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Re: Défi du 05/09/2015
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Hello !
Autant Iste a dégainé tôt, autant moi, je réponds tard.
Voici ma participation !


La vie sans rouge




Armand était d’ordinaire un homme charmant, mais de temps en temps –peut-être deux à trois fois par an - il avait des sortes d’effrayantes sautes d’humeur. Quand ça lui arrivait, il se montrait si mauvais, si hargneux, si méchant, il vociférait si fort que même Nosferatu s’était tu dans ses enfers et l’exhortait de fermer sa gueule. L’an dernier il avait failli perdre son job et cette année, il avait failli perdre sa femme.
Après une mémorable dispute sur un parking de supermarché dont s’étaient rendus témoins les quinze employés et cent huit clients , Hélène, l’épouse d’Armand lui avait lancé cet ultimatum

- Mon bonhomme. Soit tu soignes ta colèrite aiguë, soit je te quitte.

Armand avait de sincère regret à présent que la crise était passée. Il fit le tour des médecins, psychologues, psychiatres, psychanalystes, comportementalistes assermentés… Tous proposaient des thérapies sérieuses, mais horriblement longues et demandant une réelle implication de soi. Or Armand ne se sentait pas malade, se confronter à la réalité et découvrir qu’il souffrait d’un trouble bipolaire, d’une profonde névrose ou d’un traumatisme d’enfance ne le tentait absolument pas. Non, il avait juste besoin de sauver son mariage.

C’est là qu’il fit appelle à Ramona.

Ramona était l’amie d’un ami et elle pratiquait ce qu’elle nommait la « calmothérapie », un truc babacoolistique importé de je ne sais quel endroit branché d’outre-manche. Ça puait le charlatanisme à plein nez, mais au moins, cela demandait peu d’investissement en temps, et sur le plan émotion (« deux séances tout au plus et ça sera régler », avait promis Ramona). En plus, sans trop jouer sur les mots, Hélène avait exigé que son cher et tendre se « soigne » et non qu’il « guérisse ».
- Bon ! Commença Ramona quant elle l’eut installé en tailleur sur de sympathiques tapis persans dans un salon cosy d’inspiration tibétaine, nous allons tenter de déterminer le fait déclencheur de toutes ces crises. Il va falloir me raconter chaque épisode dans le moindre détail.
Pendant presque 4 heures, Armand fit l’inventaire minutieux de ses perdes de contrôle, depuis la maternelle, alors que la directrice d’école avait douloureusement badigeonné son genou d’éosine et s’était retrouvée l’avant bras mordu à sang, jusqu’à sa dernière crise avec sa femme alors qu’elle avait filé en douce au coiffeur de la galerie marchande pour se faire teindre le cheveu en roux au lieu de l’aider à faire la queue à la caisse du supermarché, en passant par le très embarrassant savon monumental qu’il avait passé à son patron parce que ce maladroit avait malencontreusement renversé sa soupe à la tomate sur la belle chemise blanche d’Armand...
Ramona avait médité quelques instant ce grand déballage, puis avait rendu son verdict sans appel :
- Cas classique d’allergie à la couleur rouge ! Avait-elle conclu.
Armand avait d’abord ri. Avait failli même se moquer… Et puis il avait vite passé en revue toutes ses mésaventures à l’aulne de cette information nouvelle. Il avait également reconnu en son for intérieur que la couleur rouge vif l’alarmait, la vue du sang le hérissait, le pourpre l’angoissait et le carmin l’exaspérait… Oui ! Tout collait ! Il était allergique à la couleur rouge !
A partir de ce moment, Armand porta presque continuellement des verres teintés afin de voir la vie en jaune, bleu ou rose bonbon. Ayant aboli la couleur honnie, Armand pensait en avoir défini avec son petit problème technique de pétage de plombs somme toute assez gérable. Il avait pris conscience, aussi, qu’il s’était interdit de faire plein de choses juste parce que le rouge y était présent ou évoqué : séjourner à Londres car tous les bus étaient monumentalement incarnats, visiter la Place Rouge à Moscou ou encore se promener sur la croisette (à cause du tapis rouge…). Qu’à cela ne tienne, il emmena Hélène en longue lune de miel dans tous ces endroits magnifiques qui lui étaient autrefois défendus.

- Votre compte est vraiment dans le rouge, Armand ! Passez me voir, on va trouver une solution…

Monsieur Aboulie, son conseiller financier et ami de longue date avait laissé ce message comminatoire sur le répondeur et Armand le consulta avec un frisson d’inquiétude de retour de son voyage à Bâton Rouge (Louisiane). La banque allait fermer dans trente minutes. Ni une, ni deux, Armand attrapa le dossier qu’il consacrait à ses papiers de banque et fila jusqu’à l’agence. Irrité par le premier feu rouge qu’il croisa, il se rendit compte avec stupeur qu’il avait oublié ses lunettes de soleil. Tant pis, pensa-t-il. Monsieur Aboulie était un homme très placide. Pas grand risque qu’ils en viennent aux mains…
La petite dame de l’accueil le fit patienter dix minutes et l’orienta vers le bureau du directeur de l’agence.

- J’aimerais voir monsieur Aboulie, il est mon conseiller depuis vingt ans. J’ai un grave problème de découvert. Je me suis vraiment emballé ces derniers temps…

- Monsieur Aboulie ne travaille plus ici ! Son laxisme envers ses clients préférés lui a valu un blâme et le transfert dans une autre agence. Je suis monsieur Lareau-Tulle, directeur. Répondit un petit homme sec et peu engageant.

Comme l’homme l’invitait à entrer, Armand pénétra dans le bureau avec réticence. Il expliqua sa situation en s’efforçant de rester calme et serein, mais déjà un exemplaire du code des assurances posé en évidence sur le bureau de l’homme l’énervait prodigieusement à cause de sa couverture outrancièrement vermillonne…
Ce soir là, Hélène fit l’expérience fort humiliante de venir chercher son mari au commissariat du centre ville.

- On m’a expliqué que tu avais « explosé les rotules » de monsieur Lareau-Tulle. Murmura-t-elle d’un ton pincé tandis qu’elle le ramenait à la maison.

- Tu ne vas pas me quitter, dis ? Demanda Armand tout penaud. Tu sais bien… C’est à cause de ma phobie du rouge…

- Tâche de ne plus jamais oublier tes lunettes ! Hurla-t-elle. Et j’ai bien dit JAMAIS !

Armand jura un bon million de fois.


Posté le : 11/09/2015 20:29
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Re: Les expressions
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« Avoir le feu au cul (au derrière) »


Cette expression a deux significations complètement différentes :
- Être très pressé, filer très vite
- Avoir des besoins sexuels intenses


La première signification est attestée dès la fin du XVIIe siècle.
L'image est claire car on comprend bien que quelqu'un dont le derrière est en flammes se mette à courir très vite, par réflexe, dans l'espoir idiot de mettre de la distance entre le feu et lui, même si ce n'est forcément la meilleure réaction possible.

La seconde signification est apparue dès le milieu du XVIe siècle.
Elle est basée sur l'idée d'être très en chaleur, mais avec une localisation de cette 'chaleur' un peu imprécise.

Compléments
Selon Marcel Béliveau, au Québec, cette expression signifie 'être très fâché'.

Ailleurs

Tunisie ar Mé isakhanch boqaâ Il ne chauffe pas une place
Allemagne de Pfeffer im Hintern haben Avoir le poivre au cul
Angleterre en To have ants in one's pants Avoir des fourmis dans ses pantalons
Espagne es Tener un cohete pegado al culo Avoir une fusée collée au cul
Espagne es Estar encendido Être enflammé
Espagne es Estar mas caliente que el palo de un churrero Être plus chaud que la baguette d'un marchand de beignets
Canada (Québec) fr Être en beau maudit
Italie it Avere il pepe al culo Avoir le poivre au cul
Pays-Bas nl Peper in je reet hebben (expr. vulgaire) Avoir du poivre dans son cul
Brésil pt Ter fogo no rabo Avoir le feu à la queue (familier)
Belgique (Wallonie) wa Être chaud (ou chaude) comme une baraque à frites.

Posté le : 10/09/2015 10:51
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Re: Les expressions
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« Etre mis (rester) sur la touche / Botter en touche »


Être mis (rester) à l'écart / Se dégager habilement en déplaçant l'objet du débat


Ces expressions datent du début du XXe siècle.
Les supporters de foot ou de rugby auront tout de suite compris leur origine.

Dans ces jeux de ballon, la touche c'est la zone qui se trouve hors des limites latérales du terrain, celle où on n'a plus le droit de jouer.
Les bancs de touche sont ceux où sont assis les joueurs exclus ou en attente de rentrer sur le terrain.

Être mis sur la touche, c'est donc être exclu de la partie, ne plus avoir le droit d'y participer, qu'il s'agisse d'un jeu, de négociations, d'une direction d'entreprise ou de toute autre chose où il y a plusieurs acteurs ou participants.

La touche, c'est aussi la zone où, lors d'un match, un joueur peut avoir intérêt à envoyer le ballon, histoire de suspendre temporairement la partie soit pour permettre à ses équipiers de se replacer sur le terrain, soit pour éloigner un danger de la part des adversaires.
C'est de cette action de dégager ou botter en touche que la deuxième expression a pris un sens figuré pour désigner celui qui réussit habilement à (ou qui tente de) amener le sujet d'une dicussion, par exemple, sur un autre terrain que celui initial.

Exemple
« On ne ménage pas ceux qui vous aiment : ils se croient aussitôt mis sur la touche. »
Hervé Bazin - Le cri de la chouette

« Les républicains aux États-Unis ont préféré botter en touche plutôt que de s'opposer ouvertement au président »
Le Monde du 29 avril 1999

Ailleurs

Angleterre en To be sidelined/To sideline someone Être mis sur la touche/Mettre qq1 sur la touche
Angleterre en To kick into touch (en Rugby et au sens figuré) Botter en touche
Angleterre en To push somebody aside Pousser quelqu'un de côté
Angleterre en To sit / be on the sidelines Rester sur la touche
Espagne es Quedar al margen Rester en marge
Espagne es Marear la perdiz Etourdir la perdrix (= tourner autour du pot / Tergiverser)
Italie it Essere messo in disparte Être mis à l'écart
Pays-Bas nl iemand uitrangeren mettre quelqu'un hors course, (évt. mettre quelqu'un sur une voie de garage)
Pays-Bas nl een afleidingsmanoeuvre une manoeuvre/tentative de diversion
Brésil pt Chutar para escanteio Botter (shooter) en coup de coin

Posté le : 09/09/2015 10:33
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Re: Les expressions
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« Tirer des plans sur la comète »


Faire des projets sur des hypothèses souvent peu vraisemblables ou vérifiables et prendre un grand risque d'échouer.


Mais pourquoi tirer des plans sur la comète et non une comète ?

Cette expression daterait de la fin du XIXe siècle.

Tirer (ou tracer) des plans implique de la précision et une certaine rigueur, comme celle nécessaire à la préparation correcte de projets importants.
Une comète, elle, est toujours en mouvement et son passage à proximité de notre planète ou à notre vue est éphémère. Tout le contraire de la stabilité nécessaire pour tirer des plans corrects.

Cette opposition indique bien que la précision, ou la rigueur, nécessaire à la bonne exécution des projets risque fort de faire défaut à cause des hypothèses hasardeuses ou des fondements instables.

Quant à la comète, c'était celle du moment', en 1882, très remarquée car très brillante et qui a provoqué la naissance de cette expression.

Ailleurs

Autriche de Luftschlößer bauen Construire des châteaux d'air
Espagne es Hacer castillos en el aire Construire des châteaux en l'air
Argentine es Hacer castillos en el aire. Faire des chateaux dans l'air.
Canada (Québec) fr Pondre des oeufs de coq
Canada (Québec) fr Pelleter des nuages Construire quelque chose d'impossible basé sur des rêves
Canada (Québec) fr Rêver en couleurs
Italie it Fare castelli in aria Faire des châteaux en l'air
Belgique (Flandre) / Pays-Bas nl Luchtkastelen bouwen Construire des chateaux dans l'air
Pologne pl Budować zamki na lodzie Construire des châteaux sur la glace
Roumanie ro A încerca marea cu degetul Essayer la mer avec un doigt

Posté le : 08/09/2015 10:26
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Re: Défi du 05/09/2015
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Cher Jacques,

En voilà un joli conte (et non un compte) modernisé. Elle est maligne la Mère Grand, faut plus lui raconter des bobards.

Et le talon rouge ? Il a récupéré ses billes j'espère...

Merci pour cette rapidité de participation et ce rouge omniprésent.

Bises

Couscous

Posté le : 06/09/2015 17:23
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Re: Défi du 05/09/2015
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Rouge

Samedi 19 septembre, 22 h 30

Je suis haletante, les yeux injectés. Mes mains sont collantes, mes vêtements tachés. Je remarque que mes escarpins bordeaux baignent dans une mare de sang. Et dire que tout a commencé par une simple lettre.

Vendredi 4 septembre, 17 h 20

En revenant du bureau, je relève mon courrier. Une enveloppe au logo rouge et gris, celui de ma banque, attire mon attention. J’en arrache le côté et commence la lecture de la lettre qu’elle contient. Mon visage se décompose et perd ses couleurs au fur et à mesure que les mots défilent sous mes yeux. C’est le cœur battant que je compose le numéro renseigné en bas. Un certain Monsieur Mortel me répond et me fixe un rendez-vous pour trouver une solution à mon petit problème de découvert.

Lundi 7 septembre, 17 h 30

Me voici le doigt sur la sonnette indiquant le nom de celui qui m’attend. La porte s’ouvre sur un homme à la silhouette filiforme, au visage d’une pâleur extrême et au costume parfaitement taillé. Il m’invite à le suivre et à m’asseoir dans un fauteuil de skaï rouge.

– Bon, il semble que vous ayez été un peu trop loin dans vos dépenses.
– Oui, je ne m’en suis pas rendu compte… avant votre lettre.
– Il va falloir trouver une solution… quelle est votre formation ?
– Je suis comptable.
– Une comptable qui gère très mal ses propres comptes, c’est inquiétant… non ?
– Comme dit l’adage : C’est le cordonnier qui est le plus mal chaussé. Je suis très sérieuse dans mon travail. Mais j’ai la manie du jeu et mes dépenses se sont multipliées. Je crois toujours renflouer mes comptes mais je ne fais que m’enfoncer.

Là, les larmes coulent malgré moi sur mes joues roses. L’homme qui me fait face me sourit, découvrant une parfaite dentition d’un blanc éclatant digne d’une publicité pour le meilleur dentifrice du moment.

– Monsieur Mortel…
– Appelez-moi Brahim. J’ai peut-être une solution pour vous. Je vous invite samedi soir dans un club privé dont je suis membre. Ils recherchent une femme de ménage. Vous pourriez arrondir vos fins de mois et rembourser ainsi vos dettes.
– Oh merci !
– Rien n’est encore fait. Rendez-vous à cette adresse à vingt-deux heures samedi prochain.
– J’y serai.

Samedi 12 septembre 21 h 55

Devant la façade, je vérifie le nom du club sur la carte de visite rouge vif remis par mon banquier : « Le vent pire ». Le voici justement qui sort de sa décapotable couleur feu. Il tend sa clé au voiturier avant de me rejoindre d’un pas athlétique.
Le videur me dévisage avant de nous ouvrir une des portes battantes. A l’intérieur, l’obscurité règne en maître. Les vibrations émises par les gros haut-parleurs résonnent dans mes oreilles. Des spots rouges illuminent la piste de danse où se trémoussent quelques personnes en transe. Nous nous asseyons au bar où un Bloody Mary m’est offert par un borgne dont l’œil de verre vibre au rythme de la musique. Le cocktail est délicieux. L’alcool me monte un peu à la tête.
Mon hôte m’amène dans un bureau au sous-sol. Les murs sont recouverts de tapisseries à dominante carmin. Au milieu de la pièce trône un bureau pourpre. Un homme portant une cape sombre et semblant sortir d’un autre siècle entre dans la pièce. Son visage est émacié et ses yeux sont anormalement enfoncés dans leurs orbites.

– Vladimir, je t’amène une nouvelle recrue. Elle est comptable mais a besoin d’argent. Je lui ai parlé de la place de femme de ménage.
– Avez-vous apprécié le Bloody Mary ?
– Il était délicieux. Je vous remercie.
– Elle semble convenir pour le poste. Sachez, Madame, que si vous travaillez pour nous, vous devrez signer une charte de confidentialité.
– Pourquoi ? Vous traitez des affaires louches ? Qu’est-ce qui est arrivé à la femme de ménage précédente ?
– Pas de questions ! Acceptez-vous ?
– Juste une : vous payez bien ? C’est parce que j’ai des petits soucis financiers…
– Je suis au courant. Sachez que nous payons plus qu’un autre employeur. Voici le contrat.
– Y a-t-il des mentions particulières ?
– Non.
– Vous me prenez à l’essai pour quelle période ?
– Non, je vous propose un CDI, un contrat à durée infinie.
– Vous voulez dire indéterminée…
– Non, infinie. Je vous ai dit que nous proposions plus que les autres. Signez en bas.
– Je n’ai pas de stylo.
– Donnez-moi votre main.
Mon futur employeur me pique le bout de l’index avec une aiguille et l’appuie au bas du contrat. Je me souviens juste de son sourire et puis plus rien.

Dimanche 13 septembre

Je me réveille avec un mal de crâne terrible, comme si je m’étais pris un cercueil sur la tête. Je ne sais même pas comment je suis parvenue jusqu’à mon lit. En prenant ma douche, je remarque une trace rougeâtre de forme oblongue sur le haut de mon bras. On dirait que le loup du Petit Chaperon Rouge a voulu me déguster mais ne m’a pas trouvée à son goût.
Le téléphone sonne. C’est Monsieur Mortel qui prend de mes nouvelles. Je lui raconte que je n’ai aucun souvenir de la veille. Il m’explique que j’ai un peu trop fêté mon contrat à coup de Bloody Mary et que j’ai perdu connaissance. C’est lui qui m’a ramenée et couchée. En l’imaginant me déshabiller, je rougis. Il me rappelle que je prends mon poste dès samedi prochain. Je lui confirme ma présence.

Du 14 au 18 septembre

Toute la semaine, je me sens très bizarre. Je ne parviens plus à trouver le sommeil mais ne souffre pas de fatigue. Du coup, ma maison n’a jamais été aussi bien entretenue. J’ai même eu l’occasion de refaire les peintures. Le problème majeur est la nourriture. J’ai beau m’empiffrer à longueur de journée, sous les yeux ébahis de ma collègue en surpoids qui suit un régime drastique sans résultats probants, je ne parviens pas à étancher ma soif ni à assouvir ma faim. Ce n’est pas comme cela que je vais renflouer mes comptes !

Samedi 19 septembre 21 h

Je suis à deux doigts de téléphoner à mon nouveau patron, Vladimir Poutoulavé, car je me sens faible. Le miroir me renvoie un visage blanc comme un linge. Il doit avoir senti quelque chose car il m’appelle. Je lui explique à demi-mots mon état. Il me dit qu’il a un remède à cela et m’exhorte à venir à vingt-deux heures.
Je prends donc mon courage et mes dernières forces à deux mains et me rends au club. Le videur a l’air très nerveux. Il me laisse passer ou poussant ce qui s’apparente à un grognement.
À l’intérieur, je tombe sur une scène pour le moins étrange. Une dizaine de personnes dont Vlad (oui, j’ai décidé de lui donner un diminutif) et Brahim sont en en cercle autour d’une belle vache normande. J’ai deviné son origine à sa robe blanche et brune et les marques autour de ses yeux, formant des sortes de lunettes.

– Ah, la voilà ! Nous sommes au complet. Viens près de nous, me lance Vlad.

Je me positionne à sa droite (c’est bête qu’il ne soit pas Dieu) et il déclare :

– Tu vas pouvoir te rassasier, jeune recrue. Laisse-toi guider par ton instinct.

À ce moment, le DJ lance un morceau de musique techno endiablée dont le niveau sonore doit amplement dépasser les quotas autorisés. C’est alors que je vois les autres se ruer sur l’animal. Je comprends que la musique sert à couvrir ses meuglements. Sans réfléchir et mue par ma terrible faim, je fais comme eux. Pendant une demi-heure, nous nous acharnons sur l’animal pour lui soutirer toute sa substance vitale.

Voilà donc comment je me retrouve les escarpins dans une mare de sang, condamnée pour l’éternité à me repaître de ce liquide rouge et visqueux. Vlad me remet un seau et une serpillère. Je soupire en pensant « Voilà où on en arrive lorsqu’on est dans le rouge ! »



Posté le : 06/09/2015 15:44
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Re: Défi du 05/09/2015
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Maison Rouge


A lire en écoutant Red House de Jimi Hendrix.

Louis quitta la table de poker. Il était lessivé, vidé, dans le rouge. Jamais Elsa ne lui pardonnerait une telle faillite dans les comptes familiaux. Il décida de prendre conseil auprès de son usurier favori, un vieux Chinois appelé Ming-Li-Fu.
— Monsieur Fu, j’ai tout perdu aux cartes.
— Définissez tout, monsieur Six-Fers.
— Ma montre, mes bijoux, ma maison. Même l’entreprise de ma femme est hypothéquée. C’est la catastrophe intégrale. Elsa va me casser la tête à coups de gourdin.
— Madame Temps comprendra si vous lui présentez un plan d’actions réaliste pour recouvrir vos actifs.
— Vous êtes décidément trop optimiste, monsieur Fu. Jamais Elsa n’acceptera mes propositions une fois qu’elle saura qui m’a roulé dans la farine.
— C’est à ce point grave ?

Louis regarda Ming-Li-Fu comme s’il était un étranger débarqué de Sirius. « Pourquoi me comprendrait-il, ce vieux bouddhiste nourri au zen et à la formule elliptique ? » s’afficha en quatre part trois dans le cerveau épuisé du désormais ruiné Louis Six-Fers. En effet, dans la famille de Louis, et encore plus dans celle de la bourrue Elsa, il était impossible de perdre contre les autres, les habillés de blanc, les rois de la génuflexion, des gars assez fous pour habiter dans les nuages et écouter de la lyre jouée par des puceaux à ailes blanches.

Il ne restait qu’un moyen : faire pression sur ses créanciers et les forcer à effacer sa dette. Louis abandonna donc la compagnie lénifiante de Ming-Li-Fu et se dirigea vers son estaminet préféré. Derrière le zinc, toujours aussi bedonnant, se tenait le tenancier, un vieux de la vieille plus connu sous le doux sobriquet de « L’Idiot Nysos » à cause d’une stupide histoire d’adultère entre son père et une bourgeoise d’En-Bas.

Nysos salua Louis et l’invita à poser son derrière sur un strapontin. Louis s’exécuta de bonne grâce, jugeant qu’un petit remontant s’imposait avant de lancer la phase de réflexion stratégique.
— Qu’est-ce que je te sers, Louis ?
— Du H2SO4 bien dosé. Pas le dilué imbuvable de la dernière fois.
— Tes désirs sont des ordres !

Pendant que le barman concoctait son breuvage favori, Louis scruta les environs. Il vit un troupeau de barbus à cheveux longs, du genre voyageurs au long cours, en train d’empiler les chopines et de rire grassement à des blagues de palourdes. De l’autre côté de la salle, Louis remarqua un couple en pleine querelle. Madame, au look de matrone endimanchée, malmenait un grand échalas mal fagoté. Curieux de nature, pas coincé pour un sou, Louis se risqua à aborder le sujet auprès de l’ineffable Nysos.
— Qui c’est, ces deux là ?
— Des nouveaux clients. Madame Cottyto tient une ferme. Monsieur Gebeleizis travaille dans l’éclairage public.
— Ils sont mariés ?
— Monsieur Gebeleizis aimerait bien mais Madame Cottyto le trouve trop tarte, un tantinet fonctionnaire. Elle joue avec, à ses heures perdues.
— Elle est plutôt bien carrossée, la fermière.
— Tu m’étonnes ! En plus, son affaire rapporte un maximum. C’est un excellent parti.
— C’est quoi sa spécialité ?
— Les âmes perdues. Elle régente des centaines de jardiniers, le plus souvent des explorateurs perdus sur ses terres lors d’une mission lointaine.
— Les gars acceptent de passer au jardinage ?
— Ils n’ont pas le choix. La mère Cottyto les soumet illico, au fouet si besoin est.

L’œil de Louis brilla. Cottyto lui plaisait, déjà par son physique de dominante mais aussi par ses pratiques a priori sadiques. Il se leva et partit en direction du couple.
— Bonjour, commença-t-il. Moi c’est Louis. Je vous offre une tournée.
— En quel honneur ? On ne se connait pas, me semble-t-il, aboya Gebeleizis.
— Certes non, mais c’est une tradition ici. Les anciens saluent les nouveaux, surtout quand ils ont d’aussi beaux yeux que Madame.
— Un joli cœur dans ce bar, persifla Cottyto. Il ne manquait plus que ça. C’est ma journée. Ne te préoccupe pas de Gebeleizis, mon chou, il est du genre jaloux avant même d’avoir été fiancé. Pour moi, ce sera une triple pinte de H2SO4. Commande un nuage de H3O+ pour mon amoureux transi. Il a besoin de reprendre le sens des réalités.
— C’est parti, déclara Louis en levant le bras vers le zinc.

Cottyto lâcha un sourire géant. Louis estima à la hausse ses chances de la mettre dans son lit. Il ne lui restait plus qu’à évincer Gebeleizis. Une idée farfelue germa dans son crâne.
— Je m’appelle Louis Six-Fers. Je tiens la boite d’import-export « La Maison Rouge ».
— Moi, c’est Cottyto. Je cultive les âmes perdues. Des noires, des blanches, des roses, des vides, tout est bon dans mes cultures. Tu importes et exportes quoi dans ta Maison Rouge ?
— Tout ce qui s’achète et se vend.
— Tu fais dans les âmes perdues ?
— Je pourrais.
— Pourquoi le conditionnel ?

Louis sentit l’ouverture. Cottyto semblait branchée business d’abord et galipettes ensuite. Mélanger l’utile et l’agréable, ni vu ni connu, plaisait toujours au gourmand Louis.
— Parce qu’ici, dans cet univers, il existe des empêcheurs de commercer en rond. Ces gars ont écrit un livre et émis des commandements qui ont force de loi. Selon leurs principes, tout crispés, il est interdit de vendre et d’acheter des âmes, même perdues.
— Sans blague. Comment peut-on nier à ce point l’esprit d’entreprise ?
— Je ne sais pas. Ces gars écoutent de la lyre, récitent des vers et croient au partage.
— Des fous dangereux ! Contourne-les !
— Ce n’est pas possible. Je leur suis redevable.
— Comment ça, redevable ?
— J’ai une dette envers eux, un vieux deal datant presque du Big Bang. Au moindre faux pas, ils me mettent en faillite. Je ne peux pas leur échapper.
— A combien s’élève ta dette ?
— Trop !
— Si je te la rachète, pourras-tu écouler mes âmes perdues, au-delà des frontières et des dimensions ?

L’intérêt de Cottyto se précisait. Louis jugea l’opportunité raisonnable mais il décida de frapper un grand coup, de se débarrasser pour toujours de ses créanciers.
— Ils ne sont pas à ce point idiots. Quand ils sauront que tu cultives des âmes perdues, ils verront l’embrouille et ne te vendront pas ma dette. On sera revenu au constat initial.
— Qui est ?
— Nous devons foutre le bordel dans leurs certitudes, trouver des moyens de pression et les pousser à lâcher l’affaire.
— Facile à dire ! Tu as des idées ?
— Peut-être !
— Accouche !
— Pour cela, j’ai besoin de Gebeleizis.

Et voilà comment Louis Six-Fers, un joueur de poker patenté, convertit sa dette de jeu en obligations. Gebeleizis accepta de l’aider, histoire de plaire à Cottyto, et se mit en ordre de marche. Il déclencha des épidémies sur la Terre, un domaine protégé par les fondus des nuages, fomenta un complot contre le fils de leur chef et le fit crucifier par des brutes cruelles. Le vieux barbu, roi des jeux de hasard et des cartes biseautées, soupçonna Louis de ne pas être innocent aux déboires de ses bipèdes adorés. Il tenta alors une médiation, par le biais de Nysos.
— Tu es mauvais perdant, Louis.
— De quoi Tu parles ?
— Ne joue pas les vierges effarouchées, Louis. Je sais reconnaitre une fourberie quand j’en vois une. C’est carrément ton style de t’en prendre à mes ouailles, de me renvoyer mon fils en petits morceaux, le tout par sbires interposés.
— Admettons ! Que proposes-tu ?
— J’efface ta dette, ça te va ?
— C’est tout ?
— C’est déjà pas mal, Louis. Profite de ta main tant qu’elle est favorable. Je n’en ai pas encore parlé à Elsa. Souhaites-tu vraiment quelle sache que la Maison Rouge m’appartient désormais ?
— Ce n’est qu’une hypothèque, Tu le sais.
— Elsa ne comprend rien aux subtilités du droit foncier.

Louis fit affaire avec le vieux barbu, négocia les tarifs avec Cottyto et lança une nouvelle affaire commerciale autour des âmes perdues, un business profitable pour qui savait en créer les conditions. Gebeleizis obtint pour sa part dix pour cent des résultats financiers, à condition de travailler en sous-main pour Louis. La Terre connut deux millénaires de guerres et devint le troisième pourvoyeur de Cottyto. Le vieux barbu ne put jamais prouver l’implication de Louis. Fatigué, écœuré, il abandonna son domaine protégé et partit dans une autre dimension, loin des bipèdes, des démons et autres divinités mercantiles.


Posté le : 06/09/2015 12:58
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Re: Défi du 05/09/2015
Plume d'Or
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Cher Donaldo,

En fait pas du tout. La dame de mes pensées est une terrienne pragmatique qui travaille dans l'informatique bancaire et qui est, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, excellente conseillère.
Et je suis un fidèle de la pensée : "il ne faut pas mettre tous ses oeufs dans le même panier".
Ma femme aurait bien le profil de mère-grand! Sourire.

Notre époque est un peu celle du "bling bling", du paraître et du matérialisme.
D'autres philosophies frappent à notre porte qui pourraient bien faire tomber notre chateau de cartes très instable!

Amitiés de Bourgogne.

Jacques

Posté le : 06/09/2015 11:55
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Re: Défi du 05/09/2015
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Eh bien, Jacques, il semblerait que tu ais été victime de mauvais placements financiers !
Bernard Madoff, l'escroc du siècle, a joué sur l'appât du gain, pourtant un pêché capital, propre aux faibles humains que nous sommes. Du coup, sa pyramide de Ponzi a dépouillé des riches, des retraités et de braves gens. Le rouge est devenu sang.
Ton histoire nous rappelle tout ça, et surtout que de tels agissements existent encore, ne serait-ce que chez les conseillers de nos banques pépères, intéressés au chiffre et non en la satisfaction client.

Posté le : 06/09/2015 10:05
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Re: Les expressions
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« Péter plus haut que son cul »


Agir prétentieusement.
Viser une situation ou un niveau social trop élevé pour ses compétences ou ses capacités.


Cette expression est attestée dès 1640.

Celui qui tenterait d'évacuer son trop-plein de gaz intestinaux par un endroit plus haut placé que l'orifice naturel et adapté tenterait bien quelque chose hors de sa portée.

Cette expression est une variante plus 'sèche' et forcément plus populaire (comme tout ce qui contient le mot cul) de "Péter plus haut qu'on a le derrière".

Elle est souvent suivie de " et se faire un trou dans le dos".

Ailleurs
Allemagne (Bavière) de Zu hoch hinaus wollen Vouloir s'élever trop haut
Espagne es Querer y no poder Vouloir et ne pas pouvoir
Canada (Québec) fr Péter plus haut que le trou
Canada (Québec) fr Bien qu'au Québec la version "soft" soit en effet "Péter plus haut que le trou", la version "hard" est la plus utilisée dans les milieux dits populaires: "Chier plus haut que le trou". Robert Duchesne, Québec. Être prétentieux, faire le prétentieux, vouloir ou tenter de paraître plus que ce que l'on est.
Italie it Fare il passo più lungo della gamba Faire le pas plus long que la jambe
Pays-Bas nl Men kan niet verder springen dan zijn polstok lang is. On ne peut pas sauter plus loin que la longueur de sa perche
Brésil pt Comer frango e arrotar perú Manger du poulet et renvoyer de la dinde (viser une situation ou un niveau social trop élevé pour ses compétences ou ses capacités)
Belgique (Wallonie) wa I n'fåt nin pèter pus hôt ki s'cu » Il ne faut pas péter plus haut que son cul



Posté le : 06/09/2015 08:55
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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