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Stephen King 2
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Hors Ligne
Engagement politique et social

Stephen King vote pour la première fois lors de l'élection présidentielle américaine de 1968 et apporte sa voix au candidat républicain Richard Nixon en croyant sa promesse selon laquelle il sortirait les États-Unis de la guerre du Viêt Nam. Voyant ses espoirs vite détrompés, il se tourne en moins d'un an vers le radicalisme contre la guerre, appelant dans ses articles les étudiants de l'université du Maine à la grève et faisant des comptes-rendus de manifestations pacifiques. Depuis cette époque, King a toujours soutenu le parti démocrate. Il apporte notamment son soutien aux candidats démocrates Gary Hart durant la campagne présidentielle de 1984 et Barack Obama durant celle de 2008.
En 1986, King prend publiquement position contre la censure à l'occasion d'un référendum organisé dans le Maine sur l'interdiction à la vente de produits obscènes (par exemple les magazines pornographiques. L'écrivain, dont plusieurs livres ont été retirés des bibliothèques scolaires à travers tout le pays, s'exprime à ce sujet dans les médias locaux et affronte le président de la Christian Civic League du Maine, à l'origine du référendum, lors d'un débat radiophonique. Il fait notamment valoir l'argument que la définition de l'obscénité est particulièrement floue et que cette loi ouvrirait la porte à certaines dérives. Le référendum est finalement rejeté à une large majorité.
Il s'est également exprimé à plusieurs reprises à propos du débat concernant la législation des armes à feu aux États-Unis, faisant part de son désir de restreindre l'accès aux armes à feu. Dans son essai Guns, paru sous forme de livre numérique en janvier 2013, il milite pour l’interdiction de vendre et de posséder des armes automatiques et semi-automatiques.
En 2011, il prend la parole lors d'un rassemblement de protestation contre la politique budgétaire du gouverneur de Floride Rick Scott et exprime à cette occasion son rejet du mouvement Tea Party et son désir que la tranche d'imposition la plus haute, dont il fait partie, soit taxée à 50% au lieu des 28% actuel.

Philanthropie

Stephen King et sa femme Tabitha participent à de nombreuses œuvres philanthropiques dans le Maine et ont fondé en 1986 la Stephen & Tabitha King Foundation afin d'assister les déshérités de cet État, notamment dans les domaines de l'éducation et des soins médicaux. Par l'intermédiaire de la fondation, ils donnent chaque année 10% de leurs revenus à diverses organisations, caritatives pour la plupart.
Parmi ses nombreux dons, l'écrivain a offert : plusieurs millions à la Milton Academy, école privée de Milton où ses trois enfants ont étudié, pour la construction d'un théâtre baptisé Ruth King Theater en 1989 ; 750 000 $ pour financer les travaux de construction d'une nouvelle aile pour la bibliothèque publique de Bangor en 1989 ; 750 000 $ pour permettre la création d'une nouvelle unité pédiatrique à l'Eastern Maine Medical Center de Bangor en 1992 ; 1 400 000 $ pour la construction d'une nouvelle piscine municipale, le Beth Pancoe Memorial Aquatic Center, à Bangor en 200452 ; 70 000 $ afin d'aider les familles du Maine dans le besoin à payer les factures de chauffage en 2011 ; 3 000 000 $ pour permettre la construction d'un nouveau toit pour la bibliothèque de Bangor en 2013.

Œuvre Méthode de travail

Stephen King écrit dans son autobiographie, publiée en 2000, qu'il s'est fixé un quota journalier de deux mille mots, environ dix pages, et ne s'arrête pas d'écrire tant qu'il ne l'a pas atteint, avouant par ailleurs qu'il était plus prolifique au début de sa carrière. En 2006, il affirme que son rythme d'écriture a encore diminué et qu'il est désormais plus proche des mille mots par jour. Il s'appuie sur une méthode de travail intuitive en partant d'une situation de départ et en écrivant spontanément, sans bâtir d'intrigue à l'avance, à l'exception de quelques romans comme Dead Zone, Insomnie ou Rose Madder. L'évolution des personnages détermine alors celle de l'histoire et sa conclusion, qui est souvent différente de celle qu'il avait envisagé initialemente 20. Après avoir terminé le premier jet du récit, il se sert ensuite de l'étape de relecture pour mettre en avant la thématique ou le symbolisme qu'il a repéré.

Style littéraire

La principale qualité de Stephen King, reconnue même par ses détracteurs les plus acharnés, est son sens de la narration, son talent de conteur capable de captiver le lecteur à travers une histoire rendue très rapidement intéressante. Ses personnages vivants et colorés, qui prennent une identité bien définie en quelques phrases, et son aisance à susciter la frayeur en frappant l'imagination de ses lecteurs, font également partie de ses forces en tant qu'écrivain. Le réalisme de ses personnages et des situations qui les introduisent sont d'ailleurs un facteur déterminant dans sa réussite à faire accepter par ses lecteurs l'irruption de l'horreur.
À l'inverse, il lui est régulièrement reproché d'avoir écrit des romans trop longs qui auraient été bien meilleurs sous une forme plus condensée, comme Les Tommyknockers ou Insomnie. Son style, notamment au début de sa carrière, a été qualifié par certains critiques de besogneux, voire de maladroit, et son recours à des scènes explicites pour provoquer la révulsion a également été critiqué. Sa méthode d'écriture intuitive est enfin la cause de conclusions parfois qualifiées d'assez plates. Néanmoins, le style familier, les dialogues parfois vulgaires et le recours à des scènes choquantes sont totalement assumés par King, qui les justifie par un souci de réalisme et d'efficacité.
King crée un grand nombre d'interactions entre ses livres où certains faits, certains personnages se croisent ou se retrouvent d'un roman à un autre. Dolores Claiborne et Jessie en sont un exemple flagrant ainsi que le diptyque Désolation et Les Régulateurs. Ses œuvres ont également beaucoup de cadres en commun, la majorité se situant dans le Maine, la ville fictive de Castle Rock en étant l'exemple le plus célèbre. Des histoires semblant souvent n'avoir aucun lien entre elles sont en fait liées par des personnages secondaires récurrents ou des références à des événements s'étant déroulés dans une histoire précédente, par exemple, le personnage de Cynthia reliant Rose Madder à Désolation.
La Tour sombre, constitué de huit volumes, est un cycle qui lui permet de lier tous ces romans à une seule réalité, constituée d'univers parallèles, et de donner à son œuvre une dimension épique plutôt que de considérer ses cross-over comme anecdotiques. King qualifie d'ailleurs le cycle de Jupiter du système solaire de mon imagination. Bon nombre de ses romans font référence au cycle de la Tour sombre et vice-versa, souvent à travers des détails plus ou moins mineurs mais parfois de façon beaucoup plus essentielle, les connexions avec Insomnie, Cœurs perdus en Atlantide, Salem et Territoires étant les plus signifiantes. L'un des personnages de King qui revient le plus fréquemment est Randall Flagg, incarnation du mal dont la présence se décline sur plusieurs mondes parallèles ; il est ainsi l'homme en noir dans La Tour sombre, le sorcier maléfique dans Les Yeux du dragon, ainsi que le principal antagoniste du Fléau et, sans doute, de Bazaar.
King interrompt régulièrement la narration, parfois au milieu d'une phrase, pour indiquer en italiques ou entre parenthèses les pensées d'un personnage ou un souvenir qui ressurgit. Il intègre dans son récit de multiples références à la culture populaire et des détails précis, résultant de son observation de la société, dans un souci de réalisme et afin que le lecteur puisse aisément s'identifier au monde présenté.
Les romans publiés sous le nom de Richard Bachman se caractérisent par des éléments plus ancrés dans la réalité, une narration plus compressée qui traduit un sentiment d'urgence avec le temps qui passe ou un compte à rebours qui s'égrène, et un personnage principal qui poursuit une obsession.

Thèmes

L'œuvre de King est parsemée de références à l'histoire et à la culture américaines, et particulièrement leurs côtés les plus sombres. Elles apparaissent le plus souvent dans les histoires de ses personnages, étant un facteur d'explication de leurs peurs les plus primaires. La violence, en particulier la violence au sein de la cellule familiale, le racisme et les aspects négatifs de la nature humaine en général sont des thèmes récurrents dans ses œuvres, qui portent un regard quasiment naturaliste et dénué de complaisance sur la société américaine, et notamment la vie dans les petites villes.
Les livres de King se placent souvent dans le courant littéraire naturaliste qui part du principe que l'être humain est soumis à la destinée mais qu'il peut l'influencer dans une certaine part en prenant des décisions dictées par sa morale. L'élément le plus terrifiant, dans son œuvre, n'est pas l'intrusion du surnaturel mais le degré d'implication qu'elle exige de la part de l'humanité, ce qui met ainsi en lumière la vulnérabilité de nos institutions : le gouvernement, le système scolaire, les communautés locales et la cellule familiale.
Les personnages principaux de ses livres sont très souvent eux-mêmes des écrivains : Ben Mears dans Salem, Bill Denbrough dans Ça, Paul Sheldon dans Misery, Thaddeus Beaumont dans La Part des ténèbres, Mike Noonan dans Sac d'os… King expose divers aspects de son métier dans sa trilogie de l'écrivain . Il évoque les rapports parfois délicats entre un écrivain et ses admirateurs dans Misery 1987, la puissante influence que peut exercer sur lui ses créations dans La Part des ténèbres 1989 et la hantise du plagiat dans Vue imprenable sur jardin secret 1990. Plus tard, il aborde également le blocage de l'écrivain dans Sac d'os 1998.
L'enfance est également un thème majeur de l'œuvre de King, surtout dans ses premières œuvres, et les enfants jouent fréquemment des rôles essentiels dans ses histoires : Shining, l'enfant lumière, Charlie, Le Talisman, Ça, Désolation… La séparation entre le monde des adultes et celui des enfants est clairement établie et, dans les romans où des enfants ou des adolescents jouent les premiers rôles, les parents, et la famille en général, sont généralement définis comme ayant une influence destructrice sur leurs rejetons. Le thème de l'enfance sacrifiée, au centre de la plupart des romans de King depuis Carrie, trouve sa résolution dans Ça, roman dans lequel King aborde tout ce qu'il voulait exprimer sur le sujet.
La confrontation entre le Bien et le Mal est l'un des thèmes récurrents de l'univers de King, comme dans Le Fléau, le cycle de la Tour sombre et Bazaar. L'œuvre de King étant essentiellement morale, le Bien triomphe la plupart du temps mais le Mal ne disparaît jamais vraiment et corrompt régulièrement l'humanité. Le Mal se concentre souvent dans un bâtiment qui en est son émanation directe, un mauvais endroit, par exemple Marsten House dans Salem, l'hôtel Overlook dans Shining, l'enfant lumière, l'hôtel noir dans le Talisman, la maison de Neibolt Street dans Ça, et le manoir de Dutch Hill dans Terres perdues.
Parmi les autres thèmes récurrents de l'œuvre de King, on trouve la méfiance envers la technologie et les institutions Charlie, Cellulaire, les Tommyknockers, le Fléau ; le paradoxe entre l'existence de Dieu et les événements effroyables qui se produisent sur Terre le Fléau, Désolation, la Ligne verte ; et la frontière séparant la réalité de l'imaginaire la Part des ténèbres, Sac d'os.

Influences

Richard Matheson est selon Stephen King sa principale influence littéraire.
Stephen King a appelé Richard Matheson, l'auteur qui m'a le plus influencé en tant qu'écrivain. Les deux auteurs, entre autres parallèles stylistiques, intègrent régulièrement les pensées d'un personnage dans une narration à la troisième personne. La lecture de Matheson a notamment prouvé à King qu'un récit d'horreur pouvait tout à fait s'intégrer dans un cadre urbain, et même de proximité. À la suite de la disparition de Matheson, en juin 2013, King lui a rendu un vibrant hommage.
Il admire le travail de H. P. Lovecraft, dont l'influence se ressent dans le travail de King par l'invention d'anciennes et étranges divinités et l'insertion dans le récit de coupures de presse ou d'autres documents comme instruments de narration. Sa nouvelle Crouch End est un hommage non déguisé au Mythe de Cthulhu, et les nouvelles Celui qui garde le ver et Mémé font également particulièrement référence à Lovecraft. Cependant, King met l'accent sur les dialogues et la représentation des personnages, deux éléments notablement absents chez Lovecraft. King critique d'ailleurs ouvertement cette pauvreté des dialogues chez Lovecraft, prenant comme exemples des passages de la Couleur tombée du ciel.
Edgar Allan Poe a exercé lui aussi une certaine influence sur le style de King. Il lui rend hommage dans Shining, l'enfant lumière, avec des références au Masque de la Mort Rouge, et surtout dans sa nouvelle La Cadillac de Dolan dont l'intrigue reprend celle de la Barrique d'amontillado.
Il a déclaré son admiration pour Shirley Jackson. Salem s'ouvre sur une citation de Maison Hantée, roman qui a également influencé la création de l'hôtel Overlook dans Shining, l'enfant lumière et de la bâtisse hantée de Rose Red, alors qu'une scène décisive de La Tempête du siècle s'inspire de sa nouvelle la Loterie.
Il a dédicacé sa nouvelle le Molosse surgi du soleil à John D. MacDonald qui, pour sa part, a écrit la préface de Danse Macabre et fait partie des auteurs de romans noirs qui ont le plus influencé King avec Raymond Chandler, James M. Cain et Ross Macdonald. La nouvelle La Dernière Affaire d'Umney est un pastiche des romans noirs se déroulant dans les années 1930.
Le roman Sa Majesté des mouches 1954, de William Golding, est l'un des préférés de King et est évoqué dans plusieurs de ses livres, notamment Cœurs perdus en Atlantide. La ville de Castle Rock tire son nom d'un lieu de ce romand.
Le Seigneur des anneaux de J. R. R. Tolkien a exercé une grande influence sur l'écriture du Fléau et du cycle de la Tour sombre, qui sont les deux œuvres de King les plus proches de l'épopée.

Accueil critique et académique

L'horreur étant considéré comme un sous-genre littéraire par une grande partie des critiques et des universitaires, Stephen King a été rejeté d'emblée par ces milieux, et souvent même sans qu'ils n'aient lus un seul de ses romans. Cette situation a néanmoins commencé à changer dans les années 1990 à partir du moment où un nombre de plus en plus important d'études sérieuses ont été réalisées dans des publications universitaires alors que les critiques se sont faites de plus en plus favorables avec le temps. En 2008, à l'occasion de la sortie de Duma Key, King explique ce revirement en partie par le fait que la plupart des critiques qui l'ont éreintés au début de sa carrière sont morts ou ont pris leur retraite et que la nouvelle génération qui a pris leur relève a grandi avec ses livres et est donc mieux disposée à son égard.
Une fraction importante des critiques et des universitaires continue néanmoins de penser que King, en tant qu'auteur populaire qui touche un très large public, ne mérite pas d'être pris en considération sur le plan de la valeur littéraire. La polémique déclenchée par le National Book Award lui ayant été décerné en 2003 illustre bien la division qui règne à son sujet parmi les intellectuels. Harold Bloom, critique littéraire connu pour ses attaques envers les écrivains connaissant un grand succès populaire, a notamment vu dans cette récompense une nouvelle preuve de la décadence culturelle des États-Unis. Des écrivains acclamés par la critique ont pris publiquement la défense de King : Joyce Carol Oates, considérée pour le prix Nobel de littérature, l'a présenté dès 1997 comme un écrivain sérieux et important ; et Michael Chabon, lauréat du prix Pulitzer, a affirmé après la lecture d'Histoire de Lisey n'avoir jamais été plus persuadé de sa grandeur.
Dans les années 1980, Douglas E. Winter, critique littéraire, et Michael R. Collings, professeur de littérature à l'université Pepperdine, ont été les premiers à s'intéresser de façon académique à l'œuvre de Stephen King. En 1995, Michael R. Collings estime que certains livres de King, notamment Salem, Shining, l'enfant lumière, Dead Zone, Ça et la version intégrale du Fléau, tous déjà étudiés de façon académique, ont de bonnes chances de résister à l'épreuve du temps et de devenir des classiques.

Traduction de ses œuvres en français

Depuis Ça, la traduction de la plupart des romans de Stephen King, y compris ceux écrits sous le pseudonyme de Richard Bachman, a été principalement assurée par William Olivier Desmond. Avant cela, quasiment chaque livre avait un traducteur différent. Depuis, seules certaines œuvres ont été traduites par d'autres personnes, par exemple La Petite Fille qui aimait Tom Gordon et Roadmaster, traduits par François Lasquin, les derniers tomes de la saga de La Tour sombre, traduits par Marie de Prémonville hormis La Clé des vents, traduit par Jean-Daniel Brèque, ou encore Histoire de Lisey, traduit par Nadine Gassie. Après Dôme, dernier roman traduit par William Olivier Desmond, décédé en 2013, Nadine Gassie a repris le rôle de traductrice principale de l'écrivain en traduisant Nuit noire, étoiles mortes, 22/11/63, Docteur Sleep et Joyland.

Bibliographie

Romans

Carrie, Gallimard, 1976 Carrie, 1974
Salem, Alta, 1977 Salem's Lot, 1975
Shining, l'enfant lumière, Alta, 1979 The Shining, 1977
Publié initialement sous le titre L'Enfant lumière
Le Fléau, Alta, 1981 The Stand - Unabriged, 1978
Première édition
Dead Zone, Jean-Claude Lattès, 1983 The Dead Zone, 1979
Charlie, Albin Michel, 1984 Firestarter, 1980
Cujo, Albin Michel, 1982 Cujo, 1981
Christine, Albin Michel, 1984 Christine, 1983
L'Année du loup-garou, Albin Michel, 1986 Cycle of the Werewolf, 1983
Simetierre, Albin Michel, 1985 Pet Sematary, 1983
Les Yeux du dragon, Albin Michel, 1995 The Eyes of the Dragon, 1984
Le Talisman, Robert Laffont, 1986 The Talisman, 1984
Coécrit avec Peter Straub. Publié initialement sous le titre Le Talisman des territoires
Ça, Albin Michel, 1988 It, 1986

Paru en deux tomes

Misery, Albin Michel, 1989 Misery, 1987
Les Tommyknockers, Albin Michel, 1989 The Tommyknockers, 1987
La Part des ténèbres, Albin Michel, 1990 The Dark Half, 1989
Le Fléau, Jean-Claude Lattès, 1991 The Stand: The Complete & Uncut Edition, 1990
Édition intégrale, révisée par l’auteur
Bazaar, Albin Michel, 1992 Needful Things, 1991
Jessie, Albin Michel, 1993 Gerald's Game, 1992
Dolores Claiborne, Albin Michel, 1993 Dolores Claiborne, 1992
Insomnie, Albin Michel, 1995 Insomnia, 1994
Rose Madder, Albin Michel, 1997 Rose Madder, 1995
La Ligne verte, Librio, 1996 The Green Mile, 1996
Publié en six volumes puis en intégrale par les éditions 84 en 1997
Désolation, Albin Michel, 1996 Desperation, 1996
Sac d'os, Albin Michel, 1999 Bag of Bones, 1998
La Petite Fille qui aimait Tom Gordon, Albin Michel, 2000 The Girl Who Loved Tom Gordon, 1999
Dreamcatcher, Albin Michel, 2002 Dreamcatcher, 2001
Territoires, Robert Laffont, 2002 Black House, 2001
Coécrit avec Peter Straub. Suite du Talisman
Roadmaster, Albin Michel, 2004 From a Buick 8, 2002
Colorado Kid, J'ai lu, 2006 The Colorado Kid, 2005

Roman court

Cellulaire, Albin Michel, 2006 Cell, 2006
Histoire de Lisey, Albin Michel, 2007 Lisey's Story, 2006
Duma Key, Albin Michel, 2009 Duma Key, 2008
Dôme, Albin Michel, 2011 Under the Dome, 2009
Blockade Billy, 2010
22/11/63, Albin Michel, 2013 11/22/63, 2011
Joyland, Albin Michel, 2014 Joyland, 2013
Docteur Sleep, Albin Michel, 2013 Doctor Sleep, 2013
Suite de Shining, l'enfant lumière
Mr. Mercedes, 2014
Revival, 2014
À paraître le 11 novembre 201458
Finders Keepers, 2015
Suite de Mr. Mercedes - À paraître au cours du premier semestre 2015

Cycle de La Tour sombre

Article détaillé : La Tour sombre.
1 - Le Pistolero, J'ai lu, 1991 The Gunslinger, 1982
2 - Les Trois Cartes, J'ai lu, 1991 The Drawing of the Three, 1987
3 - Terres perdues, J'ai lu, 1992 The Waste Lands, 1991
4 - Magie et Cristal, Éditions 84, 1998 Wizard and Glass, 1997
5 - Les Loups de la Calla, J'ai lu, 2004 Wolves of the Calla, 2003
6 - Le Chant de Susannah, J'ai lu, 2005 Song of Susannah, 2004
7 - La Tour sombre, J'ai lu, 2005 The Dark Tower, 2004
8 - La Clé des vents, J'ai lu, 2012 The Wind Through the Keyhole, 2012

Publiés sous le nom de Richard Bachman

Rage, Albin Michel, 1990 Rage, 1977
Marche ou crève, Albin Michel, 1987 The Long Walk, 1979
Chantier, Albin Michel, 1987 Roadwork, 1981
Running Man, Albin Michel, 1988 The Running Man, 1982
La Peau sur les os, Albin Michel, 1987 Thinner, 1984
Les Régulateurs, Albin Michel, 1996 The Regulators, 1996
Blaze, Albin Michel, 2008 Blaze, 2007

Recueils de nouvelles

Danse macabre, Alta, 1980 Night Shift, 1978
Différentes Saisons, Albin Michel, 1986 Different Seasons, 1982
Recueil de quatre romans courts : Rita Hayworth et la Rédemption de Shawshank, Un élève doué, Le Corps et La Méthode respiratoire
Brume, Albin Michel, 1987 Skeleton Crew, 1985
Minuit 2 et Minuit 4, Albin Michel, 1991 Four Past Midnight, 1990
Recueil de quatre romans courts, séparés en Les Langoliers et Vue imprenable sur jardin secret dans Minuit 2 et Le Policier des bibliothèques et Le Molosse surgi du soleil dans Minuit
Rêves et Cauchemars, Albin Michel, 1994 Nightmares & Dreamscapes, 1993
CÅ“urs perdus en Atlantide, Albin Michel, 2001 Hearts in Atlantis, 1999
Recueil de deux romans courts et trois nouvelles
Tout est fatal, Albin Michel, 2003 Everything's Eventual, 2002
Juste avant le crépuscule, Albin Michel, 2010 Just After Sunset, 2008
Nuit noire, étoiles mortes, Albin Michel, 2012 Full Dark, No Stars, 2010
Recueil de quatre romans courts

Essais

Anatomie de l'horreur, Éditions du Rocher, 1995 Danse Macabre, 1981
Écriture : Mémoires d'un métier, Albin Michel, 2001 On Writing: A Memoir of the Craft, 20 Secret Windows, 2000
Essai et nouvelles
Faithful, 2004
Coécrit avec Stewart O'Nan. Livre sur la saison des Red Sox de Boston
Guns, 2013
Essai au sujet de la législation sur les armes à feu aux USA

Livres numériques

Un tour sur le Bolid', Le Livre de poche, 2000 Riding the Bullet, 2000 The Plant, 2000
Inachevé Ur, 2009
Plein Gaz, Jean-Claude Lattès, 2014 Throttle, 2009
Coécrit avec Joe Hill.
Mile 81, 2011
Un visage dans la foule, Bragelonne, format numérique, 2014 A Face in the Crowd, 2012
Coécrit avec Stewart O'Nan.
In the Tall Grass, 2012
Coécrit avec Joe Hill.
Sale Gosse, Albin Michel, format numérique, 2014 Bad Little Kid

Scénarios

Peur bleue, J'ai lu, 1990 Silver Bullet, 1985
La Tempête du siècle, Albin Michel, 1999 Storm of the Century, 1999

Distinctions Récompenses

Sauf mention contraire, cette liste provient d'informations de la Science-Fiction Awards Database du magazine Locus. Les années mentionnées sont celles de la remise des prix.
Année Récompense Catégorie Œuvre
1980 Prix Balrog Meilleur recueil de nouvelles ou anthologie Danse macabre
Prix World Fantasy Prix spécial —
1981 Prix British Fantasy Prix spécial —
1982 Prix British Fantasy Meilleur roman Cujo
Prix Hugo Meilleur livre non-fictif Anatomie de l'horreur
Prix Locus Meilleur livre non-fictif
Prix World Fantasy Meilleure nouvelle Le Chenal
1983 Prix British Fantasy Meilleure nouvelle La Méthode respiratoire
1986 Prix Locus Meilleur recueil de nouvelles Brume
1987 Prix British Fantasy Meilleur roman Ça
1988 Prix Bram Stoker Meilleur roman Misery
1991 Prix Bram Stoker Meilleur recueil de nouvelles Minuit 2 / Minuit 4
1995 Prix World Fantasy Meilleure nouvelle L'Homme au costume noir
1996 O. Henry Award Meilleure nouvelle
Prix Bram Stoker Meilleure nouvelle longue Déjeuner au Gotham Café
1997 Prix Bram Stoker Meilleur roman La Ligne verte
Prix Locus Meilleur roman d'horreur Désolation
Prix Ozone Meilleur roman fantastique étranger
Grand prix de l'Imaginaire60 Meilleur essai Anatomie de l'horreur
1999 Prix Bram Stoker Meilleur roman Sac d'os
Prix British Fantasy Meilleur roman
Prix Locus Meilleur roman d'horreur
2000 Phantastik Preis Meilleur roman étranger Cœurs perdus en Atlantide
2001 Prix Bram Stoker Meilleur livre non-fictif Écriture : Mémoires d'un métier
Prix Locus Meilleur livre non-fictif
2003 National Book Award Ensemble de sa carrière —
Prix Bram Stoker Ensemble de sa carrière —
Phantastik Preiz Meilleur roman étranger Territoires
2004 National Magazine Awards Meilleure fiction Aire de repos
Prix World Fantasy Ensemble de sa carrière —
2005 Prix British Fantasy Meilleur roman La Tour sombre
Phantastik Preis Meilleur roman étranger
2007 Prix Bram Stoker Meilleur roman Histoire de Lisey
Prix Edgar-Allan-Poe Ensemble de sa carrière —
2009 Prix Bram Stoker Meilleur roman Duma Key
Meilleur recueil de nouvelles Juste avant le crépuscule
2010 Prix Shirley Jackson Meilleure nouvelle longue Morality
2011 Prix Bram Stoker Meilleur recueil de nouvelles Nuit noire, étoiles mortes
Prix British Fantasy Meilleur recueil de nouvelles
2012 Los Angeles Times Book Prize Meilleur thriller 22/11/63
Prix Bram Stoker Meilleure nouvelle courte Herman Wouk is Still Alive
2013 National Magazine Awards Meilleure fiction Batman and Robin Have an Altercation
2014 Prix Bram Stoker Meilleur roman Docteur Sleep

Nominations

Cette liste, qui recense uniquement les principales nominations obtenues par des œuvres de Stephen King, provient d'informations de la Science-Fiction Awards Database du magazine Locus. Les années mentionnées sont celles de la remise des prix.

Nominations Cinéma et télévision

En 1976, Brian De Palma réalise Carrie au bal du diable, premier film adapté de l'œuvre de Stephen King. Le film est un succès commercial et critique et contribue à lancer la carrière de l'écrivain en le faisant connaître du grand publica. À partir des années 1980, plusieurs réalisateurs renommés adaptent à leur tour des livres de King : Stanley Kubrick avec Shining 1980, David Cronenberg avec Dead Zone 1982, John Carpenter avec Christine 1983 et Rob Reiner avec Stand by Me 1987 et Misery 1990. À côté de ces adaptations réussies, auxquelles il faut ajouter celles de Frank Darabont, plusieurs autres films tirés de l'œuvre de King sont considérés comme très médiocres, notamment Les Démons du maïs 1984, Charlie 1984, La Créature du cimetière 1990, The Mangler 1995, La Peau sur les os 1996 et Dreamcatcher 2003.
King fait ses débuts au cinéma en 1982 en écrivant le scénario de Creepshow, réalisé par George Romero avec qui il se lie d'amitié et qui réalisera plus tard La Part des ténèbres 1993. En 1986, King se lance dans la réalisation en adaptant Poids lourds, une de ses nouvelles. Mais le film, Maximum Overdrive, est un cuisant échec artistique et commercialz et vaut à King une nomination pour le Razzie Award du pire réalisateur. En 1991, il développe un scénario original pour la mini-série Contretemps mais les audiences sont décevantesz.
La seule adaptation que King a totalement désavouée est Le Cobaye The Lawnmower Man, 1992, dont une seule scène présente un lien avec la nouvelle qui a donné son nom au film. Furieux de voir son nom associé à ce film dans un seul but publicitaire, King intente un procès à la société de production New Line Cinema afin que son nom soit retiré de tout le matériel promotionnel du film. Le tribunal lui donne raison et condamne de plus New Line à lui verser 3 400 000 $z.
Frank Darabont a réalisé trois films adaptés de l'œuvre de Stephen King et les deux hommes sont amis.
King autorise les réalisateurs débutants, la plupart étant des étudiants en cinéma, à adapter ses nouvelles sous forme de court métrage contre la somme d'un dollar symbolique à condition que le film ne soit pas distribué dans un but commercial sans son autorisation et qu'une copie lui soit envoyée. Ce système, surnommé Dollar Baby par l'écrivain, permet à Frank Darabont de réaliser en 1983 une adaptation de Chambre 312 qui impressionne King quand celui-ci la visionnez. Darabont établit par la suite sa réputation en réalisant trois adaptations qui comptent parmi les plus réussies de l'œuvre de King, Les Évadés 1994, La Ligne verte 1999 et The Mist 2007, et les deux hommes sont amis depuis 1994. King est également ami avec le réalisateur Mick Garris et les deux hommes ont collaboré à plusieurs reprises, avec des hauts, notamment l'adaptation du Fléau 1994, et des bas, La Nuit déchirée 1992, film d'après un scénario original de Kinga .
King a écrit plusieurs scénarios adaptés de ses propres livres, notamment ceux du film Simetierre 1989 et de la mini-série Le Fléau 1994. Il a toujours affirmé qu'il n'était pas satisfait du traitement de Shining, l'enfant lumière dans le film de Kubrick et, en 1997, il produit et scénarise une nouvelle adaptation de son roman sous forme de mini-série, réalisée par Mick Garris et plus fidèle à l'œuvre originalez, qui remporte le Saturn Award du meilleur téléfilm. En 1998, il écrit la première version, révisée ensuite par Chris Carter, du scénario d'un épisode de la série télévisée X-Files, dont il est devenu un admirateur trois ans plus tôt après avoir rencontré David Duchovny sur le plateau d'un jeu télévisé. L'épisode, intitulé La Poupée, se déroule dans le Maine et met en scène une petite fille possédée par une poupée maléfiquer.
King écrit ensuite notamment trois scénarios originaux pour des mini-séries, le premier étant celui de La Tempête du siècle 1999, qui remporte le Saturn Award du meilleur téléfilm. C'est ensuite le tour de Rose Red 2002, mini-série pour laquelle King a l'idée d'organiser une campagne de marketing qui pousse des milliers de personnes à croire que la maison hantée nommée Rose Red existe vraimentw 6. Il développe enfin Kingdom Hospital 2004, série de 13 épisodes basée sur L'Hôpital et ses fantômes de Lars von Trier et qui s'ouvre sur une scène directement inspirée par le grave accident dont il a été victime en 199970.
King a également souvent interprété de petits rôles dans des adaptations cinématographiques ou télévisées de ses histoires, ainsi qu'un rôle plus important dans Creepshowa 7. En plus de ces caméos, il prête sa voix à son propre personnage dans Une fille de clown 2000, un épisode des Simpson, et il incarne un « nettoyeur » nommé Bachman, chargé de faire disparaître un cadavre, dans un épisode de la série télévisée Sons of Anarchy 2010.
King déclare en 2008 que ses trois adaptations préférées sont Stand by Me, Les Évadés et The Mist. L'année suivante, il dévoile dans le livre Stephen King Goes to the Movies ses dix adaptations favorites sans donner d'ordre de préférence. Outre les trois déjà citées, on y trouve Chambre 1408, Cujo, Dolores Claiborne, La Ligne verte, La Tempête du siècle, Misery et Un élève doué.

Filmographie Réalisateur
1986 : Maximum Overdrive

Scénariste


1982 : Creepshow
1985 : Cat's Eye
1985 : Peur bleue
1986 : Maximum Overdrive
1987 : Histoires de l'autre monde série télévisée, épisode Sorry, Right Number
1989 : Simetierre
1991 : Contretemps mini-série, épisodes 1 à 5
1992 : La Nuit déchirée
1994 : Le Fléau mini-série
1997 : Shining mini-série
1998 : X-Files, épisode La Poupée
1999 : La Tempête du siècle mini-série
2002 : Rose Red mini-série
2004 : Kingdom Hospital mini-série
2006 : Désolation téléfilm
2014 : A Good Marriage
2014 : Under the Dome série télévisée, saison 2 épisode 1

Acteur

1981 : Knightriders : l'homme-sandwich
1982 : Creepshow segment La Mort solitaire de Jordy Verrill : Jordy Verrill
1986 : Maximum Overdrive : un homme à la banque ATM
1987 : Creepshow 2 segment L'Auto-stoppeur : le conducteur du camion
1989 : Simetierre : le pasteur
1991 : Contretemps mini-série, épisode 5 : le chauffeur de bus
1992 : La Nuit déchirée : le fossoyeur
1994 : Le Fléau mini-série : Teddy Weizak
1995 : Les Langoliers mini-série : Tom Holby
1996 : La Peau sur les os : Docteur Bangor
1997 : Shining mini-série : Cage Creed
1999 : La Tempête du siècle mini-série : l'avocat dans une publicité à la télévision
2000 : Les Simpson épisode Une fille de clown : lui-même voix
2000 : Frasier série télévisée, saison 8, épisode 8 : Brian voix
2002 : Rose Red mini-série : le livreur de pizzas
2004 : Kingdom Hospital mini-série : Johnny B. Goode
2005 : Terrain d'entente : lui-même
2007 : Chronique des morts-vivants : le journaliste à la radio voix
2010 : Sons of Anarchy série télévisée, saison 3, épisode 3 : Bachman
2014 : Under the Dome série télévisée, saison 2, épisode 1 : Client au resto-bar demandant un café à Angie

Adaptations cinématographiques

Année Titre français Titre original Réalisateur Commentaire
1976 Carrie au bal du diable Carrie Brian De Palma Adaptation du roman Carrie
1980 Shining The Shining Stanley Kubrick Adaptation du roman Shining, l'enfant lumière
1982 Creepshow Creepshow George A. Romero Adaptation de la nouvelle La Caisse The Crate ainsi que de la nouvelle La Fin solitaire de Jody Verill et scénarios originaux de Stephen King parus sous le même titre, dessinés par Bernie Wrightson
1983 Cujo Cujo Lewis Teague Adaptation du roman Cujo
1983 Dead Zone The Dead Zone David Cronenberg Adaptation du roman Dead Zone
1983 Christine Christine John Carpenter Adaptation du roman Christine
1984 Les Démons du maïs Children of the Corn Fritz Kiersch Adaptation de la nouvelle Les Enfants du maïs Children of the Corn dans Danse macabre
1984 Charlie Firestarter Mark L. Lester Adaptation du roman Charlie
1985 Cat's Eye Cat's Eye Lewis Teague Segment Quitter's Inc., : adaptation de la nouvelle éponyme (Desintox, Inc. dans Danse macabre
Segment The Ledge : adaptation de la nouvelle éponyme La Corniche dans Danse macabre
1985 Peur bleue Silver Bullet Daniel Attias Adaptation du roman L'Année du loup-garou Cycle of the Werewolf
1986 Maximum Overdrive Maximum Overdrive Stephen King Adaptation de la nouvelle Poids lourds Trucks dans Danse macabre
1986 Stand by Me Stand By Me Rob Reiner Adaptation de la nouvelle Le Corps The Body dans Différentes Saisons
1987 Creepshow 2 Creepshow 2 Michael Gornick Adaptation de la nouvelle Le Radeau he Raft et scénarios originaux de Stephen King
1987 Running Man The Running Man Paul Michael Glaser Adaptation du roman Running Man
1989 Simetierre Pet Sematary Mary Lambert Adaptation du roman Simetierre
1990 Darkside, les contes de la nuit noire Tales from the Darkside: The Movie John Harrison Adaptation de la nouvelle Le Chat d'enfer The Cat from Hell
1990 La Créature du cimetière Graveyard Shift Ralph S. Singleton Adaptation de la nouvelle Poste de nuit Graveyard Shift dans Danse macabre
1990 Misery Misery Rob Reiner Adaptation du roman Misery
1992 La Nuit déchirée Sleepwalkers Mick Garris Scénario original de Stephen King
1993 La Part des ténèbres The Dark Half George A. Romero Adaptation du roman La Part des ténèbres
1993 Le Bazaar de l'épouvante Needful Things Fraser Clarke Heston Adaptation du roman Bazaar
1994 Les Évadés The Shawshank Redemption Frank Darabont Adaptation de la nouvelle Rita Hayworth et la Rédemption de Shawshank Rita Hayworth and the Shawshank Redemption dans Différentes saisons
1995 The Mangler The Mangler Tobe Hooper Adaptation de la nouvelle La Presseuse The Mangler dans Danse macabre
1995 Dolores Claiborne Dolores Claiborne Taylor Hackford Adaptation du roman Dolores Claiborne
1996 La Peau sur les os Thinner Tom Holland Adaptation du roman La Peau sur les os
1997 Les Ailes de la nuit The Night Flier Mark Pavia Adaptation de la nouvelle Le Rapace nocturne The Night Flier dans Rêves et Cauchemars
1998 Un élève doué Apt Pupil Bryan Singer Adaptation de la nouvelle Un élève doué Apt Pupil dans Différentes Saisons
1999 La Ligne verte The Green Mile Frank Darabont Adaptation du roman-feuilleton La Ligne verte
2001 Cœurs perdus en Atlantide Hearts in Atlantis Scott Hicks Adaptation de la nouvelle Crapules de bas étage en manteau jaune
2003 Dreamcatcher Dreamcatcher Lawrence Kasdan Adaptation du roman Dreamcatcher
2004 Fenêtre secrète Secret Window David Koepp Adaptation de la nouvelle Vue imprenable sur jardin secret dans le livre Minuit 2
2004 Riding the Bullet Riding the bullet Mick Garris Adaptation de la nouvelle Un tour sur le Bolid', parue dans le recueil Tout est fatal
2007 Chambre 1408 1408 Mikael Håfström Adaptation de la nouvelle 1408, parue dans le recueil Tout est fatal
2007 The Mist The Mist Frank Darabont Adaptation de la nouvelle Brume, parue dans le recueil du même nom
2009 La Cadillac de Dolan Dolan's Cadillac Jeff Beesley Adaptation de la nouvelle La Cadillac de Dolan, parue dans le recueil Rêves et Cauchemars
2013 Carrie, la vengeance Carrie Kimberly Peirce Nouvelle adaptation du roman Carrie
2014 A Good Marriage A Good Marriage Peter Askin Adaptation du roman court Bon Ménage
2014 Mercy Mercy Peter Cornwell Adaptation de la nouvelle Mémé
2015 Cell Cell Tod Williams Adaptation du roman Cellulaire

Adaptations télévisées

Année Titre français Titre original Réalisateur Format Commentaire
1979 Les Vampires de Salem Salem's Lot Tobe Hooper Mini-série d'une durée totale de 180 minutes Adaptation du roman Salem
1984 L'Ordinateur des dieux The Word Processor of the Gods Michael Gornick Épisode de 30 minutes de la série Histoires de l'autre monde Adaptation de la nouvelle Machine divine à traitement de texte (Word Processor of the Gods) dans Brume
1986 Le Spectre de grand-mère Gramma Bradford May Épisode de 30 minutes de la série La Cinquième Dimension Adaptation de la nouvelle Mémé Gramma dans Brume
1987 Désolé, bon numéro Sorry, Right Number John Harrison Épisode de 30 minutes de la série Histoires de l'autre monde Adaptation de la nouvelle Désolé, bon numéro Sorry, Right Number dans Rêves et Cauchemars
1990 « Il » est revenu It Tommy Lee Wallace Mini-série d'une durée totale de 190 minutes Adaptation du roman Ça
1991 Vengeance diabolique Sometimes They Come Back Tom McLoughlin Téléfilm Adaptation de la nouvelle Cours, Jimmy cours Sometimes They Come Back dans Danse macabre
1991 The Moving Finger The Moving Finger Ken Meyers Épisode de 30 minutes de la série Monsters Adaptation de la nouvelle Le Doigt téléscopique The Moving Finger dans Rêves et Cauchemars
1991 Contretemps Golden Years Divers Mini-série de 7 épisodes de 40 minutes Scénario original de Stephen King
1993 Les Tommyknockers The Tommyknockers John Power Mini-série d'une durée totale de 180 minutes Adaptation du roman Les Tommyknockers
1994 Le Fléau The Stand Mick Garris Mini-série d'une durée totale de 360 minutes Adaptation du roman Le Fléau
1995 Les Langoliers The Langoliers Tom Holland Mini-série d'une durée totale de 180 minutes Adaptation de la nouvelle Les Langoliers The Langoliers dans Minuit
1997 Shining The Shining Mick Garris Mini-série d'une durée totale de 270 minutes Deuxième adaptation du roman Shining, l'enfant lumière
1997 Le Dentier claqueur Chattery Teeth Mick Garris Segment du téléfilm anthologique Quicksilver Highway Adaptation de la nouvelle Le Dentier claqueur Chattery Teeth dans Rêves et Cauchemars
1997 Les Révélations de Becka Paulson The Revelations of Becka Paulson Steven Weber Épisode de 45 minutes de la série Au-delà du réel Adaptation de la nouvelle Les Révélations de Becka Paulson The Revelations of Becka Paulson dans 22 Histoires de sexe et d'horreur
1997 Trucks : Les Camions de l'enfer Trucks Chris Thomson Téléfilm de 90 minutes Adaptation de la nouvelle Poids lourds (Trucks) dans Danse macabre. Remake du film Maximum Overdrive, réalisé par Stephen King.
1998 La Poupée Chinga Kim Manners Épisode de 45 minutes de la série X-Files : Aux frontières du réel Scénario original de Stephen King
1999 La Tempête du siècle Storm of the Century Craig R. Baxley Mini-série de 250 minutes Scénario original de Stephen King
2002 Rose Red Rose Red Craig R. Baxley Mini-série de 240 minutes Scénario original de Stephen King
2002 Carrie Carrie David Carson Téléfilm de 130 minutes Deuxième adaptation du roman Carrie
2002-2007 Dead Zone The Dead Zone Divers Série télévisée comportant 6 saisons Adaptation du roman Dead Zone
2004 Kingdom Hospital Stephen King's Kingdom Hospital Craig R. Baxley Mini-série adaptée de la série originale L'Hôpital et ses fantômes The Kingdom de Lars von Trier Mini-série de 15 épisodes, dont 11 scénarisés par Stephen King
2004 Salem Salem's Lot Mikael Salomon Mini-série de 180 minutes Adaptation du roman Salem
2006 Désolation Desperation Mick Garris Téléfilm de 130 minutes Adaptation du roman Désolation
2006 Rêves et Cauchemars Nightmares & Dreamscapes Divers Mini-série de huit épisodes Huit histoires tirées des recueils Danse macabre, Rêves et Cauchemars et Tout est fatal
2009 Children of the Corn Children of the Corn Donald P. Borchers Téléfilm Nouvelle adaptation de la nouvelle Les Enfants du maïs
2010-en cours Les Mystères de Haven Haven Divers Série télévisée en cours de production Adaptation très libre de Colorado Kid
2011 Bag of Bones Bag of Bones Mick Garris Téléfilm en deux parties Adaptation du roman Sac d'os
2013-en cours Under the Dome Under the Dome Divers Série télévisée en cours de production Adaptation du roman Dôme

Films et téléfilms dérivés de l'œuvre de Stephen King

Année Titre français Titre original Réalisateur Format Commentaire
1987 Les Enfants de Salem A Return to Salem's Lot Larry Cohen Film Suite des Vampires de Salem
1992 Le Cobaye The Lawnmower Man Brett Leonard Film Moins de 10 minutes basées sur la nouvelle La Pastorale, intégrées à une histoire n'ayant rien à voir avec Stephen King
1992 Simetierre 2 Pet Sematary II Mary Lambert Film Suite de Simetierre
1993 Les Démons du maïs 2 Children of the Corn II: The Final Sacrifice David Price Film Suite des Démons du maïs
1995 Les Démons du maïs 3 Children of the Corn III James D.R. Hickox Film Suite des Démons du maïs
1996 Les Enfants du diable Sometimes They Come Back… Again Adam Grossman Film direct-to-video Suite de Vengeance diabolique
1996 Les Démons du maïs 4 Children of the Corn IV: The Gathering Greg Spence Film direct-to-video Suite des Démons du maïs
1996 Ghosts Ghosts Stan Winston Moyen métrage Histoire d'origine de Stephen King puis réarrangée par Michael Jackson et les scénaristes
1998 Les Démons du maïs 5 Children of the Corn V: Fields of Terror Ethan Wiley Film direct-to-video Suite des Démons du maïs
1999 Carrie 2 : La Haine The Rage: Carrie 2 Katt Shea Film Suite de Carrie
1999 Le Diable des glaces Sometimes They Come Back… for More Daniel Zelik Berk Film direct-to-video Pseudo-suite de Vengeance diabolique
1999 Les Démons du maïs 6 Children of the Corn 666: Isaac's Return Kari Skogland Film direct-to-video Suite des Démons du maïs
2001 Les Démons du maïs 7 Children of the Corn: Revelation Guy Magar Film direct-to-video Suite des Démons du maïs
2002 The Mangler 2 The Mangler 2 Michael Hamilton-Wright Film direct-to-video Pseudo-suite de The Mangler
2002 Firestarter : Sous l'emprise du feu Firestarter 2: Rekindled Robert Iscove Téléfilm Suite de Charlie
2003 Le Journal d'Ellen Rimbauer The Diary of Ellen Rimbauer Craig R. Baxley Téléfilm Préquelle de Rose Red
2005 The Mangler Reborn The Mangler Reborn Matt Cunningham et Erik Gardner Film direct-to-video Pseudo-suite de The Mangler
2006 Creepshow 3 Creepshow 3 Ana Clavell et James Dudelson Film direct-to-video Pseudo-suite de Creepshow
2011 Children of the Corn : Genesis Children of the Corn: Genesis Joel Soisson Film direct-to-video Suite des Démons du maïs

Liens
http://youtu.be/1iD2NiyAVAU Les Tommyknockers
http://youtu.be/1BnJG9LsZA0 La grande librairie reçoit Stephen King
http://youtu.be/d_E5nAyULUE Le retour vengeance diabolique
http://youtu.be/d_E5nAyULUE Stephen King au grand Rex
http://youtu.be/hgLImCyDn6U Desperation


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Posté le : 20/09/2014 19:36
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Arthur Schopenhauer 1
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Le 21 septembre 1860 à Francfort-sur-le-Main, à 72 ans meurt Arthur

Schopenhauer


philosophe allemand du courant Kantisme, Idéalisme, né le 22 février 1788 à Dantzig en Prusse, ses principaux intérêts sont Métaphysique, cognition, esthétique, morale, religion, ses idées remarquables, Vouloir-vivre, Monde comme volonté, Monde comme représentation, ses Œuvres principales sont : De la quadruple racine du principe de raison suffisante, Le monde comme volonté et comme représentation, Parerga et Paralipomena, il est influencé par Kant, Platon, Hindouisme, Goethe, Lucrèce, Spinoza, Bouddhisme, Maître Eckhart et a influencé Nietzsche, Freud, Jung, Wittgenstein, Cioran, Bergson, Proust, Horkheimer.

Issu d'une famille de riches banquiers, Arthur Schopenhauer passe une partie de sa jeunesse à voyager en Europe, notamment en France et en Angleterre. Influencé par Platon et par Kant, il l’est aussi par Fichte, dont il suit les cours, et obtient en 1813 son doctorat de philosophie à Iéna, avec une thèse intitulée De la quadruple racine du principe de raison suffisante. Également marqué par la lecture des Upanishad, il se plonge dans la pensée de l’Inde, brahmanisme et bouddhisme confondus. Après la publication, en 1818, de son œuvre maîtresse, le Monde comme volonté et comme représentation laquelle n’acquerra de vraie audience qu’après la réédition de 1844, Schopenhauer est chargé de cours à l'université de Berlin en 1819, en même temps que Hegel, mais on ne lui confie pas de chaire. En 1831, il se retire à Francfort-sur-le-Main, où il rédige les Deux Problèmes fondamentaux de l’éthique 1841, puis Parerga et Paralipomena 1851, contenant des aphorismes spirituels qui faciliteront la diffusion de sa doctrine. Schopenhauer demeure le représentant d’un pessimisme métaphysique absolu. Outre Nietzsche, Schopenhauer éducateur, troisième des Considérations inactuelles ou intempestives, 1874, l’écrivain Thomas Mann, les Buddenbrook. Le déclin d’une famille, 1901 comptera parmi les intellectuels le plus fortement marqués par sa pensée. La force de la volonté universelle

En Bref

Schopenhauer est sans doute le penseur dont l'influence fut la plus profonde et la plus variée à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, moins d'ailleurs sur la philosophie universitaire que sur la philosophie des artistes, celle des hommes de science, et surtout des écrivains. Il faudrait citer Nietzsche et Wagner, bien sûr, mais aussi Tolstoï, Freud, Proust, Thomas Mann et, de façon plus ou moins avouée, un Bergson, un Wittgenstein. Pourtant, il fut méconnu de ses contemporains, souvent violemment attaqué, récemment encore par Lukács ou exclu de la galerie des grands philosophes, Merleau-Ponty. Schopenhauer est difficile à situer dans l'histoire de la philosophie : l'étiquette de romantisme semble inévitable, entraînée par le thème de la douleur universelle et du spleen, ou, plus simplement, par la chronologie : sa thèse, De la quadruple racine du principe de raison suffisante est de 1813, son œuvre majeure, Le Monde comme volonté et comme représentation est de 1818. Mais, alors, comment comprendre qu'il ait été presque ignoré jusqu'après 1850 et qu'il ait été lu et reconnu seulement dans la seconde moitié du XIXe siècle, à l'époque du positivisme et du scientisme ? Et ce romantique tient par bien des côtés – son voltairianisme par exemple – du XVIIIe siècle. L'embarras des historiens est manifeste lorsqu'ils traitent de l'œuvre de ce postkantien bien après celle d'un Hegel ou d'un Schelling.
Cette pensée inactuelle, et qui se revendique telle, n'évolue pratiquement pas depuis l'intuition de l'adolescence jusqu'aux derniers écrits. La thèse centrale exprimée dans le titre du Monde comme volonté et comme représentation est sans cesse reprise et développée dans des perspectives multiples. Schopenhauer aime comparer sa philosophie à Thèbes aux cent portes et la devise de l'œuvre entière pourrait être celle qu'il applique à l'histoire humaine : eadem sed aliter, la même chose mais autrement. Si nous sommes amenés à distinguer une métaphysique de la volonté, une anthropologie pessimiste et une théorie esthétique, c'est que ces points de vue, à partir d'un même centre, ont déterminé des lignes d'influence relativement indépendantes à la fin du XIXe siècle.
L'homme et l'œuvre... Ce sous-titre traditionnel s'applique particulièrement bien à Schopenhauer. Son pessimisme, sa misogynie, son amour des animaux, son horreur du bruit font partie de sa philosophie tout autant que de sa biographie. Il serait trop facile de les réduire à une névrose supposée. Il est vrai que, dans son cas, l'explication par la biographie est tentante.

Sa vie

Né le 22 février 1788 à Dantzig, Arthur est le fruit du mariage célébré en 1785 entre Johanna Henriette Trosiener, âgée alors de 19 ans, et de Henri Floris Schopenhauer qui en a 38. Avant même sa naissance, ce dernier veut en faire un commerçant, tout comme lui, du fait de l’aisance et de la liberté que la carrière commerciale procure, ainsi que l’exercice qu'elle donne à toutes les facultés intellectuelles. Souhaitant aussi en faire un citoyen du monde, il le prénomme Arthur, ce prénom étant, à quelques nuances près, le même dans toutes les grandes langues européennes.
En 1793, la famille Schopenhauer fuit devant l'occupation prussienne pour s'établir dans la ville libre de Hambourg. Son unique sœur, Adèle, naît neuf ans après lui, en 1797. La même année, Henri Floris Schopenhauer commence à s’occuper de l’éducation de son fils afin qu'il embrasse une carrière commerciale. Selon lui, deux moyens sont requis pour y parvenir : l’étude des langues et les voyages. Ainsi, en 1797, Arthur 9 ans passe deux ans au Havre chez un correspondant de son père où il étudie la langue française. De retour à Hambourg, il poursuit ses études commerciales, mais ne manque pas une occasion de suivre son père lors de ses déplacements Hanovre, Cassel, Weimar, Prague, Dresde, Leipzig, Berlin. À la promesse faite par son père d’un voyage en Europe s’il achève sa formation commerciale, Arthur se détourne de sa passion naissante pour les études littéraires. En effet, il aime lire les poètes et s’applique au latin. Le voyage débute en mai 1803 Arthur a donc 15 ans et s’achève au mois de septembre 1804. Il séjourne ensuite à Londres, suffisamment longtemps pour apprendre à parler l’anglais couramment, à Paris, dans le Midi de la France, à Lyon, en Savoie, en Suisse, puis finalement en Bavière et en Autriche.
De retour de voyage, il devient employé commercial. Son travail lui répugne et l'engagement qu'il a pris vis-à-vis de son père le ronge. Mais son père meurt quelque temps après, le 20 avril 1806, en tombant ou en se jetant, suicide ? d’un grenier dans le canal situé derrière la maison. À la suite de ce funeste événement, Johanna Schopenhauer, sa mère, vend le fonds de commerce et s'installe à Weimar pour se livrer à ses activités littéraires. Elle tient chez elle un salon auquel Goethe assiste régulièrement. Elle devient une romancière à succès. Quant à Arthur, il entreprend enfin des études classiques au Gymnasium, Lycée de Gotha, puis à Weimar chez sa mère, où il rencontre Goethe pour la toute première fois. Ainsi, Schopenhauer devient un étudiant original mais déterminé, nourri des poètes grecs et latins.
Après ses études classiques qui l’ont familiarisé avec l’Antiquité, il s’inscrit en 1809 à l’université de Goettingue, Göttingen où il rencontre Heinrich Reiss. Il a alors 21 ans. Parmi ses professeurs, il compte le philosophe Schulze, antidogmatique, contesté par Jonathan Amronson, qui craint de voir dégénérer l’idéalisme transcendantal en idéalisme absolu. Ce premier directeur philosophique lui conseilla d’étudier d’abord Kant, et Platon et d’y joindre ensuite Aristote et Spinoza, ce qui constituait, pour lui, les références du travail philosophique.
Il achève sa carrière d'étudiant à Berlin, université dans laquelle il passe trois semestres, de 1811 à 1813. Ce qui le pousse à rester dans cette ville est son désir d’entendre Fichte pour qui il conçoit une admiration a priori, laquelle ne résiste pas à l’épreuve. Ce qui l'a éloigné de Fichte et de sa philosophie, c'est le dogmatisme du fond et le caractère trop oratoire de la forme. Le cours de Schleiermacher sur l’histoire de la philosophie au Moyen Âge le laisse relativement indifférent. Mais il se passionne pour les leçons de Boeckh sur Platon, et plus encore pour celles de Wolf, à ne pas confondre avec Christian von Wolff le célèbre Leibnizien sur Aristophane, et sur Horace, grand poète latin qui devient un de ses auteurs favoris, avec Pétrarque. Sa formation initiale s’achève en 1813. Arthur Schopenhauer a vingt-cinq ans. Il quitte Berlin pour commencer à s’occuper de sa thèse de doctorat, son premier ouvrage important.
En 1813, il soutient donc sa grande thèse dont le titre exact est De la Quadruple Racine du principe de raison suffisante à l'université d'Iéna. La même année, il retrouve Goethe, à Weimar, avec qui il discute des écrits sur la manifestation des couleurs, dont il tirera une théorie. Il rédige, en 1815, son propre essai sur ce thème, Sur la vue et les couleurs, édité en 1816. Il découvre ces années-là la philosophie hindoue, grâce à l'orientaliste Friedrich Majer et la lecture des Upanishads. En 1814, il se brouille avec sa mère et emménage seul à Dresde.

De 1814 à 1818, il rédige sa grande œuvre Le Monde comme Volonté et comme Représentation qu'il confie à la fin du mois de septembre à son éditeur Brockhaus et quitte Dresde pour un long voyage en Italie. Au début de 1819, paraît Le Monde comme Volonté et comme représentation, puis 2e édition en 1844, et 3e en 1859 où il dépasse l'impossibilité kantienne d'accéder à une connaissance de la chose en soi, de voir au-delà du monde phénoménal. Les deux premières éditions sont, hélas, des échecs éditoriaux. En août, quand il apprend la faillite de la société dans laquelle il a placé son héritage, il rentre précipitamment en Allemagne, et en octobre, pour soulager sa gêne financière, il devient chargé de cours à l'Université de Berlin où enseigne le philosophe Hegel, qu'il critiquera vigoureusement dans ses ouvrages, philosophe qui occupe alors toute l'attention philosophique dans l'Allemagne du XIXe siècle, il choisit d'ailleurs de faire cours à la même heure que Hegel. Il démissionne au bout de six mois, faute d'étudiants. Il en profite pour voyager et part de nouveau pour l'Italie
Il fait une dépression en 1823. En 1825, il arrive à vivre de ses rentes, retourne à Berlin et tente de relancer sa carrière universitaire. Il quitte cette ville en 1831 pour Francfort, puis Mannheim. Il retourne à Francfort en 1833. Il est récompensé en 1839 par la Société royale des sciences de Norvège pour son mémoire Sur la liberté de la volonté humaine, qu'il joint à son essai Sur le Fondement de la morale pour les publier sous le nom de Les Deux Problèmes fondamentaux de l'éthique en 1841. Il publie Parerga et Paralipomena en 1851. C'est seulement vers la fin de sa vie que l'importance considérable de son œuvre est enfin reconnue, et que l'attention des philosophes se détourne presque entièrement de la philosophie hégélienne.
Arthur Schopenhauer, de constitution robuste, voit sa santé commencer à se détériorer en 1860. Il décède d'une crise cardiaque, à la suite d'une pneumonie, en septembre 1860 à l'âge de soixante-douze ans, à Francfort-sur-le-Main, où il est enterré. Son chien, un caniche du nom d'Atma, âme en sanskrit est son légataire principal.

Situation de sa philosophie, Sources

Selon ses propres dires, la philosophie de Schopenhauer est principalement inspirée de celles de Platon, d'Emmanuel Kant et des textes sacrés indiens, dont le védanta que l'Europe venait de découvrir grâce aux traductions d'Anquetil-Duperron.
" Les écrits de Kant, tout autant que les livres sacrés des Hindous et de Platon, ont été, après le spectacle vivant de la nature, mes plus précieux inspirateurs."
Sa philosophie présente également une très forte convergence de points de vue avec la philosophie bouddhiste, si bien qu'on l'a parfois considéré au XIXè siècle comme un philosophe bouddhiste, même si le bouddhisme ne sera véritablement connu en Europe qu'avec les ouvrages et traductions d’Eugène Burnouf en 1844, donc bien après la parution de l'œuvre maîtresse de Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation.

Position

Arthur Schopenhauer se réfère à Platon, se place en unique héritier légitime de Kant, et se démarque surtout ouvertement des post-kantiens de son époque; en effet, dès que l'occasion se présente, il critique férocement non seulement les personnalités – de façon souvent comique par l'outrance de ses imprécations et de ses insultes – mais aussi et surtout les idées de Fichte, Hegel et Schelling, philosophes qu’il exclut non seulement de la filiation de la philosophie kantienne en arguant de leur incompréhension de celle-ci mais aussi, parfois, purement et simplement, de la philosophie. Ainsi, par exemple, le ressort essentiel de sa critique de Hegel réside notamment dans un désaccord total sur la nature de la raison et aussi sur le refus argumenté de faire de la Raison le substitut d'un Dieu, toute conception de Dieu étant définitivement exclue de toute conception métaphysique de ce qui fait "l'essence intime de l'être et du Monde".
Il est à noter aussi qu'il préfère la première version de la Critique de la raison pure car il réprouve, entre autres, le théisme dont Kant aurait fait preuve lors de ses corrections postérieures à la première édition, sans doute suite à des pressions professorales inconscientes, reflets d'un État soucieux de ne pas remettre en cause l'ordre historique.
"Mais que personne ne se figure connaître la Critique de la raison pure, ni avoir une idée claire de la doctrine de Kant, s'il n'a lu la Critique que dans la seconde édition ou dans les suivantes ; cela est absolument impossible, car il n’a lu qu’un texte tronqué, corrompu, dans une certaine mesure apocryphe."

Influences

La philosophie de Schopenhauer a eu une influence importante sur de très nombreux écrivains, philosophes ou artistes majeurs du xixe siècle et du XXe siècle : Gustave Flaubert, Octave Mirbeau, Guy de Maupassant, Friedrich Nietzsche, Richard Wagner, Léon Tolstoï, Sigmund Freud, Joaquim Maria Machado de Assis, Émile Zola, Pio Baroja, Joris-Karl Huysmans, de manière générale le décadentisme, Marcel Proust, Thomas Mann, Hermann Hesse, Fiodor Dostoïevski, Jean-Marie Guyau, Henri Bergson, Ludwig Wittgenstein, André Gide, Emil Cioran, Samuel Beckett ainsi que de nos jours Michel Houellebecq6 et Clément Rosset ou plus récemment les frères Wachowski qui avouent s'être directement inspirés du philosophe pour leur trilogie Matrix. Sa vision d'un monde absurde (dénué de sens) préfigure également partiellement l'existentialisme.
La notion d'inconscient est présente dans son œuvre et sa théorie de la folie engendrée par le trouble de la mémoire est globalement conforme à la théorie freudienne. La lecture du Monde comme Volonté et comme Représentation a suscité l'intérêt de Nietzsche pour la philosophie. Bien qu'il méprisât particulièrement les idées de Schopenhauer sur la compassion - en qui il vit de plus en plus une incarnation majeure de ce qu'il appelle le "nihilisme passif" - Nietzsche affirmait que Schopenhauer était l'un des rares penseurs qu'il respectait, et il lui consacra son essai "Schopenhauer als Erzieher" Schopenhauer éducateur, 1874, une de ses quatre Considérations inactuelles.
Les réflexions de Schopenhauer sur le langage mais aussi sur l'éthique ont été une influence majeure pour Ludwig Wittgenstein.
On peut considérer le concept de Volonté comme ressemblant assez étroitement à des exemples classiques du monisme, tels que ceux proposés par les Upanishads et la philosophie Vedanta. Schopenhauer a également développé des réflexions partiellement en accord profond avec la théorie de l'évolution, avant même que Darwin ne publie ses travaux. Par exemple, l'idée que toute vie cherche essentiellement à se préserver et à engendrer une nouvelle vie, et aussi celle que les facultés mentales ne sont que des outils subordonnés à cette "fin". Cependant, contrairement à Darwin, Schopenhauer considérait les espèces comme étant fixes. Son intérêt pour la philosophie orientale a apporté de nouvelles idées en Occident. Son respect pour les droits des animaux - y compris son opposition véhémente à la vivisection - a conduit de nombreux militants modernes des droits des animaux à le redécouvrir.

Présentation de sa philosophie

Critique de la philosophie universitaire

Dans sa célèbre préface de la "Philosophie du droit" de 1820, Schopenhauer précise que "La philosophie n'est plus comme chez les Grecs exercée comme un art privé, elle a une existence officielle qui concerne donc le public, elle est principalement ou exclusivement au service de l’État". Dans son petit livre "Contre la philosophie universitaire" ou "Parerga et Paralipomena", paru en 1851, Schopenhauer s'insurge une nouvelle fois contre l'enseignement de la philosophie tel qu'il est alors pratiqué et surtout contre sa récupération par l’État. On peut citer ce passage éloquent qui met en garde la jeunesse intellectuelle face au danger de croire scientifique et fondée une discipline qui ne l'est pas du tout : "L'innocente jeunesse se rend à l'Université pleine d'une confiance naïve, et considère avec respect les prétendus possesseurs de tout savoir, et surtout le scrutateur présomptif de notre existence, l'homme dont elle entend proclamer avec enthousiasme la gloire par mille bouches et aux leçons duquel elle voit assister des hommes d’État chargés d'années. Elle se rend donc là, prête à apprendre, à croire et à adorer. Si maintenant on lui présente, sous le nom de philosophie, un amas d'idées à rebours, une doctrine de l'identité de l'être et du non-être, un assemblage de mots qui empêche tout cerveau sain de penser, un galimatias qui rappelle un asile d'aliénés, le tout chamarré par surcroît de traits d'une épaisse ignorance et d'une colossale inintelligence, alors l'innocente jeunesse dépourvue de jugement sera pleine de respect aussi pour un pareil fatras, s'imaginera que la philosophie consiste en un abracadabra de ce genre, et elle s'en ira avec un cerveau paralysé où les mots désormais passeront pour des idées; elle se trouvera donc à jamais dans l'impossibilité d'émettre des idées véritables, et son esprit sera châtré."
Le monde en tant que représentation et d'après le principe de raison

Pour Arthur Schopenhauer, le monde, - ou encore, l'Univers -, est à envisager, d'abord, comme étant une représentation, Vorstellung, la traduction la plus exacte serait présentation, ce qui se présente devant du sujet connaissant, et, toute représentation suppose une division originaire et donc une distinction entre un sujet et un objet » : le sujet est ce qui connaît c'est-à-dire ce pour qui et par qui il y a représentation de quelque chose et donc aussi du connu et qui, par ce fait ou pour cette raison même, ne peut lui-même être connu. Le "sujet connaissant" ne se connaît donc pas réflexivement comme tel; il ne se connaît que comme volonté qui, elle, parce qu'elle est aussi fondamentalement étrangère à toute auto-réflexion ne peut se connaître qu'à travers ce qu'elle produit comme son autre, à savoir le "sujet connaissant". "Sujet connaissant" et Volonté constituent donc une sorte de "dyade" qui n'existe véritablement que dans leur différence et dans leur altérité conflictuelle mais néanmoins complémentaire. Les termes de "sujet" et d'"objet" ne sont donc en rien des "absolus" qui pourraient exister et être conçus en dehors de leur corrélation. C'est pourquoi il est utile de parler de "division originaire"; cependant, au sein de cette dyade volonté et intellect, ou "sujet connaissant" ne jouent pas un rôle équivalent et "symétrique". Pour Schopenhauer en effet, c'est la Volonté qui, pour une cause ou une raison contingente et totalement impénétrable au "sujet connaissant", se fait elle-même "sujet connaissant" et c'est pourquoi la Volonté, même si tout ce qui est connu en manifeste la nature ou l'essence, ne peut jamais être intégralement connue. Le "sujet connaissant" ne se connaît donc pas intégralement comme connaissant parce qu'il est une expression de la Volonté qui se révèle, tout en restant obscure à elle-même, dans ce qui la manifeste, à savoir le "sujet connaissant" ou, pour être simple, la lumière de l'intellect humain. Il est à noter que ce sujet connaissant ne peut pas être pensé sous la notion de néant d'être qui, chez des philosophes postérieurs comme Martin Heidegger ou Jean-Paul Sartre sera un concept utilisé pour déterminer davantage l'identité ontologique de ce sujet car, pour Heidegger, le da-sein "être-ici", ce que par simple commodité, on appelle ici, le sujet se tient toujours déjà dans une ouverture préalable à l'Être, et non à la Volonté qu'il est selon Schopenhauer ; au contraire donc de ce qu'il sera pour Heidegger ou encore pour Sartre le néant, chez Schopenhauer, n'est pas envisagé comme la condition de possibilité d'un rapport à un être absolument différent différant de soi et par excellence à la Volonté qui est, selon Arthur Schopenhauer proprement le Soi en soi autre que soi de tout sujet connaissant :
"Ce qui connaît tout le reste, sans être soi-même connu, c'est le sujet. Le sujet est, par suite, le substratum du monde, la condition invariable, toujours sous-entendue, de tout phénomène, de tout objet ; car tout ce qui existe, existe seulement pour le sujet. Ce sujet, chacun le trouve en soi, en tant du moins qu'il connaît, non en tant qu'il est objet de connaissance."

Le Monde comme volonté et comme représentation.

C'est par une telle division originaire du sujet et de l'objet que l'intuition ou la perception d'un objet quelconque est rendue possible comme une intuition dans le temps et dans l'espace, conçus comme des formes de la sensibilité, conformément au principe de raison qui est, pour Schopenhauer, le seul véritable principe fondamental a priori qui rend ainsi possible toute science et toute connaissance objective ; la philosophie étant, quant à elle, la réflexion par l'Intellect de cette apparition à la conscience intuitive et réflexive de ce principe, source de toute la vérité qu'une représentation quelconque peut avoir, par et pour un sujet. Il est à noter ici que, selon Schopenhauer, la réflexion explicite sur le principe de raison suffisante de toute vérité n'est pas indispensable à la science. Celle-ci, en général, ignore, à la différence de la philosophie, la réflexion sur ce principe mais, par une nécessité inévitable, elle l'utilise et le tient quasi-aveuglément pour une évidence :
" Le monde est ma représentation. — Cette proposition est une vérité pour tout être vivant et pensant, bien que, chez l'homme seul, elle arrive à se transformer en connaissance abstraite et réfléchie. Dès qu'il est capable de l'amener à cet état, on peut dire que l'esprit philosophique est né en lui.".

Schopenhauer divise l'analyse de la représentation en deux parties, dont il précise également les liens, dans une théorie de la connaissance assez nettement empiriste , mais cet empirisme est cependant fortement nuancé par l'a-priorité de certaines conditions de la connaissance. Il étudie d'abord les représentations intuitives ; celles-ci sont données mais cependant construites dans l'espace et le temps, en tant que l'espace et le temps sont des formes a priori de la sensibilité ; ces représentations intuitives, les sensations ou même les affections, par exemple: le plaisir et la douleur, la joie et la tristesse sont inscrites par l'intellect dans des rapports réglés de causalité, causalité qui n'est qu'une des quatre formes du principe de raison, et, dans un deuxième temps, Schopenhauer étudie les représentations abstraites, les concepts qui eux, sont les produits de l'activité de la pensée, l'intellect, la raison mais il est préférable d'utiliser le terme d'Intellect pour parler bien plus proprement le lexique de Schopenhauer, car, pour lui, l'intellect et la raison doivent absolument être bien distingués et ces concepts dépendent toujours, dans leur contenu, de l'expérience.
Il est très important pour bien comprendre Schopenhauer de ne pas se laisser complètement aveugler par sa revendication réitérée d'être l'unique et l'authentique héritier de la philosophie de Kant. En réalité, sa pensée propre est tout aussi profondément marquée par l'influence des trois grands philosophes empiristes britanniques, de J. Locke, Berkeley et de Hume, mais, assez étrangement, il ne semble pas en avoir toujours eu pleine conscience. La preuve semble en être donnée par les quelques indices suivants : Pour lui a priori signifie bien plus souvent inné que "transcendantal" au sens proprement kantien et il est également très significatif qu'il n'utilise que très rarement la notion de catégorie qui, pour Kant, renvoie aux concepts purs de l'entendement c'est-à-dire, aux concepts qui sont les produits de l'activité spontanément synthétique de la pensée sans qu'ils puissent aucunement être ramené ou réduit à des idées abstraites des sensations. Donc, pour Schopenhauer, la distinction des représentations intuitives et des représentations abstraites est très proche de la distinction opérée par Hume entre les impressions et les impressions de réflexion ou idées et, comme la plupart des grands philosophes empiristes anglo-saxons du dix-huitième siècle, Schopenhauer manifeste une défiance évidente pour l'abstraction qui, très souvent, est, selon lui, la porte ouverte au psittacisme et à la pensée vide et creuse.

L'intuition

Pour le sujet qui a une représentation, temps et espace sont indissolublement liés, il n'y a pas de temps sans espace, et réciproquement, et ces deux formes de l'intuition sensible permettent de comprendre l'existence de la matière, matière pensée non en tant que substance, mais surtout, en tant qu'activité : la réalité empirique ou matérielle est donc cette activité dont nous avons l'intuition des effets, Wirklichkeit, réalité, de wirken, agir, avoir de l'effet et cette matière agissante épuise toute la réalité empirique ou "phénoménale" : autrement dit, pour Schopenhauer, dire cela, implique qu'il n'y a pas à chercher de vérité de la représentation en dehors de la représentation: en la considérant en tant que telle et d'après la forme a priori fondamentale de l'entendement, principe de raison ou causalité la réalité empirique est telle qu'elle se donne, et nous la connaissons entièrement et uniquement d'après cette forme : l'objet est la forme de la représentation. La représentation n'est donc pas qu'une apparence, elle s'inscrit dans le cadre de la réalité. Mais, bien qu'elle ne soit pas qu'une apparence, la réalité de la représentation ne se distingue du rêve que par sa durée et par les interruptions que nous remarquons de ce rêve lors de notre réveil, cependant, la naissance et la mort peuvent être rapprochées de ces interruptions brutales. Selon l'image de Schopenhauer, la vie éveillée est un livre que l'on lit page par page, le rêve est ce même livre dont on ne feuillette que quelques pages
La connaissance de la représentation passe, dans cette théorie, exclusivement par la sensibilité, dans le temps et l'espace, et cette connaissance est construite par l'entendement qui apprend à rapporter chaque effet à une cause, lorsque cette construction est prise en défaut et quand, par exemple, nous rapportons une cause habituelle à un effet qui peut, parfois, avoir une autre cause, alors se produit l'illusion ou bien l’erreur. La causalité, qui est la forme principale mais qui n'est néanmoins qu'une forme particulière du principe de raison est ainsi appliquée par Schopenhauer à la représentation d'un sujet, et non, ce qui est très important à la relation du sujet et de l'objet, puisque cette dernière relation est toujours déjà supposée par cette forme a priori qu'est le principe de raison. Cela exclut donc que le sujet soit lui-même un effet de l'objet ou bien aussi, à l'inverse, que l'objet soit un effet d'un sujet, cette dernière phrase explique pourquoi, il est assez peu pertinent car trop simpliste en fin de compte, de vouloir faire rentrer à toute force la philosophie de Schopenhauer sous l'une de ces deux étiquettes opposées que sont l' idéalisme ou le matérialisme.
Pour Schopenhauer, nous apprenons donc bien à voir, à toucher, et nous apprenons aussi, par exemple, à connaître notre corps : notre représentation commence par se développer en suivant le principe de causalité, ce qui n'est pas, pour Schopenhauer, un privilège de l'être humain, mais cela caractérise, au contraire, toute l'animalité. C'est uniquement en s'élevant aux concepts de la raison, c'est-à-dire aux savoirs qui organisent les représentations par l'intermédiaire de la raison, que l'homme se distingue des autres animaux et leur est intellectuellement ou cognitivement supérieur. Cependant, seule l'intuition et une intuition particulière, très difficile à définir une vie propre réalité, en quelque sorte "une vue exacte des phénomènes" est capable de supprimer toute notion de temps et d'espace et aussi, toutes les oppositions conceptuelles factices. C'est d'ailleurs la possibilité de la mise en œuvre de cette intuition qui caractérise toutes les œuvres du génie proprement humain.

La raison

Par l'usage de la raison, l'homme parvient donc à constituer une science, c'est-à-dire un système organisé de concepts qu'il est possible de communiquer par le langage. La raison humaine est ainsi cette faculté qui nous permet de produire des concepts. Mais, elle n'a pas pour autant la supériorité absolue sur l'intuition sensible. En effet :
- d'une part, la science est impossible sans l'expérience pour ce qui concerne les sciences a posteriori qui procèdent toujours par induction et qui doivent donc procéder à des expériences qui, elles-mêmes, supposent des hypothèses ; en ce sens là, la raison n'apporte rien de décisif à l'intuition, elle est seulement le pouvoir de produire une représentation de représentation définition de ce qu'est un concept ; mais, de ce fait, il est faux, pour Schopenhauer, de dire que la raison nous amène, contrairement à l'intuition, à une plus grande certitude grâce aux raisonnements sur des concepts : tout concept n'est en effet certain que dans la mesure où il rejoint, d'une manière ou d'une autre, l'expérience intuitive ;
- d'autre part, l'intuition est, en elle-même, une forme de connaissance, bien que très limitée en extension si on la compare à la raison, car la raison nous permet, elle, de prévoir, de construire des machines complexes, d'organiser les choses et d'agir en commun, etc. qui se trouve être plus précise que la science dans certains cas, comme l'art, l'action, et même les mathématiques dont la vérité peut-être saisie de manière évidente grâce aux formes a priori de l'espace et du temps, cette intuition géométrique étant alors bien supérieure aux laborieuses démonstrations qui certes prouvent et montrent le comment, mais n'expliquent pas le pourquoi. Ainsi, pour Schopenhauer, l'application de la raison à l'art ne revient, le plus souvent, qu'à plaquer des généralités sur un domaine fait de nuances innombrables.
Il est aussi à noter que cette distinction de l'intuition et de la raison est ce qui permet à Schopenhauer d'esquisser une théorie originale du rire et de quelques caractéristiques, spécifiques aux êtres humains, telles que le sont la sottise, la niaiserie, etc. En considérant les dysfonctionnements qui peuvent se rencontrer dans les relations de l'entendement intuitif et de la raison, ainsi, l'application de la raison à l'art fait-elle partie de la pédanterie comique, catégorie dans laquelle Schopenhauer fait aussi entrer la morale kantienne qui fonctionne par préceptes généraux sans tenir compte du "caractère" des individus:
le rire est provoqué soit par la confusion volontaire de plusieurs objets sous un même concept ce qui relève de l'esprit ou soit par la confusion involontaire de deux concepts pour une même chose bouffonnerie ;
la niaiserie est la difficulté pour la raison de distinguer les différences ou les ressemblances dans l'intuition.
Enfin, cette conception de la raison implique la possibilité de l'erreur dont l'étendue est considérable, l'erreur peut ainsi régner pendant des siècles sur des peuples entiers, contrairement à l'intuition qui nous offre, elle, mis à part quelques cas d'illusions, l'évidence de la représentation de l'objet : l'erreur, comme dans le cas de l'illusion, est une généralisation hâtive de l'effet à la cause, là où il faudrait procéder par une induction plus prudente.
Cette analyse de la représentation au point de vue de la connaissance de la causalité étant faite, Schopenhauer va proposer une autre analyse; celle non plus de la représentation mais de la Volonté. La face interne et le plus souvent imperceptible de la représentation est, en effet, selon lui, la Volonté, grâce à l'intuition de laquelle nous avons une connaissance aussi immédiate que possible de la réalité : certes le monde est ma représentation, mais il est aussi surtout, et bien plus fondamentalement, un "subit" par ma volonté de La Volonté. Cette idée d'une face interne sera ensuite reprise littéralement par Nietzsche, mais elle sera appuyée sur d'autres bases, puisque Nietzsche refusera de supposer une unicité de la Volonté au-delà de la multiplicité inhérente de la représentation et il refusera aussi de placer l'activité essentielle de l'homme en tant que Volonté au-delà de l'expérience phénoménale.

La Volonté, principe fondamental

La chose en soi n'est pas, pour Schopenhauer une chose inconnaissable : certes l'idée même d'une telle connaissance demeure logiquement contradictoire, car cette idée d'une connaissance de la chose en soi signifierait une connaissance indépendante des conditions mêmes de toute connaissance, autrement dit du principe de raison. Mais malgré cette contradiction inhérente à l'idée d'une connaissance objective de la chose en soi, Arthur Schopenhauer voit dans l'intuition de la Volonté l'expression la plus immédiate de la chose en soi, car le sujet qui connaît est lui aussi, partiellement au moins, un objet de connaissance, quoiqu'il ne puisse jamais, à strictement parler, se connaître lui-même comme connaissant, d'un point de vue objectif.
Par l'intuition de la Volonté, nous avons donc l'intuition d'un phénomène éternel et inconditionné qui pourtant s'inscrit dans le temps, et c'est cette incorporation phénoménale qui nous permet d'entrevoir la forme la plus pure que nous puissions concevoir de la chose en soi : La Volonté, c'est-à-dire la volonté de vivre dans le sujet et dont chaque "chose" de ce monde est aussi une expression selon le principe de raison.
Schopenhauer rejette à la fois la philosophie de l'objet, en particulier le matérialisme qu'il analyse longuement, pour en montrer les contradictions et la philosophie du sujet, c'est-à-dire une conception de l'idéalisme, c'est-à-dire aussi toutes les philosophies qui reposent sur l'idée que le sujet serait la condition inconditionnée de l'existence de la Réalité ou de la Chose. Par cette phrase, il faut comprendre que sujet et objet sont certes des corrélats indissociables mais que, concevoir la Réalité, ou la chose en soi comme n'étant qu'un objet c'est-à-dire encore un phénomène ou une représentation c'est n'en avoir qu'une perception très superficielle.

Du corps à la volonté

La Volonté vient, de cette manière, se loger là où les explications scientifiques ne peuvent et ne pourront jamais parvenir, car confrontées à la chose en soi, ces explications sont inévitablement déficientes : L'existence du monde échappe, en effet, fondamentalement, à la causalité, et la science ne peut plus alors que déceler des qualités a priori et occultes, la gravité de Newton par exemple.
Or, pour atteindre le secret de cette conception, il serait plus pertinent de dire de l' intuition de l'être intime du monde, Arthur Schopenhauer réhabilite l'expérience radicalement singulière du corps propre, corps propre à distinguer de ce qui peut en être connu objectivement, cette expérience que nous ne pouvons en aucun cas nier, et dont il avait d'abord fait abstraction pour pouvoir exposer plus pédagogiquement sa théorie de la représentation dans les premières pages du Monde comme Volonté et comme Représentation.
Le corps en ce qu'il a d'irréductiblement intraduisible par les concepts et le langage est ainsi, selon lui, l'expérience la plus immédiate que nous pouvons avoir, et cette expérience est en liaison directe avec l'expression de la Volonté.

La volonté et les idées

La Volonté est Une, mais d'une unité sans relation au multiple et surtout, au nombre. Elle est immuable et éternelle, Elle ne fait pas partie intégrante de l'espace-temps. N'étant pas en soi déterminée par le principe de raison, elle est sans raison grundlos, c'est-à-dire inconditionnée et aveugle : Elle ne peut donc faire l'objet d'aucune science ; le savoir relatif à cette Volonté c'est proprement, la philosophie, et cette Volonté est connaissable uniquement par une intuition introspective du sujet par laquelle ce sujet, dans le moment même de la saisie de son essence, rentre et sort de soi, car son intimité la plus radicale et singulière est absolument irréductible à ce que l'on a coutume d'appeler, l'individualité ou la personnalité subjective : le fait que la représentation de Soi devienne réfléchie, qu'elle adopte une position de réflexion méditante sur elle-même, peut conduire à entrevoir "une intuition du fait d'être" de la Volonté, de la réalité, et cette intuition est une intuition sans concept à laquelle les plus grands artistes, quel que soit leur domaine d'expression, ont, presque toujours, essayer de donner forme et figure.
" Nous ne voyons un homme rentrer en lui-même, se reconnaître et reconnaître aussi le monde, se changer de fond en comble, s'élever au dessus de lui-même et de toute espèce de douleurs, et, comme purifié et sanctifié par la souffrance, avec un calme, une béatitutde et une hauteur d'esprit que rien ne peut troubler, renoncer à tout ce qu'il désirait naguère avec tant d'emportement et recevoir la mort avec joie, nous ne voyons un homme en arriver là, qu'après qu'il a parcouru tous les degrés d'une détresse croissante, et qu'ayant lutté énergiquement, il est près de s'abandonner au désespoir. "

L'individuation

Schopenhauer explique l'individuation phénoménale, l'existence spatio-temporelle de deux points de vue complémentaires. D'une part, l'individuation se produit par la subordination d'êtres de degré inférieur de l'existence à des êtres au degré supérieur de complexité, autrement dit encore, des éléments "physico-chimiques" sont intégrés à des degrés d'organisation plus complexes ; d'autre part, l'individuation suppose la réalisation d'une Idée, autrement dit d'un principe "téléologique" qui, de notre point de vue fini et phénoménal, se répète inlassablement, le même effet suit la même cause aujourd'hui comme il y a deux mille ans et l'individu, s'il réussit à ne pas prendre conscience de lui-même comme "phénomène", alors, demeure éternel et n'est en rien affecté par les manifestations phénoménales de la Volonté, aussi nombreuses et diverses soient-elles.
L'intuition échappe à La relation de cause à effet et l'intuition, elle, saisit l'instant dans son éternité.
Cette théorie est assez inspirée des théories de Platon, Idées-lois du devenir et d'Aristote, engagement de la forme dans la matière.
L'individuation est une expression de la Volonté,une expression toujours déterminée et "localisée en un point et en un temps particuliers; l'individu, de ce fait, et contrairement à la Volonté, n'est pas nécessairement, dans la conscience ou représentation qu'il a de lui-même, qu' une expression aveugle de la Volonté : en l'homme, par exemple, la Volonté se présentant d'une manière déterminée comme une volonté, peut se manifester apparemment d'une manière rationnelle, autrement dit, en suivant une causalité qui peut toujours sembler intelligible et c'est cela qui peut expliquer l'illusion du libre-arbitre car les individus croient pouvoir se déterminer eux-mêmes à être ce qu'ils veulent, alors que le fait d'être telle volonté déterminée demeure un "fait brut" ou, plus précisément, un processus sur lequel ils n'ont un pouvoir d'agir que très réduit. Les individus croient pouvoir disposer d'un libre arbitre, mais, en réalité ils agissent toujours selon un processus qui est déterminé par la Volonté qui est au plus profond d'eux-mêmes et, ce processus, n'est que représenté par le principe de raison qui est la loi de leur intellect; ainsi chacun des choix que les individus pourront faire sera donc toujours guidé par une forme particulière qu'adopte la Volonté et cette forme particulière ne résulte, elle, que rarement du choix que les individus se représentent pour s'expliquer intellectuellement leur conduite.
Autrement dit, le choix dans un ordre phénoménal toujours préétabli ne peut exister qu'en apparence.
Le renoncement ou l'émotion esthétique peuvent, toutefois, nous permettre de nous détacher de la Volonté en nous donnant l'occasion de ne plus adhérer à cette apparence de l'intellect, point qui sera examiné dans une prochaine section.


La lutte pour la domination

L'individuation, notamment parce qu'elle comprend "un processus de subordination", fonde une compréhension du Monde dans lequel la volonté s'assume elle-même. La Volonté se trouve, en effet, confrontée à elle-même par l'intermédiaire des unités individuelles, tout en étant toujours une. Cette confrontation permanente est le monde dans lequel nous vivons. Nous autres humains sommes, en effet, en perpétuelle lutte les uns contre les autres, et nous sommes aussi en perpétuelle lutte contre ce qui exprime la Volonté par une espèce vivante autre que la nôtre. C'est cette "lutte pour la vie" qui engendre la souffrance qui ne cesse que momentanément, pour laisser, parfois, la place à l'ennui.
Il est important pour aborder la philosophie de Schopenhauer de bien distinguer le terme Volonté, qui désigne le concept central de la philosophie, de la volonté dont nous pouvons parler tous les jours pour les actions à entreprendre. Le champ de la Volonté schopenhauerienne ne se limite pas au vivant, mais englobe tous les étants qui peuvent avoir lieu dans l'univers.

La Volonté et le temps

Il a souvent été attribué à Schopenhauer l'adoption d'un concept cyclique du temps, mais ce n'est pas tout à fait exact. Il souscrit totalement à la palingénésie, et il rejette la métempsycose censée être une explication des réincarnations l'étant individuel ne se réincarne pas, et l'instant ne se répète ou réitère pas au sens propre. Il est probable que ce relatif flou conceptuel soit surtout dû au principe de l'Éternel retour qui sera développé bien davantage par son disciple infidèle Friedrich Nietzsche, et aussi à la sympathie de Schopenhauer pour le bouddhisme, et aussi à une métaphore du § 54 du Monde comme Volonté et comme Représentation MVR. Celle-ci présente l'instant comme "le point de contact d'une tangente et d'un cercle qui tourne", mais Schopenhauer dit alors cela dans l'objectif de montrer que le présent n'est qu'un "point immobile", comme l'est un couteau que l'on aiguise sur une meule de pierre. L'infinité du temps selon Schopenhauer est mieux exprimée par la métaphore suivante : Le temps ressemble … à un instant irrésistible, et le présent à un écueil, contre lequel le flot se brise, mais sans l'emporter.
De plus, l'idée - très fréquente chez Schopenhauer - que les choses se renouvellent et se répètent toujours identiques à elles-mêmes, comme les événements de l'histoire, contribue à entretenir cette idée de temps cyclique. En réalité, cette répétition dans la continuité ne provient pas tant de l'adoption d'un concept cyclique du temps par le philosophe, mais bien plutôt de l'aspect itératif de la manifestation de la Volonté, qui se trouve toujours et éternellement confrontée à la durée de ses "objectivations" en perpétuel conflit. Pour Schopenhauer, seul le présent existe : Avant tout, ce qu'il faut bien comprendre, c'est que la forme propre de la manifestation du vouloir …, c'est l'instant, le présent seul, sans référence au passé et à l'avenir - la notion d'instant est plus appropriée que celle de présent, non l'avenir, ni le passé ; ceux-ci ne doivent pas être appréhendés comme existence mais seulement comme expression de la Volonté, relativement à une connaissance qui obéit au principe de raison suffisante.

La Vie

La vie existe par une objectivation de la Volonté, qui par l'individuation, donne les formes vivantes que nous connaissons. Les êtres vivants - productions aveugles de ce processus de spéciation et d'individuation, vivent en permanente lutte les uns contre les autres et ils pâtissent continuellement de la souffrance qu'engendre la vie. La position de Schopenhauer vis-à-vis des théories de l'évolution est assez curieuse, dans la mesure où on y décèle certaines contradictions. Schopenhauer est en effet partisan de la description des phénomènes biologiques que fait Lamarck, mais il n'adhère pas à son hypothèse "transformiste", essentiellement pour des raisons métaphysiques. Comme à son habitude, acerbe et ironique, il met cette erreur de Lamarck au compte de l'état attardé de la métaphysique en France , ce qui sauvegarde, par ailleurs, toute son admiration pour Lamarck. Le problème vient essentiellement, selon lui, du fait de voir individuellement les êtres vivants comme s'ils étaient des choses en soi, alors que la chose en soi est la Volonté de l'existence sans aucune vue sur l'existence individuelle, elle seule et dans son ensemble. Néanmoins, ses textes sont parsemés de remarques en relation étroite avec la théorie de la vie, les choses se sont passées exactement comme si une connaissance du genre de vie et de ses conditions extérieures avait précédée la mise en place de cette structure ; la résidence de la proie a déterminé la figure du poursuivant. Ceci nous permet de dire, avec Jean Lefranc, que certain de ses textes annoncent le struggle for life du darwinisme. Lors de la publication en 1859, peu avant sa mort, de L'Origine des espèces, Schopenhauer n'y voit qu'une variation sur la théorie de Lamarck. Son idée est alors faite depuis longtemps sur le Lamarckisme et il lui est en effet impossible, compte tenu des connaissances de son temps, de s'accorder avec cette nouvelle théorie de l'évolution. À la lumière des hypothèses actuelles, notamment celles de Richard Dawkins et de Cairns-Smith, certaines contradictions apparentes entre le darwinisme et la Volonté schopenhauerienne pourraient paraître être devenues caduques. Schopenhauer n'aurait eu aucune réserve envers des hypothèses comme l'hypothèse affirmant l'unité du vivant et aussi celle défendant la non-distinction essentielle entre la vie et la matière inerte, ce qui les rendrait alors fortement compatibles.

La Souffrance

Le comportement des animaux et des hommes, qui sont les objectivations supérieures de la Volonté dans les strates de l'existence, est entièrement régi par la fuite de la souffrance, qui, comme idiosyncrasie, est perçue, in fine, positivement. Les plaisirs ne sont que des illusions fugaces, des apaisements possibles au creux des désirs et des tracas ininterrompus. Ils n’apparaissent jamais qu’en contraste avec un état de souffrance, et ne constituent pas une donnée réellement positive pour les êtres "en mouvement" et désirant. Le plaisir, toujours fugace, peut constituer tout au plus un repos de l’esprit mais il reste un repos éphémère, puisqu'il est sans cesse troublé par l'apparition de nouveaux désirs, lesquels apparaissent en dehors de toute volonté consciente et réfléchie. Parce que tous les êtres subissent la volonté d'un ordre phénoménal supérieur, l'inconscience est la vérité commune de l'expérience de tous les êtres qui constituent le monde, et c'est une vérité psychologique et archétypique de la condition humaine.

L’amour

Dans Le Monde comme volonté et comme représentation, on peut lire, au début du chapitre consacré à la métaphysique de l’amour : Aucun thème ne peut égaler celui-là en intérêt, parce qu’il concerne le bonheur et le malheur de l’espèce, et par suite se rapporte à tous les autres ….
Au lieu de s’étonner, écrit Schopenhauer, qu’un philosophe aussi fasse sien pour une fois ce thème constant de tous les poètes, on devrait plutôt se montrer surpris de ce qu’un objet qui joue généralement un rôle si remarquable dans la vie humaine n’ait pour ainsi dire jamais été jusqu’ici pris en considération par les philosophes.
L’importance de ce thème se comprend si l’on part de ceci que, pour Schopenhauer, la Volonté constitue le fond des choses. Si le monde est l’objectivation de la Volonté, si par lui, elle parvient à la connaissance de ce qu’elle veut, à savoir ce monde lui-même ou, aussi bien, la vie telle qu’elle s’y réalise, on admettra que volonté et vouloir-vivre sont une seule et même chose.
Or, l’amour est ce par quoi la vie apparaît ici-bas. De la vie, l’expérience nous enseigne qu’elle est essentiellement souffrance, violence, désespoir. Cette misère des êtres vivants, misère que la lucidité nous contraint à reconnaître, ne répond à aucun but : originellement, la Volonté est aveugle, sans repos, sans satisfaction possible.
Certes, la nature poursuit bien, en chaque espèce, un but, qui est la conservation de celle-ci. Mais cette conservation, cette perpétuation, ne répond elle-même à aucune fin : chaque génération refera ce qu’a fait la précédente : elle aura faim, se nourrira, se reproduira. Ainsi va le monde, résume Martial Guéroult, par la faim et par l’amour.La seule chose qui règne, c’est le désir inextinguible de vivre à tout prix, l’amour aveugle de l’existence, sans représentation d’une quelconque finalité.
Ainsi, chez Schopenhauer, l’amour se présente d’abord comme cet élan aveugle qui conduit à perpétuer indéfiniment la souffrance en perpétuant indéfiniment l’espèce. L’acte générateur est le foyer du mal. Dans un entretien avec Challemel-Lacour, en 1859, Schopenhauer dit : L'amour, c’est l’ennemi. Faites-en, si cela vous convient, un luxe et un passe-temps, traitez-le en artiste ; le Génie de l’espèce est un industriel qui ne veut que produire. Il n’a qu’une pensée, pensée positive et sans poésie, c’est la durée du genre humain. Céder à l’amour, c’est développer le malheur, vouer une infinité d’autres êtres à la misère. Ceci explique directement le sentiment de honte et de tristesse qui suit, chez l’espèce humaine, l’acte sexuel. Le thème de l’amour chez Schopenhauer est donc à mettre en rapport avec l’horreur devant la vie : il apparaît d’abord comme un objet d’effroi.

La passion amoureuse et l'inclination sexuelle

La passion amoureuse et l’instinct sexuel, pour Schopenhauer, sont fondamentalement une seule et même chose. À ceux qui sont dominés par cette passion, écrit-il, Ma conception de l’amour … apparaîtra trop physique, trop matérielle, si métaphysique et transcendante qu’elle soit au fond.
À l’opposition classique entre l’esprit et le corps, Schopenhauer substitue une opposition entre l’intellect et la volonté. Or, il faut reconnaître, dans la sexualité, une expression du primat du vouloir-vivre sur l’intellect, primat qui implique que les pensées nettement conscientes ne sont que la surface, et que nos pensées les plus profondes nous restent en partie obscures, quoiqu’elles soient, en réalité, plus déterminantes, plus fondamentales. Ces pensées profondes sont constituées par la Volonté, et la Volonté, comme vouloir-vivre, donc vouloir-se-reproduire, implique, en son essence, la sexualité.
En affirmant ainsi le caractère obscur pour la conscience des pensées liées à la sexualité, Schopenhauer esquisse une théorie d’un moi non-conscient – même s'il ne s’agit pas encore d’une théorie de l’inconscient, au sens où l’entendra Freud. C’est à partir de ce fond non-conscient, c’est-à-dire à partir de la sexualité, qu’il faut comprendre l’existence, chez l’être humain, de l’intellect : du point de vue externe et physiologique, les parties génitales sont la racine, la tête le sommet .
L’instinct sexuel est l’instinct fondamental, l’appétit des appétits : par lui, c’est l’espèce qui s’affirme par l’intermédiaire de l’individu, il est le désir qui constitue l’être même de l’homme. L’instinct sexuel, écrit-il encore, est cause de la guerre et but de la paix : il est le fondement d’action sérieuse, objet de plaisanterie, source inépuisable de mot d’esprit, clé de toutes les allusions, explication de tout signe muet, de toute proposition non formulée, de tout regard furtif … ; c’est que l’affaire principale de tous les hommes se traite en secret et s’enveloppe ostensiblement de la plus grande ignorance possible. L’homme est un instinct sexuel qui a pris corps. C’est donc à partir de lui qu’il faut comprendre toute passion amoureuse. Tout amour cache, sous ses manifestations, des plus vulgaires aux plus sublimes, le même vouloir vivre, le même génie de l’espèce.
Pourtant, dira-t-on, n’y a-t-il pas, entre l’instinct sexuel et le sentiment amoureux, une différence essentielle, puisque le premier est susceptible d’être assouvi avec n’importe quel individu, tandis que le second se porte vers un individu en particulier ?
Schopenhauer ne nie aucunement une telle distinction. Il fait même de l’individualisation du choix amoureux l'énigme centrale de la psychologie amoureuse. Le choix des amants est apparemment la caractéristique essentielle de l’amour humain. Cela ne signifie pas, pour autant, qu'on ne peut pas expliquer ce choix par le génie de l’espèce. La préférence individuelle, et même la force de la passion, doivent se comprendre à partir de l’intérêt de l’espèce pour la composition de la génération future. Toute inclination amoureuse … n’est … qu’un instinct sexuel plus nettement déterminé …, plus individualisé.
La procréation de tel enfant déterminé, voilà le but véritable, quoique ignoré des acteurs, de tout roman d'amour : les moyens et la façon d'y atteindre sont chose accessoire. C’est dans l’acte générateur que se manifeste le plus directement, c’est-à-dire sans intervention de la connaissance, le vouloir-vivre.
Or, l’amour, la reproduction, ne sont que ce par quoi le mal, la misère, sont perpétués dans le monde. La passion amoureuse est ainsi, au centre de la tragédie sans cesse réitérée que constitue l’histoire du monde. La tragédie est d’autant plus grande qu’en procréant, l’individu prend obscurément conscience de sa propre mort : il n’est rien, seule compte l’espèce, et l’espèce n’est faite que d’autres individus qui, comme lui, connaissent la souffrance et l’angoisse. Les aspirations des amants, écrit Schopenhauer, tendent à perpétuer cette détresse et ces misères qui trouveraient bientôt leur terme, s’ils n’y faisaient pas échec comme leurs semblables l’ont fait déjà avant eux
La lucidité, et le sentiment de pitié dont l’homme est susceptible à l’égard des autres êtres vivants, imposent de mettre un terme à ces souffrances, en renonçant à la procréation.

La compassion amour pur

Précisément, le terme d’amour peut s’entendre, non plus seulement au sens d’instinct sexuel ou de passion amoureuse, mais également au sens de compassion universelle devant l’universelle souffrance dont nous sommes tous témoins, soit en tant qu'agents et aussi en tant que patients. La "pitié", en effet, est la seule vertu morale qui ait véritablement un sens profond au regard de la condition humaine. C’est, davantage encore que dans la pitié, dans la charité qui est, aussi, bien que pas seulement, "amour de l’humanité", que le phénomène moral se manifeste avec le plus de force et de clarté. La "pitié" est alors définie comme un sentiment intérieur entièrement spontané ; bien que spontané soit ici quasiment synonyme d'inné, Schopenhauer ne considère en aucune façon que l'être humain soit "par nature" bon ou bienveillant puisque pour lui la "pitié" est une forme d'amour du soi de tout être vivant dont l'égoïsme est l'autre face, contraire, mais tout aussi originelle.
Mais cette affirmation d'une compassion universelle ne va pas sans poser problème : un tel sentiment est-il seulement possible ? Comment, demande Schopenhauer, une souffrance qui n’est pas mienne, qui ne me touche pas moi , peut-elle devenir à l’instar de la mienne propre, un motif pour moi et m’inciter à agir ?
En réalité, le sentiment de pitié s’explique par l’unité de la Volonté, unité qui est au-delà de la multiplicité phénoménale des individus : la Volonté du "moi", en tant justement que Volonté, se reconnait identique à celle d’autrui dans un seul et même être. Ainsi Schopenhauer n'hésite pas parfois à affirmer ce propos "scandaleux" tellement il semble contre intuitif et même "immoral" de l'identité totale du bourreau et de sa victime.
Mais quelles sont les conséquences pratiques et éthiques de ce sentiment de pitié donc "d’amour pour l’humanité" mais, tout aussi bien, pour les animaux ? Autrement dit, que puis-je faire, au juste, face à la souffrance d’autrui ? Au fond, un individu peut difficilement soulager les souffrances d’un autre. Pour Schopenhauer, la participation à la souffrance d’autrui ne trouve son achèvement que dans l’affranchissement de la souffrance du monde par l’abnégation du vouloir-vivre, par la négation concrète de celui-ci dans l’ascétisme, négation qui peut même aboutir à un état de béatitude, c'est-à-dire de "suspension de la souffrance". Pour comprendre vraiment sans contresens ce que dit Schopenhauer de l'éthique il est essentiel de bien saisir que selon lui l'individualité n'est en aucun cas la véritable condition ontologique de l'être humain et que, par suite, cette individualité n'est peut être bien que la plus subtile "illusion" par laquelle "le voile de Maya" de la Volonté nous recouvre en nous laissant accroire que nous sommes des "êtres rationnels".
D’où l’exhortation, chez Schopenhauer, à la restriction des désirs, mais aussi son éloge non contradictoire des plaisirs esthétiques et intellectuels. L'abnégation totale du vouloir-vivre implique certes la négation du corps et donc de la sexualité, qui est "l’expression la plus directe" de la Volonté mais dès lors que ces plaisirs sont affranchis de leur subordination aux services du vouloir-vivre, ils n'ont, en eux-mêmes, plus rien de moralement condamnables. Le refus de perpétuer la souffrance de l’humanité implique ainsi avant tout un refus de la procréation : la "mortification" de la Volonté passe, dès lors, par le célibat, la "chasteté" volontaire. En d’autres termes, la compassion - c'est-à-dire l’amour pour l'humanité -, trouve sa plus haute forme d'accomplissement dans le renoncement à la sexualité reproductrice et au "sentiment amoureux" dès lors que celui-ci n'en est que le masque.
La philosophie de Schopenhauer de l'amour conduit donc, d’une part, à l'identification "non réductrice" de l’instinct sexuel et de la passion amoureuse, celle-ci n’étant qu’un instinct sexuel individualisé, et d’autre part, à une opposition radicale entre l’amour-charité et l’amour-passion. La "charité" est pour Schopenhauer en ce sens distincte de ce qu'elle est pour les chrétiens puisqu'elle peut très bien ne pas coïncider avec ce qu'on appelle trivialement "l'amour de la vie".

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Posté le : 20/09/2014 19:21
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Arthur Schopenhauer 2
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L’illusion amoureuse

Schopenhauer est, pourrions-nous dire, le philosophe qui "détruit" en nous toute forme d’espoir, en qualifiant notamment d’illusions ce que le sens commun considère lui comme une évidence et un bien.non neutre Au nombre de ces illusions, le philosophe range l’amour, dans lequel il voit une ruse du génie de l’espèce. La conception de l’amour comme d’un instinct servant exclusivement les intérêts de l’espèce, et, a fortiori ceux du Vouloir, contribue à faire de Schopenhauer, certes un philosophe pessimiste, mais aussi et surtout un philosophe original.
" Toute inclination amoureuse, en effet, pour éthérées que soient ses allures, prend racine uniquement dans l’instinct sexuel, et n’est même qu’un instinct sexuel plus nettement déterminé, plus spécialisé et, rigoureusement parlant, plus individualisé.. Il nous faut effectivement comprendre que l’homme, en tant qu’objectivation la plus individualisée du Vouloir, n’aura bien en vue que "ses" propres intérêts, ou, du moins, ce qu’il juge être "ses" intérêts, là où l’animal obéit, lui, aveuglément et d’une manière immédiate, aux intérêts de l’espèce. Mais, loin d’échapper à la dictature de l’espèce, l'être humain, sans s’en apercevoir, reste pourtant totalement soumis au Vouloir et à sa perpétuation. Et, ce qui permet de concilier à la fois les intérêts particuliers de l’individu et ceux de l’espèce, ce n’est pas autre chose que "le sentiment amoureux". En ce sens, l’amour, la passion, désignent les instruments du Vouloir soumettant l’individu à la perpétuation de l’espèce. Lorsqu’un "sentiment amoureux" se fait jour en moi, ce n’est ni plus ni moins que le vouloir-vivre qui s’éveille et qui témoigne, d’une manière déguisée, de son aspiration à se prolonger sous la forme d’une existence individuelle nouvelle. Cette idée ne peut être mieux formulée que par Schopenhauer lui-même : quand l’individu doit se dépenser et même faire des sacrifices en faveur de la persistance et de la constitution de l’espèce, l’importance de l’objectif ne peut être rendue perceptible à son intellect adapté aux seules fins individuelles, de telle sorte qu’il agisse en conformité avec lui. C’est pourquoi la nature ne peut en l’occurrence atteindre son but qu’en inculquant à l’individu une illusion, grâce à laquelle il regardera comme un bien pour lui-même ce qui n’est tel en fait que pour l’espèce ; La passion amoureuse est donc une sorte de voile cachant à l’individu que ce qu’il pense être ses intérêts personnels sont, en réalité, ceux de l’espèce.

La métaphysique de la volonté

Schopenhauer se veut le véritable successeur de Kant, capable de résoudre la crise ouverte par la philosophie critique sans en trahir les résultats. À ses yeux, l'acquis définitif du kantisme est la dualité irréductible du phénomène et de la chose en soi. Le postkantisme de Schopenhauer est donc radicalement distinct de celui d'un Fichte, d'un Schelling ou d'un Hegel, qui croient pouvoir surmonter cette dualité. Or l' idéalisme transcendantal retient la connaissance philosophique dans le monde de l'expérience ; il ne peut pas se développer en idéalisme absolu. Quelles qu'aient été les timidités d'un Kant imprégné de croyances bibliques, sa critique même, comprise en son principe, interdit toute transcendance ; désormais, Dieu est mort. Dans un violent pamphlet sur La Philosophie universitaire, qui lui sera difficilement pardonné, Schopenhauer dénonce dans l'idéalisme dialectique, dans la philosophie de l'esprit absolu, une régression en deçà du kantisme, un retour à une idéologie théiste de professeurs au service de l'État qui les emploie.
Dans sa thèse, sous l'appellation apparemment leibnizienne de principe de raison suffisante, il avait rassemblé les a priori kantiens : l'espace et le temps, formes de la sensibilité, la causalité devenue seule forme de l'entendement, les formes logiques du raisonnement, enfin la motivation, causalité de la volonté. Mais, au-delà de la représentation soumise au principe de raison, la chose en soi reste encore accessible, non pas comme objet en soi qui redoublerait vainement le phénomène, mais dans l'expérience de la volonté étendue à toute la vie affective, à la vie du corps entier saisi subjectivement et non plus objectivement comme représentation. Schopenhauer est très conscient d'être novateur en substituant la dualité de la volonté et de l'intellect à la dualité classique de l'âme et du corps. Radicalisant la philosophie transcendantale de Kant, il peut renvoyer dos à dos un spiritualisme mystificateur et un matérialisme plus dangereux encore.
Schopenhauer fait de la volonté non pas une nouvelle dénomination de l'absolu, terme qu'il a toujours ridiculisé, mais la meilleure approximation que le sujet connaissant puisse atteindre de la chose en soi. C'est le monde tout entier que le métaphysicien va penser, analogiquement, comme volonté, depuis les règnes minéraux et végétaux jusqu'au règne animal. L'intellect se développe chez l' homme avec le langage et le raisonnement, mais il apparaît chez l'animal dès la première ébauche de cerveau, et il reste entièrement au service du vouloir-vivre. C'est donc une même volonté qui ne cesse de s'affirmer, de s'objectiver en une multitude de phénomènes, dans une perpétuelle lutte pour survivre qui ne donne qu'une apparence d'ordre, puisqu'elle se dévore elle-même aveuglément hors de tout plan divin.
La métaphysique et la physique se correspondent comme la notion de force, physique, chimique, vitale, psychologique correspond à celle de causalité. C'est l'expérience interne du vouloir qui nous fait connaître le plus clairement la force. Inversement, la causalité, si obscure en nous-mêmes que nous avons l'illusion du libre arbitre, n'est clairement déterminée que dans la connaissance objective des lois de la nature. Cette philosophie déterministe a pu sembler l'hypothèse la plus acceptable par les savants de la fin du XIXe siècle. Ne supposant que des forces primitives comme manifestation d'une volonté universelle, elle évitait les querelles du matérialisme, de l'idéalisme et du positivisme.

Une anthropologie pessimiste

Schopenhauer reproche avec virulence aux religions du Livre leur mépris de l' animalité, et la supériorité des religions de l'Inde sur ce point lui paraît manifeste. Mais il est vrai qu'avec le langage l'homme devient capable de se détacher de l'expérience immédiate, de penser le passé et l'avenir, de prendre conscience d'être mortel et de se poser la question du sens de son existence. Là est la source de toute religion et c'est en ce sens, indépendamment de tout appel à une transcendance, que l'homme peut être dit l'animal métaphysique.
Schopenhauer ne se lasse pas de décrire une existence humaine prisonnière de l' illusion du bonheur, oscillant constamment de la souffrance à l'ennui, nécessairement insatisfaite puisque la volonté ne veut rien que sa propre affirmation. Les commentateurs ont voulu réduire ce pessimisme, le mot est alors nouveau à un effet du romantisme ; mais on pourrait aussi bien penser à l'apologétique chrétienne, au divertissement pascalien. Invoquer, comme le fait Lachelier, l'humeur du philosophe ou ses expériences de jeunesse est tout aussi insuffisant, le fait-on pour l'optimisme de Leibniz ?. Il y a cohérence entre la métaphysique et l'anthropologie.
L' amour et la mort prennent une importance nouvelle hors de la référence à la dualité de l'âme et du corps. Tout amour, toute passion amoureuse cachent sous leurs manifestations, des plus vulgaires aux plus sublimes, le même vouloir-vivre, le même génie de l'espèce. Cette dénonciation de la sexualité, le grand secret, en particulier dans le chapitre férocement misogyne des Parerga, sur les femmes, eut un grand retentissement littéraire, et Freud pourra trouver chez Schopenhauer non seulement la subversion du moi et le primat de la sexualité, mais même l'ébauche d'une théorie du refoulement. En perpétuant l'espèce dans l'individu, la sexualité signifie au moi sa propre mort. Les moralistes ont bien vu que la peur de la mort était aveugle, déraisonnable, mais elle ne peut être comprise et surmontée que rapportée au noyau de notre être, au vouloir-vivre indestructible. Là encore, l'illusion est de chercher un principe d'immortalité dans l'indépendance d'une âme raisonnable.
Si, dans son détail, une vie humaine relève de la comédie, considérée dans son ensemble, de la naissance à la mort, elle est une tragédie. Le pessimisme n'est pas absence de sens, ni à proprement parler nihilisme, comme l'a bien vu Nietzsche. L'énigme d'un monde sans Dieu, sans cause et sans fin, est résolue métaphysiquement par la volonté qui la rend intelligible. Schopenhauer n'est donc pas un philosophe de l'absurde. Il n'aurait pas pu écrire, comme Camus, qu'il fallait imaginer Sisyphe heureux. Il est moins encore un philosophe de l'existence. Ce serait oublier sa critique radicale du libre arbitre ; il n'y a chez lui nulle place pour une existence propre à l'homme et distincte de la nature.
L' éthique d'une telle anthropologie ne peut qu'être celle du renoncement et de l' ascèse, dont le premier point sera de s'abstenir de transmettre la vie et avec elle la tromperie du bonheur. La justice sera purement négative, ne léser personne et le seul sentiment moral possible est la pitié par laquelle est reconnue l'universelle souffrance. Ce pessimisme est-il, du point de vue social et politique, aussi réactionnaire qu'on l'a dit ? La notion même de réaction suppose une philosophie du progrès. Or les philosophies de l' histoire du charlatan Hegel et de ses disciples spiritualistes ou matérialistes ne sont, aux yeux de Schopenhauer, que de sinistres mystifications. Il n'y a rien à attendre de l'histoire que le retour des mêmes passions humaines. Le moins mauvais gouvernement saura être assez modéré pour éviter les convulsions révolutionnaires, qui ne font jamais qu'accroître les injustices et les cruautés.
À l'optimisme du judaïsme et de ses prolongements chrétiens et musulmans, Schopenhauer oppose les religions de l' Inde, si proches de la vérité métaphysique, mais aussi le bouddhisme qu'il décèle dans le Jésus des Évangiles ou dans certains mystiques tels que saint François d'Assise. La délivrance ne peut être attendue que de la négation du vouloir-vivre par lui-même. Seul le moi peut abolir le moi, puisque la volonté ne se manifeste que dans l'individu et que, métaphysiquement, elle est tout entière en chaque individu. Mais l'abolition de la volonté n'est pas celle d'une chose en soi inaccessible à l'intellect : La négation de la volonté de vivre n'implique nullement la destruction d'une substance mais purement et simplement l'acte de la non-volonté : ce qui jusqu'ici a voulu ne veut plus.Jusqu'à quel point le rapprochement avec le nirvana bouddhique est-il justifié ? Notons que Schopenhauer a revendiqué l'indépendance et l'originalité de sa démarche et que, plus prudent que ses commentateurs, il n'a jamais confondu mysticisme et rationalité philosophique.

La connaissance esthétique

Dans le plan général du Monde comme volonté et comme représentation, la contemplation est présentée comme une étape vers l'abolition du vouloir-vivre. Mais le salut par la gnose n'est accessible qu'à quelques saints, au nombre desquels Schopenhauer ne s'est pas compté lui-même. La contemplation esthétique est offerte à tous, ne serait-ce que dans le spectacle de la beauté de la nature. Nous sommes habitués, depuis Hegel, à identifier esthétique et théorie de la création artistique. Pour Schopenhauer, la théorie de l'art doit être rapportée à une théorie de la contemplation du beau, et celle-ci à la connaissance par les idées.
Invoquant assez abusivement Platon, Schopenhauer appelle idées les formes sous lesquelles se diversifie et s'objective la volonté une. C'est ainsi que, comme l'étymologie le suggère, à chaque espèce animale du monde phénoménal correspond métaphysiquement une idée. Il en est de même des forces naturelles, distinguées des causes. Dans l'exemple de la pesanteur, la force est traduite aussi bien dans les lois de la physique que dans une construction architecturale. Dans un cas, elle est donnée à comprendre scientifiquement, techniquement, dans l'autre elle est donnée à voir intuitivement dans l'équilibre des colonnes et de l'entablement, comme elle le serait dans le spectacle sublime d'un paysage de montagne. La connaissance par les idées se distingue donc radicalement de la connaissance par les concepts, ces outils intellectuels subordonnés aux fins sans fin du vouloir-vivre individuel. L'homme ordinaire, toujours affairé, est le plus souvent incapable d'échapper à l'objectivité utilitaire des phénomènes, incapable de s'arrêter à la contemplation de la chose même, de son essence comme objectivation du vouloir. C'est au génie qu'il appartient, par un développement exceptionnel de l'intellect, d'accéder à l'idée et de devenir pur sujet de connaissance d'un pur objet. L' œuvre d'art, qui communique à un large public cette connaissance, vaut donc non pas en tant que création, qui ne serait qu'exaltation de la volonté, mais comme la possibilité d'une expérience métaphysique qui nous délivre momentanément de la roue d'Ixion de la causalité phénoménale.
Qu'il s'agisse d'un spectacle naturel, d'un monument, d'un tableau peint, d'un poème, le plaisir pur, désintéressé, est à la fois affranchissement du sujet connaissant et jouissance intuitive de la chose même. Un des premiers, Schopenhauer porte intérêt aux matériaux et sait apprécier la beauté d'une esquisse. Contre Kant, la contemplation esthétique est pour lui authentiquement connaissance métaphysique ; contre Hegel, elle est indépendante de l'histoire et aucune dialectique ne peut prétendre épuiser le sens d'une œuvre de génie. C'est pourquoi, même en tenant compte de la hiérarchie des idées exprimées, il ne peut y avoir à proprement parler de système des beaux-arts.
D'ailleurs, il existe un art capable d'atteindre directement la volonté elle-même, sans passer par l'objectivation de l'idée : La musique nous donne ce qui précède toute forme, le noyau intime, le cœur des choses. Elle est le plus profond, le plus puissant de tous les arts. Nul mieux que Schopenhauer n'a justifié la signification universelle du génie de Mozart et de Beethoven. Bien au-delà d'une sentimentalité individuelle, c'est le monde même, comme volonté, qui est répété dans ses harmonies et ses dissonances. En dehors de tout concept, le langage immédiat de la musique est un exercice métaphysique inconscient.
Il n'en résulte pas que la philosophie doive faire place à l'art ou se transformer en philosophie de la musique ; mais le rapport du philosophe et de l'artiste est posé en termes nouveaux. Si la philosophie a été longtemps cherchée en vain, c'est qu'on voulait la trouver par la voie d'une science et non par la voie de l'art. Si, comme tout art, elle est répétition du monde comme volonté, elle retient aussi de la science la rationalité et l'abstraction du concept. Le retentissement de cette métaphysique de l'art ne se limitera pas au wagnérisme de la fin du XIXe siècle, mais il se prolonge, au moins indirectement par Nietzsche, dans une interrogation qui est encore la nôtre, de la philosophie sur son langage.

Billet à l’effigie de Schopenhauer émis par la ville de Dantzig 1923. La valeur nominale du billet est de 500 millions de Marks, conséquence de l'hyperinflation.
Il pourrait peut-être, en ce sens, être intéressant de mettre en lumière les origines d'une ruse de la Volonté chez Schopenhauer. La ruse, c’est celle d’un Vouloir, véritable essence de l’univers, qui, en vue de seulement perdurer indéfiniment dans l’existence, soumet l’ensemble de ses manifestations à la perpétuation de l’espèce par le biais de l’instinct sexuel. Et c’est parce qu’en l’homme, les intérêts "égoïstes" priment spontanément sur ceux de l’espèce, que le Vouloir usera d’un « stratagème afin qu’intérêts particuliers et généraux soient illusoirement confondus. Ainsi, nous pouvons étudier "la passion amoureuse" selon deux points de vue : selon la perspective individuelle, les hommes recherchent leur propre plaisir dans la compagnie de l’être aimé ainsi que dans la jouissance sexuelle ; du point de vue plus général de l’espèce, l’amour entre deux êtres désigne le moyen expédient pour le Vouloir de satisfaire sa tendance inconsciente première et essentielle, à savoir la volonté de vivre. C’est ce qui permet à Schopenhauer de parler du "sentiment amoureux" comme d’une véritable illusion, d’un instinct , ou encore d’un masque. La passion amoureuse n’est donc jamais que "l’effet de surface" d’un vouloir-vivre inconscient qui nous gouverne de part en part et vis-à-vis duquel, nous ne représentons que des "moyens" et en aucun cas "des fins".
Schopenhauer se livre par ailleurs, dans la Métaphysique de l’amour, à une véritable psychologie des désirs ; en essayant de montrer dans quelle mesure "les choix" d’ordre indissociablement physique et psychique qui nous poussent vers tel être et pas tel autre témoignent de ce vouloir-vivre qui cherche dans autrui, non pas "le meilleur amant", mais "le meilleur reproducteur", Schopenhauer tend à nous révéler que ce qui parle en nous dans pareil cas, ce n’est pas tant "l’esprit" mais "l’instinct". Le Vouloir, comprenons-le bien, ne cherche pas à se re-produire purement et simplement, mais il tend, au fil des générations, à le faire avec "la meilleure constitution possible", bien que cette "meilleure constitution" il n'en ait pas la moindre "représentation". Nous ne sommes pas très loin, ici, d’une théorie "néo Darwiniste". Pour comprendre "une inclination particulière pour tel être", Schopenhauer parle de « considérations inconscientes » qui seraient à l’origine du "choix" . Ce que recherche la nature ou le Vouloir par l’intermédiaire de nos choix inconscients et pourtant rigoureusement déterminés, ce n’est en fait rien d’autre que son propre "équilibre". Comme le philosophe le dit lui-même, « tandis que les amoureux parlent pathétiquement de l’harmonie de leurs âmes, le fond de l’affaire … concerne l’être à procréer et sa perfection. Telle est donc la ruse du génie de l’espèce à laquelle nous sommes tous soumis, nous qui aspirons pourtant consciemment, plus que tout, à l’indéterminisme et à la liberté.

C’est sans aucun doute à la suite de la lecture de la Métaphysique de l’amour16 que Freud a pu écrire : d’éminents philosophes peuvent être cités pour mes devanciers, avant tout autre le grand penseur Schopenhauer, dont la volonté inconsciente équivaut aux instincts psychiques de la psychanalyse. C’est ce même penseur, d’ailleurs, qui, en des paroles d’une inoubliable vigueur, a rappelé aux hommes l’importance toujours sous-estimée de leurs aspirations sexuelles »17. Le "sentiment amoureux" n’est pas fondamentalement autre chose que "l’instinct sexuel" en puissance ; et l’instinct sexuel traduit la tendance concrète du Vouloir à se perpétuer dans l’existence. C’est dire que la passion amoureuse désigne cette ruse que le Vouloir exerce sur des êtres dont les intérêts conscients sont "apparemment" uniquement égoïstes. C’est ainsi que je vais me croire libre de rechercher à la fois la compagnie de l’être aimé et la satisfaction engendrée par la jouissance sexuelle, alors qu’en réalité, par une telle attitude, je me constitue en esclave du Vouloir et de son intérêt primordial : sa manifestation phénoménale. Avoir l’illusion de servir "ses intérêts privés", c’est donc, très souvent sinon presque toujours, chercher à assurer la subsistance du Vouloir auquel je suis soumis.

Å’uvres

Journal de voyage, 1803-1804, chez Mercure de France, collection Le temps
De la quadruple racine du principe de raison suffisante (Über die vierfache Wurzel des Satzes vom zureichenden Grunde, 1813, seconde édition, chez Vrin, collection Bibliothèque des Textes Philosophiques - poche.
Sur la vue et les couleurs Über das Sehn und die Farben, 1816, chez Vrin, collection Bibliothèque des Textes Philosophiques
Le monde comme volonté et comme représentation Die Welt als Wille und Vorstellung, 1818/1819, vol.2 1844, trad. Auguste Burdeau, revue par R. Roos, PUF, 1966. (contient la Critique de la philosophie kantienne et les suppléments
Le monde comme volonté et représentation, nouvelle traduction de Ch. Sommer et coll. en 2 volumes): Ed: Folio-Gallimard, 2009, vol. I; vol II
L'Art d'avoir toujours raison 1830-1831, édition Circé
De la volonté dans la nature Über den Willen in der Natur, 1836, éditions PUF, collection Quadrige
Les Deux Problèmes fondamentaux de l'éthique : La liberté de la volonté ; Le fondement de la morale 1840/1861, nouvelle traduction: Christian Sommer, Ed.: Folio-Gallimard, 2009 Cette édition comprend, avec ajouts, suppressions, et préfaces de Schopenhauer, les deux mémoires suivants :
Sur la liberté de la volonté humaine Über die Freiheit des menschlichen Willens mémoire couronné par la Société Royale des Sciences de Norvège en 1839
Fondement de la morale Über die Grundlage der Moral mémoire présenté à la Société Royale des Sciences du Danemark en 1840, mais non couronné
Parerga et Paralipomena Parerga und Paralipomena, 1851. Première édition française intégrale, CODA, 2005, ; cette œuvre a d'abord été traduite seulement par parties, par exemple :
Aphorismes sur la sagesse dans la vie (Aphorismen zur Lebensweisheit, 1886 - Apologie de l'eudémonologie.
En français : Philosophie du Droit et autres essais, Paris, 2006
Correspondance complète, éditions Alive, collection Textes philosophiques
Pour familiariser le lecteur novice avec l’œuvre de Schopenhauer, certains chapitres du Monde ou des Parerga font parfois l'objet d'une édition isolée à l'initiative des éditeurs contemporains: Sur le besoin métaphysique de l'humanité, Du néant de la vie, Métaphysique de l'amour sexuel, Du génie, L'art de l'insulte, L'Art d'être heureux, Essai sur les femmes, etc.

Liens

http://youtu.be/7xXYx57l2qw Le monde comme volonté et représentation
http://youtu.be/SvQ_Rn3uTYw Schopenhauer conférence
http://youtu.be/9tnuxV6eSvk Les douleurs du monde
http://youtu.be/MlVct8ZVsL4 Attali l'art d'avoir toujours raison


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Posté le : 20/09/2014 19:19
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Re: Défi du 20-09-2014
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De l’autre côté

Les rayons du soleil matinal filtrent à travers les lames du store vénitien, illuminant des grains de poussière qui dansent au rythme d’une musique inaudible. Mon regard divague dans la pièce, le temps que les limbes de mon rêve s’effacent. Des bribes m’en reviennent : un décor de salle de classe et une sensation de vide sidéral devant une page d’examen d’anglais. Une prof à la longue silhouette sculpturale me nargue en récupérant ma feuille vierge. Elle finit par me proposer de l’embrasser afin de récupérer quelques points. Mais je suis petit et mes lèvres m’atteignent que le niveau de son plexus solaire. Elle part alors dans un rire sadique juste avant mon réveil.
J’observe mon poster géant du film « Star wars » et un sourire naît sur mes lèvres, encore engourdies. Je me suis goinfré de biscuits afin de collecter suffisamment de points pour l’obtenir. Mon foie s’est douloureusement vengé. J’en ai encore des maux de ventre rien que d’y penser.

Mon réveil affiche déjà sept heures quinze. Il est grand temps que je me lève. J’enfile mes petons dans la bouche d’Homer Simpson dont le visage orne mes pantoufles. Dans la cuisine, un bout de papier déchiré grossièrement trône sur la table : « Mon chéri, il y a un croissant dans le sachet et du jus d’oranges au frigo. À ce soir. Bisous. Maman. ». D’habitude, elle me prépare un cacao et des céréales. Bon… tant pis ! Je ne suis pas réfractaire au changement. En retirant la viennoiserie du petit sac blanc, une odeur délicieuse vient me caresser les narines, réveillant un appétit que je pensais encore endormi. J’ouvre l’armoire et parviens à attraper un verre sans me mettre sur la pointe des pieds. Il est donc vrai qu’il faut dormir pour grandir. Mes longues nuits semblent enfin porter enfin leurs fruits.

Repu, je me dirige vers la salle de bain où je me douche tout en me brossant les dents. Une fois séché, je découvre les vêtements que Maman a préparés sur la chaise : un pantalon en velours côtelé bleu marine et une chemise rayée à la Jean-Paul Gaultier. Je m’empresse de prendre la direction de ma garde-robe pour en tirer mon jean et mon T-shirt fétiches. Mais impossible de les enfiler. Maman les a sûrement lavés à nonante degrés afin de ne plus voir ces « loques », comme elle dit, sur mon dos. Je fouille l’armoire et trouve un denim qui me paraît énorme de prime abord. Après essayage, il me va comme un gant et la chemise rayée lui est parfaitement assortie.

J’empoigne mon cartable et sors en claquant la vieille porte de l’appartement. Mon geste génère un bruit sourd qui résonne dans la cage d’escalier. J’entends Rosaline, la voisine obèse, crier « Moins fort ! L’immeuble va s’effondrer !». Je lance un « désolé ! » en pensant que je ne pensais pas être aussi fort. Les vitamines que Maman me force à avaler semblent être efficaces finalement.

Sur la route du lycée, je pense à la nouvelle prof d’anglais. Une grande blonde avec un sourire radieux et des yeux de biche. Je l’ai croisée hier dans les couloirs. À ma grande surprise, elle m’a adressé la parole. Elle avait des soucis avec son ordinateur et cherchait un petit génie de l’informatique. On l’avait naturellement orientée vers moi. Je la trouve rock ’n roll dans sa veste en cuir avec ses talons hauts. J’ai eu grand mal à me concentrer sur la résolution de son problème tant son parfum m’envoûtait. Lorsque son dossier est enfin sorti de l’imprimante, elle m’a adressé un clin d’œil avant de sortir de la pièce. Ah, si j’avais quelques années de plus…

J’entre dans la classe et m’affale sur une chaise. Perdu dans mes pensées, je sens toutefois le regard des autres se poser sur moi, insistant. Quoi ? Mon acné aurait-elle repris du poil de la bête ? Sébastien, l’intello du groupe s’approche de moi :

« Monsieur, vous ne donnez pas cours aujourd’hui ? »

Je le dévisage avec des yeux ronds et la réalité me revient, comme une claque dans le visage, aussi forte que celle que Maman m’a assénée le jour où j’avais mis le chat dans la machine à lessiver. Mais oui, je suis prof maintenant !

Posté le : 20/09/2014 19:09
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Virgile
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Le 21 septembre 19 av. J.-C. à Brindes à 50 ans meurt Virgile,

en latin Publius Vergilius Maro né vers le 15 octobre 70 av. J.-C. à Andes, dans l'actuelle Lombardie poète latin contemporain de la fin de la République romaine et du début du règne de l'empereur Auguste, ses Œuvres principales sont : Bucoliques, Géorgiques, Énéide
Déjà célèbre en son temps, tenu en haute estime par l'empereur Auguste, Virgile est apparu très tôt comme le plus grand poète de Rome. Il l'est assurément par la perfection technique de tout ce qu'il a écrit, par l'étendue de sa sensibilité, la profondeur de ses intuitions. De surcroît, les Romains ont eu l'impression de recevoir de lui l'image idéale qu'ils avaient à se former d'eux-mêmes. Après la dislocation de l'Empire, il est demeuré le représentant le plus éminent de l'humanité romaine, voire des grandeurs de l'âme païenne ; c'est à ce titre qu'il tient tant de place dans l'œuvre de Dante.

Aux temps modernes, sa gloire n'a guère subi d'éclipses ; chaque époque littéraire, chaque âge de la sensibilité trouvant des raisons de s'intéresser à lui : maître de noblesse et de pathétique au XVIIe siècle ; animateur au XVIIIe siècle de bergeries suaves ; pour les romantiques, poète de la nature vierge. Vers la fin du XIXe siècle, les universitaires ont affecté un moment de ne lui reconnaître qu'un talent distingué. On l'a, depuis, redécouvert comme prophète de la réconciliation humaine dans une cité universelle, comme poète des grandeurs du travail humain. Claudel, Giono, Valéry, si différents, l'ont également admiré. La philologie la plus scrupuleuse doit bien reconnaître qu'en dépit de leur diversité ces interprétations s'enracinent toutes dans la réalité d'une œuvre que le temps jusqu'ici semble avoir moins usée qu'enrichie.

En bref

Virgile avant Virgile


Comme tant de Romains illustres, Publius Vergilius Maro était, d'origine, un provincial, né dans la cité de Mantoue à une époque où les Transpadans n'avaient pas encore la citoyenneté romaine. Des traditions qui remontent très haut et qui trouvent dans son œuvre de singuliers appuis font de lui un rural, ce qui dans une civilisation fondamentalement urbaine est, en revanche, assez exceptionnel ; mais ce fut là sans doute une des premières chances du futur poète. On localise sans invraisemblance le domaine de Virgile près du bourg de Góito, à l'endroit où la route de Mantoue à Brescia franchit le Mincio, région de collines assurément plus conformes au paysage des Bucoliques que le plat pays d'Andes, où la tradition a longtemps cherché le poète, au sud-est de Mantoue.
Il n'est pas facile de le situer socialement : on ne le voit à aucun moment préoccupé d'une carrière politique ou administrative ; les élections, le forum, la vie de parti semblent lui avoir inspiré une sorte d'horreur. Il est étrange qu'il n'ait pas, au terme de son adolescence, entrepris ce voyage en Grèce qui achevait alors habituellement une éducation libérale. Dans la bourrasque des guerres civiles, il paraît n'avoir pas été capable de conserver ses biens. En revanche, il est affectivement très enraciné, gardant toute sa vie la nostalgie du pays natal ; il cultive avec un soin particulier les légendes qui l'embellissent en l'associant aux fastes de la glorieuse civilisation des Étrusques. Toute sa vie, il a été un homme du souvenir, trouvant dans le passé ses raisons les plus sûres d'espérer en l'avenir. Il était homme de méditation, ayant le goût de voir en chaque chose, au-delà de la surface où s'arrête un regard incurieux, d'autres réalités qui sont promesse.
On s'est demandé s'il ne devait pas une part de sa formation à un séjour d'études qu'il aurait fait à Naples vers sa vingtième année : il y aurait entendu les leçons d'épicuriens célèbres. Mais il est difficile de distinguer cet hypothétique séjour, à cause des liens qu'il nouera par la suite avec les milieux napolitains lors de son installation définitive en Campanie à partir de 37. Les premiers poèmes de Virgile, ses Bucoliques les plus anciennement écrites, se comprennent bien, croyons-nous, comme œuvres d'un homme qui jusqu'alors n'aurait guère quitté sa province. À la génération précédente, les Cisalpins déjà, avec Catulle, Valerius Cato, avaient tenu quelque place dans la vie littéraire du monde romain. Les goûts qui prévalaient alors étaient de ceux qui peuvent tenir en haleine de petits cercles d'amateurs : dans le sillage des poètes alexandrins du IIIe siècle, c'était une poésie mondaine, raffinée, experte à donner forme à des sentiments fugitifs, à des nuances délicates, aux petites péripéties de la vie de société.
À la fin de 43, les remous de la politique amènent dans l'Italie du Nord, comme gouverneur et chef d'armée, un grand personnage, C. Asinius Pollio. De six ans plus âgé que Virgile, il avait bien connu Catulle et il était lui-même poète à ses heures. On comprendra que les lettrés et amateurs de la province aient accueilli sa venue comme une heureuse chance. Les Arcadiens qu'évoquent souvent les Bucoliques sont les amis qui se retrouvent autour de Pollion en un petit cénacle où la poésie fournit le mot de passe. Replacée dans ce milieu, la IIIe Bucolique nous fait atteindre un premier Virgile, un Virgile naissant, habile à démarquer Théocrite, à aiguiser des pointes, à travestir ses amis en bergers.

Sa vie

Selon la tradition, Virgile naît à Andes, qui porte aujourd'hui le nom de Virgilio en son honneur, près de Mantoue, en Gaule Cisalpine, sous le consulat de Crassus et de Pompée, dans une famille modeste. Les historiens actuels considèrent plutôt qu'il est issu d'une famille bourgeoise, sa mère Polla Magio étant la fille d'un riche marchand et son père Vergilius Maro, dont le praenomen n'est pas connu3, étant un petit propriétaire terrien de Mantoue vivant de l'apiculture, de l'agriculture et de l'élevage et qui veille scrupuleusement à ses études.
Crassus et Pompée sont à nouveau consuls lorsque le jeune homme revêt la toge virile, le jour même où disparaît Lucrèce. Tout un symbole, sans doute, bien que l’empreinte de l’auteur du De rerum natura sur l’œuvre de Virgile soit probablement moins forte que celle de Catulle, son voisin de Vérone, dont il y a tout lieu de supposer qu’il le connut personnellement, ainsi que d’autres poètes en vue, qu’il salue dans les Bucoliques, tels que Aemilius Macer est-ce le Mélibée des Bucoliques ?, C. Helvius Cinna, du cercle de Catulle, L. Varius Rufus, futur éditeur de l’Enéide, et Q. Horatius Flaccus Lycidas dans la Buc. 9 ?. Mais c'est Horace qui devient son ami le plus intime, au point que ce dernier l'appellera animae dimidium meae, la moitié de mon âme.

De même, il se lie très tôt amitié avec Quintilius Varus, le futur grand critique, et Cornelius Gallus, le fondateur de la poésie élégiaque romaine. Il fait des études approfondies dans les domaines les plus divers, lettres, philosophie, droit, médecine, mathématiques en particulier, d’abord à Crémone, puis à Milan, ensuite à Rome, et enfin à Naples, ville de culture grecque où il suit les cours de professeurs de rhétorique et de philosophie grecque, notamment de maîtres prestigieux comme Siron et Philodème, l’un et l’autre de sensibilité épicurienne.
C’est sans doute durant la guerre civile elle éclata quand il avait vingt ans qu’il entre en relation avec Asinius Pollion, homme de lettres qui appartient au cercle de Catulle et des poètes néotériques, mais aussi figure politique importante et chef militaire qui prendra parti pour Marc Antoine dans la rivalité qui opposera celui-ci à Octave, petit-neveu et héritier de Jules César. Pollion commande plusieurs légions en Cisalpine lorsque Octave, au lendemain de la victoire de Philippes (-42), entreprend de déposséder en masse les paysans italiens afin de récompenser les légionnaires césariens. La guerre fait rage de nouveau, mais le parti des spoliateurs prend le dessus, et Pollion, en infériorité, doit se replier. Le domaine paternel de Virgile est, semble-t-il, confisqué, et ses légitimes propriétaires manquent même d'y laisser la vie. Cependant, les interprétations des Bucoliques varient.
Selon la tradition, après trois années passées à se documenter en Asie Mineure et en Grèce pour composer l’Énéide, il est victime d'une insolation près de Mégare, interrompt son voyage de documentation et meurt peu après son retour à Brindes en -199. Bien que Virgile ait demandé à ses amis et exécuteurs testamentaires Lucius Varius Rufus et Plotius Tucca de brûler après sa mort l’Énéide inachevé, donc imparfait, Auguste s'y oppose et fait publier l'œuvre par L. Varius Rufus.
Incinéré, ses cendres sont conformément à son désir transportées à Pouzzoles. C'est à l'entrée de la grotte de Pouzzoles, appelée Crypta Neapolitana, qu'est située une grande ruine que la tradition honore comme le tombeau présumé de Virgile en sur lequel une épitaphe rappelle sa vie résumée en un distique qu'il aurait composé à ses derniers moments :
Mantua me genuit, Calabri rapuere, tenet nunc Mantoue m'a donné la vie, la Calabre me l'a ôtée, et maintenant
Parthenope. Cecini pascua, rura, duces. Naples garde mon corps. J'ai chanté les pâturages, les campagnes, les héros.

— Épitaphe de Virgile
Å’uvres Bucoliques

Cette œuvre visait à ramener les Romains à l'agriculture. La première édition se composait des neuf premières bucoliques du grec ancien βουκόλος/boukólos, le bouvier, harmonieusement disposées en deux groupes de quatre autour de la cinquième pièce, comme autant de planètes gravitant autour d’un astre. Cet astre, c’est Daphnis, souvent assimilé à Jules César fraîchement assassiné, ce qui sous-estime gravement la subtilité virgilienne. En fait, la cinquième bucolique pourrait bien nous présenter deux Daphnis, l’un ténébreux, celui de Mopse masque d’Octavien, et qui figure en effet le feu dictateur, l’autre lumineux, celui de Ménalque masque de Virgile, qui représente Catulle, secrètement éliminé par le premier.
On ne peut qu’admirer les impeccables proportions de ce petit temple pythagoricien, pour reprendre la métaphore de Paul Maury qui fut le premier à les mettre en évidence en 1944. L’architecture la plus visible, qui donc équilibre les quatre premières pièces 83, 73, 111 et 63 vers = 330 par les quatre dernières 86, 70, 110, 67 vers = 333 autour du pivot central 90 vers, se redouble d’une autre, plus secrète, qui les couple par cercles concentriques I + IX ; II + VIII ; III + VII ; IV + VI, lesquels correspondent à des thèmes malheurs des paysans expropriés ; tourments de l’amour ; joutes poétiques ; élévation au niveau universel et cosmique autant qu’à des formes alternance de dialogues et de chants continus, et obéissent aux mêmes proportions numériques que dans la première architecture, soit : I + IX + II + VIII 333 vers, face à III + VII + IV + VI 330 vers.

Les Bucoliques poème social

Assurément, l'auteur des Bucoliques n'était pas, jusqu'à sa trentième année, resté reclus dans son village. Études à Crémone, à Milan, nous dit-on, sans doute un voyage ou un séjour à Rome ; peut-être ici ou là aurait-il noué quelque amitié avec tel de ceux que nous voyons ensuite traverser sa vie. Nous en saurions beaucoup plus si nous étions sûrs de devoir attribuer à Virgile un bref poème Catalepton, 5 où un tout jeune homme, ce semble, fait à l'éloquence, à ses camarades d'études, aux Muses même des adieux ironiques parce qu'il a résolu de gagner les havres de la béatitude sous la conduite de Siron, un épicurien célèbre qui enseignait à Naples vers la fin de la République. Malheureusement, ce poème nous est parvenu dans des conditions bien suspectes, et c'est plutôt à une période ultérieure de sa vie, après 38 avant J.-C., que Virgile est effectivement entré en rapports suivis avec les épicuriens de Campanie. Quoi qu'il en soit de ces voyages, on notera que, dans toute son œuvre, la vie urbaine, la grande ville est évoquée toujours avec aversion ou effroi. Il semble bien douteux que Virgile y ait fait des expériences heureuses, bien douteux qu'antérieurement aux Bucoliques il soit resté longtemps absent de son cher pays.
En tout cas, c'est là que nous le retrouvons en 42 avant J.-C., au moment où des malheurs imprévus, conséquence des guerres civiles, vont s'abattre sur des cités restées jusqu'alors paisibles. Partout les paysans sont dépossédés de leurs biens au profit de vétérans qu'il faut payer de leurs loyaux services. Ces drames vont le toucher profondément ; peut-être exproprié lui-même, il aura, vers 38 avant J.-C., quitté son pays. Il en porte dans les Géorgiques la vive nostalgie ; jusque dans l'Énéide, qu'il s'agisse d'Andromaque, d'Évandre, d'Énée ou de Didon, il aura toujours une tendresse spéciale pour les exilés.
Les Bucoliques et le drame de l'exil

Virgile, les Bucoliques

Le volume des Bucoliques nous donne à lire dix pièces dont la composition prend place entre 42 et 38 avant J.-C. Elles ont été écrites indépendamment les unes des autres, mais le recueil présente un plan si étudié, une cohérence si volontaire qu'il faut assurément partir de l'ensemble achevé, même si l'on veut, en un second temps, s'interroger sur la genèse de chacun des poèmes. L'analogie des sujets impose le rapprochement deux à deux d'un certain nombre de pièces : I et IX concernent le malheur des paysans expropriés ; II et VIII disent les souffrances de l'amour dans des cœurs simples ; III et VII magnifient le chant des bergers ; IV et VI s'élèvent à des méditations cosmologiques, l'une tournée vers l'avenir des hommes, l'autre vers les ténèbres du passé légendaire ; il n'est pas impossible d'établir entre V et X des liens comparables. Des égalités d'une exactitude presque parfaite entre le nombre des vers de chacune des unités à discerner I + II + III + IV= VI + VII + VIII + IX ;I + IX + II + VIII= III + VII + IV + VI ; etc. confirmeraient, s'il en était besoin, des intentions très arrêtées.
Un recueil de poésie se prête mal à faire ressortir comme tel l'effet architectural de ces dispositions embrassées ; il convient plutôt de reconnaître l'effet qui en résultera pour un lecteur qui lit les pièces, comme il se doit, à la suite. À partir de Bucolique VI, il va retrouver en chaque pièce quelque thème déjà rencontré dans la première partie du recueil, mais dilaté, approfondi ; et, en même temps, à mesure qu'il progresse, une tristesse poignante, de plus en plus sensible, imprègne tout. Un commentaire de détail serait ici nécessaire pour montrer comment cette double impression est soutenue continûment, se renforce. Mais les faits les plus saisissables parlent assez haut, déjà : l'amour est assurément dépeint sous des traits plus sombres en Bucolique VIII qu'en Bucolique II ; à la mort et à l'apothéose de Daphnis Bucolique V correspondent les langueurs sans espoir de Gallus Bucolique X ; en Bucolique IX, les paysans se sont résignés à un malheur définitif, qui semblait, naguère encore Bucolique I, scandaleux, accidentel, peut-être passager.
Cette orientation du recueil ne nous permet pas de l'interpréter comme un simple badinage, le jeu d'un lettré qui s'amuserait à se travestir et à travestir ses amis en bergers ou voudrait nous faire sourire de la gaucherie, des naïvetés de paysans promus à la dignité de poètes. Un tel projet n'est pas totalement absent des pièces que des indices sûrs nous font reconnaître comme les plus anciennes II et III, mais Virgile l'a ensuite écarté, et ces poèmes conservés ont pris leur valeur principale de ce qu'ils font ressortir la différence des autres.
On approche de plus près l'intention du poète en prenant le recueil comme un programme de vie, selon une ouverture généralisante – anthropologique ou humaniste – qui ne fait défaut à aucune des œuvres de Virgile : on la retrouvera aussi bien dans les Géorgiques, poème de l'homme au travail, que dans l'Énéide, épopée de l'homme au service de l'histoire. Les Bucoliques, ainsi comprises, nous présenteraient un idéal dont le poète entend nous inspirer l'attrait, dont il nous fait apparaître aussi combien il est vulnérable : une vie simple aux confins de la pauvreté ; une vie adossée à l'immense Nature ; l'homme invité à tenir une partie dans le concert de ses voix, comblé de s'y sentir accueilli. Non pas un homme d'ailleurs, mais les hommes, car l'univers bucolique exclut l'isolement, suppose une société : le chant y est amébée, c'est-à-dire alterné par couplets qui se répondent, chacun recevant les suggestions de son partenaire pour les incorporer à son chant, faire mieux, monter plus haut et, à son tour, offrir à l'émotion de son ami l'occasion d'un plus noble élan. Civilisation du village et des champs. Hélas ! les convulsions de la politique, les prestiges de la ville viennent désorganiser cet univers vraiment humain. Plus gravement encore, il arrive que les chanteurs ne s'accordent pas, que l'homme dévoré par une indigne passion ne sache plus rien recevoir de ses amis ni de la Nature. La Nature elle-même peut se faire dangereuse : si l'homme ne sait pas s'accorder à elle dans une noble exaltation, elle l'égare en mille vertiges et le ramène à l'animalité.
Mais les Bucoliques ne se donnent pas comme une œuvre intemporelle. Encadrées dans les poèmes majeurs de la dépossession et de l'exil, elles sont une protestation contre les malheurs injustifiés des paysans, la revendication de leur qualité d'hommes, l'apologie – qui a valeur sociale non moins que généralement humaine – de la civilisation dont ils vivent. Jamais, dans la littérature antique, on n'avait lu rien de tel ; le paysan y était l'homme âpre au gain, crispé sur ses avoirs, ou le balourd, le niais dont on s'amuse ; Théocrite lui-même avait rarement dépassé ce niveau. Les Bucoliques s'inscrivent dans ces recherches qui, à la fin de la République, tendent à introduire l'homme « ordinaire » dans une littérature exclusivement peuplée jusqu'alors de dieux, de héros et de princes. Il porte avec lui des drames, des souffrances, une profondeur qui ne sont pas moindres ; désormais, on ne méconnaîtra plus sa majesté. L'élégie romaine est à interpréter de la sorte, mais on voit que la bucolique, cherchant ses acteurs dans la catégorie la plus méprisée du monde antique, va plus loin. Virgile, sans doute, en a eu le sentiment quand il a évoqué Géorgiques, IV, 565 les audaces de sa jeunesse.
Le classicisme romain, dans l'ordre de la poésie, commence avec les Bucoliques ; les malheurs des années 40 avant J.-C. ont été décisifs. Aux yeux d'un poète qui, en d'autres temps, n'eût été, peut-être, qu'un artiste distingué, la gravité de l'existence humaine s'est dévoilée tout d'un coup. Impossible, désormais, de se satisfaire des jeux dont s'était amusée la génération précédente dans une Rome agitée, mais encore sûre d'elle-même. En se disloquant sur les routes de l'exil, le petit monde des paysans, la pauvre humanité, a imposé l'évidence d'une capacité de souffrir, donc de ressentir, jusqu'alors méconnue. Rétrospectivement, les valeurs touchantes dont était faite sa vie, au moment où tout allait disparaître, apparaissaient en un jour plus clair. Impossible, désormais, d'oublier les hommes et de vivre en marge. À la même époque, Horace a connu un ébranlement analogue. L'accord de deux tempéraments si différents est sûrement significatif de la réalité d'un moment spirituel.
Les épicuriens de Naples

Géorgiques

Ce poème didactique, terminé en -2913, se divise en quatre livres 514, 542, 566, 566 vers, abordant successivement la culture des champs, l’arboriculture spécialement la vigne, l’élevage et l’apiculture:
Livre I - blé et saison du laboureur ;
Livre II - vigne et olivier ;
Livre III - élevage du bétail ;
Livre IV - le rucher.
S’inspirant surtout d’Hésiode, de Lucrèce et d’Aratos, mais aussi de Théophraste, de Varron, de Caton l'Ancien, voire d’Aristote, Virgile trace son chemin propre en infusant à l’intérieur de la matière proprement didactique, souvent aride et ingrate en soi, ce que l’on pourrait appeler l’âme virgilienne, faite d’une extraordinaire empathie à l’égard de tous les êtres, qui anime l’inanimé, comprend de l’intérieur végétaux et animaux, participe activement au travail à la fois pénible et exaltant du paysan.
Les Géorgiques sont beaucoup moins un traité d’agriculture aussi ne visent-elles pas à l’exhaustivité qu’un poème sur l’agriculture ; elles s’adressent au moins autant à l’homme des villes qu’à l’homme des champs. Elles offrent à l’amateur de poésie un plaisir sans cesse renouvelé, autant par leur sujet même qui ressource les Muses dans la fraîcheur et l’authenticité de la nature, que par le souffle qui les soulève de bout en bout, et par l’extraordinaire variété de leur style. Virgile sait agrémenter son sujet d’épisodes variés et de véritables morceaux de bravoure qui sont autant de respirations dans le poème. On peut citer les Pronostics de la guerre civile, l’Hymne au Printemps, l’Éloge de l’Italie, l’Éloge de la vie champêtre, l’Épizootie du Norique, le Vieillard de Tarente, Aristée et ses abeilles, Orphée et Eurydice.

Les Géorgiques

Dix ans plus tard, en 29 avant J.-C., comme il ressort des derniers vers des Géorgiques, nous retrouvons Virgile à Naples. Mais un récit d'Horace Satires, I, 5 nous invite à faire remonter cette installation jusqu'en 37 avant J.-C. ; un texte de Properce II, 34 paraît nous dire que notre poète acheva ses Bucoliques dans la région de Tarente. Tout cela s'accorde assez bien : vers 38 avant J.-C., Virgile a dû quitter son pays ; après un essai pour se fixer à l'autre extrémité de l'Italie – il s'en souviendra dans la peinture du vieillard de Tarente Géorgiques, IV, 125 –, il finit par s'établir en Campanie, où l'appelaient peut-être quelques souvenirs de ses années d'études.
C'est à ce moment, croyons-nous, qu'il entre en rapport avec les épicuriens de Naples, se lie plus étroitement avec Horace, avec L. Varius Rufus, qui sera un de ses exécuteurs testamentaires, peut-être avec Philodème, tous poètes et philosophes. Ces rapports à l'épicurisme nous sont expressément affirmés par la tradition antique ; ils ressortent, ce semble, de documents presque contemporains retrouvés dans les cendres d'Herculanum ; ils nous en apprennent sur Virgile moins que nous ne voudrions. L'épicurisme romain présentait une diversité de formes qui a longtemps échappé aux Modernes, égarés par les poncifs d'une littérature de controverse ou séduits par la cohérence et le ton dogmatique de l'exposé de Lucrèce. Inversement, bien des thèmes qu'on a tendance à lui attribuer en propre recherche du bonheur, aversion pour les tracas où la vie se disperse, amour du loisir apparaissent de plus en plus comme le bien commun de toutes les écoles. Il n'est donc jamais facile de déceler dans une œuvre des traces sûres d'épicurisme ni de dire comment un épicurien conçut son épicurisme.
Compte tenu de ces réserves, on pourra noter, cependant, que les épicuriens – plus que d'autres écoles, où prédominait un certain individualisme – avaient le culte de l'amitié ; ils s'efforçaient, dans leurs groupes, d'en instituer les conditions matérielles ; Virgile, meurtri, déraciné, a pu y être très sensible, retrouvant dans ces échanges quelque chose des dialogues poétiques où il avait saisi l'image de l'harmonie des âmes. La religiosité épicurienne, particulièrement concrète et ne répugnant pas à l'anthropomorphisme pour traduire l'expérience de la proximité des dieux, n'était pas, non plus, pour lui déplaire. Enfin, il est possible qu'il ait reconnu quelque chose de ses intuitions les plus chères dans cette sorte de monisme qui, aux antipodes du dualisme platonicien, constitue d'éléments uniques bêtes, hommes et dieux, sans en exclure les plantes mêmes et les rochers ; la quatrième Bucolique a été lue souvent comme un poème épicurien, quoiqu'elle reflète plutôt, croyons-nous, le monisme des stoïciens.
Mais Virgile, pas plus qu'Horace, n'a jamais été l'homme d'une doctrine. Non pas qu'il eût été un éclectique ou un indifférent. Seulement, la vocation intellectuelle des poètes est de traduire des évidences ou des pressentiments que les systèmes n'arrivent pas à mettre en forme et, comme, en sus de leurs images, de leurs moyens d'expression spécifiques, ils ont besoin d'un certain minimum de mots déjà connus et de concepts, ils les empruntent, sans aucun scrupule, aux philosophes qu'ils connaissent. Ne nous hâtons pas de conclure qu'ils en sont devenus les adeptes : leur souci principal est de rester fidèles à eux-mêmes et de rendre communicable ce qu'ils sont seuls à pouvoir dire.
Les Géorgiques, poème des patiences

Virgile, les Géorgiques

Sous les dehors d'un poème didactique renouvelé d'Hésiode, les Géorgiques, qui vont désormais occuper notre poète, sont un éloge lyrique des activités de l'homme des champs. La parenté avec les Bucoliques est apparente ; l'œuvre n'en est pas moins très différemment orientée : les Bucoliques nous offraient le spectacle d'une harmonie réalisée ou qui eût été possible – sa destruction ou sa corruption n'en sont que plus poignantes ; les Géorgiques nous parlent de travail, d'effort, non plus de repos, de poésie ou de contemplation. L'homme ne s'est pas pour autant distancé de la Nature ; la Nature, elle aussi, travaille ; il est un Bouvier dans le ciel ; le retour périodique des constellations imite, aux confins du monde, le cycle des travaux de la terre ; point de repos nulle part. À supposer que le poète eût été épicurien, cette valorisation du travail ne l'eût pas nécessairement séparé de ses amis : l'épicurisme a toujours contesté la réalité d'un âge d'or révolu ; seul un patient effort a conduit l'humanité où elle est. Quoi qu'il en soit, cette orientation est bien un acquis définitif du poète : l'agriculture des Géorgiques annonce déjà le héros tenace de l'Énéide et son obéissance à son dur destin : Labor verus.
Un texte célèbre, au livre I, précise en toute clarté l'une des significations que le poète attribue au travail : trop heureuse, notre espèce se fût engourdie ; c'est la dureté, l'hostilité parfois des circonstances qui ont fait de nous des hommes véritables ; mais, comme la pente de l'âme de Virgile est à la reconnaissance, il ajoute que c'est un dieu ami des hommes non pas jaloux, comme dans la fable grecque qui a voulu qu'il en fût ainsi vers 121-146. Il est tentant d'expliquer dans la même perspective le singulier complexe de légendes qui, à la manière d'un mythe platonicien, achève le poème. On se souvient habituellement de l'élément le plus pathétique, le deuil d'Orphée retrouvant et perdant Eurydice ; mais la signification austère de tout l'ensemble pourrait bien être que, dans la lutte contre la mort, symbole de toutes les adversités, ce n'est pas la poésie qui a puissance : Orphée échoue ; c'est Aristée, l'homme des champs, qui réussit par sa docilité aux ordres d'en haut et la patience de ses techniques. Le travail met l'homme debout, mais aussi il bâtit le monde.
Il est évident que ce changement de cap n'est pas dû simplement à l'influence d'Hésiode, succédant à celle de Théocrite. Un poète choisit ses modèles en rapport avec ses desseins. Plutôt ne méconnaissons pas le retentissement qu'ont pu avoir dans l'âme de Virgile des événements qui, à cette date, allaient très vite et préparaient effectivement une des plus grandes mutations de l'histoire. Les Bucoliques répondaient à un moment d'extrême espérance la paix semble assurée par la victoire définitive des héritiers de César suivi d'une accablante rechute les héritiers de César ne s'entendent pas, la guerre recommence, l'Italie est déchirée. Puis l'espoir a revécu, mais un autre espoir ; peut-être pourra-t-on reconstruire, mais ce sera long, et la seule chance de l'homme est dans son travail obstiné : C'est ainsi qu'a grandi la puissante Étrurie, et Rome parvenue au faîte de ce monde Géorgiques, II, 533. Ce n'est pas un hasard si le nom de Mécène, un administrateur, c'est-à-dire un homme de patience, est mêlé à l'histoire des Géorgiques, sans doute dès l'origine. Un administrateur, mais, il est vrai, un épicurien aussi, un demi-compatriote, un amateur de poésie, l'homme qui serait digne de devenir l'ami d'Horace. La conversation et l'exemple du second d'Octave ont pu révéler au poète désemparé que tout n'était pas perdu, que, même malheureux, les hommes et la terre demeuraient, que lui, Virgile, il pourrait encore, sans se démentir, glorifier la divine campagne. L'entreprise des Géorgiques, que Mécène a peut-être rendue psychologiquement possible, à laquelle il semble, au cours du temps, avoir pris une part de plus en plus effective, a sans doute été pour le poète la planche du salut, la sortie du désespoir, le retour à la vie.
Les Géorgiques sont composées de quatre chants, dont le poète, en un prologue, nous a lui-même donné le contenu : le blé livre I, la vigne livre II, le bétail gros et petit livre III, les abeilles livre IV. En fait, il y a davantage dans le premier livre, et notamment tout un calendrier rustique avec les belles images qu'appellent l'évocation des astres, les nuages changeants, les bourrasques d'automne. C'est, nous semble-t-il, le plan d'un traité d'agriculture, mais on notera que, dans l'Antiquité, aucun traité ne paraît avoir été divisé de la sorte. Du point de vue littéraire, le problème à résoudre était inverse de celui qu'avait posé l'agencement des Bucoliques ; il s'agissait alors de faire l'unité de pièces fort différentes ; ici, le problème était d'éviter que les livres ne ressemblent trop aux chapitres successifs d'un ouvrage didactique. Virgile s'en est tiré avec adresse et de mille manières : il contraste l'effort de l'homme qui prédomine dans le livre I avec la spontanéité miraculeuse de la Nature livre II ; il peint le livre III de couleurs sombres qui rappellent un peu la Bucolique VI et Lucrèce fureur de l'amour chez les animaux ; les fléaux et maladies qui les frappent, mais, avec les abeilles, le livre IV est toute lumière : en ces petits atomes de vie rutilante, Virgile nous fait admirer les étincelles d'un feu divin qui pénètre tout l'univers ; les sages abeilles nous offrent aussi le modèle de la cité ordonnée, qui s'établit d'elle-même lorsque le chef inspire respect et affection.
On s'est demandé si l'œuvre avait été, dès le début, conçue sous la forme que nous lui connaissons. Les livres III et IV avec un prologue spécial et maintes correspondances semblent former un tout particulièrement lié. Mais est-ce à dire qu'il y a eu d'abord des Géorgiques en deux livres et qu'à la fin du livre II l'éloge célèbre de la vie rurale O fortunatos nimium… valait comme la conclusion d'un ouvrage ? Jean Bayet a fait valoir, avec des arguments très forts, la thèse de premières Géorgiques constituées du seul livre I sans l'actuel prologue ; elles auraient été composées vers 37 avant J.-C., antérieurement à la publication du De re rustica de Varron, dont les mots et les développements ne transparaissent que dans la suite donnée ultérieurement les livres II à IV à ce poème primitif ; la fin du livre se ressentirait de l'angoisse de temps encore incertains. Cette esquisse, inspirée d'Hésiode et de Caton pour la documentation agricole, d'Aratos pour le calendrier météorologique, aurait donné au poète l'idée d'une œuvre plus ample, qui ne se fut achevée qu'après la victoire d'Actium 31 avant J.-C. et la consolidation définitive de la paix. Récemment, René Martin a fait ressortir que les livres I et II, gravitant autour du petit domaine et de la polyculture, ont de tout autres perspectives que le livre III, où il est question de grands pâturages et d'immenses troupeaux ; Mécène, lié à la classe des latifundiaires, aurait exigé de Virgile cette adjonction à un poème qui semblait ne vouloir connaître que la petite exploitation familiale ; contre ces exigences, Virgile se serait un moment débattu ; il aurait fini par céder, mais en protestant contre le caractère impérieux des ordres du ministre ; il aurait ajouté le livre des abeilles comme une contrepartie à demi ironique au livre qui lui était imposé sur le grand élevage. Cette représentation des rapports de Virgile et de Mécène est-elle bien plausible ? Il est sûr que, dans l'Antiquité, plus encore que de nos jours, coexistaient des formes très diverses de l'activité rurale ; mais ce qui est très différent pour un sociologue ou un économiste peut apparaître moins dissemblable à un poète.

L'Énéide poème de l'espoir

Le prologue du livre III des Géorgiques évoque indirectement les cérémonies par lesquelles Octave célébra en août 29 avant J.-C. son triple triomphe et dédia en octobre 28 avant J.-C. le temple palatin d'Apollon. Dans un monde qui s'était vu au bord de l'abîme, on se reprenait à vivre. Mais il est clair que, désormais, tout repose sur le vainqueur, qui, en janvier 27 avant J.-C., va prendre le nom d'Auguste et fonder, sans bien le savoir peut-être, un nouveau régime politique ; tout va reposer sur son activité, son humanité, son bon sens. Au jugement de bien des Modernes, rien ne saurait l'absoudre du crime d'avoir restitué un État, alors que la République était morte. Les contemporains, qui se souvenaient du proche passé, n'ont pas été si sévères : Virgile, Horace, comme beaucoup d'autres, surtout parmi les petites gens, lui furent reconnaissants, l'accompagnèrent de leur confiance et de leurs vœux, voulurent, autant qu'ils le pouvaient, l'aider.
C'était une ancienne tradition de célébrer en vers les exploits des grands hommes. On avait dû plus d'une fois inviter notre poète à chanter la geste d'Auguste ; mais comment faire ? Le parti auquel Virgile s'est arrêté nous permet d'entrevoir comment le problème se posait à ses yeux. Il a d'abord très bien compris que la grandeur de ce qui se réalisait maintenant et grâce à Auguste dépassait la personne d'Auguste ; l'important était que Rome eût trouvé un nouvel équilibre, la solution de difficultés longtemps traînées dans la douleur, et repartît pour un avenir neuf. Il ne s'agissait donc pas de conter les campagnes militaires ou l'œuvre législative du prince, mais de faire apparaître l'heure présente comme accomplissant, surélevant en une grande mutation tout l'acquis de l'histoire romaine. On sait que tout un jeu d'annonces, d'allusions, de préfigurations fait confluer effectivement dans l'Énéide les épisodes les plus marquants de la tradition nationale. Surtout, les moments décisifs du poème symbolisent, à ce plan, l'essentiel : Énée, renonçant à Didon et aux tentations de l'opulence, Énée mettant fin aux guerres du Latium, adresse le langage le plus clair à des Romains durement saignés par quatre-vingts ans de guerres civiles et conscients, désormais, qu'une grande part de leur infortune découlait de la corruption qu'engendrent les richesses. Auguste, précisément, c'est la renonciation à l'impérialisme de conquête et de pillage, c'est l'exemple d'une vie modeste et laborieuse, c'est la pacification, la réconciliation inlassablement poursuivie – malgré les complots, l'ingratitude – de tous les citoyens.
Si Virgile s'en était tenu là, l'Énéide eût été seulement – ce qu'elle est aussi – une sorte de Pharsale inversée, méditation lyrique sur le destin national saisi dans l'unité d'un moment exceptionnel. Mais notre poète, en sus, avait formé un autre dessein beaucoup plus difficile à réaliser et que nous avons aussi plus de peine à ressaisir : il a voulu composer une épopée dans le genre homérique et où il recueillerait d'ailleurs le plus grand nombre possible d'éléments homériques ; il y aurait des dieux et des déesses ; elle serait centrée sur un héros dont il est question dans l'Iliade comme adversaire d'Achille ou de Diomède ; elle serait donc tissée d'événements antérieurs de plusieurs siècles à la fondation même de Rome, liée à un monde qui avait toujours été, et en Grèce même, un monde de convention.
Il est vrai que la légende existait. Au moins depuis le iiie s. avant J.-C., on racontait qu'après la chute de Troie Énée, fils de Vénus, le plus vaillant de ceux qui survivaient, s'était exilé sur l'ordre des dieux, emportant avec lui les pénates de la vieille cité. Après un long voyage, il avait abordé au Latium ; mal accueilli d'abord, obligé de combattre, il avait fini par s'imposer, rassemblant Troyens et Latins dans l'unité d'un peuple. De sa race, bien plus tard, sortiraient un jour Romulus, le fondateur et, dans une autre lignée, les lointains ancêtres des Julii. Tel serait, en effet, le canevas de l'Énéide ; la légende avait une certaine valeur dynastique, étant liée depuis quelque cent ans à la famille d'Auguste ; César, le dictateur, n'avait pas négligé de s'y référer, fier de pouvoir se donner comme le petit-fils d'une déesse. Mais tout cela n'existait alors que comme un filet ténu, à peine perceptible dans l'ensemble des traditions légendaires des Romains, et il fallait en faire la branche maîtresse de l'arbre, la flèche de sa croissance ; il faudrait donc l'étoffer prodigieusement, l'aménager aussi en telle manière qu'on pût sans disparate y rapporter l'œuvre présente d'Auguste, les aspects principaux, les épisodes majeurs du devenir romain.
Toutes ces difficultés, Virgile les a affrontées, évidemment parce qu'il a cru très important de bâtir aux origines du nouvel État l'équivalent de l'édifice homérique. S'agit-il principalement, à cette époque, d'une volonté d'égaler la littérature latine à la grecque ? Ou plutôt notre poète, comme les plus lucides de ses contemporains, comme Auguste lui-même, n'aurait-il pas été sensible à une urgence plus fondamentale ? Une civilisation qui se renouvelle ou veut reprendre un second souffle doit se donner des références sacrées. Ceux qui sont de grands créateurs dans l'ordre politique ont aimé toujours ériger des monuments, organiser des fêtes un peu théâtrales ; c'était particulièrement nécessaire à Rome, où l'on avait le goût du grand spectacle, du rituel, des cérémonies. Dans la littérature, l'analogue le plus exact de tout cela est une épopée où le divin se mêle à l'histoire ; en plein xixe s., Hugo l'avait bien compris, qui conte la « légende des siècles » pour enraciner dans le plus lointain passé les acquis récents de la Révolution.
À distance, il est vrai, les frises de Persépolis, les processions de l'Ara Pacis, les litanies interminables des Quatre Jours d'Elciis peuvent donner l'impression un peu accablante d'une pompe gratuite ; il y a des pages de l'Énéide qu'un lecteur moderne ne lira pas sans étonnement – batailles conventionnelles réglées comme des tournois, jeux votifs, cortèges funèbres, conseils des dieux – s'il ne sait y reconnaître le déploiement d'une grande tapisserie que les Romains sont invités à contempler désormais, tendue par leur passé, décorative et programmatique. Comprenons qu'elle masque l'incertain marais qui sert de berceau à toutes les aventures historiques et d'où il apparaît si bien que les plus belles réussites dont on est le plus fier n'étaient pas attendues, auraient pu ne pas être, sont donc intrinsèquement précaires, sans consistance. Pour l'époque même de Virgile, Tite-Live l'a dit avec beaucoup de netteté : Dans le récit du lointain passé, on s'est toujours permis de mêler l'humain au divin, pour rendre plus auguste l'origine des villes, et si jamais nation a eu le droit de sanctifier ses origines et de les rattacher à une volonté des dieux, la gloire aujourd'hui acquise par le peuple romain est assez grande pour que le genre humain reçoive une telle prétention d'aussi bon cœur qu'il a reçu son empire.

D'ailleurs, la singularité du destin de Rome fait qu'en dépit de tant de siècles écoulés la glorification de cette cité conserve encore, pour maint lecteur de l'Énéide, sa puissance de séduction. Les Romains du temps d'Auguste ont cru sérieusement que leur ville était appelée à faire l'unité politique du genre humain et il faut avouer que, dans leur horizon géographique, de l'Irlande à l'Iran, du Sahara à la mer du Nord, ils y avaient presque réussi. L'Énéide sonne donc comme le poème de l'empire universel et, au-delà, comme prophétie de l'unité humaine rassemblée par les dieux et réconciliée. C'est ainsi que saint Augustin, que Dante ont pu la lire, et que, peut-être, les hommes du prochain siècle y liront l'annonce de la tâche qui les attend.
Il existe dans l'Énéide un autre élément de continuité et d'unité. La face intérieure, l'âme de cette grande figuration solennelle par quoi est définie la mission de la cité, c'est le destin personnel d'Énée, le protagoniste. À le prendre comme un type de l'homme historique, c'est-à-dire de l'homme appelé à faire l'histoire, il mérite la même qualité d'attention que les figures les plus notables de la tragédie grecque, Œdipe, Héraclès, Ajax ; la différence est que la peinture virgilienne est plus explicite, laisse moins à la rêverie personnelle du lecteur.
La diversité des interprétations et des appréciations témoigne de la complexité des intentions du poète. On a toujours été sensible à la moralité d'Énée, un peu triste, un peu grise, a-t-on dit, vêtue d'un uniforme trop quotidien : Fils, je te lègue la vertu, la peine qui ne ment pas. D'autres t'enseigneront le bonheur l'Énéide, XII, 435. Nous ne nous étonnons pas qu'on lui ait reproché d'avoir laissé Didon pour suivre l'appel des dieux, ni qu'on ait trouvé, en certaines époques, que ces dieux tenaient décidément trop de place dans sa vie. La critique moderne s'attache souvent à faire apparaître que Virgile ne l'a voulu exempt ni d'incertitudes ni de faiblesses ; peut-être, dans les derniers livres du poème, nous montre-t-il un homme que la lutte a fini par durcir. La vie n'est pas un roman rose ; elle dégrade souvent, par les efforts démesurés qu'elle impose, ceux qui, à l'origine, avaient mis le cap sur la générosité et l'oubli de soi ; Virgile, comme les Tragiques, dont il se rapproche de plus en plus, n'avait aucune raison de le dissimuler. Ce qui réussira, selon l'Énéide, c'est l'œuvre d'Énée, c'est Rome, que d'incessants appels saisissent dans l'avenir ; le destin d'Énée est de lutter tant qu'il peut ; il est, au lendemain d'une victoire suprême – amère victoire, souillée par les Furies – , de s'effacer politiquement au bénéfice de l'ordre qu'il a instauré ; le poète laisse entrevoir que, dans peu d'années, son héros va disparaître « tombant avant le temps, sans sépulture, au milieu des sables ». Si Énée, comme il est presque évident, est une figure d'Auguste, ce sont là des avertissements sévères et une dure prophétie.
Mort et perpétuité de Virgile

Virgile s'arrête avec l'Énéide ; la grande épopée, à ce qu'il semble, ne fut publiée qu'après sa mort (survenue, d'après les Vies, le 21 septembre 19 avant J.-C. ; une tradition constituée déjà à l'époque de Néron voulait qu'à l'approche de la fin il eût demandé qu'on la détruisît, comme trop imparfaite. Nous avons peine à discerner ce qui l'inquiéta : il n'avait pu écrire une œuvre aussi complexe sans réfléchir longuement sur les problèmes de composition et d'unité interne ; de ce point de vue, l'Énéide nous paraît, d'ailleurs, parfaitement réussie. Ou s'agissait-il de maladresses mineures dans les derniers livres, qui, hormis le douzième, semblent avoir été écrits plus vite ? Il est difficile de penser que son doute allait plus profond et qu'à son Énéide il ne croyait plus. Toute sa vie, alors, se fût effondrée à ses yeux ; car Énée, les Romains dans les combats de l'histoire, le paysan des Géorgiques dans son labeur quotidien, qu'avaient-ils fait d'autre en somme, tels au moins que le poète les avait posés, qu'avancer courageusement en direction de ces valeurs – paix, amitié entre les hommes, entente avec la nature et les dieux – dont sa campagne natale, dont les bergers de sa jeunesse lui avaient apporté la révélation ? Dans cette vie qui va finir, tout tenait ensemble.
Auguste, en tout cas, n'abandonnait pas. Dans deux ans, sur le champ de Mars, il allait enterrer les vieilles souillures, ouvrir le siècle nouveau si souvent annoncé dans l'Énéide. Horace serait présent pour dire les paroles que Virgile aurait pu dire, reprendre ses mots mêmes. L'Empire porteur de paix durerait longtemps, laissant ensuite dans le souvenir des hommes la nostalgie ineffaçable de ses bienfaits. Quant aux autres parties de l'espérance ou des pressentiments virgiliens – établissement d'une communauté de tous les hommes, position au terme de leurs efforts d'un espoir inexpugnable, paix des dieux –, il n'était évidemment au pouvoir d'aucun homme, et fût-il empereur, de les faire aboutir. Pourtant, quelques années plus tard, vers le milieu du siècle qui va commencer, elles allaient être prises en charge par un humble inconnu, bientôt connu partout, dont on penserait un jour que Virgile et les Sibylles l'avaient peut-être annoncé : ille deum vitam accipiet… Virgile père de l'Occident, oui, mais plus encore peut-être, entre les cités antiques et l'État universel, entre les religions et le christianisme, l'homme de la charnière des temps.

Énéide.

Offrir à Rome une épopée nationale capable de rivaliser en prestige avec l'Iliade et l’Odyssée, tel est le premier défi que Virgile avait à relever en entreprenant l’Énéide au cours des 11 dernières années de sa vie. Mission réussie, puisque, l’œuvre à peine publiée, son auteur fut communément salué comme un alter Homerus, le seul capable de disputer à Homère sa prééminence au Parnasse.
Virgile ne cache d’ailleurs nullement son ambition. Au niveau architectural le plus visible car l’Enéide fait jouer simultanément plusieurs géométries, le poème se compose d’une Odyssée chants I à VI : les errances d’Énée, rescapé de Troie, pour atteindre le Lavinium suivie d’une Iliade chants VII à XII : la guerre menée par Énée pour s’établir au Lavinium.
Mais l’émulation avec Homère se manifeste surtout par le nombre considérable des imitations textuelles, dont les critiques s’employèrent très tôt à dresser la liste, cela quelquefois dans une intention maligne, et pour accuser Virgile de plagiat. À quoi celui-ci répliquait qu’il était plus facile de dérober sa massue à Hercule que d’emprunter un vers à Homère. Et de fait, loin d'être servile ou arbitraire, l’imitation virgilienne obéit toujours à une intention précise et poursuit un projet qu’il appartient au lecteur de découvrir à travers l’écart, parfois minime, qui la sépare de son modèle - Homère ou l’un des nombreux autres écrivains, tant grecs que latins, auxquels Virgile se mesure tout en leur rendant hommage. Ce jeu intertextuel presque illimité n’est pas la moindre source de la fascination qu’exerça toujours l’Énéide sur les lettrés.

Le second défi consistait à filtrer l’actualité de Rome à travers le prisme de la légende. Deux fils s’entrelacent constamment pour former la trame de l’Énéide, celui des origines troyennes de Rome et celui de la Rome augustéenne. Plus d’un millénaire sépare ces deux fils. Pour franchir un tel abîme temporel, et annuler en quelque sorte le temps, le poète, outre l’usage systématique qu’il fait de l’allégorie, ne s’interdit pas de recourir éventuellement à la prophétie, et peut même, au beau centre de l’œuvre, descendre jusqu’aux enfers afin d’en ramener une vision panoramique, sub specie aeternitatis, de la grandeur romaine vue comme devant encore advenir.
Il fallait montrer comment, à partir de presque rien, Rome s’était élevée jusqu’à l’empire du monde. Il fallait faire ressortir le dessein providentiel qui avait présidé à cette irrésistible ascension. Surtout, il fallait montrer comment, à travers la personne sacrée d’Auguste, l’Histoire venait trouver son achèvement et son couronnement dans une paix et un bonheur universels. C’est du moins ce qu’Auguste attendait, ou plutôt ce qu’il exigeait de lui.
Jacques Perret, dans sa préface de l’Enéide, écrit Le poème … devait dire cela précisément : la naissance de la paix, … après d’horribles guerres … Ce résultat serait l’œuvre d’un homme sage, pieux … Mais … une substitution décisive était intervenue. Le protagoniste du poème ne serait pas Octave Auguste mais Énée. Le personnage d’Énée dissimule donc une seconde identité, celle du princeps. Dès lors, toutes les descriptions du fils de Vénus étaient censées être des odes à Auguste. Mais pour sauvegarder sa liberté d'expression, Virgile avait recours à un système de double écriture, cacozelia latens, dont, selon M. Vipsanius Agrippa, il était l'inventeur.

Appendix Vergiliana

La gloire de Virgile repose fermement sur ces trois piliers que sont les Bucoliques, les Géorgiques et l’Enéide. Dans l'Antiquité, on lui attribuait également un certain nombre d'autres poèmes, que Scaliger, dans son édition de 1573, réunit sous le titre d'Appendix Vergiliana.

Ce recueil comprend :

le Culex moucheron ou moustique : ce moucheron ou moustique alerte un berger en le piquant, lui sauve la vie ; l'insecte mort se voit honoré d'une tombe par le berger ;
les Dirae : ces malédictions sont prononcées par un amant contre la terre qu'il a dû abandonner chassé par des vétérans de l'armée romaine, en abandonnant sa bien-aimée ; celle-ci, Lydia, est honorée par un poème d'amour portant son nom en annexe aux Dirae, avec un éloge de la campagne où elle vit ;
l'Aetna, consacré au volcan Etna ;
le Ciris : évocation de la métamorphose en oiseau Ciris de Scylla, fille du roi de Mégare ;
le Catalepton : recueil de poèmes courts, dont certains semblent être d'authentiques œuvres de jeunesse de Virgile.
Dans une phase postérieure, on a encore ajouté à la collection :

la Copa : poème portant le nom d'une cabaretière syrienne qui invite un voyageur au plaisir en dansant devant son établissement ;
les Elegiae in Maecenatem : pièce nécrologique rapportant les dernières paroles de Mécène, bienfaiteur de Virgile, à l'empereur Auguste ;
le Moretum : poème gastronomique décrivant en détail la préparation d'un plat local de Cisalpine.

Postérité

Ayant acquis l'immortalité littéraire grâce à son épopée, Virgile va influencer nombre d'écrivains du Moyen Âge et de la Renaissance, tel Ronsard, qui rédige La Franciade(inachevée dans la volonté de donner un équivalent français et de l'époque moderne à l'Énéide. En littérature, il deviendra également un personnage de roman, d'abord dans la Divine Comédie de Dante Alighieri, où il guide Dante lui-même dans un voyage à travers l'Enfer, le Purgatoire et le Paradis, mais aussi notamment dans La Mort de Virgile de de l'auteur autrichien Hermann Broch, qui relate fictivement le dernier jour de l'écrivain latin.
Le départ de Virgile pour la Grèce est l'occasion d'un propempticon poème d'adieu d'Horace.

Bibliographie Éditions de son œuvre

Virgile trad. Jacques Perret, Énéide, vol. 1, Paris, Belles Lettres,‎ 2002,
Virgile. Œuvres Complètes. Tome 1 : Enéide. Tome 2 : Bucoliques-Géorgiques. Traduction, Jean-Pierre Chausserie-Laprée. Avant-propos de Cl. Michel Cluny

Études

André Bellessort, Virgile, sa vie et son temps, Perrin,‎ 1920.
Robert Brasillach, Présence de Virgile.
Gabriel Faure, Au pays de Virgile, Charpentier et Fasquelle, 1930.
Annick Loupiac, La Lettre et l'Esprit, Peeters Leuven, 2008.
Jacques Perret, Virgile, Seuil, 1959.
Sainte-Beuve, Étude sur Virgile, Garnier, 1857. Texte de cette étude annoté par Henri Goelzer en 1895.
Jean-Yves Maleuvre, Violence et ironie dans les Bucoliques de Virgile, Touzot,‎ 2000
Theodor Haecker, Virgile, Père de l'Occident. Préface de Rémi Brague, Paris, Éditions Ad solem,

Monographies

Hubert Zehnacker et Jean-Claude Fredouille, Littérature latine, Presses Universitaires de France, coll. Quadrige manuels,‎ 2005

Liens
http://youtu.be/owT-hQ4Sz88 Les Georgiques lectures
http://www.ina.fr/audio/P14070980/virgile-et-auguste-audio.html Virgile et Auguste
http://www.ina.fr/audio/PHD99223679/l ... s-et-ecrivains-audio.html Empereurs et écrivains Rome


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Posté le : 20/09/2014 18:55
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Re: La rubrique de Bacchus : Quand sa lyre délire.
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Votez Bacchus, votre dernière chance !


C'est fou comme, depuis mon dernier bulletin, les techniques électorales ont pu évoluer !
Je pensais sincèrement qu'une vie dissolue, si elle est bien dissimulée, que des promesses vaseuses mais bien enveloppées, feraient largement l'affaire.
Que nenni !
L'électorat actuel ne se laisse plus manipuler et éblouir par des écrans d’honnêteté certifiés par quelques communiqués aussi laconiques que rassurants<<<<<;
L' électorat veut du live !
De touts façons, ratage pour ratage, erreur pour erreur, fausse route par manque de GPS, il y a des décennies que nous n'attendons plus un nouveau messie à abattre. L'électeur est devenu lecteur de journaux à sensations, spectateur d'épisodes à scandale, participant virtuel des orgies seigneuriales circulant sous le manteau entrouvert furtivement, comme au bon vieux temps des tristes exhibitionnistes de notre jeunesse.
Que diable, qu'avons-nous à faire d'une triste litanie, d'un programme électoral murmuré honteusement, parfois, par un ambitieux non encore aguerri ?
Voilà plus de cinquante ans que mes votes, toujours orientés dans la même direction, par atavisme, produisent des générations d'enrichis qui n'auront jamais conscience de mon existence.
C'est donc en toute conscience, sachant à quel point vous êtes désenchantés et désabusés, que je vous renouvelle ma proposition de candidature.
Et pourquoi innover, alors que certaines techniques ont fait leur preuve ?
Je déclare ( pas solennellement, quand même : respectons la valeur des mots ) :

- Moi président, j'en éprouverais beaucoup de plaisir .
- Moi président, je m'engage à dédicacer ma photo, sur simple présentation de celle-ci .
- Moi président, je continuerais à me contenter de mes trois repas par jour .
- Moi président, je m'engage à faire recoller les bibelots brisés par une précédente et fugace locataire .
- Moi président, j'assurerais la préface des livres parlant de ma vie privée .
- Moi président, je veillerais à sortir avec un parapluie, par temps couvert .
- Moi président, j'aurais la prudence de laisser les gens compétents s'occuper des affaires de l' état...A condition que vous vouliez bien voter pour eux .
- Moi président, je n' utiliserais ni les avions, ni les trains, ni les scooters : il y a tout ce qu'il me faut à l' Elysée.

C'est un bref aperçu de la longue liste que j'ai rédigé, veillant bien à ce qu' aucune de ces promesses ne soit irréalisable.
Libre à vous d'envisager pour moi, ensuite, un second mandat.
Vous êtes désenchantés ? déçus ? irrités ? Retrouvez les raisons profondes de votre mécontentement en votant pour celui qui ne pourra pas changer le cours de votre existence mais qui vous le dit franchement, les yeux dans les yeux et le verre à la main.

Votez Bacchus, celui qui ne vous cachera jamais la vérité, l'ignorant lui-même .




Posté le : 20/09/2014 16:43
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P.14/9/14. I.Duncan,T.Roosevelt,Y.Pavlov,A.Dante,V.Volkoff,L.Chérubini, G.Cassini,Prise Moscou
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fee etoilee                                                                                                                                 





















                                                                                   
Texte à l'affiche :" Les espagnols ont raison " de TYTOALBA  




Le 14  Septembre 1321 meurt  Alighiéri  DANTE
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Le  14  Septembre  1712  meurt  Giovanni 
CASSINI

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Le  14 Septembre 1849  naît  Ivan 
PAVLOV
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Le  14  Septembre  2005  meurt   Vladimir  
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Aujourd'hui Dimanche 14 Septembre  2014
 
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 Nouveau  vos rendez-vous hebdomaires :

*Bacchus sa tribune : quand sa lyre délire

*Emma "dos à dos" sa chronique d'jeuns
*Iktomi "chef-d'oeuvre, pas chef-d'oeuvre ?
*Les bons mots de la semaine par Grenouille

*La pensée de la semaine de Grenouille


 " Lorsque la vue veut pénétrer trop loin dans les ténèbres,  il advient qu'en imaginant tu t'égares"

                                                                             DANTE  ALIGHIERI




Le  14  Septembre 1927  meurt  Isadora DUNCAN
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Le 14  Septembre  1760  naît  Luigi  
CHERUBINI

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Le 14 Septembre  1812 incendie de MOSCOU
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Le 14 Sept 1901 élection de Théodore 
ROOSEVELT
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*Emma vous propose :

Je voudrais proposer un recueil de texte collectif d’environ une centaine de pages à partir des textes publiés sur ce site en 2012. Recueil sous forme d’un fichier PDF (et même en version imprimée, si ce projet en intéresse certains ?)
Pour donner 

            ---*ATELIER CONCOURS
*--

        *Cliquez ici pour rejoindre Couscous 
                   dans son nouveau défi 

         Lucinda vous pose deux questions :
         *Pourquoi le mensonge ?
         *pourquoi avons-nous besoin des autres ?                                               
                                                            
   

      
     




Posté le : 20/09/2014 09:17
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Défi du 20-09-2014
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Bonjour joyeux Loriens,

Voici le défi de la semaine, qui m'a été soufflé par mon Jiminy Cricket : Vous vous réveillez et vous avez rapidement l’impression que quelque chose dans votre quotidien a changé, sans pour autant savoir exactement quoi.

Racontez nous tout ça, en histoire, en chanson, en poème ou en blague belge, peu importe le style.

Bonne chance.

Donald.

Posté le : 20/09/2014 01:32
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Re: Les expressions
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« Tomber sur un os »


Rencontrer une difficulté imprévue.

Selon Gaston Esnault, cette expression apparaît en 1914.
Et selon Cellard et Rey, les seuls, dans leur Dictionnaire du français non conventionnel, à donner une explication plausible sur l'origine de cette locution, elle viendrait du milieu militaire.
En effet, lors du service des rations de tambouille, les chanceux tombaient sur de véritables portions de viande, mais les autres, eux, ne recevaient qu'un misérable morceau d'os.
La notion de 'difficulté' viendrait alors du contraste entre la viande qui se mange facilement et l'os qu'on grignote très difficilement.

Mais, si l'origine est bien là, le fait que l'expression se soit facilement diffusée hors des casernes puis des tranchées vient probablement des sens argotiques du mot 'os' popularisés dans d'autres locutions, à commencer par "l'avoir dans l'os" où 'os' désigne l'anus.

Posté le : 19/09/2014 15:24
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Re: Les expressions
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« Se faire alpaguer »


Se faire arrêter


Alpaguer est un verbe argotique à l'origine étrange et à l'usage bien spécifique. Seuls les malfaiteurs ou les personnes soupçonnées de méfaits se font alpaguer, et par les forces de l'ordre, de surcroît.

Certaines personnes à l'esprit éveillé auront peut-être remarqué une certaine similitude avec le mot alpaga qui, je le rappelle pour les nombreux autres, désigne d'abord un mammifère camélidé de la même famille que le lama et dont la laine aux poils longs et fins servait autrefois à fabriquer des tissus, donc des vêtements. Si, de nos jours, le tissu appelé alpaga existe encore, il ne contient plus qu'un faible pourcentage de laine de l'animal.
Mais cette similitude phonétique suffit-elle à expliquer l'origine de notre expression ? Eh bien oui !

Nous avons donc l'alpaga qui est un tissu constitué de laine de l'animal du même nom. Du coup, nous sommes susceptibles de porter des vêtements en alpaga. Et c'est un peu après le milieu du XIXe siècle qu'en argot et à cause de la qualité supérieure du tissu, le mot alpague a désigné des vêtements masculins de haute qualité.
Par métonymie, puisqu'on met son manteau sur son dos lorsqu'on l'enfile pour sortir, le mot a d'abord désigné le dos puis l'individu lui-même au début du XXe siècle. On utilisait d'ailleurs à l'époque des expressions comme tomber sur l'alpague similaire à tomber sur le dos pour s'en prendre à ou attaquer ou encore avoir la police sur l'alpague.
Et c'est enfin avant le milieu du XXe siècle que tomber sur l'alpague s'est condensé en ce fameux verbe alpaguer.
Voilà comment, par un cheminement assez long, le lama, animal à poils laineux, s'est retrouvé sous les verrous.


Posté le : 18/09/2014 11:35
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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