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Re: Défi du 20/12 au 26/12
Plume d'Or
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Merci Kijtiti, enfin un peu d'espoir, Rideau la nouvelle année !

Posté le : 21/12/2014 13:39
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Re: Défi du 20/12 au 26/12
Plume d'Or
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Et de trois ! Donald je pleure, c'est trop triste ! Tu devais écouter la chanson de Phil Collins quand tu as écrit ça !

https://www.youtube.com/watch?v=Qt2mbG ... PYOwPlJnRYtW-blFK4zr5W2K6

Très beau texte, parfait pour la période de Noël, merci Donald.

Posté le : 21/12/2014 13:38
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Re: Défi du 20/12 au 26/12
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Couscous : Jean-Baptiste avait un prénom prédestiné, comme Molière, il est mort sur scène, ou comme Joséphine Baker mais en moins gracieux !

Ce défi commence bien tristement, déjà deux morts...

Posté le : 21/12/2014 13:32
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Re: Défi du 13 novembre 2014
Plume d'Or
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Coup de gueule

Marie monte avec difficulté dans l’autobus. Sa jambe est insensible et son genou tordu. Elle coince sa canne sous son bras mort et tente de s’agripper à la barre avec sa main valide. C’est difficile mais Marie ne s’avoue jamais vaincue, ne réussit-elle pas à faire un jogging tous les jours depuis quelques temps ? Elle ne court pas vite bien sûr, et ne part jamais seule, mais quelle victoire pour cette jeune femme de vingt ans ! Le bus redémarre avant même que Marie ne soit arrivée à sa place, elle se retient de tomber de justesse en prenant appui sur un des sièges. Le véhicule est bondé, elle arrive à atteindre la place réservée, un homme est assis, il la voit approcher mais ne bouge pas.

- Excusez-moi Monsieur mais je suis handicapée.

« Handicapée», longtemps Marie s’est refusée à utiliser ce mot, mais il faut se rendre à l’évidence, elle est handicapée.

Il ne répond pas et ne bouge pas.

- Monsieur, je dois m’assoir !

La voix de Marie est devenue plus forte et l’homme se lève à contre cœur, sans un mot. Elle peut enfin s’assoir, il était temps, il y a un virage et elle allait tomber.
C’est toujours la même chose, non seulement il faut vivre avec ses problèmes mais en plus il faut se battre pour faire respecter ses droits ! Marie récupère, ces voyages en bus la stressent et l’épuisent, mais elle veut essayer de tout faire comme avant. Avant… Tout à coup elle se rend compte que son arrêt n’est pas loin, il faut se relever et atteindre la porte sans tomber. L’homme de tout à l’heure la foudroie du regard, elle lui a fait perdre une place assise pour un laps de temps aussi court que ça ? Marie essaie de se frayer un chemin sans laisser tomber son sac à main et sa canne, avec une seule main, c’est galère ! Elle a demandé à quelqu’un d’appuyer sur le bouton d’arrêt, il faut juste que le chauffeur la voie et ne pense pas à une erreur. Il freine, encore une secousse à vous faire tomber ! Marie se rattrape, et continue sa progression. Elle est presque arrivée, encore quelques mètres. Soudain le bus redémarre, elle a mis trop de temps et le conducteur a perdu patience.

- S’il vous plaît, je veux descendre, c’est mon arrêt !

Marie parle fort, mais le bus continue son chemin.

- S’il vous plaît !

Il va falloir qu’elle revienne sur ses pas, elle qui a tant de mal à marcher ! L’autobus a parcouru au moins cinq cents mètres ! Marie se met à pleurer :

- S’il vous plaît, je suis handicapée !

Deux fois ! Il a fallu qu’elle prononce ce mot deux fois sur un trajet de cinq arrêts, c’est humiliant à la fin. Les larmes sont essuyées, il y a pire qu’elle, il y a toujours pire. Elle est enfin arrivée et se dirige vers le restaurant.


Angèle est en retard, pourtant elle s’est levée de bonne heure, mais le téléphone n’a pas arrêté de sonner, et puis il y a eu la voisine qui avait reçu un paquet pour elle, trente minutes, perdues à écouter les commérages de cette vieille bique. Il faut hâter le pas mais Angèle s’essouffle vite depuis son accident, « accident » ! Pour elle ce ne sera jamais un accident, mais c’est comme ça qu’on en parle. Ses poumons brûlent, pourtant elle ne marche pas si vite, elle vient même de se faire doubler par une mamie… Il ne faut pas s’énerver et ne pas être amère, elle aurait pu mourir comme tant d’autres jeunes filles, elle est en vie, et elle va se battre ! Le restaurant est en vue, le calvaire va prendre fin.

Bénédicte regarde les listes qu’elle écrit à longueur de journées :
- Factures
- Pain
- Ménage
- Linge
- Resto
Il y a deux listes en cours, quelques mots sont barrés. La jeune femme ne veut rien oublier, mais ses idées s’embrouillent, elle oublie des choses, égare des papiers, mélange les heures. Quelquefois sa sœur et sa mère veulent l’aider :

- J’égoutte la salade ? Hier je suis allée au marché il y avait des légumes magnifiques.

- Tu l’as achetée la robe que tu aimais bien ? Il est où l’égouttoir ?


- J’aime bien tes couverts à salade. Elle est où l’huile ? et le vinaigre ? Tu as du sel et du poivre ?

Bénédicte ne peut pas se concentrer sur sa tâche. Elle essaie de répondre à Julia, se rappeler de la robe qu’elle a vue dans quel magasin déjà… Et l’huile, elle est où … les paroles de sa sœur sont comme les balles d’une mitraillette, une torture savante qui ne laisse aucun répit à son esprit.

- L’huile est dans le…, et le….

Zut ! Les mots ne sortent pas, il y a un blanc dans le cerveau de Bénédicte, impossible de se rappeler comment s’appellent ces objets qu’elle utilise tous les jours.
- C’est où ? Dans le placard ? Lequel ? En haut ? En bas ?

Bénédicte essaie de rassembler ses pensées, l’avalanche de mots la déstabilise.

- J’ai trouvé ! Heureusement que je n’ai pas attendu ta réponse ! Tu as vu hier …

Bénédicte n’écoute plus, elle entend les paroles de sa sœur mais ne comprend plus rien, elle n’arrive plus à répondre, il faut du calme, du silence, elle doit pouvoir se concentrer.

Il est bientôt midi. Bénédicte doit partir, elle doit rejoindre ses amies pour déjeuner. Elle se sent épuisée, elle a pris l’habitude de faire une sieste d’une demie heure en début d’après-midi, c’est très efficace pour chasser le mal de tête et les bourdonnements d’oreilles qui s’amplifient au fil des heures. Elle se sent vieillir, pourtant elle n’a que vingt-cinq ans !

Josépha a pris sa voiture, pourvu qu’il y ait une place près du restaurant ! Sa jambe la fait toujours souffrir, des phlébites à répétition à dix-sept ans, personne ne veut y croire ! Sa jambe gonfle et rougit dès qu’elle marche plus de quelques mètres. Elle doit porter d’horribles bas de contention même en été, finis les shorts et les jupes ! Heureusement qu’elle habite à Paris et pas à Marseille, les jours de chaleur sont un calvaire pour cette jeune fille qui adorait prendre des bains de soleil. Elle n’a pas encore osé prendre sa carte d’handicapée pour pouvoir utiliser les places réservées, elle veut encore croire que tout va s’arranger. Après deux tours de pâtés de maison, un espace se libère, elle va payer une fortune en parcmètre, mais pas moyen de faire autrement.

Josépha est la dernière arrivée, elle aperçoit ses amies réunies à la meilleure table. Le restaurateur les connaît, elles se voient régulièrement pour parler de l’association qu’elles ont montée, il les aime bien ses « fifilles » :

- Alors mes beautés, je vous ai préparé des gourmandises « light », je sais que vous faites attention à votre ligne, mais il faut savoir se faire plaisir. Alors…
Il ajuste ses lunettes et note avant que les convives n’aient le temps de parler.

- Un potage carotte cumin, du merlu aux légumes du jardin et un sorbet à la mangue, ça vous va mes chéries ? Et un petit Saumur Champigny pour faire passer tout ça !
Elles sont toujours contentes de se voir, le repas a lieu une fois par mois. Elles ont toutes été victimes d’un médicament, ces nouvelles molécules qu’on qualifie de minipilules et que tout le monde pense sans danger.

Elles ne sont pas seules, à une table non loin de là, un groupe de médecins a été invité par un laboratoire pharmaceutique.

- Je prendrai une coupe s’il vous plaît.

- Moi aussi.

Ils sont huit. Une femme d’une trentaine d’année prend la parole :

- Vous prenez ce que vous voulez sur la carte.

Ils parlent très forts et gênent Marie et ses amies.

- Je viens d’acheter un appartement sur plan, les travaux ont pris du retard, il faut que tous les logements soient accessibles aux handicapés, Ils doivent même pouvoir accéder aux balcons ! Le surcoût était énorme, résultat ils ont supprimé toutes les terrasses ! C’est ridicule, ces règlementations sont idiotes, j’imagine le type en fauteuil roulant, il n’ira jamais sur un transat !

La plaisanterie fait beaucoup rire ses collègues.

- Dans mon immeuble il fallait une rampe d’accès, esthétiquement c’est absolument horrible ! On a essayé de discuter avec l’archi, mais il n’y a rien eu de possible, c’est la loi.

- Ces lois ne sont faites que pour embêter les gens, et les faire banquer.

- Tout à fait d’accord !

- Et au niveau l’exercice de la médecine c’est pareil, vous avez vu tous ces scandales qui éclatent ?

- Oui on ne peut plus vacciner ou donner un cachet sans prendre un luxe de précautions, tous ces gens qui ont des maladies dormantes qui se déclarent subitement, on nous en rend responsables !

- Ne m’en parle pas ! Ça devient n’importe quoi, les patients se méfient de tout maintenant, ce qu’ils regardent à la télévision leur fait peur.

La femme du laboratoire prend la parole :

- Il y a surtout des gens qui ont compris le filon et cherchent à se faire de l’argent sur le dos des labos. Quand je vois le nombre de tests qu’on fait avant de lancer un médicament ! Il nous faut des années pour sortir la moindre molécule.

Les filles se regardent consternées. Elles ne peuvent plus manger. L’arrogance de ces gens leur coupe l’appétit.

- Vous partez en vacances cet été ?

- N’oubliez pas que vous êtes tous invités par mon labo à notre congrès à Nice pour parler des contraceptifs oraux.

- Oui bien sûr, vous faites toujours les choses très bien, l’hôtel était magnifique l’an dernier.

- Et on a très bien mangé !

- Oui la cuisine était très raffinée, le chef vient d’obtenir sa troisième étoile je crois.

- Est-ce que vous avez invité Martin ? Il veut instaurer toute une batterie de tests pour rendre la pilule plus sûre.

La représentante du laboratoire pharmaceutique s’essuie les commissures des lèvres du coin de sa serviette :

- On ne l’a pas invité, ces tests sont de la foutaise, toutes ces femmes qui fument et se laissent grossir, elles en auraient eu des problèmes de santé, même sans la pilule ! En plus tout ça couterait une fortune à la sécu.

Avant que ses amies aient pu faire quoi que ce soit Marie s’est levée la canne à la main :

- Bande de cons, vous vous dites médecins et vous tenez des propos pareils, je vais vous les faire bouffer vos entrées, avec l’assiette avec !

Béné s’interpose :

- Calme toi Marie, ils ne méritent pas qu’on se rende encore plus malades.

- Mais ce sont des meurtriers ! Vous allez en tuer et en estropier encore combien avant de vous rendre compte ? Vous n’êtes que des porcs !

Le groupe de médecins regardent les quatre jeunes femmes sans comprendre.

- Calmez-vous, mademoiselle.

Une des invitées du labo dit en aparté :

- Elle a bu regarde, elle ne tient pas debout…

Marie a entendu, elle se rue sur la femme et lui vide son assiette sur la tête.
- C’est à cause de gens comme vous que je ne tiens plus debout ! Et vous osez me faire des remarques ?
Ses amies décident d’être solidaires. Angèle renverse les verres, le champagne se répand sur la nappe et les vêtements de marque des médecins.
- Elles sont complètement folles !
Bénédicte hurle :

- Sortez d’ici ! On ne veut pas voir vos faces d’idiots incompétents dans notre restaurant ! Rien n’a changé depuis Molière !

Josepha fait du théâtre, elle poursuit les huit scientifiques qui se dirigent vers la porte:
- « Le médecin malgré lui », « Acte III scène première » :
Je trouve que c’est le métier le meilleur de tous : car soit qu’on fasse bien, ou soit qu’on fasse mal, on est toujours payé de même sorte. La méchante besogne ne retombe jamais sur notre dos : et nous taillons, comme il nous plaît, sur l’étoffe où nous travaillons. Un cordonnier en faisant des souliers, ne saurait gâter un morceau de cuir, qu’il n’en paye les pots cassés : mais ici, l’on peut gâter un homme sans, qu’il en coûte rien. Les bévues ne sont point pour nous : et c’est toujours, la faute de celui qui meurt. Enfin le bon de cette profession, est qu’il y a parmi les morts, une honnêteté, une discrétion la plus grande du monde : jamais on n’en voit se plaindre du médecin qui l’a tué.
Elle a crié la fin de sa tirade dans la rue, les gens se retournent mais continuent leur chemin comme si rien ne s’était passé.

Posté le : 21/12/2014 13:16

Edité par arielleffe sur 22-12-2014 11:52:54
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Mathurin Régnier
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Le 21 décembre 1573 à Chartres naît Mathurin Régnier

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mort le 22 octobre 1613 à Rouen, écrivain, poète satirique français du genre baroque, son oeuvre principales est l'ensemble de satires de 1 0 XVI.
La vie de Mathurin Régnier est assez mal connue, ou du moins avec assez peu de certitude. Il est né à Chartres ; sa mère était la sœur du poète Philippe Desportes ; son père, un notable bourgeois, tenait sur la place des Halles un jeu de paume appelé le Tripot Régnier. Il semble bien que le jeune Mathurin ait hanté de bonne heure des lieux fort peu recommandables. Destiné cependant aux ordres, Régnier fut tonsuré très tôt, à neuf, onze ou quatorze ans selon les sources. Attaché à l'âge de vingt ans au service du cardinal François de Joyeuse, le beau-frère de Henri III, chargé des affaires royales auprès du Saint-Siège, Régnier le suit à Rome pendant six séjours de 1594 à 1605. Mathurin Régnier avait un goût très vif pour les plaisirs ; après une dizaine d'années passées en Italie dans la dissipation, il revient s'établir en France où, abandonné du cardinal de Joyeuse, il semble avoir mené une existence misérable jusqu'au jour où la mort de son oncle Desportes 1600 lui laisse une pension de deux mille livres à laquelle s'ajoute l'octroi d'un canonicat dans sa ville natale de Chartres 1609.


En bref

Ses parents le destinèrent à l'Église, pour qu'il pût hériter de son oncle Desportes, que la poésie avait conduit à la richesse et qui fit beaucoup pour la carrière de son neveu. Soucieux de son établissement, Desportes l'attacha au cardinal de Joyeuse, auquel Henri III confia, en 1587, une mission auprès du pape ; Régnier suivit le cardinal et passa une dizaine d'années à voyager entre la France et l'Italie. Parallèlement, il reçut de Desportes une initiation à la poésie. À son retour, ce dernier l'introduisit à la Cour : le marquis de Cœuvres lui confia, 1596-1598, avec quelques autres, la tâche de célébrer en vers sa sœur Gabrielle d'Estrées, favorite d'Henri IV. C'est probablement vers 1604 que Régnier composa ses premières Satires, dont une édition, qui en comportait dix parut en 1608 ; le vif succès qu'elle obtint fut confirmé par les deux éditions suivantes, 1609, 1612. Nommé chanoine de Chartres en 1609, le poète fréquenta jusqu'à sa mort un cercle de lettrés, le dramaturge C. Billard, les Sainte-Marthe, le fils de J. A. de Baïf, l'historien J. A. de Thou, tous restés fidèles aux traditions de la Pléiade, et opposés à Malherbe. Si l'on excepte quelques poésies religieuses éd. posthume, 1652, des poésies officielles, notamment les Inscriptions composées pour l'entrée à Paris de Marie de Médicis, 1610 et un groupe de poésies diverses comprenant des sonnets, des épigrammes, quatre Élégies inspirées d'Ovide pour les unes, de la tradition pétrarquiste pour les autres, l'essentiel de l'œuvre de Régnier est constitué par ses dix-sept Satires.
C'est principalement chez Horace et chez les Italiens, les bernesques, du nom du poète Berni que Régnier choisit ses modèles. Deux satires littéraires, le Poète malgré soi XV et la Satire à Rapin IX, exposent également un art poétique dont la seule loi est l'obéissance entière à son humeur libre. Comme Horace, il donne à ses Satires l'allure d'épîtres familières vouées à la relation, comme au fil de la plume, la satire est mélange, d'anecdotes piquantes de sa vie privée, entrecoupant son récit de réflexions morales ou de jugements d'ordre général, assez conventionnels. Aux bernesques, mais aussi à Rabelais, il doit certains traits de bouffonnerie grotesque, liée au réalisme de la description, Le souper ridicule, XI, ou Le mauvais gîte, XII. C'est en effet la peinture de la société et des mœurs de l'époque qui confère aux Satires leur principal intérêt littéraire. Car Régnier n'est point un moraliste profond ni original ; c'est un observateur aigu et narquois de la réalité qui excelle à brosser des portraits hauts en couleur, le pédant, le fâcheux, l'entremetteuse, l'homme de cour. De nombreux poètes et prosateurs du xviie siècle Scarron, Furetière, Boileau, La Fontaine entre autres –, lui devront une partie de leur inspiration ou de leur style

Sa vie

Mathurin Régnier, l’un des écrivains les moins classiques du xviie siècle, en ce qu'il s'oppose par exemple à Malherbe, naît à Chartres, le 21 décembre 1573, l’année qui suit la Saint-Barthélemy. Son père, Jacques Régnier, notable bourgeois de Chartres, est le créateur, sur la place des Halles, d'un jeu de paume, qui reste longtemps célèbre et est connu sous le nom de tripot Régnier. Sa mère, Simone Desportes, est la sœur de l’abbé Desportes, poète connu à l’époque, très bien en cour et pourvu de gros bénéfices.

Son père qui le destine à la succession de son oncle le fait tonsurer à l’âge de sept ans, dans le but de lui assurer la protection de son oncle et de celle de Nicolas de Thou, évêque de Chartres. Mais le jeune Mathurin, n’ayant aucun goût pour l’état ecclésiastique, compromet, par une conduite désordonnée, et sa réputation et une partie des bénéfices qu’il était appelé à recueillir dans la succession de son oncle l’abbé Desportes.

Il entend très souvent lire les poésies de son oncle, plus respecté à Chartres que tout autre poète, et commence à l’imiter par de petits poèmes satiriques sur les honnêtes bourgeois qui fréquentent le tripot de son père. Il monte ensuite à Paris auprès de son oncle. À vingt ans, il s’attache au service du cardinal de Joyeuse, et, en 1595, fait à sa suite un premier voyage à Rome. Il commence à écrire ses Satires. En 1601, il fait un second voyage à Rome, dans la suite de Philippe de Béthune, nommé ambassadeur par Henri IV, et y reste jusqu’en 1605. Il y écrit sa sixième Satire, mais ne tire guère avantage de ce voyage et revient triste et dégoûté de tout.

De retour à Paris, il rencontre les poètes célèbres de l’époque. Nourri des auteurs anciens, et en particulier d’Horace, Régnier, doué d’un rare bon sens et d’une riche imagination, donne au langage français une précision, une énergie et une richesse nouvelle pour l’époque. On peut retenir parmi les jugements sur ce poète, celui de Madeleine de Scudéry, dans la Clélie : … Regarde, lui dit-elle, cet homme négligemment habillé et assez mal-propre ; il se nommera Régnier, sera neveu de Desportes et méritera beaucoup de gloire. Il sera le premier qui fera des satires en françois ; et, quoiqu’il ait regardé quelques originaux fameux parmi ceux qui l’auront précédé, il sera pourtant un original en son temps. Ce qu’il fera bien sera excellent, et ce qui sera moindre, sera toujours quelque chose de piquant. Il peindra les vices avec naïveté et les vicieux fort plaisamment. Enfin, il se fera un chemin particulier parmi les poètes de son siècle, où ceux qui voudront le suivre s’égareront bien souvent.

Malgré sa charge ecclésiastique, Mathurin Régnier est toutefois loin de mener une vie édifiante. Au contraire, il peut désormais s'adonner sans inquiétude à une vie de débauche, comme à la poésie.
C'est à cette époque, en effet, qu'il publie ses premières satires 1608, qui rencontrent un succès aussi vif qu'immédiat. Parvenant alors à s'imposer comme poète officiel de la cour, Régnier composera, dans les années qui suivent, des œuvres de commande pouvant aller aussi bien des élégies aux poésies spirituelles.
Les œuvres complètes de Régnier, publiées par ses amis l'année même de sa mort 1613, comprennent, pour l'essentiel, outre des élégies et des épîtres, les fameuses satires, au nombre total de dix-neuf.
La fin du XVIe siècle vient de connaître une réaction contre la poésie de type élégiaque. La mode est à la recherche d'un nouveau réalisme qui, chez certains, se manifeste, de manière outrancière, par une surenchère dans la caricature grotesque. Régnier s'inspire à la fois de la tradition satirique latine, celle d'Horace et de Juvénal, et de la manière des burlesques italiens, notamment imitée de Berni et de ses disciples. Par son style, souvent incorrect et embarrassé, mais naturel, plein d'invention et de truculence, il s'apparente plus à Rabelais et à Marot qu'à Malherbe. Par la franchise, la simplicité, voire la saine trivialité de sa verve, il appartient à la vieille famille gauloise. Les satires de Régnier sont de plusieurs genres :
Satires littéraires, comme Le Poète malgré soi XV ou la Satire à Rapin IX appelée encore, Le Critique outré ; Régnier y expose son art poétique qui tient en peu de mots : rien que le naturel. La poésie est inspiration et rien d'autre, c'est l'inspiration qui emporte et soulève le poète, dont la nonchalance est une des grandes ressources. Régnier veut combattre Malherbe (à qui il ne saurait pardonner de ne pas avoir aimé les Psaumes de Desportes, et le traite de critique pointilleux, incapable d'imagination et seulement soucieux de proser de la rime et rimer de la prose .

Satires psychologiques ou philosophiques, comme Franc de crainte et d'envie ; la sagesse de Régnier réside en quelques traits : maîtrise de soi, amour passionné de la vie et confiance totale en la nature — une philosophie proche de celle de Montaigne et exprimée sans aigreur, avec grâce et facilité.

Mais c'est surtout dans la peinture de mœurs que Régnier excelle, lorsqu'il se fait le peintre de son temps, abondant en détails pittoresques et finement observés sur la vie quotidienne à Paris sous le règne de Henri IV. C'est dans la satire XIII qu'on trouve le fameux portrait de Macette l'entremetteuse, que Sainte-Beuve n'hésite pas à qualifier de chef-d'œuvre dans lequel une ironie amère, une vertueuse indignation, les plus hautes qualités de poésie ressortent du cadre étroit et des circonstances les plus minutieusement décrites de la vie réelle. Le succès des satires de Régnier resta extrêmement grand. Les romantiques firent au poète, qu'ils plaçaient au-dessus de Boileau, un regain de popularité, et Musset, dans son poème Sur la paresse, a rendu un juste hommage à Mathurin Régnier, de l'immortel Molière immortel devancier.


L’épitaphe si connue qu’il s’est composé lui-même, est la fidèle expression de son caractère :

J’ai vescu sans nul pensement,
Me laissant aller doucement
A la bonne loy naturelle,
Et si m’estonne fort pourquoi
La mort osa songer à moi
Qui ne songeay jamais à elle.
Sa vie de débauche et de bohème l’empêche d’accéder à la reconnaissance. Il meurt, poursuivi par la maladie et le chagrin, dans une hostellerie de la ville de Rouen, à l’âge de 40 ans.

Œuvres

Satires N° I à XVI ;
Épitres ;
Élégies ;
Poésies diverses ;
Poésies spirituelles ;
Poésies attribuées à Régnier.
Postérité

Sa ville natale, Chartres, honore sa mémoire avec une rue à son nom qui relie le boulevard Chasles à la place des Halles, une stèle sur cette même place où se situe par ailleurs l'hôtel de Ville, et le collège Mathurin Régnier dans le quartier de La Madeleine.
Une rue de Paris porte son nom, dans le 15e arrondissement, entre la rue de Vaugirard et la rue Dutot.
Il existe aussi une rue portant son nom à Perpignan, dans le quartier de la gare.


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Posté le : 21/12/2014 12:38

Edité par Loriane sur 22-12-2014 00:04:15
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Re: Défi du 20/12 au 26/12
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Il avait tant couru le temps
Qu’il n’avait plus assez de temps
Pour vivre encore quelques temps
Et voir refleurir le printemps.

Décembre tirait le rideau
Cette année lui semblait fardeau
Un effort et quelques cadeaux
Au pied du sapin, un chaudeau.

Nouvelle année ou nouvelle ère,
S’avance alors, que l’on espère,
Heureuse, avenante et prospère
Pour tous les êtres de la terre.

Et pour les bardes de l’Orée
Cet endroit ou est honorée
La prose neutre ou colorée
Que tous leurs vœux soient honorés

Posté le : 21/12/2014 09:45

Edité par kjtiti sur 22-12-2014 09:26:01
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Le bonheur est une chose qui se double,..…..si on le partage …

Titi
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Re: Les expressions
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« Sur les chapeaux de roues »


A grande vitesse, avec précipitation.


Les chapeaux de roues, ce sont bien sûr les enjoliveurs des roues d'une voiture.
Pour les amateurs de dessins animés et de situations impossibles, il est amusant d'imaginer une voiture prenant un virage tellement vite qu'elle bascule sur les deux roues extérieures au virage au point d'en frotter les enjoliveurs sur le bitume avec de grands jets d'étincelles.

L'explication de l'expression est simplement là.
Mais bien entendu, compte tenu des stupides lois de la physique qui gouvernent notre univers, il est peu probable que, dans la réalité, une telle situation permette ensuite à la voiture de continuer son trajet autrement qu'en enchaînant quelques tonneaux, avant la mise en bière du conducteur, pas du tonneau !.

Cette image s'est ensuite étendue.Cette image s'est ensuite étendue pour désigner toute action effectuée avec beaucoup de précipitation.

Ailleurs

Tunisie ar Aajaja En tourbillon, en coup de vent
Allemagne / Autriche de Mit vollem Dampf À toute vapeur
Angleterre en To come hogging roud the corner Arriver en faisant le cochon autour d'un coin
Angleterre en To go round on two wheels Partir en faisant le tour sur les deux roues
Angleterre en To go hell for leather Aller en enfer pour du cuir
Espagne es A toda marcha. À toute vitesse.
Argentine es En dos ruedas En deux roues
France (Toulouse) fr A fum
France (Nord) fr À toute blingue
Canada (Québec) fr Sur les caps de roues
Italie (Sicile) it A mòrti subbitània Comme une mort subite
Brésil pt A todo vapor À toute vapeur
Chine zh 像离弦的箭 Comme une flèche décochée d'un arc ..

Posté le : 21/12/2014 09:04
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Re: Défi du 20/12 au 26/12
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Cher Donald,

Mon coeur de mère s'est serré peu à peu au fil de ma lecture et j'ai fini avec une larme qui a coulé sur ma joue. Ton texte est poignant car c'est, malheureusement, la réalité vécue par toujours trop d'enfants.

Tu m'as beaucoup émue. Merci pour cette belle participation.

Allez, les amis, écrivez un truc joyeux !

Bises

Couscous

Posté le : 21/12/2014 08:02
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Re: Défi du 20/12 au 26/12
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Arielle,

Ton texte est plein de symboles que je ne connaissais pas. Un sorte de Roméo et Juliette à la japonaise. C'est bien trouvé ! Ton thème amène un texte plutôt tragique. Je me demande ce que donnera les autres productions des auteurs...

Merci

Couscous

Posté le : 21/12/2014 07:59
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Nicolas Fouquet
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Le 21 décembre 1664 Nicolas Fouquet est reconnu coupable de péculat

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c'est à dire, détournement de fonds publics par un comptable public, peine qui lui fait encourir la peine d emort. Nicolas Fouquet, marquis de Belle-Île, vicomte de Melun et Vaux, né en janvier 1615 à Paris, mort le 23 mars 1680 à 65 ans, à Pignerol, homme d'État français de haut rang, surintendant des finances à l'époque de Mazarin, procureur général au parlement de Paris. Il est licencie en droit à la Faculté de décret de l'Université de Paris, son activité principale est celle de surintendant des finances de Louis XIV 1653 -1661, il est également procureur général du Parlement de Paris
Il est le fils de François IV Fouquet, saon épouse est Marie-Madeleine de Castille.Il eut un pouvoir et une fortune considérables. Promoteur des arts au sens le plus noble du terme, Nicolas Fouquet sut s'attirer les services des plus brillants artistes de son temps. De nos jours, il est possible de mesurer la grandeur qui fut la sienne au château de Vaux-le-Vicomte. Destitué et arrêté sur l'ordre de Louis XIV en 1661 pour malversations, condamné à la confiscation de ses biens et au bannissement hors du royaume, il vit sa peine élargie par le roi, en vertu de ses pouvoirs de justice, à l'emprisonnement à vie. Personnage candidat au masque de fer, Nicolas Fouquet connut, bien longtemps après sa disgrâce, une réhabilitation posthume de son destin tragique, par les nombreux romans et films qui lui furent consacrés, et dont l'exemple le plus fameux fut le récit d'Alexandre Dumas, Le vicomte de Bragelonne.


En bref

Marquis de Belle-Isle, vicomte de Melun, vice-roi d'Amérique, procureur du roi au parlement de Paris et surintendant des Finances, Fouquet, mécène fastueux qui a construit Vaux, le premier Versailles du Grand Siècle, pensionné La Fontaine, découvert et fait travailler Molière, Lebrun, Le Nôtre, est le type accompli du grand seigneur en ce premier XVIIe siècle, le siècle de Louis XIII, lequel s'est achevé en 1661 avec la carrière du surintendant. Pourtant Fouquet est issu de la grande bourgeoisie, de cette bourgeoisie anoblie par les charges et le service du roi ; ses armes parlantes : un foucquet écureuil avec cette devise : Quo non ascendo. Son ascension est en effet exceptionnelle. C'est Richelieu qui épaule ce jeune homme doué : conseiller au parlement de Metz à seize ans, maître des requêtes à vingt, il passe, à la mort du grand cardinal, au service de Mazarin. À trente-cinq ans, il achète la charge de procureur du roi au parlement de Paris. En 1653 enfin, la double protection d'Anne d'Autriche et de Mazarin lui vaut la charge de surintendant des Finances ordinaires et extraordinaires ; il est alors l'homme le plus puissant de France après le cardinal. Il est vrai que jusqu'en 1659 il a un collègue, Servien ; mais, après la mort de ce dernier, Fouquet ne doit plus de comptes qu'au roi ; et, si le roi mineur règne, c'est Mazarin qui gouverne.
Le royaume étant partiellement ruiné par la guerre étrangère, suite de la guerre de Trente Ans, guerre contre l'Espagne et par la guerre civile, la Fronde, le Trésor était généralement vide, et les dépenses de l'État étaient acquittées avec des billets sur des espérances de rentrée d'argent ; ces billets étaient assignés par un trésorier de France à l'un des fonds de l'État, par exemple une ferme. Si ce fonds s'avérait insolvable, le billet recevait une autre assignation et le créancier était forcé de se promener de bureau en bureau jusqu'à ce que son assignation se dévalue et qu'il se trouve trop heureux de la revendre bien au-dessous de sa valeur réelle. L'acquéreur du billet n'avait plus qu'à le faire signer par le surintendant qui l'assignait sur un bon fonds ; il était intégralement payé, ce qui permettait de réaliser jusqu'à 90 p. 100 de bénéfice. Bien entendu, ces services étaient reconnus par des dessous-de-table qui accroissaient prodigieusement la fortune de Fouquet et encore plus celle de Mazarin. Fouquet prêtait aussi à l'État à des taux réputés usuraires, mais ces sommes permettaient parfois de gagner une bataille. En réalité, ses finances et celles de l'État se confondaient, et le crédit de l'État, c'était le sien, la confiance en sa signature toujours honorée. Toujours à la frontière d'une légalité qu'il connaissait fort bien, Fouquet aimait ces jeux d'argent comme il aimait les livres rares, les meubles précieux, les jardins enchantés, les demeures fastueuses, les jolies femmes. Ce goût d'un faste vraiment royal le perdit dans l'esprit d'un roi de vingt ans qui n'avait guère connu que la pauvreté. Mazarin meurt au début de l'année 1661, léguant au roi Colbert son fidèle commis. Mazarin n'aimait pas Fouquet, mais en avait besoin ; Colbert le haïssait et voulait sa place. Il n'était guère difficile de perdre Fouquet dans l'esprit du roi. Depuis des années, Colbert accumulait notes et mémoires qui accablaient le surintendant. Et celui-ci accumulait les imprudences : il offrait de l'argent à La Vallière, qui le repoussait avec indignation ; il donnait à Vaux une fête trop royale en l'honneur du roi ; il vendait enfin sa charge de procureur contre de fallacieuses promesses, perdant ainsi le privilège d'être jugé par le Parlement. Sa perte était résolue. C'est en Bretagne, dans son fief, que Fouquet est arrêté par d'Artagnan le 5 septembre 1661. Usant de son droit de justice retenue, le roi nomme une chambre spéciale composée surtout d'ennemis de Fouquet. L'opinion est d'ailleurs satisfaite ; le bonheur, la richesse de Fouquet, sa puissance lui ont suscité beaucoup d'envieux. Il passe pour être l'affameur du peuple. Le procès va durer près de trois ans, malgré les efforts de Colbert et du roi. Contre Fouquet, tous les moyens sont bons : corruption de juges, falsification de pièces, isolement total du prisonnier, à qui on refuse tout moyen de défense ; ses plus fidèles collaborateurs sont emprisonnés. Pourtant, sa mère, sa femme, ses amis assaillent le roi de suppliques ; Fouquet se défend, conteste ses juges, fait paraître des mémoires justificatifs. Devant l'acharnement du pouvoir, l'opinion se retourne, et l'accusé devient martyr de l'absolutisme ; certains juges, tels Lamoignon, d'Ormesson, refusent d'obéir. Corneille, La Fontaine, Mme de Sévigné mettent leur plume au service de Fouquet. Le 20 décembre 1664, après des réquisitoires qui soulèvent l'indignation par leur ton haineux, l'accusé est condamné au bannissement perpétuel. Le roi voulait la mort. Fait inouï, il commue la peine en prison à vie. Le rideau tombe sur la vie de Nicolas Fouquet, coupable d'avoir fait ce que tant d'autres avaient fait avant lui et de n'avoir pas compris que le temps en était révolu et que, dans le ciel de France, il n'y avait place désormais que pour un seul astre. Enfermé dans la forteresse de Pignerol, Fouquet survivra vingt ans. Cet homme qui avait eu tout n'aura plus rien, broyé par la raison d'État et peut-être par la possession d'un secret qu'il ne révélera jamais, ce qui l'a fait identifier par certains historiens au masque de fer de l'île Sainte-Marguerite, où il n'a probablement jamais été transféré ; il serait mort au moment où il venait enfin de voir s'ouvrir les portes de la prison.

Sa vie

Nicolas est le second fils de François IV Fouquet, conseiller au parlement de Paris, maître des requêtes de l'hôtel du roi puis conseiller d'État, et associé de la Compagnie des îles d'Amérique, et de Marie de Maupéou, issue d'une grande famille de la robe. La famille Fouquet a fait fortune dans le commerce du drap avant de se convertir dans la magistrature. Contrairement aux prétentions de l'époque du clan Fouquet, la famille n'est pas d'origine noble : son trisaïeul, François Foucquet, était marchand, et fils de marchand de drap à Angers. Son père, était devenu un riche armateur breton, remarqué par Richelieu qui l'avait fait entrer au Conseil de la Marine et du Commerce, et qui devint conseiller d'État ordinaire et maître des requêtes à Paris. Il avait accepté de siéger dans la Chambre composée en août 1626 par Richelieu pour juger le comte de Chalais.
Le blason des Fouquet porte D'argent à l'écureuil rampant de gueules, avec la devise « Quo non ascendet ?, Jusqu'où ne montera-t-il pas ?. Un foucquet est en effet, en gallo, un écureuil.
Comme les Maupéou, les Fouquet sont devenus une famille exemplaire de la Contre-Réforme, d'une spiritualité très proche de François de Sales et de Jeanne de Chantal. Sur les douze enfants survivants du couple, les six filles deviennent religieuses, quatre garçons sont tonsurés dont un, Basile Fouquet, est abbé, seuls Nicolas et son frère puîné Gilles étant laïcs et deux d'entre eux sont évêques.
Dans un même esprit, c'est aux Jésuites du collège de Clermont que ses parents confient l'éducation de Nicolas. Tout en étudiant, il aide sa mère, Marie de Maupéou, dans la préparation de médicaments pour les pauvres. Son goût pour la chimie et la pharmacie persistera tout au long de sa vie. Son frère aîné étant destiné à rejoindre la robe, comme son père, le jeune Nicolas est d'abord orienté vers l'état ecclésiastique. En conséquence, il reçoit la tonsure en janvier 1635. Il devient trésorier de l'abbaye Saint-Martin de Tours et reçoit le bénéfice du prieuré de Saint-Julien de Doüy. Malgré tout, sa famille hésite encore sur l'orientation à donner à sa carrière. C'est finalement le droit qui l'emporte — selon le jurisconsulte Christophe Balthazar, sur conseil de Richelieu en personne : Nicolas passe sa licence de droit à la Faculté de décret de l'Université de Paris et se fait inscrire au tableau des avocats.

Carrière politique Magistrat

En mars 1633, son père demande au cardinal une charge de conseiller au Parlement de Paris pour Nicolas. Sa demande est refusée : le frère aîné, François V, possède déjà une charge identique. Néanmoins, il obtient l'année suivante une charge de conseiller au parlement de Metz, nouvellement créé par Richelieu. Cela témoigne de la faveur de François et la confiance du cardinal en Nicolas, qui obtient une dispense d'âge. Nicolas reçoit une mission du cardinal : inventorier les papiers du Trésor de la chancellerie de Vic, où sont conservés tous les titres du temporel de l'évêché de Metz et de l'abbaye de Gorze. Il s'agit de vérifier si le duc Charles IV de Lorraine n'empiète pas sur les droits du roi de France, ce qui est toujours le cas quand il s'agit de territoires enclavés à l'étranger et rattachés depuis peu à la France ; c'est le casus belli couramment utilisé. Il s'agit en effet de justifier l'entrée des troupes françaises dans ses États qui occupent le duché avant les conclusions de Nicolas. Le jeune homme s'acquitte de sa tâche avec brio.
En 1635, le frère aîné de Nicolas entre dans les ordres. Désormais, Nicolas porte les espoirs d'ascension sociale de son père, qui lui achète une charge de maître des requêtes de l'Hôtel. Là encore, Nicolas bénéficie d'une dispense d'âge. En 1638, il est détaché de la cour de Metz pour participer au Conseil souverain imposé par la France à Nancy. Il y mène grand train, prenant part aux séances à la comédie, aux bals et aux festins. La même année, son père, pour l'associer à ses affaires, lui cède une part dans la Compagnie des îles d'Amérique.
François Fouquet, se sentant proche de la mort, pousse son fils au mariage. Nicolas jette son dévolu sur Louise Fourché, dame de Quéhillac, petite-fille de Jean Fourché, maire de Nantes en 1597-1598. Le contrat est signé le 10 janvier 1640 à Nantes entre les parents, la cérémonie a lieu le 24 à Notre-Dame de Nantes. C'est un riche mariage : Louise apporte en dot 160 000 livres en argent et rentes sur particuliers plus la terre de Quéhillac. Nicolas reçoit de ses parents la propriété de sa charge de maître des requêtes estimée à 150 000 livres, plus une rente de 4 000 livres au denier, ce qui représente environ 20 000 livres de capital. De plus, Louise comme Nicolas ont de forts liens de parenté en Bretagne : Louise par ses parents, son père est conseiller au parlement de Bretagne et Nicolas par ses cousins Chalain et par les liens de son père avec les compagnies de commerce de l'Atlantique. François Fouquet meurt peu de temps après, suivi au début de l'année 1641 par le grand-père maternel de Nicolas, Gilles de Maupéou. La même année, six mois après avoir donné naissance à une fille, Marie, sa femme meurt. À 26 ans, Nicolas Fouquet se retrouve donc veuf.

Le Cardinal Mazarin, protecteur de Fouquet.

Durant cette période, il reprend les activités de son père au sein des différentes compagnies maritimes dans lesquelles la famille détient des parts : Compagnie des îles d'Amérique, du Sénégal ou encore de la Nouvelle-France. En 1640, il fait partie des premiers actionnaires de la Société du Cap-Nord et en 1642, il entre dans celle des Indes orientales.
Il fait aussi l'acquisition de la terre noble de Vaux avec la dot de son épouse16, dans le bailliage de Melun, et se fait appeler « vicomte de Vaux ». En 1642, la mort de Richelieu, protecteur de longue date de la famille Fouquet, vient mettre fin à ses rêves coloniaux et maritimes. Fouquet choisit alors définitivement le service de l'État. Heureusement pour lui, l'équipe ministérielle est maintenue en place par Louis XIII puis, à la mort de celui-ci, par la régente Anne d'Autriche : le cardinal Mazarin prend la succession de Richelieu et devient le nouveau patron de Fouquet.
En 1644, il est nommé intendant de justice, police et finances à Grenoble dans le Dauphiné, sans doute sur décision personnelle de la régente. C'est un poste difficile pour un jeune homme peu expérimenté, qui plus est dans une province qu'il ne connaît pas. Au cours de l'été, alors qu'il s'est absenté sans autorisation pour assister à l'intronisation de son frère aîné François, nommé évêque d'Agde, une émeute de paysans a éclaté contre les levées d'impôts. Il est révoqué aussitôt par Mazarin, sur l'initiative du chancelier Séguier.
Heureusement, un second incident lui permet d'écourter sa disgrâce : sur le chemin du retour, de nouvelles émeutes se déclenchent à Valence. Grâce à son sang-froid, à ses talents oratoires et à son courage personnel, Fouquet parvient à calmer ce soulèvement. En récompense, il réintègre dès 1646 le corps des maîtres des requêtes. Mazarin lui confie une mission d'observation lors du siège de Lérida, en Espagne. Ayant donné toute satisfaction, Fouquet est nommé l'année suivante intendant à l'armée de Picardie, sur décision personnelle d'Anne d'Autriche.

Sous la Fronde

En 1648, il devient intendant de la généralité de Paris. La Fronde donne à son poste une importance inespérée. Il se range immédiatement du côté d'Anne d'Autriche et de Mazarin, se gagnant ainsi la faveur indéfectible de la reine. Après l'arrêt d'Union, il envoie à la reine une lettre conseillant de négocier et de diviser ses ennemis, attitude qu'il conserve tout au long de la Fronde. Pendant le siège de Paris, il se voit chargé du service des subsistances et gagne beaucoup d'argent.
En novembre 1650, il peut franchir un pas important en achetant pour 450 000 livres la charge de procureur général du parlement de Paris. Il entre ainsi dans l'élite de la robe. Il en profite pour contracter un second mariage, conclu en février 1651. La nouvelle madame Fouquet, née Marie-Madeleine de Castille-Villemereuil, appartient, elle aussi, par son père à une famille de marchands passés à la finance, puis anoblis. Elle n'a que 15 ans, lui en a 36. Sa dot est inférieure à celle de Marie Fourché, mais elle apporte en compensation le vaste cercle de relations de la famille de sa mère dans la haute robe parisienne. Au même moment, le Parlement vote l'expulsion de Mazarin. Celui-ci a pris les devants en s'exilant en Allemagne. Officiellement, Fouquet, procureur général, instruit contre Mazarin. En sous-main, il tient Mazarin informé jusqu'à son retour en grâce, par le truchement de son frère Basile, dit l'abbé Fouquet, chef de la police secrète du cardinal. Le 31 juillet, un arrêt royal transfère le Parlement à Pontoise, Fouquet supervise l'opération, sous les quolibets de la foule.
Il tient sa revanche à la fin de la Fronde : lors du lit de justice du 22 octobre 1652, après la lecture de l'acte d'amnistie, il prononce un grand discours louant la clémence du roi et fustigeant ses collègues restés fronder à Paris. Par la suite, il se montrera impitoyable envers les partisans de Condé.

Surintendant des finances

En février 1653, le duc de La Vieuville, surintendant des finances, meurt subitement. Fouquet, soutenu par des amis financiers, se porte aussitôt candidat à sa succession. Mazarin, répugnant à trancher et sachant que diviser c'est régner, opte pour deux charges de surintendant des finances. L'une revient au diplomate Abel Servien. L'autre est emportée par Fouquet le 7 février sur des candidats de première importance comme Le Tellier, Mathieu Molé, l'ancien surintendant de Maisons ou encore les maréchaux de Villeroi et de l'Hospital. Il doit sa nomination à sa bonne conduite durant la Fronde, mais aussi à l'influence de son frère Basile. À la surintendance est assorti un brevet de ministre, qui permet à Fouquet de siéger au Conseil d'En-Haut, la plus puissante instance monarchique. Fouquet est ainsi le plus jeune responsable des Finances de l'Ancien Régime. Pour ce qui est de sa compétence, les opinions varient selon qu'on considère l'homme d'affaires ou l'homme d'État. L'historien Daniel Dessert souligne ses compétences financières et commerciales, qu'il est préparé à affronter la redoutable tâche des Finances royales et il connaît de l'intérieur le fonctionnement de la finance . En revanche, l'un de ses biographes, Jean-Christian Petitfils, précise qu il connaissait mal les arcanes de la finance publique et qu'il était étranger au milieu des publicains.
Les finances royales sont alors dans un état désastreux. Alors que les besoins d'argent de la couronne sont immenses, à la fois pour financer la guerre et pour les dépenses personnelles de Louis XIV, le Trésor est en banqueroute, la conjoncture fiscale est calamiteuse les tailles ne rentrent plus et le stock de métaux précieux disponible, insuffisant. Pour faire face, Fouquet ne s'appuie pas sur une théorie économique précise. Cependant, il sait d'expérience que le principal problème de l'État français est son manque de crédit : les traitants, fermiers et autres bailleurs de fonds ne lui font pas confiance. Il s'emploie donc à restaurer le crédit en respectant les contrats passés entre ces traitants et le Trésor et en leur consentant des taux avantageux. Ainsi, il assigne sur de nouveaux fonds de vieux billets de l'Épargne, compensant ainsi une partie de la banqueroute de 1648. Il met l'accent sur les affaires extraordinaires : création et vente de charges, création de droits nouveaux, émissions de rentes et prêts, le tout dans des conditions très avantageuses pour les traitants. Au contraire des manipulations monétaires passées, il impose en juillet 1653 une réévaluation de la livre tournois : la pistole d'or passe de 12 à 10 livres. Le crédit se fait plus abondant et la situation s'améliore.
Loin d'inciter à la sagesse, cette embellie provoque de nouvelles dépenses inconsidérées. Dès 1654, la crise revient. Fouquet doit s'engager de manière importante sur sa fortune personnelle et même celle de ses proches. En novembre 1657, il doit ainsi prendre à sa charge un tiers d'un contrat global de 11,8 millions de livres. Son crédit personnel lui permet de couvrir l'engagement, mais au prix d'un intérêt de 20 %27.Parallèlement aux difficultés qu'il rencontre dans l'exercice de sa charge, il doit compter avec la faveur changeante de Mazarin et les critiques de Colbert, intendant de ce dernier. Exaspéré par ces tensions, il offre même sa démission, qui est refusée. Il ne s'entend guère non plus avec son collègue Servien : dès décembre 1654, il avait dû réclamer au roi un règlement pour délimiter les fonctions de chacun. Le 24, les tâches sont redéfinies : Servien a en charge les dépenses, Fouquet les recettes.
La politique de Fouquet lui permet de se constituer une large clientèle parmi les manieurs d'argent du royaume. En outre, les flux financiers considérables qui passent par les mains du surintendant ainsi qu'un réseau d'espions et d'informateurs permettent à Fouquet de consolider sa position. Les plus grands seigneurs deviennent ses amis et/ou ses obligés. Enfin, ses cousins Maupéou ainsi que son remariage lui garantissent une bonne mainmise sur la robe. Fouquet consacre son ascension sociale en mariant sa fille Marie avec Armand de Béthune, marquis de Charost, petit-neveu de Sully. Il dote sa fille princièrement : elle apporte 600 000 livres à son époux en louis d'or et d'argent.
À la mort de Servien en 1659, Fouquet est confirmé seul dans sa charge, qu'il conserve jusqu'à la suppression de cette dernière en 1661. Il repousse avec succès une intrigue de Colbert pour le relever de la surintendance, s'emploie à convaincre Mazarin de la nécessité de réduire les dépenses de l'État et simultanément, travaille à un vaste plan de redressement financier fondé sur l'amélioration de la perception des impôts indirects centralisation des fermes générales, l'allègement des tailles remise sur les arrérages de tailles impayées, l'assainissement des finances municipales, vérification des dettes des villes et, toujours, l'amélioration des relations avec les manieurs d'argent. Malgré la fin de la guerre, pourtant, la situation des finances royales reste très dégradée. Les manieurs d'argent préfèrent prêter à la Cour qu'au roi, et Fouquet doit une nouvelle fois engager sa signature personnelle, consentir à des taux d'intérêt considérables, accorder des remises et recourir aux affaires extraordinaires.
Le bilan de sa surintendance ne fait pas l'unanimité. L'historiographie classique reproche à Fouquet son absence de principes économiques clairs, sa timidité à réduire les affaires extraordinaires et à éteindre les emprunts royaux, mais surtout sa collusion avec le milieu des manieurs d'argent, son clientélisme et son enrichissement personnel. Daniel Dessert juge ce bilan largement marqué par les critiques de Colbert et préfère souligner l'amorce de redressement financier obtenu par Fouquet, par des moyens somme toute similaires à ceux de Colbert :
En réalité, il n'existe pas de politique financière profondément différente entre Fouquet et son rival Colbert. Ce qui les différencie, c'est leur style : tout en nuances, en touches subtiles chez le premier ; en coups de boutoir chez le second.
On a objecté à cette thèse que si Fouquet avait bien une politique cohérente, il n'a pas comme Colbert été l'auteur d'un système administratif cohérent.
Toujours est-il, que l'État se retrouve complètement ruiné par les intérêts des emprunts qu'il lui a fait contracter auprès de ses amis traitant ou de compagnies dans lesquelles il est intéressé, tandis que lui-même se retrouve à la tête d'une fortune fabuleuse lui permettant d'entretenir une cour et de donner des fêtes somptueuses. Ce contraste entre la prospérité de ses affaires et la ruine corrélative de son maître ne tardera pas à provoquer sa chute.

Aventures coloniales et maritimes

Actionnaire, à la suite de son père, de compagnies d'exploitation coloniales, Fouquet a conscience des problèmes inhérents à ces sociétés qui hésitent souvent entre but religieux et but commercial, possèdent des moyens insuffisants et pâtissent de la concurrence des Anglais et des Néerlandais. Rapidement, il décide donc d'intervenir dans les colonies de manière plus directe, en se faisant armateur. Dès les années 1640, sa famille achète ou fait bâtir plusieurs navires, dont des bâtiments de guerre. Certains semblent être utilisés pour la course, sous commission de la France comme du Portugal ; une partie sera vendue à la couronne de France en 1656. Des membres de la parenté sont également placés à des fonctions stratégiques : en 1646, son cousin le président de Chalain devient gouverneur du port breton de Concarneau.
Fouquet veut aller plus loin et se créer en Bretagne une puissance domaniale pouvant servir de base à de vastes entreprises coloniales et commerciales. C'est dans cette optique qu'il se lie à l'illustre maison bretonne de Rieux, à qui il rachète plusieurs terres aux alentours du golfe du Morbihan, comme la forteresse de Largoët. En 1658, par l'intermédiaire de Jeanne-Pélagie de Rieux, propriétaire de l'île d'Yeu, il fait fortifier l'île où il amène des vaisseaux armés. La même année, il achète Belle-Île pour 2,6 millions de livres, dont il restaure les murailles, et où il fait bâtir un port, des magasins et des entrepôts à grands fraits. Il semble bien que l'île soit également destinée à être une place de sûreté, un refuge en cas de procès. Simultanément, il constitue par l'intermédiaire d'un prête-nom une société de commerce à destination de l'Espagne et des Indes, dont les bateaux utilisent Belle-Île comme port d'attache et entrepôt. À la tête d'une dizaine de navires, utilisés pour le cabotage ou le commerce au long cours, Fouquet se classe parmi les premiers armateurs du royaume. Selon le surintendant et ses amis, l'ambition était que Belle-île remplace le port d'Amsterdam dans son rôle d'entrepôt de l'Europe septentrionale.
Afin de se prévaloir d'une autorité légitime, Fouquet achète en 1660 au duc de Damville la charge de vice-roi d'Amérique, qu'il confie à un homme de paille : les lettres de provision accordent au titulaire l'autorisation d'exempter d'impôts les marchandises et munitions destinées aux places existant ou à créer en Amérique. L'objectif du surintendant est alors de prendre le contrôle du commerce des peaux et fourrures d'Acadie, ainsi que de la pêche à la morue. Toutefois, il ne peut concrétiser ses projets en raison de l'opposition de la Compagnie de la Nouvelle-France. Ses projets en Terre-Neuve et aux Antilles connaissent pareillement l'échec, sans doute en raison de la dispersion des efforts de Fouquet.

Protecteur des arts et des lettres

Fouquet a de nombreuses demeures. Jeune homme, il réside dans la maison familiale de la rue de Jouy, à Paris. Il acquiert ensuite une demeure près de la rue de Matignon, avant de déménager dans l'hôtel de Castille, apporté en dot par sa seconde épouse. Il possède ensuite l'hôtel de Narbonne et celui d'Émery, jouxtant celui de Mazarin. Il achète également une grande propriété à Saint-Mandé. Il la fait rebâtir et embellir. Il y constitue une grande collection de livres 27 000 volumes, surpassée seulement par celle de Mazarin 50 000. Son goût des jardins s'y développe : il les réaménage, les décorant de statues, de serres et d'orangeries. Il y donne de nombreuses réceptions et y joue gros jeu. En 1656, il reçoit successivement la Cour, Gaston d'Orléans et la reine Christine de Suède.

Fortune

Nicolas Fouquet s'est bâti entre 1651 et 1661, une colossale fortune qui a fait de lui à la mort de Mazarin en 1661, l'homme le plus riche de France. À la mort de son père, Nicolas Fouquet hérite d'une fortune de 800 000 livres. En 1653, ses actifs étaient de 2 millions de livres et en 1661, ils sont de 19,5 millions de livres avec un passif de 16 millions de livres. Son revenu annuel de surintendant est de 150 000 livres.

Vaux-le-Vicomte en Seine-et-Marne

À partir de 1653, il fait bâtir le magnifique Château à Vaux-le-Vicomte actuelle commune de Maincy. Le domaine, acheté avant son accession à la surintendance, n'est que friches au milieu desquelles est construit un vieux château. Fouquet commence par racheter méthodiquement les terres alentour : l'ensemble du domaine représente, à terme, plus de 200 contrats, certains achats ne portant que sur quelques arpents de terre. Il fait raser le village de Vaux, quelques autres hameaux et bois, détourner une rivière et arracher des vignes. En outre, des travaux d'adduction d'eau sont réalisés. Le cout total des travaux de Vaux-le-Vicomte est évalué à plus de 4 millions de livres.
Il y fait travailler Le Vau, Le Brun, Le Nôtre et Villedo. Il s'entoure d'une petite cour d'écrivains comme Molière, La Fontaine, Madame de Sévigné ou Mademoiselle de Scudéry.
Le roi y vient pour la première fois en juillet 1659. Le 17 juillet 1660, Fouquet l'y reçoit de nouveau, accompagné par l'infante Marie-Thérèse que le roi vient d'épouser, alors qu'ils reviennent de Saint-Jean-de-Luz.
Le 11 juillet 1661, il reçoit une nouvelle fois la Cour. Louis XIV n'ayant pu assister à la fête, une autre est donnée le 17 août pour le monarque accompagné de ses 600 courtisans. Elle est somptueuse, avec jets d'eaux, feux d'artifice, ambigu, buffet donné pour plus de mille couverts et supervisé par François Vatel et création de la pièce de Molière Les Fâcheux. Louis XIV est furieux de voir tant de splendeur alors que ses propres demeures sont vides. L'origine de tant d'argent lui paraît suspecte. L'offre de Fouquet de lui donner Vaux ne fait que l'irriter davantage. Selon l'abbé de Choisy, Louis XIV aurait déclaré dans le carrosse qui le ramène à Paris à Anne d'Autriche : Ah, madame, est-ce que nous ne ferons pas rendre gorge à tous ces gens-là ?

Le mécène

Fouquet fonde un salon à Saint-Mandé dès la fin de la Fronde. Il y attire Paul Pellisson, Charles Perrault, Quinault, Ménage, La Fontaine et Madame de Sévigné. Il fréquente aussi des scientifiques comme le médecin Samuel Sorbière ou le philosophe La Mothe Le Vayer. Dès 1660, il s'intéresse à Molière. Il protège le peintre Nicolas Poussin. À Vaux, son salon réunit plutôt des Précieux. Fouquet lui-même écrit poèmes, chansons, énigmes et bouts-rimés, suivant la mode de l'époque. Il pensionne de nombreux poètes, comme Corneille 2 000 livres par an, Scarron 1 600 livres ou encore Gombauld 1 000 livres, et protège les sculpteurs François Anguier, son disciple François Girardon, Thibaut Poissant et Pierre Puget.
Sa générosité à l'égard des artistes en fait l'un des mécènes les plus puissants de France, bien devant le cardinal Mazarin et même le roi. En remerciement, Corneille dédie son Œdipe 1659 au surintendant, pas moins celui des belles-lettres que des finances, et Madeleine de Scudéry le place dans sa Clélie, histoire romaine au même rang que Richelieu en tant que protecteur des arts et des lettres.

Le procès Les raisons de la chute

Lorsque Mazarin meurt en mars 1661, la faveur de Fouquet semble à son comble : il contrôle le Conseil privé du souverain, qui le charge de créer un Conseil du commerce et lui confie plusieurs missions de diplomatie secrète. Cependant, les critiques de Colbert et l'avertissement de Mazarin, sur son lit de mort, à propos de Fouquet jouent en sa défaveur : Louis XIV se méfie de plus en plus d'un ministre jugé trop ambitieux. Contrairement à une idée reçue, la fête extravagante de Vaux n'est pas la cause de l'arrestation de Fouquet : la décision du renvoi, de l'aveu même du roi, fut prise auparavant, le 4 mai.
Elle s'explique principalement par la crainte du feu cardinal et de Colbert qui voient, en ses places fortes qu'il fait bâtir sur les côtes, une menace : il a fait débarquer des hommes et de nombreux canons sur l'île d'Yeu. Aussi, Fouquet qui est populaire possède un immense réseau de clientèle dans le royaume et est un fervent soutien des partis dévots que Colbert suspecte d'avoir attenté à la vie du roi le 29 juin 1658 à Calais par empoisonnement. Le parti dévot est absolument contre l'alliance qui s'est faite entre l'Angleterre, jugée hérétique, et le royaume de France. Le roi, probablement empoisonné, entouré de ses médecins, réussit à vomir et survit alors que l'après Louis XIV était évoqué. Colbert aussi avait prévenu le cardinal dès 1658 d'une possible tentative d'empoisonnement à l'encontre du roi. C'est ce même réseau de clientèle, fidèle à Fouquet, qui est impliqué dans l'affaire des poisons qui éclabousse jusqu'à Madame de Montespan. Mais joue aussi le fait que Louis XIV a l'impression d'être joué par Fouquet : après lui avoir promis de revenir à une gestion plus saine de ses finances, le surintendant est retombé dans ses anciennes pratiques. La résolution du roi se durcit quand Colbert lui remet les rapports de son cousin, Colbert de Terron, sur les fortifications et l'armement de Belle-Île. Mais il faut noter pour la défense de Fouquet que la distinction des finances royales et privées était peu envisagée jusqu'à l'arrivée de Colbert au poste de contrôleur des finances.
Deux éléments font obstacle à la chute du surintendant : de par sa charge de procureur général, Fouquet n'est justiciable que devant le Parlement, qu'il contrôle. Ensuite, le surintendant jouit de la faveur d'Anne d'Autriche. Colbert y pare méthodiquement : d'abord, il s'arrange pour que Fouquet propose spontanément au roi de vendre sa charge pour lui en remettre le produit. Ensuite, il gagne à la cause anti-Fouquet la duchesse de Chevreuse, vieille amie de la reine-mère. Si Fouquet est informé de ces menées, il n'en comprend pas le danger et, au contraire, accumule les maladresses.

L’arrestation de Nicolas Fouquet.

Alors que la cour est à Nantes pour les États de Bretagne, le 5 septembre 1661, Louis XIV ordonne à d'Artagnan d'arrêter le surintendant pour malversations. Visiblement surpris, Fouquet offre de faire remettre Belle-Île au roi et parvient à faire prévenir ses proches, qui n'utiliseront pas ce répit pour détruire ses documents les plus compromettants.
Hugues de Lionne, son ami, demande au roi de partager la disgrâce du surintendant, mais Louis XIV refuse. Belle-Île se rend sans résistance aux troupes royales.
Les scellés sont posés sur toutes les résidences de Fouquet, et celles de ses clients. Mme Fouquet est exilée à Limoges, ses frères Louis et François confinés dans leurs diocèses. Gilles est déchu de sa charge de premier écuyer, et même Basile doit s'exiler en Guyenne.
Certains de ses amis les plus proches, comme Pellisson, sont emprisonnés, les autres assignés à résidence.

L'instruction

Le 7 septembre, Fouquet est transféré au château d'Angers. Les perquisitions commencent, en présence de Colbert, pourtant simple particulier sans rôle dans l'instruction. Tout au long des recherches, il fait porter au roi, en toute irrégularité, les pièces inventoriées, dont certaines sont conservées et certaines rendues après quelques jours. Colbert fait également analyser tous les comptes et tous les registres financiers saisis, afin d'y chercher des éléments de preuve contre Fouquet. Derrière un miroir, à Saint-Mandé, on découvre le plan de défense de Fouquet : il s'agit d'instructions en cas de crise, rédigées par Fouquet lui-même en 1657, à une époque où il croit que Mazarin a juré sa perte. Le mémoire prévoit qu'en cas d'emprisonnement et de mise au secret de Fouquet, les gouverneurs qui comptent parmi ses amis s'enferment dans leur citadelle et menacent d'entrer en dissidence pour obtenir sa libération — projets de révolte qui eussent mérité la mort si le ridicule n'en avait adouci le crime, note l'abbé de Choisy. Indiscutablement factieux, ce plan est effectivement inachevé, lacunaire et tout à fait irréaliste. On relève également un engagement pris par les adjudicataires des gabelles de verser une pension annuelle de 120 000 livres à un bénéficiaire dont le nom est laissé en blanc : il s'agit clairement d'un pot-de-vin.
Par la suite, Fouquet accusera Colbert d'avoir fait placer chez lui un document issu des papiers de Mazarin : de fait, le papier n'est pas mentionné dans un premier procès-verbal établi avant la visite de Colbert, et n'est trouvé qu'après une visite minutieuse des lieux par ce dernier.
Le 12 septembre, Louis XIV supprime la surintendance, la remplaçant par un Conseil royal des finances. Colbert prend le poste de Fouquet au Conseil d'En Haut, avec rang de ministre. Relevant d'une forme parfaitement légale de justice retenue du roi, ce dernier a institué une juridiction d'exception par édit royal de novembre 1661 portant création et établissement d’une chambre de justice, pour la recherche des abus et malversations commises dans les finances de Sa Majesté depuis l’année 1635, chambre de justice constituée le 15 et présidée par le chancelier Séguier avaec pour adjoint Guillaume de Lamoignon. Elle est composée de magistrats de la Cour des aides et de la Chambre des comptes. Son objet est la recherche des abus et malversations commises dans les finances depuis 1635. Le 1er décembre, Fouquet est transféré au château d'Amboise ; la population l'injurie sur son passage.
L'instruction du procès de Fouquet est ouverte le 3 mars 1662. Dès lors, la procédure s'embourbe. Les interrogatoires débutent le 4 mars, alors que Fouquet n'a pas connaissance des pièces saisies et qu'aucun acte de procédure ne lui a été notifié56. En mai, il est inculpé. Le 6 juillet, un arrêt du Conseil d'En Haut lui interdit de se pourvoir devant le Parlement, malgré sa qualité d'ancien procureur général. Il n'est pas confronté aux témoins avant le 18 juillet, et on ne lui accorde un conseil que le 7 septembre. Le 18 octobre marque une étape importante du procès : la cour rend un arrêt d'appointement, qui impose que la procédure se déroule désormais par écrit.
À partir de novembre 1662 commence une procédure écrite qui dure deux ans. Le président désigne une liste de rapporteurs. Mme de Maupéou, qui agit pour le compte de son fils, en récuse deux, comme elle en a le droit. Louis XIV réplique qu'il avait choisi précisément ces deux magistrats, et refuse toute modification. Le 10 décembre, Colbert fait remplacer Lamoignon, jugé trop favorable à l'accusé, et lui substitue Pierre Séguier, dont la haine pour l'ancien surintendant est notoire.
Enfin, le 3 mars 1663, la cour accepte de communiquer à Fouquet les pièces de son choix, et consent à n'utiliser que celles qu'il aurait étudiées. Pendant ce temps, plusieurs des complices de Fouquet ont été jugés et condamnés. Ainsi, Jean Hérault de Gourville est condamné à mort par contumace pour péculat et lèse-majesté. La marquise du Plessis-Bellière, probablement la meilleure amie de Fouquet, est emprisonnée.
Pendant ce temps, plusieurs amis du prisonnier publient des libelles en sa faveur. Pellisson, embastillé, publie en cachette un Discours au roi par un de ses fidèles sujets sur le procès de M. Fouquet dont Louis XIV prend connaissance. La Fontaine écrit et fait circuler, sans nom d'auteur, une Élégie aux Nymphes de Vaux, poème dédié à M. F. faisant appel à la clémence du roi, ce qui lui vaut la suppression de sa pension par Colbert. Colbert fait pourchasser les auteurs et les colporteurs de gazettes.
Le 14 novembre 1664, Fouquet est amené à la chambre de justice dans l'Arsenal, pour être interrogé sur la sellette. Il se défend avec acharnement au cours de cette procédure orale.

Les crimes reprochés

Les deux crimes reprochés sont le péculat, détournement de fonds publics par un comptable public et la lèse-majesté, passibles tous deux de la peine de mort.

Le péculat

Les chefs d'accusation peuvent être regroupés comme suit :
réception de pensions sur les fermes mises en adjudication ;
acquisition de droits sur le roi par l'utilisation de divers prête-noms ;
réassignation de vieux billets surannés ;
octroi d'avances à l'État en cumul avec une fonction d'ordonnateur des fonds, afin d'en tirer bénéfice.
L'accusation appuie son argumentation sur deux types de preuves : d'abord, l'opulence de Fouquet et ses nombreuses acquisitions, ensuite, le témoignage de plusieurs manieurs d'argent ainsi que les papiers trouvés durant les perquisitions.
Sur le premier point, l'accusation soutient la pauvreté de Fouquet avant d'entrer dans les affaires : à preuve, il a dû emprunter les 450 000 livres de sa charge de procureur général. Elle met également en avant les dépenses importantes engagées pour Vaux. Elle met ensuite en avant son immense fortune actuelle, sur la base des 38 comptes découverts chez son commis : entre février 1653 et la fin 1656, Fouquet a reçu 23 millions de livres. Sur ce montant, 3,3 millions proviennent de ses gages et appointements, le reste étant constitué de billets de l'Épargne, d'ordonnances de comptant et de sommes reçues des gens d'affaires60. Pour l'accusation, cela prouve que Fouquet confond les recettes destinées à l'État et ses revenus personnels.
De manière surprenante, et malgré les demandes de Fouquet, les magistrats ne dressent aucun état des biens de l'accusé, qui aurait permis de trancher la question. En effet, Fouquet de son côté nie sa prétendue pauvreté au moment d'entrer en charge comme sa richesse actuelle. Tout au long de la procédure, il se défend habilement, profitant d'une insuffisante culture financière du chancelier Séguier. Il se montre évasif sur les questions les plus épineuses pour lui, comme celle des droits d'octroi, et exploite les faiblesses de l'accusation comme la complexité du dossier.
Sur le fond, Daniel Dessert donne raison au surintendant. Il juge que les différents chiffres produits à charge sont divers, contradictoires, en un mot discutables et devant être maniés avec précaution. Pour lui, ils témoignent davantage de la circulation des effets et de l'argent entre les mains de Fouquet et de ses collaborateurs que de l'ampleur de la fortune de ce dernier, et donc des détournements qu'il aurait commis. Sur la base des actes notariés existants, des papiers du procès et des pièces relatives au règlement de la succession, il estime la fortune de Fouquet lors de son arrestation à 15,4 millions de livres d'actif et 15,5 millions de passif, soit un solde négatif de 89 000 livres. Fouquet n'aurait donc pas gagné à être surintendant. De plus, Fouquet n'aurait pas volé son argent au roi : toutes ses acquisitions seraient payées ou en cours de paiement avec l'argent de son couple. Il conclut que l'ensemble du dossier, pièces à conviction et interrogatoires, ne permet pas de prouver un quelconque manquement de Fouquet.
Jean-Christian Petitfils se montre plus réservé. Sa propre estimation de l'état des biens de Fouquet fait ressortir un actif de 18 millions de livres et un passif de 16,2 millions, soit un solde positif de 1,8 million. Il met également l'accent sur le compte de résultat et notamment l'importance des dépenses, ainsi que sur le désordre de la comptabilité de Fouquet. Si rien ne démontre qu'il ait puisé directement dans les caisses du Trésor … il est difficile d'admettre qu'au milieu de cette orgie de faux et de concussion, Fouquet soit resté blanc comme neige.Comme beaucoup de ses contemporains, Fouquet se serait donc bel et bien enrichi en se comportant comme banquier, financier et traitant vis-à-vis de l'État, alors même qu'il était en même temps ordonnateur des fonds.

La lèse-majesté

L'accusation, assez ténue, se fonde essentiellement sur le plan de défense de Saint-Mandé, lequel n'était pas connu au moment de l'arrestation : on reproche à Fouquet d'avoir fomenté un plan de rébellion en bonne et due forme en corrompant des gouverneurs de place et des officiers, en fortifiant certaines de ses terres, en constituant une flotte de vaisseaux armés en guerre et en tentant d'enrôler dans son parti la Compagnie de Jésus.
Au pied du mur, Fouquet invoque un mouvement de folie et dénie tout caractère sérieux au contenu du plan. Pour lui, son seul crime est de ne pas avoir brûlé ce papier aussitôt rédigé. Pourtant le plan de Saint Mandé est modifié par Fouquet plusieurs fois après sa rédaction initiale en 1657, 1658 et 1659. Ce qui rend peu crédible sa défense basée sur une folie due à la fièvre. Il conclut en retournant la politesse à son accusateur, Séguier, dont le comportement pendant la Fronde n'avait pas été exempt de tout reproche, et surtout dont le gendre, le duc de Sully, avait ouvert aux Espagnols les portes de Mantes dont il avait le gouvernement.
Si le plan de Saint Mandé n'est pas connu lors de l'arrestation, de fortes présomptions pèsent sur lui depuis la fortification de ses places fortes, en plus des liens qui l'unissent aux milieux dévots, plus proches des Rois Catholiques et de la maison des Habsbourg que des rois Très Chrétiens qui eux sont proches des pays protestants et du Grand Turc. Le procès est surtout un procès politique mené en sous main par les ministres de Louis XIV, notamment Colbert et Le Tellier.

Le jugement

Après trois ans d'audience pendant lesquels les avocats de Fouquet ont produit plus de dix volumes in-folio de mémoires en défense, la Chambre de justice reconnaît le 21 décembre 1664 Nicolas Fouquet coupable de péculat, crime pour lequel les ordonnances prévoient la mort. Mais sur les vingt-deux magistrats, seuls neuf opinèrent pour la mort, et Fouquet est condamné à la peine de confiscation de tous ses biens et de bannissement hors du royaume. Cette indulgence, toute relative, est peut-être une déception pour Colbert qui a consacré trois ans d'efforts à cette affaire. Le marquis de Sourches note dans ses Mémoires que la nouvelle est reçue avec une joie extrême même par les plus petites gens des boutiques.
Pour la plupart des contemporains, le verdict et la liesse populaire sont dues à un procès inique. L'abbé de Choisy note ainsi : la manière dont on s’y prit pour le perdre ramena les cœurs dans son parti. Il était coupable ; mais, à force de le poursuivre contre les formes, on irrita les juges en sa faveur, et son innocence prétendue fut un effet de la colère aveugle et précipitée de ses ennemis. De même, Voltaire, tout en reconnaissant que Fouquet a dissipé les finances de l'État et … en a usé comme des siennes propres, explique cette sentence clémente par l'irrégularité des procédures faites contre Fouquet, la longueur de son procès, l'acharnement odieux du chancelier Séguier contre lui, le temps qui éteint l'envie publique, et qui inspire la compassion pour les malheureux, enfin les sollicitations toujours plus vives en faveur d'un infortuné que les manœuvres pour le perdre ne sont pressantes.
Louis XIV change, en usant de son droit de grâce, la sentence en détention perpétuelle à Pignerol, place forte royale située dans les Alpes, le roi ne pouvant pas prendre le risque de laisser Fouquet, qui garde toute son influence, se réfugier dans une cour ennemie. Il disgracie également les juges, dont Olivier Le Fèvre d'Ormesson et Pierre de Roquesante, qui n'ont pas appliqué ses volontés dans cette affaire. Les riches amis financiers de Fouquet sont poursuivis par la même chambre de justice, qui siège jusqu'en 1669. Les nobles ne sont pas inquiétés.

La fin

Fouquet est emprisonné dans deux pièces du donjon de la forteresse de Pignerol commandée par Bénigne Dauvergne de Saint-Mars. On lui adjoint deux valets, Champagne et la Rivière, puis on les lui retire. Louis XIV libéralise ses conditions de détention à partir de 1677, il peut désormais se promener dans l'enceinte du donjon, recevoir la visite de sa famille ou de ses amis. Le roi envisage de libérer le vieil homme malade et usé lorsque Fouquet meurt officiellement à la forteresse le 23 mars 168074, peu après l'affaire des poisons qui touche une partie des amis de l'ancien surintendant dont par exemple la veuve du marquis d'Assérac. Il meurt sous les yeux de son fils, le comte de Vaux, qui se trouve là en visite. La mort est due à une crise d'apoplexie et fait suite à une longue maladie. Aucun acte de décès n'est établi, mais une ordonnance énumère les frais entraînés par la maladie puis les funérailles de Fouquet. Au reste, la famille ne conteste pas les circonstances du décès ; aucune autopsie n'est donc pratiquée. Le corps de Fouquet est déposé dans l'église Sainte-Claire de Pignerol, comme c'est la coutume pour les défunts anciens prisonniers de la forteresse, avant d'être transféré dans la chapelle Fouquet du couvent de la Visitation-Sainte-Marie, à Paris, actuel temple du Marais, rue Saint-Antoine.
Cependant, plusieurs sources jettent le trouble sur ce récit des événements. Gourville affirme dans ses Mémoires que Fouquet a été libéré peu de temps avant de mourir, thèse confirmée, d'après Voltaire dans son Siècle de Louis XIV, par la comtesse de Vaux, sa belle-fille. Il faut noter cependant que le premier écrit des années après les événements et que la seconde a épousé le comte de Vaux en 1687, après la mort de Fouquet.
Robert Challes rapporte dans ses Mémoires une théorie que lui aurait confiée le premier commis de Colbert : relâché à la suite de l'intercession de la dauphine, Fouquet serait mort à Chalon-sur-Saône, possiblement d'une indigestion. Il est le premier à mentionner un éventuel empoisonnement. Malgré son niveau de détail, la théorie telle que rapportée par Challes est peu vraisemblable.
Enfin, il faut mentionner un ajout autographe de Louvois à la fin d'une lettre adressée à Saint-Mars, geôlier de Fouquet : Mandez-moi comment il est possible que le nommé Eustache ait fait ce que vous m'avez envoyé, et où il a pris les drogues nécessaires pour le faire, ne pouvant croire que vous les lui ayez fournies. Le dénommé Eustache est Eustache Dauger, un autre prisonnier de Pignerol, autrement plus célèbre que Fouquet puisque c'est le nom que donne Louvois au masque de fer dans sa correspondance avec Saint-Mars.
Le texte sibyllin de Louvois laisse penser à un empoisonnement mais, si Dauger a bien eu la possibilité matérielle de le faire, on ne lui reconnaît aucun mobile. Petitfils suppose que les drogues dont il est question ont servi à élaborer de l'encre sympathique et conclut que Fouquet est mort de mort naturelle. Dessert, tout en jugeant plausible l'empoisonnement, souligne également l'absence de mobile, et écarte comme matériellement impossible l'idée que Colbert puisse en être à l'origine.
Sa haute position sociale au moment de son arrestation, et donc les nombreux secrets qu'il était censé connaître, l'acharnement du roi, qui brisa la sentence des juges, font que certains auteurs, comme Paul Lacroix, ont mêlé le sort de Fouquet à celui de l'Homme au masque de fer, thèse sans fondements historiques. Il reste que dans ses mémoires, l'abbé Dubois, confident du Régent, fait état d'un entretien de ce dernier avec Louis XIV, peu avant sa mort, qui lui aurait dit que le Masque de fer était Fouquet, laissant entendre qu'il aurait soupçonné la reine Anne d'Autriche ou Marie-Thérèse ? d'avoir eu une liaison avec lui.

Généalogie

De son premier mariage, avec Louise Fourché de Quéhillac, Nicolas Fouquet eut une fille, Marie, qu'il maria avec Armand de Béthune, marquis de Charost, moyennant un apport dotal de 600 000 livres de la part de l'épouse. Ce mariage à la fin des années 1650 confirme l'ascension sociale de la famille.
Le second mariage permit d'assurer une descendance masculine. Nicolas Fouquet eut 5 enfants de Marie-Madeleine de Castille :
François 1652-1656 qui mourut très jeune ;
Louis Nicolas, comte de Vaux mort en 170 qui se maria avec Jeanne-Marie Guyon, fille de parlementaire, sans descendance ;
Marie-Madeleine 1656-1720 qui épousa Emmanuel Balaguier de Crussol d'Uzès, marquis de Montsales ;
Charles Armand 1657-1734, est entré à l'Oratoire ;
Louis, marquis de Belle-Isle 1661-1738 qui épousa Catherine-Agnès de Lévis, fille du marquis de Charlus.
Seul le marquis de Belle-Isle eut une descendance. Le mariage de sentiments qu'il obtint avec la fille du marquis de Charlus contre le gré de la famille apparaît comme une véritable chance étant donnée la réputation des Fouquet après la condamnation de Nicolas. Les Lévis sont en effet une famille de noblesse de race fort ancienne.
De ce mariage naquit notamment Charles Louis Auguste Fouquet 1684-1761 et Louis Charles Armand 1693-1747. Ces deux fils, par leur carrière dans les armes, nouveauté chez les Fouquet ! permirent de redorer le blason du lignage, et d'acquérir les plus grands honneurs jamais reçus : Charles Louis Auguste devint entre autres Gouverneur des Trois-Evêchés, places fortes de première importance aux confins du Saint-Empire et fut nommé duc et pair sous Louis XV, en récompense de ses loyaux services.
naissance de la branche des Fouquet-Bouchefollière

Nicolas Fouquet dans les œuvres de fiction

Alexandre Dumas fait de Nicolas Fouquet un personnage central de son roman Le Vicomte de Bragelonne. Dumas dépeint Fouquet avec sympathie et défend la thèse de son innocence. C'est en partie pour sauver son ami Fouquet mais surtout pour s'assurer la maîtrise du royaume qu'Aramis fait enlever et emprisonner Louis XIV et le remplace par son jumeau caché. Fouquet refuse cependant de participer au complot et délivre le véritable roi ; le jumeau est renvoyé en prison, et devient le masque de fer. Louis XIV se montre cependant ingrat : toujours dressé contre son surintendant, et ne lui pardonnant pas de l'avoir vu emprisonné et humilié, il ordonne tout de même l'arrestation de Fouquet.
En 1910, le premier film qui lui est consacré s'intitule Fouquet, l'homme au masque de fer. Le film muet réalisé par Camille de Morlhon a pour sujet la thématique du Masque de fer, laquelle reviendra de façon constante et récurrente dans sa filmographie tout le long du xxe siècle83. Cette thématique n'est pas étrangère aux lignes écrites par Alexandre Dumas.
En 1939, L'Homme au masque de fer, film américain de James Whale, avec Joseph Schildkraut dans le rôle du surintendant, est une adaptation très libre du Vicomte de Bragelonne.
En 1977, Patrick McGoohan, acteur de la série-culte Le Prisonnier, tient le rôle de Nicolas Fouquet dans la série télévisée britannique : L'homme au masque de fer The Man in the Iron Mask .
Publié en 2002, Imprimatur, de Rita Monaldi et Francesco Sorti, propose une autre alternative de fiction, avec l'évasion de Nicolas Fouquet de Pignerol et la fin de sa vie à Rome, base de l'intrigue du livre.
Publié en 2010, Le ministère des ombres de Pierre Lepère, évoque la vie à Vaux-Le-Vicomte - Colbert se meurt d'amour pour l'épouse de Fouquet - autour du personnage le plus puissant du royaume, la fatidique date du 17 août 1661... jusqu'à son emprisonnement.
Publié la même année, Althéa ou la colère d'un roi de Karin Hann. Althéa est la filleule du surintendant. Le récit est fidèle aux faits historiques. Par contre, l'auteur prend le parti de romancer l'épisode du Masque de Fer, imaginant que Fouquet avait eu connaissance de ce secret d'État, ce qui incita Louis XIV à se débarrasser du surintendant.
Le téléfilm en deux parties Le Roi, l'Écureuil et la Couleuvre de Laurent Heynemann diffusé en mars 2011 est centré sur la rivalité entre Fouquet l'écureuil Lorànt Deutsch et Colbert la couleuvre Thierry Frémont pour obtenir la faveur de Louis XIV Davy Sardou. S'il penche du côté du gentil Fouquet jalousé par un Colbert haineux et revanchard jusqu'au bout, il n'est pas exempt d'erreurs historiques plus ou moins légères le second mariage n'est pas évoqué, les précédentes visites royales à Vaux-le-Vicomte avant la grande soirée non plus et d'anachronismes comme la référence au mythe de Don Juan dans les années 1650 alors que la pièce de Molière qui popularisera le personnage n'est créée qu'en 1665.

Liens
http://youtu.be/CDfjWhOAL84 Louis XIV et Nicolas Fouquet 1
http://youtu.be/5dWZKk2aiss Louis XIV et Nicolas Fouquet 2


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Posté le : 20/12/2014 22:21

Edité par Loriane sur 21-12-2014 23:49:10
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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