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Georges Sorel
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Le 2 novembre 1847 naît à Cherbourg, Georges Eugène Sorel

il meurt à Boulogne-sur-Seine, le 29 août 1922, philosophe et sociologue français, connu pour sa théorie du syndicalisme révolutionnaire, il aurait été le principal introducteur du marxisme en France. Ses principaux intérêts sont la philosophie des sciences
Politique, le syndicalisme, l'Activisme, le Syndicalisme révolutionnaire. Ses Œuvres principales sont Réflexions sur la violence, Les illusions du progrès en 1908
Influencé par Proudhon, Karl Marx, Giambattista Vico, Henri Bergson, il a influencé Antonio Gramsci, Georg Lukács, Curzio Malaparte, Jules Monnerot, Walter Benjamin, Carl Schmitt, François Perroux, et Benito Mussolini. Il est enterré à Tenay.

En Bref

Fils d'officier, polytechnicien, il s'établit à Paris puis à Boulogne. Il se tourne d'abord vers les socialistes, puis, après la lecture de Marx et de Proudhon, voit dans la pratique syndicaliste révolutionnaire le socialisme véritable. Hostile à la démocratie parlementaire, il est attiré un moment par la droite monarchiste. Il a écrit Réflexions sur la violence 1908.
Né à Cherbourg, Georges Sorel, cousin de l'historien Albert Sorel, il a été élève à l'École polytechnique, puis longtemps ingénieur des Ponts et Chaussées, principalement en Algérie et à Perpignan. En 1892, il démissionne et s'installe à Boulogne-sur-Seine où il mène jusqu'à sa mort une existence modeste, mais très engagée dans les problèmes de son temps.
Son union avec Marie David, issue d'une famille pauvre de paysans catholiques, a pour lui une grande importance. Sa famille n'ayant pas consenti à cette mésalliance, il ne se maria jamais, mais il dédie ses Réflexions à la mémoire de la compagne de ma jeunesse ... ce livre tout inspiré de son esprit. Elle mourut prématurément en 1897.
Sorel apparaît comme un homme libre et méconnu. Ce fils d'un bourgeois, commerçant malheureux, et d'une mère très pieuse est un philosophe révolutionnaire, fidèle au socialisme prolétarien découvert à l'âge mûr. Cet affamé de lectures a perçu très intensément la décadence de la société et la ruine des valeurs ; son œuvre nombreuse n'a d'autre but que d'y faire face avec un courage toujours repris. À la racine de sa pensée déconcertante, on trouve d'abord un technicien, féru de mathématiques, ayant pris conscience de l'importance de l'industrie, de la bourgeoisie qui l'a promue et de l'activité humaine qui la sous-tend, puis un moraliste puisant ses leçons dans un pessimisme au cœur duquel jaillit le désir d'une rénovation de l'homme. Tout ce que Sorel a rejeté s'inspire d'un tel dessein. Au premier regard, ses attitudes politiques successives semblent contradictoires. On a voulu tirer son héritage dans des sens opposés. Il manqua souvent de rigueur théorique, et l'aspect mystique de son message lui a valu les sarcasmes, les sollicitations ou l'oubli. Il a cependant le mérite de n'appartenir à personne.

Sa vie

Né d’un père négociant en huiles et eaux gazeuses, dont les affaires périclitèrent, et d’une mère très pieuse, cousin de l’historien Albert Sorel, il entre à l’École polytechnique, puis au corps des Ponts et Chaussées. À 45 ans, en 1892, il démissionne de son poste d’ingénieur en chef à Perpignan et s’installe à Paris, puis à Boulogne-sur-Seine avec Marie David, ancienne ouvrière, quasi illettrée, qu’il n’épousera jamais à cause, peut-être, de l’opposition de sa mère. Après sa mort en 1897, Sorel lui dédie ses Réflexions sur la violence, ce livre tout inspiré de son esprit.
Au moment de sa démission, Sorel a déjà publié, outre de nombreux articles, deux ouvrages : Contribution à l'étude profane de la Bible 1889 et Le Procès de Socrate 1889. Lecteur de Marx, de Proudhon, de Nietzsche, il suit les cours de Bergson au Collège de France. Sa pensée, quelque peu touffue et où perce son autodidactisme, syndicalisme révolutionnaire, ainsi que le succès ambigu remporté par les socialistes parlementaires et qui accompagne la révision du procès de Dreyfus. Une série d'écrits marque cette évolution.

À partir de la seconde moitié des années 1880, il publie des études dans différents domaines météorologie, hydrologie, architecture, physique, histoire politique et religieuse, philosophie révélant une influence de la physique d’Aristote ainsi que des études historiques d’Hippolyte Taine et encore plus d’Ernest Renan. En 1893, il affirme son engagement socialiste et marxiste. Sa réflexion sociale et philosophique prend appui sur sa lecture de Proudhon, Karl Marx, Giambattista Vico et Henri Bergson dont il suit les cours au Collège de France ; puis, plus tard, sur le pragmatisme de William James.
Son entrée en politique s’accompagne d’une dense correspondance avec le philosophe italien Benedetto Croce et le sociologue Vilfredo Pareto. Après avoir collaboré aux premières revues marxistes françaises, L’Ère nouvelle, Le Devenir social, puis à la revue anarchiste L’Humanité nouvelle, Sorel participe, à la charnière du XIXe et XXe siècles, au débat sur la crise du marxisme en prenant le parti d’Eduard Bernstein contre Karl Kautsky et Antonio Labriola. Par ailleurs favorable à la révision du procès de Dreyfus, le théoricien traverse durant cette période une phase réformiste. En collaborant à la revue romaine Il Divenire sociale d’Enrico Leone et au Mouvement socialiste d’Hubert Lagardelle, il contribue, aux alentours de 1905, à l’émergence théorique du syndicalisme révolutionnaire, qui avait préalablement émergé en pratique au sein de la Confédération générale du travail. En 1906 est publié dans cette dernière revue son texte le plus célèbre, les Réflexions sur la violence. Sa sortie en volume en 1908 est suivie la même année par la parution des Illusions du progrès.
Déçu par la CGT, il se rapproche un temps, en 1909-1910, de l’Action française de Charles Maurras — sans toutefois en partager le nationalisme, auquel il préférait le fédéralisme ni la visée politique. Il aurait inspiré les initiateurs du Cercle Proudhon, dont son disciple Édouard Berth qui disait rassembler syndicalistes révolutionnaires et monarchistes, et que Sorel désavou. Lui-même fonde, avec Jean Variot, la revue traditionaliste L’Indépendance, à laquelle il collabore de 1911 à 1913, avant de la quitter par opposition au nationalisme qui s’y exprime.
Farouchement opposé à l’Union sacrée de 1914, il condamne la guerre et salue l’avènement de la Révolution russe, en jugeant Lénine comme « le plus grand théoricien que le socialisme ait eu depuis Marx. Dans les quotidiens italiens, il écrit de nombreux articles en défense des bolchéviks. Très hostile à Gabriele D'Annunzio, qui entreprend de conquérir Fiume, il ne montre pas davantage de sympathie pour la montée du fascisme. Alors que, selon Jean Variot, dans des Propos posthumes publiés treize ans après sa mort, et donc non vérifiables, il aurait placé quelques espoirs en Mussolini. Après la guerre, il publie un recueil de ses meilleurs textes sociaux, intitulé Matériaux d’une théorie du prolétariat. Parmi les livres de Sorel parus originellement en Italie, seuls ont été retraduits en français ses Essais de critique du marxisme.
Plus que ses réflexions d’ordre métaphysique et religieux ou encore son intérêt pour l’histoire ainsi que pour les sciences mécaniques et physiques, ce qui caractérise le penseur est son interprétation originale du marxisme. Cette interprétation fut foncièrement antidéterministe, politiquement anti-étatiste, antijacobine, et fondée sur l’action directe des syndicats, sur le rôle mobilisateur du mythe — en particulier celui de la grève générale —, sur l’autonomie de la classe ouvrière et sur la fonction anti-intégratrice et régénératrice de la violence.

Le penseur du prolétariat Le syndicalisme révolutionnaire

Sorel emprunte à Fernand Pelloutier la théorie du syndicalisme révolutionnaire. Ce bourgeois consacre son énergie à donner un esprit nouveau aux Bourses du travail, afin que cette organisation soit intégralement l'œuvre de la classe ouvrière et vouée à l'éducation de celle-ci ; le caractère corporatif des bourses du travail se veut paradoxalement d'esprit révolutionnaire, en ceci précisément qu'un refus d'agir sur le plan politique est la négation même de l'État. Les syndicats qui y œuvrent n'aspirent pas à former un syndicalisme de masse. Pelloutier lance le mot d'ordre de la grève générale qu'il fait adopter au Congrès des Bourses du travail de 1892 et à travers lequel s'exalte toute l'ardeur révolutionnaire du mouvement ouvrier
À la suite de ces faits et s'inspirant fortement de Pelloutier, Sorel élabore sa propre pensée, ce qui nous vaut en 1898 L'Avenir socialiste des syndicats, texte repris dans Matériaux pour une théorie du prolétariat, 1919, mais surtout les Réflexions, tant il est impossible de marquer des frontières abruptes dans une pensée mouvante. Se font sentir les influences plus lointaines de Proudhon et de l'anarchisme, mais aussi celle de Marx, notamment à propos de la notion de classe. Sorel est trop pluraliste pour accepter que la société soit divisée en deux blocs antagonistes et deux seulement, car le critère économique ne suffit pas à définir une classe ; le critère psychologique ou celui de la conscience a une plus grande importance ; Sorel suit Marx qui établit une différence essentielle entre une classe en soi et une classe pour soi. Néanmoins, cette conception dichotomique a une portée morale, éducative. Elle fait ressortir le niveau où se situe la lutte de classes qui n'est pas n'importe quel combat des pauvres contre les riches, mais un combat total, absolu, incessant. À cet égard, le prolétariat en lutte doit assumer l'héritage de la bourgeoisie et de son esprit industriel. Il ne peut y avoir de terme à la lutte de classes parce qu'en elle, chaque fois, l'énergie humaine l'emporte sur la décadence. Pour toutes ces raisons, plus encore que Pelloutier, Sorel pense que les syndicats ont plus d'importance que les partis politiques ; il leur confère un rôle primordial.

Le rejet de la démocratie

Au début des années quatre-vingt-dix, Sorel est partisan du socialisme démocratique et parlementaire. Il est aussi très rapidement favorable à Dreyfus, aux côtés de Jean Jaurès. Mais le dreyfusisme va symboliser tout ce qu'il repousse et il se dresse contre le jauressisme ou l'idée qu'il s'en fait, comme symbolisant les aberrations de son temps. Il se trouve aux côtés de Péguy pour s'élever contre le fait que la mystique ait dégénéré en politique.
Ce que Sorel refuse dans la démocratie parlementaire aux prétentions socialistes, c'est sa médiocrité et sa prétention, parce qu'elle se limite elle-même dans son économisme et qu'elle est incapable d'exprimer le tout de l'homme et surtout de le promouvoir. Il invective contre la civilisation matérielle misant tout sur le progrès économique ou sur l'illusion de paradis à son horizon. Pareil mirage nie le dépassement de l'homme, nie le travail comme élan. L'économisme va de pair avec la démocratie qui est l'expression privilégiée de l'entropie moderne, Claude Polin ; entropie, c'est-à-dire chute de l'énergie humaine. Ainsi apparaît le pessimisme de Sorel, joint à son exigence morale, et on a pu croire un instant que cet antidémocrate de gauche était allié de L'Action française. À la démocratie il reproche son optimisme trop court, statique en quelque sorte, s'appuyant sur la nature humaine préjugée bonne, dépourvue d'un processus historique de transformation ; elle manifeste notamment sa perversion par les élections et par les ruses d'Apache de sa tactique politicienne. De soi, la démocratie est oppressive et la dictature du prolétariat n'est qu'un leurre.

La violence prolétarienne

Sorel se fait l'apologiste de la violence. La violence est distincte de la force qui va de pair avec l'autorité et toutes les formes d'oppression. Elle accompagne la révolte et toutes les deux sont énergie humaine en acte. Sorel devient le chef de ce qu'on a appelé la Nouvelle École, qui se proclame marxiste, syndicaliste et révolutionnaire. Les Réflexions sur la violence, suite d'articles parus en 1906 dans Le Mouvement socialiste et publiés en volume en 1908, en sont une sorte de manifeste. La pensée sorélienne s'y définit sous une double face, négative et positive, mais, sur ce point, moins que sur tout autre, on ne peut dissocier l'élaboration réflexive de la trame du vécu.
Lecteur assidu de Nietzsche, même s'il l'a mal assimilé, il confesse ainsi sa source, car la violence sorélienne ressemble fort à la volonté de puissance nietzschéenne. Elle est en effet la volonté dont le prolétariat a l'apanage ; elle se manifeste dans cet acte de guerre Sorel qu'est la grève générale, mais qui ne se montre que pour ne pas servir ; comme la grève encore, elle est un mythe. Dans le creuset du syndicalisme révolutionnaire, les volontés prolétaires s'unissent. Selon cette perspective, on peut dire que Sorel est le plus logique des penseurs du prolétariat. De surcroît, mais c'est tout un, non seulement elle se révèle avant tout dans l'action syndicale, mais, plus fondamentalement, elle est, dans son être même, puissance de création, acte créateur venant de l'homme et construisant l'homme et l'humanité, cela toujours par l'intermédiaire du prolétariat agissant de façon libertaire, sans la tutelle d'un quelconque pouvoir ou d'un quelconque État. En ce sens, la violence est d'elle-même essentiellement an-archique. Elle est donc un acte hautement moral. Plus, elle est la morale elle-même, c'est-à-dire l' énergie luttant contre l'entropie, que celle-ci se manifeste dans un pouvoir autoritaire, dans le libéralisme ou dans le faux socialisme démocrate ou encore totalitaire. Il y a donc, au fond des choses, une identité entre la violence et le travail, car le travail aussi est une lutte, une création. Le travail et ce qu'il entraîne de désintéressement impliquent la plus haute morale. La violence est une morale de producteurs, mais de producteurs d'humanité, et la créativité n'est rien d'autre que la productivité prolétarienne voir la présentation de C. Polin aux Réflexions, 1972.

La grève générale comme mythe

Selon Sorel, la grève générale, acte suprême de la violence, n'est pas une utopie ou construction idéale imaginaire, ni une prédiction plus ou moins approchée de l'avenir. Ce n'est pas la grève générale prolétarienne se mettant au service du socialisme démocrate ou de type bolchevique. La grève générale tout court est un mythe, c'est-à-dire un ensemble lié d'idées, d'images capables d'évoquer en bloc et par la seule intuition, avant toute analyse réfléchie, les sentiments qui s'ordonnent à un projet donné. Ce qui compte, c'est le mythe pris comme un tout et fournissant une connaissance totale.

Évolution et filiation ambivalentes

L'accueil fait aux Réflexions a été ambigu. Elles ne pouvaient qu'attirer la commisération des « socialistes » qui les ressentaient comme une rêverie, d'autant que, curieusement, ces positions semblaient rejoindre, au moins en surface, l'antidémocratisme de droite des maurrassiens. L'Action française a fait un succès au livre de Sorel ; le sorélien Georges Valois s'y était rallié dès 1906 pour la quitter ensuite. Durant la troisième étape de sa vie, Sorel, déçu par les militants du prolétariat, rêve que la bourgeoisie va répudier sa longue « lâcheté » et retrouver l'ardeur des capitaines d'industrie, autrement dit l'énergie humaine essentielle. La guerre de 1914-1918, menée par les démocrates, lui répugne. La révolution russe installe la dictature du prolétariat. L'ancien socialiste Benito Mussolini accède au pouvoir en Italie. Lorsque Sorel meurt, la situation est mûre pour une découverte rétrospective de son œuvre.
G. Pirou a déclaré incontestable la filiation directe de Sorel à Mussolini, mais rien n'est moins sûr ; il vaudrait mieux parler d'affinités. On a pu le croire fasciste parce qu'il emploie le langage de l'énergie, mais il se situe en réalité aux antipodes du fascisme puisqu'il entend détruire l'État, ce en quoi on trouve plutôt en lui un anarchiste disciple de Proudhon. Comme celui-ci, il voulait promouvoir une organisation spontanée des travailleurs ; d'une certaine façon, il préfigure les apôtres de l'autogestion Polin. Comment un tel dessein rendait-il compatibles la liberté individuelle et la coopération ? La réponse relève de la foi ou du défi soréliens.
La filiation avec Lénine, souvent proclamée, est plus discutable encore. Certes, Sorel a salué en lui le plus grand théoricien que le socialisme ait eu depuis Marx Pour Lénine, appendice à la 4e édition des Réflexions, 1919, mais celui-ci avait déjà caractérisé Sorel comme un esprit brouillon bien connu Matérialisme et empiriocriticisme, 1909. En fait, la distance que Sorel prend à l'égard du marxisme est grande. Son œuvre contient une exaltation du travail, mais, à ses yeux, l'essentiel n'est pas le travail pour lui-même ni même la production, c'est plutôt l'effort, et la seule révolution dont la violence est porteuse est celle des esprits et des cœurs.
Le principal paradoxe de l'œuvre sorélienne réside peut-être en ceci que son anarchisme proudhonien et sa violence nietzschéenne se veuillent la plus haute fidélité à Marx en insufflant une épique à la théorie et à la pratique marxistes. Que Sorel ait été incompris, dès lors, n'étonne plus.

Influences et postérité

À la fois antiparlementariste et révolutionnaire, la pensée de Sorel a influencé de nombreux penseurs et hommes politiques du XXe siècle, tant de droite que de gauche. Parmi eux, des syndicalistes révolutionnaires comme Hubert Lagardelle, Édouard Berth et les Italiens Arturo Labriola et Agostino Lanzillo, des partisans ou des proches de l’Action française comme Pierre Lasserre et le catholique René Johannet, des libéraux comme Piero Gobetti6, des socialistes comme le Hongrois Ervin Szabó, des communistes comme Antonio Gramsci et le jeune Georg Lukács, des marxistes indépendants comme Maximilien Rubel, des écrivains anticonformistes comme Curzio Malaparte, des sociologues comme Walter Benjamin, Jules Monnerot et Michel Maffesoli, des théoriciens politiques comme Carl Schmitt ou encore des économistes comme François Perroux. Après son arrivée au pouvoir, Benito Mussolini lui-même s’en réclamera. L’influence de Sorel s’étendra jusqu’au Tiers Monde, puisque le marxiste péruvien José Carlos Mariátegui ou le Syrien Michel Aflaq, militant du mouvement de libération nationale et cofondateur du Parti Baas, compteront aussi parmi ses lecteurs. L’homme est en fait plus connu à l’étranger qu’en France. Il a fait l’objet de nombreuses interprétations orientées, partielles et opposées.

Œuvres

Le Procès de Socrate, examen critique des thèses socratiques, Paris, Félix Alcan, 1889 ;
Les Girondins du Roussillon, Perpignan, Charles Latrobe, 1889,
Essai sur la philosophie de Proudhon, 1re éd. en articles, 1892 ; nouvelle édition : Paris, Stalker Editeur, 2007 ;
D’Aristote à Marx (L’Ancienne et la nouvelle métaphysique, 1re éd. en articles, 1894 ; nouvelle édition : Paris, Marcel Rivière, 1935 ;
Étude sur Vico, 1re éd. en articles, 1896 ; repris in Étude sur Vico et autres écrits, Paris, Champion, 2007 ;
L’Avenir socialiste des syndicats, 1re éd. en articles, 1898 ; puis à Paris, Librairie de l’Art social, 1898,;
La Ruine du monde antique. Conception matérialiste de l’histoire, 1re éd. Paris, Librairie G. Jacques et Cie, 1902 ; 2e éd. Paris, Rivière, 1933, ;
Introduction à l’économie moderne, 1re éd. Paris, G. Jacques, 1903 ; 2e éd. Paris, Marcel Rivière, 1922 ;
Saggi di critica del marxismo Essais de critique du marxisme, Palerme, Remo Sandron, 1903 ;Essais de critique du marxisme. Œuvres I, Patrick, Paris, L’Harmattan, 2007 ;
Le Système historique de Renan, Paris, G. Jacques, 1906 ;
Insegnamenti sociali dell'economia moderna. Degenerazione capitalista e degenerazione socialista Enseignements sociaux de l’économie contemporaine. Dégénérescence capitaliste et dégénérescence socialiste, Palerme, Remo Sandron, 1907 ;
Réflexions sur la violence, 1re éd. 1908 ; 4e éd. définitive Paris, Rivière, 1919 ; éd. avec appareil critique et index, Genève-Paris, Entremonde, 2013 ;
Les Illusions du progrès, Paris, Marcel Rivière, 1908 ;
La Décomposition du marxisme, 1re éd. Paris, Librairie de Pages libres, 1908 ; Paris, Marcel Rivière, 1910 ;
La Révolution dreyfusienne, 1re éd. Paris, Marcel Rivière, 1909, ; ibid, 1911 ;
Lettres à Paul Delesalle, 1914-1921, Paris, Bernard Grasset, 1947 ;
Matériaux d’une théorie du prolétariat, 1re éd. Paris, Marcel Rivière, 1919 ; ibid, 1921 ;
De l’utilité du pragmatisme, Paris, Marcel Rivière, 1921,;
Lettere a un amico d’Italia Lettres à un ami d’Italie , Bologne, L. Capelli, 1963 ;
Georges Sorel, Scritti sul socialismo, Catania, Pellicanolibri, 1978 ;
La Décomposition du marxisme et autres essais, anthologie établie par Th. Paquot, Paris, PUF, 1982 ;
De nombreux textes inédits de Sorel ont été publiés dans la revue Cahiers Georges Sorel, puis Mil neuf cent.

Citations

LLes frères Tharaud ont donné de Georges Sorel le portrait suivant :

C’était un robuste vieillard, au teint frais comme celui d’un enfant, les cheveux blancs, la barbe courte et blanche, avec des yeux admirables, couleur de violette de Parme... Son métier d’ingénieur des ponts et chaussées l’avait retenu toute sa vie en province où il s’était distrait de l’ennui en lisant et annotant tous les livres qui lui tombaient sous la main... intarissablement s’échappaient de ses lèvres, comme l’eau de la vanne d’un barrage, les idées qui depuis soixante ans s’étaient accumulées derrière le barrage. Tout cela sans aucun ordre. Une richesse en vrac... mais vraiment merveilleux quand, de sa voix flûtée, la tête légèrement penchée, en avant et scandant ses paroles de petits coups de règle, il jetait pêle-mêle les idées que l’on vit paraître un jour dans les Réflexions sur la violence, un de ces livres tout–à–fait ignorés du grand public, mais d’une rare puissance explosive et qui restera sans doute un des grands livres de ce temps, puisqu’il a eu la singulière fortune d’inspirer à la fois le bolchevisme de Lénine et le fascisme de Mussolini.

— Jérôme et Jean Tharaud , Notre cher Péguy 1926
Lénine a été aussi peu inspiré par Sorel que ne l’est le seul jugement qu’il lui ait jamais porté pas clair : Sorel, ce brouillon notoire
Le syndicaliste révolutionnaire Alfred Rosmer a écrit que Sorel s'installa dans le syndicalisme comme il s'était installé antérieurement dans le jauressisme puis dans l'antijauressisme ... Les militants syndicalistes l'ont toujours ignoré.

Liens
http://youtu.be/ljJGQPTjWaQ introduction à l'économie
http://youtu.be/qW-vXdu71o0 Le syndicalisme révolutionnaire
http://www.ina.fr/video/CPF86632064/l ... el-et-de-peguy-video.html Les compagnons de Péguy et Georges Sorel


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Posté le : 31/10/2014 19:44
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Jean-Siméon Chardin
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Le 2 novembre 1699, à Paris naît Jean Siméon Chardin

— baptisé de son premier prénom Jean, pour Jean le Baptiste et non pas Jean l'Évangéliste, et certification après sa mort qu'il ne faut pas ajouter Baptiste à ce nom de baptême, mort à 80 ans dans la même ville le 6 décembre 1779 considéré comme l'un des plus grands peintres français et européens du XVIIIe siècle. Peintre d'histoire il reçoit sa formeation à l'Académie de Saint-Luc. Il est surtout reconnu pour ses natures mortes, ses peintures de genre et ses pastels. Cette quête du sentiment, quand son regard commence à se lasser, il la tourne vers lui-même et nous laisse, peu avant sa mort, deux admirables autoportraits au pastel qui sont comme la signature de sa vie.
Simplificateur doucement impérieux, écrit Malraux, Chardin n'a pas fini de nous conduire à la poésie et à la réalité des choses, car son œuvre est hors du temps, et rien ne peut lui être opposé en France, de Watteau à la Révolution.

En bref

Fils d'un maître menuisier, il se détourne du grand style pour évoquer les objets et les gestes les plus simples de la vie bourgeoise, dans un esprit intimiste qui dérive des écoles flamande et hollandaise. Reçu à l'Académie royale en 1728 avec le Buffet et la Raie Louvre, il se consacre, tout le long d'une paisible carrière, aux natures mortes surtout, mais aussi aux scènes d'intérieur où construction savante, matière-couleur franche, lumière chaude doucement modulée se fondent sous l'apparence de la plus grande sobriété au Louvre : l'Enfant au toton, Salon de 1738 ; la Pourvoyeuse ; le Bénédicité ; Pipes et vases à boire ; les Attributs des Arts, dessus de porte 1765 ; Panier de pêches ; etc.. Vers la fin de sa vie, malade, un peu oublié, il se limita au pastel deux Autoportraits, Louvre.
Chardin peint en dehors du temps, en marge de son temps et des vogues bruyantes. Tout le relief de sa vie exigeante et modeste est celui qu'il sait donner à un fruit, à un verre, à un humble pichet. Peu lui importe de n'être pas le peintre des grands genres ni, en vérité, le successeur d'aucun maître, pourvu qu'en ces pâtes denses et épaisses, qu'il accroche en couches successives sur la toile à gros grain, il confère aux réalités simples de la vie, non pas la vertu d'un récit, d'une description ou d'une allégorie, mais le mystère de la vie silencieuse et secrète des choses dans sa durée illimitée. On ne peint pas seulement avec des couleurs, on peint avec le sentiment, disait un jour Chardin. Tout est là. Et parler d'une œuvre qui nous est aujourd'hui si familière, si évidente, et pourtant si lointaine en sa perfection, c'est tenter de saisir comment, de la seule couleur, Chardin sut faire naître le sentiment.

Sa vie

Jean Siméon Chardin naît à Paris le 2 novembre 1699, d'un père artisan, fabricant de billards. Mis à part le fait qu'il a été l'élève de Cazes spécialisé dans les portraits et évènements historiques, il a peut-être été conseillé par Noël Nicolas Coypel, on n'a aucune certitude à propos de sa formation avant le 6 février 1724, date à laquelle il est reçu à l'Académie de Saint-Luc avec le titre de maître — titre auquel il renonça en 1729.
D'après les frères Goncourt, Coypel aurait fait appel à Chardin pour peindre un fusil dans un tableau de chasse, ce qui lui aurait donné le goût pour les natures mortes.
Il est probable que deux de ses tableaux, la Raie et Le Buffet aient été remarqués par deux membres de l'Académie royale à l'Exposition de la Jeunesse, place Dauphine, en 1728 : Louis Boulongne, Premier Peintre du Roi, et Nicolas de Largillière un des meilleurs peintres français de natures mortes
Chardin devient ainsi peintre académicien dans le talent des animaux et des fruits, c'est-à-dire au niveau inférieur de la hiérarchie des genres reconnus.

De l'apprentissage à l'Académie

On peut dire que d'emblée la vie du peintre fut placée au registre qui devait demeurer le sien et qu'en naissant à Paris, rue de Seine, fils de menuisier, dans un milieu d'artisans habiles et actifs, Chardin trouvait aussitôt le climat de gravité sérieuse, de probité, et jusqu'au décor qui allaient marquer son œuvre et lui assigner ses dimensions.
Son apprentissage : non point l'enseignement officiel que dispensait l'Académie, ni celui d'un maître unique, mais des moments successifs. Chez Pierre-Jacques Cazes, il dessine d'après l'antique ; Noël-Nicolas Coypel, demi-frère d'Antoine, lui révèle la lumière et la densité des choses, si l'on en croit un récit, en l'invitant à peindre un fusil ; J. B. Van Loo, pour l'aider dans ses débuts difficiles, fait appel à lui pour le seconder dans la restauration des fresques de Rosso et de Primatice, au château de Fontainebleau.
On sait aussi qu'une enseigne aujourd'hui disparue, et qu'on eût tant aimé comparer à celle que Watteau venait d'exécuter pour Gersaint, lui fut commandée par un chirurgien barbier, ami de son père.
Mais tout cela ne nous dit rien de l'acheminement intime et secret de Chardin vers la maîtrise et les premiers succès : ceux que lui vaudront, lorsqu'il les exposera place Dauphine, en 1728, à l'occasion de la Fête-Dieu, La Raie et Le Buffet, qui étonneront à ce point les peintres de l'Académie royale, et surtout Largillière, qu'il est sur-le-champ admis et, deux mois après, reçu parmi eux comme peintre dans le talent des animaux et des fruits, quand toute son ambition se serait sans doute bornée à la vieille Académie Saint-Luc où il avait d'ailleurs été reçu en 1724.
Dès ce moment, Chardin est en pleine possession de ses moyens ; et quoique toute sa vie, il se soit passionné pour les mille secrets techniques de la peinture, sans doute n'ira-t-il jamais plus loin dans l'accomplissement de son métier.
De compagnon devenu maître grâce, à ces deux très belles œuvres qu'on pourrait, au regard de ce qu'il allait peindre, juger aujourd'hui un peu démonstratives, Jean-Baptiste Chardin va maintenant, délivré des problèmes de la couleur, de la matière où il est désormais inimitable, partir à la seule recherche du sentiment, élever au niveau des grands genres, et bien peu le comprendront en son siècle les humbles thèmes où il va se complaire avec un patient travail, et devenir, d'œuvre en œuvre, très simplement Chardin.

La Raie fait l'objet d'une admiration et d'une fascination unanimes depuis le XVIIIe siècle. Notons que le Buffet est une des premières œuvres datées de Chardin. Matisse copia ces deux tableaux en 1896 ; ils se trouvent actuellement au Musée Matisse du Cateau-Cambrésis.
Chose rare chez Chardin, un animal vivant figure dans la Raie comme dans le Buffet. L'artiste peint très lentement, revient sans cesse sur son travail, ce qui n'est guère compatible avec la représentation d'animaux vivants. Il est aussi probable que Chardin ait redouté que l'on compare ses œuvres à celles des deux maîtres du temps dans le talent des animaux : Alexandre-François Desportes 1661-1743 et Jean-Baptiste Oudry 1661-1778. Ce dernier avait précédé Chardin à l'Académie de Saint-Luc en 1708 et à l'Académie royale en 1717.
L'année 1731 est marquée par des événements particulièrement importants. Il épouse Marguerite Saintard sept ans après un contrat de mariage passé avec elle. Le père de l'artiste meurt peu après, et son fils Jean Pierre naît en novembre. Cette même année, sous la direction de Van Loo 1684-1745, il participe à la restauration des fresques de la galerie François Ier du château de Fontainebleau.
Sa femme Marguerite meurt en 1735 et sa fille Marguerite Agnès en 1737.

Les scènes de genre : un défi remporté Œuvres nouvelles

Les premiers tableaux à figures de Chardin ont été peints en 1733 au plus tard. Chardin se rend compte qu'il ne peut pas vendre indéfiniment des natures mortes. Il lui faut devenir maître dans un autre talent .
Dans son Abecedario 1749, un contemporain de Chardin, Pierre-Jean Mariette, rapporte l'anecdote suivante : Chardin faisant remarquer à un de ses amis peintres, Joseph Aved 1702–1766, qu'une somme d'argent même assez faible était toujours bonne à prendre pour un portrait commandé quand l'artiste n'était pas très connu, Aved lui aurait répondu :
"Oui, si un portrait était aussi facile à faire qu'un cervelas. "
L'artiste était mis au défi de peindre autre chose que des natures mortes. Mais ce n'était pas la seule raison de changer de talent. Mariette ajoute :
"Ce mot fit impression sur lui et, le prenant moins comme une raillerie que comme une vérité, il fit un retour sur son talent, et plus il l'examina, plus il se persuada qu'il n'en tirerait jamais grand parti. Il craignit, et peut-être avec raison, que, ne peignant que des objets inanimés et peu intéressants, on ne se lassât bientôt de ses productions, et que, voulant essayer de peindre des animaux vivants, il ne demeurât trop au-dessous de MM. Desportes et Oudry, deux concurrents redoutables, qui avaient déjà pris les devants et dont la réputation était établie. "
En 1744, Chardin épouse Françoise-Marguerite Pouget 1707–1791. Il a 45 ans, elle en a 37. ils n'auront pas d'enfant.
Jean-Baptiste Chardin, "peintre très renommé et premier dans son genre, conseiller et trésorier de l'Académie royale de peinture et de sculpture décède le 6 décembre 1779 aux Galeries du Louvre, paroisse de Saint-Germain l'Auxerrois".
Bientôt Chardin est protégé et encouragé par un personnage important, le marquis de Vandières 1727–1781, futur marquis de Marigny et de Menars, directeur des Bâtiments de 1751 à 1773. Il obtient une pension pour Chardin.
"Sur le rapport que j'ai fait au Roy Monsieur de vos talents et de vos Lumières, Sa Majesté vous accorde dans la distribution de ses grâces pour les Arts, une pension de 500 livres, je vous en informe avec d'autant plus de plaisir, que vous me trouverez toujours très disposé de vous obliger, dans les occasions qui pourront se présenter et qui dépendront de moi à l'avenir."
Lettre du 7 septembre 1752, orthographe et ponctuation de l'époque
Son fils Jean Pierre remporte en 1754 le Premier Prix de l'Académie et entre à l'École royale des élèves protégés. En 1757, il reçoit son brevet pour aller poursuivre ses études de peinture à Rome. Enlevé par des corsaires anglais au large de Gênes en 1762, puis libéré, Jean Pierre meurt en 1767 à Paris, à moins qu'il ne se soit suicidé à Venise.
Il est nommé trésorier de l'Académie en 1755, et deux ans après Louis XV lui accorde un petit appartement dans les Galeries du Louvre, ce dont il se montre très fier. Marigny, dont la bienveillance à l'égard de Chardin ne se démentit jamais, est à l'origine de cet honneur rendu au peintre et l'en avertit lui-même.
" Je vous apprends avec plaisir, Monsieur, que le Roy vous accorde le logement vacant aux Galeries du Louvre par le décès de S. Marteau, vos talents vous avaient mis à portée d'espérer cette grâce du Roy, je suis bien aise d'avoir pu contribuer à la faire verser sur vous. Je suis, Monsieur, Votre très humble et très obéissant serviteur."
Lettre du 13 mars 1757, orthographe et ponctuation de l'époque
On imagine sans peine Chardin savourant avec délice l'annonce de cette distinction devant ses confrères, en pleine séance de l'Académie :
M. Chardin, Conseiller, Trésorier de l'Académie, a fait part à la Compagnie de la grâce honorable que le Roy lui a faitte en lui accordant un logement aux Galeries du Louvre. La Compagnie a témoigné de l'intérest qu'elle prend à tous les avantages que son mérite et ses talents lui procurent.
Procès verbal de la séance du 2 avril 1757, orth. de l'époque
L'inventaire après décès des biens de Chardin révèle que cet appartement comportait 4 chambres, une salle à manger, une cuisine, un corridor, une cave et une soupente sous l'escalier.
Très occupé par ses fonctions de trésorier et par la responsabilité qui lui incombe de l'arrangement des tableaux pour le Salon de l'Académie, office dit de tapissier qui lui vaut des démêlés avec Oudry, Chardin, qui se consacre à nouveau à son premier talent depuis 1748, compose de plus en plus de natures mortes. Il expose toujours des peintures de genre, mais cesse d'en créer : ce sont, la plupart du temps, des œuvres antérieures ou des variantes.
Les natures mortes qu'il expose dans cette période sont assez différentes des premières. Les sujets en sont très variés : gibier, fruits, bouquets de fleurs, pots, bocaux, verres, etc. Chardin semble s'intéresser davantage aux volumes et à la composition qu'à un vérisme soucieux du détail, voire des effets de trompe-l'œil. Les couleurs sont moins empâtées. Il est plus attentif aux reflets, à la lumière : il travaille parfois à trois tableaux à la fois devant les mêmes objets, pour capter la lumière du matin, du milieu de journée et de l'après-midi.

Durant cette période le style de Chardin évolue :

"En un premier temps,l'artiste peint par larges touches qu'il dispose côte à côte sans les fondre entre elles … ; après avoir pendant quelques années, vers 1755-1757, multiplié et miniaturisé les objets qu'il éloigne du spectateur, tenté d'organiser des compositions plus ambitieuses, il accordera une place de plus en plus grande aux reflets, aux transparences, au fondu ; de plus en plus ce sera l'effet d'ensemble qui préoccupera l'artiste, une vision synthétique qui fera surgir d'une pénombre mystérieuse objets et fruits, résumés dans leur permanence. "

Tableaux d'objets et scènes intimes

La fidélité d'un peintre à soi-même rend ici bien vaine toute chronologie, et de Chardin, comme de Corot, l'on pourrait dire que le fil de leur vie tient à la tendresse pénétrante du regard constant qu'ils portent aux êtres et aux choses, à cette lumière candide dont ils les baignent et les font s'interpénétrer.
Officiellement peintre de fruits et d'animaux, Chardin n'aborde la figure qu'après 1730, année de son premier mariage, avec Marguerite Saintard, dont il aura deux enfants. Veuf en 1735, il perd, à la même époque, sa fille Marguerite Agnès et, remarié en 1744 avec Marguerite Pouget, voit encore mourir en bas âge la fille qu'il avait eue de son second mariage.
Peut-être l'influence toute flamande du portraitiste Aved décida-t-elle Chardin à ne point se limiter à la seule peinture des objets ; peut-être aussi Chardin fut-il sensible à ce qu'Aved, un jour, lui aurait dit qu'il est « plus difficile de peindre un portrait qu'un cervelas .
Mais l'on peut supposer aisément qu'atteint en ce qu'il avait de plus cher, Chardin eût, de toute manière, incliné à recréer, fût-ce pour lui seul, des scènes d'intimité telles que Le Bénédicité ou La Toilette du matin, évocatrices d'une vie familiale qu'il avait perdue.
Aussi son œuvre est-elle double : tableaux d'objets, d'animaux et de fruits, qui ne sont jamais des «natures mortes, tableaux d'intimité, scènes de la vie domestique, qui, mis à part les autoportraits au pastel des dernières années, ne sont pas des portraits au sens où l'on entendait ce genre au XVIIIe siècle.
Et, par-delà ces distinctions, l'unité de l'œuvre est là, faite d'un admirable métier, d'un espace toujours clos sur lui-même, à la différence des Hollandais, Chardin n'ouvre point de fenêtre ou d'échappée sur le monde extérieur où l'objet immobile s'anime de vie silencieuse. Le geste de l'Écureuse, du Garçon Cabaretier, celui de la Dame cachetant une lettre, la pose même de la Pourvoyeuse, comme surprise en flagrant délit par le peintre, s'interrompant et s'éternisant au point de prendre une indicible valeur de symbole, se situent au sein d'un espace absolu, intemporel qu'il s'agit de ne point troubler car tout y est à sa place, une fois pour toutes, par une harmonie secrète, longuement méditée, dont on subit le charme sans jamais et pourquoi le faire ? pleinement pouvoir le définir.

Un art médité

Une comparaison avec l'art de Vermeer s'impose ici. Mais, tandis que le métier aigu et lisse du maître de Delft ne se laisse point pénétrer ou ne se livre qu'au travers d'une lumière toute d'irréalité et de distante discrétion, l'art de Chardin garde une humaine présence qui nous touche plus directement.
Tout tient d'abord à un métier des plus nouveaux pour l'époque. Rembrandt est là, lui aussi, avec sa touche grasse et somptueuse, et cette qualité des blancs et des oppositions de lumière que seul peut-être jusqu'alors, parmi les Français, Louis Le Nain avait su maîtriser.
Les natures mortes flamandes, celles de Pieter Claesz et de Willem Heda en particulier, baroques et descriptives par la qualité sans mystère de tous les détails minutieux de la vie d'une époque qu'elles nous livrent, n'ont, en effet, pas plus que les intérieurs léchés peints par Mieris ou Gérard Dou, la retenue, la science de composition que nous trouvons dans les œuvres de Chardin. Aussi bien un verre peint par Heda n'est-il qu'un objet fragile fait pour y boire. Mais le moindre gobelet, la moindre bouteille vus par Chardin ont, comme plus tard les pommes de Cézanne, la consistance des choses qui ne meurent pas, parce que l'esprit et la main de l'artiste sont allés au-delà de la simple apparence.
Chardin ne doit pas davantage à la somptuosité d'un Snyders ou d'un Largillière, d'âme flamande lui aussi. Cet amoncellement de viandes et de fruits, de bêtes écorchées et d'ustensiles épars qui saturent la toile dans un foisonnement de couleurs lui sont résolument étrangers. Ce que son art médité peut avoir de savoureux se condense entièrement en une matière précieuse où le lyrisme est présent, mais contenu par une exigence d'ordre, de composition, de sobriété qui confère à l'émotion première une indéfinissable résonance. Et cet équilibre parfait entre la sensation des choses et leur mise en harmonie, ce dépassement de deux mouvements contraires de l'esprit, auquel on ne peut atteindre que par l'exigence la plus élevée, est sans doute le trait qui permet de définir non seulement Chardin, mais tous les grands maîtres de la peinture européenne depuis cinq cents ans.

Le métier

La manière de Chardin, son goût pour la vérité simple ne pouvaient que surprendre ses contemporains épris du maniérisme aristocratique et factice que dispensaient alors Boucher, Lancret, Pater et, avec eux, tous les petits maîtres du XVIIIe siècle.
Mariette lui-même, grand amateur de dessin, a peine à comprendre que Chardin dessine peu et il tient pour un défaut d'imagination que monsieur Chardin soit obligé d'avoir continuellement sous les yeux l'objet qu'il se propose d'imiter... Car, pour les hommes du temps, voir et imiter, c'est tout un, quelle vanité que la peinture qui attire l'admiration par la ressemblance des choses dont on n'admire point les originaux, écrivait déjà Pascal. Aussi ne leur vient-il point à l'idée qu'on puisse aller plus loin par le regard qui observe et recréée que par le don, commun aux peintres officiels, d'imaginer dans le seul respect des conventions établies.
Et la technique de Chardin étonne, autant que son goût du vrai, ceux mêmes qui l'admirent. La manière de peindre de Chardin est singulière, écrit Bachaumont. Il place ses couleurs l'une après l'autre, sans presque les mêler de façon que son ouvrage ressemble un peu à de la mosaïque.
Habitués à la technique vernissée du XVIIIe siècle, les amateurs d'alors comprenaient mal qu'un tableau, peu lisible de près, pût à distance si parfaitement se composer, ni qu'à une manière, apparemment respectueuse des traditions, répondit une technique aussi nouvelle.
Ce que Chardin veut exprimer n'a plus rien à voir, en effet, avec la classique opposition des Hollandais entre l'ombre et la lumière. Séparant ses touches, il obtient par des procédés qui lui sont propres, le fondu parfait de l'œuvre terminée et s'efforce, comme dans Le Gobelet d'argent du Louvre, d'animer chaque objet, chaque moment, de la lumière et de la teinte de tout ce qui l'entoure. Les innovations techniques de Chardin touchent notre sensibilité ; car ce que l'on aime aujourd'hui à découvrir dans une œuvre, c'est le faire d'un peintre, c'est la présence sensuelle, spontanée et vécue de la touche, alors que la vieille tradition académique du métier parfait, exigeait encore, au temps de Louis XV, pour qu'une œuvre fût tenue pour achevée, que la trame de son exécution ne fût jamais apparente.
C'est pourtant à ce métier même, qu'un contemporain qualifiait de brut et de raboteux que Chardin doit aujourd'hui, par notre admiration, d'être toujours présent.

La composition picturale

Chardin n'obtient la simplicité poétique de ses mises en page que par la plus extrême justesse dans la disposition des objets et des lignes. Ce n'est d'ailleurs pas sans raison que Braque portait une particulière dilection à la nature morte Pipe et vase à boire, et que Malraux compare La Pourvoyeuse à « un Braque génial ».
La Pourvoyeuse, comme toute composition de Chardin, est pyramidale. Au centre du tableau, la tache lumineuse, doucement inclinée vers la droite, de la Pourvoyeuse, fixe le regard. Mais la vie même de l'œuvre, la parfaite insertion d'une silhouette dans une surface plane ne pouvaient naître que du contraste des lignes et de la répartition subtile des zones de clarté et d'ombre.
Il fallait, pour y parvenir, aménager le fond du tableau et faire vivre le premier plan. Une porte s'ouvre donc à gauche, dont les contours nets et droits s'opposent aux obliques de la figure centrale. L'espace qu'elle délimite est l'occasion, pour Chardin, de créer une seconde zone de lumière qu'il peuple d'objets familiers – chaudron, fontaine de cuivre – et qu'il anime d'une fine silhouette de femme, si bien que ce rectangle clair apparaît, au sein même de l'œuvre, comme un second tableau plus dense qui vient s'inscrire dans l'espace du premier, le répéter à moindre échelle, l'animer et lui donner sa profondeur.
Du linge que tient la Pourvoyeuse pointe l'os d'un gigot : la géométrie de l'embrasure de la porte en est atténuée, et l'indispensable passage, le trait d'union entre les zones de lumière, que sépare un mur d'ombre, est créé. L'oblique du bahut, compense, à droite, l'inclinaison du sol : le déhanchement de la femme lourdement chargée de victuailles s'en trouve accentué. L'écuelle de terre, enfin, vient, où il le faut, interrompre la nudité du sol et les deux bouteilles noires – l'une renversée pour mieux occuper le bas du tableau – apportent à l'œuvre la note fondamentale qui lui confère sa profondeur, sa gravité, en faisant jouer sa lumière.
Ainsi, nul hasard dans l'art de Chardin. Une volonté consciente et discrète choisit le motif et en assure l'ordonnancement. Et l'univers clos et intime où se complait l'artiste, comme s'il peignait à l'écart du monde, achève de donner à son œuvre une tonalité d'absolu.
Peut-être notre goût pour les formes abstraites, élaboré à l'école de Juan Gris, de Braque, de Staël et de Morandi, nous porte-t-il aujourd'hui vers les tableaux d'objets, plus que vers les scènes familiales peintes par Chardin. Peut-être aussi la manière déclamatoire d'un Greuze et, plus tard, les paysanneries symboliques d'un Millet nous sont-elles, parce qu'œuvres anecdotiques et littéraires, une gêne quand nous voulons apprécier la qualité du Bénédicité, de La Toilette du matin, de La Blanchisseuse, ou de La Pourvoyeuse elle-même.
Et, en ce XVIIIe siècle qui redécouvre l'art des maîtres flamands et hollandais, longtemps proscrits de la cour de Louis XIV, la secrète originalité de Chardin n'est-elle pas flagrante, plus immédiatement saisissable dans Les Apprêts du déjeuner, ou dans tel Bouquet de fleurs du musée d'Édimbourg que dans les tableaux de vie familiale où s'exprime une autre forme de sensibilité plus dépendante d'un temps et de la tradition qui l'a préparé ?
Chardin connut les succès d'une honnête carrière, non l'engouement et les faveurs de la Cour. Il n'y prétendait d'ailleurs pas et ne reçut jamais d'elle que quelques commandes de dessus-de-porte pour Choisy et Bellevue les attributs des arts, de la musique et des sciences et les prérogatives et pensions attachées à sa fonction d'académicien.
Autre est sa clientèle, d'autres sources les suffrages qu'il obtint lors de tous les Salons auxquels il participa. L'estime de ses confrères qui marqua ses débuts lui fut toujours acquise. La constante amitié de Cochin, secrétaire de l'Académie, celle de l'amateur La Live de Jully, les éloges répétés de la critique et surtout de Diderot suffirent à entourer Chardin d'un climat d'intelligente compréhension. Résolument en marge des faux brillants d'une société finissante, recherchant avec une passion tenace la vérité des choses, Chardin, comme l'écrit René Huyghe, comprit qu'il n'est d'œuvre valable que si le point d'arrivée est la peinture. La quasi-disgrâce que lui valut, dans ses dernières années, le dédain du surintendant d'Angiviller et l'emprise croissante du néo-classicisme n'entamèrent en lui ni la bonhomie du peintre ni les certitudes qu'il s'était lentement acquises.
Cette quête du sentiment, quand son regard commence à se lasser, il la tourne vers lui-même et nous laisse, peu avant sa mort, deux admirables autoportraits au pastel qui sont comme la signature de sa vie.
Simplificateur doucement impérieux, écrit Malraux, Chardin n'a pas fini de nous conduire à la poésie et à la réalité des choses, car son œuvre est hors du temps, et rien ne peut lui être opposé en France, de Watteau à la Révolution.

Les oeuvres

Chardin se consacre donc aux scènes de genre, ce qui n'est pas sans difficultés pour lui. Les amateurs de peinture du XVIIIe siècle prisent, plus que tout, l'imagination. Or, c'est la faculté qui faisait le plus défaut à Chardin. Il a du mal à composer ses tableaux, et c'est ce qui explique en partie que lorsqu'il trouve, après de longues et patientes recherches, une structure qui lui convient, il la reproduit dans plusieurs œuvres. Cette période de la vie de Chardin s'ouvre sur deux pièces maîtresses :

"Une femme occupée à cacheter une lettre."
Ce tableau est exposé place Dauphine en 1734, et le Mercure de France le décrit ainsi :
Le plus grand représente une jeune personne qui attend avec impatience qu'on lui donne de la lumière pour cacheter une lettre, les figures sont grandes comme nature.
Une femme tirant de l'eau à la fontaine, dit la Fontaine ou encore la Femme à la fontaine, Stockholm Nationalmuseum. Comme dans le tableau précédent, une ouverture dans le mur du fond, à droite, apporte de la clarté et montre une scène secondaire. Cependant aucun rapprochement n'est possible avec les tableaux hollandais : les intérieurs de Chardin sont fermés et les fenêtres sont très rares.
Chardin expose ce dernier tableau au Salon du Louvre en 1737, ainsi que La Blanchisseuse, Stockholm Nationalmuseum, La fillette au volant, Paris, collection particulière et Le Château de cartes, Washington, National Gallery of Art. Puis les expositions se succéderont presque tous les ans jusqu'à sa mort.
Particulièrement dans la Fillette au volant, le peintre ne fait preuve d'aucune volonté de donner une impression de mouvement. Figée dans une attitude, le regard fixe, la petite fille est en train de poser pour Jean Siméon et son attitude trahit presque la surveillance dont elle fait l'objet: Ne bouge surtout pas. Cette immobilité, par contre, semble naturelle dans le Château de cartes, du fait même du thème qui convient si bien à Chardin qu'il effectue quatre compositions avec peu de variantes sur ce sujet.
Présenté à Louis XV à Versailles en 1740 par Philibert Orry, surintendant des Bâtiments du Roi,sorte de ministre de la Culture de l'époque et contrôleur général des Finances, Chardin offre deux tableaux au souverain. On peut lire à cette occasion dans le Mercure de France :

"Le dimanche 27 novembre 1740, M. Chardin de l'Académie royale de peinture et sculpture, fut présenté au roi par M. le contrôleur général avec deux tableaux que Sa Majesté reçut très favorablement; ces deux morceaux sont déjà connus, ayant été exposés au Salon du Louvre au mois d'août dernier. Nous en avons parlé dans le Mercure d'octobre, sous le titre: la Mère laborieuse et le Bénédicité. "
Ce fut la seule rencontre de Chardin avec Louis XV.

Le regard du XIXe siècle : Chardin, peintre des vertus bourgeoises

"Le Bénédicité et la Mère laborieuse" sont tombés dans l'oubli dix ans après la mort de Louis XV, puis ont été redécouverts en 1845 : le siècle bourgeois apprécie les représentations des vertus bourgeoises qu'il oppose à la dissolution supposée générale des mœurs de la noblesse.
L'auteur anonyme d'un article du volume XVI du Magasin Pittoresque écrit en 1848 :
" À Watteau les déjeuners sur l'herbe, les promenades au clair de lune, la capricieuse beauté du jour avec l'élégant cavalier de son choix, les danses sous la feuillée des bergères et des bergers titrés ; mais à Chardin l'honnête et paisible intérieur, la mère qui brosse l'habit de son fils avant de l'envoyer à l'école, la mère apprenant à bégayer le nom de Dieu à sa petite couvée. Il imite le calme avec calme, la joie avec joie, la dignité avec dignité. Il semble qu'un siècle ne puisse contenir deux histoires si différentes ; cependant elles se côtoient. Chacune a eu son historien, tous deux hommes de génie. Le brillant chatoiement de Watteau a trop souvent éclipsé la douce clarté de Chardin. Ébloui par l'agaçante coquetterie de la marquise, à peine s'arrête-t-on devant l'humble bourgeoise ; et pourtant, quel plus doux mystère que cette suave peinture renfermant les vrais trésors de la vie humaine : honneur, ordre, économie ! "
Et si l'auteur, dans le même passage, parle de Chardin comme d'un poète aux doux coloris, ce n'est qu'un bref intermède avant de s'émerveiller devant la représentation de son idéal féminin :
Elle est le type de ces milliers d'autres femmes auxquelles les hommes rigides, honnêtes, confient leur honneur, leur joie, leur nom, leurs enfants, et dont la présence est une bénédiction pour le seuil qu'elles ont une fois passé.

Les natures mortes de la maturité

" La Table d'office, dit aussi Partie de dessert"
avec pâté, fruits, pot à oille et huilier, Paris, Musée du Louvre. Chardin propose ici une composition horizontale dans laquelle il multiplie des couleurs et les formes géométriques. Au Musée des Beaux Arts de Carcassonne, se trouve une nature morte de même titre, mêmes dimensions, avec les mêmes objets.
Il peint aussi des compositions plus sobres, inscrites dans une figure ovale, avec des fruits, et où l'accent porte sur les reflets, les jeux complexes de la lumière. Par exemple, le Bocal d'abricots, et le Melon entamé.
Il faut rappeler enfin" Le Bocal d'olives "dont Diderot disait qu'il fallait commencer par le copier pour apprendre le métier de peintre. Mais le mieux est de laisser la parole au philosophe :
" C'est que ce vase de porcelaine est de la porcelaine ; c'est que ces olives sont vraiment séparées de l'œil par l'eau dans laquelle elles nagent, c'est qu'il n'y a qu'à prendre ces biscuits et les manger, cette bigarade l'ouvrir et la presser, ce verre de vin et le boire, ces fruits et les peler, ce pâté et y mettre le couteau.
C'est celui-ci qui entend l'harmonie des couleurs et des reflets. O Chardin ! Ce n'est pas du blanc, du rouge, du noir que tu broies sur ta palette : c'est la substance même des objets, c'est l'air et la lumière que tu prends à la pointe de ton pinceau et que tu attaches sur la toile.
… On n'entend rien à cette magie. Ce sont des couches épaisses de couleur appliquées les unes aux autres et dont l'effet transpire de dessous en dessus. D'autres fois, on dirait que c'est une vapeur qu'on a soufflée sur la toile; ailleurs une écume légère qu'on y a jetée. Rubens, Berghem, Greuze, Loutherbourg vous expliqueraient ce faire bien mieux que moi ; tous en feront sentir l'effet à vos yeux. Approchez-vous, tout se brouille, s'aplatit et disparaît ; éloignez-vous, tout se crée et se reproduit.
… Ah ! Mon ami, crachez sur le rideau d'Apelle et sur les raisins de Zeuxis. On trompe sans peine un artiste impatient et les animaux sont mauvais juges en peinture. N'avons-nous pas vu les oiseaux du jardin du Roi se casser la tête contre la plus mauvaise des perspectives ? Mais c'est vous, c'est moi que Chardin trompera quand il voudra. "

Salon de 1763
En 1765, il est reçu, à la suite d'un vote à l'unanimité, à l'Académie des Sciences, des Belles Lettres et des Arts de Rouen comme associé libre.
En 1769, les époux Chardin reçoivent une rente viagère annuelle de 2 000 livres exempte d'impôts — rente augmentée de 400 livres l'année suivante.
Marigny lui avait déjà fait obtenir une pension de 200 livres par an pour ses responsabilités dans l'organisation du Salon du Louvre et l'accrochage des tableaux.
"J'ai obtenu du Roy, pour vous, Monsieur, 200 livres par an en considération des soins et peines que vous prené lors de l'Exposition des tableaux du Louvre, Regardé ce petit avantage comme un témoignage du désir que j'ay de vous obliger. "
Lettre du 5 mai 1763, orth. de l'époque
En 1772 Chardin commence à être gravement malade. Il souffre probablement de ce que l'on appelait la maladie de la pierre, c'est-à-dire de coliques néphrétiques. À cause de l'âge et de la maladie, le 30 juillet 1774, il démissionne de sa charge de trésorier de l'Académie.

Le temps des pastel

Il faut faire une place à part au pastel dans l'œuvre de Chardin. Cet art, déjà pratiqué par Léonard de Vinci et Hans Holbein prend son essor au xvie siècle, notamment avec les portraits de la famille royale par Quentin de La Tour 1704-1788. Peut-être est-ce lui qui a donné le goût de cette technique à Chardin, son ami.
En 1760, Quentin de La Tour avait fait, au pastel, un portrait de Chardin Louvre, Cabinet des dessins qui l'avait offert à l'Académie à l'occasion de sa démission de la charge de trésorier.
"Le Secrétaire a ajouté que M. Chardin seroit flatté si l'Académie avoit agréable de lui permettre de placer en l'Académie son portrait peint au pastel par M. de la Tour …. 'Académie a reçu le don de son portrait avec action de grâces, et Elle a prié M. le Moyne, ancien Directeur et M. Cochin, Secrétaire, d'aller chés M. Chardin, dela part de la Compagnie, lui réitérer ses remerciements "
— Procès verbal de la Séance du 30 juillet 1774, orth. et syntaxe de l'époque
Le 7 janvier 1775, en présence de JChardin, ce portrait est accroché dans la salle des séances.
C'est au début des années 1770 que Chardin se consacre véritablement au pastel, ce qu'il explique notamment par des raisons de santé, dans une correspondance avec le comte d'Angivillier. Ce dernier est directeur et ordonnateur des Bâtiments du Roi depuis 1774. Les relations entre Chardin et lui sont extrêmement différentes de celles que le peintre entretenait avec le frère de Mme de Pompadour. Il est même possible de dire que Chardin doit faire face à un mépris teinté d'hostilité.
Ainsi, lorsqu'en 1778, il exprime auprès de d'Angivillier son désir de percevoir les honoraires jadis affectés à sa charge de trésorier de l'Académie, il se heurte au dédain du comte.

C'est dans ce contexte, et malgré ses ennemis, que Chardin s'impose auprès des amateurs par ses pastels, ultimes joyaux de son art. Aux Salons de 1771, 1773, 1775, 1777, 1779 il expose des autoportraits, des portraits de sa femme, des têtes de vieillards, des têtes d'enfants, des têtes d'expression, et une copie de Rembrandt.
Chardin connaît le succès avec ces dessins dans lesquels il fait preuve de bien plus de maîtrise que dans ses quelques portraits à l'huile. C'est un genre auquel on ne l'avait point vu encore s'exercer, et que, dans ses coups d'essais, il porte au plus haut degré, écrit un critique dans l'Année littéraire, en 1771.
Déjà les connaisseurs avaient remarqué que, dans ses peintures à l'huile, l'artiste juxtaposait les pigments plutôt qu'il ne les mélangeait sur la palette.
Ainsi, l'abbé Guillaume-Thomas-François Raynal, 1713-1796, dans sa Correspondance littéraire, 1750 :
"Il place ses couleurs l'une après l'autre sans pres­que les mêler de sorte que son ouvrage ressemble un peu à la mosaïque de pièces de rapport, comme la tapisserie faite à l'aiguille qu'on appelle point carré."
Le pastel permet à Chardin d'approfondir cette technique. Quant aux couleurs, elles s'imposent à l'artiste dans leur relation.
En effet, le problème n'est pas de savoir s'il y a du bleu ou du vert sur tel visage réel, mais s'il en faut dans le portrait. Un demi-siècle avant que les théories d'Eugène Chevreul 1786-1899 n'influencent les Impressionnistes, il développe dans ses pastels l'art du mélange optique des teintes, et de la touche hachurée qui accroche la lumière. Par-dessus ses bésicles, dans son Autoportrait de 1771 musée du Louvre, le doux et malicieux regard du Bonhomme" Chardin "invite l'amateur, non pas à scruter l'âme du peintre, mais à revenir sur l'œuvre même, pour observer, étudier sans cesse les audaces picturales qui confèrent une vie fascinante à son visage.
" Des trois couleurs primitives se forment les trois binaires. Si au ton binaire vous ajoutez le ton primitif qui lui est opposé, vous l'annihilez, c'est-à-dire vous en produisez la demi-teinte nécessaire. … De là, les ombres vertes dans le rouge. La tête des deux petits paysans. Celui qui était jaune avait des ombres violettes ; celui qui était le plus sanguin et le plus rouge, des ombres vertes. "Chardin aurait pu écrire, s'il avait été théoricien, ces notes extraites des Carnets de voyage au Maroc de Delacroix 1832… comme il aurait pu lui aussi déclarer que "l'ennemi de toute peinture est le gris. "
— Delacroix, Journal, année 1852

Chardin est à la fois conscient de la haute maîtrise dont témoigne son art, et du peu d'estime que l'on accorde aux peintres de nature morte :
" Si j'osais, en finissant, Monsieur le Comte après avoir parlé des intérêts du Trésorier, stipuler aussi ceux du peintre, je prendrois la liberté d'observer au Protecteur des Arts que cette faveur rejailliroit en même tems sur un artiste qui se plaît à convenir à la vérité que dans le courant de ses travaux, les bienfaits de sa Majesté l'ont aidé à soutenir la peinture avec honneur, mais qui a malheureusement éprouvé que les études longues et opiniâtres qu'exige la nature, ne le conduisoient point à la fortune. Si cette capricieuse m'a refusé ses faveurs, Elle n'a pu me décourager, ni m'enlever l'agrément du travail. Mes infirmités m'ont empêché de continuer à peindre à l'huile, je me suis rejeté sur le pastel qui m'a fait recueillir encore quelques fleurs, si j'ose m'en rapporter à l'indulgence du public. Vous même, Monsieur le Comte, avez paru m'accorder votre suffrage aux précédens Salons, avant que vous en fussiez le premier ordonnateur et vous m'avez encouragé dans cette carrière dans laquelle je me suis montré plus de 40 années. "
— Lettre du 28 juin 1778, fautivement datée par Chardin du 21 juin, orth. et syntaxe de l'époque

Dans sa réponse, d'Angivillier fait remarquer que Chardin percevait une somme déjà plus importante que les autres officiers ceux qui ont un office, c'est-à-dire une charge, un emploi dans le cadre de l'Académie. Mais surtout il reprend à son compte l'idée, qui n'avait presque plus cours chez les véritables amateurs d'art, que la peinture de natures mortes demande moins d'études et de travail que la peinture d'Histoire. En conséquence, il considère que ce fut une erreur de rémunérer aussi largement Chardin, qui devrait s'estimer bien heureux que le roi lui ait attribué un logement. Aux grands genres, les grandes pensions !

" Si vos ouvrages prouvent les soins qui vous ont mérité une réputation dans un genre, vous dévés sentir que l'on doit la même justice à vos confrères, et vous devés convenir qu'à travail égal vos études n'ont jamais comporté les frais aussi dispendieux ny des pertes de temps aussi considérables que celles de MM. Vos confrères qui ont suivi les grands genres. L'on peut même leur savoir gré du désintéressement, car si leurs prétentions se montoient en raison de leur fatigue, l'administration ne seroit pas en mesure de les satisfaire. "

— Lettre du 21 juillet 1778, orth. de l'époque
À aucun moment d'Angivillier ne suppose que l'absence de revendications de la part des autres membres de l'Académie puisse être simplement due à une reconnaissance du génie de Chardin dont les œuvres transcendant l'archaïque classement en "genres"
À sa mort, Madame de Pompadour avait, en quelque sorte, légué Boucher 1703-1770 à Louis XV qui en fit son Premier peintre en 1765 et le nomma directeur de l'Académie. Les attaques d'un Diderot, que sa morale bourgeoise frappe parfois de cécité esthétique, n'y font rien : Boucher est un grand peintre. Mais à la mort du favori de la favorite, les tenants de la peinture d'histoire se déchaînent. Charles Nicolas Cochin le jeune 1715-1790, grand ami de Chardin et jadis protégé de Marigny, en sera la victime : forcé de démissionner de sa place de secrétaire de l'Académie, il est remplacé par Jean-Baptiste Marie Pierre 1714-1789, nouveau Premier peintre du Roi.
Soutenue par d'Angevillier et Pierre qui tous deux méprisent Chardin — qui le leur rend bien plus encore — la peinture de grand genre s'apprête à lancer, avec le néo-classicisme le bouquet de ses derniers feux dans l'histoire de la peinture occidentale, avant de faire naufrage dans un académisme glorifiant des anecdotes submergées par des vagues de détails insignifiants.

Louis XV meurt en 1774, mais depuis dix ans déjà, Mme de Pompadour n'était plus à ses côtés pour orienter ses goûts. Cette même année, d'Angivillier, dont on a vu le peu d'estime qu'il avait pour Chardin, succède au frère de la favorite, protectrice des arts et des lettres. Le peintre souffre finalement assez peu de ces changements, et de toute façon, ses détracteurs ne parviennent pas à entraîner une désaffection du public cultivé.
Ainsi, au Salon du Louvre du 25 août 1779, Chardin expose ses derniers pastels. Mesdames – ainsi nommait-on les filles de Louis XV – connaissaient et appréciaient Chardin: pour leur demeure de Bellevue, il avait peint en 1761 deux dessus de portes, les Instruments de la musique guerrière, et les Instruments de la musique civile. L'une d'elles Mme Victoire, se laisse tenter par un portrait de Jacquet c'est-à-dire de jeune laquais:
"On a beaucoup parlé de la richesse du dernier salon. La reine et toute la famille royale voulurent le voir et en marquèrent leur satisfaction. Un des morceaux qui fit le plus de plaisir à Mme Victoire, dont le suffrage éclairé fait l'ambition des meilleurs artistes, fut un petit tableau de M. Chardin représentant un petit Jacquet. Elle fut si frappée de la vérité de cette figure que dès le lendemain, cette princesse envoya au peintre, par M. le comte d'Affry, une boîte en or, comme un témoignage du cas qu'elle faisait de ses talents. "
— Nécrologe des Hommes Célèbres, t. XV, 1780
Sans doute Mme Victoire a-t-elle voulu acheter le pastel ; Chardin le lui a offert, et le lendemain elle lui a fait parvenir une tabatière en or.

Lundi 6 décembre 1779, à 9 heures du matin, Jean Siméon Chardin meurt dans son appartement des galeries du Louvre.
Par l'inventaire après décès, nous savons que le ménage Chardin était à l'aise. Toutefois, Madame Chardin demande une part de réversion des rentes de son mari. On ne peut, cette fois, reprocher à d'Angivillier son refus :
"Mais quoiqu'il y ait eu, en effet, quelques exemples de veuves d'artistes qui ont obtenu des pensions après la mort de leurs maris, je trouve que c'étoient des ou des veuves d'artistes qui étoient morts spécialement au service du roy, ou quelques-unes qui, par la suite de la mort de leur mari, restoient dans un état de détresse telle que l'honneur des arts de l'Académie exigeoit en quelque sorte que l'on vint à leur secours. M. Chardin s'est fait une réputation méritée et dans le public et dans l'Académie, mais n'a pas eu le premier avantage, parce que la nature de son talent, quoique éminent, ne le comportoit pas. Je suis assuré que le second cas ne vous est pas applicable, et votre délicatese refuseroit sûrement un bienfait du roi à ce titre."
— Document des Archives Nationales datant de 1779, orth. de l'époque
Madame Chardin se retire chez un membre de sa famille. Elle meurt le 15 mai 1791.

La diffusion des œuvres : gravures et poèmes

Avant le XIXe siècle et en dehors des expositions et salons qui, de toute façon, ne duraient guère, peu de personnes pouvaient contempler des tableaux. La gravure, mode de reproduction autant que certes moyen d'expression pour de grands artistes, comme Rembrandt, fut également un mode de reproduction et diffusion d'une extrême importance depuis la fin du XIVe siècle jusqu'à l'invention de la photographie en 1839 par Daguerre.
Au XVIIIe siècle particulièrement, les collectionneurs se plaisaient à faire reproduire ainsi les œuvres de leurs galeries. Les tableaux de Jean-Baptiste Greuze et de Chardin les peintures de genre sont sans doute ceux qui, en ce siècle, ont donné lieu au plus grand nombre de gravures. Mariette en témoigne dans son Abécédario : « Les estampes qu'on a gravées d'après les tableaux de M. Chardin …sont devenues des estampes à la mode …. Le gros public revoit avec plaisir des actions qui se passent journellement sous ses yeux dans son ménage. » Souvent une brève légende en vers accompagne l'image.
En voici quelques exemples :
Une femme occupée à cacheter une lettre, gravure par Étienne Fessard 1714-1777 :
"Hâte-toi, Frontain : vois ta jeune Maîtresse,
Sa tendre impatience éclate dans ses yeux ;
Il lui tarde déjà que l'objet de ses Vœux
Ait reçu ce Billet, gage de sa tendresse.
Ah ! Frontain, pour agir avec cette lenteur
Jamais le Dieu d'Amour n'a donc touché ton cœur."

Les Bouteilles de savon, gravure par Pierre Filloeul 1696-après 1754 :
"Contemple bien Garçon
Ces petits globes de Savon :
Leur mouvement si variable
Et leur éclat si peu durable
Te feront dire avec raison,
Qu'en cela mainte Iris leur est assez semblable."

"Une dame qui prend du thé
gravure par Pierre Filloeul
Une dame qui prend du thé, gravure Pierre Filloeul :
« Que le jeune Damis seroit heureux, Climène,
Si cette bouillante liqueur,
Pouvoit échauffer votre cœur,
Et si le sucre avait la vertu souveraine
D'adoucir ce qu'en votre humeur
Cet amant trouve de rigueur."

Le Château de cartes ou Le Fils de M. Le Noir s'amusant à faire un château de cartes, gravure par Filloeul :
"Vous vous moquez à tort de cet adolescent
Et de son humble ouvrage
Prest à tomber au premier vent
Barbons dans l'âge même où l'on doit être sage
Souvent il sort de nos serveaux sic
De plus ridicules châteaux. "
Et parfois, le graveur lui-même est l'auteur de l'épigramme. Ainsi de la gravure d'après ce même tableau, par François-Bernard Lepiécé 1698-1755 :
"Aimable Enfant que le plaisir décide, Nous badinons de vos frêles travaux : Mais entre nous, quel est le plus solide De nos projets ou bien de vos châteaux. "

Philatélie

En 1946, émission d'un timbre de 2 francs et surtaxe de 3 francs au profit de L'Adresse Musée de La Poste, rouge-brun, représentant Le cachet de cire, ce timbre a fait l'objet d'une vente anticipée à Paris au Salon de la Philatélie le 25 mai 1946. Il porte le n° YT 753
En 1956, un timbre de la série Célébrités du du XVème au XXème siècle, vert, de 15 francs avec surtaxe de 5 francs est émis par la poste. Il figure la reproduction d'un autoportrait. Il est vendu en 1er jour à Paris le 9 juin. Il porte le n° YT 1069.
En 1997, dans la série artistique, la poste émet un timbre multicolore de 6,70 francs représentant le tableau Raisins et Grenades. La vente anticipée 1er jour a eu lieu à Paris le 27 septembre. Il porte le n° YT 310517.

La fortune critique

Le lien avec le rôle des estampes se fait tout naturellement sitôt que l'on sait que la sortie de chaque nouvelle gravure d'après un tableau de Chardin est la source d'un commentaire, généralement élogieux, dans le Mercure de France. Toutefois, ce n'est pas dans ce périodique qu'il convient de puiser quelques critiques. N.B. L'orthographe sera modernisée.
La Font de Saint-Yenne 1688-1776, Réflexions sur quelques causes de l'État présent de la Peinture en France, 1747 :
"J'aurais dû parler du Sieur Chardin dans le rang des peintres compositeurs et originaux. On admire dans celui-ci le talent de rendre avec un vrai qui lui est propre et singulièrement naïf, certains moments dans les actions de la vie nullement intéressants, qui ne méritent par eux-mêmes aucune atten­tion, et dont quelques-uns n'étaient dignes ni du choix de l'auteur ni des beautés qu'on y admire: ils lui ont fait cepen­dant une réputation jusque dans le pays étranger. Le public avide de ses tableaux, et l'auteur ne peignant que pour son amusement et par conséquent très peu, a recherché avec empressement pour s'en dédommager les estampes gravées d'après ses ouvrages. Les deux portraits au Salon, grands comme nature, sont les premiers que j'ai vus de sa façon. Quoi qu'ils soient très bien, et qu'ils promettent encore mieux, si l'auteur en faisait son occupation, le public serait au désespoir de lui voir abandonner, et même négliger un talent original et un pinceau inventeur pour se livrer par complaisance à un genre devenu trop vulgaire et sans l'aiguillon du besoin. "
Anonyme," Éloge historique de M. Chardin" , le Nécrologue des Hommes illustres, 1780 :

"Son premier maître fut la nature : il avait porté en naissant l'intelligence du clair-obscur, et il s'attacha de bonne heure à perfectionner ce talent si rare, persuadé que c'est la couleur qui fait tout le charme de l'imitation, et qui donne à la chose imitée un prix qu'elle n'a pas souvent dans la réalité. Cette exactitude l'empêcha sans doute de s'élever au genre de l'Histoire, qui exige plus de connaissances, une imagination plus vaste, plus d'effort, de génie, et plus de détails que tous les autres genres, ou, pour mieux dire, qui les réunit tous. Il se borna à un seul, préférant d'être le premier dans un genre inférieur, que d'être confondu dans la foule des Peintres mé­diocres dans un genre plus élevé ; aussi sera-t-il toujours re­gardé comme un des plus grands Coloristes de l'École Fran­çaise. "

Charles Nicolas Cochin, 1715-1790, Essai sur la vie de M. Chardin, 1780 :
"Ces tableaux lui coûtaient beaucoup de temps, parce qu'il ne se contentait pas d'une imitation prochaine de la nature, qu'il y voulait la plus grande vérité dans les tons et dans les effets. C'est pourquoi il les repeignait jusqu'à ce qu'il fut parvenu à cette rupture de tons que produit l'éloignement de l'objet et les renvois de tous ceux qui l'environnent, et qu'enfin il eût obtenu cet accord magique qui l'a si supérieurement distin­gué. … Aussi, quoiqu'en général son pinceau fût peu agréable et en quelque sorte raboteux, il était bien peu de tableaux qui pussent se soutenir à côté des siens, et l'on disait de lui, comme de M. Restout le père, que c'était un dangereux voisin. Ses tableaux avaient, de plus, un mérite fort rare: c'était la vérité et la naïveté, soit des attitudes, soit des compositions. Rien n'y paraissait amené exprès ni pour grouper ni pour produire de l'effet ; et cependant toutes ces conditions étaient remplies avec un art d'autant plus admirable qu'il était plus caché. Indépendamment du vrai et de la force du coloris, cette sim­plicité si naturelle charmait tout le monde. En général, le public est peu touché des efforts de génie qu'on fait pour trouver des effets et des tournures qu'on nomme pittoresques. À la vérité, elles ont quelquefois un vrai mérite ; mais trop souvent elles s'écartent de la nature et manquent par là l'im­pression qu'on s'était proposé qu'elles fissent. C'est la vérité et le naturel que le plus grand nombre cherche principalement: aussi M. Chardin eut-il les plus grands succès dans toutes les expositions. "

Edmond et Jules de Goncourt, Chardin, Gazette des Beaux-Arts, 1864 :
"Chez lui, point d'arrangement ni de convention : il n'admet pas le pré­jugé des couleurs amies ou ennemies. Il ose, comme la nature même, les couleurs les plus contraires. Et cela sans les mêler, sans les fondre : il les pose à côté l'une de l'autre, il les oppose dans leur franchise. Mais s'il ne mêle pas ses couleurs, il les lie, les assemble, les corrige, les caresse avec un travail systémati­que de reflets, qui, tout en laissant la franchise à ses tons posés, semble envelopper chaque chose de la teinte et de la lumière de tout ce qui l'avoisine. Sur un objet peint de n'importe quelle couleur, il met toujours quelque ton, quelque lueur vive des objets environnants. À bien regarder, il y a du rouge dans ce verre d'eau, du rouge dans ce tablier bleu, du bleu dans ce linge blanc. C'est de là, de ces rappels, de ces échos continus, que se lève à distance l'harmonie de tout ce qu'il peint, non la pauvre harmonie misérablement tirée de la fonte des tons, mais cette grande harmonie des consonances, qui ne coule que de la main des maîtres."
Marcel Proust, Chardin et Rembrandt , écrit en 1895 et publié en premier dans Le Figaro Littéraire, 27 mars 1954 :

"Si je connaissais ce jeune homme, je ne le détournerais pas d'aller au Louvre et je l'y accompagnerais plutôt ; mais le menant dans la galerie Lacaze et dans la galerie des peintres français du XVIIIe siècle, ou dans telle autre galerie fran­çaise, je l'arrêterais devant les Chardin. Et quand il serait ébloui de cette peinture opulente de ce qu'il appelait la médio­crité, de cette peinture savoureuse d'une vie qu'il trouvait insipide, de ce grand art d'une nature qu'il croyait mesquine, je lui dirais : Vous êtes heureux ? Pourtant qu'avez-vous vu là? qu'une bourgeoise aisée montrant à sa fille les fautes qu'elle a faites dans sa tapisserie, La mère laborieuse, une femme qui porte des pains la Pourvoyeuse, un intérieur de cuisine où un chat vivant marche sur des huîtres, tandis qu'une raie morte pend aux murs, un buffet déjà à demi dégarni avec des cou­teaux qui traînent sur la nappe Fruits et Animaux, moins encore, des objets de table ou de cuisine, non pas seulement ceux qui sont jolis, comme des chocolatières en porcelaine de Saxe, Ustensiles variés, mais ceux qui vous semblent le plus laids, un couvercle reluisant, les pots de toute forme et toute matière la Salière, l'Écumoire, les spectacles qui vous répugnent, poissons morts qui traînent sur la table, dans le tableau de la Raie, et les spectacles qui vous écœurent, des verres à demi vidés et trop de verres pleins Fruits et Animaux. Si tout cela vous semble maintenant beau à voir, c'est que Chardin l'a trouvé beau à peindre. Et il l'a trouvé beau à peindre parce qu'il le trouvait beau à voir. "
Maurice Denis 1870-1943, Cézanne , l'Occident, no 70, septembre 1907 :

L'aspect caractéristique des tableaux de Cézanne vient de cette juxtaposition, de cette mosaïque de tons séparés et légè­rement fondus l'un dans l'auteur « Peindre, disait-il, c'est en­registrer ses sensations colorées. » Telles étaient les exigences de son œil qu'il lui fallait recourir à ce raffinement de technique pour conserver la qualité, la saveur de ses sensations, et contenter son besoin d'harmonie… Les fruits de Cézanne, ses figures inachevées sont le meilleur exemple de cette méthode de travail, renouvelée peut être de Chardin: quelques touches carrées en indiquent par de doux voisinages de teintes la forme arrondie ; le contour ne vient qu'à la fin, comme un accent rageur, un trait à l'essence, qui souligne et isole la forme déjà rendue sensible par le dégradé de la couleur.
Élie Faure 1873-1937, Histoire de l'Art, Art Moderne, IV, 1921, :

"Toute la splendeur est dans la volupté exclusive de peindre que jamais, Vermeer de Delft à part, sans doute, nul ne posséda à ce degré. Le bon peintre Chardin fait sa tâche avec amour, comme un bon menuisier, un bon maçon, un bon tourneur, un bon ouvrier qui a fini par aimer la matière qu'il travaille et l'outil qui le tire de l'uniforme ennui et l'élève à la dignité de connaître ses moyens. Il n'y a pas plus d'amour dans le bras nu sortant de la manche échancrée que dans la serviette qu'il tient et le gigot qui la remplit et pèse à la main rose et grasse. C'est avec la même attention qu'il a peint la petite fille appliquée à bien dire le Bénédicité pour avoir plus vite sa soupe, la maman qui va la servir et s'amuse à la regarder, et les harmonies bourgeoises qui les entourent l'une et l'autre, les tabliers, les robes de laine, la raie bleue courant sur la nappe, la soupière, les meubles de chêne verni, l'ombre rôdante et caressante. Il sait que tout cela s'accorde, que la vie des objets dépend de la vie morale des êtres, que la vie morale des êtres reçoit le reflet des objets. Tout ce qui est a droit à son tendre respect. Il est avec Watteau, en France, le seul peintre religieux de ce siècle sans religion. "
André Malraux, Les Voix du silence, Paris, 1951 :

"L'humilité de Chardin implique moins une soumission au modèle qu'une destruction secrète de celui-ci au bénéfice de son tableau. Il disait qu'« on fait de la peinture avec des sentiments, non avec des couleurs ; mais avec ses sentiments il faisait des pêches. L'enfant du Dessina­teur n'est pas plus attendrissant que la nature morte au pichet, et l'admirable bleu du tapis sur lequel il joue n'est pas très soumis au réel : la Pourvoyeuse est un Braque génial, mais tout juste assez habillé pour tromper le spectateur… Chardin n'est pas un petit maître du xviiie siècle plus délicat que ses rivaux, c'est, comme Corot, un simplificateur doucement impé­rieux. Sa maîtrise silencieuse détruit la nature morte baroque des Hollandais, fait de ses contemporains des décorateurs, et rien ne peut lui être opposé en France, de la mort de Watteau à la Révolution… "
René Demoris, La Nature morte chez Chardin, Revue d'esthétique, 1969 :

Fréquemment, la nature morte hollandaise surprend les objets, dans l'ordre où l'homme, pour son usage, les a disposés. Elle tend en somme à constituer une scène de genre dont l'homme est provisoirement absent …. Latente encore chez les Hollandais, la présence humaine est résolument expulsée chez Chardin. On saisit mieux pour­quoi il se débarrasse si vite du chien et du chat, qui constituent un élément anecdotique et parasite.
… Si les personnages sont bien représentés dans une action, cela ne veut pas dire en mouvement: ils sont saisis dans un temps mort de cette action, qui les met en position de repos. Pour le déjeuner, c'est l'instant du Bénédicité ; pour la sortie de l'en­fant, celui où la gouvernante jette sur lui un dernier regard. De même, la servante immobile et courbée tient une cruche sous la fontaine. Mieux encore, le garçon cabaretier et la servante qui nettoient poêle ou tonneau ont relevé la tête et regardent quelque chose qui doit être hors du tableau. L'instant où est présentée la pourvoyeuse, c'est celui où, ayant déposé le pain sur le buffet et son sac encore à la main, elle semble reprendre son souffle. Suspension encore plus nette dans le cas des enfants qui construisent des châteaux de cartes et semblent retenir geste et souffle pour ne pas les ébranler, ou de celui qui est fasciné par son toton.
… Chez les mères ou les gouvernantes qui regardent des enfants, le regard est attentif, mais sans fonction précise: on peut mettre tout ce qu'on veut dans le regard de la Jeune Gouvernante de la National Gallery ou dans celui de la Mère du Bénédicité. Il semble que, l'enfant cessant de requérir l'attention, l'adulte, prenant sur lui un léger recul, le regarde pour rien, pour le regarder — et c'est peut-être sur cette plage d'attention sans but précis que pourrait se définir le senti­ment, dans ce moment de temps perdu, où l'être, objet de l'activité, est regardé pour lui-même, hors de toute exigence pratique. Ce temps mort, que rien n'habite, car nous ne savons ce que regarde la servante, et le visage de la mère n'exprime rien, n'est pas soumis au temps que découpe l'ac­tivité entreprise : il donne donc le sentiment d'une durée indé­finie, nous montrant des personnages à la fois engagés dans une action et détachés d'elle.

Collectionneurs célèbres du XVIIIe siècle

Fréd
éric II de Prusse

Louis XV par Quentin de La Tour
L'œuvre de Chardin a été largement diffusée de son vivant auprès de nombreux collectionneurs. La liste des différents propriétaires de ses tableaux, très loin d'être exhaustive, n'est ici présente que pour donner un aperçu de la très haute estime dans laquelle Chardin était tenu par ses contemporains.

Les princes

Louise Ulrique de Prusse, reine de Suède 1720-1782, sœur du roi de Suède Adolphe Frédéric : au moins 10 tableaux. N.B. Les ambassadeurs de Suède ont apporté beaucoup d'informations sur les méthodes de travail de Chardin.
Louis XV 1710-1774): 3 tableaux et 5 dessus de porte.
Caroline-Louise de Hesse-Darmstadt 1723-1783, margravine de Bade. Elle possédait 5 tableaux de Chardin, dont 4 se trouvent encore au musée de Karlsruhe.
Catherine II de Russie 1729-1796 possédait 5 tableaux.
Frédéric II de Prusse, 1712-1786 : 3 tableaux.
Prince Joseph Wenzel de Liechtenstein 1696-1772, ambassadeur d'Autriche à Paris : 10 œuvres, dont 3 pastels.
La noblesse
Pierre-Louis Éveillard, marquis de Livois 1736-1790 : 10 œuvres 3 sont au musée des Beaux-Arts d'Angers, et 2 au Louvre.
Chevalier Antoine de Laroque 1672-1744 : 10 tableaux à la vente après décès.
Les artistes
Joseph Aved 1702-1766, peintre et ami de Chardin. Ce dernier fit son portrait. Il possédait au moins 9 tableaux de Chardin, uniquement des natures mortes. Il en vendit 2 à la margravine Caroline Louise.
Jean-Baptiste Pigalle 1714-1785, sculpteur : au moins 6 tableaux.
Jacques-Augustin de Sylvestre 1719-1809, graveur : au moins 16 tableaux.
Dominique Vivant, baron Denon, dit Vivant Denon 1747-1825, graveur et directeur du Musée Napoléon : 2 tableaux.
Jean-Baptiste Marie Pierre 1714-1789, peintre : un tableau représentant une poularde et un coquemard.

Liens
http://youtu.be/B4GMuAkg6jE Diaporama
http://youtu.be/MA-9y3J142E Diaporama
http://youtu.be/HE_whO3qt_I Diaporama
http://youtu.be/fxF3MFAgPsc Diaporama
http://youtu.be/e4kzoHTe2lk La raie
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Posté le : 31/10/2014 19:18
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Dimitri Metropoulos
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Hors Ligne
Le 2 novembre 1960 à Milan meurt, à 64 ans, Dimitr, Dimitris Mitropoulos

en grec moderne : Δημήτρης Μητρόπουλος né le 1er mars 1896 à Athènes, chef d'orchestre classique et romantique, pianiste et compositeur grec de 1926 à 1937, il dirige l'orchestre de Minneapolis de 1937 à 1949, celui de New York de 1949 à 1960, il restera en activité de 1926 à 1960, il collabore avec les concerts Symphoniques de Minneapolis,de Philharmonique, de New York, de Metropolitan Opera, avec Joseph Szigeti

Robert Casadesus et David Oïstrakh. Il a été formé au Conservatoire d'Athènes par les maîtres Armand Marsick, Ferruccio Busoni, il aura pour élève Élèves Leonard Bernstein, il reçoit istinctions la Légion d'honneur. Son répertoire se compose de musique symphonique, musique concertante, musique contemporaine, et Opéra, il est naturalisé américain en 1946. Dimitri Mitropoulos est l'un des grands musiciens charismatiques que la Grèce ait donné et, avec Maria Callas, le musicien classique le plus important issu de ce pays au XXe siècle.
Ayant commencé sa carrière par un tour de force qui plut au public en jouant le troisième concerto de Prokofiev, en tant que pianiste et dirigeant l'orchestre en même temps, sa personnalité et ses dons ont produit sur les orchestres – et l'auditeur – d'exceptionnels résultats artistiques. Pourvu d'une phénoménale mémoire qui lui permettait de diriger sans partition, il aborde le répertoire dans une esthétique engagée et incisive, arrachant aux musiciens qu'il dirige tout leur potentiel.
De ses trente-cinq ans de carrière, effectuée pour les deux tiers aux États-Unis, et grâce à l'enregistrement, il reste de lui quelques interprétations majeures, immortalisant des collaborations avec des solistes, des œuvres symphoniques et des témoignages lyriques qui font date pour le discophile.

En bref

Au même titre que Maria Callas, Dimitri Mitropoulos est devenu une figure de légende parmi les musiciens grecs. C'est pourtant hors de son pays natal qu'il a accompli l'essentiel de sa carrière. Personnalité au tempérament impétueux, pianiste, chef d'orchestre, compositeur, il a connu la plus belle mort qui se puisse rêver pour un musicien : une crise cardiaque pendant une répétition de la Troisième Symphonie de Gustav Mahler à la Scala de Milan.
Un heureux hasard va décider du cours de sa carrière : invité à diriger l'Orchestre philharmonique de Berlin, il remplace au pied levé, le 27 février 1930, le soliste Egon Petri, tombé subitement malade, dans le Troisième Concerto pour piano de Serge Prokofiev, qu'il dirige du clavier. Le succès est immense et Mitropoulos est immédiatement réclamé par l'Europe entière. Il jouera le même concerto dans les mêmes conditions simultanément comme pianiste et comme chef à Paris en 1932, puis aux États-Unis. Plus tard, impressionné par cette prouesse, le compositeur Ernst Krenek écrira à sa double intention son Troisième Concerto pour piano, que créera Mitropoulos en 1946. Lors de ses débuts parisiens, il triomphe d'emblée et est invité à diriger régulièrement l'Orchestre symphonique de Paris entre 1932 et 1936. C'est le même accueil lors de son premier concert aux États-Unis, avec l'Orchestre symphonique de Boston en 1936.
Directeur musical de l'Orchestre symphonique de Minneapolis de 1937 à 1949, il y fait connaître les grandes œuvres du XXe siècle, notamment celles de Dmitri Chostakovitch et des musiciens de l'école de Vienne, ce qui suscite une certaine réticence dans un public traditionaliste. Mais son charisme suffit à emporter la partie et il transforme cet orchestre modeste en une formation de niveau national. C'est l'époque à laquelle il réalise le tout premier enregistrement de la Première Symphonie de Mahler 1940. En 1946, il adopte la nationalité américaine. Il est invité régulièrement par l'Orchestre de Philadelphie et celui de la N.B.C. À partir de 1949, il partage la direction de l'Orchestre philharmonique de New York avec Leopold Stokowski ; deux ans plus tard, il en devient le seul directeur musical 1951-1957. Il en élargit considérablement le répertoire en dirigeant notamment les symphonies de Mahler (première américaine de la Cinquième Symphonie, des œuvres d'Arnold Schönberg et d'Alban Berg ainsi que beaucoup de musique de son temps. Il innove également en conduisant des opéras du XXe siècle Elektra de Richard Strauss, Wozzeck de Berg) en version de concert. En 1951, il débute au Mai musical florentin Elektra et au festival d'Édimbourg. Un an plus tard, il dirige pour la première fois à la Scala de Milan Wozzeck. Le 15 décembre 1954, il débute au Metropolitan Opera de New York en dirigeant une légendaire Salomé de Richard Strauss, avec Christel Goltz dans le rôle-titre ; il y dirigera régulièrement une douzaine d'opéras jusqu'à sa mort. En 1956, il débute à l'Opéra de Chicago La Fanciulla del West de Puccini. La même année, pour le bicentenaire de la naissance de Mozart, il dirige un Don Giovanni d'anthologie au festival de Salzbourg, où il reviendra chaque année jusqu'à sa mort. À New York, cependant, son autorité sur les musiciens de l'Orchestre philharmonique s'effrite au fil des années : l'homme était à la fois trop doux et trop passionné pour s'imposer dans la durée face à un orchestre difficile à tenir. Attaqué de toute part dans le contexte maccarthyste pour son homosexualité, profondément ébranlé, il abandonne son poste en 1957, et son assistant Leonard Bernstein lui succède. Sa carrière se concentre alors autour des plus grands orchestres et opéras européens : Scala de Milan, Mai musical de Florence, Staatsoper de Vienne... C'est au cours d'une de ces tournées qu'il meurt à Milan, le 2 novembre 1960.

Sa vie

Dimitri Mitropoulos naît à Athènes le 1er mars 1896, calendrier grégorien ; 18 février 1896 dans le calendrier julien, à Athènes dans une famille de la classe moyenne non musicienne et très religieuse. Son père, Yannis, est pope et tient une boutique de maroquinerie dans le centre-ville. Sa mère, Angelikē, est ambitieuse pour son fils et facilite une bonne éducation en langues et en musique. Très précoce dans ce domaine, Dimitri sculpte une petite flûte à cinq ans et se met au piano, dès l'âge de sept ans, avec le pianiste italien Achilleas Delbuono, il découvre la musique au travers de la liturgie orthodoxe.
L'enfant voulait d'abord entrer dans les ordres – quelques-uns de ses aïeux y étaient et son oncle était évêque. Mais il abandonne ce plan lorsqu'il apprend qu'il ne pourra pas emmener au monastère son bien le plus précieux, un petit harmonium, les instruments de musique étant proscrits des rites orthodoxes grecs.
Avant d'étudier au conservatoire, Mitropoulos composait déjà. La première œuvre connue date de ses douze ans : une sonate pour violon et piano – hélas perdue. De onze à quatorze ans, il profite d'après-midi musicaux stimulants chez lui, chaque samedi.
Il commence l'étude du piano à l'âge de sept ans et entre en 1910 à l'Odéon, conservatoire de la capitale grecque, où il va travailler le piano avec L. Wassenhoven, l'harmonie et le contrepoint avec Armand Marsick, musicien belge qui a longtemps séjourné à Athènes. Il obtient ses diplômes respectivement en 1918 et 1920 et reçoit parallèlement une formation universitaire. Il n'a pas encore terminé ses études qu'il compose un opéra d'après Maeterlinck, Sœur Béatrice 1918, créé à l'Odéon le 20 mai 1919. Camille Saint-Saëns, qui assistait à la représentation, est impressionné par le talent du jeune homme et lui permet d'obtenir une bourse pour aller étudier la composition à Bruxelles avec Paul Gilson 1920.
À seize ans, lors d'un voyage à Rome pendant l'été 1912, il découvre son idéal de vie mis en pratique : Saint-François d'Assise. Les austères règles de vie franciscaines deviendrons pour lui naturelles, parce qu'issues d'une dimension spirituelle. Comme François s'est donné au Christ, Dimitri se donne entièrement à la musique, à l'essence de chaque partition nouvelle, avec autant de foi que le Saint prêchant aux oiseaux.

Athènes

Mitropoulos entre au Conservatoire d'Athènes en 1910. Il étudie l'harmonie et le contrepoint avec le belge Armand Marsick 1877–1959, compositeur, violoniste et chef d'orchestre dès 1912. Marsick, lui-même élève de d'Indy, a participé de manière décisive au goût du jeune compositeur en le familiarisant avec la culture musicale française, César Franck, Debussy et les compositeurs de Schola Cantorum notamment. Il reçoit l'enseignement de Ludwig Wassenhoven pour le piano 1913–1919 et pratique aussi la percussion.
Le jeune Dimitri se produit sur scène pour la première fois au piano en 1913, avec une de ses compositions en compagnie de son professeur. Le 29 avril 1915, à tout juste dix-neuf ans aux concerts réguliers de l'Orchestre du conservatoire, il dirige une de ses premières œuvres symphoniques, La mise au tombeau, Ταφή, pièce d'une veine post-romantique et impressionniste, influencée par la musique française. Enfin, il fait ses débuts de pianiste soliste en 1918 avec une œuvre de d'Indy.
La même année il compose une grande œuvre sur un livret de Maeterlinck, Sœur Béatrice, opéra en trois actes – une heure et demie de musique – créé l'année suivante à l'Odéon avec Katina Paxinou dans le rôle titre, en présence de Saint-Saëns. Enthousiasmé par ce qu'il a entendu, le musicien français écrit un long article élogieux, lui propose de partir étudier la composition avec Paul Gilson à Bruxelles et engage le conservatoire d'Athènes à lui offrir une bourse. En 1919, après dix ans d'études, il obtient sa médaille au piano avec brio. En 1920, il se rend en Belgique et poursuit sa formation au Conservatoire royal de Bruxelles. Il étudie aussi l'orgue avec Alphonse Desmet.

Berlin

En 1921, Mitropoulos se rend à Berlin pour se perfectionner au piano à la Hochschule für Musik dans la classe du compositeur et professeur Ferruccio Busoni. En 1922, il lui présente Eine Griechishe Sonate 1920–21, une œuvre pour piano composée à Bruxelles, sa plus vaste par ses dimensions à cette date. Busoni la reçoit mal et cela provoque chez Mitropoulos un choc qui le prive pour longtemps de l'envie de composer. Busoni le pousse à abandonner la composition et à choisir la direction d'orchestre. Si l'opportunité de diriger ne s'était pas présentée, il aurait pu abandonner ses études. Malgré cette critique négative et son impact, Mitropoulos est profondément influencé par l'esthétique de Busoni et on en retrouve des éléments tout au long de sa carrière d'artiste.
De 1922 à 1924, il travaille comme assistant Korrepetitor du Generalmusikdirektor Erich Kleiber au prestigieux Staatsoper Unter den Linden l'Opéra d'État de Berlin, y découvrant les subtilités de la scène. Il a l'occasion d'y briller dans les solos de piano de Petrouchka ou de Prométhée de Scriabine. Il passe aussi beaucoup de son temps à improviser à l'orgue dans une église.
À Berlin, il loge avec son collègue grec Nikos Skalkottas 1904–1949, compositeur encore méconnu de nos jours. En 1924, Skalkottas orchestre une de ses pièces pour piano, Fête crétoise 1919, créée à Athènes deux ans plus tard. Par la suite, Mitropoulos programme au concert quelques-unes de ses populaires Danses grecques, qu'il enregistra dans les années 1950 à New York.
À l'été 1924, il rentre à Athènes et, muni d'une recommandation de Kleiber, prend le poste d'assistant à l'Orchestre du Conservatoire d'Athènes. Après quatre ans de silence, il se remet à composer avec une sensible transformation dans l'idiome musical : sa Passacaglia, Intermezzo e Fuga pour piano 1924 est la première de ses compositions de style atonal. Malgré tout, l'influence de Busoni s'y fait encore ressentir dans le choix de formes baroques, la passacaille et la fugue. En 1925, il compose un cycle de mélodies sur des textes du poète Cavafy Inventions. Là encore, chaque pièce emprunte à une forme baroque : par exemple canon, fugue ou passacaille. Le matériau musical, rythmique ou tonal, utilisant pour sa part des procédés de diminution et d'augmentation par rapport à la mélodie. Suit son Ostinata pour violon et piano 1927, première composition usant des techniques sérielles – les publications de Schoenberg datant de 1925.
Ces trois œuvres sont jouées le 5 juin 1927 à Athènes, devant un public réticent à ce nouveau langage dissonant et atonal. Mais ce qui cause le scandale, c'est surtout la mise en musique des textes de Cavafy. Ces derniers évoquent l'incertitude du lendemain, la moralité, les plaisirs sensuels, l'homosexualité, et font référence à des personnages réels ou de la littérature. C'était beaucoup pour le milieu conservateur. La critique qualifia le tout d'esthétique psychopathe.
L'année suivante, il écrit son Concerto Grosso 1928 pour orchestre, considéré comme sa meilleure œuvre. Dans cette pièce, il revient à un style atonal, mais juxtapose des éléments d'esthétiques opposées : consonant/dissonant, homophone/contrapuntique, néoclassique/moderniste.

Débuts

Dès 1926, à tout juste trente ans, on lui confie tour à tour les divers orchestres de la capitale grecque, et ce jusqu'en 1937. En 1930, il est nommé professeur de composition au Conservatoire ; il a trente-quatre ans.
La même année, sa carrière est propulsée par un heureux concours de circonstances. Invité par l'Orchestre philharmonique de Berlin pour un concert avec le pianiste Egon Petri lui aussi élève de Busoni, il a l'occasion de marquer les esprits. Au programme, la création allemande de trois œuvres : le troisième concerto de Prokofiev, la Symphonie de Paul Dukas et son Concerto grosso pour orchestre 1928. Le soliste, Egon Petri étant indisposé quelques jours avant le concert, Mitropoulos décide de le remplacer. Il connaissait la partition qu'il avait créée le 17 novembre 1929, lors d'un concert à Athènes. Les répétitions s'engagent avec bonheur et le concert est un succès 27 février 1930, augmenté par une publicité sur le remplacement au pied levé de Petri. Mitropoulos devient le premier soliste de son époque à diriger l'orchestre du piano dans ce répertoire moderne si exigeant pour le soliste et le chef. Pour lui ce n'était cependant pas une première. Le 18 décembre 1927 à Athènes, il avait déjà donnée ainsi les Variations Symphoniques de César Franck, jouant et dirigeant en même temps. La pratique est d'ailleurs courante pour les Concertos de Mozart ou même la Rhapsodie in Blue de Gershwin. Mais dans une œuvre complexe, virtuose, épuisante pour le pianiste, c'est une gageure. Pendant la pause, le pianiste Frederic Lamond vient le féliciter de sa performance.
Il semble que Prokofiev fut un peu gêné par la concurrence de la renommée offerte à Mitropoulos par la publicité du concert de Berlin ; le musicien russe gagnait lui-même sa vie en exécutant cet impressionnant concerto. Il fut ainsi poussé à écrire un autre concerto.

Tournées

Fort du succès berlinois, Dimitri Mitropoulos entreprend une carrière internationale de pianiste et de chef d'orchestre. Le 14 février 1932 à Paris, il joue ce même concerto avec l'Orchestre des Concerts Lamoureux, dans les mêmes conditions, ce qu'on lui demande de faire souvent. De 1932 à 1936, il dirige aussi régulièrement l'Orchestre symphonique de Paris – créé en octobre 1928 par Monteux et Ansermet. Quinze jours plus tard, il se produit en Angleterre. En février 1933, il fait ses débuts en Italie, invité à diriger l'Orchestre de l'Académie Sainte Cécile et à la Scala de Milan. L'année suivante, il joue de nouveau en France, en Italie, mais aussi en Belgique et en Pologne. En mai, il est en Russie pour diriger les Philharmoniques de Moscou et de Leningrad. Il est également invité à diriger plusieurs saisons à Monte Carlo.
À Athènes, pendant une dizaine années, il crée de nombreuses œuvres en premières dans la cité hellène : Debussy, Ravel, Stravinsky, Honegger, Serge Prokofiev, Strauss, Falla, Hindemith et bien d'autres, réformant le répertoire symphonique familier des auditeurs. Pendant ces années, il a invité des solistes du moment à se produire en Grèce : Camille Saint-Saëns, Cortot, Thibaud, Casals, Huberman, Brailowsky, Dohnányi, Kreisler et Nathan Milstein. Il a aussi laissé diriger son orchestre par des chefs aussi prestigieux que Martinon, Walter, Jochum ou Scherchen.
Il forme de jeunes artistes grecs, tel Théodore Vavayiannis, élève et assistant de Mitropoulos à l'orchestre du conservatoire. Sous sa direction, il a appris à mémoriser les partitions et plus tard Vavayiannis dirigera sans partition et sans baguette, comme son maître.
Après l'avoir vu diriger en Europe, Serge Koussevitsky l'invite à faire ses débuts aux États-Unis, avec l'Orchestre symphonique de Boston, le 24 janvier 1936. Mitropoulos revient l'année suivante pour une deuxième série de concerts à Boston, encore plus vivement acclamée que la précédente.
Le Northrop Auditorium à Minneapolis, où a été enregistré la première Symphonie de Mahler en novembre 1940.

Minneapolis, 1937–1949

En janvier 1937 à la suite d'Ormandy, il est nommé directeur musical de l'Orchestre symphonique de Minneapolis aujourd'hui appelé Minnesota Orchestra, mais assume son poste à Athènes encore jusqu'en janvier 1938. Au lendemain de sa première soirée à Minneapolis le 27 janvier 1937, le journaliste et écrivain John K. Sherman écrit : Mitropoulos apparaît comme un fanatique qui a vendu son âme à la musique et dirige son orchestre comme un homme possédé.
Mitropoulos transforme rapidement un orchestre provincial de bonne stature, en un grand orchestre américain reconnu internationalement comme centre de musique contemporaine. À la grande confusion du public, il choisit de jouer des compositeurs du xxe siècle, Gustav Mahler en particulier. Cette tendance se trouve renforcée par ailleurs : de 1942 à 1947, Křenek se trouve en résidence à la Hamline University de Saint Paul, ville jumelle de Minneapolis et, en 1944, Louis Krasner – commanditaire et dédicataire du Concerto d'Alban Berg – devient premier violon de l'orchestre, si bien que de les Twin Cities étaient l'un des sièges et une citadelle de la musique atonale, comme le dit John K. Sherman.
Il participe au développement de la culture musicale à université, suscitant parfois des vocations12. En janvier 1937, il rencontre pour la première fois Leonard Bernstein, encore étudiant à Harvard, vingt ans tout juste. Lors d'une réception, Mitropoulos a entendu L. Bernstein jouer une sonate. Il en était tellement stupéfait que sur le coup, il a invité Bernstein à passer une semaine pour assister aux répétitions et aux concerts de l'orchestre. C'est ainsi que Bernstein s'est passionné pour la direction. Lorsque Mitropoulos est retourné à Minneapolis, il a envoyé de l'argent à Bernstein pour lui permettre de venir pendant les vacances d'hiver. De retour à Harvard, Bernstein décide d'étudier la direction d'orchestre alors qu'il voulait initialement devenir pianiste.
La même année, il dirige la création de la première Bachianas brasileiras de Heitor Villa-Lobos et du Concerto pour violon et orchestre d'Ernest Bloch, aux côtés de Joseph Szigeti à Cleveland. Toujours à Minneapolis, en 1941, il crée des œuvres de John Verrall 1908-2001 aux saisons 1940–41, et la Symphonie en mi bémol de Paul Hindemith.
Mitropoupos vivait de façon très austère, se contentant pendant longtemps d'une petite cave dans un bâtiment de l'université, qui ne contenait qu'un lit, un piano droit et quelques affaires personnelles. Son divertissement préféré est le cinéma et tout spécialement les westerns. Dès son arrivée à Minneapolis, il soutient moralement et financièrement nombre de jeunes musiciens, tel David Diamond à qui il commande en tout huit œuvres nouvelles et L. Bernstein.
Dès 1940, Mitropoulos commence à enregistrer avec son orchestre: Franck, Symphonie, Prokofiev première Symphonie Mendelssohn Capriccio brillant avec Joanna Graudan. Après une bataille avec le conseil d'administration de l'orchestre pour l'autoriser à produire une œuvre de Mahler, il enregistre la première symphonie le 4 novembre 1940, un des premiers enregistrements de l'œuvre. Il poursuit avec des Mozart Entr'actes de Thamos, Mendelssohn troisième Symphonie, Borodine deuxième Symphonie, sa transcription de la Fantaisie et fugue de Bach, Milhaud Le bœuf sur le toit – une première au disque. En concert il laisse aussi de mémorables Berg avec le NBC Concerto pour violon avec Joseph Szigeti. Puis ce sera Tchaikovski deuxième Symphonie, Massenet Scènes alsaciennes, Schumann Troisième Symphonie, le premier Concerto de Tchaikovski avec Artur Rubinstein et le Concerto pour deux pianos de Poulenc.
À part Szigeti, Rubinstein et Joanna Graudan, il collabore avec Rudolf Serkin, Robert Casadesus, Claudio Arrau, pour la seule saison 1938–39. Dans les années quarante avec Josef Hoffmann quatrième Concerto de Beethoven, Yehudi Menuhin, dans le Concerto de Bartók en 1943 ainsi que Rachmaninov qui, en tant que compositeur, entendit interpréter sa troisième symphonie et en 1944, sur ses derniers jours, la création de ses Danses Symphoniques. Mitropoulos accompagne aussi de jeunes solistes : Zino Francescatti mars 1943, Isaac Stern dans le Concerto de Mendelssohn décembre 1943, Ginette Neveu dans Brahms et William Kapell dans le premier concerto de Khatchaturian janvier 1945.
Il est chef invité du NBC Symphony en 1939, en 1945 et pour la saison 1940–41 à la tête du Philharmonique de New York, le plus important orchestre des États-Unis. Il participe notamment à un concert commémoratif du 75e anniversaire de la naissance de Ferruccio Busoni, avec Egon Petri et Joseph Szigeti, tous les trois étant élèves du maître italien, et Szigeti le créateur du concerto pour violon en 1912, sous la direction du compositeur.

En 1946, il est naturalisé citoyen américain.

Pour les saisons de 1944 à 1948, il est chef et directeur artistique des concerts d'été du Philharmonique de Philadelphie. C'est à ces occasions qu'est capté un Troisième concerto de Prokofiev dont il assure évidemment la partie soliste et la direction de l'orchestre. Il est aussi invité à Boston et, comme à Philadelphie, il impressionne beaucoup les musiciens. Il est même pressenti pour devenir chef principal à Philadelphie mais Eugene Ormandy y fait obstacle et quelques jalousies de Serge Koussevitsky l'empêchent également à Boston.
Pendant la saison 1948–1949, il prend un congé de six mois et dirige conjointement avec Leopold Stokowski le Philharmonique de New York. À la fin de cette période, Mitropoulos laisse son poste de Minneapolis à Antal Doráti, après douze années de collaboration.

New York, 1949–1958

Mitropoulos débute son travail avec le prestigieux Orchestre philharmonique de New York en 194943 succédant à Artur Rodzinski en tant que directeur musical, et dirige au côté de Leopold Stokowski. Il devient chef principal dès 1951.
À l'époque l'organisation de l'orchestre est différente d'aujourd'hui. Il ne fonctionne que cinq mois dans l'année et Mitropoulos se contente d'un salaire relativement faible, malgré les pressions et le stress important. Cette tension ont fait partir certains – Barbirolli – ou même refuser ce poste à d'autres, tel Monteux. George Szell pour sa part a eu ce mot : Ne me parlez pas du Philharmonique de New York ! L'orchestre est une rangée de meurtriers ! Si vous ne me croyez pas, regardez ce qu'ils ont fait au pauvre Mitropoulos
Le Philharmonique a un concurrent important: le NBC Symphony jouit d'une notoriété renforcée par les diffusions radiophoniques et, à partir de 1958, à la télévision. Mitropoulos cherche a attirer un nouveau public à la musique grâce à des apparitions télévisées ou en investissant pendant une semaine une salle de cinéma populaire, le Roxy Theatre. Il a en outre élargi le répertoire de l'orchestre, – Un survivant de Varsovie de Schönberg dès 1950, la Symphonie op. 21 de Anton Webern, non sans mal d'ailleurs, puisqu'au cours d'une répétition le harpiste lui jeta sa partition aux pieds et parti dans les coulisses –, commandant pour son orchestre de nouvelles œuvres à des compositeurs et poursuit la défense des symphonies de Gustav Mahler. Il est toutefois regrettable que la firme Columbia n'ait pas profité de l'occasion pour effectuer des enregistrements commerciaux de ces œuvres dans de bonnes conditions. L'unique enregistrement officiel est celui de la première à Minneapolis en 1940 ! Il grave néanmoins en studio, la dixième Symphonie de Chostakovitch, des symphonies de Mendelssohn et de Tchaikovski.
Les programmes de Mitropoulos à New York étaient exigeants et le public, comme les musiciens, exprimaient souvent leur difficultés à laisser de côté les habitudes esthétiques dominantes et attendues. Ses concerts – constitués d'une bonne dose de Krenek, Schoenberg, Session, Boris Blacher – étaient source de réactions négatives. Et lorsqu'il créait des œuvres inconnues de Vaughan Williams, Mahler, Morton Gould, Diamond, Malipiero, Respighi, Prokofiev, Chostakovitch ou Milhaud, il exigeait de son public de la curiosité. Cependant les musiciens rapportent leur évolution d'état d'esprit. Par exemple, lors du travail pour la création de Wozzeck en 1951, Harry Zaratzian, un des altistes de l'orchestre témoigne :
" Il a étonné tout le monde lorsqu'il s'est présenté aux répétitions ayant tout mémorisé. Lors de la première répétition, j'ai détesté ça. ... Dès la troisième, je commençais à comprendre – et je peux dire que les autres musiciens passaient par le même processus. Lors du concert, je pensais que Wozzeck était l'une des plus grandes œuvres jamais composées. La capacité de Dimitri à expliquer et à démystifier la complexité de ces partitions modernes, était tout simplement incroyable "

Harry Zaratzian Tournées et invitations

En 1951, il part pour une tournée européenne avec l'Orchestre de New York, la première après la Seconde Guerre mondiale, et dirige en alternance avec Bruno Walter.
Il effectue aussi des tournées américaines avec l'orchestre en 1954 en compagnie du jeune chef Guido Cantelli 1920–1956. En 1955, toujours avec Cantelli, il entreprend un autre tournée européenne qui l'emmène d'abord à Paris en septembre. Il y grave en studio un grand Cinquième Concerto de Beethoven avec Casadesus. Puis à Athènes en octobre codirigeant avec Cantelli et Georg Szell, où ses concerts sont un triomphe. Il n'y avait pas dirigé depuis janvier 1938.
Il participe aussi à des concerts symphoniques avec le Philharmonique de Vienne, l'Orchestre philharmonique de Berlin, le Concertgebouw d'Amsterdam ou l'Orchestre de la Radio bavaroise 1956, 1957, 1958. Chacun de ses passages étant source de témoignages historiques. Il dirige aussi au festival de musique contemporaine de Venise et au festival d'Athènes.

Le Metropolitan opera en 1937

Dans son travail avec le Philharmonique ou à l'occasion de ses tournées, il collabore régulièrement avec des solistes : notamment avec les pianistes Casadesus, William Kapell premier Concerto de Brahms à peine six mois avant son décès Glenn Gould, et les violonistes Francescatti premier Concerto de Paganini dès 1950, Concerto de Brahms, Oïstrakh Concerto pour violon nº 1 de Chostakovitch, Isaac Stern premier Concerto de Prokofiev. En 1954, il accompagne le jeune van Cliburn 1934–2013 pour son premier concert au Carnegie Hall, dans le premier Concerto de Tchaïkovski – qui sera son cheval de bataille lors du Concours Tchaïkovski à Moscou quatre ans plus tard.

Chef lyrique

Parallèlement à son travail avec le Symphonique, Mitropoulos a une carrière importante dans le répertoire lyrique et y connaît ses plus grands triomphes, même à l'heure des attaques de la presse en 1957 ce sont les mêmes critiques qui le contestaient à la direction du Philharmonique qui relaient les succès au Met.
Il a fait ses débuts comme chef d'opéra en mai 1950, avec Elektra de Strauss. De 1954 à 1960, il occupe le poste de chef principal au Metropolitan Opera de New York en remplacement de Bruno Walter. Il y a fait ses débuts le 15 décembre 1954 en montant Salomé de Strauss avec Christel Goltz et Vinay. En 1955, il dirige Un ballo in maschera de Verdi avec Richard Tucker, Leonard Warren, Marian Anderson et Roberta Peters et Tosca de Puccini, avec Renata Tebaldi et Richard Tucker et Madame Butterfly avec Albanese, Daniele Barioni, Elias. En 1956, Boris Godounov et Manon Lescaut avec Corena ; Ernani de Verdi avec Mario Del Monaco et Cesare Siepi ; Carmen avec Risë Stevens et del Monaco, Die Walküre Ramon Vinay et Eugène Onéguine. En 1958, il crée Vanessa opéra de Samuel Barber avec Eleanor Steber, Resnik, Nicolai Gedda66 ; le 27 octobre 1958 pour l'ouverture de la saison 1958-59 c'est Tosca avec Tebaldi et del Monaco, mais aussi Gianni Schicchi, Cavalleria rusticana et Pagliacci avec del Monaco, Amara, Sereni. En 1960, il monte Simon Boccanegra avec Guarrera, Tozzi, Flagello, Milanov, Bergonzi.

En 1958 il participe à la tournée estivale des villes américaines de l'orchestre.

Ses interprétations sont musicalement et dramatiquement, vives et incisives. Ses Puccini, Verdi ou Richard Strauss par exemple, sont des modèles de l'art de la direction. Le Metropolitan Opera possède heureusement beaucoup d'enregistrements d'archives de ces intenses moments artistiques. De décembre 1954 à avril 1960, il y a dirigé 208 représentations. Mitropoulos a réalisé quelques enregistrements pour Columbia avec le Philharmonique de New York, notamment un merveilleux Wozzeck d'Alban Berg.

Chef lyrique invité

Outre son activité new-yorkaise et américaine La fanciulla del West avec Eleanor Steber, Mario Del Monaco, Tito Gobbi à Chicago le 10 octobre 1959, dès le début des années 1950, il est invité régulièrement en Europe, lorsqu'il n'est pas en déplacement avec son orchestre. Il dirige en Italie, notamment à La Scala où le 5 juin 1952, il propose pour la première fois dans la salle milanaise, le Wozzeck de Berg avec Gobbi et Italo Tajo ; en 1954 c'est Elektra de Strauss avec Ramon Vinay et le 26 mai 1954 Arlecchino de Ferruccio Busoni avec Giulietta Simionato, Rolando Panerai et Fernando Corena, Petre Munteanu et Petri. À Florence en 1953, il monte La Forza del Destino avec Tebaldi, Aldo Protti, Del Monaco, Barbieri et Siepi et l'année suivante La fanciulla del West avec Steber, Del Monaco et Guelfi. En 1958 Ernani avec Cerquetti, Del Monaco, Bastianini et Boris Christoff.
Il est aussi invité en Autriche, à Vienne et au Festival d'été de Salzbourg, où il laisse de mémorables productions, Vanessa de Barber toujours avec Eleanor Steber dans le rôle titre, La Forza del Destino, Don Giovanni et Elektra.
En 1957, victime d'une virulente campagne de presse touchant à sa vie privée, qualifié d'homme solitaire, sans femme, il abandonne son poste à la Philharmonie de New-York et est remplacé par son élève et protégé Leonard Bernstein qui codirigeait avec lui cette saison-là. Après une tournée en Amérique latine avec Bernstein en 1958, il ne dirigera plus cet orchestre qu'en tant que chef invité. Par exemple, le 2 janvier 1960 à Carnegie Hall, lors d'un festival consacré à Mahler, une Cinquième Symphonie, qui a été enregistrée. Il poursuit néanmoins son travail au Metropolitan Opera.
Mitropoulos ne s'est jamais marié ; il était connu comme homosexuel et n'éprouvait pas la nécessité d'un mariage cosmétique. Il aurait eu une relation avec Leonard Bernstein selon Norman Lebrecht ; Leonard Burkat, un ami d'enfance de Bernstein, va dans ce sens et Kiki Speyer Fouré, qui s'est presque fiancée à Bernstein, en était persuadée ; David Diamond, un ami intime de Mitropoulos, était certain du contraire. Discutant avec Maxim Gershunoff futur agent musical, Mitropoulos a déploré : Quel dommage que je sois condamné pour de la luxure. Je n'ai pas le temps de me le permettre !

Derniers moments

Ayant déjà souffert de deux attaques au cœur en décembre 1952 et janvier 1959 suivies de longues hospitalisations qui l’empêchent de diriger la moitié de la saison, les médecins lui conseillent d'abandonner la direction, ce que Mitropoulos ne pouvait envisager. Il accepte toutefois de diriger avec une baguette pour économiser ses forces. Disant cependant que La baguette peut réaliser l'ensemble, mais elle ne peut pas être aussi expressive que les mains et le corps, ou bien Diriger avec une baguette c'est un peu comme jouer du piano avec des gants. Après sa convalescence, il reprend sa carrière internationale au même rythme.
Une troisième crise cardiaque l'emporte le 2 novembre 1960. Âgé de 64 ans, le mæstro s'effondre lors de la première répétition de la troisième symphonie de Mahler à La Scala de Milan. Sa dépouille, transportée en Suisse est incinérée, conformément à ses vœux, et ses cendres sont rapatriées au cimetière d'Athènes. Un hommage donnée par l'Orchestre d'État d'Athènes en novembre 1960, comportait la marche funèbre de la Troisième de Beethoven, jouée sans chef.
On peut trouver un enregistrement de la Troisième symphonie de Mahler donnée par Mitropoulos avec l'Orchestre Symphonique de la Radio de Cologne, le 31 octobre 1960, deux jours avant sa mort. Seul enregistrement complet de l'œuvre : l'enregistrement de 1956 à New York, est amputé en raison des limites de temps accordé par la radio américaine. Au cours de ce concert Mitropoulos fut déjà victime d'un malaise cardiaque dont le public ne vit rien. À l'interruption à la fin du premier mouvement de la Symphonie, le médecin le pressa de mettre fin au concert. Il concéda seulement de s'asseoir sur une chaise haute le reste de la soirée. L'orchestre de Cologne lui portait un attachement profond et de nombreux témoignages évoquent son humanité et sa générosité, par exemple quand il offrit un piccolo au flûtiste.
Bien vite, Mitropoulos fut virtuellement oublié aux États-Unis. Quelques années après sa disparition, le livre d'un critique américain consacré aux grands chefs d'orchestre, lui consacrait deux paragraphes. Lors du 150e anniversaire de l'orchestre Philharmonique de New York en 1992, la presse citait le nom de Mitropoulos uniquement – et rarement – en tant que mentor de Bernstein. En 1996, le centenaire de sa naissance fut totalement oublié. En Europe en revanche, la parution régulières de disques a entretenu sa mémoire, à l'instar d'autres chefs de la période.

Technique

Quand il était adolescent, Dimitri a fait pèlerinages et retraites au Mont Athos avec les moines et parlait avec eux intensément de sujets spirituels. Une partie de sa future conception de la vie est marquée de ces expériences d'isolement. Choisissant la carrière musicale, Mitropoulos ne renonce cependant pas à la conception sacrificielle de la vie de l'homme vouée à l'Église. Sa vision personnelle de Dieu transparaît dans sa relation avec le monde extérieur, sa direction et sa vie matérielle quasi monastique. Il considérait son activité musicale et chaque concert comme un acte portée par une nécessité spirituelle, comme un rite, un sacre.
Le compositeur et critique Virgil Thomson le décrivait comme un chef hypersensible, démesuré, brutal, très intelligent, peu confiant et totalement sans compromis... Son excitation était à la limite de l'hystérie et il modelait passionnément et nerveusement la musique. Les journalistes qualifiaient sa direction d'étrange ou de non-orthodoxe et ajoutaient que c'était un individu inquiétant. Il expliquait lui-même qu'il est plus facile pour le public de comprendre la signification de la musique si le chef, est un peu un acteur.
Dimitri Mitropoulos était donc un chef charismatique et se donnait à la musique et à son travail entièrement. Son style de direction était à la mesure de son engagement total, physique et plein de mouvements intenses. Il conduisait de tout son corps, de la tête aux pieds, spontanément, comme un miroir de la partition. Toute la dynamique interne des informations données par la partition prenait entièrement et irrésistiblement possession de lui, chaque geste étant une analogie du texte, auquel l'orchestre donnaient vie.

De multiples témoignages d'auditeurs rapportent sa gestique particulière. En voici un :

Mitropoulos sur l'estrade semblait donner une autre dimension à la musique, une transcendance au-delà d'elle-même. Dès la première mesure, il battait l'air à mains nues, déclenchant un répertoire bizarre de gestes frénétiques, froncements de sourcils et grimaces qui traduisait toutes les émotions, de la terreur à l'extase. Son corps frémissait et ses poings s'agitaient ; c'était comme un homme sous l'emprise d'un forme particulièrement de paralysie ; comme si la musique était un courant électrique passant au travers de son corps, le secouant et le faisant vibrer. L'impression était celle d'un chef tirant le son de quatre-vingt dix instruments par une contrainte presque physique, attaché par des liens invisibles à chacun des musiciens face à lui.
Charismatique, mais sans l'autorité de bien des chefs de l'époque Toscanini ou Rodzinski. C'est d'ailleurs une des raisons qu'il donne de l'absence de baton, comme disent les anglo-saxon pour désigner la baguette. Mitropoulos était très proche des musiciens et voulait un travail partagé, n'être qu'un aide dans le processus de création musicale.

La mémoire

Mitropoulos dirigeait sans partition. Lorsqu'on l'interrogeait sur ce point, il faisait la réponse suivante : Vous n'attendez pas qu'un acteur sur scène joue Hamlet avec son script à la main, ou plus ironique encore : Je n'utilise jamais de partition quand je dirige mon orchestre. Est-ce qu'un dompteur de lions entre dans la cage tenant un livre sur l'art d'apprivoiser les lions ?
Bien qu'il ne soit pas le seul à en disposer, Dimitri Mitropoulos était connu pour sa mémoire photographique Toscanini avait ce don, ce qui lui a permis de diriger la quasi-totalité de son répertoire par cœur et ce même en répétitions. Ainsi, pour une œuvre nouvelle, à défaut de conducteur d'orchestre, il était capable de visualiser intérieurement la partition musique en étalant au sol la totalité des parties séparées d'orchestre pour les mémoriser. Certains musiciens de l'orchestre racontent aussi ses pratiques : Il n'a jamais de partition aux répétitions, ni de partition sur son pupitre. Pourtant, il pouvait compter les mesures. Il était capable de s'arrêter et de dire : Seconde flûte, quatre mesures avant la lettre A.. Mais Mitropoulos lui-même conteste cette définition de photographique et explique les mécanismes de son assimilation étonnante :
Mon subconscient travaille sur les partitions pendant que je dors. Ce n'est pas photographique. Mon secret avec les partitions, c'est juste de se donner une concentration absolue. Je prends autant de temps que je veux, je prends une année si je veux. De temps et de moi, il n'y a pas de fin. Si bien que j'arrive à assimiler, sans me forcer. C'est ainsi que les choses se font. Dès que je reçois une partition, je la mets en morceaux, comme un enfant une horloge. Ensuite je remets les pièces ensembles, et mon cher, je sais alors comment la partition est faite. Tout ne se tient pas toujours la première fois, ni même la deuxième. J'ai peut-être laissé les mesures 155 et 223. Ils sont les rouages de l'horloge et je dois trouver l'endroit où ils vont. Et en répétition je serre chaque vis, comme un mécanicien.

— Dimitri Mitropoulos Répertoire et créations

Dimitri Mitropoulos est un chef qui a surtout excellé dans le champ du dernier romantisme et la musique du xxe siècle. Il a défendu précocement les symphonies de Gustav Mahler, notamment par le disque la première de Minneapolis, mais aussi la sixième qu'il a donné en création à New York en décembre 1947, ainsi que les premier et troisième mouvements de la dixième. Pour son travail de promotion de la musique du compositeur il a reçu la Médaille d'Honneur Mahler américaine en 1950.
À New York, Mitropoulos créé près de cinquante œuvres contemporaines. On peut citer les créations américaines de la Dixième Symphonie 1954 et du premier Concerto pour violon 1956 de Chostakovitch avec Oistrakh, d'œuvres de Malipiero et Roussel ; et les premières mondiales de Vanessa de Barber 15 janvier 1958, la Quatrième Symphonie 1947 et Concertos pour piano d'Ernst Křenek avant d'en réaliser un enregistrement. Il a également défendu les contemporains américains tels Eliot Carter89 Roger Sessions, Peter Mennin, Stefan Wolpe, Morton Gould90 ou Philip Bezanson

Répertoire lyrique

Dimitri Mitropoulos était aussi un formidable homme habité par le démon du théâtre, il dirigé de nombreux opéras, d'abord en Italie, puis au Metropolitan Opera de New York de 1954 à sa mort, en 1960. Ses interprétations des opéras de Giacomo Puccini, Giuseppe Verdi et Richard Strauss restent dans les mémoires. Son enregistrement, en concert le 12 avril 1951, consacré au Wozzeck d'Alban Berg avec Friedrich Jagel, David Lloyd et Edwina Eustis, le premier de l'œuvre, est considéré comme une référence.
Médaille du Concours International de direction d'orchestre (Bronze de William Zorach, 1963 - Musée Smithsonian

Un défenseur de l'avant-garde

Mitropoulos est l'un des plus étonnants chefs de sa génération. Il dirigeait sans baguette sauf à la fin de sa vie, d'une façon très nerveuse et expressive, parfois théâtrale, impliquant la totalité de son corps. L'homme était d'une générosité légendaire, partageant la vie de ses musiciens dans la plus grande simplicité au point d'y perdre une part de son autorité. Mais il possédait un charisme exceptionnel qu'il a su mettre au service de la musique de son temps. On lui doit des créations d'œuvres d'Heitor Villa-Lobos Bachianas brasileiras n0 1, 1938 Ernst Krenek Troisième Concerto pour piano, 1946, David Diamond Première Symphonie, 1941, Paul Hindemith, Symphonie en mi bémol majeur, 1943, Robert Casadesus Deuxième Suite pour orchestre, 1952, Samuel Barber Medea's Meditation and Dance of Vengeance, 1956 ; l'opéra Vanessa, Metropolitan Opera, 15 janvier 1958, avec Eleanor Steber dans le rôle-titre.. Moins à l'aise dans le répertoire allemand du XIXe siècle, Mitropoulos excellait dans les grandes fresques du XXe siècle. Ses interprétations reposaient davantage sur le tempérament et la passion que sur une parfaite mise en place. Doté d'une mémoire exceptionnelle, il a été l'un des premiers chefs de l'histoire à diriger sans partition, non seulement au concert mais aussi en répétition. Un concours international de direction d'orchestre portant son nom s'est déroulé à New York entre 1960 et 1970, révélant de jeunes chefs d'orchestre comme Seiji Ozawa, Claudio Abbado, Zdeněk Košler, Edo De Waart, Jesús López-Cobos. Ce concours, qui a été réorganisé en Grèce et qui se déroule à Athènes, se consacre en alternance à la direction d'orchestre et à la composition.

L'œuvre de Mitropoulos est restée injustement méconnue. Jamais il n'a usé de sa notoriété de chef d'orchestre pour imposer sa propre musique. En 1929, il écrivait à l'une de ses amies, Katy Katsoyanis : Je suis trop plein de musique étrangère pour que je puisse produire la mienne. Écrite dans une langue résolument moderne, sa Sonate pour violon et piano 0stinata ment 1925 et un Concerto grosso 1928 ; pour le piano, une Sonate 1919, un triptyque, Passacaglia, Preludio e Fuga vers 1925, et Quatre Danses de Cythère 1926 ; il a composé des mélodies ainsi que des musiques de scène pour Electre 1936 et Hippolyte 1937 d'Euripide.

Concours Mitropoulos

Un concours Mitropoulos a été créé à New York dans les années 196093. De jeunes chefs y ont participé, tels Claudio Abbado, Zdeněk Košler, Jesús López Cobos en 1963, Edo De Waart 1964, Alain Lombard, Zdeněk Mácal 1966 ou Seiji Ozawa. Après ce concours s'est tenu à Athènes Dimitri Mitropoulos International Competition, couronnant de jeunes chefs mais aussi des compositeurs.

Documentaire

En 2013 a été réalisé un documentaire par Giorgos Skevas, avec Lefteris Voyiatzis : « Naked Hands » qu'on peut traduire par À mains nues, allusion à sa direction sans baguette.

Compositeur

Mitropoulos a écrit 48 pièces, notablement influencées par son maître Busoni et la Seconde école de Vienne. Œuvres pour piano, avec ou sans accompagnement orchestral, œuvres symphoniques, œuvres vocales et un opéra de jeunesse, Sœur Bérénice, sur un livret de Maurice Maeterlinck. À l'exception des musiques de scènes, fruits de commandes, Mitropoulos arrête de composer après 1930, se consacrant uniquement à la direction. Cependant, parmi les 48 numéros de son catalogue, il a réalisé ensuite quelques transcriptions d'œuvres de Bach de Beethoven, de Franck et de Grieg. Ainsi que des arrangements d'opus contemporains de Prokofiev ou d'Howard Swanson enregistrés en 1950.

Piano

Rêveries au Bord de la Mer 1912–1915
Trois pièces pour piano
Béatrice, en mi majeur 1915
Scherzo – étincelles de joie ! en fa mineur 1916
Fête Crétoise Κρητική Γιορτή 1919
Orchestrée par son ami Skalkottas en 1924 et créée dans sa version orchestre à Athènes en 1926 par Mitropoulos.
Eine Griechische Sonate Sonate Grecque 1920
La sonate grecque est une grande œuvre ambitieuse de plus de quarante minutes, composée pendant ses études à Bruxelles. Elle fut présentée à Busoni qui la critiqua très négativement pour son esthétique post-romantique. Ce fut un choc difficile pour le jeune homme, qui arrêta de composer pendant quatre ans.
I. Allegretto non troppo ma con passionne
II. Allegretto
III. Lento
IV. Maestoso - Allegro non troppo
Passacaglia, Preludio e Fuga Berlin, et achevé à Athènes le 26 juin 1924
Klavierstück I 1925
4 Danses de Cythère 1926
Musique de chambre
Un morceau de concert pour violon et piano 1913
Danse du faune pour quatuor à cordes 1915
Ostinata in tre parti, pour violon et piano 1925–1926 Création 5 juin 1927
Orchestre
Burial Ταφή]915
Concerto Grosso 1928
Musique de scène
Electra 1936
Hyppolytus 1937
Vocale
Sœur Béatrice, Miracle en trois actes sur un livret de Maurice Maeterlinck. Opéra représenté à Athènes en 191996
L'Alouette et ses petits, avec le maître d'un champ, pour voix et piano 1920, pub. 1928 Paris chez M. Senart Sur une fable de La Fontaine Livre IV.
Vénus céleste Αφροδίτη Ουράνια pour voix et piano 1925Sur une poésie Angelos Sikelianos.
14 Inventions pour soprano et piano 1925–26, 10 publiées en 1927
Composés sur des sur des textes de Constantin Cavafy. Le titre évoque immédiatement les Inventions à deux et trois voix de Bach. Mitropoulos reprend en outre les formes baroques du Canon, Passacaille et fugue. Il présente lui-même son œuvre ainsi : « Chacun des poèmes a pour base une structure formelle différente, dans laquelle la voix, dit le texte, mais fait également partie de la structure. Ce n'est ni du chant, ni une stricte récitation avec l'accompagnement. Il ne faut pas chanter ou simplement réciter, mais plutôt quelque chose entre les deux. Peut être une forme stylisée de récitation avec des rythmes qui correspondent à la prosodie du texte. ... Toutefois, les autres aspects probablement indéfinissables, mais importantes du poèmes sont ce qui, j'imagine, donne l'occasion de prendre vie a des structures techniques et musicales. Plus brièvement : 10 formules mathématiques artistiques avec des sons et des mots97. Dimitri Mitropoulos, Tragoudia tou Cavary Melopoiemena apo ton Mitropoulo, Nea Estia, vol. 12 15 novembre 1932.
I. Preludio a 4 Voci Ἡδονῆ / Plaisir sensuel écriture du poème, 1913
II. Canon a 3 Voci Γία νά ̓ρθουν / Évoquer les ombres c.1920
III. Prologo – Fughetta – Epilogo a 4 Voci Μιὰ νύχτα / Une nuit 1907
IV. Prologo – Fughetta – Epilogo a 4 Voci Ἡ ἀρχή των / Leur début 1915
V. Canon a 2 Voci Νὰ μείνει / Immobile 1918
VI. Canon Ἐν ἀπογνώσει / En désespoir 1923
VII. Passacaglia a 3 Voci Γκρίζα / Grisaille 1917
VIII. Passacaglia a 2 Voci Μέρες τοῦ 1903 / Jours de 1903 1919
IX. Canon a 2 Voci Τὸ διπλανὸ τραπέζι / Le tableau d'à côté 1918
X. Canon a 2 Voci Μακρυὰ / Jadis 1914
XI. Preludio Scherzino) a 1 Voce Ἐν τῆ ὡδῶ / Dans la rue1916
XII. Fuga 4 Voci Ὁ ἥλιος τοῦ ἀπογεύματος / Le soleil d'après-midi 1918
XIII. Pedale a 3 Voci [Ἔτσι πολὺ ἀτένισα / J'ai beaucoup regar 1911
XIV. Coda Finale a 2 Voci Ἐπῆγα / Je suis allé =1905
Mélodies Grecques pub. 1960 Universal
Transcriptions
Bach, Fantasia & Fugue en sol mineur, Bwv 542
Beethoven, Quatuor à cordes opus 131
Franck,
Grieg,
Prokofiev,
Quintette, opus 39
Ouverture sur des thèmes juifs, opus 34
Howard Swanson 1907–1978, Night Music

Discographie de référence
Mitropoulos, comparativement à la plupart de ses collègues chefs d'orchestre de son époque Ormandy, Stokowski, Monteux, Walter… a peu enregistré en studio. C'est donc souvent par les enregistrements en concert que l'on trouve telle ou telle œuvre. Le lègue de Mitropoulos au disque est grossièrement divisée en trois. Il a enregistré avec l'Orchestre de Minneapolis à l'époque 78 tours pour Columbia , et lorsqu'il était à New York. L'essentiel ayant été republié par Sony et divers éditeurs dès que les enregistrements tombaient dans le domaine public. Et en outre, on trouve une grande quantité de bandes radios de concerts publiées par le label Orfeo pour Vienne ou Salzbourg, et d'autres à Cologne, Amsterdam et avec le Philharmonique de New York et le Metropolitan Opera. Voici une large sélection, avec des dates précises, selon un découpage de forme : Symphonique, Concertant et Opéra.

Symphonique

Berlioz
Symphonie fantastique, opus 14 - New York 27 février 1957
Roméo et Juliette Symphonie dramatique, opus 17 extraits - New York 27 octobre 1952
Chausson : Symphonie en si bémol majeur - Minneapolis 9 mars 1946
Orchestres
Columbia : Orchestre Symphonique Columbia
Florence : Orchestre du Mai musical florentin
NBC : Orchestre symphonique de la NBC
New York : Philharmonique de New York
Met : Metropolitan Opera
Minneapolis : Orchestre Symphonique de Minneapolis
Vienne : Philharmonique de Vienne
Robin Hood Dell : Robin Hood Dell S. = Orchestre de Philadelphie
Mahler
Symphonie no 1 « Titan » - Minneapolis 4 novembre 1940 - Sony
Symphonie no 5 - New York 2 janvier 1960
Symphonie no 6 « Tragique » - New York 10 avril
Symphonie no 9 - New York 23 janvier 1960
Symphonie no 9 - Vienne 2 octobre 1960
Prokofiev : Roméo et Juliette Suites - New York
Rachmaninov : L'Île des morts - Minneapolis 2 mars 1945
Vaughan Williams
Fantasie sur un Thème de Thomas Tallis - New York 3 mars 1958
Symphonie no 4 - New York 5 avril 1953
L'accompagnateur
Beethoven : Concerto pour piano no 5 - Robert Casadesus, New York 1955
Berg : Concerto pour violon - NBC 1945
Berlioz : Les Nuits d'été - Eleanor Steber, soprano, Columbia 21 janvier 1954
Brahms : Concerto pour violon - Zino Francescatti, violon, Vienne 24 août 1958
Bruch : Concerto pour violon - Zino Francescatti, violon, New York 2 février 1952
Prokofiev : Concerto pour piano no 3 - Robin Hood Dell 26 juillet 1946
Opéra
Berg : Wozzeck - Mack Harrell, Eileen Farrell, Frederick Jagel, Joseph Mordino, David Lloyd, New York 1951
Mozart : Don Giovanni - Cesare Siepi, Fernando Corena, Elisabeth Grümmer, Lisa Della Casa, Rita Streich, Gottlob Frick, Vienne 1956
Puccini : La Fanciulla del West - Eleanor Steber, Mario Del Monaco, Florence 1954
Strauss
Elektra - Inge Borkh, Lisa Della Casa, Jean Madeira, Kurt Böhme, Vienne 1957
Salome - Inge Borkh, Ramón Vinay, Blanche Thebom - Met 1958
Verdi
Ernani - Mario Del Monaco, Zinka Milanov, Leonard Warren, Cesare Siepi, Met 1956
La Forza Del Destino - Mario Del Monaco, Renata Tebaldi, Aldo Protti, Florence

Liens

http://youtu.be/Kl-dSoNHx8Y répétitions
http://youtu.be/XIBGKjy1P80 Mitropoulos dirige la 3 Symphonie de Malher
http://youtu.be/lqqyEWao16I marche funèbre


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Posté le : 31/10/2014 18:45

Edité par Loriane sur 02-11-2014 18:08:20
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Re: Je suis passée à la télé !
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Posté le : 31/10/2014 15:53
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Re: Les expressions
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« Haut le pied »


Avec facilité, sans effort, en courant en parlant d'un déplacement d'une personne ou d'une chose.
Circulant seule en parlant d'une locomotive.


Autrefois, s'en aller haut le pied, c'était partir en courant.
D'ailleurs, "prendre ses jambes à son cou" c'est lever très haut le pied au point qu'il ne touche plus terre. Mais tant que l'Homme (hors moines tibétains - ne maîtrise pas la lévitation, il serait intéressant de savoir ce qui repose alors au sol pour permettre la propulsion, mais c'est une autre histoire...

Le Dictionnaire de l'Académie de 1762 indique qu'un haut le pied est quelqu'un susceptible de disparaître d'un seul coup probablement parce qu'il court très vite, un peu à la manière du Bip-Bip lorsque le Vil Coyote cherche encore une fois à lui faire la peau - .

A la même époque, lorsqu'on ramenait à l'écurie un cheval sans le monter ou l'atteler il pouvait donc se permettre d'avoir le pied léger, on le renvoyait haut le pied.

Cet équidé nous ramène d'ailleurs au temps des mines, quand des chevaux tiraient en peinant les wagons plein de minerai. Lorsqu'ils revenaient à vide, ils le faisaient haut le pied, n'ayant plus d'effort à faire.
C'est de l'image de ces attelages de wagons que, dans le vocabulaire ferroviaire, un train qui circulait sans voyageurs, les wagons vides, était, au XIXe siècle, appelé un train haut le pied, et qu'une locomotive qui roule seule donc avec facilité, sans avoir besoin de donner beaucoup de puissance s'appelle toujours une locomotive haut le pied.


Alain Duhamel, commentateur politique connu en France, dit d'ailleurs dans Libération du 21/12/2005 de Ségolène Royal, notre future présidente je ne prend pas parti, j'ai simplement lu les sondages récents : Elle n’est qu’une locomotive haut le pied, certes de belle allure, mais à laquelle ne s’accroche aucun convoi .
A prendre bien sûr pour ce que ça vaut, entre les sondages qui passent leur temps à se tromper, surtout autant de temps en avance, et Alain Duhamel qui avait prédit la victoire d'Edouard Balladur et celle de Lionel Jospin...

Posté le : 31/10/2014 09:36
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Re: Les expressions
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« Avoir le cafard »


Avoir des idées noires, être déprimé.


Le mot cafard a quatre sens en français.

Le premier est oublié. Au XVIe siècle, il désignait une personne non ou peu croyante qui faisait croire qu'elle l'était profondément. Un bigot, un faux dévot ou un fourbe, donc.
Ce mot viendrait de l'arabe 'kafir' qui voulait dire 'mécréant, renégat'.

Il désigne aussi une personne qui dénonce les autres qui 'cafarde', sens qui vient probablement du précédent, par allusion à la personne qui a un comportement hypocrite ou fourbe.

Ensuite, il y a ce sympathique petit insecte marron ou noir qui s'agite avec de nombreux congénères dans les recoins sans lumières.
Là encore, le nom vient peut-être du premier sens de cafard, par comparaison au bigot vêtu de sombre et qui fait les choses en cachette.

Quant au cafard de notre expression, il semble que ce soit Charles Baudelaire qui l'ait introduit dans "Les Fleurs du Mal" en 1857. Tout comme il a popularisé le mot anglais 'spleen' avec le même sens de tristesse, de mélancolie.

Parlant du Démon :
« Parfois il prend, sachant mon grand amour de l'Art,
La forme de la plus séduisante des femmes,
Et, sous de spécieux prétextes de cafard,
Accoutume ma lèvre à des philtres infâmes. »

Maurice Rat, qui n'avait pas dû bien lire Baudelaire, place l'origine de cette expression plus tard, entre 1875 et 1900 dans les troupes d'Afrique et plus particulièrement dans la Légion Étrangère.
Peut-être est-ce parce qu'elle a été répandue là-bas par un légionnaire poète qui lisait les Fleurs du Mâle ? A moins que cela ne vienne du fait que, quand il y en a, les cafards sont légion et qu'ils grouillent comme les idées noires le font dans la tête.

Il est intéressant de savoir comment les idées noires peuvent virer au bleu "avoir le blues" pour signifier la même chose !
Le 'blues', cette musique d'origine afro-américaine porteuse de tristesse ou de nostalgie vient des chants des esclaves. Son nom viendrait d'une contraction de "to have the blue devils" "avoir les diables bleus" qui voulait dire... "avoir le cafard".


Posté le : 30/10/2014 07:23
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Re: Défi du 24-10-2014
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Petit tout d'horizon politique mon cher Donald, qui explique au mieux les dé-(boires) de notre élites...

Il paraîtrait, mais je me méfie des rumeurs...., même si j' m'en repais avec un très grand délice!!!) que Nicolas aurait, pour convaincre son auditoire de la fascination qu’il provoquait dans son pays, conclu son discours par une chanson interprétée par son épouse, et intitulée ‘’Tu es ma came’’, qu’il aurait présentée comme le nouvel hymne national de son pays !!!

Rumeur infondée ? médisance grossière de ses opposants ? Tempête dans un verre d’eau ‘’améliorée’’ comme celle de Vladimir ?, ce qui est certain, c’est que depuis ce tour de ‘’chant’’ les autres chefs à plumes sont persuadés que la nation de Nicolas s’est convertie au dialecte du mime Marceau !!!!!!!!!!!

Délicieux récit mon cher Donald, qui m’a bien fait marrer !!! avec, si tu le permets, peut être un léger bémol, permettant de redonner du crédit aux hommes politiques tellement décriés par les temps qui courent : lors des prises de décision au niveau mondial, national ou local, les élites en charge de la gouvernance, ne sont pas sous l’emprise de l’alcool !!!!, mais en parfaite possession de leurs moyens.

…………..raison suffisante pour leurs conseiller de boire, quand on sait leurs errements coupables !!!



Amitiés de Touraine, cher Donald, et merci pour la tranche de rigolade, j'en reprendrais bien un peu !!!!!



Posté le : 30/10/2014 07:16

Edité par kjtiti sur 30-10-2014 18:50:33
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Le bonheur est une chose qui se double,..…..si on le partage …

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Re: Défi du 24-10-2014
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Et un deuxième service de la part de Donald ! Il a pris le ballon, se faufile entre les joueurs adverses plus âgés et expérimentés, accélère vers la cage et buuuuut ! Bravo en plein dans la lucarne, aucun malentendu possible. Il est trop fort !

Posté le : 30/10/2014 06:26
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Re: Défi du 24-10-2014
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J'ai vu la lumière au bout du tunnel de mon inspiration et ça m'a donné une autre version

Le défi sur le malentendu ?


Chochonou était dans tous ses états, rouge écarlate et contracté du gland, à un point tel qu’il bégayait comme pas permis. Je décidai de lui faire cracher sa Valda, histoire de régler son problème en deux temps trois mouvements.
— Le...le...le…dé...dé…dé…, qu’il me dit à moi qui ne captait rien au morse.
— Quoi ! Dédé ? Qu’est-ce qu’il a encore fait ce con ! Tu veux que j’aille lui parler ?
— Dé…fi…fi…fi…
— Une histoire de gonzesses, en plus ? Putain, il exagère le gros, je vais finir par lui coller un bourre-pif. Je t’avais bien dit de ne pas te laisser faire. C’est pas parce que tu es bègue que tu dois te faire marcher sur les pieds, Chochonou !
— Sur…sur…le…le…mal…mal…
— C’est bon, ne fais pas ta grincheuse ! Je sais que c’est pas bien de taper sur les autres mais je dois te défendre. Tu comprends, ça ? Si tous les malfaisants faisaient ce qu’ils voulaient sans être punis, ce serait l’anarchie, la gabegie, la fin des haricots et on serait obligé d’appeler le Général de Gaulle à la rescousse, d’envoyer les Casques Bleus et de mandater Ban-Ki-Moon pour rétablir la civilisation.
— Le…le…mal…en…en…en…
— Oui, les forces du Mal prennent de l’ampleur. Je le disais pas plus tard qu’hier à ma logeuse et tu sais ce qu’elle m’a répondu ? Je te le donne en mille : « Faut pas contrarier les fous ! ». Sans déconner, ça c’est fort, y a pas à dire, elle en a dans le bulbe la Josiane !
— En…en…en…ten…ten…ten…
— J’entends bien ! Je te rassure, je ne suis pas encore dur de la feuille. Eh, le Chochonou, j’essaie de t’aider, moi alors un peu de respect pour mes cheveux blanc. Et puis, c’est pas parce que je suis célibataire et que je ne dégourdis pas Popaul tous les jours que je deviens sourd. Faut pas confondre avec toi, hein ?
— Ten…ten…ten…du…du…du…
— Est-ce que je suis tendu ? Affirmatif ! Mais encore ? No comment ! Et bien oui, je l’avoue, j’utilise des petites pilules bleues achetées sur Internet. Je suis encore jeune, détrompte toi, et vert de la tige, mais c’est cool de pouvoir sonner du clairon au garde-à-vous pendant plusieurs heures d’affilée. Et je ne me vante pas, moi, contrairement à ce gros saligaud de Dédé.
Le Chochonou, il était bien gentil mais dès qu’il s’agissait d’expliquer un truc simple, ça lui prenait des plombes et moi, la patience c’était pas mon dada comme disait Omar Sharif. J’avais autre chose à foutre qu’attendre qu’il se décontracte, qu’il fasse ses exercices de respiration pour m’exposer un enième problème avec son voisin Dédé, un gras du bide modèle standard modifié à la tête de veau. Du coup, j’avais pris la version courte et je m’étais barré casser la tête à l’autre mou du bulbe, parce que ça ne se faisait vraiment pas de se foutre de la gueule des handicapés devant les nanas, juste pour se taper la frime.

Posté le : 29/10/2014 20:48
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Re: Défi du 24-10-2014
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Donald'

Cette nouvelle au parfum politique prononcé et pourtant subtil sent le vrai. C'est comme une caricature délirante et croustillante, comme toi seul en a le secret. Tu m'as presque fait aimé la politique...

Merci.

Couscous

Posté le : 29/10/2014 20:40
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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