui lui fait abandonner en 1988, comme évoqué ci-dessus, le dessin des formes, pour l'application de touches de couleur, remise en question que seul un Titien avait été auparavant en mesure de faire, risque rendu possible du fait de la grande maîtrise technique, mais aussi de l'âge vénérable atteint par les deux peintres.

La cote de l'Å“uvre

Naked Woman on a Sofa 1984-1985 est vendu aux enchères, en 2005, pour 4,353 millions d'euros.
Le 13 mai 2008, un nu intitulé Benefits supervisor sleeping, daté de 1995, est vendu par Christie's à Londres. Le montant final des enchères, près de 34 millions d'euros, fait de cette œuvre la plus chère pour un artiste encore vivant.
Le 13 octobre 2011, le petit portrait de Charlie Lumley, Boy's Head tête de garçon, daté de 1952, est vendu par Sotheby's à Londres pour 3,2 millions de livres, 5 millions de dollars. Cette vente a attiré beaucoup d'attention médiatique.

Liens

http://youtu.be/KtD8CMaje8o Peintures portraits
http://youtu.be/eJdOst73_8M Le peintre



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Posté le : 19/07/2014 13:38

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Erik Axel Karlsfeldt
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Le 20 juillet 1864 à Karlsbo sv Folkärna, Dalécarlienaît naît Erik Axel Karlfeldt

mort le 8 avril 1931 à Stockholm, poète suédois dont la poésie fut extrêmement populaire et qui reçut de manière posthume le Prix Nobel de littérature en 1931, bien qu'il l'eût précédemment refusé en 1918.
Il a transposé avec réalisme et humour les traditions et les peintures naïves des paysans à travers ses poèmes dalécarliens Chansons de Fridolin, 1898. Prix Nobel 1931


Sa vie

Karlfeldt est né dans une famille de fermiers, à Karlsbo sv, dans la province de Dalécarlie. Né Erik Axel Eriksson, il choisit son nouveau nom en 1889, souhaitant ainsi marquer sa distance avec son père déshonoré par une condamnation dans une affaire criminelle. Il a étudié à l'Université d'Uppsala, obligé de payer ses études en donnant des cours à plusieurs endroits, dont Djursholm, une banlieue de Stockholm et dans une école pour adultes.
Après ses études, il obtint un poste à la Bibliothèque royale de Suède, à Stockholm, pendant cinq ans.
Son enfance et sa jeunesse sont sans histoire si ce n'est que, par la force des choses, les paysages de Dalécarlie — lacs, forêts, villages et fermes aux couleurs vives — et leurs habitants en constituent la toile de fond. Ses examens passés, en 1898, il enseigne puis devient bibliothécaire.
En 1904, Karlfeldt fut élu membre de l'Académie suédoise et occupa le fauteuil 11. En 1905; il fut élu membre de l'Institut Nobel de l'Académie, et, en 1907, du Comité Nobel. En 1912 il fut élu secrétaire perpétuel de l'Académie, fonction qu'il occupa jusqu'à sa mort.
L'Université d'Uppsala, où Karlfeldt a été étudiant, lui a décerné le titre de Docteur honoris causa en 1917.

Aborder l'œuvre extrêmement originale de ce poète suédois implique deux présupposés : d'abord, que l'on connaisse bien les fameuses peintures murales de Dalécarlie, province du centre de la Suède, naïves et colorées à souhait, qui illustrent avec ingénuité quelque passage de la Bible ; ensuite, que l'on se rappelle que Linné était suédois et qu'en ce pays tout homme bien né vit en symbiose étroite avec la flore et la faune. Musique, nature et petit peuple d'une des plus pittoresques provinces du Nord, telles sont les composantes d'une inspiration dont la fraîcheur et la sympathie font le prix.

Dès son premier recueil de poèmes, Chansons du désert et chansons d'amour 1895, tous ses thèmes sont en place : dans une forme d'une extrême simplicité, qui s'entend admirablement à faire chanter les sonorités du suédois, il exalte, non sans réminiscences romantiques, la grande nature à demi sauvage du Nord, sans trop d'idéalisation, avec un sens aigu de la réalité et, surtout, une sorte de fascination pour les motifs qui, depuis le Moyen Âge, sous-tendent un folklore d'une belle richesse. Mais c'est à dater de 1898 qu'il conçoit son principal personnage poétique, appelé à connaître dans son pays une belle popularité, ce Fridolin qu'il définit comme un homme instruit, d'origine paysanne, qui est revenu au monde de ses pères quand il lui a paru séduisant de creuser la terre après avoir perdu tout son temps à ne fouiller que dans les livres.
Les Chansons de Fridolin 1898 forment un curieux recueil poétique où joie de vivre, voire jovialité populaire, et mélancolie se mêlent. La bonne humeur vient de ce fond de vieille culture populaire doré par le romantisme du souvenir, les touches plus graves sont dictées par le sentiment de tout ce que nous avons perdu en passant au modernisme. Le Jardin d'Éden de Fridolin, 1901 introduit un élément nouveau qui a, plus que tout, contribué à la gloire du poète. Un certain nombre de pièces s'attachent à y décrire les célèbres peintures murales dalmålningar de Dalécarlie ou, plutôt, à en restituer, en vers libres, l'atmosphère et la tendresse.
Les peintres populaires qui ont décoré dessus de portes et voûtes d'églises de scènes bibliques adaptées à leur goût — on y voit le jardin d'Éden, Élie sur son char, Jonas dans la bouche de la baleine, mais tous en costumes suédois modernes avec bicornes et parapluie au bras — ont voulu parler simplement, candidement à leurs semblables, et c'est cela que Karlfeldt sait merveilleusement retrouver.
Devenu célèbre, il compose deux recueils encore à la gloire de la sagesse populaire : Flore et Pomone 1906 et Flore et Bellone 1918. Restent les Pensées et propos publication posthume, 1932 et ce Cor d'automne 1927 où l'inspiration religieuse a définitivement pris le dessus. À quoi bon déplorer ?
La vie et la mort sont de l'homme, résignons-nous à nous réconcilier avec celle-ci comme nous avons spontanément tant aimé celle-là. Nous avons aimé, bu, chanté, vécu sub luna — sub luna morior.

Ce dernier recueil avait décidé les augures à décerner à Erik Axel Karlfeldt le prix Nobel : il refusa par modestie ; ce n'est qu'après sa mort, en 1931, qu'il lui fut acquis. À juste titre, s'il faut le dire : il reste un artiste qui sut faire chanter le vers suédois comme bien peu de ses compatriotes, un homme du Nord, dont l'inspiration ne se pouvait concevoir sans la grande nature, ses sons, ses parfums et ses couleurs.

Å’uvres

Erik-Axel Karfeldt était considéré comme le chantre de fridolin. Ce surnom lui fut attribué en l'honneur d'un personnage qui revenait souvent dans ses poèmes, Fridolin. Ce jeune étudiant d'origine paysanne, compose tantôt des poèmes des seigneurs, et par d'autres moments des chants populaires. Mais, si Karfeldt était de l'avis unanime, considéré comme le chantre de Fridolin, il n'en demeure pas moins que sa poésie ne se résume pas à cela.

En 1895, il publie son premier recueil de poèmes, Vildmarks - och kärleksvisor Chansons de la lande et Chansons d'amour. Hélas, ce livre ne lui rapportera pas la renommée qu'il espérait.
En 1898, il écrit Fridolins visor Chansons de Fridolin. C'est le début de l'univers de Fridolin.
C'est en 1901 qu'il publie Fridolins lustgard och Dalmalningar pa rim L'Eden de Fridolin et Peintures dalécarliennes.
En 1906, paraît le fin recueil de poèmes, Flora och Pomona Flore et Pomone.
Ce fut en 1918 que le cinquième recueil poétique de Karfeldt sortit, sous le nom de Flora och Bellona Flore et Bellone. Mais pendant que E.-A. s'était consacré à des travaux d'érudition, seul, le monde avait beaucoup changé. Les écrivains des années 1910 introduisaient le réalisme dans la description de la société et la nouvelle génération se désintéressa du monde sentiment des années 1890. Karfeldt eut donc à supporter divers critiques pour son manque de conformisme et son indifférence à l'égard des évènements politiques. Les critiques étaient justifiées jusqu'à un certain point. Karfeldt s'était plongé dans la peinture paisible de la vie paysanne ; son vocabulaire, sa langue imagée avaient emprunté leurs couleurs au monde bucolique de la Dalécarlie.
Dans le dernier recueil de Karfeldt, paru en 1927, la préciosité et le ton de prédication ont tous deux disparu. Ce livre prend le nom de Höstorn Cor d'automne.

Prix Nobel de littérature

Le 8 octobre 1931, six mois après son décès, Erik-Axel Karlfeldt, secrétaire perpétuel de l'académie suédoise, reçoit le Prix Nobel, sur la proposition de l'un de ses confrères, Monseigneur Nathan Söderblom, archevêque d'Uppsala.

Poèmes en chansons

Le compositeur suédois Wilhelm Peterson-Berger a composé de nombreux chants populaires basés sur des poèmes d'Erik Axel Karlfeldt, dont Aspåkerspolska.

Liens
http://youtu.be/oaRgQK9QKAg Chez Erik Axel Karlsfeldt
http://youtu.be/2HAJY60z9AM Poème chanté en suedois



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Posté le : 19/07/2014 13:37

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Le 20 juillet 1031, à 59 ans, meurt au château de Melun Robert II de France

surnommé Robert le Pieux


né à Orléans vers 972. Fils d’Hugues Capet et de son épouse Adélaïde d'Aquitaine, il est le deuxième roi franc de la dynastie capétienne. Il règne de 996 à 1031 et est ainsi l'un des souverains de l’an mil.
Roi des Francs 24 octobre 996 – 20 juillet 1031 durant 34 ans, 8 mois et 26 jours, il est Couronné le 25 décembre 987 à Orléans son Prédécesseur est Hugues Capet
et son Successeur Henri Ier. Il porte le titre de de Duc de Bourgogne de novembre 1005 – janvier 1016 c'est à dire durant environ 10 ans, 2 mois à la suite de Otte-Guillaume de Bourgogne et il sera Succedé par Henri Ier. Il appartient à la dynastie des capétiens, il a pour Conjointe Rozala d'Italie, Berthe de Bourgogne puis Constance d'Arles. Il a pour descendance avec Constance d'Arles, Gisèle de France, Alix de France, Hugues de France, Henri de France, Adèle de France, Robert de France, Eudes, la famille royale à pour Résidence le Palais de la Cité, Château de Compiègne, Château de Melun, Château de Senlis, Château d'Étampes, Château de Poissy, Château de Vauvert, Château de Saint-Léger, Château de Vitry-aux-Loges et le Château de Montreuil.


Sa vie

Associé dès 987 à la royauté, il assiste son père sur les questions militaires avec le siège par deux fois, en 988 et 991 de Laon. Sa solide instruction, assurée par Gerbert d'Aurillac à Reims, lui permet de s’occuper des questions religieuses dont il devient rapidement le garant il dirige le concile de Verzy en 991 et celui de Chelles en 994. Poursuivant l’œuvre politique de son père, après 996, il parvient à maintenir l’alliance avec la Normandie et l’Anjou et à contenir les ambitions d'Eudes II de Blois.
Au prix d’une longue lutte débutée en avril 1003, il conquiert le duché de Bourgogne qui aurait dû lui revenir en héritage à la mort, sans descendance directe, de son oncle Henri Ier de Bourgogne, mais que ce dernier avait transmis à son beau-fils Otte-Guillaume.
Les déboires conjugaux de Robert le Pieux avec Rozala d'Italie et Berthe de Bourgogne qui lui valent une menace d’excommunication, puis la mauvaise réputation de Constance d'Arles, contrastent étrangement avec l’aura pieuse, à la limite de la sainteté, que veut bien lui prêter son biographe Helgaud de Fleury dans la Vie du roi Robert le Pieux Epitoma vitae regis Roberti pii.
Sa vie est alors présentée comme un modèle à suivre, faite d’innombrables donations pieuses à divers établissements religieux, de charité envers les pauvres et surtout de gestes considérés comme sacrés, telle que la guérison de certains lépreux : Robert est le premier souverain considéré comme thaumaturge. La fin de son règne révèle la relative faiblesse du souverain qui doit faire face à la révolte de son épouse Constance d'Arles puis de ses propres fils Henri et Robert entre 1025 et 1031.
L’historiographie se consacre depuis longtemps à l’époque de Robert le Pieux, l’an mil, et s’est attachée à décrire l’instauration de la paix de Dieu qui visait à canaliser les seigneurs et assurer la protection des biens de l’Église et des seigneuries. Par ailleurs, si, depuis Jules Michelet, les historiens ont longtemps avancé que le passage à l’an mil avait provoqué des peurs collectives de fin du monde, cette thèse a été réfutée par l'historien Georges Duby puis par Sylvain Gouguenheim, professeur d'histoire médiévale à l'École normale supérieure de Lyon. En fait, la fin du xe siècle et la première moitié du XIe siècle connaissent le début d’un changement économique et social avec l’augmentation de la productivité agricole et des capacités d’échanges permises par le développement de l’usage du denier d’argent. Dans le même temps, la fin des invasions et les continuelles guerres personnelles entraînent, à partir de 1020, la prolifération des châteaux privés, du haut desquels le droit de ban s’impose, ainsi que l’émergence de la chevalerie, nouvelle élite sociale qui tient son origine des cavaliers carolingiens.
Contrairement à son père Hugues Capet, nous avons conservé une littérature contemporaine de Robert le Pieux, exclusivement ecclésiastique, qui évoque la vie du roi. En premier lieu, il y a la biographie écrite par Helgaud de Fleury Epitoma vitae regis Roberti pii, v. 1033, abbé de Saint-Benoît-sur-Loire, qui n’est en réalité qu’un panégyrique voire une hagiographie du souverain. Autres sources exceptionnelles sont les Histoires v. 1026-1047 du moine bourguignon Raoul Glaber. Homme de haute culture, il est, par son réseau clunisien, très bien renseigné sur l’Occident tout entier. Raoul est de loin l’informateur le plus complet sur le règne de Robert le Pieux. Secondairement, il faut noter la traditionnelle Histoire de Richer de Reims et le poème que l’évêque Adalbéron de Laon, dit Ascelin, a adressé à Robert, décrivant ainsi la société de son temps.

Robertiens et Hugues Capet.L’unique héritier du duc des Francs

Comme pour son père Hugues Capet, on ne connaît ni la date, ni le lieu précis de la naissance de Robert, et cela bien que les historiens penchent fortement pour l’année 972 et pour Orléans, capitale du duché robertien depuis le ixe siècle. Le fils unique du duc des Francs, Hugues, et de sa femme, Adélaïde de Poitiers, se prénomme Robert comme son ancêtre héroïque Robert le Fort, qui est mort en combattant les Vikings en 866. Le reste de la progéniture royale est composé de trois sœurs : Gisèle, Edwige et Adélaïde.
Au Xe siècle, la famille des Robertiens est le clan aristocratique le plus puissant et le plus illustre du royaume de Francie. Durant les décennies précédentes, deux de ses membres sont déjà montés sur le trône, évinçant déjà la dynastie carolingienne : Eudes Ier 888 et Robert Ier 922. Le principat d’Hugues le Grand, duc des Francs et grand-père de Robert le Pieux, marque l’apogée des Robertiens jusqu’à sa mort en 956. Néanmoins à partir du milieu du xe siècle, Hugues Capet, qui lui a succédé à la tête du duché et malgré un rayonnement encore important, ne parvient pas à s’imposer comme son père.
La jeunesse de Robert est surtout marquée par les combats incessants du roi Lothaire pour récupérer la Lorraine, berceau de la famille carolingienne, aux dépens de l’empereur Otton II :
" Comme Otton possédait la Belgique la Lorraine et que Lothaire cherchait à s’en emparer, les deux rois tentèrent l’un contre l’autre des machinations très perfides et des coups de force, car tous les deux prétendaient que leur père l’avait possédée "
En août 978, le roi Lothaire lance à l'improviste un assaut général sur Aix-la-Chapelle où réside la famille impériale qui échappe de peu à la capture. Après avoir pillé le palais impérial et les alentours, il retourne en Francie en emportant les insignes de l'Empire. Au mois d'octobre suivant, pour se venger, Otton II réunit une armée forte de soixante mille hommes et envahit le royaume de Lothaire. Ce dernier, n'ayant que peu de troupes autour de lui, est contraint de se réfugier chez Hugues Capet, qui passe pour être le sauveur de la royauté carolingienne. La dynastie robertienne prend alors un virage qui bouleverse le destin du jeune Robert. L’évêque Adalbéron de Reims, à l’origine homme du roi Lothaire, se tourne de plus en plus vers la cour ottonienne pour laquelle il éprouve une grande sympathie.

Une éducation exemplaire

Denier anonyme attribuable à Reims et à l'archevêque Gerbert d'Aurillac ou à Arnoul, fin du Xe siècle.
Hugues comprend rapidement que son ascension ne peut se faire sans l’appui de l’archevêque de Reims. Lui-même illettré, ne maîtrisant pas le latin, il décide d’envoyer Robert, vers 984, non pas chez l’écolâtre Abbon de Fleury, près d’Orléans, mais chez Adalbéron afin qu’il le forme aux rudiments de la connaissance. En effet, à la fin du Xe siècle, Reims a la réputation d’être la plus prestigieuse école de tout l’Occident chrétien. Le prélat accueille volontiers Robert, qu’il confie à son secrétaire le fameux Gerbert d'Aurillac, l’un des hommes les plus instruits de son temps.
On suppose que pour suivre l’enseignement de Gerbert, le jeune garçon dut acquérir les bases du latin. Il enrichit ainsi ses connaissances en étudiant le trivium c’est-à-dire ce qui se réfère à la logique : grammaire, rhétorique et dialectique et le quadrivium c’est-à-dire les sciences : arithmétique, géométrie, musique et astronomie. Robert est l’un des rares laïcs de son temps à profiter de la même vision du monde que les clercs. Après environ deux années d’études à Reims, il regagne Orléans. Son niveau intellectuel s’est aussi développé dans le domaine musical, comme le reconnaît un autre grand lettré de son temps, Richer de Reims. D’après Helgaud de Fleury, à un âge inconnu de son adolescence, le jeune robertien tombe gravement malade, à tel point qu’Hugues et Adélaïde craignent pour sa vie. C’est alors que ses parents vont prier à l’église Sainte-Croix d’Orléans et offrent un crucifix d’or et un vase somptueux de 60 livres 30 kg en offrande. Robert guérit miraculeusement.
Sa pieuse mère l’envoya aux écoles de Reims et le confia au maître Gerbert, pour être élevé par lui et instruit suffisamment dans les doctrines libérales.

L’association de Robert au trône 987

Devenu roi des Francs, Hugues souhaite en finir avec l'alternance entre Carolingiens et Robertiens pour le trône de France. Eudes en 898 et Robert Ier en 923 ayant eu des Carolingiens pour successeurs. C’est ainsi, qu’il propose à Adalbéron l’association de Robert au trône. L’archevêque de Reims est hostile à cette proposition et selon Richer, il aurait répondu au roi, on n’a pas le droit de créer deux rois la même année. On pense que Gerbert d’Aurillac qui est lui-même proche de Borell II qui fut un temps son protecteur, serait alors venu au secours d’Hugues pour convaincre le prélat d’évoquer l’appel du comte Borell II, comte de Barcelone, demandant l’aide du nouveau roi pour lutter contre Al-Mansur. Si Hugues venait à mourir, qui lui succéderait ? Sous la contrainte, Adalbéron cède.
À la différence de celui d’Hugues Capet, le sacre de Robert est raconté précisément par Richer de Reims jour et lieu bien identifiés. Vêtu de pourpre tissé de fils d’or, comme le voulait la tradition, le jeune garçon de quinze ans est acclamé, couronné puis sacré par l’archevêque de Reims le 25 décembre 987 dans la cathédrale Sainte-Croix d’Orléans. Le chroniqueur souligne que Robert est seulement roi des peuples de l’Ouest, depuis la Meuse jusqu’à l’Océan et non pas roi des Gaulois, des Aquitains, des Danois, des Goths, des Espagnols et des Gascons comme son père. Aussitôt associé, Hugues veut pour son fils une princesse royale mais l’interdiction d’épouser des personnes sous le seuil du troisième degré de parenté, l’oblige à chercher en Orient. Il fait rédiger une lettre de la plume de Gerbert qui demande au basileus, Basile II, la main de sa fille pour le jeune Robert. Aucune réponse ne parvient. Finalement, sous la pression de son père, Robert doit épouser, au printemps 988, Rozala d'Italie, trentenaire et veuve d’Arnoul II, comte de Flandre et fille de Bérenger II, roi d’Italie. Elle apporte à la royauté capétienne Montreuil, le Ponthieu et une possible tutelle sur la Flandre étant donné le jeune âge de son fils Baudouin IV.

Le corps épiscopal, premier soutien du roi Robert dirige les affaires religieuses

Sacré et marié, Robert collabore avec son père comme le prouve son signum au bas de certains actes d’Hugues Capet. À partir de 990, tous les actes ont sa souscription. Dans les actes écrits : Robert, roi très glorieux comme le souligne une charte pour Corbie avril 988 ou encore filii nostri Rotberti regis ac consortis regni nostri dans une charte pour Saint-Maur-des-Fossés juin 989. Fort de son instruction reçue de Gerbert d’Aurillac, sa tâche, dans un premier temps, est de présider les synodes épiscopaux :
"Il Robert assistait aux synodes les évêques pour discuter avec eux des affaires ecclésiastiques."
Contrairement aux derniers Carolingiens, les premiers Capétiens s’attachent un clan d’évêques au nord-est de Paris Amiens, Laon, Soissons, Châlons, etc. dont le soutien se montrera déterminant dans la suite des événements. Dans un de leurs diplômes, les deux rois apparaissent comme les intermédiaires entre les clercs et le peuple mediatores et plebis et sous la plume de Gerbert d’Aurillac, ils insistent sur cette nécessité de consilium :
…ne voulant en rien abuser de la puissance royale, nous décidons toutes les affaires de la res publica en recourant aux conseils et sentences de nos fidèles . Hugues et Robert ont besoin de l’appui de l’Église pour asseoir davantage leur légitimité et également parce que les contingents de cavaliers qui composent l’armée royale, proviennent en grande partie des évêchés. Robert apparaît déjà aux yeux de ses contemporains comme un souverain pieux d’où son surnom et proche de l’Église pour plusieurs raisons :
il s’adonne aux arts libéraux ;
il est présent aux synodes des évêques ;
Abbon de Fleury lui dédie spécialement sa collection canonique ;
Robert pardonne facilement à ses ennemis ;
les abbayes reçoivent de nombreux dons de sa part.
Charles de Lorraine s’empare de Laon 988-991
Justement, les deux rois, Hugues et Robert ont besoin de contingents envoyés par les évêchés puisque la cité de Laon vient d’être prise d’assaut par Charles de Lorraine, dernier prétendant carolingien au trône. Les souverains assiègent par deux fois la ville sans résultat22. Préoccupé par son échec laonnois, Hugues contacte plusieurs souverains afin d’obtenir leur aide le pape Jean XV, l’impératrice Théophano, mère du jeune Otton III), en vain. Après la mort d’Adalbéron de Reims, 24 janvier 989, Hugues Capet décide de faire élire comme nouvel archevêque le carolingien Arnoul, un fils illégitime du roi Lothaire, plutôt que Gerbert. On pense qu’il s’agit d’apaiser les partisans du carolingien, mais la situation se retourne contre les Capétiens puisque Arnoul livre Reims à Charles.
La situation se débloque grâce à la trahison d’Adalbéron Ascelin, évêque de Laon, qui s’empare de Charles et d’Arnoul pendant leur sommeil et les livre au roi : l’épiscopat sauve la royauté capétienne in extremis. S’en suit le concile de Saint-Basle de Verzy où Arnoul le traître est jugé par une assemblée présidée par Robert le Pieux juin 991. Malgré les protestations d’Abbon de Fleury, Arnoul est déposé. Quelques jours plus tard, Gerbert d’Aurillac est nommé archevêque de Reims avec l’appui de son ancien élève Robert. Le pape Jean XV n’accepte pas cette procédure et veut convoquer un nouveau concile à Aix-la-Chapelle, mais les évêques confirment leur décision à Chelles hiver 993-994.
Gerbert et Ascelin : deux figures de déloyauté
Lorsque son maître Adalbéron de Reims meurt, Gerbert est dans l’obligation de suivre les intrigues du nouvel archevêque Arnoul, décidé à livrer Reims à Charles de Lorraine. Bien que la documentation soit très lacunaire à ce sujet, il semblerait que l’écolâtre ait changé par la suite ses positions pour devenir le partisan de Charles :
"Le frère de Lothaire Auguste, héritier du trône, en a été expulsé. Ses concurrents, Hugues et Robert, beaucoup de gens le pensent, ont reçu l’intérim du règne. De quel droit l’héritier légitime a-t-il été déshérité ?"
Un doute en légitimité s’installe sur la couronne d’Hugues et de Robert. Ce même Gerbert, voyant la situation changer en défaveur de Charles de Lorraine, change de camp durant l’année 991. Devenu archevêque de Reims par la grâce du roi Robert il témoigne :
"De l’assentiment des deux princes Hugues et Robert, monseigneur Hugues Auguste et l’excellentissime roi Robert. "
Quant à Ascelin, l'évêque de Laon, après avoir servi la couronne en trahissant Charles et Arnoul, il se retourne contre elle. On sait qu’au printemps 993, il s’allie avec Eudes Ier de Blois afin de planifier la capture d’Hugues et de Robert en accord avec Otton III. Ainsi Louis le fils de Charles de Lorraine deviendrait roi des Francs, Eudes duc des Francs, et Ascelin évêque de Reims. L’intrigue est dénoncée et ce dernier est placé en résidence surveillée.

Les problèmes conjugaux Un amour pour Berthe de Bourgogne 996-1003

Après environ trois ou quatre années de mariage vers 991-992, le jeune Robert répudie Rozala ou Suzanne que son père l'avait forcé à épouser en dépit de l’âge déjà avancé de la mariée environ 35 ans. Elle est invitée à repartir dans ses domaines en Flandre rejoindre son fils Baudouin IV. En revanche, Robert a pris le soin de préserver la dot de Rozala, c’est-à-dire le port de Montreuil qui se révèle être un point stratégique sur la Manche. Les historiens pensent qu’à partir de cette période, Robert souhaite défier son père, il aimerait enfin régner seul. De plus, comment approuver une union qui n’a donné, au bout de plusieurs années, aucune progéniture ? C’est pour cette raison que le vieux Hugues et ses conseillers ne s’opposent pas à la procédure de divorce.
Le roi Robert, arrivé à l’âge de sa dix-neuvième année, dans la fleur de sa jeunesse, répudia, parce qu’elle était trop vieille, sa femme Suzanne, Italienne de nation.
Homme seul, Robert recherche une conjointe qui lui donnerait la progéniture mâle tant espérée. Au début de l’an 996, probablement au cours de la campagne militaire contre Eudes de Blois, il rencontre la comtesse Berthe de Bourgogne, épouse de ce dernier. Elle est la fille du roi de Bourgogne Conrad III et de Mathilde, fille de Louis IV d’Outremer. Robert et Berthe sont attirés l’un vers l’autre, malgré l’hostilité du roi Hugues, la maison de Blois est le grand ennemi des Capétiens. Pourtant, Robert y voit outre son intérêt sentimental, également un gain territorial puisque Berthe apporterait l’ensemble des territoires blésois. Or, en 996, Eudes de Blois décède en mars puis Hugues Capet en octobre : le mariage peut avoir lieu.
D'après Michel Rouche, cette alliance est assez politique : desserrer l'étau menaçant la maison et son fief l'Île-de-France, vraisemblablement selon la volonté de la reine Adélaïde de Poitiers. En effet, les territoires d'Eudes se composent de Blois, de Chartres, de Melun ainsi que de Meaux. De plus, le couple attend juste les neuf mois réglementaires fixés par la loi, après la mort d'Eudes. Il est donc évident qu'un autre objectif est avoir des enfants légitimes.
Cependant deux détails s’opposent à cette union. D'une part, Robert et Berthe sont cousins au troisième degré. D'autre part, celui-ci est le parrain de Thibaud, un des fils de Berthe. Selon le droit canon, le mariage est alors impossible. Les deux amants ont des relations physiques et Robert met sous tutelle une partie du comté de Blois. Il reprend à son compte la cité de Tours et Langeais à Foulques Nerra, rompant ainsi l’alliance angevine, fidèle soutien du feu roi Hugues Capet. En ce début de règne, les rapports d’alliance s’inversent.
« Berthe, l’épouse d’Eudes, prit le roi Robert pour défenseur de ses affaires et pour avoir
Le couple trouve rapidement des évêques complaisants pour les marier, ce qui est fait vers novembre-décembre 996 par Archambaud de Sully, archevêque de Tours, au grand dam du nouveau pape Grégoire V. Pour plaire à l’autorité pontificale, le jeune souverain annule la sentence du concile de Saint-Basle, libère l’archevêque Arnoul et le restaure sur le siège épiscopal de Reims. Gerbert d’Aurillac doit alors se réfugier auprès de l’empereur Otton III en 997. Le pape rappelle à l’ordre Robert et Berthe pour union incestueuse. Enfin, deux conciles réunis d’abord à Pavie février 997 puis à Rome en été 998 les condamnent à faire pénitence pendant sept années, et en cas de non-séparation, ils seraient frappés d’excommunication. Mais au bout de 5 ans d’union, il n’y pas de descendance : Berthe et Robert qui sont consanguins n’ont eu qu’un enfant mort-né. L’accession de Gerbert d'Aurillac au pontificat sous le nom de Sylvestre II n’y change rien. En 999, à la suite d'un synode, le pape accepta la condamnation du roi de France dont il avait eu à subir la perfidie. Finalement, les sept ans de pénitence sont acomplis vers 1003.
Ils vinrent au siège apostolique et après avoir reçu satisfaction pour leur pénitence, ils revinrent chez eux, Postea ad sedem apostolicam venientes, cum satisfactione suscepta peitentia, redierunt ad propria
Sans enfant, Robert II la quitte finalement avant d'épouser Constance d'Arles.

Constance d'Arles, une reine à poigne 1003-1032

Constance d’Arles, nouvelle reine des Francs, une forte personnalité du XIe siècle. Gravure de la fin du xixe siècle.
Le roi ne divorce pas de Berthe, l’union n’ayant pas été reconnue par l’Église, cette opération se révèle inutile. Il se marie une troisième fois vers 1003-1004 avec une princesse lointaine qu’il n’a jamais rencontrée pour éviter toute parenté. Âgée de 17 ans, Constance d'Arles vient de Provence. Elle est de sang noble, étant la fille de Guillaume Ier, comte de Provence et Arles et d’Adélaïde-Blanche d’Anjou. Cette famille provençale s’est illustrée au Xe siècle puisque Guillaume surnommé le Libérateur Avait repoussé définitivement les Sarrasins à La Garde-Freinet 972 et sa mère Adélaïde avait été un temps reine des Francs lors de son mariage éphémère avec le Carolingien Louis V de 982 à 984. Surtout, la famille d’Arles est apparentée à la maison d’Anjou avec laquelle l’alliance est ainsi rétablie.

Mais Constance est une maîtresse-femme qui ne rend pas le roi heureux. La personnalité de la reine donne lieu de la part des chroniqueurs à des commentaires défavorables : vaniteuse, avare, arrogante, vindicative. Les remarques misogynes, de la part de moines, surtout envers une reine sont tout à fait exceptionnels au XIe siècle. D’autre part, on sait aussi que les Méridionaux venus à la cour avec Constance sont méprisés par les Francs et exclus. Lors de la rencontre entre les deux camps au tout début du xie siècle, les contemporains font référence à un véritable choc culturel. Raoul Glaber souligne, par exemple, que les ecclésiastiques francs les plus conservateurs méprisent la mode provençale qui suggère la nouveauté et donc le désordre. En général, les Provençaux de l’an mil ne portent pas la barbe ou la moustache on peut les confondre avec les femmes et les laïcs ont les cheveux rasés coiffe réservée aux clercs. Tout ceci expliquerait-il le comportement de la reine ?
Si on en croit Helgaud de Fleury, le roi lui-même craint sa femme :
"Ami Ogier, va-t-en d’ici pour que Constance, mon épouse, l’inconstante ne te dévore pas ! "
Le seul point positif est que Constance lui donne une progéniture nombreuse :
Alix de France v. 1003-apr. 1063, mariée à Renaud Ier comte de Nevers et d’Auxerre.
Hugues de France v. 1007-1025, associé à son père, mais qui meurt prématurément.
Henri Ier v. 1008-1060, roi des Francs.
Adèle de France ou Adélaïde v. 1009-1079, épouse Richard III de Normandie puis Baudouin V de Flandre.
Robert de France v. 1011-1076, duc de Bourgogne.
Eudes v. 1013-v. 1057/1059, considéré comme imbécile et incapable de régner selon la chronique terminée en 1138 de Pierre, fils de Béchin, chanoine de Saint-Martin-de-Tours.
Au cours du règne de Robert le Pieux, Constance se place souvent au centre des intrigues afin de préserver une place singulière à la cour franque. Raoul Glaber souligne justement que la souveraine a la haute main sur son mari. Pour les contemporains, une femme qui dirige c’est le monde à l’envers. Tout commence au début de l’an 1008, un jour où le roi et son fidèle Hugues de Beauvais chassent en forêt d’Orléans. Soudain, douze hommes en armes surgissent et se jettent sur Hugues avant de le trucider sous les yeux du roi. Le crime a été commandé par Foulques Nerra et sûrement soutenu par la reine. Robert, excédé par son épouse au bout de six ou sept années de mariage, se rend personnellement auprès du pape ; il est accompagné de Angilramme un moine de Saint-Riquier et de Berthe de Bourgogne vers 1009-1010. Son dessein est bien entendu de faire annuler le mariage avec Constance. Odorannus, un moine de Saint-Pierre-le-Vif à Sens, explique dans ses écrits que, de son côté en l’absence de son mari, Constance l’attend attristée dans son domaine de Theil. Selon lui, saint Savinien lui serait apparu et trois jours plus tard Robert était de retour, délaissant définitivement Berthe.
Les problèmes ne s’arrêtent pas pour autant. À la suite de la victoire de Eudes II de Blois sur Foulques Nerra à Pontlevoy 1016, Raoul Glaber raconte que le jour de la Pentecôte 1017 à Saint-Corneille de Compiègne, Constance et son clan angevin imposent l’association d’Hugues, le fils aîné, contre l’avis des princes territoriaux. Ainsi, en cas de trépas du roi Robert, Constance assurerait la régence du royaume. En outre, on ne donne aucun pouvoir à Hugues qui est sans cesse humilié par sa mère avant de mourir prématurément en 1025. La reine s’oppose alors au sacre de son deuxième fils, Henri, qu’elle n’aime guère au profit de son cadet Robert. Mais la cérémonie a lieu à Reims à la Pentecôte 1027.

Les conquêtes territoriales


Le roi Robert mène une politique claire : récupérer à son profit la fonction comtale, soit en se l’appropriant soit en la cédant à un évêque ami, ainsi que l’ont fait les Ottoniens, la dynastie la plus puissante d’Occident à l’époque.
La victoire la plus éclatante de Robert reste l’acquisition du duché de Bourgogne.
Le duc de Bourgogne Henri Ier meurt en octobre 1002, sans héritier légitime. Son beau-fils Otte-Guillaume, comte de Mâcon et comte de Bourgogne la future Franche-Comté et issu du premier mariage de Gerberge de Chalon avec Aubert d’Italie, avait, selon la Chronique de Saint-Bénigne, été désigné comme l’héritier du duché, et l’appui de nombreux seigneurs bourguignons lui était assuré, mais il se soucie plus de ses terres d’Outre-Saône et son intérêt se porte aussi vers l’Italie dont il est issu. Le duché de Bourgogne, acquis en 943, par Hugues le Grand, père d’Henri, fait partie des possessions familiales robertiennes. De plus, la Bourgogne est un enjeu de taille puisqu’elle regorge de riches cités Dijon, Auxerre, Langres, Sens….
Une rivalité entre Hugues Ier de Chalon, évêque d’Auxerre, partisan du roi Robert et Landry, comte de Nevers, gendre et allié naturel d’Otte-Guillaume qui avait des droits à Auxerre, déclenche l’intervention armée du roi Robert.
Ce dernieR, rejoint par Richard II de Normandie, rassemble ses troupes au printemps 1003 et les engage en Bourgogne mais elles échouent devant Auxerre et Saint-Germain d’Auxerre. En 1005, Robert et ses hommes sont de retour. Ils prennent Avallon après quelques jours de combats, puis Auxerre. Un arrangement avait déjà dû intervenir entre le roi et Otte-Guillaume qui se trouve auprès du roi lors du siège d’Avallon. Sous la médiation duc-évêque Hugues de Chalon, le comte Landry se réconcilie avec le roi en renonçant aux comtés d’Avallon et d’Auxerre. À l’issue des accords de 1005-1006, Otte-Guillaume avait renoncé au titre ducal et l’ensemble des possessions du feu duc Henri reviennent à la Couronne, exceptée la cité de Dijon, toujours en possession de Brun de Roucy l’irréductible évêque de Langres qui ne voulait à aucun prix laisser Robert s’y installer.
À Sens, une lutte s’instaure entre le comte Fromond et l’archevêque Léotheric pour le contrôle de la cité. Léotheric, qui est un proche du roi, est furieux du comportement du comte qui a fait construire une puissante tour de défense. En 1012, Rainard succède à son père Fromond et la situation empire d’autant que l’évêque de Langres, Brunon de Roucy, ennemi du roi Robert, est l’oncle maternel de Rainard. L’archevêque de Sens, isolé, fait appel au roi. Ce dernier souhaite intervenir pour plusieurs raisons : Sens est une des principales cités archiépiscopales du royaume, c’est également un passage obligé pour se rendre en Bourgogne et enfin la possession du comté sénonais permettrait à Robert de couper les possessions de Eudes II de Blois en deux. Le comte est excommunié et subit l’attaque du roi qui s’empare de Sens le 22 avril 1015. Rainard, qui s’est entre temps allié à Eudes de Blois, propose un compromis à Robert : il continue d’exercer sa charge comtale et à sa mort le territoire reviendra à la Couronne. Rainard meurt 40 ans plus tard mais Robert a réussi à placer Sens sous son contrôle.
Sitôt l’affaire sénonaise terminée, Robert part pour Dijon achever sa conquête bourguignonne. Selon la chronique de Saint-Bénigne de Dijon, Odilon de Cluny serait intervenu et le roi, ému, aurait renoncé à l’assaut. L’évêque de Langres Brunon de Roucy meurt à la fin du mois de janvier 1016. Les troupes royales rentrent dans Dijon quelques jours plus tard et Robert installe l’évêque Lambert de Vignory sur le siège de Langres qui lui cède Dijon et son comté59. Après une quinzaine d’années de campagnes militaires et diplomatiques, le roi rentre en possession du duché bourguignon.
Le jeune Henri, son fils cadet, reçoit le titre ducal mais compte tenu de son jeune âge, Robert en garde le gouvernement et s'y rend régulièrement. La mort en 1027 d’Hugues, le frère aîné d’Henri, fait de ce dernier l’héritier de la couronne royale ; le duché revient au cadet Robert, désigné aussi Robert le Vieux, dont la descendance bourguignonne régnera jusqu’au milieu du xive siècle. Le terres d’Outre-Saône du royaume de Bourgogne, le comté de Bourgogne, suivent les destinées de l’Empire.
Lorsque vers 1007, Bouchard de Vendôme l’ancien fidèle d’Hugues Capet meurt, le comté de Paris qu’il détenait n’est pas attribué à son fils Renaud. Lorsque ce dernier meurt à son tour 1017, le roi s’approprie son comté de Melun et le comté de Dreux. À Bourges, l’archevêque Daibert décède en 1012. Robert nomme lui-même son remplaçant, Gauzlin, ancien abbé de Fleury. Mais le vicomte de cette même cité, Geoffroi, tente d’intervenir personnellement dans le choix du successeur de Daibert et empêche le nouvel archevêque d’accéder à son siège : le pape Benoît VIII, Odilon de Cluny et Robert le Pieux doivent intervenir pour que Gauzlin puisse œuvrer.

L’affaire des hérétiques d’Orléans 1022Hérésie d'Orléans.

L’an mil constitue le réveil de l’hérésie. Au cours du haut Moyen Âge, on n’avait pas connu de persécutions de ce type. Le XIe siècle inaugure une série de bûchers hérétiques en Occident : Orléans 1022, Milan 1027, Cambrai 1078. En ce qui concerne le roi Robert, l’affaire des hérétiques d’Orléans constitue un élément fondamental de son règne et a, à l’époque, un retentissement sans précédent.
D’où viennent ces hérétiques ? La nature des événements nous est contée par des sources exclusivement ecclésiastiques : Raoul Glaber, Adémar de Chabannes, André de Fleury, Jean de Ripoll et Paul de Chartres. L’an mil prolonge l’idée d’un siècle corrompu où la richesse du clergé contraste terriblement avec l’humilité prônée par Jésus Christ. Certains clercs remettent en cause ce système et désirent purifier la société chrétienne. Le débat n’est pas nouveau, déjà au IXe siècle, il y avait eu des controverses entre lettrés à propos de l’eucharistie, le culte des saints… mais en 1022, c’est d’une autre nature.
Raoul Glaber fait le récit du paysan Leutard de Vertus Champagne qui, vers 994, décide de renvoyer son épouse, de détruire le crucifix de son église locale et de prêcher aux villageois le refus d’acquitter les dîmes avec comme prétexte la lecture des saintes Écritures. L’évêque de son diocèse, Gibuin Ier de Châlons, le convoque, argumente avec lui devant la population et le convainc de sa folie hérétique. Abandonné de tous, Leutard se suicide. D’autres hérétiques connaissent au cours du siècle la mésaventure de Leutard, c’est-à-dire se ridiculiser sur des questions intellectuelles, face à des savants de sorte que leur message ne vaut plus rien et soit discrédité aux yeux des simples mortels64. Adémar de Chabannes quant à lui signale, vers 1015-1020, l’apparition de manichéens en Aquitaine, surtout dans les cités de Toulouse et de Limoges.
Les thèmes communs des hérétiques sont le renoncement à la copulation charnelle, la destruction des images, l’inutilité de l’Église et la répudiation des sacrements en particulier le baptême et le mariage. Étonné par cette vague de contestations, Raoul Glaber évoque dans ses écrits que Satan a été libéré après mille ans selon l’Apocalypse et qu’il a dû inspirer tous ces hérétiques depuis Leutard jusqu’aux Orléanais. Un autre contemporain du temps s’exprime :
"Ils les hérétiques prétendaient qu’ils avaient foi en la Trinité dans l’unité divine et en l’Incarnation du Fils de Dieu mais c’était mensonge car ils disaient que les baptisés ne peuvent pas recevoir le Saint-Esprit dans le baptême et que après un péché mortel, nul ne peut en aucune façon recevoir le pardon. "
Pour les chroniqueurs, l’hérésie orléanaise provient tantôt d’un paysan périgourdin Adémar de Chabannes tantôt d’une femme de Ravennes Raoul Glaber. Mais surtout, le plus inadmissible c’est que le mal touche Orléans, la cité royale et la cathédrale Sainte-Croix, là où Robert a été baptisé et sacré il y a quelques décennies. Des chanoines proches du pouvoir avaient été endoctrinés par l’hérésie : Théodat, Herbert maître de la collégiale de Saint-Pierre-le Puellier, Foucher et surtout Étienne confesseur de la reine Constance et Lisoie chantre de Sainte-Croix entre autres. Le roi Robert est averti par Richard de Normandie et le jour de Noël 1022, les hérétiques sont arrêtés et interrogés pendant de longues heures. Raoul Glaber rapporte qu’ils reconnaissaient appartenir à la secte depuis longtemps et que leur dessein étaient de convaincre la cour royale de leurs croyances refus des sacrements, interdits alimentaires, sur la virginité de la Vierge Marie et sur la Trinité. Ces détails sont sûrement vrais, par contre, c’est abusivement que Raoul Glaber et les autres chroniqueurs diabolisent à l’envi les réunions du cercle orléanais : ils les soupçonnent de pratiquer des orgies sexuelles, d’adorer le diable, de crimes rituels. Ces reproches sont ceux qu’on faisait aux premiers chrétiens durant l’Antiquité tardive.
"À cette époque, dix des chanoines de Sainte-Croix d’Orléans, qui semblaient plus pieux que les autres, furent convaincus d’être manichéens. Le roi Robert, devant leur refus de revenir à la foi, les fit d’abord dépouiller de leur dignité sacerdotale, puis expulser de l’Église, enfin livrer aux flammes."
D’après la légende, Étienne, le confesseur de Constance, aurait reçu un coup de canne d’elle qui lui aurait crevé un œil. Le roi Robert fait dresser à l’extérieur de la cité un immense bûcher le 28 décembre 1022. Espérant les effrayer, le roi est surpris de leur réaction :
"Sûrs d’eux-mêmes, ils ne craignaient rien du feu ; ils annonçaient qu’ils sortiraient indemnes des flammes, et en riant ils se laissèrent attacher au milieu du bûcher. Bientôt ils furent totalement réduits en cendres et l’on ne retrouva même pas un débris de leurs os. "
Cet acharnement surprend les contemporains et encore les historiens modernes. Les différents chroniqueurs, bien qu’ils soient horrifiés par les pratiques des hérétiques, ne commentent à aucun moment la sentence et Helgaud de Fleury passe même l’épisode sous silence. À croire que l’histoire des hérétiques d’Orléans entacherait sa réputation de saint ? En tout cas l’événement fait tellement de bruit dans le royaume qu’il aurait été perçu jusqu’en Catalogne à en croire une lettre du moine Jean à son abbé Oliba de Ripoll : Si vous en avez entendu parler ce fut bien vrai dit-il. Pour les historiens, cet épisode ferait référence à un règlement de compte. En 1016, Robert avait imposé sur la chaire épiscopale d’Orléans un de ses proches, Thierry II, aux dépens de Oudry de Broyes, le candidat d’Eudes II de Blois. Or, l’affaire, à laquelle il est peut-être mêlé, éclate sous son épiscopat. Pour se laver de toute responsabilité, le roi Robert aurait souhaité liquider violemment les imposteurs.

Fin de règne

Le dernier grand événement du règne de Robert le Pieux est l’association au trône de son second fils, Henri. Encore une fois, il doit supporter les arguments de la reine Constance qui souhaite imposer son fils cadet, Robert. Dans l’entourage royal, le prince Henri est considéré comme trop efféminé, ce qui est contraire au principe masculin de la virtus. Favorables à l’élection du meilleur, l’épiscopat et de nombreux princes territoriaux montrent leur refus. Néanmoins le roi, soutenu par quelques personnalités Eudes II de Blois, Odilon de Cluny, Guillaume de Volpiano, tient bon et Henri est finalement sacré le jour de la Pentecôte 1027 à Reims par l’archevêque Ebles de Roucy. Robert entérine définitivement l’association royale établie par le souverain en place. Les plus grands du royaume ont fait le déplacement : Eudes de Blois, Guillaume V d'Aquitaine, Richard III de Normandie. D’après le chroniqueur Hildegaire de Poitiers, la cérémonie une fois finie, Constance se serait enfuie à cheval folle de rage. Après quarante années de règne, une agitation politique pointe dans le royaume. En Normandie, le nouveau duc Robert le Magnifique expulse son oncle Robert, archevêque de Rouen v. 1027-1029. Le souverain doit arbitrer le conflit et tout rentre dans l'ordre. Même type de scénario en Flandre où le jeune Baudouin, désireux de pouvoir, se soulève contre son père Baudouin IV en vain. De son côté, Eudes II de Blois enrôle à son profit le nouveau souverain Henri dans sa lutte contre Foulques Nerra. Ces campagnes sont sans suite 1027-1028. Âgé de plus de 55 ans, un âge auquel dans la tradition de l’époque on doit s’effacer du pouvoir, le roi Robert est toujours sur son trône. Il doit essuyer plusieurs révoltes de la part de ses fils Henri et Robert, probablement intriguées par la reine Constance 1030. Robert et Constance doivent s’enfuir en Bourgogne où ils rassemblent leurs forces auprès de leur gendre, le comte de Nevers, Renaud er, l’époux de leur première fille Alix. De retour dans leur domaine, la paix est rétablie avec les membres de la famille royale.
Robert le Pieux décède finalement au cours de l’été 1031, à sa résidence de Melun, d’une fièvre accablante dit-on :
Quelques jours auparavant, le 29 juin, selon Helgaud de Fleury, une éclipse de soleil était venue annoncer un mauvais présage :
"Quelque temps avant sa très-sainte mort, qui arriva le 20 juillet, le jour de la mort des saints apôtres Pierre et Paul, le soleil, semblable au dernier quartier de la lune, voila ses rayons à tout le monde, et parut à la sixième heure du jour, pâlissant au-dessus de la tête des hommes, dont la vue fut obscurcie de telle sorte, qu’ils demeurèrent sans se reconnaître jusqu’à ce que le moment d’y voir fut revenu."
Très apprécié par les moines de Saint-Denis, le roi défunt est transporté en hâte de Melun jusqu’à l’abbaye où repose déjà son père, devant l’autel de la Sainte-Trinité. Les bénéfices que le souverain a offerts à l’abbaye sont énormes. Lorsqu’ils rédigent leur chronique, les moines affirment qu’au moment de sa mort, les rivières ont débordé renversant des maisons et emportant des enfants, une comète est passée dans le ciel et une famine a touché le royaume pendant près de deux années. Lorsqu’il achève sa biographie vers 1033, Helgaud s’étonne que le tombeau du pieux Robert ne soit encore recouvert que d’une simple dalle et d’aucun ornement. Au milieu du XIIIe siècle, saint Louis fait sculpter de nouveaux gisants pour tous les membres de la famille royale.
Lorsqu’il apprend la nouvelle de la mort de son père, Henri Ier monte sur le trône pour un règne de trente années.

Bilan du règne de Robert le Pieux Le roi de l’an mil An mil.Les fausses terreurs

Les Terreurs ou Peurs de l’an mil sont un mythe du XVIe siècle, façonné sur la base d’une chronologie de Sigebert de Gembloux XIIe s., avant d’être repris par les historiens romantiques du XIXe siècle dont Jules Michelet. Il s’agissait d’expliquer que les chrétiens occidentaux étaient terrifiés par le passage de l’an mil à la suite duquel Satan pourrait surgir de l’Abîme et provoquer la fin du monde. Le christianisme est une religion eschatologique à travers laquelle les hommes doivent se comporter idéalement durant la vie terrestre pour espérer avoir leur Salut éternel avant quoi ils seront tous soumis au Jugement dernier. Cette croyance est très présente tout au long du Moyen Âge est en particulier aux Xe et XIe siècles, période durant laquelle l’Église est encore très ritualisée et sacrée. Néanmoins, il ne faut pas confondre l’eschatologie et le millénarisme : c’est-à-dire craindre la fin du monde après les mille années de l’incarnation du Christ. Pourquoi ?
Tout part de l’Apocalypse selon Jean qui, à l’origine, menace du retour de Satan mille ans après l’incarnation du Christ :
"Puis je vis un Ange descendre du ciel ayant en main la clé de l’Abîme ainsi qu’une énorme chaîne. Il maîtrisa le Dragon et l’antique Serpent Satan et l’enchaîna pour mille années. Il le jeta dans l’Abîme tira sur lui les verrous, apposa les scellés afin qu’il cessât de fourvoyer les nations jusqu’à l’achèvement de mille années. Après quoi il doit être relâché pour un peu de temps. "
Déjà au Ve siècle, saint Augustin interprète le millénarisme comme une allégorie spirituelle à travers laquelle le nombre mille ne signifie finalement qu’une longue durée non déterminée numériquement Cité de Dieu. Quelques années plus tard, le concile d'Éphèse 431 décide de condamner officiellement la conception littérale du millénium. À partir de la fin du Xe siècle, l’intérêt que portent les clercs pour l’Apocalypse est marqué par la diffusion de Commentaires à travers tout l’Occident Apocalypse de Valladolid, de Saint-Saver…. Cependant, l’Église maîtrise le mouvement millénariste.
Ce sont les analyses des sources, exclusivement ecclésiastiques, qui peuvent provoquer des contre-sens. L’énormité des péchés accumulés depuis des siècles par les hommes », soulignent les chroniqueurs, laisse croire que le monde court à sa perte, que le temps de la fin est venue. L’un d’eux, Raoul Glaber, est encore une fois l'une des rares sources sur la période. Il rédige ses Histoires vers 1045-1048, soit une quinzaine d’années après le millénaire de la Passion 1033 :
"On croyait que l’ordonnance des saisons et des éléments, qui avait régné depuis le commencement sur les siècles passés, était retournée pour toujours au chaos et que c’était la fin du genre humain."
En fait, le moine bourguignon décrit la situation plusieurs années après dans une dimension encore une fois eschatologique fidèle à l’Apocalypse. Celle-ci a pour but d’interpréter l’action de Dieu les prodiges qui doit être vue comme des avertissements envers les hommes pour que ces derniers fassent acte de pénitence. Ces signes sont attentivement relevés par les clercs. D’abord les incendies cathédrale Sainte-Croix d’Orléans en 989, les faubourgs de Tours en 997, Notre-Dame de Chartres en 1020, l’abbaye de Fleury en 1026..., les dérèglements de la nature séisme, sécheresse, comète, famine, l’invasion des Païens les Sarrasins vainqueurs de Otton II en 982 et enfin la prolifération d’hérétiques conduits par des femmes et des paysans Orléans en 1022, Milan en 1027. Il ajoute :
" Ces signes concordent avec la prophétie de Jean, selon laquelle Satan sera déchaîné après mille ans accomplis."
D’autre part, il faut savoir qu’autour de l’an mil, seule une infime partie de la population, l’élite ecclésiastique de Francie est capable de calculer l’année en cours à des fins liturgiques ou juridiques dater les chartes royales. Ceux qui peuvent déterminer précisément la date conçoivent un millénaire dédoublé : 1000 pour l’Incarnation et 1033 pour la Passion du Christ. De plus, bien que l’ère chrétienne soit mise en place depuis le vie siècle, son emploi ne se généralise qu’à partir de la seconde moitié du XIe siècle : en bref, les hommes ne se repèrent pas dans la durée par les années. La vie est alors rythmée par les saisons, les prières quotidiennes et surtout les grandes fêtes du calendrier religieux : d’ailleurs l’année ne commence pas partout à la même date Noël en Angleterre, Pâques en Francie….
En outre, rien dans ces écrits prouvent qu’il y ait bien eu des terreurs collectives. D’ailleurs, vers 960 à la demande de Gerberge de Saxe, l’abbé de Montier-en-Der Adson rédige un traité De la naissance de l’époque de l’Antéchrist dans lequel il rassemble un dossier de ce que les saintes Écritures disent de l’Antéchrist. Il en conclut que la fin des temps ne surviendrait pas avant que les royaumes du monde soient séparés de l’Empire. Chez Abbon de Fleury, le passage au IIe millénaire n’est pas passé inaperçu, puisque vers 998 il adresse un plaidoyer à Hugues Capet et son fils Robert. Il accuse ainsi un clerc qui, lorsqu’il était étudiant, revendiquait la fin du monde au tournant de l’an mil. Ainsi, même les grands savants du Xe siècle sont anti-millénaristes.
"On m’a appris que dans l’année 994, des prêtres dans Paris annonçaient la fin du monde. Ce sont des fous. Il n’y a qu’à ouvrir le texte sacré, la Bible, pour voir qu’on ne saura ni le jour ni l’heure. "
Depuis Edgar Pognon, les historiens modernes ont bien montré que ces grandes Terreurs populaires n’ont jamais existé. Cependant, au cours des années 1970, une nouvelle explication s’est imposée. Georges Duby explique ainsi qu’aucune panique populaire ne s’est manifestée autour de l’an mil mais qu’en revanche on peut déceler une certaine inquiétude diffuse et permanente dans l’Occident de cette époque. Il y a probablement, à la fin du xe siècle, des personnes concernées par l’approche de l’an mil et qui ont quelques inquiétudes. Mais elles furent très minoritaires, puisque les gens les plus instruits comme Abbon de Fleury, Raoul Glaber ou Adson de Montierender n’y croyaient pas. Sylvain Gougenheim et Dominique Barthélemy combattent alors avec force la thèse de G. Duby de l’inquiétude diffuse. Pour eux, si la fin des temps avait été martelée par l’Église, celle-ci aurait probablement pu perdre son pouvoir et sa légitimité. La vraie seule inquiétude, à toutes les époques, c’est le Salut.

La mutation féodale Féodalité et Motte castrale.

La féodalité est un terme complexe dont l’étude historique est quelquefois délicate. C’est un ensemble d’institutions et de relations concernant toute la société, dite alors "féodale". Les historiens médiévistes modernes ne sont pas d’accord sur la chronologie et la diffusion de cette féodalité.

La juridiction carolingienne IXe siècle-vers 1020

Au cours du haut Moyen Âge, un certain lien féodal existe déjà puisque certains puissants cèdent un bénéfice beneficium à leurs fidèles souvent une terre. Pourtant la société est encore dominée par un servage latent qui se rencontre dans la justice : seuls les hommes libres ont le droit d’y accéder ; les non-libres sont châtiés corporellement et défendus par leur maître. Le roi et le prince du Xe siècle se servent encore du pouvoir judiciaire, pour défendre leurs biens et leurs droits, en infligeant aux condamnés l’hériban taxe de 60 sous à ceux qui refusent de servir l’ost et en confisquant les biens de ceux qui les ont offensés.
À partir des années 920, l’autorité publique commence à se concentrer en plusieurs points routes, cités, sites défensifs…. Les alliances matrimoniales unissent les enfants royaux et comtaux depuis le ixe siècle : les dynasties princières se mettent en place, ce qui fait dire à Adalbéron de Laon :
"Les lignées de nobles descendent du sang des rois."
Déjà les textes font référence à un serment de fidélité : le baiser osculum est généralement perçu comme un geste de paix entre parentés ou entre alliés. D’autre part, l’hommage commandatio est vu comme un geste humiliant et il semblerait que peu de comtes en fassent allégeance au roi. Du côté des humbles, la fidélité peut être également d’ordre servile, comme le montre la pratique ancienne du versement du chevage, qui devient au cours du IXe siècle une sorte d' hommage servile. Cela fait dire à D. Barthélemy, à l’inverse de G. Duby et P. Bonnassie, que le haut Moyen Âge est le témoin d’un binôme : l’affranchissement et l’hommage servile. Cela montrerait que la servitude est de moins en moins ancrée dans la société.
Affligés de nombreuses charges, les comtes délèguent une partie de leur pouvoir judiciaire à certains de leurs gardiens de châteaux, les castellani châtelains. Ces derniers reçoivent soit au château pour les plus aisés soit à la vicaria ou viguerie, une assemblée judiciaire réservée aux plus humbles.

Constitution des châtellenies vers 1020-1040

Entre 980 et 1030, explique Georges Duby, le pagus du haut Moyen Âge s’est progressivement transformé en un territoire centré sur sa forteresse publique, devenue rapidement le point d’attache de nombreuses familles aristocratiques. Sur l’ensemble du royaume, un certain nombre de castra châteaux privés et publics en bois se construisent très rapidement sur une motte castrale artificielle ou non contre l’autorité publique, il y a une véritable prolifération après 1020. La motte n’est pas toujours la résidence principale mais un point par lequel s’affirme la légitimité du pouvoir seigneurial.
On assiste également à certains changements d’ordre juridique. Les châtelains prennent à leur compte la justice publique qu’ils privatisent et qu’ils rendent héréditaire. C’est ce que certains historiens appellent le choc châtelain, y voyant ainsi une véritable révolution sociale. Aux marges du domaine royal de Robert le Pieux, les forestiers du roi par exemple Guillaume de Montfort dirigent à Montlhéry ou à Montfort-l'Amaury leur forteresse, dont ils étaient les gardiens, vers 1020-1030. Pour faire régner l’ordre sur le territoire qui constitue leur ressort juridique districtus, ils embauchent, à leur tour, des milites chevaliers, des hommes qui se battent à cheval, qui proviennent de catégories sociales différentes cadets de familles nobles, alleutiers riches, certains possèdent des terres, quelques serfs mais qui n’ont pas la responsabilité de chef. La pyramide féodale est ainsi presque achevée :
La pyramide féodale vers 1030, Roi Comte Châtelain ou sire Chevalier de village Humble
Le premier de ses pairs responsable du royaume, de la guerre et de la paix. Prince territorial de sang royal, à l’origine auxiliaire du roi, il est devenu indépendant au IXe siècle responsable du comté. Cadet du comte, à l’origine auxiliaire de celui-ci, il est devenu indépendant au xie siècle responsable de la châtellenie. Combattant à cheval et auxiliaire du châtelain, il est chargé de maintenir le droit du ban à l’échelle locale responsable d’une seigneurie. Il dépend d’un seigneur foncier, à qui il paye une redevance fixe cens pour sa tenure, et d’un seigneur du ban, à qui il paye des redevances arbitraires pour utiliser les outils vitaux moulin, pressoir, four....
Le nouveau détenteur accumule une force accrue et il légitime son nouveau pouvoir en avançant sa noblesse de sang. L’ensemble des pouvoirs publics deviennent désormais privés : c’est le bannum. Il semblerait même que certains d’entre eux se soient en partie détournés des comtes. Ainsi, dans sa thèse, Georges Duby montre qu’entre 980 et 1030, les châtelains désertent le plaid du comte de Mâcon, s’approprient la vicaria et finissent par concentrer tout le pouvoir local. Cette situation n’est cependant pas générale et on assiste à des hommages par les mains jointes du vassal à son seigneur, au développement de l’aide vassalique qui se précise dans les textesfidélité, appui et conseil militaires…. Enfin, le bénéfice devient le fief feodum et l’alleu devient de plus en plus rare.

La mise en place de la seigneurie banale

L’objectif de ces châtelains n’est pas d’obtenir une pleine indépendance politique envers le comte mais plutôt de s’assurer des droits de commandement solides sur la paysannerie. Ainsi, vers 1030 dans le comté de Provence, on les voit obliger les alleutiers à entrer dans leur dépendance en échange d’un bien foncier ou d’une rémunération monétaire.
Une des caractéristiques de l’époque féodale, c’est la prolifération de ce que les textes appellent les mals usos les mauvaises coutumes. Sous le règne de Charles le Chauve, l’édit de Pîtres 864 faisait déjà référence aux coutumes, ce qui laisse à croire qu’il y aurait une continuité juridique entre l’époque carolingienne et l’an mil. En règle générale, la documentation ne permet pas d’évaluer la part des divers types de revenus, des droits sur les terres, les manses ou les parcelles, et des prélèvements sur les hommes. Ces usages sont réputés néfastes et nouveaux pour les communautés paysannes, mais quelques cas démontrent l’inverse. Quelles sont ces coutumes ?
Depuis l’époque carolingienne, le paysan vit dans un manse ou tenure, une petite maison et un petit champ qu’il exploite en échange d’une redevance le cens ou le champart qu’il paie à son seigneur et de corvées c’est-à-dire exploiter la réserve au compte du seigneur. Le seigneur fait appel à la justice publique, la vicaria du comte ou du roi puisqu’il n’a pas cette compétence. Ce système est la seigneurie foncière.

À partir des années 1020-1030, se met en place, en parallèle à la seigneurie foncière, un nouveau statut juridique. Le paysan paie toujours sa redevance cens ou champart à son seigneur foncier, mais un autre seigneur le sire aidé de ses milites s’empare plus ou moins violemment de la justice publique qu’il prend à son compte. Il dirige donc la vicaria et impose aux paysans de la seigneurie son droit de ban : la communauté doit désormais se soumettre juridiquement à cet usurpateur et lui payer des redevances pour l’utilisation du moulin, du four, du pressoir, des voies les banalités… Pour certains historiens D. Duby, P. Bonnassie, les sires ont rétabli l’égalité entre libres et non-libres en les soumettant au titre de serf. Pour d’autres D. Barthélemy, il n’y a qu’un changement de nom dans les textes mais la condition reste la même depuis les temps carolingiens, c’est-à-dire une sorte d’hommage servile plutôt que d’une situation esclavagiste. Ce système est la seigneurie banale.
Les conflits locaux dits féodaux ont pour but la perception des coutumes sur telle ou telle seigneurie, ce qui représente un enjeu financier considérable. L’ensemble des seigneuries constituent ainsi le ressort du château : la châtellenie. Il ne faut pas cependant pas imaginer un espace centralisé autour du château, c’est un territoire fluctuant au gré des guerres privées. Aucun bâtiment n’est encore parfaitement associé à la seigneurie avant au moins 1050. Quelquefois, dans l’enchevêtrement des seigneuries, le sire se retrouve à la fois seigneur foncier et seigneur du ban. Ne pouvant tout contrôler de sa seule personne, le châtelain délègue alors à ses vassaux, les chevaliers, tel ou tel droit la vicaria dans telle seigneurie, le cens dans telle autre….

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Posté le : 19/07/2014 13:34
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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