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Re: Défi du 1er Août
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De Paris
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Dumont :
certes, la société capitaliste qui prône le "toujours plus" alors que l'on a déjà beaucoup aura certainement notre peau, mais je t'en prie, ne t’apitoie pas sur mon personnage : par velléité en en préférant la vie facile, il porte en lui les germes de la corruption !

Posté le : 02/08/2015 17:27
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Re: Défi du 1er Août
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Donaldo,

Ta nouvelle me fait étrangement penser à la série Doctor Who (à deux ou trois extra-terrestres près... enfin bon... le rapprochement n'est pas si évident...)
Ce voyage temporel sans cause ni raison m'a transportée et ce qui est vraiment agréable, c'est l'univers musical qui l'accompagne.

Merci pour cette nouvelle qui me donne la nostalgie de toutes les époques disparues !

Posté le : 02/08/2015 17:24
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Re: Défi du 1er Août
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Dumont,

J'ai aimé ta nouvelle. Tu me donneras l'adresse de cet opticien car ce serait génial de gagner ainsi en clairvoyance (bien que cela n'ait pas vraiment aidé le personnage à l'heure son rendez-vous avec la mort...).

Tu as raison, en amour, mieux vaut cultiver un certain mystère. Tout savoir de l'autre et c'est la mort du couple !

Merci pour ce texte inspiré !

Posté le : 02/08/2015 17:17
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Re: Défi du 1er Août
Plume d'Or
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emma!
ces salauds de lobbies pharmaceutiques qui poussent à pervertir les pauvres gentils mecs innocents!
une nouvelle qui pose moult réflexions
j'ai aimé

Posté le : 02/08/2015 11:08
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Re: Défi du 1er Août
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Donaldo
j'ai souvent rêvé d'un post pareil mais que je manierai à ma guise pas à la sienne!
et là, mon message t'arrivera à quelle époque?
merci pour ta nouvelle

Posté le : 02/08/2015 11:00
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Re: Les expressions
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« Arriver comme les carabiniers »


Arriver en retard, lorsque tout est terminé.


Cette expression est issue de l'opéra-bouffe Les brigands d'Offenbach, qui chantaient :
Nous sommes les carabiniers
La sécurité des foyers
Mais par un malheureux hasard
Au secours des particuliers
Nous arrivons toujours trop tard.

La réputation des carabiniers devait être très mauvaise pour qu'il y soit fait allusion de manière aussi marquée dans le livret de cette oeuvre

Ailleurs
Angleterre en To come a day after the fair Venir (arriver) un jour après la foire
Espagne es A buenas horas mangas verdes... Arriver après la bataille, quand on n'a plus besoin de rien
Espagne es Llegar tarde, mal y nunca. Arriver en retard, mal et jamais.
Grèce gr Φθάνω κατόπιν εορτής (Ftàno katòpin eortìs) Arriver après la fête
Latin la Tarde venientibus ossa Pour les retardataires, des os

Posté le : 02/08/2015 08:23
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L'écriture
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Quand j'écris je considère cela comme un refuge , je m'écoute , je me comprends , je fuis tout..
j'ai tant aimé m'exprimer , c'est comme une énergie interne , une énergie si active , si forte que je fais monter aux sommets de mes mots..

Ikramusse qui vous remercie pour cet espace si magique.

Posté le : 02/08/2015 06:12

Edité par Loriane sur 18-08-2015 10:00:06
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Re: Défi du 1er Août
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Une crème de petit mari

Ailleurs. N’importe où sauf ici : le grand amphithéâtre de la faculté de médecine était bondé de monde.

Leona avait changé : elle s’était mariée, elle était devenue clinicienne pour un grand laboratoire pharmaceutique et gagnait désormais des sommes faramineuses. Elle s’était fait refaire le nez, les seins, elle s’était fait raboter la fossette sous le menton, elle s’était fait aligner les dents. Des années de régime draconien et de fitness à outrance avaient eu raison de ses rondeurs d’adolescente. Pourtant quinze ans de vie n’avaient rien changé à l’affaire : elle se sentait toujours comme l’affreux vilain canard complexé par son physique disgracieux. Revoir les anciens de la promo et replonger tête baissée dans ce passé avilissant pour honorer un gala de charité au profit de je-ne-sais-trop-quelle-association-caritative, c’était presque au dessus de ses forces.
« On n’a qu’à envoyer un gros chèque et ne pas y aller ! » avait rétorqué Yves avec son infinie nonchalance.

Hors de question ! Leona affrontait les problèmes !

Yves, elle l’avait rencontré à la fac vers la fin des études. Déjà à l’époque, il était beau et indolent. L’un et l’autre avait tacitement admis qu’Yves vivrait au crochet de sa femme. Elle n’avait jamais trop su s’il l’aimait sincèrement ou bien si ce mariage permettait seulement à Yves de mener le mode de vie qui lui convenait le mieux : se lever à 11h du matin.

Leona évitait de se poser trop de question. Yves était un bon mari qui prenait son métier de mari au sérieux : chaleureux et convivial, il savait écouter et n’oubliait ni les anniversaires ni la saint Valentin.

- Je me demande si Douria va venir… Elle est en voyage d’affaire en Europe, en ce moment… Marmonna Yves, et déjà il la cherchait du regard.

Leona ne pu retenir un pincement de contrariété à l’évocation de sa « rivale »: depuis des années, Yves et Douria, sa correspondante Sri-lankaise du temps de la fac, avaient entretenu une amitié à distance. Si ce n’était le fait qu’ils ne se voyaient quasiment jamais et que Douria avait le physique le plus grossier du monde, ces deux là ne seraient certainement pas restés platoniques toute une vie…

- C’est moi que tu cherches ? Susurra une sensuelle et plantureuse jeune femme au teint exotique et à la voix roucoulante.

Leona et Yves la regardèrent comme frappés par la foudre : Son visage ! Le visage de Douria ! Bon sang ! Son visage était transformé, transfiguré… Et pourtant… Et pourtant c’était elle, Douria. Toujours la même dans une version épurée, clarifiée, désépaissie, tout à fait elle en infiniment mieux !

Durant tout le gala, Douria fut la reine, virevoltante d’un groupe d’anciens à un autre. Chacun s’extasiait sur sa merveilleuse transformation, prenait des nouvelles de sa formidable réussite professionnelle…. Leona sentait la brulure d’une jalousie profonde la tarauder méchamment.

Enfin, elle parvint à coincer Douria dans un coin et cracha la question fatidique qui la travaillait depuis des heures :

- Mon dieu ! Douria ! Mais que tu es devenue belle ! Mais qu’est ce que tu as fait à ton visage ?

Douria minauda un peu, se fit prier et fit monter la pression. Leona la suppliait presque de lui révéler son secret au nom de leur « vieille amitié ».

- Tu sais, ce qui m’arrive est plus une malédiction qu’un bienfait ! Avoua Douria. Mon entreprise a mis au point une crème de jour qui donne à mon visage cet éclat de beauté. Mais les effets s’estompent au bout de 24 heures. Il faut se badigeonner de crème en permanence. Plus moyen de vivre sans !

Leona ne voyait nulle malédiction à tout cela : elle-même se tartinait de crèmes diverses tous les matins. Entretenir son corps était une discipline de vie, voilà tout.

- Je veux cette crème ! S’exclama Leona avec une froide résolution.

- Tu n’en as pas les moyens. Le moindre pot coûte plus de 150 000 dollars. Rétorqua Douria avec un soupçon de méchanceté dans la voix.

C’était plus fort qu’elle. C’était un besoin impérieux. Après à peine deux jours de réflexion, Leona craqua son compte en banque et acheta un pot de crème sans même consulter son mari.

Pendant un mois, elle fut belle. Belle à en crever. Belle à donner des hernies de jalousie à toutes les blondasses du club de gym. Les hommes et les femmes se retournaient sur son chemin. Les témoignages d’admiration se multipliaient de toutes parts. Yves étaient aux petits soins, fier comme un paon d’avoir à son bras une femme si superbe…

Malheureusement, le pot de crème diminuait à vue de nez et bientôt il serait vide. Leona ne voulait pas voir l’évidence, mais l’évidence était là : bientôt, faute de moyens infinis, elle redeviendrait la femme commune que l’on connaissait. Fini à jamais, la parenthèse dorée… Leona le vivait mal, très mal. Elle ne voulait pas retomber dans la banalité. Elle voulait être le restant de sa vie ce miraculeux produit des technologies cosmétiques modernes…

Tandis qu’elle voyait venir sa dernière ration de crème de beauté et que l’angoisse était à son comble, elle envoya un mail à Douria. Elle lui demandait comment faire. Comment faire pour se procurer le précieux élixir de beauté. Hormis l’argent qu’elle ne pouvait se procurer en si peu de temps, Leona lui faisait comprendre qu’elle était prête à tout. Douria ne pouvait-elle rien pour une amie de longue date ?

Les jours passèrent. Huit jours angoissants où Douria ne répondait pas à sa supplique. Leona, dont la beauté s’était estompée, ne sortait plus de chez elle prétextant une maladie contagieuse. Toutes les deux minutes elle consultait son ordinateur pour vérifier si elle n’avait pas reçu une réponse du Sri-Lanka….

Enfin, telle une délivrance, elle reçut ce simple message : « bonjour chère amie, ne pourrais-tu m’envoyer Yves pour les grandes vacances ? »

Ainsi, en bon mari, Yves se prostituait trois ou quatre fois par an et rapportait dans ses bagages les précieux pots de crème de jour. En vérité, quel meilleur mari que celui qui donne de sa personne pour offrir ce qu’il y a de meilleur sur terre à sa chère et tendre ?

Posté le : 02/08/2015 00:22
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Re: Défi du 1er Août
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Radio quantique


Personne ne me croira. Pourtant, je dois laisser une trace, un témoignage pour éviter la même mésaventure à un autre.

Tout a commencé un matin, tandis que je rangeais mon grenier. Il y avait une multitude d’objets hérités de mes différents déménagements, survivants de mes turpitudes professionnelles entre Los Angeles et Amsterdam, au temps où je conseillais des artistes égocentriques sur les mille et une façons de placer son argent dans le dos du fisc. Je devais absolument trier entre l’indispensable souvenir et l’inutile nid à poussière, ce afin de soulager l’espace des vieilleries entassées durant tant d’années. Mon cœur saignait d’avance à l’idée de condamner un compagnon de route, un objet d’apparence banal mais peut-être essentiel au sommet de sa gloire, quand il trônait dans mon fier intérieur.

Ce jour-là, un symbole de l’électronique mondiale attira mon regard : un transistor, du genre pur produit des années soixante-dix quand la France marchait droit au rythme des informations forcément exactes de l’ORTF et des chansons de Mireille Mathieu. Je reconnus immédiatement mon premier poste de radio, celui offert par ma mère pour mon passage en sixième. Je pensai l’avoir perdu pour toujours, plus de trente ans après son dernier chant, avant de se voir remplacé par un modèle plus moderne avec cassettes, diodes et modulation de fréquences. Fidèle témoin des années où le disco enflammait les pistes de danse, où John Travolta et Olivia Newton-John magnifiaient les années de collège, il avait enchanté les nuits magnétiques de mes rêves électriques. Donna Summer avait alors bercé mes soirées, souvent rejointe par les Bee Gees ou Earth Wind & Fire, dans des tempos chaloupés et des mélodies envoutantes. Mon éducation émotionnelle et artistique s’était construite grâce à des ondes venues de nulle part et partout à la fois, véhiculées par un simple mais mystérieux boitier en plastique.

J’arrêtai la séquence souvenirs et emportai le poste dans mon salon, histoire de l’étudier. Je ne savais pas s’il fonctionnait encore, si ses composants avaient résisté à l’usure du temps, à la poussière et aux toiles d’araignées. Au fond de mon moi intérieur, j’espérais le raviver au moins quelques minutes, revivre la sensation de découverte quand je tournerais de nouveau le bouton à la recherche de programmes musicaux ou d’émissions pour la jeunesse.

Je posai la radio sur la grande table, prit une bière au réfrigérateur et commençai les grandes manœuvres. D’abord, il me fallut trouver des piles car il n’y en avait plus dans le compartiment prévu. Cela me demanda un regard d’archéologue et une bonne dose de chance mais j’y arrivai après cinq minutes de recherches approfondies et frénétiques. Ensuite, je dus nettoyer les circuits imprimés et le ventilateur, à l’aide d’un pinceau et d’un chiffon imbibé d’alcool doux. Je me surpris à user de patience, à travailler avec précision et sans m’énerver, telle une fourmi alors que j’étais plutôt une cigale. Enfin, je réassemblai le tout et fermai le boitier. Tout était prêt pour lancer la magie de mon adolescence passée.

J’appuyais sur l’interrupteur de mise en route. La diode rouge s’alluma, un phare dans la brume de mes souvenirs. Il me sembla voir l’air scintiller autour de la table, comme si un génie allait s’extraire du dispositif. Je tremblai dans un mélange de peur et d’excitation.

Une voix masculine entama un chant ponctué par les miaulements de choristes anglaises. Je reconnus immédiatement le titre du groupe britannique « The Buggles », une chanson qui parlait d’amour et d’étoiles de la radio. Mon cœur battit la chamade, mes yeux se remplirent d’images d’un clip vidéo désuet et mon pied droit accompagna le rythme des percussions électroniques. Je me laissai bercer par cette ancienne mélodie perdue ces dernières années. Le temps devint quantique.

J’étais dans la rue, quelque part à Londres. Autour de moi se tenaient de jeunes gens aux vêtements improbables, aux cheveux dressés en épis, au maquillage outrancier. Les magasins de fripes côtoyaient les stands de disquaires. La musique d’ABC, de Spandau Ballet et de Heaven 17 agrémentait les discussions entre clones de Marc Almond et de Martin Gore. Les sosies de Siouxsie Sioux illuminaient l’espace de leur démarche gothique. Je ne savais plus si je rêvais.
— Qui veut des places pour le concert de Human League à Covent Garden ? Je le vends pour deux livres, prix d’ami, lança un grand gaillard blond aux allures de prince des ténèbres.
— Tu déconnes, répliqua une petite boulotte blonde aux allures de sorcière celte.
— Je suis sérieux. C’est à prendre ou à laisser. Saisis ta chance ou va jouer avec tes crapauds !
— Je t’emmerde, raclure de bidet ! C’est une arnaque ton plan, comme la dernière fois pour la prétendue sortie d’un album secret de David Sylvian. Je ne me ferai pas avoir une seconde fois.
— Dégage mon air alors !

Je me décidai à marcher, surtout pour ne pas passer pour l’ahuri du coin, le quadragénaire échappé de l’asile et plongé dans un univers de jeunes rebelles. Une immense blonde aux allures d’Annie Lennox en version post-punk m’interpela.
— Eh, toi là, d’où sors-tu ces fringues ?
— De mon placard, qu’est-ce que tu crois ?
— Elles sont gravement ringardes. Viens voir ici !
— Que me veux-tu ?
— Te montrer ce qui est à la mode aujourd’hui et le sera encore plus demain. Tu ne peux pas rester dans cet état. C’est une véritable honte, un crime esthétique.

La curiosité prit le dessus sur la raison. Je rentrai dans l’échoppe de la vendeuse. Elle ne s’embarrassa pas de politesse inutile et me colla directement devant un grand miroir situé en plein centre de la pièce. Ce que je vis défia mon entendement : une version de moi-même, habillé dans le plus pur style négligé des années deux mille dix avec une chemisette hawaïenne et un jean délavé, mais paraissant âgé de dix-huit ans au mieux.
— Sans rire, tu peux survivre à Londres sapé de la sorte ? Pourtant tu es beau gosse si on aime le genre ténébreux.
— Merci, tu n’es pas mal non plus pour qui est branchée basketteuse.
— Un partout balle au centre. Passons aux choses sérieuses. Suis-moi, je vais te relooker.

Je ne discutai pas. La suite promettait trop pour la rater. La vendeuse me choisit la parfaite panoplie du Néo-Romantique. Il ne me restait plus qu’à passer chez le coiffeur et je ressemblais à Steve Jansen période Japan.
— Tu es canon en fait !
— Merci. Je ne connais même pas ton nom.
— Marnie ! Ne rigole pas. Mes parents sont des fans d’Alfred Hitchcock.
— Moi c’est pire. Pourtant ma famille ne possède pas d’actions des studios Disney.
— Mickey ?
— Non.
— Dingo ?
— Ai-je une tête d’Australien ?
— Pas vraiment ou alors tu n’as jamais vu un surf de ta vie.

Le contact passait de commercial à plus intime. Marnie se marra à l’énoncé de mon prénom désuet puis me proposa de m’appeler Pluto. Je déclinai l’invitation, préférant passer pour un ringard grincheux au lieu d’un chien débile.
— Marnie, je dois t’avouer quelque chose.
— Tu n’aimes pas les filles ?
— Non, ce n’est pas le sujet.
— Mon accent écossais te dérange ?
— Il est léger et trop mignon.
— Je ne te plais pas ?
— Si. Je suis branché géantes blondes.
— Alors tout va bien ! Décontracte-toi, play-boy. Si c’est une question de fric, tu peux laisser une ardoise et payer dans quelques jours.
— Merci Marnie, tu es trop cool !
— Bon, on peut revenir à ton apparence. Il ne reste plus qu’une chose : changer cette coupe de cheveux en une véritable œuvre d’art. Ensuite, on pourra aller déjeuner ensemble à West Carnaby sans que tu me mettes la honte.

Marnie tint parole. Elle me présenta un de ses amis, un dandy parfumé prénommé Rupert, coiffeur de son état. Il travailla ma tignasse brune, avec force ciseaux et chalumeaux, une technique à la mode dans les milieux branchés de la coiffure alternative. Le résultat dépassa mes espérances. J’avais désormais la tête d’une star de la pop gothique. Il ne me manquait plus qu’un impresario et des cours de chant.

Le déjeuner à West Carnaby me permit de rencontrer la bande de Marnie, essentiellement des artistes ou des designers, pas plus âgés que vingt-cinq ans. Rupert avait dû passer le mot parce que je me prenais de fines remarques sur mes cheveux. Marnie me défendait avec un humour efficace assorti de sourires à damner Dracula en personne. Mon passé, ou plutôt ce qui ressemblait à mon futur au vu de la situation ubuesque, s’effaça progressivement de mon esprit. Revenir à mon état initial ne m’intéressait pas, au contraire. Je vivais à présent dans le Royaume Uni de Margaret Thatcher, une dame de fer peu encline aux pratiques démocratiques. Mes prochains amis écoutaient ma musique préférée, vomissaient la bourgeoisie britannique et ses faux-semblants, crachaient sur l’Amérique de Ronald Reagan et brûlaient la chandelle par les deux bouts. Pour moi, l’Histoire était écrite en lettres de sang, ponctuée par des tragédies et des rêves brisés, entre la chute du mur de Berlin, la mort de Kurt Cobain et deux avions percutant des tours jumelles. Il serait assez tôt pour revenir à la réalité. Tout ce qui m’importait désormais se conjuguait aux rires de Marnie, aux postures artificielles de Rupert et à la musique électronique des petits frères du punk.

Je passai le reste de la journée avec Marnie, l’aidant dans ses ventes, alpaguant les touristes égarés pour leur vanter les mérites de la mode londonienne, rangeant des vestes sur des cintres et apportant les cafés aux voisins de commerce. Cette vie commençait réellement à me plaire. Marnie m’encouragea par des gestes d’affection, preuves de son intérêt croissant pour une relation moins platonique.

La soirée confirma cette impression, surtout quand mon Ecossaise préférée farfouilla dans ma bouche avec sa jolie langue rose. Je répondis alors favorablement à sa demande d’accouplement et la portai dans sa chambre. Le reste se déroula avec volupté, sans musique ni artifice. Je m’assoupis peu de temps après mon amoureuse, tendrement lové contre elle.

Le lendemain matin, Marnie n’osa pas me réveiller. Elle me prépara un petit-déjeuner, me laissa un mot doux puis partit travailler. Je sortis de ma torpeur aux alentours de dix heures et demie. Les draps froissés, l’odeur du parfum de Marnie et mes courbatures me rappelèrent à quel point la nuit avait été passionnée. Après une douche bien méritée, j’enfilai mon caleçon puis décidai de passer à table. Je mis le café à chauffer, admirai l’alignement géométriques des toasts sur l’assiette en porcelaine puis ouvrai le pot de confiture d’oranges amères.

Mes yeux envoyèrent alors un signal d’alerte à mon cerveau. Je tournai la tête suite à un ordre intérieur, intimé par des neurones toujours sur le pont. Un objet rectangulaire était posé sur le côté gauche de la table. Jusque-là, il ne m’avait pas perturbé outre-mesure, peut-être parce qu’il était conforme à son époque. Je le reconnus immédiatement : c’était mon poste de radio, celui de mon enfance, mon premier véhicule sur les ondes magnétiques de mes rêves d’adolescent. Le voir de nouveau dans le paysage, au début des années quatre-vingt, ne me sembla pas incongru. Lui aussi paraissait rajeuni, presque neuf, comme s’il avait bénéficié du même traitement spatio-temporel que moi.

Ma curiosité reprit le dessus sur mon esprit cartésien et ma capacité de raisonnement. Je me levai puis allumai le poste. Au début, je ne perçus qu’un grésillement informe, phénomène explicable puisque je me trouvais dorénavant en Grande-Bretagne, loin des fréquences parisiennes. Je tournai le bouton de recherche des fréquences jusqu’à tomber sur une sonorité audible.
— Et maintenant, un petit retour dans les années soixante, aux temps où Tamla Motown faisait danser la jeunesse américaine, lança une voix masculine. Largement avant les sublimes versions de Marvin Gaye, James Brown ou Stevie Wonder, la chanson « Sunny » avait été magnifiée par son auteur, Bobby Hebb, sur son premier album. C’est ce que je vous propose d’écouter dans une interprétation « live » à New York, au Palladium : le chant désespéré des Noirs Américains, après l’assassinat de John Kennedy et la fin des rêves d’un monde juste.

Le chant démarra, sombre et servi par une rythmique précise. Je me laissai aller à cette musique divine. La pièce adopta un fondu enchainé et le temps redevint quantique.

Je me retrouvais de nouveau dans la rue, torse nu et sans chaussures. Autour de moi, de grandes façades affichaient des publicités en anglais, avec des prix en dollars. Une voix grave me sortit de mon hallucination.
— Alors, mec, on se balade les seins à l’air ? Les condés ne vont pas apprécier. On n’est pas en Californie ici, à chanter du Joan Baez, ironisa un majestueux Noir.
— Où sommes-nous ?
— A Atlanta, Géorgie, dans la patrie de l’Oncle Sam, là où les Blancs tuent des Noirs pour s’amuser, où les jeunes sont enrôlés pour combattre les Rouges, où la Constitution défend les riches et chie sur les minorités. Le Paradis selon Lyndon Johnson, l’Enfer en réalité !
— En quelle année ?
— Putain, mec, tu sors d’où ? De la planète Mars ?
— Non, de Londres, Angleterre, le pays des bières chaudes et du cricket !
— On est en 1968, le 8 avril précisément. Notre sauveur, le pasteur King, vient de se prendre une balle. C’est la guerre civile. Les flics nous pourchassent. Tout ça va partir en couilles, je te le dis, mec !

Voilà comment je me retrouvai dans la panade, tout ça à cause d’une frénésie de rangement et d’un vieux souvenir électrique paré de transistors. Calvin, mon nouveau meilleur copain, me conduisit dans un refuge pour les immigrés, les réfractaires à la conscription et les révoltés de tous bords. Dans mon malheur, j’avais eu de la chance, celle de ne pas réapparaitre à mon âge de l’époque, c’est-à-dire à deux ans. J’aurais vraiment eu l’air d’un extra-terrestre.


Posté le : 02/08/2015 00:17
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Re: Défi du 1er Août
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@ Donaldo
il faut bien quelques naïfs dans ce bas monde, c'est le grain de sel qui en ôte l'insipidité
merci pour ton commentaire
amitiés
Houcine

Posté le : 01/08/2015 21:16
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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