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Gottlieb Thaddeus von Bellingshausen
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Le 20 sept. 1778 naît Fabian Gottlieb Thaddeus von Bellingshausen

en russe, Фаддей Фаддеевич Беллинсгаузен prononcé Faddeï Faddeïevitch Bellinsgauzen explorateur né à Lahetaguse sur l'île d' Ösel aujourd'hui Saaremaa en estonie, mort à 73 ans le 25 janvier 1852 à Kronstadt, amiral de la flotte impériale russe qui fut explorateur de l'Antarctique. Entre les années 1819 et 1821, il effectue son second tour du monde, avec deux sloops, le Vostok, Восток - L'Orient et le Mirny Le Paisible - Мирный placés sous le commandement de l'amiral Lazarev. Il navigue dans l'océan Antarctique à bord du sloop Vostok qu'il commande.
Il fut l'un des pionniers de l'Antarctique, explorateur de l'Australie, de l'Océanie et prit part en tant qu'amiral à la Guerre russo-turque de 1828-1829.


Sa vie

Bellingshausen naît le 20 septembre 1778 dans une famille noble germano-balte au domaine de Lahhetagge, aujourd'hui Lahetaguse sur l'île d'Ösel dans le gouvernement de Livonie actuelle Estonie, qui était à l'époque une province de l'Empire russe. En 1789, Bellingshausen entre au Corps naval des Cadets. Il est diplômé de l'Académie navale de Kronstadt à 18 ans. Il prend part à une expédition au grade de garde-marine au large des côtes d'Angleterre. Il est promu en 1797 jusqu’au grade de capitaine. Grand admirateur des voyages de Cook, il embarque lors de la première expédition russe autour du monde sur le vaisseau Nadejda, Espoir sous le commandement d'Adam Johann von Krusenstern en 1803 et achève sa mission en 1806 à bord de la frégate Nadejda Надежда placée sous le commandement de Krusenstern 1770-1846. Il commande ensuite de 1810 à 1819 différents navires en mer Baltique et en mer Noire. En 1819, il est élevé au grade de capitaine de 2e rang.

Expédition en Antarctique, en Océanie Expédition Bellingshausen.

En 1819, quand le tsar Alexandre Ier autorise une expédition dans les mers polaires australes, l'amirauté choisit Bellingshausen pour la diriger. Parti de Kronstadt le 4 juin 1819, le 5 septembre de la même année, il quitte Portsmouth avec 2 navires, une corvette de 600 tonneaux, le Vostok l'Orient et un navire de soutien de 530 tonneaux le Mirnyi le Pacifique, commandé par Lazarev à destination de la Géorgie du Sud. Il jette l'ancre dans le port de Rio de Janeiro le 2 novembre et atteint la Géorgie du Sud en décembre.
En hommage au marquis de Traversay, organisateur de cette expédition polaire, il attribue le nom de Marquis de Travers à un archipel puis se dirige au sud des îles Sandwich du Sud et à l'extrême sud.
Le 2 février 1819, un glacier situé à l'est de la côte Princesse Martha Antarctique est est baptisé glacier Bellingshausen. Les 17 février et 18 février 1819, ils approchent de la rive. Des études scientifiques débutent, une description des lieux est entreprise, ainsi qu'un recensement de la flore et de la faune. Grâce au journal de bord tenu par Bellingshausen au cours de ses 721 jours de navigation dans le Pacifique, l'Atlantique et l'Antarctique, une documentation très précise permit de découvrir les mœurs et coutumes des peuples autochtones et les découvertes scientifiques. En outre, vingt-et-une îles sont découvertes au cours de ce long périple.
Le 26 janvier 1820, il est le premier explorateur à franchir le cercle polaire antarctique après James Cook. Le 28 janvier, l'expédition découvre les terres continentales de l'Antarctique, approchant des côtes au point de coordonnées 69° 21′ 28″ S 2° 14′ 50″ O. C'est la première expédition inaugurale officielle en Antarctique.
Les deux navires quittent l'Antarctique et se dirigent vers l'Australie, accostant à Port Jackson en avril 1820. Les différentes réparations ayant été effectuées Bellingshausen et Lazarev appareillent vers de nouveaux horizons. Ils découvrent alors les îles Tuamotu, et attribuent des noms de personnalités militaires et politiques russes à plusieurs îles habitées 29 : îles Russes, île Lazarev, et d'autres. En septembre 1820, les deux sloops ancrent de nouveau à Port Jackson.
Une nouvelle expédition en Arctique occidentale est entreprise. Dans le courant de janvier 1821, une nouvelle île est découverte et reçoit le nom de Pierre Ier. Une nouvelle terre est baptisée Alexandre Ier. Les deux sloops se dirigent ensuite vers les Shetland, de nouvelles îles sont alors l'objet d'études minutieuses, chacune d'elles recevant le nom d'une grande bataille de la Guerre patriotique de 1812 : Borodino, Smolensk, Waterloo, Leipzig et d'autres, également des noms de personnalités de la Marine impériale de Russie.
Son journal de bord, avec le rapport au ministre de la Marine impériale en date du 21 juillet 1821 et d'autres documents attestent qu'il a bien découvert le continent, bien que les coordonnées rapportées soient à 20 milles de la côte antarctique. Rassemblant toutes ces preuves, les Russes réclament que Bellingshausen soit considéré comme le découvreur de la Terra Australis plutôt qu'Edward Bransfield, un officier anglais de la Royal Navy ou que Nathaniel Palmer, un navigateur américain. Durant son voyage, Bellingshausen visite aussi les îles Shetland du Sud et découvre et nomme l'île Pierre Ier. L'expédition continue dans le Pacifique en remontant vers les tropiques. Il arrive à Rio de Janeiro en mars 1821. Fin juillet 1821, Le Vostok et Le Mirny reprennent le chemin de Kronstadt. Cette expédition fut très enrichissante concernant les études hydrographiques et climatiques. Elle livra des trésors botaniques, zoologiques et ethnographiques.
Après son retour à Kronstadt le 4 août 1821, sans accueil triomphal, Bellingshausen continue de servir le tsar. Bellingshausen tente de découvrir une possibilité de navigation sur le fleuve Amour, mais cette tentative échoue. En raison de mauvaises conditions météorologiques, il est dans l'incapacité d'apporter la preuve de la méprise de La Pérouse, qui déclarait en 1787 que les îles Sakhaline étaient une péninsule reliée à un isthme sableux d'un continent. Bellingshausen est élevé au grade de contre-amiral.
L'expédition Bellingshausen fut considérée comme l'une des plus importantes et difficiles après celles de James Cook. En outre, le Vostok et le Mirny n'étaient pas adaptés pour la navigation dans les glaces.
En 1826, il épousa Anna Dmitrievna Baïkovaga. Sept enfants naquirent de cette union : Elise von Bellingshausen : Épouse de Paul Gerschauga ; Catherine von Bellingshausen ; Helena von Bellingshausen ; Maria von Bellingshausen 1836-1863.
Il combat pendant la Guerre russo-turque de 1828-1829, prenant part au siège et à la prise de la forteresse de Varna. Le 6 décembre 1830, il est promu vice-amiral. La même année, le commandement d'une escadre de la flotte de la Baltique lui est confié. En 1839, il occupe le poste de gouverneur militaire de Kronstadt et il est promu la même année amiral de la Marine impériale et décoré de l'Ordre de Saint-Vladimir 1ère classe. En 1845, il est nommé membre de la Société de Géographie et en 1848, membre honoraire du Comité scientifique de la marine.

Il meurt le 25 janvier 1852 à Kronstadt.

Distinctions

1839 : Ordre de Saint-Vladimir 1ère classe

Postérité

Timbre soviétique de 1965, émis à l’occasion du 145e anniversaire de l’expédition géographique russe - F.F.Bellingshausen et M. P.Lazarev

Monument érigé en mémoire de l'amiral von Bellingshausen

Un monument de bronze fut érigé dans le jardin d'été de Kronstadt le 11 septembre 1870, construit grâce à des fonds collectés parmi les amiraux de la Marine impériale de Russie. Le monument possède une hauteur totale de 2,02 mètres. La statue est haute de 2,01 mètres. Elle est l'œuvre du sculpteur Ivan Schroeder 1835-1908.

Toponymie

Son nom a été donné à différents lieux de l'Antarctique et d'ailleurs :
Mer de Bellingshausen : Une des mers de l'océan Austral
Cap Bellingshausen : Situé sur l'île Sakhaline;
Île Bellingshausen : Située sur l'archipel des Tuamotu;
Îles Taddeus : Situées dans la mer de Laptev;
Baie Taddeus : Située sur la mer de Laptev sur la côte de Taymir;
Glacier Bellingshausen : Plateau de glace situé à l'est de la côte Princesse Martha est Antarctique de près de 100 kilomètres de long;
Cratère Bellingshausen : Situé sur la lune;
Station polaire Bellingshausen : Station russe antarctique située sur l'Île du Roi-George dans les îles Shetland du Sud, fondée le 22 février 1968 par l'URSS, près de la station fut construite l'église orthodoxe de la Sainte-Trinité ;
Manoir Bellingshausen : Situé dans le village de Lopouhinka;
Plaque Bellingshausen : Ancienne plaque tectonique de la lithosphère de la planète Terre. Elle fusionna avec la plaque antarctique, elle est située à proximité de la Terre Marie Byrd;
Bellingshausen, autre nom de l'atoll Motu One dans les îles de la Société en Polynésie française
Timbre poste émis par l'Union soviétique en 1965.



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Posté le : 19/09/2015 18:43
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Théodore Chassériau
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Le 20 septembre 1819 naît Théodore Chassériau

à Santa Bárbara de Samaná, Saint-Domingue; il décède, à 37 ans 8 octobre 1856 à Paris, peintre français. Son maître
est Jean-Auguste-Dominique Ingres, il appartient au mouvement romantisme, il a influencé Pierre Puvis de Chavannes et Gustave Moreau. Il est fait chevalier de la Légion d'honneur‎ en 1849. Son Œuvre la plus réputée est la plus Vénus Anadyomène
Ancrée dans son époque, entre tradition et modernité, l'œuvre de Chassériau tire sa force d'oppositions perceptibles dans les tensions du style, brassant dessin et couleur avec la virtuosité d'un talent métis, mêlant les genres dans des figures androgynes proches de celles de Gustave Moreau. Dans ce parcours épris de métamorphoses, le regard d'aujourd'hui préfère le glissement des ambiguïtés aux fusions de la synthèse.
À partir de la leçon ingresque, qui privilégiait la pureté du dessin Portrait de Lacordaire, 1840, Louvre, il a évolué vers un art plus sensuel et coloré, marqué par l'influence de Delacroix et par l'attrait de l'Orient. Scènes mythologiques, bibliques ou orientales le rapprochent du romantisme Nymphe endormie, 1850, musée Calvet, Avignon. Il a donné d'importantes décorations murales à Paris, églises Saint-Merri et Saint-Philippe-du-Roule, escalier de l'ancienne Cour des comptes fragments au Louvre.


En bref

eaucoup reste encore à redécouvrir ou à interpréter dans la peinture française de la première moitié du XIXe siècle. C'est dire l'intérêt de la publication d'une monographie consacrée à Théodore Chassériau Théodore Chassériau, Gallimard, Paris, 2001, écrite par Christine Peltre, professeur à l'université de Strasbourg, une spécialiste de cette période et plus spécifiquement de l'orientalisme, mouvement auquel elle a consacré une étude fort remarquée Les Orientalistes, Hazan, Paris, 1997. Cet ouvrage est le premier de ce type depuis près de trente ans à aborder tous les aspects de l'activité de Chassériau, de ses débuts précoces, au milieu des années 1830, à sa fin prématurée en 1856. Le livre précédait la présentation, au Grand Palais à Paris, d'une exposition monographique Chassériau. Un autre romantisme, 26 février-27 mai 2002, reprise au musée des Beaux-Arts de Strasbourg, 19 juin-21 septembre 2002 et, dans une version légèrement remaniée avec en particulier l'ajout d'une récente acquisition, le portrait de La Comtesse de La Tour Maubourg, une œuvre importante de l'artiste, au Metropolitan Museum de New York 21 octobre 2002-5 janvier 2003.
Le livre de Christine Peltre ne s'inscrit pas, loin de là, dans un vide historiographique complet : on doit en particulier à Louis-Antoine Prat, l'un des commissaires de l'exposition du Grand Palais, le catalogue de l'ensemble considérable de dessins de l'artiste conservés au Louvre. Mais Christine Peltre a su, dans un premier temps, compléter la documentation, notamment par la découverte de photographies anciennes représentant le décor de l'escalier de la Cour des comptes, à Paris, peint par Chassériau entre 1844 et 1848 et considéré par ses contemporains comme un de ses chefs-d'œuvre, œuvre disparue après les incendies de la Commune, en 1871 fragments subsistant aujourd'hui au Louvre. C'est surtout la démarche suivie par l'auteur qui fait l'intérêt de l'ouvrage : Christine Peltre situe Chassériau dans son contexte en insistant sur les problèmes de réception. C'est ainsi qu'elle analyse très finement le milieu où le peintre évolua, le Paris mondain et artiste de la monarchie de Juillet et du début du second Empire, nous montrant ainsi un Chassériau perpétuellement en équilibre entre ses aspirations personnelles, qui ont elles-mêmes connu de fortes évolutions, et les attentes réelles ou supposées de ses commanditaires ou de son public. Elle renouvelle ainsi la lecture d'épisodes aussi convenus, dans une vie d'artiste de cette époque, que le séjour en Italie 1840-1841 et le voyage d'Algérie 1846, et permet de mieux apprécier les travaux décoratifs de l'artiste à la Cour des comptes et dans différentes églises parisiennes – Saint-Merri, Saint Roch et Saint-Philippe-du-Roule, de 1841 à 1855 – ou de mieux comprendre son activité de portraitiste, comme de mieux situer ses tableaux de Salon, aujourd'hui la part la plus populaire de son œuvre.
L'exposition du Grand Palais participait d'un projet différent : il s'agissait là non de montrer l'œuvre de Chassériau, dont l'essentiel est conservé au Louvre ou dans diverses institutions publiques françaises, mais de la faire redécouvrir tout en en proposant, à partir des connaissances actuelles, une lecture suggérée par le titre même, un autre romantisme. Si le parcours, en grande partie fondé sur la chronologie, était classique, la présentation du Grand Palais était, quant à elle volontairement spectaculaire en rappelant délibérément le XIXe siècle des salons, des galeries d'expositions publiques ou privées et de la naissance des musées : murs colorés en vert ou en rouge, rideaux et poufs de velours, fausses portes et vitrines à l'antique.
On peut regretter que certaines toiles, capitales, n'aient pas été présentes, le grand Christ au Jardin des oliviers de l'église de Souillac 1844, dont le prêt avait été refusé (mais la version de 1840 du même thème, venue de l'église de Saint-Jean-d'Angély, était là, et La Défense des Gaules que Chassériau réalisa pour l'Exposition universelle de 1855, dont les dimensions interdisent désormais le déplacement en dehors du musée de Clermont-Ferrand. Mais l'ensemble était néanmoins fort représentatif.
L'interprétation de l'œuvre, mais aussi le sens, s'il en est un, des orientations successivement choisies par Chassériau reste néanmoins ouverte. On ne peut plus se satisfaire, comme le note Christine Peltre, de la vision traditionnelle des contemporains de l'artiste, qui caractérisaient son œuvre comme une hésitation entre la voie d'Ingres, son premier maître, et celle de Delacroix dont il se rapprocherait par ses scènes algériennes ou ses illustrations de Shakespeare, dans une synthèse entre le dessin et la couleur jugée alors impossible. Faut-il aller du côté du sujet, et en particulier de la femme, dont Chassériau donne une image sensuelle, troublante et, iront jusqu'à dire certains, troublée par sa psychologie et ses rapports avec les nombreuses femmes de son entourage, amies ou maîtresses ? Comment envisager le traitement de thèmes aussi connotés, de son temps, que la représentation de l'Afrique du Nord ? Chassériau serait-il avec Le Tepidarium ou La Naissance des Gaules le premier des « pompiers » ? Le livre, comme l'exposition, suggèrent plus qu'ils ne concluent. Encore aujourd'hui, Chassériau garde sa part de mystère et d'interrogation. Barthélémy Jobert

Sa vie

Il vit ses premières années sur l'île de Saint-Domingue à El Limón de Samaná, élevé par sa mère Marie-Madeleine Couret de la Blaquière, elle-même issue d'une famille de colons. L'enfance du peintre fut marquée par l'absence de son père Benoît Chassériau, un temps ministre de l'Intérieur de Simón Bolívar, probablement agent secret et consul de France à Porto Rico. Son père très peu présent laisse la charge de la famille à son fils aîné Frédéric-Victor-Charles Chassériau, lequel fait venir ses frères et sœurs à Paris en 1822.
De 1830 à 1834, Chassériau a pour professeur Jean-Auguste-Dominique Ingres qui décèle très tôt le talent du jeune Théodore, à qui il prédit qu'il sera le Napoléon de la peinture.
Nommé directeur à la villa Médicis, Ingres lui propose de le suivre à Rome, offre que Chassériau décline faute d'argent.
Très tôt, vers le milieu des années 1830, Théophile Gautier s'intéresse à l'art de Chassériau. Il lui prête alors des « vies imaginaires ou parle de grâce étrange pour tenter de rendre compte de l'univers particulier du peintre. En effet, Chassériau ne cesse de se jouer d'atmosphères troubles, étranges, équivoques et mystérieuses. En 1839 alors âgé de 20 ans, Chassériau commence à exposer au salon avec Suzanne au bain. Il se lie d'amitié avec Théophile Gautier qu’il rencontra la première fois quand il avait 14 ans. Gautier sera un ardent défenseur de son œuvre et publiera plusieurs critiques de ses toiles dans le quotidien La Presse. En 1840, il part pour Rome avec le peintre Henri Lehmann et peint le portrait du père Henri Lacordaire, renoue un temps avec son maître, Ingres, qui lui reprochera son manque de savoir livresque et avec lequel il rompra définitivement. Parmi les principales œuvres de sa maturité précoce il faut citer, en 1843, la fresque de l'église Saint-Merry (Paris) aux figures sinueuses et élégantes qui empruntent la modernité d'Ingres.
Admirateur d'Eugène Delacroix, Théodore Chassériau se sent attiré par l’Orient. Sur l’invitation du calife de Constantine Ali Ben Ahmed, il se rend en Algérie en 1846. Les scènes de combats de cavaliers arabes, les scènes de vie des femmes à Alger montrent combien Chassériau maîtrise le mouvement et est un grand coloriste.
Ami d'Alexis de Tocqueville, le frère aîné de l’artiste qui était conseiller d’État a pu l'appuyer pour l'obtention de la commande des fresques de l’escalier d’honneur de la Cour des comptes situé dans l’ancien palais d’Orsay et incendié pendant la Commune remplacé par la gare d'Orsay, aujourd’hui musée d’Orsay.
Les fresques peintes par Chassériau de 1845 à 1848 constituent certainement son œuvre majeure, dont seuls quelques restes ont pu être sauvés grâce à l’initiative du baron Arthur Chassériau et d’Ary Renan. Ces fragments des fresques de la Cour des comptes sont aujourd’hui conservés au musée du Louvre.
Chassériau combine les leçons de ses deux maîtres. La pureté classique des lignes ingresques se teinte de la fougue romantique de Delacroix, son second maître.
Chassériau aime les femmes et leur compagnie. Il a créé un type de femme reconnaissable parmi toutes. Les femmes de Chassériau dans sa peinture sont étranges, d’une extrême sensualité et dotées d’un torse long et mince. Il faut voir Esther se parant pour être présentée au roi Assuérus, dit La Toilette d'Esther, accroché au musée du Louvre.
Avec la comédienne Alice Ozy, il aura une relation passionnée qui durera deux ans et lui vaudra les foudres et le mépris de Victor Hugo.
Chassériau meurt à l’âge de 37 ans, en 1856, à son domicile du 2, rue Fléchier à Paris. Il avait été fait chevalier de la Légion d'honneur 3 mai 1849.
Gustave Moreau réalisera en hommage à son ami et sans doute maître5 le tableau le Jeune Homme et la Mort conservé au Fogg Art Museum de l'université d'Harvard et le dessin au musée d'Orsay. Ce tableau est décrit par Paul de Saint-Victor dans le journal La Presse du 7 mai 1865.
Le frère aîné du peintre Frédéric-Victor-Charles Chassériau fit don des esquisses faites de la chapelle des fonts à Saint-Roch et de l’hémicycle de l'église Saint-Philippe-du-Roule au musée de la ville de Paris Petit Palais.
L’œuvre de Chassériau a fait l’objet d’une des plus grandes donations faites aux musées nationaux. En 1936, le cousin issu de germain du peintre, baron Arthur Chassériau fils de l'architecte en chef d'Alger, Charles Frédéric Chassériau), donna aux Musées nationaux l'ensemble des œuvres de Chassériau qu'il avait mis une vie à réunir, soit 74 peintures et quelque 2 200 dessins.

Les œuvres de Chassériau sont aujourd’hui visibles notamment au musée du Louvre où une salle lui est consacrée, au musée d'Orsay, au musée Sainte-Croix de Poitiers au Metropolitan Museum de New York, au Fogg Art Museum de l'université Harvard ou encore à la National Gallery of Art de Washington.
Les musées américains Detroit Institute of Arts, Museum of the Art Rhode Island School of Design, J. Paul Getty Museum et l'Institut d'art de Chicago disposent également d'œuvres de Chassériau.
La dernière grande rétrospective Chassériau s'est tenue en 2002 au Grand Palais à Paris et s'est déplacée par la suite au Metropolitan Museum de New York et au musée des beaux-arts de Strasbourg.

Il est inhumé au cimetière Montmartre, 32e division, avenue Saint-Charles, avec sa mère, Marie-Madeleine Couret de la Blaquière, 1791-1866, sa soeur Adèle 1810-1869, son frère Frédéric, conseiller d'État, 1807-1881, sa sœur Aline 1822-1871, son cousin Arthur Chassériau 1851-1934 et son épouse 1840-1961. Sur la tombe on lit : À la mémoire d’Ernest Chassériau, 1823-1870, frère de Théodore, mort au combat de Bazeilles-sous-Sedan .

Principales œuvres

Le portrait de Prosper Marilhat 1835 fait de Chassériau, le peintre ayant la plus jeune œuvre exposée au Musée du Louvre. Il n'était âgé que de 15 ans lorsqu’il le peignit.

De 1835 à 1849

1835 : Aline Chassériau, peinture musée du Louvre
1835 : Prosper Marilhat 1811-1847, peinture musée du Louvre
1836 : Ernest Chassériau, peinture musée du Louvre
1836 : Caïn maudit
1836 : Portrait d'Aline Chassériau, dessin Fogg Art Museum de Harvard
1836 : L'Enfant et la poupée portrait de Laure Stéphanie Pierrugues, peinture coll. privée
1836 : Retour de l'enfant prodigue
1837 : Ruth et Booz
1838 : Vénus marine dite Vénus Anadyomène, peinture musée du Louvre
1839 : Suzanne au bain, peinture (musée du Louvre
1839 : Isaure Chassériau
1840 : Andromède attachée au rocher par les Néréides, peinture musée du Louvre
1840 : Henri Lacordaire cloître de Sainte-Sabine à Rome, peinture musée du Louvre
1840 : Jeune prêtre, peinture Detroit Institute of Arts
1840 : Le Christ au jardin des oliviers musée des beaux-arts de Lyon
1840 : Diane surprise par Actéon, 55 × 74
1841 : Esther se parant pour être présentée à Assuérus dit La toilette d'Esther, peinture musée du Louvre
1841 : Portrait de Jeune Femme aux colliers de perles, peinture Fogg Art Museum of Harvard
1841 : Portrait de La Comtesse de Marie d'Agoult dessin et peinture
1841 : Charlotte de Pange 1616-1850 Metropolitan Museum of Art, New York
1842 : Trois scènes de la vie de Sainte Marie l'Egyptienne musée du Louvre
1842 : La baigneuse vue de dos Pinacothèque de Munich
1842 : Amiral Baron Guy-Victor Duperré, dessin Detroit Institute of Arts
1842 : Les Captives troyennes
1842 : Descente de croix Saint-Étienne, église Sainte-Marie. Salon de 1842
1843 : Les Deux Sœurs Aline & Adèle, sœurs de Théodore musée du Louvre
1843 : Marie l’Égyptienne, fresque décorative de l'église Saint-Merri à Paris
1844 : Apollon et Daphné, peinture musée du Louvre
1844 : Le Christ au Jardin des oliviers autre version, entièrement différente de celle de 1840 abbatiale de Souillac, Lot

Théodore Chasseriau, Le Christ au jardin des Oliviers, 1844 - Souillac (ot, France, abbatiale Sainte-Marie.
1844-1848 : La Paix, décor de l'escalier de la Cour des comptes séries de fresques sauvées par le comité Chassériau musée du Louvre
1845 : Ali-Ben-Hamed, calife de Constantine, peinture musée de Versailles
1845 : Cléopâtre se donnant la Mort
1845 : Portrait de femme
1846 : Baronne Charles Frédéric Chassériau née Joséphine Warrain, dessin à la mine de plomb Institut d'art de Chicago
1846 : Portrait de M. Félix Barthe, dessin Museum of the Art Rhode Island School of Design
1848 : L'Actrice Alice Ozy, dessin Detroit Institute of Arts
1848 : Mademoiselle Cabarrus, peinture musée des beaux-arts de Quimper
1849 : Le Coucher de Desdémone, peinture musée du Louvre
1849 : Héro et Léandre, dit Le Poète et la Sirène musée du Louvre

L'Enfant & la poupée, portrait de Laure Stéphanie Pierrugues, 1836, huile sur toile, 80 × 60 cm, coll. privée
1849-1851 : Femme de pêcheur de Mola di Gaete embrassant son enfant peinture, peinture (Museum of the Art Rhode Island School of Design

De 1850 à 1856

1850 : Baigneuse endormie près d'une source
1850 : Femme maures
1850 : Cavaliers arabes
1850 : La Tentation de Saint Antoine
1850 : Young Moorish Woman Nursing her Child, peinture Metropolitan Museum of Art, New York
1850 : Le Baptême de l'eunuque
1850 : Portrait d'Alexis de Tocqueville, dessin
1851 : Femme et fillette de Constantine avec une gazelle
1851 : Portrait of Raymond de Magnoncourt, dessin The J. Paul Getty Museum
1852 : Chefs de tribus arabes se défiant en combat singulier, sous les remparts d'une ville musée d'Orsay
1852 : Cavaliers arabes emportant leurs morts, après une défaite contre des Spahis, il existe deux versions au musée du Louvre et au Fogg Art Museum de Harvard
1852 : Le Christ chez Marthe et Marie
1853 : décoration de l'église Saint-Roch à Paris
1853 : Tepidarium de Pompei, peinture musée d'Orsay
1853 : La Défense des Gaules, peinture musée d'art Roger-Quilliot, Clermont-Ferrand
1854 : Bataille de cavaliers arabes autour d'un étendard Dallas Museum of Art, huile sur toile 54 × 64 cm
1854 : Macbeth apercevant le spectre de Banco
1854 : Intérieur de Harem, peinture 66 × 53,5 cm musée des beaux-arts de Strasbourg
1855 : Macbeth suivi de Banco rencontre les Trois Sorcières sur la Lande
1855 : décoration de l'église Saint-Philippe-du-Roule à Paris
1855 : Juives de Constantine
1855 : Combat de cavaliers arabes, peinture Fogg Art Museum of Harvard
1856 : Othello et Desdémone une des scènes d'Othello
1856 : Desdémone une des scènes d'Othello

Sans date de référence

La Petra Camera, 32,2 × 23,4 cm, musée des beaux-arts de Budapest
La Princesse de Belgioioso dessin & Peinture
La Princesse Cantacuzène dessin & Peinture
Roméo et Juliette musée du Louvre
Halte de Spahis auprès d'une Source musée du Louvre
Le Bon Samaritain musée du Louvre
Saint François Xavier baptisant les Indiens et les Japonais
Sappho se précipitant du rocher de Leucate
La Femme de Mola di Gaète embrassant son enfant musée du Louvre
Portrait présumé de la marquise de Caussade, musée national des beaux-arts d'Alger, Alger.

Rétrospectives consacrées à Théodore Chassériau

Exposition Théodore Chassériau : "Obras sobre papel" - Galerie nationale des beaux-arts de Saint-Domingue et Centre culturel León de Santiago de los Caballeros, en République dominicaine, 2004
Rétrospective Théodore Chassériau, 1819-1856 - Galeries nationales du Grand Palais à Paris, au musée des beaux-arts de Strasbourg et au Metropolitan Museum of Art, New York, 2002
Chassériau. 1819-1856 : exposition au profit de la Société des amis du Louvre - Galerie Daber, Paris, 1976
Theodore Chassériau. 1819-1856 - Musée des beaux-arts de Poitiers, 1969
Théodore Chassériau - Musée national des beaux-arts d'Alger, 1936
Restrospective Théodore Chassériau, 1819-1856 - Musée de l'Orangerie, Paris, 1933
Aquarelles et dessins de Chasseriau 1819-1856 - Galerie L. Dru, Paris, juin-juillet 1927
Les Peintres orientalistes français-Quatrième Exposition : Rétrospective Théodore Chassériau - Galerie Durand-Ruel, Paris, 1897.

Expositions

Exposition 'Les Orientales (Delacroix, Colin, Deveria, Boulanger, Chassériau - Maison de Victor Hugo, Paris, 2010
Exposition 'Le Louvre, prêt de la Vénus Anadyomène de Chassériau - Musée national de Corée, Séoul, 2007
Le Second Empire - Musée Jacquemart-André, Paris, 1957
Exposition des orientalistes - Galerie Charpentier, Paris, 1933
Exposition coloniale de Paris - organisée à la Porte Dorée à Paris, 1931
Centenaire de la conquête de l'Algérie. 1830-1930 - Petit Palais, Paris, mai-juin 1930
The French painters of northern Africa - The John Wanamaker galleries, New York, 1927
Exposition d'art français - Maison municipale de Prague, Prague, 1923
Exposition Föreningen Fransk Konst exposition d'art français, Stockholm, 1922
Exposition du théâtre romantique, musée Victor-Hugo, Paris, 1921.

Bibliographie

Chassériau Correspondance oubliée, édition présentée et annotée par Jean-Baptiste Nouvion. Préface par Marianne de Tolentino - Les Amis de Théodore Chassériau, 260 pages, Paris, 2014
Aglaus Bouvenne Théodore Chassériau : Souvenirs et Indiscrétions 1884, réédition par Les Amis de Théodore Chassériau, 2012 en langue française, 2013 en langue espagnole
Xavier de Harlay, « L'Idéal moderne selon Charles Baudelaire & Théodore Chassériau », revue Art et Poésie de Touraine no 180, 2005 et éditions Litt&graphie, 2011
André-Pierre Nouvion, Trois familles en Périgord-Limousin dans la tourmente de la Révolution et de L'Empire : Nouvion, Besse-Soutet-Dupuy et Chassériau, Paris, 2007
Marie-Cécile Forest, Bruno Chenique, Stéphane Guégan, Emmanuelle Brugerolles et Henry-Claude Cousseau Préface, Quand Moreau signait Chassériau, Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, 2005
Stéphane Guégan et Louis-Antoine Prat, Chassériau (1819-1856) : un autre romantisme, Louvre : conférences et colloques, 2002
Christine Peltre, Théodore Chassériau, Gallimard, 2002
Bruno Chenique, Stéphane Guégan, Vincent Pomarède et Louis-Antoine Prat, Théodore Chassériau 1819-1956, The Unknown Romantic, Exhibition Catalogue, Paris, Grand Palais ; Strasbourg, musée des beaux-arts ; New York, Metropolitan Museum of Art, 2002-2003
Christine Peltre, Théodore Chassériau, exposition, Grand Palais, Gallimard, 2002
Louis-Antoine Prat, Cahiers du Dessin français no 5. Théodore Chassériau (1819-1856), Galerie de Bayser, 1989
Louis-Antoine Prat, Dessins de Théodore Chassériau: 1819-1856, 2 vol., musée du Louvre, Cabinet des dessins, Paris : Ministère de la Culture et de la Communication, Éditions de la Réunion des musées nationaux, 1988
Marc Sandoz, Théodore Chassériau, 1819 1856, catalogue raisonné des peintures et estampes. Paris : Arts et Métiers Graphiques, 1974
Werner Teupser, Theodore Chasseriau, Zeitschrift für Kunst
Léonce Bénédite, Théodore Chassériau: sa vie et son œuvre, Paris, 1931
Goodrich, Théodore Chassériau, 1928
Henri Focillon, « La peinture au xixe siècle : Le retour à l'antique in Le Romanticisme, Paris, 1927
Jean Laran, Théodore Chassériau, Paris, 1913, 1921
Léandre Vaillat, « L'Œuvre de Théodore Chassériau » in Les Arts, août 1913
Léandre Vaillat, Chassériau in L'Art et les Artistes, 1907
Valbert Chevillard, Théodore Chassériau » in Revue de l'art ancien et moderne, no 3, 10 mars 1898,
Alice et Aline, une peinture de Théodore Chassériau, par Robert de Montesquiou, éd. Charpentier et Fasquelle, Paris, 1898
La Chronique des arts et de la curiosité, no 9, 27 février 1897
Ary Renan, Les Peintres orientalistes, Galerie Durand-Ruel, 1897
Valbert Chevillard, Un peintre romantique : Théodore Chassériau, Paris, 1893
Aglaus Bouvenne Théodore Chassériau : Souvenirs et Indiscrétions, A. Detaille, Paris, 1884
Théophile Gautier, L'Atelier de feu Théodore Chassériau in L'Artiste, no 14, 15 mars 1857
Théophile Gautier, critiques de toiles de Théodore Chassériau dans La Presse, 25 mai 1832, 27 mars 1844, 24 juin 1853



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Posté le : 19/09/2015 14:21
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Georges R.R. Martin
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Le 20 septembre 1948 naît Georges R.R. Martin

à Bayonne New Jersey, de son nom complet George Raymond Richard Martin, romancier, nouvelliste, scénariste, producteur de cinéma écrivain américain de science-fiction et de fantasy, également scénariste et producteur de télévision. Son œuvre la plus connue est la série romanesque du Trône de fer, adaptée sous forme de série télévisée par HBO sous le titre Game of Thrones. Il a été récompensé par de nombreux prix littéraires et a été sélectionné par le magazine Time comme l'une des personnes les plus influentes du monde en 2011. Il est aujourd'hui considéré comme le Tolkien américain. Il a reçu pour distinction le prix E. E. Smith Memorial, le prix Hugo, le pe prix Nebula, Prix Locus, le prix World Fantasy, le prix Bram Stoker. Ses Œuvres principales sont : L'Agonie de la lumière, Chanson pour Lya, Armageddon Rag, Cycle du Trône de fer

En bref

Auteur de fantasy américain, George R. R. Martin est surtout connu pour le cycle A Song of Ice and Fire, écrit à partir de 1996, traduit en français sous le titre Le Trône de fer, une sanglante saga qui oppose plusieurs factions en lutte pour le contrôle d'un royaume imaginaire.
George Raymond Richard Martin, de son vrai nom George Raymond Martin naît le 20 septembre 1948, à Bayonne, New Jersey. Il étudie à la Northwestern University, où il obtient une licence 1970, puis une maîtrise 1971 en journalisme. Fan de science-fiction et de fantasy depuis son enfance, il fait paraître sa première nouvelle en 1971. Objecteur de conscience pendant la guerre du Vietnam, il effectue un service civil bénévole auprès d'une association d'assistance judiciaire à Chicago. Il gagne alors sa vie en organisant parallèlement des tournois d'échecs et en écrivant de courtes fictions. Il se rend par ailleurs régulièrement à des salons de science-fiction et de fantasy. George Martin remporte en 1974 le prix Hugo, décerné à des auteurs de ces deux genres, pour son court roman de science-fiction A Song for Lya, Chanson pour Lya. Deux ans plus tard, il accepte un poste au Clarke College de Dubuque Iowa, où il enseigne le journalisme.
En 1977, il publie son premier long ouvrage de fiction, Dying of the Light L'Agonie de la lumière, un roman qui se déroule, le temps d'un festival, sur une planète à l'abandon. Deux ans plus tard, il s'installe à Santa Fe Nouveau-Mexique pour se consacrer à plein temps à l'écriture. Il reçoit le prix Hugo et le prix Nebula, lui aussi attribué à des auteurs de science-fiction et de fantasy, pour sa nouvelle Sandkings 1981, Les Rois des sables. Cette année-là, il fait également paraître Windhaven coécrit avec Lisa Tuttle, paru en France sous le titre Elle qui chevauche les tempêtes, puis réédité sous celui de Windhaven, où il brosse le portrait d'une enfant qui acquiert le pouvoir de voler. Sa carrière littéraire se poursuit avec deux romans : l'histoire de vampires Fevre Dream 1982, Riverdream et le récit d'épouvante The Armageddon Rag 1983, Armageddon rag, situé dans l'univers du rock. Bien que ce dernier ouvrage ne rencontre pas le succès escompté, un producteur en achète les droits cinématographiques. L'adaptation ne sera jamais réalisée, mais le producteur propose George Martin comme scénariste pour le remake en 1985 de la série The Twilight Zone, diffusée en France à l'origine sous le titre La Quatrième Dimension et relancée à cette occasion sous celui de La Cinquième Dimension. L'écrivain signe plusieurs épisodes avant d'accepter de travailler sur la série télévisée Beauty and the Beast 1987-1990, La Belle et la Bête, dont il sera par la suite l'un des producteurs. George Martin ne parvient cependant pas à vendre ses pilotes et ses scénarios et reprend l'écriture de fictions longues en 1991.
Il signe notamment A Game of Thrones, 1996, traduit en deux volumes : Le Trône de fer et Le Donjon rouge, premier opus de ce qu'il conçoit au départ comme une trilogie, le cycle A song of Ice and Fire. Le récit se déroule dans un monde imaginaire, le royaume des Sept Couronnes, sur le continent de Westeros. Bien qu'il soit explicitement rattaché à la fantasy, ce cycle évite ostensiblement certaines des images les plus mièvres du genre, privilégiant un réalisme austère. La plupart des personnages – même les plus sympathiques – rencontrent souvent une fin sinistre, et les multiples trames du récit sont dominées par les intrigues politiques et la barbarie sans pitié des personnages partis à la conquête du trône. Au second opus, intitulé A Clash of Kings, 1999, paru en France en trois volumes : La Bataille des rois, L'Ombre maléfique et L'Invincible Forteresse, succède A Storm of Swords (2000, traduit en quatre volumes : Les Brigands réédité sous le titre Intrigues à Port-Réal L'Épée de feu, Les Noces pourpres et La Loi du régicide. Viennent ensuite le troisième volet, A Feast for Crows, 2005, traduit en trois volumes : Le Chaos, Les Sables de Dorne et Un festin pour les corbeaux, puis le quatrième, A Dance with Dragons, 2011, paru en France en trois volumes : Le Bûcher d'un roi, Les Dragons de Meereen et Une danse avec les dragons. La chaîne américaine H.B.O. adapte le cycle et le diffuse à partir de 2011. George Martin, co-producteur exécutif de la série, signe le scénario de plusieurs épisodes. Il dirige par ailleurs la publication de nombreuses anthologies de science-fiction et de fantasy, tandis que ses nouvelles sont rassemblées sous le titre GRRM : A RRetrospective 2003. Richard Pallardy

Sa vie

George Raymond Richard Martin grandit dans un milieu modeste, avec un père docker. Il a deux sœurs cadettes, Darleen et Janet. Au lycée, il développe un intérêt pour les comics, et notamment les histoires de super-héros de Marvel. Il écrit des fanfiction et remporte en 1965 un Alley Award, récompenses consacrées aux comics, de la meilleure fanfiction pour son histoire Powerman vs. the Blue Barrier. En 1971, il sort diplômé en journalisme de l'université Northwestern6 mais, après être retourné dans sa ville natale, il ne peut y trouver un emploi de journaliste et passe l'été à écrire des nouvelles, se découvrant une vocation d'écrivain.
Objecteur de conscience, il accomplit au lieu de partir au Viêt Nam deux ans de volontariat dans le cadre du programme de la guerre contre la pauvreté entre 1972 et 1974. Entre 1973 et 1976, il est superviseur de tournois d'échecs, puis professeur de journalisme à la Clarke University de Dubuque de 1976 à 1978. Dans le même temps, il écrit des nouvelles de science-fiction qui lui valent une certaine reconnaissance. Il remporte en 1975 le prix Hugo du meilleur roman court pour Chanson pour Lya. En 1975, il se marie avec Gale Burnick mais le couple divorce en 1979. La même année, Martin devient écrivain à plein temps6. En 1980, il remporte le prix Hugo, le prix Locus et le prix Nebula pour sa nouvelle Les Rois des sables. Outre ses nombreux récits de science-fiction, Martin aborde aussi le genre de l'horreur avec ses romans Riverdream 1982 et Armageddon Rag 1983.
Au milieu des années 1980, il travaille pour la télévision comme scénariste pour les séries télévisées La Cinquième Dimension et La Belle et la Bête, participant aussi à la production de cette dernière série. Une de ses nouvelles, Le Volcryn, est adaptée au cinéma avec le film Nightflyers en 1987. Parallèlement à ces travaux, il entame dès 1987 un travail d'éditeur avec une série nommée Wild Cards et composée de recueils de nouvelles et de romans de science-fiction mettant en œuvre des super-héros.
Au début des années 1990, las de voir son imagination restreinte par les limitations imposées par le format télévisé, il revient à l'écriture en entamant le cycle de fantasy Le Trône de Fer A Song of Ice and Fire. Le prix Locus du meilleur roman de fantasy et la saga connaît un succès commercial grandissant. Martin connaît ensuite des difficultés pour écrire les volumes suivants, A Feast for Crows et A Dance with Dragons, qui sortent respectivement en 2005 et 2011 et se classent tous les deux à la première place de la liste des bestsellers du New York Times. A Dance with Dragons reçoit le prix Locus du meilleur roman de fantasy.
En janvier 2007, la chaîne de télévision HBO acquiert les droits d'adaptation du Trône de fer dans l'intention d'en faire une série télévisée. Le pilote est tourné à la fin 2009 et la série commence à être diffusée en avril 2011. Martin participe à sa production et écrit le scénario d'un épisode par saison.
Martin vit désormais à Santa Fe, où il possède un cinéma, et s'est marié le 15 février 2011 avec Parris McBride, sa compagne depuis les années 1980.

Thèmes

L'univers de Martin est souvent sombre et cynique et empreint de mélancolie. Ses personnages sont souvent malheureux ou au moins insatisfaits. Ils ont une dimension tragique et un sort fatal leur est souvent réservé. Cet aspect sombre et pessimiste peut être un obstacle pour certains lecteurs. Dans Le Trône de Fer, l’écriture de chaque chapitre met en scène un des personnages principaux, ce qui permet au lecteur de voir l’histoire progresser par différents lieux et points de vue. En outre, Martin en vient rapidement à utiliser les perspectives des méchants, renversant ainsi toute vision manichéenne qu'aurait pu avoir le lecteur puisque, bien souvent, les méchants eux aussi ont leurs raisons. Dans ses nouvelles de science-fiction, les principaux thèmes abordés sont la solitude, les relations humaines, l'amour tragique, le romantisme et l'opposition entre une dure vérité et un mensonge réconfortant.

Œuvres

Il existe une catégorie consacrée à ce sujet : Œuvre de George R. R. Martin.

Auteur Cycle du trône de fer.

Article détaillé : Le Trône de fer.
Le Trône de fer, Pygmalion, 1998 A Game of Thrones 1/2, 1996
Réédité par J'ai lu en 2000
Le Donjon rouge, Pygmalion, 1999 A Game of Thrones 2/2, 1996
Réédité par J'ai lu en 2001
La Bataille des rois, Pygmalion, 2000 A Clash of Kings 1/3, 1998
Réédité par J'ai lu en 2001
L'Ombre maléfique, Pygmalion, 2000 A Clash of Kings 2/3, 1998
Réédité par J'ai lu en 2002
L'Invincible Forteresse, Pygmalion, 2000 A Clash of Kings 3/3, 1998
Réédité par J'ai lu en 2002
Les Brigands, Pygmalion, 2001 A Storm of Swords 1/4, 2000
Réédité par J'ai lu en 2003 sous le titre Intrigues à Port-Réal
L'Épée de feu, Pygmalion, 2001 A Storm of Swords 2/4, 2000
Réédité par J'ai lu en 2002
Les Noces pourpres, Pygmalion, 2001 A Storm of Swords 3/4, 2000
Réédité par J'ai lu en 2004
La Loi du régicide, Pygmalion, 2003 A Storm of Swords 4/4, 2000
Réédité par J'ai lu en 2004
Le Chaos, Pygmalion, 2006 A Feast for Crows 1/3, 2005
Réédité par J'ai lu en 2007
Les Sables de Dorne, Pygmalion, 2006 A Feast for Crows 2/3, 2005
Réédité par J'ai lu en 2007
Un festin pour les corbeaux, Pygmalion, 2007 A Feast for Crows 3/3, 2005
Réédité par J'ai lu en 2008
Le Bûcher d'un roi, Pygmalion, 2012 A Dance with Dragons 1/3, 2011
Réédité par J'ai lu en 2013
Les Dragons de Meereen, Pygmalion, 2012 A Dance with Dragons 2/3, 2011
Réédité par J'ai lu en 2014
Une danse avec les dragons, Pygmalion, 2013 A Dance with Dragons 3/3, 2011
Réédité par J'ai lu en 2015
(en) The Winds of Winter
À paraître
(en) A Dream of Spring

À paraître

Préludes au Trône de fer Les Aventures de Dunk et de l’Œuf.

Le Chevalier errant, 1999 The Hedge Knight, 1998
Parue dans l'anthologie Légendes aux éditions J'ai lu.
Rééditée par J'ai lu en 2009 dans un volume de poche intitulé Préludes au Trône de fer, qui réunit Le Chevalier errant et L'Épée lige.
L'Épée lige, 2005 The Sworn Sword, 2004
Parue dans l'anthologie Légendes de la fantasy T1 aux éditions Pygmalion et J'ai lu.
Rééditée par J'ai lu en 2009 dans un volume de poche intitulé Préludes au Trône de fer, qui réunit Le Chevalier errant et L'Épée lige.
L'Œuf de dragon, Pygmalion, 2014 The Mystery Knight, 2010
Parue dans l'anthologie Warriors
The Princess and the Queen, 2013
Parue dans l'anthologie Dangerous Women et se déroulant à l'époque de la danse des dragons.
The Rogue Prince or the King’s Brother, 2014
Parue dans l'anthologie Rogues et se déroulant durant les années antérieures aux événements relatés dans The Princess and the Queen.
Chroniques du chevalier errant, Pygmalion, 2015
Recueil contenant les trois premières nouvelles, équivalent au recueil A Knight of the Seven Kingdoms, à paraître le 6 octobre 2015.

Divers

Games of Thrones - Le Livre des festins, Huginn & Muninn, 2014 A Feast of Ice and Fire: The Official Game of Thrones Companion Cookbook, 2012
Livre de recettes de cuisine
Maximes et pensées de Tyrion Lannister, J'ai lu, 2014 The Wit and Wisdom of Tyrion Lannister, 2013
Recueil de citations
Games of Thrones - Les Origines de la saga, Huginn & Muninn, 2014 The World of Ice and Fire : The Untold History of the World of A Game of Thrones, 2014
Game of Thrones - Les Cartes du monde connu, Huginn & Muninn, 2015 The Lands of Ice and Fire, 2014
Living Language Dothraki, 2014

Romans

L'Agonie de la lumière, J'ai lu, 1980 Dying of the light/After the festival, 1977
Le Volcryn, Presses de la Cité, 1982 Nightflyers, 1980
Réédité par ActuSF en 2010 - Prix Locus du meilleur roman court 1981
Armageddon Rag, La Découverte, 1985 The Armageddon Rag, 1983
Réédité par Pocket en 2000 puis par Denoël en 2012 avec une nouvelle traduction de Jean-Pierre Pugi et les éditions Gallimard, collection Folio SF, en 2014
Riverdream, Mnémos, 2005 Fevre Dream, 1983
Réédité par J'ai lu en 2008
Le Voyage de Haviland Tuf, Mnémos, 2006 Tuf Voyaging, 1986
Réédité par J'ai lu en 2009
Skin Trade, ActuSF, 2012 The Skin Trade, 1989
Prix World Fantasy du meilleur roman court 1989 - Réédité par J'ai lu en 2014
Le Chasseur et son ombre, Bragelonne, 2008 Réédité aux éditions Gallimard, collection Folio SF, en 2013

Recueils de nouvelles

Chanson pour Lya, J'ai lu, 1982 A Song for Lya and Other Stories, 1976
Prix Locus du meilleur recueil de nouvelles 1977 - Réédité en 2013 sous le titre Une chanson pour Lya et autres nouvelles
Chanson pour Lya, 1982 A Song for Lya, 1974
Prix Hugo du meilleur roman court 1975
Au matin tombe la brume, 1982 With Morning Comes Mistfall, 1973
Il y a solitude et solitude, 1979 The Second Kind of Loneliness, 1972
Première parution française sous le titre Solitude du deuxième type dans l'anthologie Univers 17 aux éditions J'ai lu
Pour une poignée de volutoines, 1982 Override, 1973
Le Héros, 1982 The Hero, 1971
L'Éclaireur, 1982 Dark, Dark Were the Tunnels, 1973
VSL, 1982 FTA, 1974
La Sortie de San Breta, 1982 The Exit to San Breta, 1972
Diaporama, 1982 Slide Show, 1973
Le Run aux étoiles, 2013 Run to Starlight, 1974
Des astres et des ombres, J'ai lu, 1983 Songs of Stars and Shadows, 1977
Tour de cendres, 1983 This Tower of Ashes, 1974
Saint Georges ou Don Quichotte, 1983 Patrick Henry, Jupiter, and the Little Red Brick Spaceship, 1976
La Bataille des Eaux-Glauques, 1983 Men of Greywater Station, 1976
Coécrit avec Howard Waldrop.
Un Luth constellé de mélancolie, 1981 The Lonely Songs of Laren Dorr, 1976
Première parution française sous le titre Comme un chant de lumière triste dans l'anthologie Le Livre d'or de la science-fiction : Le Monde des chimères aux éditions Pocket
La Nuit des Vampyres, 1983 Night of the Vampyres, 1975
Les Fugitifs, 1982 The Runners, 1975
Première parution française dans la revue Fiction no 330 aux éditions OPTA
Équipe de nuit, 1983 Night Shift, 1973
« ... Pour revivre un instant », 1983 "...for a Single Yesterday", 1975
Sept fois, sept fois l'homme, jamais !, 1983 And Seven Times Never Kill Man, 1975
Elle qui chevauche les tempêtes, Denoël, coll.Lunes d'encre, 1999 Windhaven, 1981
Coécrit avec Lisa Tuttle. Réédité par J'ai lu en 2007 sous le titre Windhaven
Tempête, 1999 The Storm of Windhaven, 1975
Première parution en France en 1978 dans la revue Futurs no 5 traduit par Charles Canet sous le titre Les Tempêtes de Port-du-Vent - Prix Locus du meilleur roman court 1976
Une-Aile, 1999 One-Wing, 1980
La Chute, 1999 The Fall, 1981
Les Rois des sables, J'ai lu, 2007 Sandkings, 1981
Prix Locus du meilleur recueil de nouvelles d'un auteur unique 1982
Par la croix et le dragon, 1981 The Way of Cross and Dragon, 1979
Nouvelle précédemment parue dans l'anthologie Univers 1981 aux éditions J'ai lu - Prix Hugo de la meilleure nouvelle courte et prix Locus de la meilleure nouvelle courte 1980
Âprevères, 2007 Bitterblooms, 1977
Vifs-amis, 2007 Fast-Friend, 1976
La Cité de pierre, 2003 The Stone City, 1977
La Dame des étoiles, 2007 Starlady, 1976
Les Rois des sables, 1981 Sandkings, 1979
Parue dans l'anthologie Univers 1981 aux éditions J'ai lu, sous le titre Rois des sables - Prix Nebula de la meilleure nouvelle longue en 1979, prix Hugo de la meilleure nouvelle longue et prix Locus de la meilleure nouvelle longue en 1980
Dans la maison du ver, 2013 In The House of The Worm, 1976
(fr) Dragon de glace, ActuSF, 2011
Le Dragon de glace, 2002 Ice Dragon, 1980
À paraître en un seul volume chez Flammarion-Jeunesse en octobre 2015
Dans les contrées perdues, 2003 In the Lost Lands, 1982
L'Homme en forme de poire, 2004 The Pear-Shaped Man, 1987
Prix Bram Stoker de la meilleure nouvelle longue 1987
Portrait de famille, 2011 Portraits of His Children, 1985
Prix Nebula de la meilleure nouvelle longue 1985
(fr) Au fil du temps, ActuSF, 2013
La Forteresse, 2013 The Fortress, 2003
Et la mort est son héritage..., 2013 And Death His Legacy, 2003
Week-end en zone de guerre, 2013 Weekend in a War Zone, 1977
Une affaire périphérique, 1983 A Peripheral Affair, 1973
Vaisseau de guerre, 1980 Warship, 1979
Coécrit avec George Florance-Guthridge.
Variantes douteuses, 2013 Unsound Variations, 1982
Assiégés, 2013 Under Siege, 1985
La Fleur de verre, ActuSF, 2014
Fleur de verre, 2014 The Glass Flower, 1986
Une nuit au Chalet du Lac, 2013 A Night at the Tarn House, 2009
Cette bonne vieille Mélodie, 2014 Remembering Melody, 1981
Le Régime du singe, 2012 The Monkey Treatment, 1983
Prix Locus de la meilleure nouvelle longue 1984
Les Hommes aux aiguilles, 1982 The Needle Men, 1981
Y a que les gosses qui ont peur du noir, 2014 Only Kids Are Afraid of the Dark, 1967
On ferme !, 2014 Closing Time, 1982

Autres nouvelles

Retour aux sources..., 1983 Meathouse Man, 1976
Parue dans l'anthologie Le Livre d'or de la science-fiction : Orbit, L'anthologie de Damon Knight aux éditions Pocket
Gardiens, 1983 Guardians, 1981
Parue dans l'anthologie Univers 1983 aux éditions J'ai lu - Prix Locus de la meilleure nouvelle longue 1982
Partir à point, 2014 Shell Game, 1987
Parue dans le recueil Wild Cards aux éditions J'ai lu
Un hiver bien long, 2015 Winter's Chill, 1987
Parue dans le recueil Aces High aux éditions J'ai lu

Éditeur Série Wild Cards

Wild Cards, J'ai lu, coll. Nouveaux Millénaires, 2014 Wild Cards, 1987
Aces High, J'ai lu, coll. Nouveaux Millénaires, 2015 Aces High, 1987
Jokers Wild, J'ai lu, coll. Nouveaux Millénaires, 2015 Jokers Wild, 1987
Aces Abroad, J'ai lu, coll. Nouveaux Millénaires, 2015 Aces Abroad, 1988
À paraître le 4 novembre 2015
Down & Dirty, 1988
Ace in the Hole, 1990
Dead Man's Hand, 1990
One-Eyed Jacks, 1991
Jokertown Shuffle, 1991
Double Solitaire, 1992
Roman écrit par Melinda Snodgrass
Dealer's Choice, 1992
Turn of the Cards, 1993
Roman écrit par Victor Milán
Card Sharks, 1993
Premier recueil de la trilogie New Cycle
Marked Cards, 1994
Deuxième recueil de la trilogie New Cycle
Black Trump, 1995
Troisième recueil de la trilogie New Cycle
Deuces Down, 2002
Death Draws Five, 2006
Roman écrit par John J. Miller
Inside Straight, 2008
Premier recueil de la trilogie Committee
Busted Flush, 2008
Deuxième recueil de la trilogie Committee
Suicide Kings, 2009
Troisième recueil de la trilogie Committee
Fort Freak, 2011
Anthologie de nouvelles écrites par Paul Cornell, David Anthony Durham, Ty Franck, Stephen Leigh, Victor Milán, John Jos. Miller, Mary Anne Mohanraj, Kevin Andrew Murphy, Cherie Priest et Melinda Snodgrass
Lowball, 2014
Anthologie de nouvelles écrites par Michael Cassutt, David Anthony Durham, Melinda Snodgrass, Mary Anne Mohanraj, David D. Levine, Walter Jon Williams, Carrie Vaughn et Ian Tregillis

Chansons de la Terre mourante

Songs of the Dying Earth, 2009
Chansons de la Terre mourante - 1, ActuSF, 2013
Robert Silverberg, Le Cru véritable d'Erzuine Thale The True Vintage of Erzuine Thale, 2009
Terry Dowling, La Porte Copse The Copsy Door, 2009
Glen Cook, Le Bon Magicien The Good Magician, 2009
Byron Tetrick, L'Université de maugie The Collegeum of Mauge, 2009
Walter Jon Williams, Abrizonde Abrizonde, 2009
George R. R. Martin, Une nuit au Chalet du Lac A Night at the Tarn House, 2009
Jeff VanderMeer, La Dernière Quête du mage Sarnod The Final Quest of the Wizard Sarnod, 2009
Chansons de la Terre mourante - 2, ActuSF, 2013
Tanith Lee, Evillo l'ingénu Evillo the Uncunning, 2009
Paula Volsky, Les Traditions de Karzh The Traditions of Karzh, 200
Tad Williams, La Tragédie lamentablement comique ou la comédie ridiculement tragique de Lixal Laqavee The Lamentably Comical Tragedy or The Laughingly Tragic Comedy of Lixal Laqavee, 200
Lucius Shepard, La Proclamation de Sylgarmo Sylgarmo's Proclamation, 2009
Matthew Hughes, Gorlion d'Almérie Grolion of Almery, 2009
Elizabeth Moon, Incident à Uskvosk An Incident in Uskvosk, 2009
John C. Wright, Guyal le Conservateur Guyal the Curator, 2009
Neil Gaiman, Invocation de l'incuriosité An Invocation of Incuriosity, 2009

Autres anthologies avec Gardner R. Dozois

Warriors, 2010
Songs of Love and Death, 2010
Down These Strange Streets, 2011
Dangerous Women, 2013
Old Mars, 2013
Rogues, 2014
Old Venus, 2015

Récompenses

Prix Bram Stoker
Meilleure nouvelle longue 1987 pour L'Homme en forme de poire
Prix Hugo
Meilleur roman court 1975 pour Chanson pour Lya
Meilleure nouvelle longue 1980 pour Les Rois des sables
Meilleure nouvelle courte 1980 pour Par la croix et le dragon
Meilleur roman court 1997 pour Blood of the Dragon
Prix Locus
Meilleur roman court 1976 pour Les Tempêtes de Port-du-Vent avec Lisa Tuttle
Meilleur recueil de nouvelles 1977 pour Chanson pour Lya
Meilleure nouvelle longue 1980 pour Les Rois des sables
Meilleure nouvelle courte 1980 pour Par la croix et le dragon
Meilleur roman court 1981 pour Le Volcryn
Meilleure nouvelle longue 1982 pour Gardien
Meilleur recueil de nouvelles 1982 pour Les Rois des sables
Meilleure nouvelle longue 1984 pour Le Régime du singe
Meilleur roman de fantasy 1997 pour A Game of Thrones
Meilleur roman de fantasy 1999 pour A Clash of Kings
Meilleur roman de fantasy 2001 pour A Storm of Swords
Meilleure anthologie 2011 pour Warriors
Meilleur roman de fantasy 2012 pour A Dance with Dragons
Meilleure anthologie 2014 pour Old Mars
Meilleure anthologie 2015 pour Rogues
Prix Nebula
Meilleure nouvelle longue 1979 pour Les Rois des sables
Meilleure nouvelle longue 1985 pour Portrait de famille
Prix World Fantasy
Meilleur roman court 1989 pour Skin Trade
Grand maître 2012
Meilleure anthologie 2014 pour Dangerous Women



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Posté le : 19/09/2015 13:54
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Kitagawa Utamaro
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Le 20 septembre 1806 meurt Kitagawa Utamaro 喜多川 歌麿,

il serait né vers 1753 à Kawagoe, province de Musachi, près de Edo au japon, peintre japonais, spécialiste de l'Ukiyo-e. Il est particulièrement connu pour ses représentations de jolies femmes bijin-ga, mais son œuvre comprend également de nombreuses scènes de nature et d'animaux.
Son travail parvint en Occident au xixe siècle où il rencontra un grand succès. Il a particulièrement influencé les impressionnistes par ses cadrages audacieux et le graphisme de ses estampes. Il était alors connu sous le nom d'Outamaro, transposition selon l'orthographe française de la prononciation de son nom, orthographe reprise à l'époque dans certains autres pays occidentaux. Son maître est Toriyama Sekien, ses élèves sont Utamaro II, Kikumaro, Hidemaro? Il appartient au mouvement Ukiyo-e. Il est influencé par Kiyonaga, il a influencé Eishi, Eisho, Eisui, Gustav Klimt. Ses Œuvres les plus réputées sont Les Pêcheuses d'abalone, Anthologie poétique : section de l'amour, Yama-uba et Kintarō, Douze heures des Maisons vertes, L'Almanach illustré des maisons vertes
Il fut surnommé en 1891 par Edmond de Goncourt le peintre des maisons vertes c'est à dire les maisons closes, même si un tiers seulement des très nombreuses estampes que l'on connait de lui furent en réalité consacrées au Yoshiwara.

En bref

Kitagawa Utamaro débute en 1775 en exécutant des portraits d'acteurs qu'il signe du nom de Toyoaki. Ces portraits sont dans le style ukiyo-e, monde à la mode, dont les principaux représentants à l'époque sont Harunobo et Torii Kiyonaga.
Ce n'est qu'à partir de 1780 qu'il signe du nom d'Utamaro. Il se spécialise alors dans la représentation de la femme japonaise, dont ses bijin-ga (beautés féminines , exagèrent le type : visage allongé encadré par une longue chevelure couleur de jais contrastant avec la couleur claire du corps et du fond de l'image, formes élancées et graciles. Utamaro peint les occupations quotidiennes de la femme – qu'elle soit mère ou courtisane –, où l'élégance et le raffinement d'allure rivalisent avec la sensualité qu'ils ont en charge de mettre en valeur. Puisant dans son inspiration de la beauté féminine, il crée l'okubi-e, image en demi-buste, style célèbre du portrait représentant essentiellement des courtisanes.
En 1804, la censure juge une de ses œuvres inconvenante : Utamaro est emprisonné pour avoir représenté le shogun Hideyoshi 1536-1598 au milieu de ses favorites. Il ne s'en remettra jamais.
S'éloignant de l'idéalisation de la femme, Utamaro est aussi un remarquable observateur de la nature ; il illustre des albums avec beaucoup de réalisme : le Livre des insectes 1788, Dons de la marée basse 1789, Poèmes satiriques sur les oiseaux 1790.
Utamaro est, avec Hokusai, l'artiste japonais le plus admiré en Occident. Dès 1891, Edmond de Goncourt fait publier un de ses albums d'estampes en couleurs, Peintre des maisons vertes. Utamaro fut reconnu comme le maître des maîtres de l'estampe japonaise, le peintre de la femme. La gravure d'estampe fut le seul moyen dont on disposait à l'époque pour diffuser les œuvres des artistes japonais. Or, ils se considéraient avant tout comme des peintres, l'estampe étant un art mineur au Japon. Ce n'est qu'à la suite de l'engouement rencontré en Occident et surtout parmi les impressionnistes que les artistes japonais considérèrent avec plus de respect cet art.

Sa vie

Nous connaissons fort peu de choses de la vie d'Utamaro, et les détails de sa vie diffèrent souvent selon les sources.
Selon certaines sources, il serait né à Edo aujourd'hui Tōkyō, Kyoto ou Osaka les trois villes principales du Japon. Mais plusieurs sources affirment qu'il serait né à Kawagoe, province de Musachi, près de Edo. Sa naissance serait située autour de 1753 cette date étant également incertaine. Selon une tradition ancienne, il serait né à Yoshiwara, le quartier des plaisirs d'Edo, et serait le fils du propriétaire d'une maison de thé, mais là encore, sans que le fait soit avéré. Son nom véritable serait Kitagawa Ichitar.
Il est généralement admis qu'il devint l'élève du peintre Toriyama Sekien, alors qu'il était encore enfant; certains pensent qu'Utamaro était d'ailleurs son fils. Il grandit dans la maison de Sekien, et leur relation se poursuivit jusqu'à la mort de celui-ci en 1788.
Sekien avait été formé dans l'aristocratique école de peinture Kano, mais il s'orienta plus tard vers l'ukiyo-e, plus populaire.
Si Sekien eut bien un certain nombre d'autres élèves, aucun n'atteignit ensuite la notoriété.

Carrière et relation avec l'éditeur Tsutaya Jūzaburō

Un acteur-prostitué séduit un client par une agréable conversation. Utamaro Kitagawa, 1788
Utamaro fut ensuite patronné par l'éditeur Tsutaya Jūzaburō, chez qui il résida à partir de 1782 ou 1783. Comme la plupart des éditeurs, Tsutaya Jūzaburō habitait aux portes du quartier du Yoshiwara, dont il contribuait en quelque sorte à assurer la promotion (courtisanes et acteurs de kabuki.
Utamaro, comme de nombreux artistes japonais de son temps, changea son nom à l'âge adulte, et pris le nom de Ichitaro Yusuke lorsqu'il prit de l'âge. Au total, il aurait eu plus de douze surnoms, noms de famille, ou pseudonymes.
Il semble qu'il se soit également marié, bien qu'on sache très peu de choses de sa femme; il n'eut apparemment pas d'enfant.
Sa première production artistique à titre professionnel, vers l'âge de 22 ans, en 1775, semble avoir été la couverture d'un livre sur le Kabuki, sous le nom professionnel, gō de Toyoaki. Il produisit ensuite un certain nombre d'estampes d'acteurs et de guerriers, ainsi que des programmes de théâtre. À partir du printemps 1781, il changea son gō pour prendre celui d'Utamaro, et commença à réaliser quelques estampes de femmes, que l'on peut raisonnablement oublier.
Vers 1782 ou 1783, il s'en alla vivre chez le jeune éditeur Tsutaya Jūzaburō, alors en pleine ascension, chez lequel il résida apparemment cinq années. Pendant les années qui suivirent, la production d'estampes fut sporadique, car il produisit essentiellement des illustrations de livres de kyoka littéralement poésie folle, parodie de la forme littéraire classique waka.
Entre 1788 et 1791, il se consacra essentiellement à l'illustration de plusieurs remarquables livres sur la nature insectes, oiseaux, coquillages....
Vers 1791, Utamaro cessa de dessiner des estampes pour livres, et se concentra sur la réalisation de portraits de femmes, en plan serré, figurant seules dans l'estampe, contrairement aux portraits de femmes en groupe, qui avaient encore les faveurs de certains autres artistes de l'ukiyo-e.
En 1793, il devint un artiste reconnu, et son accord semi-exclusif avec l'éditeur Tsutaya Jūzaburō arriva à son terme. Il produisit alors un certain nombre de séries fameuses, toutes centrées sur les femmes du quartier réservé du Yoshiwara.
En 1797, Tsutaya Jūzaburō mourut, et Utamaro fut apparemment très affecté par la mort de son ami et protecteur. Même si certains commentateurs affirment que le niveau de l'art d'Utamaro ne fut plus jamais le même à partir de ce moment, il produisit cependant des œuvres remarquables après cette date.

Arrestation

En 1804, au sommet de son succès, l'année même où il sortit l'Almanach illustré des Maisons Vertes, il dût faire face à de sérieux problèmes vis-à-vis de la censure, après avoir publié des estampes traitant d'un roman historique interdit. Ces estampes, intitulées La femme et les cinq concubines de Hideyoshi décrivait la femme et les cinq concubines de Toyotomi Hideyoshi, le grand chef de guerre du Japon à l'époque Momoyama.
En conséquence, il fut accusé d'avoir porté atteinte à la dignité de Hideyoshi. En réalité, le shogun Ienari y vit une critique de sa propre vie dissolue.
Quoi qu'il en soit, Utamaro fut condamné à être menotté pour 50 jours selon certains, il fut même brièvement emprisonné.
Il ne put supporter le choc émotionnel de cette épreuve, et ses dernières estampes manquent de puissance, au point qu'on peut penser qu'elles sont sans doute de la main d'un de ses élèves.
Il mourut deux années plus tard, le 20° jour du 9° mois, en 1806, âgé d'environ cinquante-trois ans, à Edo, alors qu'il croulait sous les commandes des éditeurs qui sentaient sa fin prochaine.

Apports stylistiques

On a pu dire du style d'Utamaro qu'il marquait à la fois l'apogée et le point de départ du déclin de l'art traditionnel de l'ukiyo-e. Il sut en effet porter l'art du portrait à son sommet, par de nombreux apports :
portraits visant à la ressemblance, malgré les conventions de l'art japonais,
visage en gros plan, en buste okubi-e donnant à l'image un impact saisissant,
utilisation fréquente de fonds micacés kira-e, donnant un aspect à la fois luxueux et sobre au portrait,
utilisation sans précédent du noir des chevelures féminines, dont la densité est augmentée par une double impression,
virtuosité extraordinaire du traitement des cheveux (un défi pour le graveur...
Dans son œuvre, Utamaro se définit comme un physiognomoniste, capable de représenter dans ses portraits les traits de personnalité de ses sujets. D'où les titres de certaines de ses séries, telles les Dix formes de physionomie féminine 1802.
Il est de fait que le portrait de Naniwaya Okita portrait de droite dans la célèbre estampe : Trois beautés de notre temps permet de reconnaitre celle-ci dans un certain nombre d'autres estampes, où l'on retrouve son profil aquilin et son air réservé, contrastant avec l'expression plus délurée et la forme de visage très différente de Takashima Ohisa à gauche sur cette même estampe.

Les okubi-e chez Utamaro

Amour profondément caché, okubi-e sur fonds micacé, de la série « Anthologie poétique ; section de l'amour 1793-1794.
Pendant longtemps, la notion de portrait n'exista pas dans l'estampe japonaise, en tous cas pas au sens où l'entend la peinture occidentale. En effet, la plupart des représentations humaines présentaient les personnages soit en groupe, soit - et c'était une constante des bijin-ga - individualisé, mais en pied. On en trouve des exemples typiques chez Moronobu, Kaigetsudo, ou encore Harunobu.
Ce n'est guère qu'en 1788-1789 que Katsukawa Shunkō réalisa une série de portraits d'acteurs de kabuki, représentés en buste.
Utamaro reprit cette idée pour l'appliquer au genre bijin-ga, en publiant chez son éditeur Tsutaya Jūzaburō sa série Dix types d'études physiognomoniques de femmes Fūjin sōgaku juttai, vers 1792-1793. Cette première série cependant, ne pouvait pas encore prétendre au portrait en gros plan, puisqu'il ne s'agissait que de portraits de femmes cadrés à mi-corps.
Ce n'est qu'un peu plus tard, et tout particulièrement avec sa série Anthologie poétique : section de l'Amour Kazen koi no bu, publiée dès 1793-1794, qu'Utamaro conçoit véritablement ce qui restera l'archétype de l’okubi-e : les femmes ainsi représentées apparaissent en gros plan, ne montrant que la tête et les épaules, souvent sur un fonds micacé, pour produire ce qui demeure une des formes les plus spectaculaires de l'ukiyo-e.

Utilisation des fonds micacés

L'oiran Hanaogi, représentée sur un fond micacé prune, tenant une pipe à la main.
Utamaro a eu recours très tôt, dès sa série Dix types d'études physiognomoniques de femmes, à l'utilisation d'un fond recouvert de paillettes de mica. Il fut l'inventeur de ce procédé, appelé kira-e.
L'utilisation d'un tel fond confère indiscutablement un aspect luxueux à l'estampe. Il attire également l'œil par son côté lumineux et la façon dont il accroche la lumière. Enfin, autant et mieux qu'un fond monochrome, il permet de détacher le visage, et d'en faire ressortir la blancheur, retrouvant ainsi par une autre méthode la mise en valeur de la blancheur des visages féminins obtenue dans la peinture par l'utilisation de gofun.
Car les fonds micacés d'Utamaro ne sont pas toujours uniquement blancs. Très souvent, ils sont au contraire légèrement teintés, renforçant ainsi le contraste avec le visage lui-même. C'est le cas par exemple dans le portrait Amour profondément caché Fukaku shinobu koi, de la série Anthologie poétique : section de l'Amour, dont le fond micacé est légèrement rosé, ou encore du portrait de l’oiran Hanaogi, dont le fonds micacé fait appel à une rare teinte prune.

Utamaro et la recherche de la ressemblance

Utamaro se voulait un portraitiste fidèle, capable de retranscrire la psychologie profonde de ses personnages. Exercice difficile, car s'inscrivant dans la série de conventions de l'estampe japonaise : yeux représentés par une mince fente, bouche réduite à sa plus simple expression, absence de tout dégradé exprimant le modelé du visage...
Et cependant, Utamaro a su restituer, au travers de toutes ces conventions, des portraits qui permettent, par d'imperceptibles détails, d'attribuer une personnalité à ses modèles préférés, telles que Naniwaya Okita ou Takashima Ohisa.
En 1912, dans le catalogue de l'exposition tenue à Paris de quelque trois cent œuvres d'Utamaro, Raymond Koechlin rendait ainsi hommage au talent de portraitiste d'Utamaro :
Utamaro a donné à chaque visage une expression personnelle. Les yeux peuvent être dessinés de façon schématique; l'inclinaison varie d'une tête à l'autre et leur donne un regard différent; les bouches ne s'ouvrent pas de façon tout à fait semblable; les nez sont droits, aquilins ou pointus, et surtout l'ovale du visage lui donne son caractère.

Importance du noir chez Utamaro

Le recours aux okubi-e a permis à Utamaro de jouer pleinement de l'impact visuel créé par les chevelures des femmes. Ceci aboutit à un type d'estampe nouveau, qui s'éloigne des estampes de brocart traditionnelles, pour permettre l'élaboration d'architectures graphiques nouvelles. Ainsi, Janette Ostier a pu écrire :
« Utamaro ... métamorphose les coiffures féminines, harmonieusement architecturées, en de gigantesques fleurs sombres qui font ressortir la gracilité d'une nuque, la pâleur d'un visage. Dans certaines œuvres, la répartition, presque la mise en page des noirs absolus, suggère, si on cligne des yeux, de singulières compositions abstraites d'un rigoureux équilibre. »
Il est à cet égard intéressant de regarder les nombreuses estampes d'Utamaro rassemblées par Claude Monet : leurs couleurs sont aujourd'hui totalement passées, à la suite d'une trop longue exposition à la lumière du jour. Leur caractère d'« estampes de brocart » colorées s'est entièrement évanoui, pour faire place à d'admirables compositions en noir et blanc, dont le mérite purement graphique sort grandi de l'effacement des couleurs.
Pour parvenir à un tel résultat, Utamaro accordait une importance particulière à l'impression du noir de la chevelure : comme il est d'usage, on imprimait tout d'abord le bloc portant le dessin à l'encre noire sumi, qui reportait donc sur le papier le dessin original d'Utamaro. Puis on appliquait les différents blocs portant chaque couleur. Mais on appliquait tout à la fin un dernier bloc, qui portait, lui, spécifiquement le noir de la chevelure, pourtant déjà imprimé en principe par le premier bloc.
Cette double impression du noir de la chevelure le deuxième passage portant d'ailleurs des détails un peu différent du premier permettait d'atteindre une profondeur du noir que l'on ne retrouve pas chez les prédécesseurs d'Utamaro. Ainsi par exemple, la comparaison avec les chevelures des femmes de Kiyonaga fait-elle apparaître ces dernières - malgré les ressemblances stylistiques - comme étant gris très foncé, et non pas totalement noir.

Œuvre L'Almanach des maisons vertes

Livres et séries consacrées à la nature

Couple au paravent.
C'est là un aspect important de son œuvre, pendant la première partie de sa carrière.
Parmi ses premières œuvres, il publiera un livre sur Les insectes choisis Ehon Mushi Erabi, de 1788, dont son maître Toriyama Sekien écrivait dans la préface10 :
« L'étude que vient de publier mon élève Utamaro reproduit la vie même du monde des insectes. C'est là la vraie peinture du cœur. Et quand je me souviens d'autrefois, je me rappelle que, dès l'enfance, le petit Uta observait le plus infini détail des choses. Ainsi, ... quand il était dans le jardin, il se mettait en chasse des insectes et, que ce soit un criquet ou une sauterelle, ... il gardait la bestiole dans sa main pour l'étudier. »
Utamaro est également l'auteur de deux œuvres très connues, le Livre des Oiseaux, Momo chidori kyōka awase, de 1791, et le livre intitulé Souvenirs de la marée basse Shioho no tsuto, de 1790 environ sur les coquillages et les algues abandonnés par la mer.
Il publia aussi une série de douze estampes sur l'élevage des vers à soie.

Les séries de bijin-ga

Utamaro réalisa de nombreuses séries d'estampes de jolies femmes et de courtisanes bijin-ga, séries qui étaient autant d'occasions pour lui d'étudier tel ou tel aspect de son art, en étudiant de nouvelles possibilités. Parmi ses séries les plus célèbres, on peut noter :
Dix types d'études physiognomoniques de femmes Fūjin sōgaku juttai 1792-1793 ;
Les Beautés célèbres de Edo 1792-1793 ;
Dix leçons apprises des femmes 1792-1793 ;
Anthologie poétique : section de l'Amour kasen koi no bu 1793-1794 ;
Neige, lune et fleurs des maisons vertes 1793-1795 ;
Tableau des beautés suprêmes du jour présent 1794 ;
Six sélections de courtisanes et de saké Natori-zake rokkasen 1794 ;
Cinq couleurs d'encre du quartier Nord Hokkoku goshiki-zumi 1794-1795 ;
Douze heures des maisons vertes Seiro jūni toki tsuzuki 1794-1795 ;
Beautés en fleur du jour présent 1795-1797 ;
Tableau d'amants passionnés 1797-1798 ;
Huit vues de courtisanes au miroir Yūkun kagami hakkei 1798-1799 ;
Six paires zodiales dans le Monde Flottant Ukiyo nanatsume awase 1800-1801 ;
Dix formes de physionomie féminine 1802.
Ce sont là les plus connues. Mais il existe encore bien d'autres séries de bijin-ga moins connues, telles que :
Les six bras et les six vues de la rivière Tamagawa, représentées par des femmes ;
Femmes représentant les 53 stations du Tōkaidō ;
Les sept dieux du bonheur personnifiés par des femmes ;
Femmes représentant les quatre saisons...

La légende de Yama-uba et de Kintarō

Vers la fin de sa vie, Utamaro réalisa une bonne cinquantaine d'estampes consacrées à la description de la légende de Yama-uba et Kintarō. Yama-uba, la vieille femme des montagnes, sorte de sorcière des forêts profondes des montagnes du Japon, apprivoisée par l'amour maternel, et Kintarō, le garçon d'or, incarnation enfantine du héros Sakata no Kintoki. Cette très longue série fut très populaire, et donna lieu à des estampes remarquables par leur force, le détail prodigieux de la chevelure de Yama-uba, le contraste entre la blancheur de sa peau et le teint hâlé du garcon.

Autres séries montrant mère et enfant

Utamaro réalisa d'autres séries d'estampe mettant en scène des mères avec leur enfants. Ces séries, là aussi réalisées vers la fin de sa vie, ne sont pas totalement une nouveauté dans l'ukiyo-e; on en trouve en effet quelques exemples, en particulier chez Kiyonaga.
Cependant, Utamaro l'érigea en un genre distinct dont la série Yama-uba et Kintarō constitue bien sûr le fleuron.

Sur ce thème, Utamaro réalisa également :

Les trois rieurs d'esprit enfantins Kokei no sanshō vers 1802 ;
Comparaison élégante des petits trésors Fūryū ko-dakara awase vers 1802 ;
Jeunes pousses : Sept Komachi Futaba-gusa nana Komachi vers 1803.

Les triptyques

Par ailleurs, il faut signaler un certain nombre de triptyques, tels que :
Les pêcheuses d'abalone 1797-1798, qui rivalise avec La vague d'Hokusai, pour le titre d'estampe la plus célèbre ;
La lande de Musashi Musashino 1798-1799, inspirée du Conte d'Ise, célèbre classique japonais ;
L'averse Yoshida n° 311 ;
Nuit d'été sur la Sumida Yoshida n° 41 ;
Vue de la plage de sept lieues, à Kamakura Soshu Kamakura Sichiri-ga-hama Fukei ;
L'atelier des célèbres estampes d'Edo Eido Meibutsu Nishiki-e Kosaku, représentant l'atelier d'Utamaro avec des bijin en guise d'ouvrières.

Autres œuvres

Enfin, Utamaro réalisa de nombreuses œuvres érotiques, telles que son célèbre Livre sur l'oreiller, publié en 1788 Ehon Utamakura, ou consacrées aux « Maisons vertes », en particulier L'Almanach illustré des maisons vertes Seirō ehon nenjū gyōji, publié en 1804, l'année de son arrestation, et qui contribua à sa réputation en Occident.
Il réalisa également des séries de shunga estampes érotiques, telle que la série de douze estampes Prélude au désir Negai no itoguchi.
Par ailleurs, il fit aussi des portraits d'acteurs de kabuki, ou bien des séries telles que Comparaison des vrais sentiments : sources d'amour, ou encore À travers les lunettes moralisatrices des parents.
Dans un tout autre domaine, Utamaro réalisa aussi quelques séries qui peuvent être considérées comme des annonces publicitaires :

La courtisane Shizuka et le sake Yōmeishu.

Six sélections de courtisanes et de sake Natori-zake rokkasen : chacune de ces estampes y assure la promotion d'une marque de sake, qui accompagne le portrait d'une courtisane ; le logo de la marque est affiché en gros sur un motif de baril de sake;
Dans le goût des motifs d'Izugura Izugura shi-ire no moyô muki : série de neuf estampes publiées vers 1804-1806, réalisées pour promouvoir de grande marques de magasins de textile Matsuzakaya, Daimaru, Matsuya..., dont le logo apparait de façon ostensible.
Il est bien difficile finalement de recenser l'ensemble de l'œuvre d'Utamaro, qui compte près de 2000 estampes. Car s'il réalisa quelques belles peintures, l'estampe resta le domaine auquel il se consacra toute sa vie.

Élèves

Après la mort d'Utamaro, son élève Koikawa Suncho continua à produire des estampes dans le style de son maître, et repris ensuite son nom d'artiste gō Utamaro jusqu'en 1820; on se réfère à cette partie de son œuvre sous le nom de Utamaro II. On dit qu'il épousa la veuve d'Utamaro après la mort de celui-ci, et dirigea l'atelier pendant une dizaine d'années. Après 1820, il changea son nom d'artiste, qui devint Kitagawa Tetsugoro, et produisit désormais ses œuvres sous ce nom.
Utamaro eut par ailleurs d'autres élèves, plus mineurs, tels que Kikumaro Tsukimaro, Hidemaro, Shikimaro, Yukimaro, Toyomaro...
Mais son disciple le plus important, et incontestablement le plus doué, fut Eishi.
Son style se continuera dans une certaine mesure au travers d'artistes comme Eisho, Eisui et Eiri, qui, plus qu'Eishi, chercheront à retrouver le caractère spectaculaire des portraits okubi-e d'Utamaro, parfois en allant encore plus loin par l'utilisation de fonds micacés noirs.

Utamaro et l'Occident Découverte d'Utamaro au XIXe siècle

La délégation japonaise à l'Exposition Universelle de 1867
Les toutes premières œuvres d'Utamaro arrivèrent en Chine déjà de son vivant, puis en Europe par des voies inconnues.
Cependant, Utamaro ne fut largement découvert en Occident, et en particulier en France sous le nom romanisé d'Outamaro qu'à partir de l'Exposition universelle de 1867. Cette Exposition Universelle, à laquelle, pour la première fois, le Japon participait de manière officielle, fut suivie de la vente de mille trois cent objets japonais.
Dès lors, l'impulsion était donnée : de telles ventes eurent lieu de nouveau par exemple en 1878, à l'occasion d'une rétrospective en France sur l'art japonais, rétrospective qui mit Hayashi Tadasama en contact avec les collectionneurs français.
Hayashi fut dès lors l'un des tout principaux ambassadeurs de l'art japonais en France, et en Occident de façon plus générale, approvisionnant les collectionneurs en objets d'art importés du Japon.
Les artistes français de l'époque furent souvent parmi les premiers à apprécier l'art japonais, tels Claude Monet qui rassembla une importante collection d'œuvres d'Utamaro que l'on peut voir encore aujourd'hui, Degas, ou encore, les Goncourt.
L'un des plus grands collectionneurs d'estampes japonaises, le comte Isaac de Camondo, légua toute sa collection au Musée du Louvre, où, enrichie par d'autres apports, elle constitua la base de ce qui est aujourd'hui la grande collection du Musée Guimet, riche en estampes d'Utamaro.

Influence sur l'art occidental

L'influence de l'art japonais sur les artistes français et européens de la fin du XIXe siècle est connue : c'est ce qu'on a appelé le japonisme. On sait par exemple que Degas et les impressionnistes, de façon plus générale) fut influencé par sa découverte des estampes japonaises. Certains de ses cadrages s'en inspirent directement, ainsi d'ailleurs que de la photographie, avec en particulier des avant-plans audacieux où le sujet au premier plan est coupé.
Cependant, il est difficile de rattacher cette influence précisément à Utamaro, d'autant qu'on trouvera plus souvent de tels cadrages chez Hiroshige que chez Utamaro.
En revanche, Gustav Klimt a, lui, été spécifiquement influencé dans son art par Utamaro.

Utamaro et le cinéma


La vie d'Utamaro a été portée au cinéma par Kenji Mizoguchi dans le film Cinq femmes autour d'Utamaro.

Influence sur la peinture française

Les onze pièces publiées par Henri de Toulouse-Lautrec 1864-1901 pour la suite Elles sont à la fois caractéristiques de ses thèmes favoris à l'exception de la clownesse Cha-U-Kao, toutes les femmes qu'il représente appartiennent en effet au monde des maisons closes et de sa pratique de l'estampe ce sont des lithographies en couleurs, comme la plupart de ses œuvres. Lautrec suit de près l'art japonais et en particulier celui d'Utamaro : la série, en effet, devait à l'origine comporter douze pièces comme dans les albums d'estampes japonaises, la douzième, Le Sommeil, quoique exécutée, n'a pas été retenue dans l'édition originale, pour des raisons inconnues. On sait que les gravures sur bois japonaises ont un thème de prédilection, celui des quartiers réservés où évoluent courtisanes et prostituées, ce monde flottant ukiyo souvent lié au théâtre, celui-là même que Toulouse-Lautrec fréquente à Paris. Le thème, déjà abordé par Degas est ici traité avec beaucoup de finesse dans le choix de chaque sujet, il est aussi possible que Toulouse-Lautrec ait voulu y représenter les différentes heures du jour d'une manière peu conventionnelle, l'artiste préférant insister sur la recherche formelle de l'estampe plus que sur la description naturaliste ou érotique d'une réalité trop crue.

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Posté le : 19/09/2015 10:58

Edité par Loriane sur 19-09-2015 21:46:09
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Annie Besant 1
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Le 20 septembre 1933 à Madras meurt à 85 ans Annie Besant

née Wood le 1er octobre 1847 à Londres, conférencière, féministe, libre-penseuse, socialiste et théosophe britannique, qui prit part à la lutte ouvrière avant de diriger la Société théosophique, puis de lutter pour l'indépendance de l'Inde.
Issue d'une famille anglo-irlandaise et orpheline de père à cinq ans, elle fut éduquée de façon privée par une dame charitable. Elle fit de nombreuses lectures philosophiques qui développèrent ses questionnements métaphysiques et spirituels. Elle prit aussi conscience, à la même époque, de la condition ouvrière. Jeune femme de la classe moyenne victorienne, elle n'avait alors pas d'autre avenir que le mariage. En décembre 1867, elle épousa Frank Besant, un pasteur anglican. Le mariage fut malheureux. Après avoir eu deux enfants, le couple se sépara en 1873.
Excellente oratrice, Annie Besant commença une carrière politique en faisant des tournées de conférences sur le féminisme, la libre-pensée et le sécularisme. Elle travailla alors aux côtés de Charles Bradlaugh avec qui elle publia en 1877 une brochure présentant des méthodes de limitation des naissances. Ils furent jugés et condamnés à six mois de prison pour obscénité. L'appel fut suspensif et le verdict fut cassé pour vice de forme. Elle perdit cependant la garde de sa fille qu'elle avait obtenue lors de la séparation avec son mari.
Elle profita de la modification des statuts du University College de Londres pour y entamer des études scientifiques brillantes. Elle en fut cependant exclue en 1883 du fait de sa réputation et de ses activités politiques et ne put terminer sa troisième année de baccalauréat. En parallèle, elle dispensa des cours publics d'éducation populaire dans le Hall of Science de South Kensington.
Annie Besant s'intéressa à la pensée socialiste dès le début des années 1880 et adhéra à la Fabian Society en 1885. Elle devint rapidement membre du comité directeur. Elle s'engagea alors dans la lutte sociale. Elle était présente lors du Bloody Sunday du 13 novembre 1887 : cette manifestation pacifique dispersée par la force protestait contre la politique du gouvernement en Irlande ainsi que contre les conditions misérables de travail et de vie des milieux populaires. Elle organisa ensuite la grève victorieuse des allumettières de l'entreprise Bryant and May dans l'East End de Londres à l'été 1888. Elle fut élue de ce quartier populaire au London School Board où elle réussit à faire adopter le concept de repas gratuits pour les enfants pauvres dans les écoles de la capitale.
En 1889, William Thomas Stead, rédacteur en chef de la Pall Mall Gazette, lui demanda d'écrire un compte-rendu de l'ouvrage d'Helena Blavatsky, la Doctrine Secrète, qui lui fit découvrir la théosophie. Elle y trouva les réponses à ses interrogations métaphysiques et spirituelles et s'y convertit rapidement. Elle devint une des dirigeantes de la société théosophique. En 1893, elle partit s'installer en Inde où était basée la société. Là, elle adopta et éduqua Krishnamurti pour qui elle devint une mère spirituelle. Elle prit la direction de la Société théosophique en 1907 et l'assuma jusqu'à sa mort en 1933.
En Inde, elle s'engagea pour l'auto-détermination, puis l'indépendance du pays, par des articles, des discours et des activités éducatrices. Elle mécontenta le pouvoir britannique qui l'assigna à résidence en 1917 mais dut la relâcher rapidement sous la pression de l'opinion publique indienne. La même année, Annie Besant fut élue présidente du Parti du Congrès. Elle s'effaça peu à peu face à Gandhi et consacra les dernières années de sa vie à la théosophie.

En bref

Entrée en contact avec la Fabian Society, elle milita pour l'athéisme et écrivit dans les Fabian Essays 1889. Puis, établie en Inde, elle se convertit à la théosophie et dirigea la Société de théosophie de 1907 à sa mort. Elle présida l'Indian National Congress en 1917. Elle devint la protectrice de Krishnamurti.
Un peu plus tard, en 1889, l'Anglaise Annie Besant 1847-1933, femme de pasteur, qui avait été gagnée au socialisme matérialiste, se convertit au théosophisme en lisant La Doctrine secrète de H. P. B. Elle fait la connaissance de l'auteur et devient rapidement un des chefs de la Société théosophique. Puis elle part pour les Indes en 1893, y répand l'enseignement de H. P. B. et d'Olcott, en développant, parallèlement, l'instruction publique dans ce pays. Annie Besant connaît là-bas un succès personnel certain, mais seulement dans les milieux anglais ou anglophiles, aidée dans son œuvre par C. W. Leadbeater, dont la pensée fantaisiste s'exprime de manière assez spéciale en ce qui concerne l'éducation des jeunes gens. Malgré cela, la Société théosophique continue son essor. En 1909, A. Besant et Leadbeater essaient de persuader un jeune hindou, Krishnamurti Jiddu , qu'il est une réincarnation de grands maîtres passés. En 1929, ce jeune homme aura fini par désavouer ses instructeurs et par prendre définitivement ses distances avec la Société théosophique.
Après sa conversion, Annie Besant a oublié le matérialisme, mais elle n'a pas abandonné son rêve de contribuer à l'émancipation des femmes. Invitée à Paris en 1902 dans la loge mère du Droit humain, première obédience mixte de la franc-maçonnerie fondée en 1893 par Georges Martin et Maria Deraisme, elle fonde la même année à Londres la loge numéro 6 Human Duty, origine de la fédération britannique du Droit humain. Une loge unie des Théosophes est fondée en 1909, entreprise sérieuse, vouée à l'étude ainsi qu'à la propagation d'une théosophie authentique. Cela n'empêche pas l'Autrichien Rudolf Steiner 1861-1925, membre de la Société théosophique, mais qui reproche à celle-ci son antichristianisme, de se détacher de la Société théosophique en 1913. À Paris, l'édifice Adyar, square Rapp, est aujourd'hui à la fois un lieu accueillant où des conférenciers d'obédiences intellectuelles fort diverses peuvent venir s'exprimer et un siège où diverses branches de la Société théosophique se montrent actives.
Isis dévoilée 1877, de H. P. B., suggère le programme doctrinal de la Société théosophique, en une profusion de symboles et d'images. La Doctrine secrète, 1888, son ouvrage le plus fascinant et sans doute le plus lu, se présente comme une compilation d'éléments syncrétiques auxquels elle a su donner une dimension vraiment originale. Elle déclare exposer la Tradition primordiale ; mais, bien entendu, il ne s'agit pas là d'un enseignement reflétant la théosophie judéo-chrétienne ou musulmane. Une certaine idée, occidentalisée, du bouddhisme, un intérêt marqué pour les phénomènes psychiques, une érudition fantaisiste et peu sûre, ainsi qu'un enseignement « réincarnationniste » ne suffisent pas cependant à constituer une doctrine homogène. Si trop d'éléments disparates ont souvent rebuté les lecteurs, l'attrait que cette œuvre ne cesse légitimement de susciter a inspiré des peintres, des romanciers et des philosophes. Les rapports de la Société théosophique avec le scoutisme sont certains (A. Besant fut la protectrice des scouts du monde entier. Voilà qui témoigne, parmi d'autres choses, d'un ardent esprit de propagande, trait particulièrement occidental qui apparente l'histoire de la Société à celle de nombreuses sectes protestantes, surtout anglo-saxonnes, avec lesquelles cette dernière n'a pas manqué d'entretenir des rapports suivis. Depuis lors, elle est devenue, en tant que société, à la fois plus universelle et plus indépendante, et tout porte à croire que la Doctrine secrète continuera sa carrière d'inspiratrice. Antoine Faivre

Maître spirituel indien qui fut mis en vedette, dans sa jeunesse, par la Société théosophique, Krishnamurti Jiddu était né dans une famille de brahmanes. Il y fut remarqué par un membre influent de ce mouvement, Charles Webster Leadbeater, et initié en janvier 1910, puis adopté par la présidente de l'organisation, Annie Besant, comme devant être le Messie, la réincarnation de Jésus ou d'autres grands maîtres du passé et la manifestation même du seigneur Maitreya, le Buddha futur. En 1911, Annie Besant fonda l'ordre de l'Étoile d'Orient, qui était chargé d'entourer le jeune prophète et dont les membres vouaient à celui-ci une véritable adoration. De 1912 à 1920, Krishnamurti séjourna en Grande-Bretagne, hébergé par des adeptes de la Société théosophique. C'est en août 1922, en Californie, qu'il connut les débuts de ce qu'il a appelé son processus : le jeune homme, qui donnait des signes d'extase, faisait l'expérience de la compassion universelle, comme lien absolu avec le monde. Peu à peu, au cours de ses conférences dans différents pays, il en vint à se détacher du mouvement d'Annie Besant, au nom de la liberté du changement intérieur dans la vérité propre à chacun. Il prononça en 1929 la dissolution de l'ordre de l'Étoile d'Orient, puis démissionna de la Société théosophique, déclarant alors : « Dès l'instant où vous suivez quelqu'un, vous cessez de suivre la vérité.

Sa vie

Annie Besant, issue d'une famille anglo-irlandaiseN 2 de la classe moyenne, est née à Londres le 1er octobre 1847. Son père, William Burton Persse Wood appartenait à une bonne famille du Devon. Matthew Wood, grand-oncle d'Annie, fut Sheriff et Lord Maire de la City puis Membre du Parlement pour cette même City à partir de 1817. Il est resté célèbre pour avoir pris la défense de la reine Caroline lors de son procès en divorce puis du duc de Kent, le père de la reine Victoria qui lui accorda le titre de baronnet. Ses fils firent aussi des carrières couronnées de succès dans l'Église anglicane, l'armée, la justice, les finances et au Parlement. Le grand-père d'Annie par contre était issu de la branche cadette moins fortunée. Il se maria avec une Irlandaise et s'installa à Galway où naquit le père d'Annie.
Le père d'Annie, William Wood fit des études de médecine au Trinity College de Dublin et épousa lui aussi une Irlandaise, Emily Morris. Touchés indirectement par la famine des années 1840, le couple quitta l'Irlande pour Londres où William Wood abandonna la profession de médecin pour un emploi de secrétaire dans la City. Installés dans le quartier de St. John's Wood, ils eurent trois enfants : Henry, Annie et Alfred
Le père d'Annie mourut alors qu'elle avait cinq ans. S'il avait abandonné la pratique de la médecine, il accompagnait parfois ses amis médecins. Il se blessa au doigt en disséquant une personne morte de tuberculose osseuse et contracta lui aussi la maladie dont il finit par mourir en 1852. Quelques mois plus tard, Alfred, le plus jeune des enfants
William Wood laissa sa famille sans ressources. Celle-ci partit d'abord pour un quartier bien moins huppé que celui où elle avait jusque là habité : Richmond Terrace, à Clapham, banlieue de Londres au sud de la Tamise où était déjà installé le reste la famille irlandaise. Une des dernières volontés de William Wood était que son fils Henry fît du droit. Pour la respecter, Emily Wood s'installa bientôt à Harrow, où se trouve la célèbre public school du même nom. Elle voulait que son fils pût y entrer en bénéficiant des frais d'inscription réduits pour les habitants de la ville. Elle y ouvrit une pension pour les élèves de l'école à l'automne 1855 afin de gagner sa vie. L'année suivante, Annie fut confiée à Ellen Marryat, sœur de Frederick Marryat et tante de Florence Marryat. Cette vieille fille de 41 ans fortunée et charitable se chargerait de son éducation, en même temps que celle d'une de ses nièces, Amy Marryat. Annie Besant dans son autobiographie raconte qu'elle eut le cœur brisé de quitter sa mère pour aller s'installer dans le Dorset, à Fern Hill près de Charmouth. Elle reconnaissait aussi tout ce qu'elle devait à Ellen Marryat qui lui donna une solide éducation. Elle apprit ainsi la géographie, le latin et diverses langues étrangères dont le français et l'allemand. Miss Marryat avait une conception de l'enseignement assez différente de ce qui se faisait à l'époque : elle ne croyait pas en l'apprentissage par cœur ; elle préférait que ses élèves apprissent par elles-mêmes. Ainsi, elles devaient exprimer leurs propres pensées dans les compositions qui leur étaient données. L'éducation religieuse était cependant très fortement présente, Miss Marryat étant très marquée par le courant évangélique, mais cela convenait à Annie qui était alors très pieuse et très curieuse des Écritures.
En 1861, Ellen Marryat décida de voyager à travers l'Europe avec Annie alors âgée de treize ans, son neveu et une nouvelle protégée Emma Mann nièce du principal de Harrow et de Arthur Penrhyn Stanley. Ils passèrent plusieurs mois à Bonn puis s'installèrent à Paris pour sept mois où aux leçons quotidiennes s'ajoutèrent les visites des musées et églises. Annie y découvrit le catholicisme et principalement ses messes qui lui plurent beaucoup plus que l'évangélisme austère auquel elle était habituée. Elle pensa se convertir avant de se rapprocher du courant High Church au sein de l'anglicanisme. Celui-ci, dit parfois anglo-catholicisme, était très proche des rites catholiques. Au printemps 1862, elle reçut cependant sa confirmation anglicane de l'évêque anglican de l'Ohio, alors à Paris. Elle raconte qu'elle se sentit à cette occasion comme touchée par le Saint-Esprit. De retour en Angleterre, Miss Marryat entreprit de donner de plus en plus de latitude intellectuelle à sa pupille avant de lui permettre de retourner chez sa mère, à Harrow, à quinze ans et demi.
Là, elle poursuivit son éducation grâce à la bibliothèque de la public school tout en ayant une vie sociale un peu plus développée. Elle continua à lire des ouvrages en français et en allemand et lut aussi Homère, Dante ou Platon. Elle accepta des invitations à des parties de croquet et à des bals, où elle rencontra les amis de son frère. Elle aurait plu à un certain nombre d'entre eux, mais elle était alors plus intéressée par la religion que par les garçons. Elle se rapprocha de plus en plus du catholicisme, se mit à se signer et à communier toutes les semaines et tenta même l'auto-flagellation. Cependant, elle ne se convertit pas, préférant toujours le Mouvement d'Oxford (autre nom du mouvement High Church. Elle décida aussi, comme le lui avait enseigné Ellen Marryat, d'aller voir par elle-même aux sources. Elle étudia alors les écrits des Pères de l'Église, principalement Origène, saint Jean Chrysostome et saint Augustin. Elle y découvrit les concepts, acceptés ou condamnés, de transmigration des âmes, d'accès à Dieu par la connaissance, des vertus du célibat, de la magie, du pouvoir des images et des idoles, de la signification des nombres ou des incantations. Elle découvrit par ailleurs la mythologie grecque, mais aussi la magie chaldéenne, le brahmanisme, le culte d'Isis et Hermès Trismégiste. À Pâques 1866, la ferveur chrétienne d'Annie atteignit un paroxysme. Elle parcourut en esprit les stations du chemin de Croix. Afin de mieux comprendre la Semaine sainte, elle entreprit de comparer les différentes versions des Évangiles et fut alors surprise par les incohérences du texte. Elle rejeta cependant ses doutes. Ce fut dans cet état d'esprit qu'elle rencontra son futur mar.

Mariage malheureux

Annie Wood rencontra Frank Besant à l'église de Clapham dont dépendait sa famille et où il officiait provisoirement à Noël 1865 puis à nouveau à Pâques 1866. Sa mère, jugeant que le jeune pasteur pouvait être un prétendant convenable pour sa fille, l'invita à passer une semaine durant l'été avec elles. Annie discuta de longs moments avec lui. Cependant, alors qu'il considérait que lors de ces discussions il lui faisait la cour, Annie, elle, n'en avait pas même l'idée. Aussi, fut-elle complètement surprise lorsqu'il la demanda en mariage à la fin de la semaine. Elle ne sut quoi répondre et il prit son silence pour une réponse positive. Il considérait aussi qu'il devait épouser Annie car les longs moments qu'il avait passés seul avec elle pouvaient compromettre l'honneur de la jeune fille. Fils d'un marchand de vin et frère de l'écrivain Walter Besant, Frank Besant avait 25 ans et était alors instituteur à Clapham où en tant que futur pasteur anglican, il remplaçait parfois des pasteurs responsables de cure afin d'arrondir ses fins de mois. Issu d'une famille très anglicane, il avait fait ses études dans des établissements profondément anglicans eux-aussi King's College de Londres et Emmanuel College à Cambridge. Il se spécialisa en mathématiques et dès sa sortie de l'université, il retourna dans son ancienne grammar school enseigner les mathématiques tout en espérant être rapidement ordonné prêtre. Il était très timide et par conséquent considéré comme très cassant.
La demande en mariage, réitérée à Londres, fut acceptée par la mère d'Annie puisqu'elle l'avait plus ou moins suscitée. La jeune femme accepta elle aussi, mais en conçut du ressentiment contre sa mère. Annie passa la fin de l'été à voyager en Suisse avec la famille de William Prowting Roberts. Cet avocat s'était engagé dans la cause chartiste puis pour la défense des conditions de travail et de vie des mineurs et des classes populaires urbaines en général. Il fit découvrir la question ouvrière à Annie lors de leurs conversations. Elle conçut alors que ce dont les classes populaires avaient besoin n'était ni la pitié ni la charité, mais la justice. Lorsqu'elle rendit visite aux Roberts, à l'été 1867, à Manchester, peu de temps avant son mariage, elle assista aux manifestations autour du procès puis de la condamnation à mort des membres de l'Irish Republican Brotherhood. Ces expériences, d'une foule en colère et de ce qu'elle considéra comme un verdict injuste, la marquèrent pour le reste de sa vie.
À l'automne 1866, Annie essaya de rompre ses fiançailles. Sa mère l'en dissuada avec deux arguments principaux : en tant que femme de pasteur, Annie serait en position idéale pour faire le bien et de toute façon, elle n'avait pas réellement d'autre perspective que le mariage. Elle l'accepta finalement. De plus, Frank venait d'être ordonné prêtre. Il était devenu, selon les mots d'Annie, un être semi-angélique qui pouvait répondre aux aspirations spirituelles de la jeune femme alors : il serait son époux terrestre comme Jésus était pour elle son époux céleste.
Le 21 décembre 1867, Annie Wood épousa Frank Besant à St Leonards-on-Sea où s'était installée sa mère, près d'HastingsN 5. La nuit de noces fut une abomination pour la jeune femme qui n'avait aucune idée de ce qui se passerait. Elle la ressentit comme un véritable viol et n'en retira que du dégoût et de la peur.

Autorité victorienne du mari

Le couple s'installa à Cheltenham en janvier 1868. Frank Besant avait obtenu un poste d'enseignant de mathématiques au Cheltenham college, une public school et Annie s'occupa d'une pension pour les élèves, comme sa mère l'avait fait à Harrow. Elle eut du mal à s'intégrer dans le groupe des épouses d'enseignants : elles ne faisaient que « parler de domestiques et de bébés . De plus, toute l'école était Low Church alors qu'elle était, elle, High Church Annie Besant avait une impression de plus en plus forte d'isolement intellectuel. En réalité, certaines de ces femmes et de leurs filles étaient au moins aussi éduquées qu'elle, voire se battaient pour le droit à l'éducation des femmes. Il semblerait que son mariage ait eu une influence défavorable sur son moral et son état d'esprit16,18.
La pension ne l'intéressait guère et elle se montra peu douée pour la gestion de la maison (tâches ménagères et domesticité). Il semblerait qu'elle ait laissé faire son mari (très autoritaire) afin de ne pas tout à fait devenir une « femme au foyer ». Elle passait ses journées à s'ennuyer, d'autant plus que l'étiquette ne lui permettait pas de sortir seule. Les relations de couple étaient très tendues. En février 1870, selon un affidavit de 1878, Frank la frappa en lui hurlant de rentrer chez sa mère.
Annie Besant se tourna à nouveau vers la lecture puis vers l'écriture : des pamphlets religieux que son mari appréciait peu car ils étaient trop High Church ; un livre sur la spiritualité qui semble avoir été accepté mais ne fut finalement jamais édité ; un roman qui fut rejeté car trop politique et une nouvelle qui fut publiée dans le Family Herald, un magazine d'informations domestiques. Elle gagna alors 30 shillingsN 6, les premiers revenus de sa vie. Ils furent immédiatement récupérés par son époux. La loi disposait en effet que les revenus de la femme appartenaient à son mari, son « propriétaire comme se mit alors à dire Annie. Elle déclara qu'elle n'avait pas besoin de cet argent, mais qu'elle fut choquée d'apprendre qu'il n'était pas à elle du tout.
Elle eut avec lui deux enfants : Arthur Digby, né le 16 janvier 1869 et Mabel Emily, née le 28 août 1870. Elle souffrit beaucoup durant ses grossesses. La seconde fut même plus difficile que la première, car elle arriva très vite alors qu'elle était à peine remise de la première. Elle s'occupa elle-même de ses enfants : le couple ne pouvait se permettre une nourrice. Il semblerait que la violente dispute de février 1870 fût liée à une demande d'Annie de ne plus avoir d'autres enfants, pour des raisons matérielles. La seule véritable contraception pour un pasteur anglican était l'abstinence ; or, il semblerait que Frank ait pris très à cœur de forcer son épouse à l'accomplissement du devoir conjugal. Elle se remit difficilement de son second accouchement, tandis que les disputes se faisaient de plus en plus régulières et de plus en plus violentes. Dans l'affidavit de 1878, elle l'accusa de cruauté ; il expliqua que son attitude à elle justifiait sa conduite à lui.
En 1871, Mabel tomba très gravement malade. Annie Besant s'épuisa à la soigner puis fit une dépression. Elle perdit alors la foi face aux épreuves et injustices que lui envoyait Dieu. Dans les mois qui suivirent, son mari essaya de la lui faire retrouver, luttant contre ce qu'il appelait ses doutes et lui présentant un autre pasteur anglican de Cheltenham qui lui servirait de guide spirituel. Celui-ci ne put rien faire : les solutions anglicanes, comme le Repentir, qu'il proposait n'avaient plus aucun écho en Annie qui désirait alors trouver une autre voie d'accès à la connaissance de Dieu. Pour lutter contre sa dépression et distraire son esprit de ses angoisses existentielles, son médecin lui suggéra de lire des ouvrages de science, d'anatomie et de physiologie. Finalement, pour lui changer définitivement les esprits, Frank quitta son poste d'enseignant à Cheltenham College pour prendre une cure qu'un cousin de sa femme, William Wood, lui avait obtenue à Sibsey, un tout petit village dispersé, d'un millier d'habitants, dans le Lincolnshire. Dans ce petit village, sans vie sociale, Annie était plus libre que dans la ville de Cheltenham et pouvait sortir sans risquer de se compromettre.

Rupture

À Sibsey, elle remplit ses fonctions de femme de pasteur en rendant des visites caritatives aux pauvres et aux malades. À nouveau, elle fut confrontée à la misère populaire renforcée alors par de mauvaises récoltes sans que le propriétaire (absent) ait baissé les loyers. De plus, les ouvriers agricoles qui prenaient contact avec les syndicats perdaient définitivement toute possibilité de trouver à s'employer. Dans son Autobiographie, Annie Besant dit qu'elle apprit beaucoup politiquement à ce moment-là. Elle se posa à nouveau la question de sa foi. Elle se remit à lire de la théologie et découvrit les ouvrages de Matthew Arnold et son idée de morale comme religion. Ces lectures déplurent à son époux qui se remit, lui, à la frapper, au point qu'en juin 1872, elle s'enfuit chez sa mère à Londres.
Là, elle alla écouter les prêches de Charles Voysey, un pasteur anglican qui venait d'être condamné pour hérésie par le Privy Council. Il refusait les idées de péché originel et de châtiment éternel ainsi que la divinité du Christ et le Repentir. Il déclarait aussi que la Bible n'était pas la parole divine. Après avoir quitté l'Église anglicane, il fonda une Église théiste. Annie se lia d'amitié avec lui. Voysey lui présenta diverses personnalités libres-penseurs de Londres, comme l'éditeur Thomas Scott qui publiait des pamphlets rationalistes ou républicains, l'indianiste John Muir, le réformateur socialiste Charles Bray ou l'évêque du Natal John William Colenso, défenseur de la cause des Zoulous. Lorsque Frank l'apprit, sa colère ne fit que croître.
Le fait que la femme d'un pasteur ait perdu la foi posait un gros problème social. Elle fit une dernière tentative et réussit à rencontrer Edward Bouverie Pusey, un des maîtres à penser du mouvement d'Oxford. Mais, personnalité intransigeante, Pusey se heurta de front avec elle et lui dit : No, no, you have read too much already; you must pray, you must pray. Non, non, vous avez déjà trop lu ; vous devez prier maintenant, vous devez prier.
Elle retourna à Sibsey à l'automne. Les époux s'installèrent dans deux pièces séparées de la maison. Elle reprit ses activités caritatives durant l'hiver : la région était en proie à une épidémie de typhoïde et Annie Besant, par sa dévotion aux malades, gagna le respect des villageois malgré le caractère choquant pour eux de son attitude à l'église. En effet, elle quittait l'office quand celui-ci évoquait des aspects de l'anglicanisme auxquels elle ne croyait plus, comme la communion. Elle s'enfermait parfois seule dans l'église vide et y prêchait. Les mots lui venant naturellement et sans effort, elle comprit alors qu'elle était douée pour les discours. Elle publia deux pamphlets avec pour seul nom d'auteur épouse d'un ecclésiastique. Cela irrita fortement son époux, notamment parce qu'ils étaient préfacés par Voysey : Frank Besant craignait en lui étant associé, même via sa femme, de se voir retirer sa cure. Il aurait été encouragé en ce sens par son frère aîné qui lui avait peur de perdre la protection de ses propres employeurs.
Le 20 juillet 1873, elle quitta Sibsey et son mari. La famille Besant lui fit savoir que la rupture était définitive. Elle entrait en marge de la société victorienne. Elle s'installa à Londres chez son frère et sa mère. Là, elle fit une nouvelle dépression nerveuse. En septembre, Frank Besant vint faire un scandale qui poussa Henry Wood à entamer une procédure de séparation entre sa sœur et son beau-frère car un divorce était hors de question pour le pasteur Frank Besant. La séparation fut prononcée le 25 octobre 1873. Elle divisait la garde des enfants : Mabel à Annie et Digby à Frank. Ce dernier avait d'abord refusé l'arrangement, mais céda finalement lorsqu'on menaça de révéler son attitude vis-à-vis de sa femme : la cruauté était une cause de divorce acceptée. Il consentit également à lui verser une pension, soit le quart de son revenu. Après avoir quitté son mari, Annie dut quitter aussi le domicile de son frère, dans la mesure où il exigeait lui aussi qu'elle rompît tout contact avec Voysey. Restant mariée, Annie Besant conserva son nom de femme mariée comme la loi l'y obligeait, elle en changea simplement la prononciation.

Féministe et socialiste Difficultés matérielles

Sans revenu, Annie Besant dut chercher du travail d'autant plus que ses relations lui fermèrent leur porte, en raison du scandale moral et religieux qu'elle avait causé. Après diverses tentatives infructueuses, elle fut accueillie finalement par un couple américain installé à Londres, Ellen et Moncure Daniel Conway. Ce dernier avait été un ardent défenseur de Voysey et se sentait en partie responsable de la situation d'Annie Besant. Elle travailla un temps avec lui, l'aidant en traduisant des ouvrages allemands dont il avait besoin pour la rédaction d'un des siens. Puis, elle fut engagée comme gouvernante chez un pasteur de Folkestone. En avril 1874, sa mère Emily Wood, tomba gravement malade et Annie se rendit à ses côtés pour l'assister dans ses derniers instants. Sur son lit de mort, sa mère tenta de la faire revenir dans le giron de l'Église anglicane et de lui faire à nouveau accepter la communion. Elle accepta la communion, administrée aux deux femmes par Arthur Penrhyn Stanley, les autres pasteurs appelés ayant refusé.
Après le décès de sa mère, pour payer le loyer de ses deux pièces sur Colby Road, Annie Besant écrivit de nombreux pamphlets pour l'éditeur Thomas Scott. Elle signa de son nom de femme mariée et s'y déclarait théiste. Elle passait ses journées à travailler dans la reading room » de la British Library. Elle prit aussi contact avec la National Secular Society de Charles Bradlaugh avec qui elle se lia d'amitié. Elle évolua alors vers l'athéisme. Le 25 août 1874, malgré l'opposition de son mari, elle donna sa première conférence, intitulée « The Political Status of Women .

Engagement séculariste.

Charles Bradlaugh lui proposa alors de contribuer, pour une guinéeN 11 par semaine, au National Reformer, l'hebdomadaire de la société séculariste National Secular Society) qu'il avait fondée en 1866. Ce travail et ce salaire lui assuraient non seulement une indépendance financière, mais aussi le début de la carrière intellectuelle qu'elle envisageait. Le 30 août 1874, elle adopta pour son premier article le pseudonyme qu'elle utiliserait dorénavant : Ajax. Elle écrivit sur de nombreux sujets. Elle couvrit par exemple en octobre 1874, la campagne électorale pour une élection législative partielle à Northampton à laquelle se présentait Bradlaugh. Ses articles décrivaient la misère ouvrière de la ville. Dans d'autres, elle attaquait les membres des clergés opposés à la libre-pensée ou les hommes politiques opposés aux réformes. Elle continua également à prononcer des conférences, tâche qu'elle considérait comme essentielle à son travail de propagande pour la libre-pensée et la réforme sociale. Elle y était annoncée en tant que célèbre Ajax.
Au début de l'année 1875, elle publia un nouveau pamphlet : On the Nature and Existence of God De la Nature et de l'existence de Dieu. Elle y écrivait que nul n'avait jamais encore eu de preuves de l'existence d'un dieu. Elle critiquait aussi les prêtres et les religions qui n'étaient capables selon elle de ne produire que des dégâts et du désespoir. Elle y considérait que la morale devait être séparée de la religion et ne venir que de la réflexion et l'expérience. Elle rejetait la prière à Dieu mais considérait qu'admirer la grandeur, la beauté et l'ordre du monde était une sorte de prière34. Annie Besant considérait l'athéisme non seulement comme une libération du joug de la religion, mais aussi comme une véritable morale. Elle craignait en effet que celle-ci ne disparût avec la religion car, au moins en Occident, la morale n'était fondée que sur la Bible. Elle souhaitait donc la mise en place d'une morale fondée sur la science et donc conforme aux exigences de la Nature. Afin d'y parvenir, elle s'intéressa alors à la philosophie positiviste d'Auguste Comte.
La même année, elle fit une tournée de conférences à travers le Royaume-Uni pour la National Secular Society. Elle appréciait de plus en plus parler en public, chose pour laquelle elle se révélait aussi de plus en plus douée. Elle fut cependant attaquée verbalement par des spectateurs à Leicester, qui lui reprochèrent ses liens avec Bradlaugh. Les critiques reposaient sur un compte-rendu favorable écrit par ce dernier dans le National Reformer à propos de l'ouvrage Physical, Sexual and Natural Religion de George Drysdale qui défendait l'amour libre en considérant que tous les organes du corps devaient être régulièrement exercés pour rester en bonne santé. Bradlaugh fut alors la cible de nombreuses critiques qui rejaillirent sur Annie Besant, une femme dont le statut marital et sexuel n'était pas clair pour ses adversaires. De plus, Bradlaugh était séparé de sa femme. S'il semble qu'Annie Besant ait pu avoir une certaine attirance pour Bradlaugh, celui-ci avait alors une relation stable avec une vicomtesse française, Mme Mina de Brimont-Brissac souvent citée dans ses lettres, alors qu'Annie Besant en est absente. Cependant, la réputation d'Annie Besant en souffrit. Cette situation, ajoutée à son athéisme, poussa Frank Besant à refuser de rendre à sa mère sa fille Mabel, âgée de cinq ans, dont elle avait pourtant la garde à la fin de son séjour chez lui pendant l'été. Elle tenta d'aller la reprendre à Sibsey avec l'aide de Bradlaugh, sans effet. Elle menaça ensuite son mari d'un procès et retrouva sa fille
À nouveau, elle tenta de fuir ses problèmes personnels en se réfugiant dans le travail. Elle se lança alors dans la rédaction de longs articles pour le National Reformer sur la Révolution française qu'elle considérait comme le deuxième plus important événement de l'histoire humaine, après la naissance du Christ. Au printemps 1876, elle entreprit avec Bradlaugh une longue tournée de conférences sur la libre-pensée durant laquelle le public et les journaux la considérèrent comme la plus venimeuse » des deux. Un fort mouvement se développa alors pour l'empêcher de continuer à parler. Cette opposition issue des milieux religieux) était très organisée, ce qui indique que la campagne menée par les libre-penseurs avait de l'effet : les opposants se rendaient au préalable dans les villes où Annie Besant devait parler pour préparer les attaques du public, toujours centrées autour de Physical, Sexual and Natural Religion et pouvant aller jusqu'à la violence physique.
Entre la pension que lui versait son mari, son salaire au National Reformer, les profits générés par ses conférences ainsi que, semble-t-il, une aide financière de la part de la branche aisée de la famille Wood qui désirait que la petite Mabel ne vécût pas dans la pauvreté, Annie Besant réussit à retourner dans le quartier de son enfance St. John's Wood où elle loua, avec sa tante maternelle, une maison avec jardin et écurie où elle logeait une jument.
Au printemps 1876 toujours, Annie Besant participa à la campagne républicaine contre la liste civile de la famille royale en cherchant à recueillir le maximum de signatures finalement un peu moins de 103 000 pour une pétition la dénonçant. Elle attaqua ensuite dans ses articles et ses pamphlets la politique extérieure, principalement concernant la Question d'Orient, de Benjamin Disraeli, le Premier ministre conservateur. Au contraire, elle vantait les mérites de son adversaire libéral, William Gladstone. Celui-ci l'en remercia chaudement.

Limitation des naissances Le procès Knowlton

Bradlaugh et Besant créèrent le 20 janvier 1877 une maison d'édition Freethought Publishing Company, destinée spécifiquement à rééditer The Fruits of Philosophy, un pamphlet écrit en 1832 par Charles Knowlton. Ce médecin américain y justifiait le contrôle des naissances et, surtout, décrivait des méthodes pour y parvenir. L'ouvrage avait été condamné aux États-Unis pour indécence, mais son succès était resté constant au Royaume-Uni. Il semblerait que Bradlaugh et Besant aient désiré un procès afin d'en faire une tribune pour la cause néo-malthusienne. La première réédition parut le 23 mars 1877, ils vendirent cinq cents exemplaires en vingt minutes. Même après le début du scandale et la campagne de presse contre l'ouvrage, ils continuèrent à le vendre en grand nombre, principalement dans les milieux pauvres, mais aussi à des épo
Bradlaugh et Besant en firent livrer directement au tribunal et à la police. La semaine suivante, ils se rendirent au poste de police pour demander pourquoi ils n'avaient pas encore été inquiétés40,43. Le 7 avril 1877, ils furent finalement arrêtés. Les deux éditeurs étaient accusés de corrompre la jeunesse en l'incitant à des pratiques indécentes, obscènes, contre nature et immorales »44. Bradlaugh qui maîtrisait le droit décida de se défendre lui-même. Annie Besant décida de l'imiter. Ses amis, Bradlaugh compris, tentèrent de l'en dissuader : cela ne serait pas convenable pour une lady et son mari risquerait d'utiliser les débats contre elle3,45. Elle prépara sa défense en comparant les Fruits of Philosophy avec des textes médicaux et les écrits d'auteurs, comme John Stuart Mill, qui s'accordaient avec Malthus sur la nécessité de limiter la croissance de la population, mais sans entrer dans les détails techniques.
L'accusation fut conduite par le Solicitor General, le numéro 2 de la justice britannique, Hardinge Giffard. Selon le ministère public, l'ouvrage, défendant la contraception, incitait à l'amour libre, à l'abandon de la chasteté et donc à la fin de la civilisation. Annie Besant se défendit en déclarant que c'était calomnier les femmes de Grande-Bretagne de considérer que la seule raison pour laquelle elles seraient chastes était la peur de la maternité. Elle ajouta que les femmes qui désiraient avoir une sexualité hors mariage étaient déjà suffisamment dépravées et n'avaient pas besoin des Fruits of Philosophy. Il s'agissait ici pour elle de bien marquer sa désapprobation de la prostitution. Elle devint la première femme à publiquement défendre le contrôle des naissances en insistant sur le fait qu'une information sur celui-ci (dans le cadre du mariage donc) était nécessaire. Elle cita les témoignages qu'elle avait reçus de femmes mariées qui vivaient dans l'angoisse de leur prochaine grossesse durant laquelle elle risquaient leur vie. Elle évoqua les quartiers misérables peuplés d'enfants mourant de faim. Elle récusa l'accusation d'« obscénité », déclarant qu'il n'y avait pas eu intention de nuire, élément essentiel dans ce type d'accusation. Elle insista enfin sur le fait que les ouvrages médicaux, comme le livre de Knowlton, devaient nécessairement être exclus d'accusation d'obscénité. Elle ne demandait que le droit de rendre public le débat sur la limitation de la population. En tant que mère d'une petite fille, elle ne voulait pas, dit-elle, que celle-ci restât trop longtemps ignorante des fonctions des organes sexuels, peut-être ici inspirée par sa propre expérience malheureuse. Elle termina sa défense en demandant au jury de ne pas l'envoyer en prison, au milieu de femmes perdues dont le simple contact serait pour elle une souffrance. Ici encore, il s'agissait de condamner la prostitution.
Finalement, le jury, très partagé, déclara le livre condamnable, mais exonéra les accusés de toute volonté de nuire. Le verdict fut mis en délibéré. Le lendemain même, Besant et Bradlaugh tinrent une conférence au cours de laquelle ils vendirent ouvertement les Fruits of Philosophy. Aussi, lorsque la sentence fut prononcée, le juge se montra plus sévère que prévu. Ils furent condamnés à six mois de prison et 200 d'amende avec interdiction de continuer à vendre le livre. La sentence fut suspendue en attendant que la Court of Error équivalent de la Cour de Cassation ait statué sur un vice de forme : on n'avait pas notifié aux accusés les passages obscènes qui étaient la cause du procès le juge avait déclaré que tout le livre était obscène et avait refusé de le lire.
Finalement, en janvier 1878, la Court of Error cassa le verdict. Le ministère public décida de ne pas relancer de procédure. De même, Besant et Bradlaugh retirèrent discrètement l'ouvrage du catalogue de la Freethought Publishing Company et le remplacèrent par l'ouvrage qu'Annie Besant avait entre temps rédigé : Law of Population. Le procès eut cependant pour conséquence ultime une scission dans la National Secular Society. Ceux qui considéraient que Besant et Bradlaugh étaient allés trop loin quittèrent le mouvement pour fonder la British Secular Society.

Poursuite de la lutte

Annie Besant persista dans son engagement pour la limitation des naissances. Elle adhéra ainsi à la Ligue malthusienne dont elle devint rapidement Secrétaire. Elle publia en octobre 1877 un essai sur ce sujet : Law of Population: Its Consequences, and Its Bearing upon Human Conduct and Morals, dont elle vendit 40 000 exemplaires en trois ans. Un de ses arguments était la situation en Inde. L'augmentation de la population, due à une amélioration des conditions de vie, n'était pas contrôlée et les famines se multipliaient. Au passage, elle rappelait que l'année des pires famines (1876) avec 500 000 morts était aussi l'année où Disraeli avait proclamé Victoria Impératrice des Indes ; la politique était donc toujours présente. Elle décrivait ensuite très clairement des techniques anticonceptionnellesN 14 tout en condamnant l'avortement criminel selon elle et le célibat non-naturel.
La relation professionnelle entre Annie Besant et Charles Bradlaugh devint plus étroite à cette époque. Ils habitaient dans le même quartier et passaient leur journée à travailler dans le bureau d'Annie Besant, dînaient souvent ensemble mais Bradlaugh rentrait chez lui tous les soirs. Leur proximité cependant permettait, d'autant plus qu'ils s'étaient rendus célèbres par le « procès Knowlton », le développement d'une campagne de commérages. Tous leurs amis, comme Moncure Daniel Conway, témoignèrent plus tard que leur relation avait toujours été chaste. Il semblerait par ailleurs que son expérience maritale malheureuse ait définitivement dégoûté Annie Besant de toute vie sexuelle.
Annie Besant continuait aussi ses tournées de conférences où elle était accueillie en héroïne et quasiment adulée. Ainsi, à Northampton le 4 août 1877, une jeune femme lui baisa le bas de la robe. Son public, de plus en plus nombreux, était aussi de plus en plus divers politiquement et socialement. Elle élargit alors son discours : en plus du sécularisme et de la limitation des naissances, elle se déclarait opposée à l'impérialisme et partisane de la paix, de la justice sociale et de la fraternité.

Perte de la garde de sa fille

Les conférences, les publications, le procès et les rumeurs autour de la relation entre Annie Besant et Charles Bradlaugh, offrirent à Frank Besant le prétexte pour demander en mai 1878 devant la justice à récupérer la garde de sa fille Mabel. Besant et Bradlaugh décidèrent à nouveau d'utiliser le procès pour faire avancer la cause des femmes et celle de la libre-pensée. Par ailleurs, les décisions de justice seraient importantes car le procès était le premier depuis la nouvelle loi 1873 concernant la garde des enfants : elles feraient donc jurisprudence. Le procès fut donc confié à George Jessel, le Master of the Rolls. Dès le début, celui-ci se montra hostile à Annie Besant : il considérait qu'il était impropre pour une lady de se défendre elle-même et surtout, il n'appréciait pas la publicité qu'elle voulait donner au procès.
Le débat porta principalement sur la question de son attitude vis-à-vis de la religion puis sur sa capacité à élever une jeune fille, à la lumière du procès Knowlton puis de Law of Population. Annie Besant se défendit en affirmant qu'elle n'avait jamais eu l'intention d'expliquer les moyens de limiter les naissances à une enfant et que si elle avait fait excuser sa fille des cours de religion à l'école et ne lui avait pas fait encore lire la Bible, c'était qu'elle voulait qu'elle fût en âge d'en comprendre la signification. Elle fit remarquer aussi l'ambiguïté de la loi : si elle n'avait pas été mariée à Frank Besant, les enfants seraient uniquement à elle ; mais comme elle était mariée, les enfants appartenaient à leur père. Elle conclut en disant qu'une femme mariée perdait ses droits de mère, alors que la maîtresse d'un homme les conservait5.
Le juge Jessel statua entre autres que, après comme avant la loi de 1873, le père avait légalement la garde de ses enfants ; qu'Annie Besant avait non seulement choisi d'ignorer la religion, mais de rendre ce choix public ; que priver Mabel de toute éducation religieuse était répréhensible et détestable ; qu'enfin, le contenu du livre « obscène », The Fruits of Philosophy reflétait la personnalité réelle d'Annie Besant, qu'aucune femme digne de se nom ne saurait fréquenter ; en conséquence, il retirait immédiatement Mabel de la garde de sa mère. Au-delà du verdict légal, il y avait là une condamnation sociale faisant d'Annie Besant un paria : aucune femme digne de ce nom ne saurait la fréquenter.
Mabel fut immédiatement retirée à sa mère. Frank Besant obtint même une injonction interdisant à son épouse de l'approcher. Elle fit une nouvelle dépression nerveuse et passa plusieurs semaines alitée avec de la fièvre, parfois délirante. Lorsqu'elle fut remise, elle se lança à nouveau à corps perdu dans le travail. Elle prépara ainsi en 1879 un long article pour le National Reformer sur les nécessaires réformes politiques en Inde et Afghanistan. Elle y proposait d'amener rapidement l'Inde au self-government. Elle reprit les mêmes idées lors de son discours inaugural en tant que Présidente de l'Indian National Congress en 1917. Elle décida aussi de s'inscrire au University College de Londres qui venait de changer ses statuts et d'autoriser les femmes, pour y faire son droit afin de mieux défendre ses intérêts et ceux des femmes à l'avis..
Annie Besant perdit son procès en appel l'année suivante. Ce fut à cette occasion que l'affidavit concernant la violence de son mari fut rédigé. Il ne nia pas mais n'admit pas non plus les accusations. Annie Besant ne retrouva pas la garde de sa fille. Elle obtint un droit de visite, mais dans des conditions telles qu'elle ne réussit pas à voir ses enfants pendant les dix années qui suivirent. Ils ne virent pas non plus beaucoup leur père qui les plaça en pension. Enfin, elle n'obtint pas non plus le divorce et resta mariée à Frank Besant jusqu'à la mort de celui-ci en 1917.

Étudiante et éducatrice

Afin de réussir l'examen d'entrée au University College de Londres, Annie Besant dut prendre des cours particuliers pour se remettre à niveau. Son tuteur en sciences, ainsi que celui des filles de Charles Bradlaugh, Hypatia et Alice, qui avaient décidé d'accompagner à l'université l'amie de leur père, fut Edward Aveling. Rapidement, il lui fit partager sa passion pour les sciences et elle abandonna son projet d'étudier le droit pour s'y consacrer. L'influence était réciproque : Aveling insista toute sa vie sur la profonde admiration respectueuse qu'il avait pour Annie Besant. Ainsi, alors qu'il écrivait déjà pour le National Reformer, sous un pseudonyme, il décida, influencé par son élève, à partir de juillet 1879 de signer de son propre nom ses articles et de se déclarer ouvertement séculariste. Il devint bientôt un des principaux orateurs lors des conférences de la National Secular Society et en mai 1880, il en fut élu vice-président. L'engagement séculariste d'Aveling lui causa des difficultés au King's College de Londres où il enseignait la botanique. La Freethought Publishing Company de Besant et Bradlaugh l'engagèrent au Hall of Science South Kensington, où la NSS organisait un programme d'éducation populaire. Annie Besant, ainsi que les sœurs Bradlaugh, étudièrent et enseignèrent au Hall of Science avec Aveling Annie Besant enseignait la physiologie, Hypatia Bradlaugh les mathématiques et sa sœur Alice le français. En parallèle, les trois femmes, admises sans problème au University College, s'y distinguèrent immédiatement, recevant des First Class Honours l'équivalent de mentions Très Bien. Annie Besant excella ainsi en chimie, mathématiques, mécanique, botanique, biologie et physiologie animale. Cependant, afin de ne pas choquer les généreux donateurs, l'université se garda de faire apparaître le nom d'Annie Besant sur les listes affichées des admis.
Les résultats des cours dispensés au furent tels qu'en 1881, le Parlement britannique leur accorda un financement pour la poursuite de l'œuvre éducatrice, malgré l'opposition de certains députés, en raison du sécularisme des enseignants.

Poursuite de la défense de la liberté de pensée

Le 10 février 1880, Besant et Bradlaugh organisèrent une conférence sur la réforme agraire avec Edward Aveling, Stewart Headlam, Joseph Arch ainsi que de nombreux représentants des trades-unions. La discussion s'élargit rapidement aux conditions de vie des classes populaires rurales et urbaines puis à la nécessité de justice sociale en général. L'idée avancée dans les jours précédant la conférence était de redistribuer les immenses jardins de la noblesse et de faire du pays une nation de petits propriétaires exploitants. Cependant, Besant et Bradlaugh se firent déborder d'abord par le London Trades Council qui réclamait la nationalisation des terres puis par la Irish Land League de Michael Davitt, un Fénien de l'Irish Republican Brotherhood, qui dans son discours critiqua très violemment la Chambre des Communes. La conférence décida finalement de créer une Land League, au programme modéré, présidée par Bradlaugh qui y voyait surtout un instrument pour son élection au Parlement. Annie Besant en fut élue vice-présidente. En mars, lors des élections législatives, Charles Bradlaugh fut élu pour Northampton.

Annie Besant — années 1880


Cependant, un problème se posa dès l'ouverture de la session. Tous les nouveaux Membres du Parlement devaient prêter serment d'allégeance à la Couronne et ce serment comprenait les mots : So help me God avec l'aide de Dieu. Le Speaker, Henry Brand déclara qu'un tel serment par un athée déclaré ne pouvait avoir de valeur. Lorsque le Speaker annonça à Bradlaugh qu'il ne serait pas autorisé à prêter serment, celui-ci refusa de quitter la Chambre des Communes, arguant qu'on ne pouvait empêcher un élu de siéger. Il fut immédiatement arrêté et enfermé dans la tour de Big Ben. Annie Besant édita alors dans l'urgence une édition spéciale du National Reformer et un tract (Law Breakers and Law Makers) demandant que la volonté populaire, surtout celle des électeurs de Northampton, fût respectée, sans succès. En mars 1881, Bradlaugh fut finalement démis de son siège par la justice, immédiatement réélu par sa circonscription et les incidents à la chambre se répétèrent. Régulièrement, les rumeurs à propos de la relation entre Bradlaugh et Besant, ainsi que l'immoralité supposée de celle-ci, étaient utilisées contre Bradlaugh élu ou candidat. Un meeting de soutien fut organisé sur Trafalgar Square le 2 août 1881. Annie Besant s'y adressa à une foule estimée à 15 000 personnes. Le lendemain, accompagné d'une foule de supporters qui venait présenter des pétitions en sa faveur, Bradlaugh tenta de prêter serment. L'entrée aux Communes lui fut refusée par la force. Annie Besant fut empêchée par la force d'accéder aux galeries du public. La foule dans le Lobby commença à gronder menaçant de forcer le passage. Annie Besant réussit à la retenir. Finalement, Bradlaugh, après trois nouvelles victoires électorales, et une réforme du fonctionnement parlementaire, réussit enfin à siéger en 1886.
Pendant les démêlés politiques et judiciaires de Bradlaugh, dans lesquels elle ne pouvait intervenir, Annie Besant continua le travail en faveur de la libre-pensée. En août 1880, elle se rendit à Bruxelles, au premier congrès de l'Internationale de Libre-pensée dont elle fut élue vice-présidente. Elle rencontra à cette occasion le penseur allemand Friedrich Büchner, un moniste. Il avançait que tout sur les plans matériel et spirituel découlait d'une seule source, la matière. Ces idées rejoignaient les réflexions d'Annie Besant qui cherchait toujours une spiritualité qui lui convint. Büchner et Besant se lièrent rapidement d'amitié : ils correspondirent pendant de nombreuses années et Annie Besant entreprit de traduire en anglais les ouvrages de Büchner, principalement Mind in Animals puis Force and Matter.

Thomas Henry Huxley

Au printemps 1883, Annie Besant ne put renouveler son inscription au University College, en raison de la mauvaise influence qu'elle était supposée avoir sur ces condisciples. Même Thomas Henry Huxley, un de ses tuteurs, déclara ne pas être opposé à son exclusion, non sur des bases religieuses il était lui-même incroyant, mais pour des raisons morales : la libre-pensée ne signifiait pas l'amour libre. Miss Rosa Morison, la Lady Superintendent le signifia à Annie Besant en lui rappelant les mots de George Jessel, qui était aussi Fellow du College, qu'« aucune femme digne de ce nom ne saurait la fréquenter. Alice Bradlaugh fut elle aussi exclue alors. Edward Aveling lança une pétition au sein de l'université pour défendre les deux femmes ; il fit aussi une campagne de presse, sans succès. Cette exclusion en entraîna d'autres : les adversaires des lois concernant les maladies contagieuses »N 19 lui annoncèrent qu'ils n'avaient pas besoin de son soutien ; le Secrétaire du jardin botanique de Regent's Park lui en refusa l'accès, à part à l'aube. Ses proches subirent aussi des attaques : Aveling perdit son poste d'enseignant au London Hospital. Stuart Headlam perdit sa cure et n'en retrouva plus.

Socialiste Premiers contacts

Comme de nombreux autres partisans de Gladstone et des libéraux dans les années 1870, Annie Besant fut déçue par leur politique une fois au gouvernement, principalement en matière sociale et en Irlande. Dès 1881, Henry Hyndman fonda la Democratic Federation. Hyndman, converti au marxisme, était un grand admirateur d'Annie Besant qui avait, selon lui, su se détacher de la religion et des préjugés contre les femmes. Bradlaugh, de son côté, considérait les socialistes comme des concurrents et décida de les affronter sur le plan intellectuel en les invitant à écrire dans le National Reformer, à venir parler lors des réunions du mouvement ou à venir enseigner au Hall of Science. Il espérait ainsi prouver leurs erreurs grâce à la qualité de ses collaborateurs, dont Annie Besant, qui fut donc en contact très tôt avec la pensée socialiste.
L'inverse se produisit. La National Secular Society servit même de tremplin au marxisme. Edward Aveling fut un des premiers convertis dès 1884. Annie Besant essaya alors de le convaincre de revenir à la libre-pensée. Il semblerait qu'elle ait désapprouvé le concept marxiste de révolution violente. Bradlaugh, dans son opposition au socialisme, était un ardent défenseur de la réforme. Il condamnait la lutte des classes qu'il considérait comme un fratricide.
La personnalité d'Edward Aveling envenima les premières relations difficiles entre les marxistes d'un côté et Besant et Bradlaugh de l'autre. Aveling commença à fréquenter avec assiduité Eleanor Marx. Annie Besant essaya de prévenir la jeune femme : Aveling était un séducteur, déjà marié, à qui on ne pouvait faire confiance. Eleanor Marx considéra que ce n'était que de la jalousie. Bradlaugh se serait aussi brouillé avec Aveling en lui demandant de ne plus fréquenter la fille de Marx. Par ailleurs, Aveling passait son temps à emprunter de l'argent, à la National Secular Society, au National Reformer et à tous ses proches, sans jamais rembourser. En 1884, il fut exclu de la National Secular Society, dont il était vice-président, en raison de ses emprunts réguliers, mais cela se fit juste au moment où il devenait membre du comité exécutif de la Social Democratic Federation qui venait d'ajouter «social à son nom. La National Secular Society essaya alors de prévenir la Social Democratic Federation des travers d'Aveling, sans succès.

Conversion lente

Annie Besant, tout en restant dans la pensée réformatrice de Bradlaugh, multiplia les discours et articles de plus en plus sociaux, et considérait que la dénonciation du capitalisme par Hyndman faisait sens. À l'automne 1884, elle prépara une série d'articles suggérant aux libres-penseurs de se rapprocher des socialistes avec qui ils avaient des points communs
La même année, elle lança le magazine Our Corner dont elle était à la fois propriétaire et rédacteur en chef. Elle désirait élargir l'éventail des articles publiés : non seulement politiques et sociaux, mais aussi culturels et artistiques. Elle le publiait depuis sa nouvelle adresse, une grande maison dans St. John's Wood, le quartier de son enfance. Elle y logeait aussi ses collaborateurs désargentés. Le magazine avait un objectif d'éducation populaire mais servait aussi à aider de jeunes auteurs impécunieux à gagner de l'argent : George Bernard Shaw, qui y publia ses premiers romans, disait que Our Corner avait l'étrange habitude de payer ses auteurs. Shaw, qui avait adhéré à la Fabian society en mai 1884, présenta à Annie les idées socialistes de ce groupe, moins révolutionnaire que la SDF, moins virulente que la SDF envers Bradlaugh, mais en même temps proche des idées des radicaux.

Fabienne

Elle adhéra à la Fabian Society le 19 juin 1885, un an et demi après la fondation de celle-ci. De nombreux détracteurs d'Annie Besant alors et ensuite considéraient que son adhésion était surtout due à l'influence de George Bernard Shaw. Ce dernier le suggéra même dans ses Mémoires, mais les sources de l'époque prouvent que ce ne fut pas le cas. Ce type d'affirmation fait partie du discours misogyne autour d'Annie Besant qui la décrit comme incapable de la moindre pensée autonome et toujours influencée par les hommes qu'elle fréquentait. Son évolution politique et intellectuelle est bien plus cohérente et individuelle, et en même temps caractéristique de son époque. Il est cependant vrai que ce fut Shaw qui présenta Annie Besant à la société fabienne. Cette conversion au socialisme l'éloigna de Bradlaugh.

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Posté le : 19/09/2015 10:02
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William Morris.

Dans ses premières années, la Fabian Society n’avait pas encore de stratégie propre et hésitait dans sa définition du socialisme du marxisme des « époux » Marx-Aveling au refus du capitalisme de William Morris en passant par les idées d'Hyndman. Annie Besant participa à la formulation de la pensée socialiste fabienne, avec par exemple sa participation à l'ouvrage Fabian Essays in Socialism 1888 ouvrage fondateur du socialisme britannique. Elle écrivit le chapitre Industry under Socialism L'industrie sous le socialisme. Elle joua aussi un rôle dans l’engagement des Fabiens dans le jeu politique parlementaire.
Annie Besant était influencée par la pensée évolutionniste de Darwin et Spencer et la pensée positiviste d'Auguste Comte. Pour elle les sociétés passaient de la barbarie au féodalisme puis à l'âge industriel. L'étape suivante dans l'évolution était le socialisme, caractérisé par l'association coopérative et la fraternité. De l'évolutionnisme, elle retenait la survie du plus apte mais elle refusait le darwinisme social qu'elle appliquait à la structure économique et sociale. Ainsi, le capitalisme, système le moins efficace serait appelé à disparaître, remplacé par le socialisme. Dans ce mode de production socialiste, l'État jouerait un rôle primordial avec des grandes entreprises étatiques ou municipales concurrentes des entreprises capitalistes et avec une protection sociale pour les plus démunis. La transformation de la société se ferait selon elle de façon graduelle grâce à des lois qui corrigeraient d'abord les excès les plus dévastateurs du capitalisme avant d'accentuer le rôle de l'État dans la régénération économique, sociale, physique mais aussi morale de la société. Cette évolution graduelle ferait qu'il n'y aurait jamais de moment précis où la société passerait de l'individualisme au socialisme. Elle considérait donc que la révolution serait plutôt un obstacle à cette évolution. Cependant, une centralisation étatique n'était pas son objectif : elle préférait organiser les travailleurs en petites structures exploitations agricoles ou ateliers industriels où ils ne travailleraient plus que huit heures par jour.
De même, Annie Besant fut à l'origine de l'implication des Fabiens dans le jeu parlementaire. Elle tenta sans succès, en juin 1886, de rassembler les divers groupes de réflexion de gauche et d'extrême gauche radicaux, socialistes, réformateurs, athées, etc. autour d'une base d'action commune en vue de leur représentation au parlement britannique. À l'automne, au sein de la Fabian Society, elle créa la Fabian Parliamentary League avec George Bernard Shaw, Hubert Bland et Sidney Olivier. La League vantait les succès de la social-démocratie continentale et annonçait son intention de s'impliquer dans les élections locales et législatives. En 1888, la League réintégra la Fabian Society qui s'était finalement rangé à l'idée d'une action parlementaire et avait donc infléchi sa route sous l'action d'Annie Besant.

Sidney Webb.

Elle fut élue membre du comité directeur de la Fabian Society le 19 mars 1886 : elle avait gravi les échelons dans le socialisme aussi rapidement que dans le sécularisme. Pour se préparer à un rôle politique plus vaste, la Fabian society organisa à l'été 1887 le Charing Cross Parliament, sorte de Shadow cabinet qui simulait ce que pourrait être un gouvernement social-démocrate : Sidney Webb avait par exemple le portefeuille de l'économie et Annie Besant celui de l'intérieur.
Elle milita aussi au sein de la société pour que celle-ci dépassât son cadre uniquement londonien et s'élargît socialement et géographiquement avec la création de branches locales en province. Ainsi, elle fut très active lors de la tournée de conférences fabiennes en 1890 dans le Lancashire ce fut son dernier grand engagement fabien. L'idée, avec les Essays et les branches locales de la société, était de fonder un véritable parti politique.
L'intense activité déployée par Annie Besant en 1886 direction de Our Corner, codirection du National Reformer, tournées de conférences pour la National Secular Society et pour les Fabiens, cours au Hall of Science, poursuite de ses études, écriture et diffusion de pamphlets, etc. la laissa épuisée : elle souffrait d'érysipèle et de diverses affections qui mettaient des semaines à se soigner. Son engagement socialiste était de moins en moins bien accepté au sein du sécularisme. Elle finit par démissionner de la direction du National Reformer en octobre 1887.

Bloody Sunday 1887

L'agitation sociale se faisait de plus en plus forte au Royaume-Uni en 1887, aussi bien à propos de la condition ouvrière que sur la question irlandaise. Our Corner s'en faisait l'écho régulièrement. Depuis quelques années déjà, la répression policière touchait les rassemblements socialistes. Pour aider juridiquement les militants arrêtés et traduits en justice, Annie Besant fonda avec William Morris la Socialist Defense League en octobre 1887 : elle leur évita ainsi souvent les travaux forcés. Dès le 15 octobre, elle participa à des meetings quotidiens défendant la liberté de parole et réclamant une amélioration de la condition ouvrière, aux côtés d'autres orateurs comme Morris ou Shaw sur Trafalgar Square, lieu de manifestation populaire symbolique car à la frontière sociale entre l'East End et le West End de Londres. L'affluence du public finit par bloquer une grande partie de la place. Le 8 novembre, celle-ci fut interdite au public, alors qu'un grand rassemblement avait été prévu pour le dimanche suivant, principalement pour protester contre les conditions d'incarcération de William O'Brien ainsi que contre l'exécution des anarchistes accusés du massacre de Haymarket Square à Chicago. Jusqu'au vendredi 11 novembre, Annie Besant tenta s'obtenir l'autorisation du Home Secretary Henry Matthews, sans succès. Le samedi, il fut décidé de manifester sur Trafalgar Square dimanche après dimanche.

13 novembre : Bloody Sunday

Le dimanche 13 novembre 1887, plusieurs cortèges se dirigèrent vers Trafalgar Square depuis diverses directions. Annie Besant en dirigeait un. Sur Shaftesbury Avenue, la police chargea en distribuant des coups de matraques. Le cortège d'Annie Besant se dispersa en désordre, Shaw disparaissant dans la foule. Annie Besant se précipita vers Trafalgar Square où les manifestants étaient encerclés par les forces de police. Elle tenta, en vain, de dresser une barricade. Elle décida alors de se faire arrêter. Après avoir poussé sur le cordon de police en déclarant être une des oratrices prévues, elle se vit déclarer par un officier que pousser n'était d'un point de vue technique pas un délit et lui enjoignit de circuler. Elle quitta donc la place pour le Hall of Science de Kensington où Shaw faisait ce soir-là une conférence sur le socialisme pratique. Pendant ce temps, la dispersion violente de ce rassemblement pacifique par la police montée se poursuivit. Elle est depuis connue sous le nom de « Bloody Sunday ». Elle fit deux morts et cent-cinquante blessés. Il y eut aussi trois-cents arrestations. La Metropolitan Radical Federation qui regroupait toutes les formations londoniennes de gauche renonça, à l'initiative de Shaw, à organiser une nouvelle manifestation le 20 novembre..

Conséquences

Annie Besant entreprit d'aider ceux qui avaient été arrêtés et étaient jugés. L'argument principal qu'elle avança pour leur défense était qu'ils ne faisaient ce jour-là qu'exercer leur droit à la liberté de pensée et d'expression : elle poursuivait donc la lutte de ses premiers engagements. Elle créa le 18 novembre avec le journaliste W. T. Stead la Law and Liberty League dans ce but. Ils furent rejoints par Henry Hyndman, William Morris, John Burns, Stewart Headlam, Charles Bradlaugh, mais aussi Richard Pankhurst ou Jacob Bright. Une des premières actions d'Annie Besant au sein de cette ligue fut d'organiser les funérailles grandioses d'Alfred Linnell, mort des blessures reçues durant le Bloody Sunday. Elle soutint aussi moralement et financièrement les épouses de militants emprisonnés Robert Bontine Cunninghame Graham ou John Burns par exemple.
Les relations entre Annie Besant et Charles Bradlaugh s'étaient déjà dégradées lorsqu'elle s'était engagée dans le socialisme. Bloody Sunday accentua le ressentiment de la part de Bradlaugh. Il lui en voulut d'avoir suggéré qu'il aurait pu faire partie des orateurs le 13 novembre. Il insistait sur le fait que cela lui avait nui auprès de ses collègues députés aux Communes et qu'il était ainsi moins efficace pour la cause des militants emprisonnés.
Annie Besant et W. T. Stead fondèrent à la même occasion le journal The Link, l'organe de la LLL, afin de protester contre les injustices sociales en général. Elle suggéra de créer localement des cercles de vigilance, liés à la LLL, afin de surveiller les policiers et les propriétaires et de protéger les pauvres et la liberté d'expression. Une quarantaine d'organisations de gauche participa au congrès fondateur de ces cercles. Cependant, ils amenèrent plus ou moins l'échec de la LLL car leur fonctionnement semblait un peu trop proche de celui d'une société secrète, du type Fenian Brotherhood. Dès janvier 1888, le journal Justice de Hyndman s'en désolidarisa. Ensuite, Bradlaugh ou le Fabien Graham Wallas refusèrent d'y participer. Le journal The Link poursuivit et son existence et son combat. Le journal avait des rubriques régulières comme « The People's Pillory » où le gouvernement, et surtout le Home Secretary, jugé responsable du Bloody Sunday, étaient en permanence remis en cause. Le journal servit aussi de relais aux revendications populaires des deux îles britanniques, en offrant par exemple une plate-forme régulière à Michael Davitt2,86,89,94,95. Durant les premiers mois de 1888, elle essaya, au nom de la liberté d'expression, d'organiser de nouvelles manifestations sur Trafalgar Square toujours interdit. Elle ne fut cependant pas suivie par ses alliés de gauche et ostensiblement ignorée par les forces de l'ordre. À l'été, elle réussit malgré tout à organiser ce qu'elle appelait des « conversazione démocratiques, tous les après-midi, de 16 h à 17 h. Les manifestants se contentaient de se promener en discutant et à chaque quart d'heure, ils chantaient des slogans pour l'Irlande, la réforme agraire ou la liberté d'expression avant de reprendre promenade et conversations. L'efficacité en était cependant limitée.
Les événements de Trafalgar Square firent radicalement évoluer Annie Besant, à l'inverse même de ses collègues fabiens. Alors que Shaw, Bland ou Webb prirent peur et abandonnèrent tout discours révolutionnaire, elle, au contraire se rapprocha de la Social Democratic Federation de Hyndman, dont elle avait pourtant jusque là critiqué la rhétorique révolutionnaire. En août 1888, elle finit même par y adhérer et sa première contribution à Justice parut le 1er septembre. En juillet 1889, elle participa à Paris, comme déléguée de la SDF, aux débats qui menèrent à la création de l'Internationale ouvrière. Son discours, en français, très remarqué, lui valut d'être élue vice-présidente de la dernière journée.

Grève des allumettières de Bryant & May

Grève des ouvrières des manufactures d’allumettes à Londres en 1888.
Le 15 juin 1888, Annie Besant, alertée lors d'une réunion de la Société fabienne par une militante socialiste, Clementina Black, découvrit à cette occasion les conditions de travail déplorables de ce qui était alors la plus importante fabrique d'allumettes de Londres, Bryant & May. Après avoir visité la manufacture, révoltée par la situation imposée aux ouvrières, elle publia le 23 juin 1888 dans The Link un article retentissant sur l'« esclavage blanc à Londres White Slavery in London. Annie Besant y dénonçait les conditions de travail des ouvrières : des adolescentes qui travaillaient de 6 h 30 à 18 h pour quatre shillings par semaine soit moins que le loyer d'une seule pièce et qui ne mangeaient que du pain beurré trempé dans du thé. Du reste, les salaires étaient souvent amputés à cause des nombreuses amendes imposées par la direction pour pieds ou vêtements sales par exemple. Enfin, les gaz du phosphore blanc utilisé pour fabriqué les allumettes leur pourrissaient les dents et les gencives. Annie Besant voulait faire comprendre à ses lecteurs et aux actionnaires de ce genre d'entreprises les conditions de vie de jeunes filles qui avaient l'âge de leurs propres enfants alors qu'eux touchaient des dividendes monstrueux. Une liste d'actionnaires fut publiée, pointant les personnes respectables tels des pasteurs qui s'enrichissaient de cette façon. Elle concluait en appelant au boycott des produits de l'entreprise et réclama avec d'autres l'emploi du phosphore rouge, moins dangereux pour la santé des ouvrières. Les propriétaires de Bryant & May déclarèrent dans le Daily Telegraph que l'article n'était qu'un tissu de mensonges et d'inventions et licencièrent les ouvrières qui avaient parlé à Annie Besant. Ils exigèrent ensuite des autres qu'elles signent un texte qui dénonçait les mensonges de l'article et disait qu'elles étaient très heureuses dans leur travail. Elles refusèrent. Quant à Annie Besant, elle demanda publiquement pourquoi la direction de l'usine ne l'attaquait pas en diffamation. Le 26 juin, avec Burrows et un autre membre de la SDF, John Williams, elle distribua des copies des articles à la sortie de l'usine.
Le 2 juillet 1888, Annie Besant participa à un meeting de protestation des allumettières. Le 5 juillet, l'agitation crût et les ouvrières qui avaient cessé le travail défilèrent dans les rues du quartier depuis l'usine. Une nouvelle réunion eut lieu le samedi 8 juillet : 1 400 ouvrières votèrent une résolution déclarant que l'article d'Annie Besant disait la vérité, demandant l'intervention du gouvernement et la création d'un syndicat. La grève fut décidée pour le 11 juillet. En l'absence de syndicat alors quasiment réservé aux hommes, il n'y avait pas de caisse de grève. Annie Besant, Herbert Burrows et la SDF apportèrent leur soutien direct au mouvement tandis que les Fabiens apportaient une aide financière. En six heures, 700 £ furent réunies. Les journaux se divisèrent : The Times soutint la thèse des patrons tandis que les autres crurent l'article d'Annie Besant et les témoignages des ouvrières, d'autant plus que la direction ne pouvait prouver que ces affirmations étaient fausses. Charles Bradlaugh suscita un débat au Parlement sur cette question ; il y fit même recevoir une délégation des grévistes. Devant le mouvement d'opinion publique, la direction de Bryant & May finit par céder. Le 17 juillet, une délégation d'ouvrières, menée par Besant et Burrows rencontra des représentants de l'entreprise. Les jeunes filles licenciées furent réembauchées ; les conditions de travail s'améliorèrent ; les salaires furent augmentés et les amendes supprimées. Un syndicat fut même créé dans l'entreprise, Annie Besant en fut élue Secrétaire et Burrows trésorier.
Cette grève et son issue heureuse ne furent pas sans retentissement dans le pays et constituèrent de fait une étape importante dans l'histoire sociale du Royaume-Uni, dans la mesure où il s'agit du premier mouvement social mené par des personnes situées au plus bas de l'échelle sociale britannique : des travailleuses sans qualification106. Grâce à cette grève victorieuse, de nombreux ouvriers et ouvrières de l'East End se tournèrent vers Annie Besant, pour l'amélioration de leurs conditions de vie et de travail : ouvriers des usines et sweatshops, fabricants de chaîne, conducteurs de tramways, peintres en bâtiment, employés de magasins, etc. Elle fut essentielle dans la grande vague de syndicalisation qui traversa le Royaume-Uni à la fin des années 1880, dite New Unionis.
Élue locale

L'engagement politique d'Annie Besant prit un tour nouveau quand elle décida de se faire élire. Le Royaume-Uni fonctionnait alors avec un suffrage masculin, mais, le London School Board, l'institution, créée par l’Elementary Education Act de 1870, qui s'occupait de l'enseignement élémentaire à Londres, avait accordé le droit de vote et de se présenter aux femmes. Elle se présenta pour la circonscription de Tower Hamlets dans l'East End en 1889. Un de ses objectifs était de mettre en place des repas gratuits pour les enfants des quartiers pauvres qui ainsi mangeraient au moins une fois par jour puisque l'école était obligatoire depuis 1880. Lors de la campagne électorale, elle ne cacha pas ses convictions socialistes, insistant sur le fait que l'éducation était un facteur d'égalité. Ses adversaires l'attaquèrent sur le fait qu'elle était contre l'éducation religieuse obligatoire. Elle fut cependant élue.
Pendant les trois ans de son mandat au London School Board, Annie Besant siégea dans les principaux comités, comme celui sur le travail des enfants. Elle milita pour la mise en place d'une éducation laïque. Elle obtint les repas gratuits qui grâce à la London Schools’ Dinner Association nourrit à la fin de 1889 36 000 enfants pauvres. Elle lança aussi l'idée de services médicaux dans les écoles. Enfin, elle obtint que les contrats que passaient le London School Board fussent avec des entreprises qui respectaient les droits syndicaux et qui payaient des salaires décents le minimum syndical. Le London County Council adopta cette politique peu de temps après. C'était en fait obtenir un soutien des institutions publiques aux trades-unions.
Son engagement et ses activités politiques lui coûtèrent temps et argent, au point qu'elle finit par renoncer à la direction et la publication de The Link et Our Corner.

Théosophie

Annie Besant avait depuis son enfance des interrogations spirituelles. Les réponses des Églises établies ne l'avaient pas satisfaite. Elle avait surtout des difficultés à en accepter les dogmes, comme l'idée d'un châtiment éternel sans rédemption possible, ou les dérives hypocrites et le patriarcat. Cependant, elle avait aussi du mal à concevoir une morale qui ne serait qu'une règle de conduite sans réel fondement. De même, elle commençait à considérer que si l'athéisme lui avait apporté la paix en supprimant un Dieu injuste, il n'était cependant pas la réponse à ses questionnements. Les liens noués entre W. T. Stead et Annie Besant au moment du Bloody Sunday avaient eu pour celle-ci une autre conséquence. Le journaliste avait le même genre d'interrogations spirituelles qu'elle. Il avait même créé une Église destinée à régénérer le christianisme.
En 1889, William Thomas Stead demanda à Annie Besant de préparer pour la Pall Mall Gazette un compte-rendu de la Doctrine Secrète d'Helena Blavatsky appelée souvent Madame Blavatsky. Elle en fut émerveillée : elle avait trouvé la réponse à toutes les interrogations métaphysiques et spirituelles qui la taraudaient depuis l'enfance. La théosophie, inspirée des sagesses orientales, considère que toutes les religions ne sont que des variations d'une Sagesse universelle première. Elle sembla à Annie Besant être la Vérité qu'elle avait toujours cherchée. Elle rencontra Madame Blavatsky et fut impressionnée malgré elle par la culture de cette femme de plus de cent kilos qui ne se déplaçait plus qu'en fauteuil roulant. Elle lut les diverses critiques adressées à la théosophie et à Madame Blavatsky : elle n'y vit pas plus que les critiques qui lui avaient été adressées à elle tout au long de sa carrière. Elle se déclara donc ouvertement théosophe et devint membre de la Société théosophique.
Ses amis qui devinrent rapidement ses anciens amis en furent horrifiés : Charles Bradlaugh le premier, même s'ils s'étaient déjà éloignés lorqu'Annie Besant était devenue socialiste, mais aussi George Bernard Shaw. Ils considéraient qu'ils perdaient une des plus ardentes militantes de la libre-pensée et de la réforme sociale. Elle quitta en effet d'abord la National Secular Society puis la Fabian Society puis le London School Board et enfin la Social Democratic Federation. Malgré tout, elle n'abandonna pas la lutte politique pour autant : dans son tout premier article théosophe Practical Work for Theosophists, elle suggérait aux membres de la société d'acheter des actions des entreprises qui exploitaient leurs ouvriers afin d'en prendre le contrôle et de les réformer. Elle fonda dès 1891 une ligue des ouvriers théosophes. Elle consacra ses conférences à la théosophie dont elle devint rapidement une des principales animatrices et pour laquelle elle transforma sa maison pour en faire un lieu de réunion.
En 1890, ses deux enfants, Digby vingt-et-un ans et Mabel dix-neuf ans la rejoignirent, comme elle l'espérait, dès qu'ils se trouvèrent en âge de pouvoir décider de leur sort, hors de l'autorité paternelle.
En 1891, lorsque Madame Blavatsky décéda, Annie Besant prit la direction de la Société théosophique pour l'Europe et l'Inde. En 1893, après avoir participé au Parlement mondial des religions lors de l'Exposition universelle de Chicago, elle s'installa en Inde. Elle déclara y avoir trouvé sa patrie spirituelle et prit l'habitude de s'habiller à l'indienne. Cependant, elle y trouva la société théosophique en pleine tourmente. De nombreux scandales avaient été en effet révélés par la presse : usage de faux ou mœurs de certains membres. Elle se battit alors pour rétablir la réputation de sa société. En 1907, elle en devint la présidente, succédant au colonel Henry Steel Olcott et fut réélue à ce poste jusqu'à sa mort. Elle établit le centre de la société à Adyar, près de Chennai. Elle y découvrit Krishnamurti en 1909. Elle voyait en lui le futur guide spirituel World Teacher et participa à son éducation. S'il renonça à la théosophie en 1929, il ne renia ni sa mère adoptive, ni son rôle spirituel.

Autonomie de l'Inde Lutte ancienne

L'intérêt d'Annie Besant pour la cause indienne était ancien. Dès septembre 1875, elle avait lancé, avec Charles Bradlaugh une grande pétition contre le voyage du Prince de Galles dans la région. Pour elle, il s'agissait d'une manœuvre politique de Benjamin Disraeli pour faire avancer la cause de l'Empire. Annie Besant considérait alors que la Monarchie et l'Empire étaient deux institutions encombrantes et coûteuses : le Parlement vota en effet un budget de £42 000 pour cette tournée princière. Les 100 000 signatures de la pétition furent regroupées sur un long rouleau de plus d'un kilomètre et demi de long. Il fut présenté aux Communes, qui n'en tint pas compte. Durant le voyage, le Prince fut reçu somptueusement alors qu'une partie du pays mourait de faim. Au retour de son fils, Victoria fut proclamée Impératrice des Indes, au grand dam d'Annie Besant
En 1879, Annie Besant démontra encore son opposition à l'impérialisme tel qu'il se développait alors en publiant son long article A Plea for the Weak Against the Strong (Plaidoyer pour les faibles contre les forts dans le National Reformer. Elle y reprenait les arguments des libéraux de Gladstone contre la politique coloniale de Disraeli et des conservateurs. Elle y ajoutait cependant ses propres arguments humanistes évoquant les villages incendiés au nom de la pacification et de la civilisation. Elle dénonçait les ambitions purement matérialistes ayant poussé à la conquête de l'Inde. Elle rappelait que si la mission civilisatrice se voulait réelle, alors elle devait apporter les idéaux démocratiques britanniques et l'éducation afin d'amener la région à l'autonomie. Ce pamphlet se vendit à plusieurs milliers d'exemplaires.
Lorsque Gandhi faisait ses études de droit à Londres, il s'intéressa à nouveau à sa culture, grâce à ses amis théosophes. À cette occasion, il rencontra pour la première fois Annie Besant qui venait d'adhérer à la société théosophique. Enfin, Charles Bradlaugh exprima tout au long de sa carrière politique son soutien à la cause indienne, au point qu'il fut surnommé Member for India. Il s'y était même rendu en 1889 pour assister aux réunions du Congrès national indien, à un moment où Annie Besant travaillait encore avec lui. Dans son cortège funèbre en 1891 se trouvait aussi Gandhi.

Renouveau intellectuel de l'Inde

En 1893, Annie Besant se rendit pour la première fois en Inde, en lien avec la société théosophique. Celle-ci était déjà critique de la situation politique de la région. Selon Madame Blavatsky, l'Inde védique était la source de toute sagesse et spiritualité. Cependant, pour elle et les théosophes, l'hindouisme tel qu'il se pratiquait alors s'était éloigné de sa pureté originelle, en grande partie à cause de la colonisation britannique qui avait importé individualisme et matérialisme. Dès lors, se développa une réflexion pour chercher à restaurer l'Inde à elle-même. A. O. Hume ou A. P. Sinnett, Anglo-Indiens réformateurs, étaient membres de la société théosophique qui attira aussi des intellectuels indiens. Dès son premier séjour en Inde, Annie Besant s'exprima dans le même sens. Pour elle, l'Inde est la mère de la spiritualité, le berceau des civilisations. Elle renversa alors le fardeau de l'homme blanc cher à Rudyard Kipling : pour elle, l'Inde avait le devoir de sauver le monde occidental du matérialisme en y portant le flambeau de la spiritualité. Pour Annie Besant aussi, le joug politique, économique et moral du Royaume-Uni sur la région était néfaste. Elle considérait que l'attitude britannique était en train de briser l'Inde.
En 1895, Annie Besant s'installa définitivement en Inde et adopta le mode de vie traditionnel et le sari, considérant qu'il était absurde de s'habiller à l'occidentale. Elle ne porta plus dorénavant en Inde qu'un sari blanc, couleur du deuil afin de rendre hommage aux souffrances de la population indienne. Dès cette année-là, préfigurant Gandhi, elle suggéra aussi de préférer les produits locaux à ceux importés, afin de soutenir l'activité économique indienne. Ces différents gestes la mirent définitivement en marge de la communauté anglo-indienne qui depuis la révolte des cipayes s'était repliée sur elle-même dans des quartiers réservés où elle vivait dans la méfiance de la population locale. De leur côté, les théosophes considéraient tous les Indiens comme des égaux. La société théosophique accueillait toutes les dénominations religieuses du sous-continent, sans distinguer entre hindous, musulmans, chrétiens ou sikhs. Annie Besant souhaitait aussi une unité spirituelle de l'Inde, alors même que les autorités britanniques jouaient sur les divisions religieuses pour asseoir leur domination.
Pour Annie Besant, la première étape de ce renouveau passait par l'éducation, et d'abord celle des élites sociales et des castes supérieures en qui elle voyait un exemple pour l'ensemble de la population. L'idée était aussi de détacher les classes supérieures du Royaume-Uni qui menait une politique pour se les gagner. Annie Besant rejetait cependant l'éducation à l'occidentale qui ne pouvait mener qu'au matérialisme, préférant les principes théosophes d'autonomie et de développement harmonieux adapté au rythme de chaque enfant. Dans ce but, elle créa le Central Hindu College en 1898, un lycée de garçons, avec l'aide du Maharaja de Bénarès, Prabhu Narayan Singh, qui fournit les terrains et de la haute société indienne qui participa au financement. Jusqu'en 1904, seuls les dons des Indiens étaient acceptés. L'établissement compta parmi ses généreux donateurs Motilal Nehru et parmi ses élèves son fils Jawaharlal Nehru. Les frais d'inscription étaient très faibles. Les enseignants étaient indiens ou anglo-indiens et souvent théosophes dans ce cas. Annie Besant elle-même y donna des conférences. Le lycée proposait des cours de mathématiques, sciences, logique, anglais, sanskrit, histoire et enfin étude comparée des religions. D'ailleurs, à partir de 1908, l'établissement fut aussi ouvert aux élèves qui n'étaient pas hindous.
Suite à la partition du Bengale en 1905, le mouvement Swadeshi connut un renouveau. En 1908, pour lutter contre la montée de cette opposition, les autorités britanniques interdirent aux élèves et étudiants indiens de se mêler de politique. En réaction, Annie Besant organisa au Central Hindu College un parlement sur le modèle du parlement britannique. Elle poursuivait en cela deux buts. Elle désirait faire discuter le jeunes Indiens de problèmes politiques, économiques et sociaux dans des formes démocratiques et constitutionnelles. Il y a cependant ici une ambiguïté intrinsèque dans la démarche d'Annie Besant : pour amener l'Inde au renouveau intellectuel et politique, elle lui proposait le Royaume-Uni, le colonisateur, comme modèle politique. Malgré tout, des militants indiens dont elle était très proche, comme Womesh Chunder Bonnerjee, Mahadev Govind Ranade ou Gopal Krishna Gokhale, partageaient ce point de vue. En organisant ce parlement, elle voulait aussi détourner les jeunes Indiens de la tentation d'une dérive violente, à laquelle elle les considérait peu préparés. Son refus du recours à l'action violente reposait sur ses souvenirs douloureux du Bloody Sunday de 1887. Afin de trouver un lieu d'expression aux volontés d'action de la jeunesse indienne, elle créa cette même année 1908 Sons and Daughters of India Fils et Filles de l'Inde qui organisait des actions caritatives et éducatives.
En 1911, Annie Besant se rapprocha de Madan Mohan Malaviya en vue de fonder l'université hindoue de Bénarès. Après un vote favorable du parlement britannique, l'établissement fut fondé en 1916 et le Central Hindu College y fut intégré. En 1913, avec le même Malaviya, elle réussit à ouvrir aux jeunes Indiens le scoutisme, alors réservé aux seuls Anglo-Indiens. La même année, elle mit sur pied le Theosophical Education Trust in India Fondation théosophique pour l'éducation en Inde qui créa ensuite une trentaine d'établissements scolaires, du primaire au lycée. Elle fonda aussi la Central Hindu Girls’ School, un lycée de filles, en 1904. Elle milita pour les droits sociaux des Indiens, mais aussi des Indiennes.

All-India Home Rule League

Drapeau de la All-India Home Rule League.
La partition du Bengale de 1905 constitua un tournant pour Annie Besant. Son action se fit alors plus politique. La voie de l'éducation ne lui parut plus suffisante. Elle s'éloigna alors de Gopal Krishna Gokhale pour se rapprocher de Bal Gangadhar Tilak, un des théoriciens et animateurs du mouvement Swadeshi, ainsi que des deux autres membres du triumvirat Lal Bal Pal : Bipin Chandra Pal et Lala Lajpat Rai. Elle considérait que le gouvernement britannique n'avait pas tenu ses promesses à l'Inde et lui conseillait de commencer à traiter les Indiens comme des égaux faute de quoi il verrait le pays lui échapper. Elle ne critiquait pas l'idée de l'Empire britannique ou de la présence britannique en Inde. Elle suggérait d'en revoir le fonctionnement, principalement via l'auto-détermination. Elle se heurta là à l'opposition de certains théosophes. Ses idées politiques et sociales étaient diffusées à travers les journaux New India et Commonwealth. Un de ses premiers actes ouvertement politiques qui marqua les esprits fut la lettre ouverte qu'elle écrivit en janvier 1910 au gouverneur général des Indes, le comte de Minto. Elle y dénonçait le racisme des fonctionnaires britanniques suite à l'agression d'un ancien élève du CHC et demandait l'autonomie de l'Inde. Lord Minto réagit en plaçant le CHC sous surveillance et en retardant la création de l'université hindoue de Bénarès. Cependant, la réputation d'Annie Besant auprès des indépendantistes indiens était définitivement faite.
Entre 1905 et 1915, elle publia nombre de textes réclamant le droit à l'auto-détermination du pays, regroupés en 1917 dans The Birth of a New India. Elle y suggérait une nouvelle organisation de l'Empire britannique en une fédération de nations autonomes dans Federation d'avril 1914 disposant chacune du Home Rule, à l'image de l'IrlandeN 25. Cette fédération serait présidée par le souverain britannique qui n'aurait qu'un rôle symbolique et un parlement où chacune des nations de la fédération serait représentée à égalité. Sa vision de l'Inde autonome fut précisée en 1915 dans Indian Self-Government. Annie Besant envisageait une pyramide d'assemblées. La base serait l'assemblée du panchayat villageois ou du quartier urbain ; au-dessus, une assemblée de district regroupant plusieurs panchayats ou quartiers s'occuperait des questions d'éducation, de santé et de production ; l'assemblée provinciale disposerait du budget ; l'assemblée au niveau national se chargerait de la défense, des chemins de fer et de la poste. L'Inde serait enfin intégrée dans la fédération impériale. Chaque niveau serait mis en place graduellement, en commençant immédiatement par celui des panchayats ; le district devant être mis sur pied après la guerre. Cependant, le système électoral envisagé était compliqué et élitiste. L'assemblée de panchayat ou de quartier serait élue dans le cadre d'un suffrage quasiment universel pères et mères de famille, âgés de plus de 21 ans. Au-dessus, les assemblées seraient élues par un collège constitué des membres des assemblées de l'échelon inférieur et d'électeurs et électrices disposant d'un niveau d'éducation suffisant et de plus en plus élevé avec le niveau des assemblées. Cette approche lui fut beaucoup reprochée. Il y aurait ici l'expression de la différence entre égalité et fraternité élément de base de la théosophie : dans la fraternité, les grands frères et grandes sœurs sont responsables des plus jeunes qu'ils doivent aider à grandir. Dans l'Inde britannique, ceux qui étaient éduqués devaient donc guider les moins éduqués vers les moyens de leur autonomie.

Bal Gangadhar Tilak.

En 1913, elle adhéra au Congrès national indien. Les conférences qu'elle donna en septembre et octobre à Madras furent ensuite regroupées sous le titre Wake Up India. Elle y critiquait, ainsi que dans son journal New India l'année suivante, l'inaction du Congrès national indien, dominé par les modérés qui se contentaient de voter les mêmes résolutions tous les ans et se coupaient ainsi de plus en plus de la population. La mort de Ghokale en 1915 permit le retour au sein du Congrès national indien des extrémistes, dont Tilak qui sortait de prison. Ils devaient malgré tout prêter serment d'agir par des moyens strictement constitutionnels. Annie Besant et Tilak unifièrent à l'automne 1915 les divers mouvements qui réclamaient le Home Rule au sein de la All-India Home Rule League. Au début de la Première Guerre mondiale, Annie Besant avait en effet déclaré que l'Inde pouvait aider le Royaume-Uni mais ne devait pas cesser de réclamer le Home Rule. La direction de la section britannique de la ligue fut confiée à George Lansbury.
La ligue avait divers buts : l'autonomie de l'Inde, l'éducation politique de la population ainsi que redonner confiance au peuple pour le sortir de son inaction. À l'automne 1916, Tilak et Annie Besant parcoururent le sous-continent pour recruter, aussi bien hindous que musulmans ainsi que modérés ou extrémistes. La campagne fut un succès, à l'image de la pétition en faveur de la ligue qui reçut alors 700 000 signatures. Si elle comptait 60 000 adhérents, l'impact de la ligue était plus vaste, comme Ghandi le reconnaissait : Annie Besant a fait du Home Rule le mantra de tous les foyers.
Annie Besant avait aussi réussi à fonder une alliance entre la All-India Home Rule League et la All-India Muslim League de Muhammad Ali Jinnah. Aussi, lorsque le Congrès national indien se tint en décembre 1916 à Lucknow, où était basée la Ligue musulmane, un accord fut signé entre les deux organisations. Le pacte de Lucknow stipulait qu'elles exigeraient conjointement, dès la fin du conflit mondial, des concessions du gouvernement britannique pour plus d'autonomie pour la population indienne, tout en protégeant la place des musulmans. Depuis plusieurs années déjàN 26, Annie Besant avait critiqué les divisions religieuses qui jouaient en faveur des Britanniques, qui eux-mêmes en jouaient pour asseoir leur pouvoir. Le Congrès à Lucknow fut une grande victoire pour Annie Besant et Tilak.

Congrès national indien.

Annie Besant devint alors très populaire en Inde, beaucoup moins en Grande-Bretagne. Le nouveau gouverneur-général, Lord Chelmsford la fit d'abord surveiller, puis interdire de séjour à Bombay et dans les provinces du centre. Il désirait aussi l'empêcher de s'exprimer par voie de presse. Finalement, il fut décidé de l'interner. Le motif invoqué, dans le cadre du Defence of India Act 1915, était la publication de textes considérés comme séditieux, car nationalistes indiens dans son journal New India. Comme elle était âgée de soixante-dix ans, elle fut assignée à résidence à Ooty le 15 juin 1917. Elle s'y installa avec George Arundale et B. P. Wadia, leader ouvrier de Madras et rédacteur en chef de New India. Elle fit immédiatement flotter au dessus de sa résidence le drapeau de la All-India Home Rule League
Sa mise en résidence surveillée souleva une immense protestation en Inde. Elle reçut le soutien de Motilal et Jawaharlal Nehru, de Gandhi et de Jinnah. Un nouveau boycott des produits britanniques fut organisé. En métropole, les socialistes protestèrent. En août, le nouveau Secrétaire d'État à l'Inde Edwin Samuel Montagu évoqua la mise en place graduelle d'institutions autonomes. Maintenir Annie Besant en résidence surveillée ne se justifiait plus, à partir du moment où le gouvernement proposait quasiment la même chose qu'elle. Elle fut libérée le 17 septembre. Sur le chemin du retour, elle fut ovationnée par la foule qui chantait Vande Mataram. Malgré l'avertissement de Lord Chelmsford qui lui demandait de se réfréner, elle reprit immédiatement ses activités politiques. Le 26 décembre 1917, elle fut acclamée par 300 000 personnes rassemblées à Kolkata au moment du Congrès national indien. Elle en fut élue présidente (pour un an, comme tous les présidents du mouvement, la première femme à ce poste. Lord Chelmsford déclara peu après : personne parmi ceux qui ont fait l'expérience des conséquences de la mise en résidence surveillée de Mrs Besant ne refera une telle erreur.
Le discours inaugural que prononça alors Annie Besant The Case for India, Plaidoyer pour l'Inde constatait que les Britanniques avaient échoué dans l'éducation, la santé ou la prospérité de l'Inde. Elle suggérait donc de laisser les Indiens « travailler pour leur propre pays. Si elle reconnaissait être née en Grande-Bretagne, elle avait choisi l'Inde et espérait être le symbole de l'union entre les deux. Gandhi la considéra alors comme un des plus puissants leaders d'opinion. En 1918, elle soutint les grèves dans les filatures de Madras et aida les ouvriers à créer le premier syndicat indien : le Madras Textile Workers’ Union.
Lors de sa tournée en Inde en 1917-1918, Edwin Montague la rencontra. À son retour en métropole, le projet de réforme institutionnelle qu'il proposa suggérait une administration démocratique locale et des « mesures de responsabilisation au niveau provincial. Il n'évoquait cependant pas du tout le Home Rule. De plus, la Commission Rowlatt qui travailla lors des grèves et l'épidémie de grippe espagnole conclut à la nécessité de prolonger l'état d'urgence en Inde. La loi sur le gouvernement de l'Inde de 1919 ne suivit pas les recommandations de Montague et donc Annie Besant, mais plutôt des suggestions de la Commission Rowlatt. En parallèle, la loi Rowlatt sur l'ordre public fut promulguée : elle n'était quasiment qu'une prolongation du Defence of India Act de 1915.

Effacement devant Gandhi

La loi Rowlatt fut un tournant politique pour la lutte pour l'indépendance de l'Inde et pour Annie Besant. Gandhi commença en effet à s'affirmer, en proposant ses moyens spécifiques de lutte : la satyagraha désobéissance civique et la résistance passive ahimsa. Les relations entre le deux personnalités furent complexes. D'un côté, elle conféra le titre, à l'image de la pensée théosophe, de mahatma à Gandhi ; de l'autre, elle condamna les diverses actions de Gandhi, qu'elle considérait à terme comme dangereuses. Son expérience politique lui avait en effet fait adopter comme principe de ne pas envoyer de manifestants là où ils couraient le risque de perdre la vie. Les incidents liés à la grève générale organisée à Delhi en avril 1919 : attaques des non-grévistes par les grévistes et intervention de l'armée qui tua plusieurs manifestants, lui firent écrire un article où elle expliquait before a riot becomes unmanageable brickbats must inevitably be answered by bullets avant qu'une émeute ne devienne incontrôlable, les fusils ne peuvent que répondre aux pierres. Cette phrase est ambiguë : le must peut se comprendre comme une certitude désabusée vis-à-vis de l'attitude des autorités britanniques qui répondraient à coup sûr par la force ou, comme certains de ses adversaires dans le mouvement indépendantiste commencèrent à le suggérer un soutien d'Annie Besant à la répression par les autorités britanniques qui doivent répondre par la force.
Le problème pour Annie Besant fut que cette polémique se déclencha au moment du massacre d'Amritsar. Alors qu'elle s'était prononcé sur les émeutes de Delhi, ses adversaires entretinrent la confusion, suggérant que son brickbats and bullets, comme la phrase fut surnommée, s'appliquait à Amritsar. Sa popularité connut alors un fort déclin. Un an et demi après son triomphe au Congrès national indien, elle dut laisser la direction de la All-India Home Rule League à Gandhi. En décembre 1919, le Congrès national indien réuni à Amritsar sous la présidence de Motilal Nehru adopta définitivement les tactiques prônées par Gandhi. Prédisant un bain de sang, Annie Besant démissionna du Congrés en août 1920, au moment où était lancée la première satyagraha. Elle ne participa qu'aux congrès de 1924 à Belgaum et 1928 à Calcutta. En même temps, malgré son amour pour le pays et sa popularité, il lui était devenu évident qu'une vieille femme blanche n'était pas la meilleure personne pour incarner la population indienne. Même si elle avait été une des premières inspiratrices du mouvement d'indépendance, elle ne pouvait continuer à en être une des chefs de file. Elle continua à participer dans l'ombre aux différents mouvements, comme celui de la non-coopération.

Lutte pour l'Inde au Royaume-Uni

Les liens politiques qu'Annie Besant avait tissés dans les années 1880-1890 avec les libéraux et les socialistes purent lui servir pour faire avancer la cause de l'Inde à partir du moment où ses amis politiques avaient accédé aux hautes fonctions. Dès 1918, lorsque les femmes obtinrent des droits politiques au Royaume-Uni, le Parti travailliste proposa à Annie Besant de se présenter au parlement britannique pour les élections législatives de décembre 1918. Elle accepta, mais les autorités britanniques interceptèrent son télégramme qui n'arriva pas à destination, l'empêchant de se présenter. Elle revint cependant au Royaume-Uni en 1919. Elle adhéra alors au Parti Labour en juillet. Elle assista à toutes les réunions de la commission parlementaire qui discutait sur le futur statut de l'Inde. Elle fit un important discours devant 6 000 personnes dans le Royal Albert Hall. Elle y dénonçait la violente répression en Inde. Elle demandait l'autodétermination mais aussi que le modèle occidental ne fût pas imposé aux futures institutions indiennes qui devraient être aussi inspirées des traditions locales. Elle réclamait que le droit de vote fût accordé aux femmes indiennes.
Après l'emprisonnement de Gandhi en 1922, Annie Besant revint sur le devant de la scène. Elle put s'y maintenir même après sa libération pour raison de santé en 1924 car, pour l'obtenir, il avait dû renoncer à l'action politique. Dans son journal New India, Annie Besant publia un long article demandant aux militants nationalistes de s'atteler à la rédaction d'une constitution pour l'Inde. Le moment était à nouveau propice. Les travaillistes étaient au pouvoir : le Premier ministre Ramsay MacDonald avait lui aussi participé au Bloody Sunday de 1887 et le ministre chargé de l'Inde Sidney Olivier avait participé à la grève des allumettières en 1888. De plus, Olivier n'acceptait pas les revendications d'indépendance totale de Gandhi ; cependant, il trouvait aussi que ce qu'Annie Besant demandait allait trop loin.
Dans un premier temps, l'appel d'Annie Besant à la rédaction en Inde d'une constitution pour l'Inde ne rencontra que peu d'enthousiasme. Elle tenta alors une nouvelle démarche et proposa une convention nationale multipartite en avril 1925 à Cawnpore. Cette Indian National Convention fut une réussite. Elle rédigea le Commonwealth of India Bill un projet de self-government pour l'Inde qui deviendrait un dominion ; le vice-roi garderait le temps de la transition l'armée, la marine et la politique étrangère. Le projet prévoyait aussi la garantie des libertés individuelles et l'égalité des sexes. Annie Besant se rendit au Royaume-Uni pour soutenir ce projet. Il reçut le soutien de Sidney Olivier, mais, le gouvernement tomba avant que le projet pût être proposé au parlement. George Lansbury qui avait conservé son siège le soumit malgré tout aux Communes : il fut rejeté en première lecture par la majorité conservatrice.
Elle fut invitée en 1928 à participer à la Commission Nehru multipartite et multireligieuse qui prenait le contre-pied de la Commission Simon, composée exclusivement de blancs. Les deux commissions avaient pour but de réfléchir à l'évolution de l'Inde depuis la loi sur le gouvernement de l'Inde de 1919. Le rapport Nehru suggérait aussi la transformation de l'Inde en dominion. Il proposait les libertés individuelles et l'égalité des sexes. Il refusait l'idée de religion officielle ou de collèges électoraux séparés en fonction de la religion. L'organisation du futur pays se ferait selon des critères linguistiques pour le respect des minorités. Annie Besant retourna alors en Grande-Bretagne pour défendre ce projet et faire une tournée de conférences. Cependant, dans le même temps, Gandhi avait fait son retour en politique. Au Congrès national indien de Lahore en 1929, présidé par Nehru, il fit adopter l'idée d'indépendance totale proclamée officiellement le 26 janvier 1930. Les rapports Nehru et Simon furent discutés lors de tables-rondes en 1930-1932. Au final, la loi sur le gouvernement de l'Inde de 1935 ne s'inspirerait que du rapport Simon. En 1931, devant la montée des tensions, principalement ethniques, Annie Besant constata l'impossibilité d'une constitution pour l'Inde et en prédit la partition. Elle fit la même année une ultime tentative de conciliation avec la All-India Humanitarian Conference pour apaiser les tensions. Cette initiative lui valut d'être présentée pour le prix Nobel de la paix.

Franc-maçon

Annie Besant fut l'une des fondatrices en 1893 de l'ordre maçonnique The Order of Universal Co-Freemasonry, lié à l'Ordre maçonnique mixte international le Droit humain de Maria Deraismes. Ce fut d'ailleurs, en uniforme de maçon, qu'elle participa à la manifestation des femmes suffragistes au moment des cérémonies de couronnement de George V le 17 juin 1911.

Décès

Annie Besant mourut le 20 septembre 1933 à Adyar. Son corps, recouvert d'un drapeau indien, fut brûlé sur un bûcher, selon la tradition hindoue. Elle avait demandé que son bûcher fut installé au bord du Gange à Kashi, le nom donné à Bénarès dans les Rig-Véda. Si ce souhait ne put être exaucé, par contre ses cendres furent dispersées en partie dans le Gange et en partie dans le jardin de la société théosophique d'Adyar. La bourse de Bombay n'ouvrit pas le jour des funérailles, en hommage à Annie Besant

Œuvres d'Annie Besant Ouvrages politiques

On the Deity of Jesus of Nazareth, by the Wife of a Beneficed Clergyman., Thomas Scott, 1872.
The Political Status of Women., 1874.
The True Basis of Morality., Charles Watts, 1874.
Auguste Comte; his Philosophy, his Religion and his Sociology., Charles Watts, 1875.
The Legalisation of Female Slavery in England., édité par Annie Besant et Charles Bradlaugh, 1876.
« Landlords, Tenant Farmers, and Labourers » in The National Reformer, 1877.
The Law Of Population: its Consequences and its Bearing upon Human Conduct and Morals. Freethought Publishing C°, 1877.
In the High Court of Justice, Queen's Bench Division, June 18th, 1877: The Queen V. Charles Bradlaugh and Annie Besant. Specially Reported. High Court of Justice, King's Bench Division 1877., Cornell University, 2009.
My Path to Atheism., Freethought Publishing C°, Londres, 1877.
English Republicanism., Freethought Publishing Company, Londres, 1878.
England, India and Afghanistan, Freethought Publishing Company, Londres, 1878.
Marriage, As It Was, As It Is, And As It Should Be: A Plea For Reform, 1878.
The Story of Afghanistan ; or, Why the Tory Government Gags the Indian Press. A Plea for the Weak against the Strong, 1879.
The Transvaal, 1881.
Coercion in Ireland and its Results. A Plea for Justice, 1882.
Egypt, 1882.
Force no Remedy, 1882.
The Atheistic Platform. V. The Story of Sudan, 1884.
Autobiographical Sketches., Freethought Publishing C°, Londres, 1885.
Woman's Position according to the Bible., édité par A. Besant et Ch. Bradlaugh, 1885.
Why I Am a Socialist., édité par A. Besant & Ch. Bradlaugh, 1886.
Modern Socialism., Freethought Publishing C°, Londres, 1886.
England’s Jubilee Gift to Ireland, 1887.
Is Socialism Sound? Verbatim Report Of A Four Nights' Debate Between Annie Besant And G. W. Foote (1887), Kessinger Publishing, 2009. Is Boycotting Moral ?, Our Corner, 1er avril 1888, vol. XI, Freethought Publishing Company, Londres, 1888.
The Organization of Society: Industry under Socialism, in Bernard Shaw ed., Fabian Essays in Socialism 1889, New York : The Humboldt Publishing Co., 1891.
Wake up, India: a Plea for Social Reform., Theosophical Publishing House, 1913.
War Articles and Notes., Theosophical Publishing Society, 1915.
The Case for India The Presidential Address Delivered by Annie Besant at the Thirty-Second Indian National Congress Held at Calcutta 26 December 1917
Britain’s Place The Great Plan Four Lectures delivered at the North Indian Convention, T.S., held at Varanasi, September, 1920 and in London in 1921., Theosophical Publishing House, Adyar, 1920.
India, Bond or Free ?, Putnam’s, 1926.

Ouvrages spirituels et théosophiques

Why I became a Theosophist 1889, Freethought Publishing C°, Londres. Trad. fr. : Pourquoi je suis devenue théosophe, Publications théosophiques, 1911
The Seven Principles of Man 1892, édition revue et corrigée, Theosophical Publishing Society, Londres, 1909.
A Study in Karma. 1892, Theosophical Publishing House, Adyar, 1912. Trad. : Réincarnation. Karma, Adyar, 1996 5° éd., 188 p.
An Autobiography 1893 T. Fisher Unwin, Londres.
Vers le Temple 1895, trad., Adyar, 170 p. Cinq conférences à Londres : la purification, l'entraînement mental, la construction du caractère, l'alchimie spirituelle.
Man and his Bodies 1896, Theosophical Publishing House, Londres & Madras. Trad. : L'homme et ses corps, Adyar, 158 p., Adyar 1994, 158 p.
The Riddle of Life: and How Theosophy answers It (1897), Theosophical Publishing House, Adyar, 1911.
The Ancient Wisdom 1897, Theosophical Publishing House, Adyar, 1911. Trad. : La sagesse antique. Exposé sommaire de l'enseignement théosophique, Adyar, 2008 14° éd. 307
Evolution of life and form 1898. Trad. : L'évolution de la vie et de la forme, Éditions théosophiques, 1948, 172 p.
Thought Power 1901. Trad. fr. : Le pouvoir de la pensée, sa maîtrise et sa culture
Thought Forms 1901 en collaboration avec Chatles D. Leadbeater. Theosophical Publishing House, Adyar, 1911. Trad. : Les formes-pensées, Adyar, 2000 6° éd., 78 p.
The Laws of the Higher Life 1902. Trad. : Les lois de la vie supérieure. Une conscience élargie, la loi du devoir, la loi du sacrifice.
The Pedigree of Man 1903. Trad. : La Généalogie de l'Homme. La première "race", la deuxième race, la race Lémurienne, la race Atlante, la race Aryenne.
Esoteric Christianity or the Lesser Mysteries 1905, Theosophical Publishing Society, Londres & Benares, 1905 2nd ed.. Trad. : Le christianisme ésotérique ou les Mystères mineurs, Adyar, 1969, 292 p.
Bhagavad Gita; or, The Lord’s Song Traduction 1905, The Theosophical Publishing House.
Death and after 1906. Trad. fr. : La mort et l'au-delà
Study in Consciousness - A contribution to the science of psychology vers 1907, Theosophical Publishing House, Madras. Trad. : Étude sur la conscience, Adyar, 2003, 356
Introduction to Yoga. Lectures delivered at the 32nd Anniversary of the Theosophical Society held at Benares, on Dec. 27th, 28th, 29th, and 30th, 1907., Theosophical Publishing House, Adyar, 1908. Trad. : Introduction au Yoga, Adyar, 158 p.
Australian Lectures 1908
Buddhist Popular Lectures 1908, Theosophist Off
Man's Life in This and Other Worlds 1913, Theosophical Publishing House, Adyar. Trad. : La vie occulte de l'homme, Adyar, 2005, 89 p.
The Masters and the Way to Them 1912. Trad. : Les Maîtres, Publications Théosophiques, 1917
Man: Whence, How and Whither: a Record of Clairvoyant Investigation (en collaboration avec C. D. Leadbeater 1913, Theosophical Publishing House, 1925.
« Theosophy and Social Reform 1914, in Annie Besant et al., Theosophical Ideals and the Immediate Future, Theosophical Publishing Society, Londres, 1914.
The Basis of Morality 1915, Theosophical Publishing House, Adyar.
The Bearing of Religious Ideals on Social Reconstruction 1916, Theosophical Publishing House.
The Ancient Indian Ideal of Duty 1917, Theosophical Publishing House.
Occult Chemistry: Clairvoyant Observations on the Chemical Elements 1919 en collaboration avec Charles W. Leadbeater, édition révisée par A.P. Sinnett, Theosophical Publishing House, Londres. Trad. : La chimie occulte, Adyar, 2004, 362 p.
The Doctrine of the Heart (1920). Trad. : La doctrine du cœur. extraits de lettres indiennes adressées à Annie Besant par des amis hindous), Adyar, 2004, 80 p.
Civilisation’s Deadlocks and the Keys (1924), Theosophical Publishing House.
The Coming of the World Teacher 1925, Theosophical Publishing House.
Talks on the Path of Occultism: A Commentary on “At the Feet of the Master,” “The Voice of the Silence" and “Light on the Path." Written in collaboration with Charles Leadbeater. Trad. fr. : La voie de l'occultiste, Adyar, 1927-1928.
T. I : Commentaires sur "Aux pieds du maître", 351 p. voir Alcyone/Krishnamurti, Aux pieds du maître, 1910
T. II : Commentaires sur "La voie du silence", 304 p. voir Helena Petrovna Blavatsky, "La voie du silence". Fragments choisis du "Livre des préceptes d'or", 1889.
T. III : Commentaires sur "La lumière sur le sentier" voir Mabel Collins, Lumière sur le sentier, 1885, 336 p., Adyar, 1927-1928.
Principles of Education 1932, Theosophical Publishing House.
Old Memories and Letters 1936, Theosophical Publishing House, Adyar.




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Posté le : 19/09/2015 10:01

Edité par Loriane sur 19-09-2015 22:57:30
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Défi du 19 septembre 2015
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Chers Loréens , très chères Loréennes, solliciter par notre délicieuse couscous, pour imaginer le défi de la semaine, je vous propose de phosphorer sur cette pensée ‘’philosophique’’, et de nous faire part de votre regard sur cette réflexion:

- "En amour comme en cuisine, ce qui est vite fait est mal fait... ‘’


A l’instant où l’intérêt pour la cuisine, porté par de nombreuses émissions culinaires qui envahissent nos écrans, est de nouveau mis en exergue et alors que l’amour est une des composantes fondamentales des poètes que vous êtes, livrez nous votre regard, vos remarques et qui sait……. vos expériences en la matière.

-
A vos fourneaux, à vos crayons,……….. à vos amours……….. !!!
-

Posté le : 19/09/2015 09:25
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Le bonheur est une chose qui se double,..…..si on le partage …

Titi
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Le 20 septembre 1957 à Järvenpää près d'Helsinki meurt Jean Sibelius

à 91 ans, né le 8 décembre 1865 à Tavastehus, dans le grand-duché de Finlande, empire Russe, compositeur finlandais de musique classique. Il a pour maître Albert Becker, il est avec Johan Ludvig Runeberg, l'un des Finlandais qui symbolisent le mieux la naissance de l'identité nationale finlandaise.
La symphonie Kullervo, d'après le Kalevala Helsinki, 1892, fonde sa renommée en Finlande. Il participe aux revendications nationalistes de son pays. Naissent alors Finlandia 1899, puis les symphonies n° 1 et 2 1899 ; 1902. Après 1904, ses œuvres tendent vers l'universalité et le classicisme. Il compose alors le concerto pour violon 1903, révisé en 1905, la symphonie n° 3, le quatuor à cordes Voces intimae 1909, la symphonie n° 4 1911, la symphonie n° 5 1915, révisée en 1916 et 1919 ; la symphonie n° 6 1923, la symphonie n° 7 1924, le poème symphonique Tapiola 1926.

En bref

Sibelius est né le 8 décembre 1865 à Hämeenlinna, une ville située à près de 200 kilomètres au nord d'Helsinki. Le père, médecin militaire de souche à la fois suédoise et finnoise, avait épousé la fille d'un médecin immigré de Suède : l'atmosphère culturelle dans laquelle va baigner le jeune Johan Julius Christian sera donc de langue et de coutumes presque exclusivement suédoises, d'autant plus que seules sa mère et sa grand-mère maternelle l'élèveront après la mort du père en 1868. Les premières leçons de piano se révèlent peu fructueuses : les compositions de Sibelius pour cet instrument resteront marginales. Il préfère et préférera toujours le violon, pour lequel il écrira son unique concerto il regrettera beaucoup de n'avoir pu devenir un violoniste virtuose.
Après avoir été reçu bachelier en 1885, il commence des études de droit – concession faite à la famille – tout en poursuivant ses études musicales à l'Institut de musique l'actuelle Académie Sibelius, fondé trois ans auparavant par Martin Wegelius. Sibelius y apprend la composition après avoir abandonné le violon et malgré plusieurs apparitions en soliste au cours de concerts locaux. À l'Institut, il se lie avec Karl Flodin critique du quotidien suédois Nya Pressen, Robert Kajanus – père de la musique finlandaise – et Ferruccio Busoni (professeur chez Wegelius de 1888 à 1890.
Ayant suscité les appréciations les plus contradictoires chez les critiques, tenu longtemps dans un purgatoire d'où seuls Anglais et Américains l'avaient fait sortir ce qui ajoutait à la méfiance des Allemands et des Latins puisque le bon goût musical ne semblait pouvoir franchir ni la Manche ni l'Atlantique !, Sibelius revient au premier rang et prend peu à peu la place qu'il mérite. Non sans erreurs d'appréciation : un certain nombre d'opinions préconçues circulent sur le personnage et il convient de les dissiper.
Sibelius ne peut pas être rangé dans la catégorie des compositeurs dits « nationaux ». Il n'est ni le Grieg, encore moins le Dvořák, voire le Bartók, finlandais : il n'utilise pas la musique populaire comme matériau thématique, et les caractéristiques de son style mélodique ne doivent rien aux mélodies populaires de son pays. Ce sont les commentateurs, victimes de l'hyperurbanisation de l'Europe occidentale industrialisée, qui ont vu en Sibelius un chantre du terroir. Nul besoin pour lui de retourner aux sources : il ne les a jamais quittées tant la Finlande d'alors était – et reste encore – un paradis écologique ! Sibelius n'a cherché qu'à atteindre un langage universel ; le plus grand risque pour lui aurait été de folkloriser sa musique et de la reléguer ainsi à une production couleur locale inapte à passer les frontières. La toile de fond et non pas le développement de l'œuvre de Sibelius reste nordique, et le nationalisme finlandais ne peut y trouver son compte qu'après coup.
Lorsqu'il vient au monde, la Finlande est sous le joug russe depuis un peu plus d'un demi-siècle. Mais, pendant les six siècles précédents, c'est la Suède qui dominait le pays. Sibelius va vivre dans un contexte familial suédois, d'extraction et de culture : sur la centaine de mélodies environ qu'il va composer, l'écrasante majorité empruntera des textes en suédois. Dès lors, même si la montée de son art coïncide avec celle du nationalisme littéraire (à la suite de la publication par Elias Lönnrot du Kalevala, vaste épopée finnoise, il est aussi vain de nier que Sibelius se rapproche de la lignée dont Franz Berwald – suédois – est à l'origine des grands symphonistes nordiques pan-nationaux au côté de Carl Nielsen, son exact contemporain, qu'il est absurde d'en faire un antirusse alors que bien des similitudes avec sa musique apparaissent dans certaines œuvres de Borodine, de Rimski-Korsakov ou de Tchaïkovski.
Enfin, Sibelius a été un grand voyageur sensible aux divers courants esthétiques qui ont traversé l'Europe. Lorsqu'il compose des musiques de scène, là encore, il choisit Strindberg, Maeterlinck, Hofmannsthal, Shakespeare. Il ne négligera aucun des courants qui ont éveillé sa curiosité et enrichira d'autant son art, qui va à chaque fois y gagner en universalité.

Sa vie

Johan Julius Christian Sibelius Janne pour ses amis et Jean1 en français, pour son activité musicale naît à Hämeenlinna Tavastehus en suédois au nord d'Helsingfors, dans une famille parlant le suédois. En 1870, le tout jeune Jean reçoit ses premières leçons de piano d'une tante, Julia Sibelius. C'est au contact de son oncle Pehr violoniste amateur, qu'il découvre l'instrument pour lequel il écrira un célèbre concerto et de nombreuses pièces avec orchestre, le violon. À dix ans il écrit au piano sa première œuvre Gouttes d'eau. En 1876, dans un contexte social qui promeut la culture finnoise, ses parents l'inscrivent dans une école où les cours sont en finnois. Il poursuit ensuite sa scolarité au lycée normal de Hämeenlinna jusqu'en 1885

Sa formation musicale

C'est pendant cette période, vers 1880, qu'il entreprend d'étudier sérieusement la musique. Il prend ses premiers cours de violon avec le chef de la musique militaire Gustav Leander ; ayant acquis une certaine technique, il se met à jouer de la musique de chambre avec son frère et sa sœur et dès 1883 s'essaie à la composition avec un trio.
Il fait une rencontre importante avec le virtuose du piano Ferruccio Busoni qui impressionne tant Sibelius qu'il renonce définitivement à l'idée de devenir un jour soliste virtuose du violon. Étudiant en droit peu studieux à l'université impériale Alexandre à Helsinki, il s'inscrit à l'institut de musique de Martin Wegelius en classe de violon où il suit les cours de Mitrofan Vassiliev. Sibelius dès lors se tourne définitivement vers sa passion, la musique. Il compose sa première œuvre d'importance, un quatuor en la mineur qui récolte un succès certain lors d'un concert public.
Il travaille aussi l'harmonie avec Wegelius, mais faute de classe d'orchestration, Sibelius reste encore cantonné dans un environnement de musique de chambre. Il se rend à Berlin pour étudier avec Albert Becker de 1889 à 1890 ; il a l'occasion d'écouter les concerts du grand chef d'orchestre allemand Hans von Bulow qui joue Richard Strauss et Antonín Dvořák ; dans cette ville qu'il trouve trop bruyante à son goût, il compose un quintette pour piano et cordes. De retour en Finlande, il écrit son quatuor à cordes en si bémol majeur. L'année suivante, il part pour Vienne pour travailler avec Karl Goldmark de 1890 à 1891
Il sollicite une entrevue avec Brahms qui ne répond pas. Mais c'est la révélation de la musique de Anton Bruckner avec sa troisième symphonie qui sera le fait marquant de ce voyage. L'année 1890 marque un tournant dans sa vie de compositeur. Il compose ses premières œuvres pour orchestre, une simple ouverture, certes imparfaite, mais avec beaucoup de bonnes choses selon l'avis de son professeur et une scène de ballet. Il s'intéresse de plus en plus aux mythes et légendes finlandaises comme le Kalevala écrit par Elias Lönnrot et s'oriente dès lors de plus en plus vers un art authentiquement finlandais dans ses racines et ses références nationales, « tout ce qui est finlandais m'est donc sacré, le monde primitif finlandais a pénétré ma chair et mon cœur écrit-il à Aino

Un style musical naissant

Il travaille à sa première composition symphonique Kullervo. Il échoue à devenir violoniste dans l'orchestre philharmonique de Vienne. De retour à Helsinki en 1892, il épouse Aino Järnefelt et compose ses premiers Lieder. L'année suivante, il écrit son premier poème symphonique En saga teinté de couleurs d'Islande5, quelques pièces pour piano dont la sonate en fa majeur op. 12 et des impromptus.

Terre sauvage de Carélie

C'est à cette époque que se manifeste un penchant pour la boisson. En 1893, il s'attelle à un projet d'opéra La Construction du bateau dont le livret s'inspire du Kalevala. Trop lyrique, pas assez dramatique jugeront certains, le projet sera abandonné. Il écrit une musique de scène Karelia en hommage à la Carélie, province peu industrialisée et sauvage, berceau de nombreux chants populaires. En 1894, il se rend à Bayreuth pour écouter la musique de Richard Wagner : le choc artistique est fort. Subjugué par Parsifal et Tristan et Isolde il est dans un premier temps conquis par le génie wagnérien puis s'en détache pour finalement se rapprocher de l'univers musical de Franz Liszt tel qu'il se traduit dans la Faust-Symphonie. En 1895, de retour en Finlande, après un détour par l'Italie, il compose une œuvre orchestrale d'envergure la suite Lemminkäinen op. 22 dont l'une des parties, Le Cygne de Tuonela, devait connaître un succès immense.
En 1896, il compose le seul opéra de sa carrière, en un acte, La Jeune Fille dans la tour qui ne sera joué que trois fois à Helsinki. Bien que plébiscité, il échoue à obtenir le poste de professeur de musique à l'université d'Helsinki à la suite de l'intervention du chef d'orchestre finlandais Robert Kajanus auprès de l'administrateur russe à Saint-Pétersbourg. Le commentaire du jury ne laisse aucun doute à ce sujet en la personne de Sibelius est donné à notre pays un musicien dont le riche talent dépasse tout ce que notre musique a pu produire jusqu'ici. En 1897, il compose la musique de scène pour la pièce le Roi Christian II.
De retour à Berlin au printemps 1898, il signe un contrat avec le célèbre éditeur allemand Breitkopf & Härtel. En août, le tsar Nicolas II publie le Manifeste de février qui prive la Finlande de tout droit à l'autonomie. En réaction, Sibelius compose le Chant des Athéniens dans lequel la Russie est comparée aux Perses primitifs de l'Antiquité.

Finlandia édition originaleUn univers symphonique

En 1899, il fait jouer sa première symphonie op. 39 qui reçoit un accueil triomphal. Sa musique opère pour la première fois une synthèse réussie entre son style primitif et les exigences de la symphonie postromantique. La police tsariste accentuant sa répression en instaurant la censure et en supprimant des journaux, la riposte s'organise autour d'une célébration pour la presse spectacle chorégraphique pour lequel Sibelius écrit une musique de scène en 7 tableaux. Afin de présenter une musique emblématique de la Finlande à l'exposition universelle de 1900, Sibelius en reprend des extraits pour composer Finlandia. Début 1901, il s'installe avec sa famille en Italie où il travaille sa deuxième symphonie op. 43. Il fait la rencontre d'Antonín Dvořák et de Richard Strauss au festival de Heidelberg. La rencontre est des plus amicales, Sibelius note il s'est montré très aimable et m'a parlé de ses œuvres avec la plus grande franchise

Le gouverneur-général Bobrikov.

L'année suivante, en 1902, l'exécution de la deuxième symphonie obtient un vrai triomphe public. Puis il s’attelle à l'une de ses œuvres emblématiques, son Concerto pour violon et orchestre op. 47, enchaîne avec une musique de scène Kuolema la mort, qui contient la célèbre Valse triste. En 1903 pour échapper à l'atmosphère pesante de la capitale, il se fait construire une villa au nord d'Helsinki qu'il baptise du nom de sa femme Ainola et où il s'installe définitivement avec sa famille quelques mois plus tard. Ses problèmes avec l'alcool ne s'estompent pas. Il confie à son frère Christian tu vois, mon penchant pour la boisson a des racines très profondes et très dangereuses. En février 1904, il dirige son concerto pour violon qui reçoit initialement un accueil public plutôt chaleureux mais devant le peu de succès rencontré lors des représentations suivantes, Sibelius décide de le réviser. Le Grand-duché de Finlande, qui appartient à l'Empire russe depuis 1809, est, à partir de 1898, sous la coupe autoritaire du gouverneur général du duché, le général russe Nikolaï Bobrikov dont les pouvoirs en 1903 ont pris une forme absolutiste. En juin, ce dernier est assassiné par un jeune patriote finlandais Eugen Schauman pour lequel Sibelius écrira en 1909 une marche funèbre In memoriam.
Sa deuxième symphonie suscite à Berlin l'année suivante des réactions plutôt contrastées tandis que sa nouvelle composition Pelléas et Mélisande d'après Maurice Maeterlinck rencontre un franc succès. C'est l'heure de la découverte des œuvres de ses contemporains. Il s'émerveille devant la musique de Claude Debussy, se passionne pour Arnold Schönberg, s'enthousiasme pour le grand orchestre de Richard Strauss. En octobre, son concerto pour violon dans sa version définitive est donné à Berlin avec Richard Strauss à la direction. Si la critique est favorable, l'accueil du public est en revanche plutôt réservé. Il enchaîne avec une nouvelle œuvre inspirée du Kalevala, La Fille de Pohjola op. 49 suivie en 1907 de la troisième symphonie qui ne suscite pas d'enthousiasme populaire.

Gustav Mahler.

Sa rencontre amicale avec Gustav Mahler, qui apprécie sa musique, met en lumière deux visions de la musique radicalement différentes. Pour Gustav Mahler, la musique doit embrasser tout l'univers, pour Sibelius en revanche, cela doit être le dépouillement, l'ascèse, l'expression rigoureuse de l'essentiel, l'art du non-dit et de l'aphorisme. En 1908, Sibelius, qui se remet difficilement d'une opération pour un cancer à la gorge, entame l'écriture d'un nouveau poème symphonique Chevauchée nocturne et lever de soleil puis termine l'année suivante son quatuor à cordes Voces intimae, œuvre d'un caractère sombre et douloureux.

Tradition et modernité

L'année 1910 verra naître une œuvre maîtresse de la musique moderne, fascinante et intemporelle, la quatrième symphonie op. 63, achevée en 1911. Partout où elle est jouée, c'est la réserve, l'incompréhension et même l'hostilité. En septembre, il achève une suite d'orchestre Scènes historiques où il reprend des thèmes d'une musique composée en 1899 en l'honneur de la presse finnoise. Il se rend à Berlin puis à Paris où sa musique reste encore peu jouée.

Sibelius à Ainola en 1907.

De retour chez lui en Finlande, il traverse une période de dépression mais le printemps suivant, il se remet promptement à la tâche en terminant L'Amant, chanson pour cordes et timbales, et en travaillant sur la suite Scènes historiques II. Accablé depuis longtemps par les soucis financiers, il reçoit avec intérêt de l'académie de musique de Vienne l'offre pour un poste de professeur de composition. Finalement, il y renonce préférant se consacrer entièrement à l'écriture musicale.

Le Kalevala

Il n'a pas moins de deux symphonies en chantier, la cinquième et la sixième symphonie. Le 29 mars 1912, sont données en première audition les Scènes historiques, c'est un grand succès. Trois sonatines pour piano verront le jour peu après puis il part pour l'Angleterre où en octobre il dirige sa quatrième symphonie qui reçoit un accueil des plus enthousiastes.
À Helsinki, en 1913, est joué son nouveau poème symphonique le Barde qui récolte les éloges tandis que sa quatrième symphonie boudée par les Viennois et l'Amérique est en revanche acclamée par le public finlandais. Durant l'été, il compose un ouvrage ambitieux de longue durée, une symphonie lyrique Luonnotar fille de la nature pour soprano et orchestre; de la même année date Scaramouche écrit pour le Théâtre royal du Danemark.
Au printemps 1914, il se rend aux États-Unis sur l'invitation de Horatio Parker qui lui commande une nouvelle œuvre pour le festival de musique de Norfolk les Océanides, c'est enfin le succès sans réserves et la reconnaissance outre-atlantique du génie sibélien. Consécration suprême, il est fait docteur honoris causa de l'université Yale. Un projet de grande tournée américaine est envisagé mais l'attentat à Sarajevo sonne le glas de la paix en Europe. C'est la Première Guerre mondiale et pour Jean Sibelius, quatre années d'isolement et de solitude.

Les années de guerre

Un voyage à Göteborg en 1915 sera l'une des rares occasions pour Sibelius de renouer le contact avec le monde extérieur et son public. Il travaille ardemment sur sa cinquième symphonie et c'est en apercevant des cygnes voguer sur un étang qu'il trouve, tout exalté par sa découverte, le thème du finale. Le 23 mai, sa fille ainée Eva11 donne naissance à une petite fille, et l'auteur de En saga devient grand-père. Le 15 août, il note dans son journal : je suis si pauvre, si pauvre que je suis obligé d'écrire de petites pièces.
Le 8 décembre 1915, la représentation de la cinquième symphonie à la bourse d'Helsinki donne lieu à une soirée des plus officielles où Sibelius est unanimement reconnu comme le porte-flambeau de la musique finlandaise. À la suite de la défection américaine, les soucis d'argent s'aggravent et des amis parmi lesquels la chanteuse Ida Ekman organisent dans l'urgence une grande collecte nationale à son profit. Durant l'été 1916, il retravaille la cinquième symphonie et à sa première audition à Helsinki les critiques sont si vives qu'il décide de la réécrire ; entre temps il compose une musique pour la pièce de théâtre Everyman. Son penchant pour la boisson crée de telles tensions avec son épouse Aino qu'il envisage le divorce, mais en 1917, les bruits de la Révolution russe et les espoirs de liberté qu'elle fait naître pour les finlandais occupent dès lors tous les esprits. À l'actif du compositeur s'ajoutent Humoresques et un cycle de mélodies op. 88.
La situation politique finlandaise se dramatise : les Gardes rouges pro-soviétiques sont prêts à en découdre avec les Gardes blancs nationalistes. Pour Sibelius, en composant une musique sur un texte de Heikki Nurmio, Jääkärien marssi la Marche des chasseurs, la cause est entendue : la Finlande. Les événements se précipitent. Le 7 novembre 1917, le gouvernement de Kerenski à Moscou est renversé, les Soviets prennent le pouvoir et deviennent les nouveaux maîtres de l'Empire russe. Alors que le 15 novembre la Finlande annonce au nouveau pouvoir des Soviets sa volonté d'indépendance, le Parlement finlandais déclare être seul dépositaire du pouvoir suprême sur le pays. Le 6 décembre 1917, la Finlande est officiellement indépendante.

La Finlande libre

Le 18, Sibelius écrit : je suis malade et incapable de travailler, mais dans ma tête, j'ai la cinquième et sixième symphonie. Déprimé, il pense un temps au suicide mais se ravise en pensant à Aino et aux enfants. En janvier 1918, les Gardes rouges s'emparent du pouvoir ; la censure est installée ; des troupes nationalistes ont attaqué des garnisons rouges, c'est la guerre civile, Sibelius est placé en résidence surveillée puis se réfugie chez son frère. C'est le temps du rationnement et Sibelius perd beaucoup de poids.
En avril 1918, les Gardes rouges sont vaincus, après les réjouissances de la liberté retrouvée, en ce printemps Sibelius s'active toujours sur la cinquième symphonie qui ne cesse d'être remaniée. Fin avril, après d'incessantes retouches et révisions, la symphonie est enfin achevée. En juin 1919, il part avec Aino au Danemark et au retour, sa cantate Sang Jordens est donnée à la nouvelle académie d'Åbo. En novembre, est jouée la cinquième symphonie, c'est le triomphe. Il s'empresse dès lors d'écrire la sixième symphonie. En 1920, il compose la Valse lyrique et durant l'été, dirige ses œuvres à la première foire industrielle de Finlande.

La consécration

Reconnu dans la sphère anglo-saxonne comme l'un des compositeurs majeurs de ce début de siècle, les offres affluent. La Eastman School of Music aux États-Unis lui propose un poste de professeur et Londres le sollicite pour être chef d'orchestre invité. Il accepte cette dernière offre. Sur le plan matériel, pour ses cinquante-cinq ans, quelques patrons finlandais lui font un don de 19 000 marks. L'année suivante, il se rend à Berlin pour régler quelques menus détails de contrat avec son éditeur Breitkopf & Hartel puis fait une tournée réussie en Grande-Bretagne en y dirigeant ses grandes compositions. Il s'offre quelques moments de détente avec des amis en Norvège ; les concerts qu'il y donne sont chaudement salués, puis il rentre en Finlande.
Il compose, il dirige, participe à quelques soirées bien arrosées. Pour Sibelius, c'est un cycle perpétuel. Il termine la Valse chevaleresque au printemps 1920, il apprend que son frère Christian est atteint d'un mal incurable qui finalement l'emporte le 2 juillet. En 1922, il devient franc-maçon et compose de la musique rituelle pour ses frères de loge. En décembre, on lui commande une Cantate de Noël, il décide en relisant des brouillons d'écrire un quatuor à cordes qu'il intitule Andante festivo. En 1938, il en tire un arrangement pour cordes et timbales. Début 1923, la sixième symphonie est enfin achevée et jouée devant un parterre d'auditeurs et de critiques conquis, il se rend à Stockholm où il est ovationné puis se rend à Rome où amoindri et fatigué, l'accueil est plutôt mitigé. En revanche, à Göteborg, il est acclamé par le public suédois.
Sibelius travaille maintenant à sa septième symphonie. Pour calmer ses mains tremblantes, il boit, suivant en cela les avis des médecins. Il achève la partition de sa symphonie au printemps 1924, qu'il dirige à Stockholm avec succès. Il apprend avec douleur la nouvelle de la mort de Ferrucio Busoni, puis après une tournée au Danemark, le tremblement de ses mains le force à envisager de mettre un terme à la direction d'orchestre.

La Tempête.

À l'automne, il compose la Fantaisie symphonique. En 1925, l'éditeur Hansen et le Théâtre royal danois sollicitent Sibelius pour une musique d'accompagnement de la pièce la Tempête de William Shakespeare. Il y travaille activement et la première audition est présentée au printemps 1926. À l'occasion de ses soixante ans, est organisée une collecte nationale qui rapporte 275 000 marks à Sibelius, ajoutée à cela une pension d'État de 100 000 marks ; Sibelius est désormais à l'abri du besoin.
Au début de l'année 1926, l'Orchestre philharmonique de New York lui passe commande d'un poème symphonique d'une vingtaine de minutes. Ayant accepté, il part pour Rome afin de s'y consacrer. À l'automne, la commande est bouclée et elle s'appellera Tapiola. On la joue à New York où elle reçoit un accueil mitigé de la part des critiques. Début 1927, il écrit sa Massonic Ritual Music op. 113 ou Musique religieuse. Pendant l'été, il met la touche finale à sa musique de scène pour La Tempête.

La symphonie no 8

Au début de 1928, il part pour Berlin dans le but résolu d'écrire une nouvelle symphonie, mais c'est d'abord une petite pièce chorale le Gardien du pont qui voit le jour, puis se met au travail à une huitième symphonie. En 1929, il écrit cinq esquisses op. 114, une sonate pour violon et piano op. 115. Il met en chantier un op. 117, mais aucun éditeur ne s'étant proposé de publier la partition, Sibelius la délaisse. Sibelius ne devait plus jamais proposer à l'édition d'œuvres nouvelles achevées.
Il ne cesse pas de composer et en 1930, il produit une œuvre pour chœur d'hommes et piano Fate Carélie. En 1931, il écrit une pièce pour deux pianos et une pièce pour orgue Surusoitto. Son travail sur la symphonie progresse mais il est victime d'une grave attaque de pleurésie pulmonaire. On essaie une nouvelle thérapie qui manque de lui coûter la vie. Il récupère, mais n'a plus envie de composer quoi que ce soit. Il écrit au futur créateur de la symphonie, Serge Koussevitzky, que celle-ci est toujours à l’ouvrage et qu'elle sera achevée en 1932. Mais en janvier 1932, nouveau message dans lequel il annonce laconiquement au chef d'orchestre pas de symphonie cette année.
En 1933, la symphonie se fait toujours attendre. Pourtant, il confie à un ami qu'elle est sur le point d'être terminée. Il remet un feuillet de 23 pages à son copiste pour la transcription, puis plus rien. Il se consacre désormais à la révision de ses anciennes compositions et les fait éditer. En 1939, il écrit une nouvelle version de la Suite Lemminkäinen. En janvier 1939, il retrouve la baguette de chef d'orchestre pour diriger l'orchestre Radio symphonique finnois.
En 1940, Martti Paavola invité chez Sibelius aperçoit dans un coffre laissé ouvert des partitions. Le conflit mondial est l'occasion pour l'Allemagne nazie de renforcer ses liens culturels avec la Finlande au point que sur une requête du ministre des Affaires étrangères finlandais, Joseph Goebbels, ministre de la propagande, décide de créer la Société Sibelius en Allemagne. Dans un message de remerciement radiodiffusé, Sibelius évoque l'Allemagne comme la terre glorieuse de musique. Il condamne un an plus tard dans son journal la politique raciale menée par le régime hitlérien. En 1942, il écrit des arrangements sur des chants de Noël. Sibelius ne renonce pas à terminer la huitième symphonie. En aout 1945, il avoue avoir à de nombreuses reprises achevé la huitième symphonie, mais qu'à chaque fois, insatisfait il jette tout au feu.

Le chant du cygne

Il compose en 1946 deux pièces de musique rituelle maçonnique Veljesvirsi et Ylistyshymni pour chant et harmonium, qui sont ses toutes dernières compositions originales. En 1948, il réorchestre Skidspårt ensamt ett une piste de ski solitaire pour récitant, harpe et cordes. Ses contacts avec le monde extérieur peu à peu se raréfient sauf à l'occasion d'un festival de musique les semaines Sibelius à Helsinki au cours duquel il reçoit à Ainola quelques invités de marque comme les violonistes Yehudi Menuhin, Isaac Stern, les chefs d'orchestre Eugene Ormandy ou bien Thomas Beecham. À l'occasion de ses 85 ans, en décembre 1950, le président finlandais Juho Kusti Paasikivi lui fait l'honneur de se rendre en visite officielle chez lui à Ainola. En 1951 il écrit un arrangement de son op. 91b Marssi partiolaisten pour deux voix de femme et piano et en 1954 à l'âge de 89 ans il réarrange un cantique de Noël Julvisa pour chœur d'enfants et pendant l'été 1957, il dicte à Jussi Jalas la musique d'un arrangement sur Valitus kullervon pour baryton et orchestre. Le 20 septembre 1957, Jean Sibelius se retire définitivement dans le silence après une vie entière consacrée à composer de la musique.

Affirmation d'une personnalité

En 1889, Sibelius découvre en fouillant dans des vieux tiroirs qu'un de ses oncles, grand voyageur, avait internationalisé en Jean son prénom Johan : Sibelius décide de faire de même et lui aussi, cette même année, commence à voyager. À Berlin, il étudie le contrepoint avec Alfred Becker pendant l'hiver 1889-1890 et compose un quintette pour piano et cordes. L'hiver suivant, il est à Vienne : en dépit d'une lettre de recommandation de Busoni, il est éconduit par Brahms, et c'est auprès de Robert Fuchs et de Karl Goldmark que Sibelius se perfectionne. Il compose ses premières partitions orchestrales et lance les premières ébauches de Kullervo. De retour en Finlande, il donne, en avril 1892, sa symphonie Kullervo pour soprano, baryton, chœur d'hommes et orchestre : les quelque quatre-vingt-dix minutes de la partition transportent le public qui veut y voir l'acte de naissance de la musique finnoise. L'œuvre, saluée avec un enthousiasme patriotique, sera reprise mais disparaîtra complètement de l'affiche du vivant de Sibelius qui n'en était ni satisfait, ni désireux de la réviser ! Quelques semaines après ce premier succès, Sibelius épouse Aïno Järnefelt : ils auront six filles et vivront ensemble pendant soixante-cinq ans ! Cette même année 1892, Sibelius est nommé professeur à l'Institut. Le 16 février 1893, il exécute En Saga (« Une légende »), une œuvre grand public que semblait appeler sa notoriété grandissante ; insatisfait encore une fois, il retire la partition. Il faut attendre 1902 pour voir naître la version entièrement révisée que nous connaissons aujourd'hui.
Avec la Suite de Lemminkäinen (1893-1896), moins bien accueillie en Finlande que Kullervo, Sibelius atteint la dimension universelle de son génie. Les deux derniers des quatre mouvements de cette suite – Le Cygne de Tuonela et Le Retour de Lemminkäinen – vont connaître une brillante carrière internationale. Entre-temps, au cours d'un voyage à Bayreuth et à Munich, Sibelius avait entendu Tristan : il avoue n'éprouver aucune sympathie pour l'art de Wagner. Il ne faut donc pas s'étonner si Lemminkäinen – bien que l'exprimant par des moyens fort différents – témoigne d'une sensibilité beaucoup plus proche de l'expressionnisme français que du wagnérisme, définitivement étranger à Sibelius après la tentative infructueuse de la composition d'un opéra (La Construction du bateau) et malgré La Jeune Fille et la tour, opéra achevé en 1896 mais que Sibelius refusera toujours de faire reconnaître. Cette même année, Sibelius échoue devant Robert Kajanus à la succession de Friedrich Richard Faltin comme professeur à l'Université, mais en 1897 il reçoit une rente annuelle qui sera dix ans plus tard transformée en pension à vie, ce qui lui évitera bien des soucis matériels.

Le cycle des symphonies

En 1899, Sibelius achève sa Première Symphonie, en mi mineur. Il entamait là un cycle qui va porter la marque de l'évolution de son art et le fait apparaître comme le second grand symphoniste du tournant de siècle, au côté de Gustav Mahler. C'est néanmoins Finlandia, poème symphonique publié en 1900, qui allait marquer le début de sa carrière internationale, favorisée par la présence du pavillon finlandais à l'Exposition universelle de Paris où se produisit l'Orchestre philharmonique d'Helsinki dont il était le second chef accompagnateur. La Deuxième Symphonie, en ré majeur (1901), porte les marques de l'infatigable voyageur que devient Sibelius : mûrie depuis son retour de Paris, poursuivie en Italie après un voyage en Allemagne, elle repose sur un grand nombre de réminiscences, bien qu'il lui dénie toute intention de programme.
En 1903, pour illustrer une scène de la pièce Kuolema, la mort de Armas Järnefelt (son beau-frère), Sibelius achève un « tempo di valse lente qui, rebaptisé Valse triste, allait devenir inséparable de son renom, alors que ce petit mouvement est à ranger aux côtés des nombreuses valses qu'il écrivait, souvent pour se détendre et qui rappellent simplement le goût avoué que Sibelius avait pour celles de Strauss. En 1904, Sibelius se souvient de son instrument favori : le résultat est le Concerto pour violon, œuvre virtuose dans laquelle soliste et orchestre ne se renvoient pratiquement jamais les mêmes thèmes. Au printemps de la même année, il quitte Helsinki pour faire construire à Järvanpää la villa qu'il habitera jusqu'à sa mort. Et, à l'automne, il commence sa Troisième Symphonie, en ut majeur, présentée au public le 25 septembre 1907. Sibelius y atteint une extrême concentration (l'œuvre dure moins d'une demi-heure) et prône un dépouillement de l'orchestre (absence de tuba, prédominance des cordes) qui annonce Karl Amadeus Hartmann. Entre-temps, après Berlin et l'Angleterre, il attache son nom, à la suite de Fauré, Debussy et Schönberg, à une musique de scène de Pelléas et Mélisande. Un mois plus tard, Mahler est à Helsinki, le temps pour Sibelius de constater que leurs conceptions de la symphonie s'opposent... Après de nouveaux voyages en Angleterre (au cours de l'un d'eux, il achève son quatuor à cordes Voces Intimae), Sibelius commence en 1910 sa Quatrième Symphonie, en la mineur. Il la termine l'année suivante après l'avoir poursuivie en Norvège, à Berlin, en Suède et à Riga ! L'austérité de l'œuvre, sa concision et sans doute aussi son incertitude tonale déconcertent le public qui passe à côté d'une des plus intéressantes créations de Sibelius. Il faut attendre 1913 et les cinquante ans du compositeur pour que voie le jour la Cinquième Symphonie, en mi bémol majeur, qui sera celle qui lui donnera le plus de mal. (L'annonce de la Première Guerre mondiale, qui est pour lui une complète surprise, l'a profondément perturbé et n'a sûrement pas simplifié sa tâche.) De ses années passées en Angleterre et aux États-Unis émerge Luonnotar, un chef-d'œuvre absolu pour soprano et orchestre donné en 1913 au festival de Gloucester et dont on s'étonne encore qu'il ne soit pas plus joué aujourd'hui.
La révolution russe de 1917 a eu de tragiques conséquences en Finlande. Une guerre civile d'indépendance particulièrement meurtrière allait décimer le pays avant que ne soit proclamée la république le 25 juillet 1919. Quatre mois plus tard sera donnée la version définitive de la Cinquième Symphonie. Elle sera suivie de la Sixième Symphonie en 1923 (après un dernier voyage en Angleterre et une tournée en Suède et en Norvège), qui correspond dans sa simplicité à l'idéal de clarté, d'équilibre et de concentration auquel tendait Sibelius depuis la Quatrième Symphonie. L'unique mouvement, d'une grandeur très dépouillée, de la Septième Symphonie, en ut majeur appelée d'abord Fantasia sinfonica, achevée en 1924 confirme définitivement cet idéal.
Il y aura encore Tapiola en 1926, sorte de testament avant la lettre, retour final à la mythologie finnoise abordée dans Kullervo, apothéose d'un génie qui désormais va se taire. Sibelius, à qui il reste trente ans à vivre, ne va plus écrire. Sensible à tous les courants qui ont marqué son époque, il a senti, avec sagesse, que le moment était venu pour lui de se tenir à l'écart, plutôt sans doute que de se voir dépassé. C'est l'explication la plus plausible à ce silence, sur lequel on n'a pas fini d'épiloguer. Sibelius meurt le 20 septembre 1957. Michel Vincent

Analyse Œuvre Esthétique

Outre son concerto pour violon, qui reste la plus jouée de ses œuvres, Sibelius est surtout connu pour les sept Symphonies dont il est l'auteur il en détruisit une huitième. Il composa par ailleurs de nombreux poèmes symphoniques très représentatifs de son style, inspirés par des scènes du Kalevala, épopée nationale finnoise constituée de plusieurs corps de récits. Mais Sibelius, dont on exagère souvent le nationalisme et l'enracinement dans la tradition musicale finlandaise, fut au contraire attentif aux révolutions musicales qui marquèrent l'Europe de son temps, et même si son style demeure profondément original, on peut y entendre l'écho des œuvres de Wagner, de Debussy ou de Tchaïkovski.
Jean Sibélius, vilipendé par les uns, encensé par les autres, est aujourd'hui considéré comme l'un des grands symphonistes du début du xxe siècle. Son langage musical reste néanmoins profondément tonal, et la musicologie des années 1950-60 peinait à faire de son œuvre l'égale en importance de celle de son contemporain Gustav Mahler, qui épuise le genre symphonique romantique par un double mouvement d'expansion universel et de concentration de la forme à l'inverse de l'esthétique sibélienne, d'un dépouillement ramené à l'essentiel proche de l'ascèse Olin Downes a parlé d'un monolithe pan-consonnant à propos de Tapiola. D'après Neville Cardus, Sibelius aurait lui-même évoqué la pure eau froide de sa sixième symphonie, aux harmonies modales qui ressuscitent l'ancienne polyphonie grégorienne, publiée en réaction aux cocktails musicaux de son temps.
Pourtant, rien ne serait plus faux que de ne voir en Sibelius qu'un musicien tourné vers le passé, sourd aux révolutions esthétiques de Debussy, Stravinski ou Schoenberg. Il hérite certes des genres consacrés par la tradition classique (symphonie et concerto, mais il impose dans la plupart de ses œuvres orchestrales un contrepoint minimal, une atmosphère chargée reposant sur l'accumulation des strates sonores, et une forme de cyclicité qui contredisent le primat de la mélodie et rendent la suite des métamorphoses harmoniques seule responsable de la tension dramatique. Des trouvailles mélodiques comme la Deuxième Sérénade pour Violon, op. 69b en sol mineur et des thèmes inoubliables parsèment néanmoins son œuvre, à l'image de ceux qui inaugurent dans une atmosphère diaphane de vitrail son Concerto pour violon et sa sixième symphonie, ou de ceux qui achèvent dans une clameur hymnique certaines de ses symphonies la Deuxième et la Cinquième en particulier. Sa première symphonie, pendant scandinave des Rêves d'hiver de Tchaïkovski, est avec la Troisième sans doute la plus classique de ses créations et la moins caractéristique du mysticisme écologique auquel il parviendra par des moyens purement musicaux quatrième symphonie et sans rien devoir à une foi religieuse ni jamais écrire de musique sacrée si l'on excepte une œuvre maçonnique achevée en 1927 ayant pour titre Musique religieuse, op. 113, devenue célèbre sous l’appellation Massonic Ritual Music. Dans ses dernières œuvres Septième symphonie, Tapiola, les mouvements s'enchaînent insensiblement les uns aux autres et les compositions tirent leur unité d'un développement organique comparable à celui d'une cellule vivante procédé qui a été celui du Debussy des Jeux, et sera celui du Strauss des Métamorphoses.
Ses plus grands chefs-d'œuvre sont sans doute ses Deuxième, Quatrième, Cinquième et Septième symphonies, ainsi que son Concerto pour violon, mais aussi parmi ses autres œuvres, ses cantates notamment Oma Maa et Snöfrid dont certaines appartiennent au cycle du Kalevala comme Kullervo vaste poème symphonique avec chœur et solistes grâce auquel il obtint à vingt-six ans une grande notoriété, Luonnotar, poème symphonique avec soprano racontant la création du monde, La Fille de Pohjola et surtout son ultime poème symphonique, Tapiola, monolithe sonore immobile, immémorial et mystérieux, sorte d'équivalent musical à celui mis en scène par Kubrick dans 2001, l'Odyssée de l'espace film dont la musique emprunte d'ailleurs des passages de la quatrième symphonie.
Son poème symphonique Finlandia, écrit en 1899-1900, devint le symbole de la résistance finlandaise vis-à-vis du suzerain russe. Son œuvre la plus connue du grand public est, avec la Valse triste tirée de la musique de scène Kuolema, le Cygne de Tuonela, extrait d'une suite en quatre tableaux Légendes des Lemminkainen. Citons aussi Les Océanides, Chevauchée nocturne et Lever du soleil, Pelléas et Mélisande, La Reine captive, L'Origine du feu, Le Barde, La Nymphe des bois, En Saga, sa musique de scène La Tempête, Chanson de printemps, ainsi que Voces intimae, le plus connu de ses quatuor à cordes, Korpo, un trio de jeunesse, et un Quintette pour piano en sol mineur généralement méconnu. Il travailla également à un projet d'opéra qu'il n'acheva jamais, La Construction du bateau, dont le prélude original constitue en fait Le Cygne de Tuonela. Toutefois, une œuvre lyrique en un acte, La Jeune Fille dans la tour existe bel et bien même si elle n'est pratiquement jamais jouée.
Beaucoup de compositeurs de la seconde moitié du xxe siècle trouvèrent en Sibelius un digne précurseur tandis que les compositeurs de musique de film pillèrent sans complexes une œuvre riche de thèmes épiques et grandioses à l'exemple des dernières mesures du premier mouvement de la Troisième symphonie. Qualifiée souvent de panthéiste, cette musique vide d'hommes qui célèbre la nature dans sa force primitive et dépeint les rumeurs légendaires qui la parcourent, est d'une puissance et d'une austérité qui se conjuguent en de vastes incantations aux beautés secrètes et inépuisables. En cela, il annonce déjà certains compositeurs de musique minimaliste comme Ligeti Atmosphères, Requiem…, duquel il sera d'ailleurs souvent rapproché dans les musiques de films comme, une fois encore, 2001, l'Odyssée de l'espace.
L'un de ses élèves les plus brillants est le compositeur Leevi Madetoja, également finlandais. Les interprètes de Sibelius se partagent entre ceux qui exaltent son particularisme finnois Paavo Berglund notamment et ceux qui l'orientent vers le style symphonique viennois post-romantique comme Lorin Maazel en signant une intégrale de ses Symphonies à la tête du Philharmonique de Vienne. Il faut citer aussi Herbert von Karajan que Sibelius lui-même a tantôt loué tantôt rejeté, très proche de son esthétique nordique à l'anonymat un peu lunaire, Leonard Bernstein, beaucoup plus passionné, et plus récemment sir Colin Davis, Paavo Järvi, Neeme Järvi et Osmo Vänskä. Une interprétation historique de En Saga par Wilhelm Furtwängler datée de 1943 est toujours disponible, ainsi qu'une Deuxième symphonie par Arturo Toscanini. Au piano, seul Glenn Gould s'est fait le défenseur de partitions mineures, Sonatines, Suite Kyllikki de même que les cycles de mélodies, peu fréquentées par les grands noms de l'art lyrique, ont été enregistrées presque intégralement par Anne Sofie von Otter. La plupart des Lieder de Sibelius n'ont été orchestrés que nombre d'années après leur composition par des amis du compositeur, à l'exception toutefois de ceux composés pour Aino Ackté pour qui Luonnotar notamment fut créé.

Compositions marquantes

Symphonies
Symphonie no 1 en mi mineur, op. 39 1899
Symphonie no 2 en ré majeur, op. 43 1902
Symphonie no 3 en ut majeur, op. 52 1906
Symphonie no 4 en la mineur, op. 63 1911
Symphonie no 5 en mi bémol majeur, op. 82 1915; révisée en 1916 et 1919
Symphonie no 6 en ré mineur, op. 104 1923
Symphonie no 7 en ut majeur, op. 105 1924
Concertos
Concerto pour violon en ré mineur, op. 47 1903-1904, révisé en 1905

Pièces symphoniques

En saga 1892-1901
Karelia, op. 11
Kullervo 1892
Suite Lemminkäinen, op. 22 1893 dont la pièce la plus connue est le Cygne de Tuonela
Finlandia, op. 26 1899, devenue rapidement un hymne officieux de la Finlande cf. Maamme
La Fille de Pohjola, op. 49
Svanevit Cygne Blanc, Suite pour orchestre, op. 54 1908
Chevauchée nocturne et Lever de soleil, op. 55 1908
Luonnotar, op. 70 1913
Les Océanides, op. 73 1914
Musique de scène pour « la Tempête » 1925 dont sont issues deux suites op. 109 no 2 et 3
Tapiola, op. 112 1925-1926

Divers

En etsi valtaa loistoa 1895, chant de Noël populaire
Jääkärin marssi La Marche des chasseurs 1915
Voces intimae 1909, quatuor à cordes
Suite Rakastava, op. 14
Kuolema La Mort, op. 44 qui inclut la Valse triste, op. 44 no 1
Romance pour orchestre à cordes en do majeur op. 42
Sérénade no 1 pour violon et orchestre en Ré Maj. op. 69a
Sérénade no 1 pour violon et orchestre en Sol min. op.69b
Humoresque no 1 pour violon et orchestre en Ré min. op.87/1
Humoresque no 2 pour violon et orchestre en Ré Maj. op.87/2
Humoresque no 3 pour violon et orchestre en Sol Maj. op.89a
Humoresque no 4 pour violon et orchestre en Sol min. op.89b
Humoresque no 5 pour violon et orchestre en Mi Bémol Maj. op.89c
Humoresque no 6 pour violon et orchestre en Sol min. op.89d
Impromptu pour orchestre à cordes Andante Lirico 1893
Suite pour violon et orchestre à corde op.117

Liste des œuvres

Liste des œuvres de Jean Sibelius

Personnalité

La musique de Sibelius reçut assez tôt un accueil très favorable en Allemagne. Mais à partir de 1933 avec les nazis au pouvoir se pose la question des relations du compositeur avec le régime hitlérien. La polémique se cristallise autour des travaux de TL Jackson de l'université de North Texas qui sur la base d'archives essentiellement allemandes soutient la thèse d'un Sibelius plus que complaisant avec les autorités nazies. Président adjoint en 1934 aux côtés de Richard Strauss du Council of composer's international coopération, une association pour la promotion de la musique nationale-socialiste, récipiendaire de la médaille Goethe en 1935, création d'une société Sibelius en 194218, Sibelius ne rejeta point les honneurs du régime nazi.
Pour sa défense Veijo Murtomaki, professeur d'histoire de la musique à l'académie Sibelius, rejette toutes ses accusations en notant que la thèse de Jackson uniquement documentaliste est surprenante pour des Finlandais qui connaissent mieux que quiconque la situation économique et culturelle de la Finlande de 1933 à 1945, que Sibelius était un homme d'orgueil très flatté par sa grande popularité en Allemagne et qu'il a tout fait pour en tirer le maximum de profit personnel, notamment financier et qu'en définitive on ne peut pas présenter Sibelius comme un soutien du régime nazi.

Bibliographie.

Jean de La Varende, La Valse triste de Sibelius, Genève et Paris, La Palatine, 1953, 201 p.
Marc Vignal, Jean Sibelius, Fayard, 2004, 1177 p.
Jean-Luc Caron, Sibelius, Arles : Actes Sud, coll. « Classica répertoire », 2005, 123 p.
Richard Millet, Sibelius : les cygnes et le silence, Gallimard, 2014

Fiction

Timo Koivusalo, Sibelius, Finlande, 2003.



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Posté le : 18/09/2015 22:39

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Edmée de la Rochefoucauld
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Le 20 septembre 1991 meurt à Paris Edmée de La Rochefoucauld

née Edmée Frisch de Fels le 28 avril 1895 à Paris, femme de lettres française, duchesse de La Rochefoucauld par son mariage avec le duc Jean de La Rochefoucauld.

Sa vie

Fille cadette du comte Edmond de Fels et de la comtesse, née Jeanne Lebaudy, Edmée Frisch de Fels est née à Paris XVII au 3 rue de Monchanin, et passera son enfance dans le splendide hôtel de Rigny, résidence de ses parents au no 135 rue du Faubourg-Saint-Honoré.
Elle a une enfance dorée dans un milieu très cultivé, passionné d'art son père fut un spécialiste de l'architecture du XVIIIe siècle et extrêmement fortuné par l'héritage maternel des sucres Lebaudy.
Le 26 décembre 1917, Edmée de Fels épouse le comte Jean de La Rochefoucauld 1887-1970, qui deviendra le treizième duc de La Rochefoucauld à la disparition de son père en 1926, et dont elle aura quatre enfants : Isabelle, François, Philippe et Solange.
Solange de La Rochefoucauld deviendra à son tour une femme de lettres, connue sous son nom d'épouse : Solange Fasquelle.

Mathématiques et peinture d'art

S'intéressant aux mathématiques, Edmée de La Rochefoucauld publie en 1926 Fonction de x et Nombre. Elle s'adonne également à la peinture, prenant les leçons du peintre symboliste Lucien Lévy-Dhurmer, qui lui enseigne les techniques du pointillisme et du chromatisme. Le portrait qu'elle peint de Paul Valéry obtient une mention au concours de la mairie de Paris et orne la couverture d'un des livres qu'elle lui a consacrés, Images de Valéry.
Elle est l'auteur, entre autres, d'un portrait de l'abbé Mugnier.

Féminisme

Edmée de La Rochefoucauld dirige, à partir de 1927, l'Union nationale pour le vote des femmes et publie un manifeste féministe : La femme et ses droits.

Littérature, philosophie et poésie

Mais elle s'illustre surtout dans la littérature, notamment la poésie. Abel Bonnard qui l'encourage à publier ses poésies. Ses premiers recueils, suivis d'essais littéraires, paraissent chez l'éditeur Kra sous le pseudonyme de Gilbert Mauge. L'influence de Paul Valéry est manifeste dans une œuvre hantée par la mort et la fuite du temps, notamment dans des recueils comme : La Vie humaine 1928.

Elle fut pendant des années la présidente du jury du prix Femina.

Avec son frère André elle posséda la société éditrice de la Revue de Paris, revue littéraire.
À la demande de Pierre de Boisdeffre, elle publie des études littéraires mettant à profit sa familiarité avec les écrivains de son temps : En lisant les cahiers de Paul Valéry 3 vol., 1964, un essai sur Léon-Paul Fargue, une biographie d'Anna de Noailles.
Elle s'intéresse également à la philosophie morale avec des textes comme : Le Voyage dans l'esprit 1931, Les Moralistes de l'intelligence 1945, Pluralités de l'être 1957, Spectateurs 1972, De l'ennui 1976, L'Acquiescement 1978.
Elle connut et fréquenta des gens aussi divers que le peintre Georges Mathieu, l'ethnologue Marcel Griaule ou l'écrivain André Malraux et s'intéressait aussi à la culture canaque.
Trois volumes de mémoires paraissent en 1982, 1984 et 1989, sous le titre général de Flashes. Les anecdotes et les portraits y sont finalement peu abondants, alors que la duchesse de La Rochefoucauld a, pendant des décennies, reçu le Tout-Paris des lettres et de la pensée dans les salons de son hôtel particulier 8 place des États-Unis, réputé être l'antichambre de l'Académie française.

Disparition

Edmée de La Rochefoucauld est morte le 20 septembre 1991 à Paris et a été inhumée dans le caveau des La Rochefoucauld au château de Montmirail.

Distinctions

À partir de 1927 : dirige l'Union nationale pour le vote des femmes
1962 : élue à l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique2 le 10 novembre.
Présidente du jury du Prix Femina
Depuis 2000 : le Prix Edmée-de-La-Rochefoucauld récompense chaque année un écrivain pour son premier roman.

Œuvres sélection

1926 : Fonction de x et Nombre mathématique
Images de Valéry
1928 : La Vie humaine philosophie morale aux éditions Kra sous le pseudonyme de Gilbert Mauge
1929 : Une enquête relative aux raisons qu'invoquent les Françaises pour obtenir le droit de suffrage, Paris, Alcan, 18 p.
1931 : Le Voyage dans l'esprit philosophie morale
1935 : A la veille du suffrage féminin, l'Avenir français, Paris, Pedone, 201 p.
1935 : "Le vote des femmes", L'encyclopédie française, t. X, chap. II.
1937 : "La capacité civile de la femme mariée", La Revue de Paris, 15 mars.
1939 : La femme et ses droits manifeste féministe
1945 : Les Moralistes de l'intelligence philosophie morale
1957 : Pluralités de l'être philosophie morale
1964 : En lisant les cahiers de Paul Valéry, Paris, éditions universitaires, 1964, 3 vol.
1964 : essai sur Léon-Paul Fargue
1964 : biographie d'Anna de Noailles.
1972 : Spectateurs philosophie morale
1976 : De l'ennui philosophie morale
1978 : L'Acquiescement philosophie morale
1982, 1984 et 1989 : Flashes mémoires en trois volumes



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Posté le : 18/09/2015 22:02

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Re: Les bons mots de Grenouille
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Grenouille , un méga merci.
Pour une fois que je trouve le temps de tout lire, je ne le regrette vraiment pas.
Un vrai plaisir, tu es une championne pour dénicher des trouvailles surprenantes et pleines d'esprit.
Les mots d'esprit sont pour moi une gourmandise, j'ai retrouvé la faconde spirituelle des chansonniers d'autrefois, ces chansonniers qui ont illuminé mon adolescence et ont décidé de mon goût pour l'élégance du bel esprit à la française. J'ai dégusté le poème de Robert Rocca, quel bonheur, la finesse et l''a propos sont la fierté de la brillante rhétorique française, ne le perdons pas !! ne le perdons pas surtout !! Suivons le trace lumineuse des Talleyrand, Churchill, Tristan Bernard etc ... ...
L'église est une merveille, le poème de Rosemonde Gérard, quoique connu est toujours aussi délicieux, le poème du Vigneron est bien fait pour notre KJtiti, et Beaudelaire, Ronsard ... waouh !
Il y a beaucoup de découvertes dans cette page quand aux animaux ils sont à craquer, les photos si charmantes, quel beau regard, quelle belle mimique de bonheur !
Bon anniversaire à ta rubrique que tu mènes avec un beau professionnalisme.
Merci

Posté le : 18/09/2015 10:43
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Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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