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10/01/16ClownGrock,B.Bill,GabrielaMistral,M-JChénier,Jean-L.Gérome,S.Lewis,CarlVonLinné,CocoChanel
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pluton            venus 82               pluton               venus 82

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Le  10  jANVIER 1880  naît  Charles Wettach dit  GROCK
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3_5694180dce955.jpg 500X350 pxLe   10 Janvier  1778  meurt   Carl  LINNaeus
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Posté le : 16/01/2016 22:41
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Pedro Calderon
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Le 17 janvier 1600 naît Pedro Calderón de la Barca de Henao y Riaño,

à Madrid, mort à 81 ans, à Madrid le 25 mai 1681, poète et dramaturge espagnol, son Œuvre principale est " La vie est un songe "
Extraordinairement prolifique, auteur de plus de deux cents textes dramatiques, il est en particulier connu pour sa pièce La vie est un songe 1635. Calderón est le plus grand des dramaturges espagnols : ses origines, son expérience et sa culture rendent compte des idées, des sentiments, des thèmes et des sujets qu'il expose et développe dans cent vingt comédies, quatre-vingts autos sacramentales et quelques intermèdes. Sa souche paysanne et castillane fait de lui un parvenu, soucieux de ne le paraître pas et, pourtant, enclin à défendre la digne paysannerie contre les mauvais seigneurs. Sa jeunesse turbulente à Madrid, sa carrière à la Cour, son entrée tardive dans les ordres et la charge qu'il assume auprès de Philippe IV et de Charles II expliquent les comédies de philosophie politique, les pièces lyriques et à grand spectacle et les drames historiques et hagiographiques. À la noblesse, il donne des leçons de noblesse, au clergé, des leçons d'orthodoxie, et au petit peuple, des leçons d'humilité. Ajoutons qu'il fut élevé par les Jésuites et qu'il tâta sans conviction de la carrière des armes. Enfin, pour lui comme pour ses contemporains, tout dans la vie et dans l'histoire est tragi-comédie.


En bref

Calderón se propose d'énoncer et de résoudre sur la scène, et à l'intention d'un public compréhensif, des problèmes types nés alors des contradictions intérieures de la société et de l'homme dans ses rapports avec les autres, avec le monde.
Ainsi, Dame ou fantôme La Dama duende enseigne aux filles à berner l'autorité des frères et des parents, mais pour la bonne cause, le mariage. Maison à deux issues Casa con dos puertas fixe une limite à l'audace des garçons en âge de s'émanciper. Le Médecin de son honneur El Médico de su honra, 1635 montre comment, dans un cas extrême, un homme peut défendre son honneur sans contrevenir à ses devoirs de vassal quand son épouse est sollicitée d'amour par un prince royal on tue simplement la pauvre femme innocente. La vie est un songe (La vida es sueño, 1636) détourne le souverain de la tentation du machiavélisme : Dieu a voulu l'hérédité de la couronne et non expressément la prospérité de l'État ; et puis la notion de Bien, qui n'est pas absente de nos rêves, doit guider notre vie. Le Mage prodigieux (El Mágico prodigioso démontre le caractère fallacieux et dangereux de la science conçue comme finalité et non comme moyen. La Dévotion à la Croix (La Devoción de la Cruz), souligne la miraculeuse importance de la piété extérieure et rituelle, signe efficace d'une présence spirituelle chez l'être le plus fourvoyé. L'Alcade de Zalamea 1644) oppose paysans et soldats ; le roi tranche, de droit divin, le conflit entre la juridiction civile et la juridiction militaire, et c'est en faveur de la dignité humaine, de l'honneur, patrimoine commun. Écho et Narcisse, comédie lyrique et spectaculaire, célèbre la fête anniversaire d'une petite infante et traite des problèmes psychologiques d'une jeunesse trop choyée, gâtée. La Statue de Prométhée souligne les insuffisances de la théologie païenne au niveau du gouvernement des hommes : il convient de conjuguer les armes avec les lettres, l'action avec la pensée dans une commune soumission à l'autorité divine et à la Providence, seule loi de l'histoire.
Les hommes du peuple sont toujours présents dans les comédies de cape et d'épée, courtoises, philosophiques, bibliques, hagiographiques, mythologiques, historiques ou légendaires. Mais ils apparaissent comme des bouffons graciosos, pleutres et bassement matérialistes, toutefois doués de bon sens et d'une excellente intuition, car Dieu parle par la bouche des simples d'esprit et des simples en esprit.
Les « autos sacramentales » Les autos sacramentales sont, sous la plume de Calderón, des pièces allégoriques de plus de mille vers, que l'on représentait le jour de la Fête-Dieu dans les rues des villes et des villages et dont le dénouement implique l'intervention divine matérialisée par l'Eucharistie. Le poète part de n'importe quelle donnée : de circonstance, biblique, mythologique ou de pure fantaisie. Il constitue en personnages les Vertus et les Vices, le Saint-Esprit, la Grâce et le Démon, la Raison et l'Erreur, bref, tout ce qui, à l'état labile et sans cesse altéré, intervient dans nos débats intérieurs, dans notre « psychomachie ». Or nous ne pouvons recouvrer notre équilibre intérieur et notre unité que dans la foi et parce que – mystère de la transsubstantiation – nos nourritures terrestres se muent en forces spirituelles.
Dans l'auto La vie est un songe, Calderón reprend, sous forme allégorique, l'intrigue de son fameux drame ; et l'on voit le Libre-Arbitre réduit à l'état d'esclave par les passions : l'Intelligence, éclairée par la Grâce survenue dans son sommeil, le libère de ses chaînes ; il peut alors hériter de Dieu le Père ses pouvoirs ici-bas. Dans Le Grand Théâtre du monde El Gran Teatro del mundo, un baladin, le sieur Monde, met en scène des intrigues fantastiques où tout est fiction, tout est apparence : c'est l'image de notre vie. Dans Le monde est une foire El Gran Mercado del mundo, la société des hommes est le lieu de toutes les tromperies et de tous les abus ; mais on peut y conclure aussi d'honorables marchés.
Le genre des autos, si populaire aux XVIIe et XVIIIe siècles, suppose une culture différente de la nôtre. Il fut cependant l'expression littéraire la plus adéquate de la vie intérieure, avec ses conflits et ses dépassements, dans un temps où la psychologie n'était pas confondue avec la physiologie.
Calderón a tenté d'imiter l'opéra italien dans de courtes pièces dites zarzuelas, du nom de la maison des champs du roi d'Espagne où elles furent représentées pour la première fois. Mais son génie dramatique confère au libretto plus d'importance qu'à la musique ou à la mise en scène. Ainsi en est-il de À quoi la rose doit son pourpre ? La Púrpura de la rosa : Mars, changé en sanglier, tue Adonis, dont Vénus, infidèle, s'était éprise. Le beau garçon est transformé en anémone, qui ne dure qu'un printemps. Or Vénus, se portant au secours du bien-aimé, s'est blessé le talon aux épines du chemin ; depuis, les gouttes de sang ont coloré les roses.
Le théâtre de Calderón est profondément enraciné dans le Madrid du XVIIe siècle, ville et cour des Habsbourg décadents. Éloigné de tout réalisme, il présente l'image idéale que la nation espagnole se faisait d'elle-même, noble, pieuse, fidèle à son roi, prodondément démocratique et égalitaire ; il la défend contre ses tentations de renouveau : plutôt supporter les contraintes et les conventions traditionnelles, sans doute éternelles, que de se soumettre à l'arbitraire de la grande aristocratie et au faux prestige de l'argent. Charles Vincent AUBRUN

Sa vie

Un lettré de petite noblesse
Son père occupe une charge dans l'administration des finances et sa mère est d'origine flamande et appartient à la petite noblesse. Il a trois sœurs et deux frères, qui deviendront l'un avocat, l'autre officier. Il perd ses parents tôt : sa mère en 1610, son père en 1615. Dans son testament, ce dernier l'engage à suivre la carrière ecclésiastique, ce que Calderón ne fera pas, du moins dans l'immédiat.
Entre 1608 et 1614, il reçoit une excellente éducation au collège impérial de la Compagnie de Jésus de Madrid, où il est initié au latin, à la rhétorique et à la lecture des classiques. Il entreprend ensuite des études de droit à Alcalá de Henares, puis à Salamanque, sans cependant les terminer. La rigueur et la logique de l'argumentation de ses textes, la vaste culture qu'ils révèlent sont la marque de l'empreinte profonde laissée par ces années de formation.

Entre plume et épée

Il compose sa première pièce à 14 ans. De sa jeunesse, on connaît quelques épisodes tumultueux et dignes de l'une de ses comédies de cape et d'épée. Ainsi, en 1621, impliqué avec ses frères dans une affaire d'homicide, il doit vendre la charge de son père pour indemniser la famille de la victime. En 1629, l'un de ses frères est blessé par un acteur qui cherche ensuite refuge dans le couvent des religieuses trinitaires, à l'intérieur duquel Pedro, suivi de près par la police, le poursuit : il sera accusé d'avoir violé un lieu sacré.
Ses démêlés avec la justice et l'Église n'entament ni sa vocation poétique ni la faveur dont il jouit bientôt auprès de son souverain. Dès l'âge de vingt ans, il participe à des concours de poésie, puis il écrit ses premières œuvres dramatiques. Amour, Honneur et Pouvoir, sa première comédie, est représentée en 1623 au Palais royal, comme le seront par la suite la plupart de ses œuvres. Calderón ne tarde pas à devenir le dramaturge favori de la cour, surtout après la mort de Lope de Vega en 1635. Entre 1630 et 1640, il écrit ses œuvres majeures, dont une première partie est publiée dès 1636. Philippe IV, ayant remarqué son talent, l'appelle à la cour en 1636, le comble de faveurs et de distinctions, et fournit aux dépenses nécessaires pour la représentation de ses pièces. L'année suivante, il devient chevalier de l'ordre de Saint-Jacques, après quelques difficultés : l'emploi de son père le rendant indigne de recevoir l'habit de chevalier, il doit obtenir de Rome une dispense.
En 1640 et 1641, il s'engage comme simple soldat, et participe aux campagnes contre la rébellion des Catalans, où il est blessé à la main. Sa brève expérience militaire s'arrête là.
Nanti de charges officielles à la cour de Philippe IV, puis de Charles II, il y exercera avec succès ses talents de dramaturge.

Retraite spirituelle

Quant à sa vie privée, elle demeure peu connue. On lui connaît un fils naturel, nommé comme lui Pedro, né vers 1647 d'une mère dont on ignore tout, et mort à peine dix ans plus tard. En 1651, Calderón entre dans les ordres et ce n'est qu'une fois ordonné prêtre qu'il reconnaîtra avoir eu ce fils, qu'il lui était arrivé auparavant de présenter comme son neveu. À partir de cette date commence pour le dramaturge une vie de retraite, sa « biographie du silence ». Un temps chapelain à la cathédrale de Tolède, il s'en retourne à Madrid en raison de problèmes de santé. Cessant d'écrire directement pour les corrales théâtres populaires comme dans sa première époque, il se consacre dès lors exclusivement à la composition d'autos sacramentales et de divertissements pour la cour.
Fait chapelain honoraire de Philippe IV en 1663, il jouit auprès du public d'une popularité durable, et des recueils de ses œuvres sont régulièrement édités. En 1680, la dernière pièce de Calderón est représentée au théâtre du Buen Retiro, devant le roi Charles II. Un an plus tard, le 25 mai, il expire à Madrid, à l'âge de quatre-vingt-un ans.

Un théâtre baroque

Goethe, Schiller, Schlegel ont su reconnaître, par-delà les aspects désuets ou exotiques du drame de Calderón, sa forme exemplaire et son contenu profondément humain ; le romantisme européen en a tiré parti dans sa lutte contre l'étroite formule classique. Aujourd'hui, c'est l'aspect baroque de ce théâtre que l'on retient de préférence.
La pièce caldéronienne s'intègre à un ensemble, le spectacle, où les éléments lyriques, et même chorégraphiques, et la mise en scène jouent aussi leur rôle. La distance s'accroît entre le public, devenu passif en son admiration, et les planches, où des êtres comme irréels, magnifiquement vêtus, parlent entre eux un langage hermétique, somptueux, sublime. C'est trop d'illusion comique ; aussi Calderón s'emploie-t-il à détromper son auditeur et à le réveiller afin qu'il applique la leçon du drame à son cas personnel sans quoi le spectacle perdrait sa raison d'être.
Lorsqu'il s'agit d'une comédie de cape et d'épée, le sens littéral est doublé d'un sens moral aisément perceptible : les jeunes gens qui jettent leur gourme et les filles à marier créent un désordre dans les familles et dans les rues que le mariage fait cesser, sanction à la fois divine et sociale. Dans la comédie historique ou politique, la restauration de l'ordre divin se fait par le moyen du meurtre ou de la guerre, même si l'individu innocent doit périr. La comédie philosophique remet à leur place l'être et le paraître, l'essence et ses aspects contingents ; elle fait entrevoir le Dieu caché qui donne un sens aux errements des personnages, et donc une justification aux compromis par quoi nous achetons notre paix spirituelle. Dans les pièces mythologiques, les dieux querelleurs révèlent au dénouement leur condition d'entités fictives et provisoires, fantoches dans les mains du Dieu inconnu.

Calderón emprunte cette cosmogonie, cette théologie et cette anthropologie à saint Thomas, à saint Augustin et à leurs exégètes universitaires espagnols du XVIe siècle. Elles n'ont rien d'original si ce n'est la forme dramatique et le style qu'il a su leur donner.
D'abord, il crée des personnages en fonction du thème choisi. En vain y chercherait-on une cohérence psychologique : ils doutent, ils s'égarent, ils se trompent sur eux-mêmes et sur les autres, et si la lumière se fait en eux, ce n'est pas l'effet de leur raisonnement, c'est qu'ils sont soudain éclairés par la grâce de Dieu. Ou bien ils sont victimes de leur embrouillamini, de l'imbroglio créé par leur esprit de système, leur égocentrisme, leur orgueil : les coups de théâtre qui les déconcertent soulignent dramatiquement leur ineptie. L'alternance de ces moments forts – péripéties tragiques – et de moments faibles – récits épiques et morceaux lyriques – donne un rythme secret à la pièce. En outre, les trois actes sont faufilés par des moments – éclairs où surgit et resurgit le sentiment d'une harmonie latente, secrète, au sein de la confusion, et qui annonce l'heureux dénouement final. L'intrigue se passe partout et nulle part : le lieu unique, c'est l'esprit même des spectateurs. Le temps s'étire sur des siècles ou sur des journées ; car sa notion est abolie tout comme dans nos rêves ; et la tragi-comédie n'est au fond qu'une sorte de rêve collectif, organisé pour l'ensemble du public. L' action est le plus souvent double ; la superposition de deux intrigues donne une apparence de profondeur, une perspective illimitée au tableau dramatique à douze ou seize personnages, microcosme forcément superficiel.
Tel est le traitement dramatique que Calderón fait subir au réel, à la fois concret et onirique, tel qu'il le perçoit, tel qu'à sa suite le perçoit son public.

Un théâtre poétique

La langue poétique sert avant tout d'instrument pour l'exploration d'un monde mal connu : elle est faite d'un vaste réseau ou filet de concepts, d'« affects » et de sensations, qui recouvre ce monde, le fixe, permet de l'appréhender. Le vocabulaire est limité et traditionnel ; le personnage comique lui-même transgresse à peine les bornes du décorum de la bienséance, tracées par les « précieux » pétrarquisants et gongorisants. Car la seule « réalité » madrilène du XVIIe siècle admise par la convention est faite de pastorale, de chevalerie et, pour une part variable, de novella bourgeoise à l'italienne. Calderón veut ignorer le vocabulaire de l'artisan, du marchand, du banquier, du paysan et de l'ouvrier. Il use au théâtre d'un seul langage, dont les variations se situent dans le même registre : laquais, cochers, hidalgos ruinés, soldats, duègnes, précepteurs, médecins, étudiants en droit et en théologie, demoiselles lectrices de romans et de « romances », caballeros bretteurs, tous parlent en vers, avec gaucherie ou bien avec adresse, une seule langue, la langue idéale de la noblesse, telle qu'elle a été fixée, non certes par l'aristocratie dans les couloirs du palais royal, mais par Lope de Vega et ses émules depuis la fin du XVIe siècle.
La syntaxe se caractérise par l'incessant va-et-vient de l'analyse, qui énumère, classe, démembre et juxtapose, et de la synthèse, avec ses remembrements, ses récapitulations, ses conclusions de syllogismes, ses pointes et ses concetti totalisateurs. Cela ne va pas sans détours, car Calderón voudrait tout embrasser de la réalité perçue. La phrase tourne donc sur elle-même, à la manière d'une colonne salomonique, dans un retable rutilant d'or et de décoration luxuriante. C'est l'écriture que l'on dit parfois « baroque ». Aussi bien la période se déroule-t-elle dans un balancement savant, comme un ballet, avec ses accords, ses « discords », ses divergences et ses convergences. Quant aux images, elles témoignent d'une vision typiquement aristotélicienne. Calderón réfère les objets à des absolus : à un nom symbolique ou archétype, précédé d'un article défini au singulier ou pluriel et collectif, ou au nom d'un objet-étalon (la perle, l'or, la nacre, la rosée, le pourpre. La comparaison toute relative entre aspects ou apparences des objets est exclue (elle relèverait d'une vision toute cartésienne du monde.
L'œuvre de Calderón de la Barca est de qualité très inégale. La hâte, la commande et le peu de prix que l'on attachait à la comédie dans les cercles littéraires expliquent les négligences de l'écrivain. Ajoutons que les éditions subreptices ou non contrôlées ont dénaturé la plupart des originaux. Mais, pour suranné que soit le répertoire et difficile l'accès de cette poésie dramatique, la grandeur et la sincérité de la vision tragi-comique ont gardé leur puissance émotive. Et les hommes y recourront chaque fois que, saisis de désarroi dans un monde bouché, dans une société sans issue, ils chercheront refuge dans le rêve magnifique d'une réconciliation des contraires, dans l'apaisement onirique de leurs passions désordonnées et dans le magique spectacle de drame, enfin dénoué, de leur tragi-comédie. Charles Vincent Aubrun

Honneur et pouvoir

Bien enraciné par sa culture dans la tradition dramatique espagnole, il la renouvelle par une production théâtrale considérable et variée, riche de quelque deux cents pièces : autos sacramentales, comédies et intermèdes, pièces lyriques agrémentées de chorégraphies, drames historiques et moraux, ses commandes pour les fêtes royales ou religieuses sont autant d'œuvres baroques, intensément poétiques, qui révèlent le génie d'un auteur profondément chrétien et font de lui l'un des maîtres du théâtre espagnol. Sigismond, le héros de son chef-d'œuvre, La vie est un songe, est devenu le symbole universel de l'homme et de sa condition.
Parmi ses autres pièces, les plus connues sont Héraclius, sujet déjà traité par Corneille ; L'Alcade de Zalamea, imitée par Collot d'Herbois dans le Paysan magistrat ; Le Prince constant, Les Armes de la beauté, Le Médecin de son Honneur, Le Purgatoire de Saint Patrice, La Dévotion de la croix. Calderón a beaucoup écrit, qu'il s'agisse de comédies de cape et d'épée ou de pièces à caractère hagiographique (le Magicien prodigieux, historique le Siège de Breda ou mythologique Écho et Narcisse. Il a également composé des poèmes et les livrets de courtes pièces musicales, les zarzuelas. Caldéron s'est aussi exercé dans plusieurs autres genres de poésies. On trouve dans cet auteur beaucoup d'imagination et d'esprit, un rare talent pour nouer et dénouer une intrigue, une poésie facile et harmonieuse.
On distingue dans cette œuvre foisonnante deux périodes. Avant 1640, ses drames présentent un conflit dont on suit l'évolution jusqu'à sa résolution finale. Dans la deuxième partie de sa carrière, le spectacle l'emporte sur l'intrigue et les autos sacramentales destinés à l'édification religieuse prédominent alors dans sa production.

Œuvres traduites en français

Théâtre espagnol du XVIIe siècle, t. II, introduction générale par Jean Canavaggio, Paris, Éditions Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1999, 2048 p.
Ce volume contient les pièces suivantes de Pedro Calderón de la Barca :
Maison à deux portes, maison difficile à garder Casa con dos puertas, mala es de guardar, 1629
Le Prince constant El príncipe constante, 1629
Le Festin du roi Balthasar La cena del rey Baltasar, 1632
Aimer par-delà la mort Amar después de la muerte o El tuzaní de la Alpujarra, 1632
Les Cheveux d'Absalom Los cabellos de Absalón, 1633
La Dévotion à la Croix La devoción de la cruz, 1634
La vie est un songe La vida es sueño, 1636
Le Magicien prodigieux El mágico prodigioso, 1637
Le Médecin de son honneur El médico de su honra, 1637
Le Dernier Duel en Espagne El Postrer duelo de España, 1639
L'Alcade de Zalamea El Alcade de Zalamea, 1651
Le Grand Théâtre du monde El gran teatro del mundo, 1655
Écho et Narcisse Eco y Narciso, 1661
Intermède du Petit Dragon Entremés del dragoncillo
Intermède du Défi de Juan Rana Entremés del desafío de Juan Rana
Autres pièces traduites
La Nef du marchand El gran mercado del mundo, 1635, Paris, E, Lyon-Claesen, 1898
La Dame fantôme La Dama duenda, 1629, Paris, Hatier, 1922 ; autre traduction sous le titre La Dame lutin, Paris, Éditions théâtrales, 2009 ; autre traduction sous le titre La Lutine, Paris, Éditions de l'Amandier, 2010
Le Fantôme amoureux El galán fantasma, 1637, Paris, Cicero, 1992
Les Innocents coupables (Peor está que estaba, 1640, Paris, Cicero, 1992
La Magie sans magie, El encanto sin encanto, Paris, Cicero, 1992
Le Peintre de son déshonneur El pintor de su deshonra, 1637, Paris, Éditions théâtrales, 2004
La Tour de Babel La Torre de Babilonia, Paris l'Harmattan, 2007
Le Schisme d'Angleterre ou l'Histoire d'Henri VIII (La Cisma de Ingalaterra, 1659), Paris, L'Arche, 1960 ; autre traduction, Paris, Éditions théâtrales, 2009



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Posté le : 16/01/2016 19:38

Edité par Loriane sur 17-01-2016 13:54:34
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Anne Brontë
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Le 17 janvier 1820 naît Anne Brontë

à Thornton dans le Yorkshire, morte le 28 mai 1849 à 29 ans à Scarborough, Yorkshire, femme de lettres de langue anglaise, écrivain britannique de romans, tout comme ses sœurs Emily Brontë et Charlotte Brontë, une femme de lettres britannique.
Elle est fortement marquée par son expérience de gouvernante, qu'elle décrit en particulier dans Agnes Grey avec un fort souci de véracité, en soulignant la lourde responsabilité des parents dans le manque de rectitude morale chez les enfants de certaines familles riches.
Son second roman, The Tenant of Wildfell Hall La Recluse de Wildfell Hall, est marqué par la déchéance de son frère Branwell.
Très proche de sa sœur Emily, au point qu'on les a comparées à des jumelles, elle participe avec elle au cycle de Gondal.

Les Brontë.
L'expérience prématurée de la mort.

Anne naît dans le village de Thornton, dans le Yorkshire, dernière de six frère et sœurs, destinés à être l'une des plus célèbres familles littéraires de Grande-Bretagne, la famille Brontë.
Sa mère, Maria Branwell Brontë, meurt d'un cancer un an plus tard, en 1821, après l'installation de la famille à Haworth, où leur père, Patrick Brontë, a été nommé vicaire perpétuel. Dans sa petite enfance, ses deux sœurs aînées, Maria et Elizabeth, meurent de la tuberculose beaucoup de choses ont été écrites sur l'influence de ces décès sur les enfants et sur leurs futurs écrits.
Leur père, Patrick Brontë, et leur tante maternelle, Elizabeth Branwell, décident de laisser aux enfants une grande liberté.

Les royaumes imaginaires de Glass Town, puis de Gondal

Glass Town et Gondal royaume imaginaire.
Un cadeau, offert par leur père à Branwell douze soldats de bois, en juin 1826, stimule leur imagination : à partir de décembre 1827, Charlotte, Emily, Anne et leur frère Branwell commencent à créer des mondes imaginaires, avec la « confédération de Glass Town », qu'ils mettent en scène dans des récits, des poèmes, des articles de journaux, des pièces de théâtre.
En 1831, Charlotte les quitte pour poursuivre ses études chez Miss Wooler à Roe Head. Emily et Anne font alors sécession et créent le pays de Gondal, plus rude et plus austère qu'Angria, et dirigé par une femme, Augusta Geraldine Almeda. Le nouveau cycle est mené parallèlement par Emily et par Anne, malgré leurs séparations fréquentes. Anne, en effet, est longtemps gouvernante dans plusieurs familles. C'est dans la cadre de Gondal que la plupart de leurs poèmes sont élaborés.
Les sœurs d'Anne Brontë, Charlotte et Emily, sont aussi auteurs et poètes. Les poèmes d'Anne sont publiés, en même temps que les leurs, en 1846, sous le pseudonyme d'« Acton Bell ».

Gouvernante

Gouvernante à moins de 19 ans, elle est remerciée de son premier emploi au bout de deux trimestres. Puis elle trouve une place chez le révérend Edmund Robinson, qui a trois filles et un fils de neuf ans, chez lequel elle demeure quatre ans. Peu après la mort de son frère Branwell et de sa sœur Emily en septembre et décembre 1848, Anne Brontë meurt en mai 1849, de la tuberculose comme son frère et ses quatre sœurs, dans la station balnéaire de Scarborough, dans le Yorkshire, où elle s'est rendue, accompagnée de sa sœur Charlotte et de Ellen Nussey, avec l'espoir que l'air marin lui ferait du bien. Elle a été enterrée dans le cimetière de St Mary's à Scarborough.
D'après sa sœur Charlotte, Anne avait un esprit empreint de religiosité, une nature sensible, habitée d'une certaine mélancolie. Plutôt réservée, elle masquait ses pensées et ses sentiments sous une sorte de voile de nonne rarement soulevé.

Inspiration

Les influences littéraires révélées par Agnes Grey et The Tenant of Wildfell Hall sont beaucoup moins nettes que dans les œuvres de ses sœurs : ses deux romans sont largement fondés sur son expérience de gouvernante pour le premier et sur le spectacle de la déchéance de son frère Branwell Brontë pour le second. De plus, ils s'appuient sur un certain réalisme et tentent de présenter les faits racontés sans travestissement. Anne est, en effet, habitée par la conviction, héritée de son père et de son enseignement biblique, qu'un livre doit offrir une leçon morale exemplaire.
Outre l'éducation donnée par Patrick Brontë, Anne subit aussi l'influence de sa tante, Elizabeth Branwell qui est une ardente Méthodiste2. Sa rigueur morale, son sens très Wesleyien de l'amélioration personnelle par l'effort et l'étude sont transmis à tous les membres de la famille et trouvent un écho particulier chez la plus jeune des sœurs.
L'œuvre d'Anne laisse également transparaître l'influence de Walter Scott et des romans gothiques d'Ann Radcliffe, d'Horace Walpole, de Gregory Monk Lewis ou de Charles Maturin, mais de façon beaucoup moins nette que chez Charlotte et Emily.

Œuvres

Poèmes par Currer, Ellis et Acton Bell, 1846
Agnes Grey, 1847
La Recluse de Wildfell Hall The Tenant of Wildfell Hall, 1848

Romans

Moins célèbre que ses deux aînées, elle est l'auteur de deux romans didactiques. Agnès Grey 1847, livre largement autobiographique écrit à la première personne où elle raconte l'histoire de la fille cadette d'un pasteur qui doit gagner sa vie comme gouvernante, traite du problème, assez commun, à l'époque, de ces femmes des classes bourgeoises les moins fortunées qui ne pouvaient espérer un mariage convenable et ne pouvaient compter que sur une place de gouvernante pour subvenir à leurs besoins. L'intrigue est de construction simple, mais révèle déjà une satiriste de premier ordre. Dans la lignée de Jane Austen, et comme sa sœur Charlotte Brontë, Anne Brontë aura été parmi les premiers romanciers à mettre en scène une héroïne sans beauté.
La Recluse de Wildfell Hall The Tenant of Wildfell Hall, 1848 est un ouvrage de structure plus complexe, où se mêlent d'une part le récit, par Gilbert Markham sous la forme d'une lettre à un ami, de ses amours avec Helen Graham de Wildfell Hall et d'autre part, inséré dans le premier sous la forme d'un journal intime, le calvaire d'Helen, devenue Huntingdon, épouse d'un mari débauché et alcoolique. C'est un best-seller, qui fait scandale à cause de son réalisme et de la rébellion d'Helen, celle-ci refusant à son mari l'accès à sa chambre à coucher avant de prendre la fuite avec leur enfant, ce qui à l'époque est tout à fait illégal. On peut y voir une sorte de réplique aux romans de ses sœurs, où la présentation du "vice" est plus romanesque ; dans sa préface à la seconde édition, Anne déclare : "si je puis attirer l'attention du public de quelque façon que ce soit, j'aime mieux lui chuchoter quelques saines vérités que d'innombrables fadaises".

Poèmes

Ses poèmes sont essentiellement lyriques ; elle y exprime l'ennui et la nostalgie qu'elle ressent loin de Haworth, et une bonne partie d'entre eux sont d'inspiration religieuse.

Un poème d'Anne
le dernier qu'elle ait écri)

Last Lines
A dreadful darkness closes in
On my bewildered mind;
O let me suffer and not sin,
Be tortured yet resigned.

Through all this world of blinding mist
Still let me look to thee,
And give me courage to resist
The Tempter, till he flee.

Weary I am — O give me strength,
And leave me not to faint:
Say thou wilt comfort me at length
And pity my complaint.

If thou shouldst bring me back to life,
More humbled I should be,
More wise, more strengthened for the strife,
More apt to lean on thee.

Should Death be standing at the gate,
Thus should I keep my vow;
But hard whate'er my future fate,
So let me serve thee nowN 1.

« Derniers vers »5 : strophes 1, 2, 3 et 16, 17
Une ombre effrayante enserre
Mon esprit tout effaré
Ô que je puisse souffrir sans pécher,
Endurer la torture et me résigner

À travers ce vaste monde de brumes aveuglantes
Encore vers toi, fais que je porte mon regard,
Et accorde-moi le courage de résister
Au Tentateur, pour qu'enfin il s'enfuie.

Lasse est mon âme - Ô accorde-moi
La force de ne point défaillir :
Dis-moi qu'enfin ton réconfort je recevrai,
Et qu'aussi ta pitié écoutera ma plainte.

Si tu devais me ramener à la vie,
Encore plus humble je serais,
Plus sage, et plus forte pour faire front,
Et plus à même de m'appuyer sur toi.

Si la Mort devait à la porte m'attendre,
Ainsi respecterais-je mon vœu ;
Mais si dur que soit le destin qui m'attend,
Fais que je puisse dès à présent te servir

Famille Brontë
Emily Brontë
Charlotte Brontë
Branwell Brontë
Patrick Brontë

LES BRONTË


L'œuvre des sœurs Brontë offre le fascinant exemple d'un texte littéraire voué à la méconnaissance par la puissance même de la mythologie qui a fait sa célébrité. Il est peu de sujets que la critique anglo-saxonne ait abordés depuis un siècle avec un tel luxe d'érudition, d'amour et de curiosité ; il n'en est pas dont elle ait obscurci pareillement le sens. On en jugera d'après le seul fait qu'il n'existe aujourd'hui en langue anglaise aucune édition intégrale d'une œuvre entre toutes commentée, qui compte, comme celles de Dickens, Scott ou Byron, parmi les classiques de la langue et de la sensibilité nationales.

Un refoulement culturel

Cette situation paradoxale s'explique par un phénomène tout à fait remarquable de « refoulement culturel » : la critique anglo-saxonne refuse, en effet, de considérer à la place logique qui leur revient de droit l'ensemble des textes élaborés en commun depuis l'enfance par Charlotte, Patrick Branwell, Anne et Emily Brontë. Ces textes, qui excèdent en volume l'ensemble de l'œuvre romanesque des trois sœurs, constituent un témoignage absolument unique : ils permettent en effet de saisir à sa source la démarche de l'imagination créatrice à travers l'enfance et l'adolescence ; ils éclairent d'autre part l'œuvre publiée qui s'y réfléchit tout entière. Les commentaires qui exaltent cette image de la création enfantine dans la famille d'écrivains la plus extraordinaire de l'histoire littéraire refusent cependant d'en reconnaître tous les signes à leur juste valeur.
Ce refus demande à être analysé comme un symptôme : il répond parfaitement à l'idée romantique et bourgeoise de la littérature, qui trouve dans les illusions du réalisme biographique et son corollaire idéaliste du « mystère de l'œuvre » la raison de ses limites comme de ses répétitions. On comprendra que la critique traditionnelle redouble ses effets devant une œuvre où se révèlent de façon privilégiée les mécanismes logiques de la création littéraire, sitôt qu'on accepte de la lire comme un seul texte à plusieurs voix, dans les perspectives ouvertes par l'analyse structurale, freudienne et linguistique. En fait, l'idéalisme critique garantit ainsi le capital intellectuel et sentimental investi depuis plus d'un siècle dans la somme fabuleuse de ses commentaires, qui tournent tous autour du mythe sans jamais l'affronter résolument. C'est pourquoi toute évocation exacte de l'œuvre des quatre enfants Brontë doit commencer par la destruction d'une image culturelle où la puissance de l'idéologie se mesure à celle de l'autocensure implicite qui pèse sur la diffusion d'une très grande part des textes et limite ainsi l'interprétation qui demande à les saisir tous d'un seul tenant.

[size=SIZE]L'enfance
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Charlotte, Patrick Branwell, Emily Jane et Anne Brontë naissent respectivement les 21 avril 1816, 26 juin 1817, 30 juillet 1818 et 17 janvier 1820, à Thornton, petit village du Yorkshire. La famille compte déjà deux sœurs, Maria et Elizabeth. Le père, Patrick Brontë, né le 17 mars 1777 en Irlande, est l'aîné de neuf enfants. Il entre en 1802, étudiant pauvre mais brillant, au St. John's College de Cambridge, d'où il sort prêtre en 1806. La mère, Maria Branwell, de huit ans sa cadette, originaire de Penzance, en Cornouailles, est la cinquième fille d'une famille de onze enfants où l'on pratique un fervent méthodisme.
C'est en 1820 que la famille s'établit à Haworth, dans le presbytère qui est aujourd'hui un des hauts lieux de pèlerinage pour les fervents des lettres anglaises. Maria Brontë y meurt un an plus tard, atteinte d'un cancer. Sa sœur aînée, Elizabeth Branwell, vient de Penzance pour tenir lieu de mère aux six enfants. Trois ans plus tard, Maria, Elizabeth, Charlotte et Emily partent pour l'école de Cowan Bridge, institution religieuse destinée aux enfants pauvres du clergé anglican. Charlotte a évoqué dans Jane Eyre l'histoire douloureuse de cette année tragique. Les deux sœurs aînées, atteintes de tuberculose, meurent en quelques mois ; Charlotte et Emily, aussitôt rappelées au presbytère, ont vraisemblablement contracté les germes de la maladie qui les emportera toutes.
On peut dater de cette époque le premier témoignage sur la vie littéraire des enfants. Il vient du père, soucieux, bien des années plus tard, de donner à Mrs. Gaskell, la célèbre biographe de Charlotte, des indices précieux sur le génie précoce de sa fille. On en mesurera la valeur à la personne même de ce père qui sut très tôt éveiller la curiosité de ses enfants et leur communiquer cette double passion de la réalité et de l'imaginaire qui se manifeste de façon si naïve dans ses propres écrits, nouvelles morales et poèmes, tous publiés ces années-là.
« Dès leur plus tendre enfance, aussitôt qu'ils surent lire et écrire, Charlotte et ses frère et sœurs inventaient et jouaient de petites pièces dans lesquelles le duc de Wellington, le héros favori de ma fille Charlotte, finissait toujours par être le vainqueur – encore qu'une discussion s'élevât fréquemment au sujet des mérites comparés de celui-ci et de Bonaparte, Hannibal et César. Lorsque la dispute s'envenimait et arrivait à son paroxysme, il me fallait parfois, leur mère étant déjà morte à l'époque, intervenir comme arbitre pour régler la querelle au mieux de mon jugement. Bien souvent, dans le règlement de ces discussions, j'ai cru discerner la naissance de talents tels que j'en avais rarement ou même jamais observé chez des enfants de leur âge. Comme ils avaient peu d'occasions de se trouver en compagnie de gens instruits ou policés, dans leur campagne retirée, ils formaient entre eux une petite société – ce dont ils semblaient être satisfaits et heureux [...]. À l'époque dont je vous parle, lorsque mes enfants composaient et jouaient de petites pièces, Maria avait onze ans, Elizabeth dix, Charlotte huit, mon fils Branwell sept et Anne six (sic). Mais ils poursuivirent cette activité pendant plusieurs années, dès qu'une occasion se présentait. Parfois aussi ils écrivaient de petites œuvres de fiction qu'ils appelaient des romans miniatures. »

Une mythologie privée

Le premier caractère de ces écrits d'enfance, puis d'adolescence, est d'être d'autant plus intensément mimétiques qu'ils sont plus personnels. Ils prennent appui sur un jeu oral dont on ignore tout, qui se redouble dans le jeu plus savant de l'écriture. Ils se présentent comme un vaste système de transformations qui assume la singularité d'une structure familiale en utilisant comme langue un ensemble mouvant de moyens culturels. On se trouve devant une sorte de mythologie privée qui mêle librement l'histoire et la littérature, les religions et les légendes, l'art et la politique, pour répondre à la réalité d'une situation où le désir de chaque enfant trouve ainsi à s'exprimer dans un dialogue collectif. Cette activité littéraire est strictement privée, d'autant moins destinée à la publication qu'elle en assure la fonction à l'intérieur de son propre univers par un ensemble de journaux, d'auteurs, éditeurs et libraires. Le presbytère de Haworth est une société close qui célèbre ses dieux et conjure ses démons par le plus moderne des rites : l'écriture.
Cet ensemble fabuleux est représenté aujourd'hui par quatre à cinq mille pages, prose ou poèmes, qui sont essentiellement l'œuvre de Charlotte et Branwell. Il ne reste en effet presque plus rien des nombreux textes cités par Emily et Anne dans leurs rares journaux ; seuls des poèmes consignés sur des carnets témoignent, fragments erratiques, de la geste perdue.

La division par couples

Les quatre enfants assumeront diversement ce jeu grave et collectif qui est le centre de leur vie. Il semble qu'il faille situer assez tôt la division par couples, Charlotte et Branwell d'une part, Emily et Anne de l'autre. Mais on ne peut situer précisément le moment où les deux cadettes organisent leur propre jeu écrit. La rareté des indices invite d'autant plus à le comprendre par comparaison. Il transforme visiblement celui de leurs aînés, tant sur le plan des personnages que de la situation historique, géographique et politique. Les noms et les actions laissent pressentir un monde moins culturel, plus autonome, qui montre sur ce point avec les écrits des aînés une différence quelque peu similaire à celle qui paraît entre les romans de Charlotte et Wuthering Heights (Les Hauts de Hurlevent). Les « notes d'anniversaire » échangées entre les deux sœurs témoignent qu'Anne, avec la timidité qui lui est propre, Emily, avec cette autonomie qui la rend incomparable, joueront jusqu'à la fin, avec une discrétion qui confine au secret, le jeu de la première enfance.
Les textes de Charlotte et Branwell s'enchaînent l'un à l'autre comme des anneaux, ce qui rend tout à fait impossible de les lire isolément. Ils dessinent une trame d'une complexité extrême, qui transpose les données historiques de la Révolution française et des guerres napoléoniennes au cœur d'une Afrique découpée selon un ensemble de besoins logiques et sémantiques, dans une très grande liberté morale qui emprunte à Byron l'essentiel de ses formes. Branwell qui semble, seul garçon, avoir été l'initiateur du jeu, ne sortira jamais des pièges de cet imaginaire qui viendra se briser sur la réalité du monde. Quand il meurt à vingt-sept ans, terrassé par l'opium, la boisson, le délire et la fièvre, il tente encore d'accommoder les deux images et d'imposer vainement par la publication, tel quel, le rêve de l'enfance à l'objectivité de la littérature. Charlotte attendra d'avoir vingt-quatre ans pour échapper à la fascination exclusive de cet univers captateur. Elle pressent le mal et les germes d'une folie mortelle dans cette activité secrète offerte trop visiblement au désir infantile. La rupture est longue et difficile : entre 1840 et 1846, elle passe du refus de ses premiers écrits au masque salutaire de la publication.

La publication

La publication des Poèmes de Currer, Ellis et Acton Bell, en 1846, consacre la rupture avec Branwell et annonce l'image énigmatique des trois sœurs. Un an plus tard, le succès inouï de Jane Eyre, la publication simultanée de Wuthering Heights et d'Agnes Grey fascinent l'Angleterre qui s'interroge sur l'identité de ces mystérieux auteurs et les motivations secrètes de leurs livres.
Anne publie encore The Tenant of Wildfell Hall (Le Locataire de Wildfell Hall) avant la mort de son frère (24 septembre 1848) et celle d'Emily (19 décembre 1848). Elle s'éteindra à son tour le 28 mai 1849 à l'âge de vingt-neuf ans. La publication de Shirley (1849) complique encore l'énigme. Charlotte, qui vit désormais seule au presbytère entre son père et les servantes, lèvera partiellement un secret désormais sans objet dans l'admirable notice biographique qu'elle écrit pour préfacer les œuvres de ses sœurs (1850).
La publication de Villette (1852) met le comble à sa gloire. Quand Charlotte Brontë meurt, le 31 mars 1855, moins d'un an après son mariage avec Arthur Bell Nicholls, vicaire de son père, ses livres comptent déjà parmi les classiques de la littérature anglaise. Deux ans plus tard, la romancière Elizabeth Gaskell assouvit la curiosité générale en consacrant à Currer Bell sa célèbre Vie de Charlotte Brontë.
Mais cette « indiscrétion », qu'elle commet sous la forme de la vérité biographique, est en un sens strictement garantie par la discrétion de Charlotte. Sans doute ses lettres, les confidences qu'elle a faites à son amie, les témoignages de ses proches forment-ils un ensemble saisissant de révélations. Mais il y manque cette vérité première que Charlotte ne partageait avec personne si ce n'est avec son frère et ses deux sœurs : le « monde infernal » dont ses romans qui ont ravi et choqué l'Angleterre ne sont pourtant que la doublure victorienne. Elizabeth Gaskell, la première, ouvre le mouvement de « refoulement culturel » imposé par Charlotte. Elle a pourtant accès aux manuscrits couverts de l'écriture microscopique des enfants ; mais elle n'en retranscrit que d'infimes fragments pour faire image et les rend au silence dont ils ne sortiront que cinquante ans plus tard pour demeurer dans le semi-silence des éditions partielles, bien plus étrange encore.

L'énigme et sa réalité

Aussi Fannie Ratchford a-t-elle mille fois raison lorsque, dans la préface de son livre consacré aux écrits d'enfance, elle renvoie dos à dos avec une audace tranquille l'ensemble des interprétations que leur méconnaissance inconcevable de la réalité du texte frappe de nullité et la masse à proprement parler fantastique de livres consacrés depuis un siècle à exalter le moindre fait de la vie des Brontë, le moindre caractère du village, du Yorkshire tout entier qu'ils ont rendu fameux, sans pouvoir ajouter beaucoup au livre original dont ils procèdent tous, la biographie d'Elizabeth Gaskell.
Après C. W. Hatfield, admirable érudit qui a consacré le plus clair de sa vie à déchiffrer l'ensemble des manuscrits des quatre enfants et à qui l'on doit en particulier une édition définitive des poèmes d'Emily, Fannie Ratchford est la première à avoir tenté un saut décisif, même si ses travaux restent fort discutables. Elle a cherché, d'une part, à établir un réseau de relations entre les écrits de jeunesse et les romans qui les redoublent et, d'autre part, à rétablir l'intrigue narrative qui organisait originellement les poèmes d'Emily.
Car la position si singulière d'Emily dans l'ensemble de l'œuvre familiale doit beaucoup à la disparition de la totalité des manuscrits où ces poèmes avaient leur place. Il ne fait aucun doute que, si l'on possédait ses manuscrits et ceux d'Anne, Wuthering Heights, loin d'être ce livre clos et solitaire qui reste l'instrument majeur de l'abstraction trompeuse où l'on tient Emily, retrouverait sa place naturelle, comme les romans d'Anne auraient la leur, comme ceux de Charlotte ne s'éclairent que si on les réintroduit dans le cycle ouvert par ses premiers écrits et ceux de Branwell. Ainsi s'impose, autour d'une absence centrale, l'idée indiscutable d'un texte unique qui rassemble tous les écrits des quatre enfants et constitue l'« œuvre complète » où Charlotte a le privilège opposé de couvrir tout le champ. Car si l'on peut s'enchanter isolément de tel roman, de tel poème, la tentation de la juste lecture doit se payer au prix de la totalité du texte. Raymond Bellour


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Posté le : 16/01/2016 19:04

Edité par Loriane sur 17-01-2016 14:13:37
Edité par Loriane sur 17-01-2016 14:15:02
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Anton Tchekhov 3
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Hors Ligne
Réception

Bon nombre des dernières œuvres de Tchekhov furent traduites en diverses langues du vivant de l'auteur et acquirent rapidement une renommée internationale. Alors qu'en France et en Allemagne, où la littérature russe était traditionnellement associée à des romanciers comme Tolstoï et Dostoïevski, Tchekhov fut d'abord connu par son œuvre dramatique alors que son œuvre romanesque connaît dès le début du XXe siècle une grande popularité dans le monde anglo-saxon, où son style narratif caractéristique de la nouvelle rejoint la tradition déjà bien établie de la short story, dont un des chefs de file est Edgar Allan Poe.

Chez les francophones

Les pièces de Tchekhov ont d'abord été montées pour le public francophone par Georges et Ludmilla Pitoëff en France et en Suisse entre 1915 et 1939. La première pièce à être entrée dans le répertoire de la Comédie-Française est L'Ours en 1957, dont la première avait eu lieu le 28 novembre 1944. Il faut cependant attendre la fin de la décennie 1950 pour que Tchekhov soit régulièrement joué en France, en particulier dans les traductions et les mises en scène d'André Barsacq au Théâtre de l'Atelier. Ainsi d'Oncle Vania mis en scène par Jacques Mauclair dans une adaptation d'Elsa Triolet, en 1961. Les Trois Sœurs mises en scène par André Barsacq sont jouées au Théâtre Hébertot en 1966 et La Cerisaie mise en scène par Peter Brook au théâtre des Bouffes du Nord en 1981 ont fait date.

Chez les germanophones

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Les récits de Franz Kafka furent parfois aussi comparés à ceux de Tchekhov. Ils partagent dans le style un penchant pour la simplicité la plus grande possible et le choix précis des détails, dans les thèmes un attrait pour selon les mots de Tchekhov l’essentiel et l’intemporel ainsi qu'un intérêt commun pour la fatalité des problèmes de l’existence humaine. Cependant il n'y a aucun indice, comme quoi Kafka connaissait les œuvres de Tchekhov.

Chez les anglophones

L'œuvre de Tchekhov a influencé directement bon nombre d'écrivains et nouvellistes de renom du xxe siècle.
James Joyce déclara qu’il préférait Tchekhov aux autres écrivains russes de son temps.
Il indique que ses drames sont d’une dramaturgie révolutionnaire dans leur renoncement aux intrigues à suspense et dans l'éclatement des conventions classiques.
Pour la première fois dans l'histoire du théâtre, il voit se réaliser, dans les personnages de Tchekhov, des individus qui, de son point de vue, n'arrivent pas à quitter leur propre monde et entrer en contact mutuellement.
Pour Joyce, Tchekhov est de ce fait le premier dramaturge à saisir une solitude existentielle, qui finalement s’intéresse plus à la vie en tant que tel qu’aux caractères individuels.
Ces propos sur l'influence de Tchekhov sur Joyce ont fait l’objet de différentes études aussi bien du côté anglais que du côté slave.

James Atherton

signale plusieurs références à Tchekhov dans Finnegans Wake.

D'autres critiques, comme Richard Ellmann ou Patrick Parrinder, montrent des parallèles de style entre les récits de Tchekhov et le Joyce des débuts. Cependant, aucun d’eux n’a trouvé d’indication, comme quoi Joyce ait eu connaissance des récits de Tchekhov au contraire de ses drames ; ce qu’il niait explicitement selon son biographe Herbert Gorman.
En raison de tout cela, l'influence de Tchekhov sur Joyce est toujours considérée comme fondée, bien qu’elle soit difficile à établir.
Une autre romancière anglophone, considérée comme fortement influencée par Tchekhov est Katherine Mansfield, qui le décrivait comme son maître et qu’elle aborda théoriquement dans plusieurs de ses lettres et écrits. De nombreux débats sur l'influence de Tchekhov sur Mansfield proviennent de son récit L'Enfant qui était fatigué, une adaptation du récit de Tchekhov L'Envie de dormir. Mansfield y reprend l'action de Tchekhov d'une manière indubitable, ne modifiant que quelques détails importants. Les opinions divergent sur la façon d’interpréter cette ressemblance : Elisabeth Schneider pense que l'histoire de Mansfield est une traduction libre en anglais, tandis que Ronald Sutherland y voit une œuvre propre. À l'opposé, le biographe de Mansfield Antony Alpers fait mention de reproches de plagiat. Il est certain que Mansfield lut Tchekhov pour la première fois dans une traduction allemande lors de son séjour à Bad Wörishofen. Selon le point de vue de plusieurs critiques, le recueil qu’elle écrivit à la suite de ce séjour Dans une pension allemande demeure sous son influence stylistique. À la différence de Tchekhov, Mansfield reste cependant souvent beaucoup plus proche de ses personnages que ne l'était Tchekhov.
Le dramaturge irlandais et lauréat du prix Nobel de littérature George Bernard Shaw indique dans la préface de sa pièce La Maison des cœurs brisés des liens avec les études humaines de Tchekhov dans La Cerisaie, Oncle Vania et La Mouette. L'influence de Tchekhov se retrouve également dans les styles d'écrivains anglophones comme Katherine Anne Porter, Sherwood Anderson, Ernest Hemingway, Bernard Malamud et Raymond Carver (qui a notamment recréé la mort de Tchekhov dans sa nouvelle Les Trois Roses jaunes Errand.

Chez les russophones

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En Russie, à l'occasion du jubilé des cent cinquante ans de Tchekhov, Frank Castorf met en scène la pièce À Moscou ! À Moscou ! dont la première eut lieu fin mai 2010 lors du festival international du théâtre Tchekhov à Moscou et qui repose sur deux œuvres de Tchekhov : la pièce Les Trois Sœurs et le récit Les Moujiks.

Œuvres Pièces de théâtre

v. 1878 : Platonov ; drame en quatre actes russe : Безотцовщина, Sans Père
1884 : Sur la grand-route ; étude dramatique en un acte russe : На большой дороге
1886, 1902 : Les Méfaits du tabac ; scène-monologue en un acte russe : О вреде табака
1886 : Le Chant du cygne ; étude dramatique en un acte russe : Лебединая песня
1887 : Ivanov ; drame en quatre actes russe : Иванов
1888 : L'Ours ; farce en un acte russe : Медведь
1888-1889 : Une demande en mariage ; farce en un acte russe : Предложение
1889 : Tatiana Repina ; drame en un acte russe : Татьяна Репина
1889 : Le Sauvage ou L'Homme des bois ou Le Génie des forêts ou Le Sylvain ; comédie en quatre actes russe : Леший
1889-1890 : Le Tragédien malgré lui ; farce en un acte russe : Трагик поневоле
1889-1890 : La Noce ; farce en un acte russe : Свадьба
1891 : Le Jubilé ; farce en un acte russe : Юбилей
1895-1896 : La Mouette ; comédie en quatre actes russe : Чайка
1897 : Oncle Vania ; scènes de la vie de campagne en quatre actes russe : Дядя Ваня
1901 : Les Trois Sœurs ; drame en quatre actes russe : Три сестры
1904 : La Cerisaie ; comédie en quatre actes russe : Вишнёвый сад

Nouvelles Liste des nouvelles d'Anton Tchekhov.

Recueils

Les Contes du Melpomène 1884, contient les nouvelles Femmes d'artistes, Il et Elle, Deux scandales, Le Baron, La Vengeance
Récits bariolés 1886
Dans le crépuscule ou autre traduction Dans les ténèbres 1887, a reçu le prix Pouchkine en 1888
Innocentes Paroles 1887
Nouvelles et Récits 1894

Autres genres

1884-1885 : Drame de Chasse ; roman policier publié en feuilleton russe : Драма на охоте
1890 : Notes de Sibérie ; notes russe : Из Сибири
1893 : L'Île de Sakhaline ; carnets de voyage russe : Остров Сахалин

Adaptations

Adaptations cinématographiques

1926 : Les hommes superflus en allemand : Überflüssige Menschen – Réalisateur : Alexandre Razoumni – Sources : onze nouvelles
1939 : Le Rond-de-cuir Čelovek v futljare – Réalisateur : Isidore Annenski – Source : Récit L’homme à l'étui
1944 : Une noce Svadba – Réalisateur : Isidore Annenski
1944 : L‘Aveu Summer storm – Réalisateur : Douglas Sirk – Source : Drame de chasse
1954 : Anne au cou Anna na cheïe – Réalisateur : Isidore Annenski
1954 : L’allumette suédoise Schvedskaïa spitchka – Réalisateur : Konstantin Ioudine
1955 : La Cigale Poprygounia – Réalisateur : Samson Samsonov
1960 : La Dame au petit chien Dama s sobatchkoï – Réalisateur : Iossif Kheifitz
1961 : La Steppe La steppa – Réalisateur : Alberto Lattuada
1962 : La Contrebasse – Réalisateur : Maurice Fasquel – court-métrage
1963 : Les Trois Visages de la peur I tre volti della paura – Réalisateur : Mario Bava – Source du troisième épisode : une nouvelle de Tchekhov
1966 : De l'amour Douchetchka – Réalisateur : Sergueï Kolossov
1966 : Dans la ville de S. V gorode S. – Réalisateur : Iossif Kheifitz
1968 : La Mouette The seagull – Réalisateur : Sidney Lumet
1969 : Le témoin capital Glavny svidetel – Réalisatrice : Aïda Mansareva
1970 : La mouette Tchaïka – Réalisateur : Iouli Karassik
1970 : Oncle Vania Diadia Vania – Réalisateur : Andreï Kontchalovski
1973 : Ces visages différents, différents, différents Eti rasnye, rasnye, rasnye litsa – Réalisateur : Youri Saakov – Source : divers récits
1973 : Un mauvais, bon homme Plokhoï khorochi tchelovek – Réalisateur : Iossif Kheifitz – Source : Récit Le Duel
1974 : Le roman d’une contrebasse Romance with a Double Bass – Réalisateur : Robert William Young – court-métrage
1975 : Kachtanka – Réalisateur : Roman Balaïan
1977 : La Mouette Il Gabbiano - Réalisateur : Marco Bellochio
1977 : Partition inachevée pour piano mécanique Neokontchennaïa piessa dlia mekhanitcheskovo pianino – Réalisateur : Nikita Mikhalkov – Source : Pièce Platonov
1977 : Drôles de gens Smechnye lioudi– Réalisateur : Mikhaïl Schweizer
1978 : La steppe Step – Réalisateur : Serge Bondartchouk
1978 : Drame de chasse Drama a vadaszoton – Réalisateur : Károly Esztergályos
1978 : Mon doux et affectueux animal Moï laskovy i nejny zver – Réalisateur : Emil Lotjanu – Source : Récit Drame de chasse
1979 : L'héritière The beneficiary – Réalisateur : Carlo Gebler
1980 : Récits d’un inconnu Rasskaz niéïsvestnovo tcheloveka – Réalisateur : Vytautas Žalakevičius
1983 : Trois sœurs Drei Schwestern – Réalisateur : Thomas anghoff
1984 : Le saule Der Weidenbaum – Réalisateur : Sohrab Shahid Saless
1984 : L’ours – Réalisateur : Don Askarjan
1987 : Les Yeux noirs Otchi tchiornye – Réalisateur : Nikita Mikhalkov – Motif d’après le récit La Dame au petit chien
1987 : Le Moine noir Tchiorny monakh – Réalisateur : Ivan Dykhovitchny
1988 : Trois sœurs Paura e amore – Réalisatrice : Margarethe von Trotta
1994 : Vanya, 42e rue Vanya 42d street – Réalisateur : Louis Malle – Source : pièce Oncle Vania
1994 : Un amour en Australie Country life – Réalisateur : Michael Blakemore – Source : Pièce Oncle Vania
1995 : August – Réalisateur : Anthony Hopkins – Source : pièce Oncle Vania
2003 : La Petite Lili – Réalisateur : Claude Miller – Source : Pièce La Mouette
2003 : Le domaine Wekande Walauwa – Réalisateur : Lester James Peries – Source : Pièce La Cerisaie
2005 : Les sœurs The Sisters – Réalisateur : Arthur Allan Seidelman – Source : Pièce Trois Sœurs
2007 : Nachmittag – Réalisatrice : Angela Schanelec – d'après La Mouette
2009 : Le duel The Duel – Réalisateur : Dover Koshashvili
2009 : Salle no 6 Tchekhov Палата № 6 – Réalisateur : Karen Chakhnazarov2009 : Salle no 6 Tchekhov Палата № 6 – Réalisateur : Karen Chakhnazarov
2015 : Journal d'un vieil homme - Réalisateur: Bernard Émond - d'après Une banale histoire

Films sur Tchekhov

1969 : Lika, le grand amour de Tchekhov (ou Brève histoire d’un petit récit Sioujet dlia niebolchevo raskaza – Réalisateur : Sergueï Ioutkevitch – Source : le motif en est l’échec de la première de la pièce La Mouette
1984 : Tchekhov dans ma vie (Tschechow in meinem Leben – Réalisateur : Vadim Glowna – Documentaire
2012 : L'admiratrice (Poklonnitsa) - Réalisateur : Vitaly Melnikov - Fiction118
2015 : Anton Tchekhov - 1890 – Réalisateur : René Féret – Fiction

Adaptations musicales

Le violon de Rothschild Skripka Rotshilda. Opéra inachevé de Benjamin Fleischmann, complété et orchestré par son professeur Dmitri Chostakovitch. Achevé en 1944. Première concertante en 1960 à Moscou. Première scénique en 1968 à Leningrad sous la direction de Maxime Chostakovitch.
Une demande en mariage Una domanda di matrimonio. Opéra en un acte. Livret : Claudio Fino et Saverio Vertone. Musique : Luciano Chailly. Première le 22 mai 1957 à Milan.
L’ours The Bear. Extravagance en un acte. Livret : Paul Dehn. Musique : William Walton. Première le 3 juin 1967 à Aldeburgh.
La cerisaie Der Kirschgarten. Opéra en quatre actes. Livret et Musique : Rudolf Kelterborn. Première le 4 décembre 1984 à Zurich.
Trois sœurs Tri sestri. Opéra en trois séquences. Livret : Claus H. Henneberg et Peter Eötvös. Musique : Peter Eötvös. Première le 13 mars 1998 à Lyon.
Tatjana. Drame lyrique en un acte. Adaptation de Tatiana Repina. Livret et Musique : Azio Corghi. Première le 20 octobre 2000 à Milan.
Senja. Opéra. Adaptation de Sur la grand-route. Livret et musique : Azio Corghi. Première le 7 mars 2003 à Münster.

Adaptations théâtrales

Mandé Mayé gcftitre original : Une demande en mariage. Adaptation de Sylviane Telchid, mise en scène par Patrick Mishino, 2001.

Bibliographie

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Posté le : 16/01/2016 18:31

Edité par Loriane sur 17-01-2016 14:45:15
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Anton Tchekhov 2
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Maria Iermolova

L'actrice Maria Iermolova 1853-1928, qui fut l'actrice la plus connue de son temps de la troupe du théâtre Maly de Moscou, fit l'admiration de Tchekhov dès sa jeunesse. Il est connu, que sa première pièce de théâtre Sans Père Platonov fut écrite pour elle dans l'espoir qu'elle soit mise en scène au théâtre Maly avec Iermolova dans le rôle principal. Depuis, un brouillon de lettre trouvé en 1920 parmi les manuscrits de ses pièces indique que l'étudiant Tchekhov appréciait déjà Iermolova. Tchekhov et Iermolova se rencontrèrent pour la première fois en 1890. Après le déjeuner avec la star, ma tête resta pendant deux jours baignée par la lumière des étoiles écrira-t-il le 15 février. Iermolova qui n'avait pas encore joué dans une pièce de Tchekhov, pris un plaisir véritable à la création des Trois Sœurs ; à propos de quoi Tchekhov écrira à sa sœur Maria le 17 février 1903 : Iermolova était en coulisses, fit un éloge enthousiaste du jeu, dit qu'elle avait ressenti là pour la première fois ce qu'était notre théâtre.

Léon Tolstoï

Parmi les personnalités de la littérature russe Léon Tolstoï 1828-1910 est sans conteste le contemporain de Tchekhov le plus important. Dès 1892, il fait l’éloge, dans une lettre, du nouveau récit de Tchekhov La Salle n° 675, qui fut pour Tchekhov un jugement des plus flatteurs qu'il puisse recevoir, d’autant que Tolstoï était en général très critique vis-à-vis des nouveaux auteurs. En mars 1899, la fille de Tolstoï, Tatiana, écrit à Tchekhov : Votre récit De l'amour est ravissant ! Père l’a lu quatre soirs de suite et a dit que cette œuvre l'avait rendu plus prudent. Tolstoï dira par la suite de Tchekhov qu’il est un des rares écrivains, que l’on peut, à l'image d'un Dickens ou d’un Pouchkine, lire et relire de manière toujours différente, par contre, il n’appréciera pas ses pièces de théâtre. Les deux auteurs se rencontrent pour la première fois en août 1895, lorsque Tchekhov est invité dans la propriété de Tolstoï de Iasnaïa Poliana. Je me sens aussi serein qu’à la maison, et les discussions avec Lev Nikolaïevitch sont agréables écrira Tchekhov deux mois plus tard. Ils se rencontreront de nouveau entre autres en 1897 quand Tolstoï rend visite à l’hôpital de Moscou à Tchekhov luttant contre la tuberculose, ainsi qu'en 1901 lors d'un séjour de Tolstoï à Yalta.
Tchekhov lui aussi admira l'auteur Tolstoï et loua à plusieurs reprises ses œuvres les plus connues comme Anna Karenine ou le roman historique Guerre et Paix. Tchekhov écrivit ainsi, alors que Tolstoï était gravement malade en janvier 1900 :
Je crains la mort de Tolstoï … Tant que dans la littérature il y a un Tolstoï, cela est facile et agréable d'être un littérateur ; même la conscience de n’avoir rien fait ou de ne rien faire n’est pas si terrible, car Tolstoï fait pour tous. Son travail est l’accomplissement de tous les espoirs et de toutes les attentes, que l'on peut placer dans la littérature.
Indépendamment du respect dont témoigne Tchekhov pour Tolstoï en tant qu'auteur, il prend soin à partir des années 1890 de dénoncer toujours plus la philosophie de Tolstoï avec ses idées d'amour universel, de soumission fataliste comme du romanesque exagéré de sa description de la paysannerie russe, contre quoi il s'opposa sans relâche. Sa fameuse lettre adressée à son éditeur Souvorine en 1894 témoigne de ce rapport, où il est dit:
La morale tolstoïenne a cessé de me toucher et du fond de mon âme je lui suis hostile … Dans mes veines coule du sang de moujik, et ce n’est pas avec des vertus de moujik qu’on peut m’étonner. Depuis l’enfance, je crois au progrès et je ne peux pas ne pas y croire, car la différence entre l’époque où l’on me battait et celle où l’on a cessé de me battre a été terrible … La raison et la justice me disent que dans l'électricité et la valeur il y a plus d'amour de l’homme que dans la chasteté et l’abstinence.
Ainsi la nouvelle Les Moujiks, qui paraît en 1897, avec sa description mesurée et sombre de la vie quotidienne d'un village russe passe pour être une réponse à un récit de Tolstoï, dans lequel celui-ci voit que les paysans ne sont nullement les principaux responsables des désordres sociaux du pays au contraire de la haute société.

Ivan Bounine

Le futur lauréat du prix Nobel de littérature Ivan Bounine 1870-1953, désigna à plusieurs reprises Tchekhov comme l’un de ses modèles littéraires, ce qu'il reconnaîtra dans une lettre adressée à Tchekhov en janvier 1891 … Vous êtes mon auteur préféré parmi les écrivains contemporains. Il rencontra Tchekhov à Moscou à la fin 1895 puis fut un des visiteurs les plus réguliers de sa résidence de Yalta. En 1904, Bounine entreprit de rédiger une biographie de Tchekhov, qu’il laissa inachevée.

Maxime Gorki

L'écrivain Maxime Gorki 1868-1936 se lia d'amitié avec Tchekhov dès leur première rencontre en 1899 à Yalta. Gorki est connu pour avoir indiqué son admiration envers le talent de Tchekhov dans plusieurs lettres et persistera dans ce sens dans son ouvrage publié en 1905. De son côté, Tchekhov apprécie certaines œuvres de Gorki il écrit ainsi à propos des Bas-fonds : Cette pièce est novatrice et incontestablement bonne, bien qu'il y ait de grosses différences de style entre les deux auteurs, différences que l'on ne peut pas ne pas remarquer dans les propos de Tchekhov. Ainsi dans une lettre de fin 1898, il décrit Gorki comme un vrai, un grand talent, mais ajoute également : Je commence par cela, que d'après moi vous manquez de retenue. Vous êtes comme un spectateur au théâtre, qui exprime son enthousiasme avec si peu de retenue qu’il empêche d’écouter les autres et lui-même..
Dans les dernières années de Tchekhov, à plusieurs reprises, Gorki incitera Tchekhov à dénoncer ou au moins à renégocier le contrat qui le liait avec l'éditeur Marx depuis 1899, par lequel il cédait ses droits sur son œuvre contre 75 000 roubles, ce qui paraissait désavantageux du point de vue de l'auteur. Ce qui fut rejeté à chaque fois par Tchekhov.
Il est à noter, que malgré ses bonnes relations avec Gorki, Tchekhov ne partageait pas avec celui-ci ses idées révolutionnaires. Durant toute sa vie, il refusa toute forme de violence, et voyait dans le travail acharné et les l’exploitation du progrès technique la seule et unique porte de sortie à la misère sociale et non par le recours à une mutation sociale brutale. La citation suivante d'une lettre de Tchekhov en est une illustration :
Je ne crois pas en notre intelligentsia, qui est fourbe, fausse, hystérique, idiote et pourrie, je ne la crois pas non plus, quand elle souffre et qu’elle se plaint, car son oppresseur provient de ses propres rangs. Je crois dans les individus séparés, je vois le salut dans les personnalités individuelles, dispersées çà et là à travers la Russie – qu’ils soient de l’intelligentsia ou paysans – c’est en eux qu’est la vraie force, bien qu’ils soient peu. … La science ne cesse d’aller de l'avant, la prise de conscience de la société grandit, les questions de morale commencent à nous préoccuper et tant et plus – et tout cela se passe sans se soucier qui des fonctionnaires, qui des ingénieurs, qui des gouverneurs, sans se soucier de l'intelligence massivement et en dépit de tout.

Émile Zola

Dans une lettre à Souvorine de janvier 1898, il est dit entre autres L'affaire Dreyfus a repris et s'amplifie toujours, mais elle n'est toujours pas réglée. Zola en est une des bonnes âmes, et je […] suis en accord avec son coup de colère. La France est un beau pays, et elle a de magnifiques écrivains. Sous cette remarque concernant Émile Zola 1840-1902, que Tchekhov ne connaissait pas personnellement, il y a l'Affaire Dreyfus, qui atteint son sommet alors que Tchekhov passe l'hiver 1897/1898 à Nice. Tchekhov, qui dans ses dernières années montra un intérêt croissant pour les événements politiques de l'époque, étudia à Nice la presse française et rencontra en avril 1898 le journaliste anarchiste Bernard Lazare qui le renseigna sur la condamnation injuste d'Alfred Dreyfus. Tchekhov fut impressionné par l'article J'accuse…! dans lequel Zola prend le parti de Dreyfus. Cela trouve des échos dans ses lettres de cette époque, qui apportent aussi des éclaircissements, sur la nécessité selon Tchekhov - qui ne prit jamais de position claire sur la scène politique - de séparer l'œuvre d'écrivain de la politique :
« À supposer que Dreyfus soit coupable – Zola aurait tout de même raison, car c’est le devoir d’un écrivain, que ne de pas accuser ou de ne pas poursuivre, mais de se battre pour les accusés, même s’ils sont déjà condamnés ou si leur peine est prononcée. On doit se demander : Qu’en est-il de la politique ? Des raisons d’État ? Mais les grands écrivains et artistes doivent se mêler pour autant de politique, comme ils doivent s’en préserver. Il ne manque pas de procureurs, fonctionnaires, gendarmes […].

Le voyage à Sakhaline

La renommée littéraire de Tchekhov croît sans cesse. Il vit dans la confortable « commode » (surnom donné à sa maison) moscovite, entouré de soins, d'affection, d'amitié. Mais il traverse une sorte de crise morale, prend de plus en plus conscience de ce que doit être le rôle d'un écrivain digne de ce nom : rappeler aux hommes certaines vérités fondamentales, éveiller leur conscience, leur montrer que « le bonheur et la joie de la vie ne sont ni dans l'argent, ni dans l'amour, mais dans la vérité ». Il fait alors le procès de ce qu'on appelle le bonheur dans une étonnante nouvelle, Groseilles à maquereau (Kryžovnik, 1898) : « Nous ne voyons pas, nous n'entendons pas ceux qui souffrent, et tout ce qu'il y a d'effrayant dans la vie se déroule quelque part dans les coulisses. C'est une hypnose générale. En réalité, il n'y a pas de bonheur et il ne doit pas y en avoir. Mais si notre vie a un sens et un but, ce sens et ce but ne sont pas notre bonheur personnel, mais quelque chose de plus sage et de plus grand. » Rejetant cette « hypnose » générale, il veut se rendre compte par lui-même de la condition des plus misérables d'entre les hommes : les millions de condamnés déportés dans les bagnes de Sakhaline ; à la surprise de tous ses amis, Tchekhov décide de visiter l'île maudite. Il ne se laisse pas détourner de son projet. Et cependant, il est malade. Entre 1884 et 1889, il a eu onze crachements de sang. Les crises se produisaient deux ou trois fois par an et allaient en s'aggravant. En décembre 1889, Tchekhov décline l'invitation de Souvorine qui lui demande de venir à Saint-Pétersbourg : il a peur des secousses du train qui pourraient provoquer une nouvelle hémorragie. Pourtant, le 2 avril 1890, il s'embarque pour un voyage qui dura cinquante jours. Aux observations de Souvorine, il répond : « Vous dites que personne n'a besoin de Sakhaline et que cette île n'intéresse personne. Est-ce juste ? Nous avons chassé des hommes enchaînés, dans le froid, pendant des dizaines de milliers de verstes, nous les avons rendus syphilitiques, nous les avons dépravés, nous avons procréé des criminels... Nous avons fait pourrir en prison des millions d'hommes, fait pourrir inutilement, sans raison d'une manière barbare, en rejetant la responsabilité de tout cela sur les surveillants de prison aux nez rouges d'ivrognes. Non, je vous assure, aller à Sakhaline est nécessaire et intéressant, et on ne peut que regretter que ce soit moi qui y aille et non quelqu'un d'autre, plus qualifié et plus capable d'émouvoir l'opinion » (9 mars 1890).
Tchekhov passe trois mois dans l'île. Il en étudie tous les aspects : « J'ai tout vu. Il n'y a pas à Sakhaline un seul forçat ou déporté à qui je n'aie parlé » (Lettre à Souvorine, 11 septembre 1890). En effet, il fut le premier à recenser la population de Sakhaline. Fiches en main, il visite chaque isba, chaque casernement, chaque mine, chaque lieu de déportation. Il voit chacun des dix mille habitants de l'île et remplit de sa main dix mille fiches. Les conclusions qu'il tire de cet immense travail sont terribles. L'abaissement, l'avilissement, le mépris de la personne humaine, il les relate, avec la sécheresse bouleversante d'un compte rendu, dans L'Île de Sakhaline (Ostrov Sakhalin, 1894).
Après son retour de Sakhaline, dans une longue nouvelle intitulée Récit d'un inconnu (Rasskaz neizvestnogo čeloveka, 1893), Tchekhov fit une importante profession de foi : « J'ai maintenant fermement compris que la destination de l'homme, ou bien n'existe pas du tout, ou bien n'existe que dans une seule chose : un amour plein d'abnégation pour son prochain. » Ce thème apparaîtra désormais en filigrane dans ses nouvelles et dans ses pièces.
Trois mois plus tard, en mars 1891, il fuit Moscou, sa table de travail et ses souvenirs et part avec Alexis Souvorine pour un premier voyage en Europe. Il en fera cinq, entre 1891 et 1904, en Italie, en France, en Allemagne et en Autriche. Enthousiasmé par l'Italie, il écrit de Florence : « Tout est merveilleux ici. Celui qui n'a pas vu l'Italie n'a pas vécu » (lettre à Olga Knipper, 19 janvier 1901). Mais cet enthousiasme est intermittent. Le 15 avril 1891, il écrivait à son frère Michel : « De tous les endroits que j'ai visités, c'est Venise qui m'a laissé l'impression la plus lumineuse. Rome ressemble, somme toute, à Kharkov, et Naples est sale. »
En fait, Tchekhov se languit toujours à l'étranger. À une période d'exaltation et de fièvre succèdent très vite l'ennui et le désenchantement. Loin de chez lui, loin de Moscou et des paysages moscovites, il se sent incapable de travailler, donc de vivre. Les plus beaux paysages de France ou d'Italie ne l'inspirent pas ; il apparaît avec évidence que l'Occident lui a laissé peu de souvenirs : quelques pages sur Venise et Nice dans le Récit d'un inconnu (1893), sur Abazzia et l'Italie dans Ariadna (1895) ; juste quelques lignes dans ce chef-d'œuvre de lyrisme qu'est L'Évêque (Arkhierej, 1902). Mais qui sait si, par un travail inconscient et invisible, les expériences vécues, les paysages et les êtres admirés ou simplement entrevus n'ont pas contribué à l'élaboration de ce composé subtil qu'est l'art poétique de Tchekhov ?

L'amour, le théâtre et la mort

À son retour, Tchekhov se rend compte que Moscou devient invivable. Sa notoriété grandit : amis, admirateurs, curieux assiègent sa demeure. Une « mauvaise grippe » ne le quitte plus. Il tousse, maigrit, « ressemble à un noyé ». En février 1892, il trouve enfin la propriété de ses rêves et, le 5 mars, Tchekhov et ses parents, sa sœur et son frère cadet Michel s'installent dans un village, à Melikhovo, à une vingtaine de kilomètres de Moscou.
Il avait fait construire un minuscule pavillon de bois au fond du verger, c'est là qu'il écrivit notamment La Salle no 6 (Palata no 6, 1892), Les Moujiks (Mužiki, 1897), Le Récit d'un inconnu (1893), Le Moine noir (Černyj monakh, 1891), Trois Années (Tri goda, 1895), Ariadna (1895) et enfin La Mouette (Čajka).
Durant les six années passées à Melikhovo, Tchekhov écrit plusieurs de ses plus belles œuvres et prend également part à la vie locale. Avec son habituelle efficacité, il lutte contre la misère et l'ignorance, procède au recensement de la population du district de Melikhovo, soigne des centaines de malades (surtout pendant l'épidémie de choléra de 1892-1893). N'ayant pas les moyens de « prendre l'année de repos nécessaire », il dépense néanmoins dix mille roubles pour faire bâtir trois écoles.
Cette double activité, sociale et littéraire, a un effet désastreux sur sa santé. Dans la nuit du 21 au 22 mars 1897, il a une forte hémoptysie. Pour la première fois, il se laisse ausculter par des médecins (exactement douze ans et trois mois après sa première hémoptysie), avoue à son ami Souvorine : « Mes collègues me disent à moi, médecin, que c'est une hémorragie intestinale ! Je sais pourtant bien que c'est la phtisie ! »
Il passa l'hiver 1897 à Nice pour rentrer à Melikhovo en mai 1898. Sa santé est à peine meilleure. Les médecins insistent pour qu'il passe les hivers en Crimée. Il doit abandonner Melikhovo, qui semble vide et mélancolique après la mort de son père (1898). Tchekhov écrit à Souvorine : « Au point de vue littéraire, Melikhovo s'est épuisé pour moi après Les Moujiks et a perdu toute valeur » (lettre du 26 juin 1899). Tchekhov considérait Les Moujiks comme une somme de ses expériences paysannes et comme un adieu à sa vie parmi eux.
Sur la côte sud de la Crimée, à la porte de Yalta, Tchekhov achète un terrain caillouteux et aride où il décide de bâtir. En septembre 1899, il s'y installe avec les siens. Ce sera sa dernière demeure. Convertie en musée, elle fut, entre 1919 et 1957, confiée à sa sœur Maria Pavlovna et devint un véritable lieu de pèlerinage.
En 1899, l'année même de son installation en Crimée, la famine se déclare dans la région de la basse et moyenne Volga. Malgré un état de santé de plus en plus précaire, Tchekhov s'emploie activement à rassembler des fonds, écrit des appels et des articles dans les journaux. Il s'efforce en même temps de venir en aide aux tuberculeux. Il parvient à rassembler quarante mille roubles, en ajoute cinq mille et fait construire (en 1902) un sanatorium qui porte son nom.
Pendant les dernières années de sa vie, Tchekhov a cruellement souffert. Sa tuberculose pulmonaire s'est compliquée d'une tuberculose intestinale (qu'il appelle dans ses lettres « catarrhe »).
Très malade, exilé dans ce Sud qu'il ne peut pas aimer, dont la végétation lui semble « découpée dans de la tôle », il se sent irrémédiablement seul. « Comme je serai couché seul dans ma tombe, de même toute ma vie j'ai vécu seul », écrit-il dans ses Carnets.
Pourtant, depuis 1898, il y a dans sa vie une femme qu'il aime tendrement et qu'il épouse en mai 1901. Olga Leonardovna Knipper est une jeune actrice du théâtre d'Art de Moscou fondé en 1897 et dirigé par Constantin Stanislavski et Vladimir Nemirovitch-Dantchenko. Le 17 octobre 1898, La Mouette, qui deux ans plus tôt avait subi un échec retentissant au théâtre Alexandre de Saint-Pétersbourg, remporte un triomphe au théâtre d'Art. Durant les six dernières années de sa vie, Tchekhov fut en contact constant et étroit avec cette jeune troupe d'avant-garde pour laquelle il écrivit ses pièces les plus célèbres : Oncle Vania (Djadja Vanja, 1899), Les Trois Sœurs (Tri sestry, 1901), La Cerisaie (Višněvyj sad, 1903). Mais le théâtre d'Art est loin, et Olga Knipper retenue par son métier à Moscou. Tchekhov est seul avec sa mère dans la maison silencieuse. C'est dans ce modeste bureau de Yalta que cet homme qui se voyait mourir écrit des chefs-d'œuvre tels que Dans le ravin (V ovrage, 1900), La Dame au petit chien (Dama s sobačkoj, 1899), L'Évêque, ainsi que ses trois grandes pièces.
Élu à l'Académie des sciences de Russie (section belles-lettres) en janvier 1900, il renonce, en 1902, au titre d'académicien pour protester contre l'exclusion de Maxime Gorki. Anobli par Nicolas II (« noblesse héréditaire »), décoré, il n'en fit jamais mention.
Sa maladie progresse et les souffrances augmentent. Cependant l'amour est là, profond, tendre, désespéré, comme il se doit quand on est Tchekhov, hypersensible et supralucide, et qu'on aime une femme brillante, célèbre, coquette, lointaine.
Le dialogue avec le public, sous la forme du théâtre, est un ultime recours, le seul moyen de s'exprimer, de s'épancher, de partager tout ce qu'on pense, tout ce qu'on a appris pendant ces longs mois de tête-à-tête avec la solitude et la mort.
Le dernier hiver de sa vie, Tchekhov le passe à Moscou et assiste le 17 janvier 1904 à la première de La Cerisaie. En mai, il part avec sa femme pour Berlin et la Forêt-Noire (« je m'en vais pour crever », dit-il à Bounine). Il meurt à Badenweiler ; son corps est ramené à Moscou et inhumé au cimetière Novodevitchiï.

Un art très personnel

L'art de Tchekhov, allusif, riche de résonances cachées, est le plus elliptique, le plus concentré qu'il y ait eu dans les lettres russes. « Plus c'est court, mieux ça vaut... La brièveté est sœur du talent », dit Tchekhov. Simple, quotidienne, banale en apparence, telle est souvent l'anecdote qui sert de support à ses nouvelles. Mais elle n'apparaît ainsi qu'au regard superficiel qui ne sait pas discerner le grand et le profond dissimulés dans les petits faits de la vie courante (« meloči žizni »). Tchekhov réussit ce tour de force d'attacher et de passionner le lecteur ou le spectateur par des récits et des drames dénués d'affabulation romanesque, de toute péripétie, de toute concession à la facilité quelle qu'elle soit. « Dans la vie, il n'y a pas d'effets, ni de sujets bien tranchés ; tout y est mêlé, le profond et le mesquin, le tragique et le ridicule », disait Tchekhov à A. Kouprine.
« Un homme de lettres doit être aussi objectif qu'un chimiste, il doit renoncer au subjectivisme de la vie quotidienne... Il doit être avant tout un témoin impartial » (lettres à M. Kiseleva, 14 janvier 1887 et à A. Souvorine, 30 mai 1888). De toute évidence, Tchekhov était loin d'être seulement un témoin impartial. Mais l'élément personnel qui étoffe les matériaux offerts par l'observation directe de la vie est toujours dépersonnalisé, sublimé jusqu'à acquérir une valeur générale et supérieure. Par exemple, Trigorine et Treplev dans La Mouette sont tous les deux des porte-parole de l'auteur, chacun d'eux incarne un aspect de sa personnalité ; de même, le docteur Astrov dans Oncle Vania ; et Gourov, le héros de La Dame au petit chien ; enfin et surtout, Mgr Pierre dans L'Évêque. « Le subjectivisme, écrit-il à son frère, est une chose terrible [...] Surtout, il faut fuir l'élément personnel. »
Tchekhov avait défini ses canons esthétiques dès 1886 : « l'objectivité absolue ; la vérité dans la description des personnages et des objets ; une brièveté maximale ; l'audace et l'originalité ; la tendresse » (lettre à son frère Alexandre, 10 mai 1886), et, treize ans plus tard, il affirme : « La beauté et l'expression dans les descriptions ne s'obtiennent que par la simplicité, par des phrases aussi unies que : le soleil se couche, il fait sombre » (lettre à Maxime Gorki, 3 janvier 1899).
Cette simplicité, il l'applique tout d'abord à la composition de ses nouvelles. Le prologue ou introduction au récit est en général omis ou réduit à une courte phrase qui fait d'emblée entrer dans le vif du sujet. Tout au long du développement de l'histoire proprement dite, le laconisme de l'expression est également frappant. Quant au dénouement, ou conclusion, Tchekhov en a toujours pressenti le rôle capital. Chez le grand Tchekhov des dernières années, la nouvelle ou la pièce s'arrête brusquement sur une sorte d'accord musical. Il n'y a plus, à strictement parler, de fin, mais, au contraire, une ouverture sur un immense lointain. Par exemple, dans La Dame au petit chien, dans La Fiancée, une étape de la vie des héros est terminée ; mais une autre ne fait que commencer. Une fenêtre s'ouvre sur un avenir encore mal défini, tout d'inconnu et de mystère.
Le rôle de la musique est fondamental chez Tchekhov. L'élément sonore est un des plus importants de son système poétique. Il se manifeste surtout à travers la musicalité du style. L'habituelle structure de cette phrase lyrique comporte trois membres : « Après notre mort, nous dirons ce que nous avons souffert, comme nous avons pleuré, comme notre vie fut amère. » Mais l'élément musical intervient aussi sous la forme de véritables morceaux de musique en prose. Dans La Steppe, En route (V doroge), Les Moujiks ou Le Pipeau (Svirel') un paysage sonore se superpose au paysage naturel. On peut rapprocher l'usage d'un « paysage sonore » d'une autre innovation de Tchekhov, caractérisée par la richesse, la variété et la fraîcheur de ses onomatopées. Là encore, il se refuse à appliquer les clichés et traduit à sa manière le bruit d'un train (En wagon), le coassement d'une grenouille (Dans le ravin) ou le cri d'un oiseau nocturne (Agathe).
Novateur dans ses procédés musicaux, Tchekhov l'est aussi dans ses procédés visuels. Son amour de la nature fait de lui un grand paysagiste.
L'anthropomorphisme, la peinture osée, les couleurs un peu floues du début font place, peu à peu, à une simplicité monochrome (« Tchekhov est un Pouchkine en prose », dira Tolstoï). La sentimentalité se mue en mélancolie. L'austérité du style s'accorde à la pureté des sentiments exprimés et l'ensemble produit une étonnante impression de spiritualité.

L'originalité du dramaturge

Tchekhov sera attiré tout au long de sa vie par le dialogue direct avec le public, où, à l'abri de ses héros, caché derrière le décor, il s'épanche et s'exprime en dehors du rigide carcan imposé par sa conception de la nouvelle brève. Dès sa vingtième année, Tchekhov avait écrit une pièce qui ne fut publiée qu'en 1923 (Une pièce inédite de Tchekhov) et jouée à Paris sous le titre Ce fou de Platonov ; en 1885, il avait écrit Sur la grande route (Na bol'šoj doroge), étude dramatique en un acte ; en 1886, Le Chant du cygne (Kalkhas) et La Nocivité du tabac (O vrede tabaka), scène-monologue en un acte ; puis L'Ours (Medved', 1888), La Demande en mariage (Predloženie, 1889) Le Tragédien malgré lui (Tragik po nevole), Le Mariage (Svad'ba) et Le Sylvain (Lešij, 1890) ; en 1892, Le Jubilé (Jubilej). Depuis leur création, ces sketches en un acte sont joués, avec le même succès, sur les scènes russes. En 1889, Tchekhov termine Ivanov (commencé deux ans plus tôt), drame où, pour la première fois, il tente d'appliquer ses idées révolutionnaires sur le théâtre. Pourtant, de cette œuvre, Tchekhov avait dit qu'elle « n'était pas scénique ». Mais sa deuxième grande pièce, La Mouette, écrite neuf ans plus tard (1896), est bien moins « scénique » encore : « En dépit de toutes les règles de l'art dramatique, j'ai commencé ma pièce forte et l'ai achevée pianissimo... Je constate une fois de plus que je ne suis pas du tout dramaturge » (lettre à Souvorine, 21 novembre). Et pourtant son théâtre : La Mouette, L'Oncle Vania, Les Trois Sœurs, La Cerisaie, a envoûté des générations de spectateurs par la vérité profonde et subtile qui se dégage de ses lents cheminements et de ses silences.
« À quoi bon expliquer quoi que ce soit au public ? Il faut l'effrayer et c'est tout : il sera alors intéressé et se mettra à réfléchir une fois de plus », écrit Tchekhov à Souvorine (lettre du 17 décembre 1891). Une des clefs de son esthétique est de ne pas expliquer, mais de donner des chocs à la sensibilité et à l'imagination du lecteur ou du spectateur. L'un et l'autre doivent collaborer avec l'artiste, ne jamais rester passifs. C'est pourquoi Tchekhov ne fait que poser des jalons, entre lesquels il laisse des vides. Ces vides, ces pauses sont de plus en plus nombreux dans ses pièces, et leur rôle est primordial. Là encore, comme dans ses nouvelles, « sans commencement ni fin », Tchekhov triomphe des conventions les plus solidement établies. Une certaine forme d'imagination créatrice lui faisait défaut. Il n'avait jamais pu peindre une action de longue durée ou un caractère élaboré, dont les différentes faces se seraient exprimées dans des circonstances diverses. Son art n'est pas celui d'un romancier. Il est épigrammatique, percutant, allusif, et s'exprime en brefs coups de sonde, donnés de main de maître en ces points névralgiques où se forment les nœuds des destinées humaines. Or, le théâtre doit justement mettre l'accent sur ces moments privilégiés où se montrent à nu certains mouvements de l'âme. Tchekhov était éminemment doué pour une forme de théâtre lyrique, psychologique, « intériorisé ». Le drame de ses héros ne réside jamais dans l'action, mais plutôt dans leur incapacité d'agir : « les gens dînent, ils ne font que dîner, et pendant ce temps, s'édifie leur bonheur ou se défait leur existence tout entière » (paroles de Tchekhov rapportées par G. Ars, Quelques Souvenirs sur Tchekhov).
Sous cet art si nuancé couvait le sentiment tragique de la vie, si caractéristique du Tchekhov de la maturité et qui s'exprime dans ses Carnets, ses lettres et ses œuvres les plus marquantes.
Il existe pour Tchekhov deux paliers du tragique, l'un est un tragique métaphysique par essence, éternel et irrémédiable, le second un tragique social temporaire et perfectible.
Un des thèmes majeurs de Tchekhov, et sans doute le plus caractéristique et le plus profond, c'est celui de la solitude. Solitude métaphysique, inhérente à la condition humaine : les sentiments intimes sont incommunicables par essence. Mais au-dessous de ce tragique philosophique et inéluctable, le tragique social, lui, est un mal guérissable. La culture, l'instruction, une relative prospérité peuvent tempérer l'horreur de certaines vies, de certaines situations décrites dans des récits tels que Les Moujiks, Dans le ravin ou Vanka. La société peut être améliorée ; les hommes peuvent devenir plus policés, plus raffinés, plus heureux. Ils ne tortureront plus les enfants, seront moins grossiers, moins avides, moins cruels. Dans les finales d'Oncle Vania, de La Cerisaie, éclate l'espoir d'un avenir meilleur.
Comment concilier le tragique individuel, la solitude irrémédiable (qui fut le lot de Tchekhov lui-même et de la presque totalité de ses héros), avec cet espoir insensé d'un problématique bonheur futur ? On n'aperçoit pas de pont capable de relier ces deux conceptions si contradictoires. Et Tchekhov n'a pas tenté de le faire dans l'abstrait ni dans l'absolu. En véritable stoïcien – l'auteur le plus annoté de sa bibliothèque est Marc Aurèle –, il s'est contenté d'agir. Sophie Lafitte

L'œuvre

Caractéristiques
Au long de sa carrière d'écrivain qui dura tout juste vingt-cinq ans, Tchekhov publia plusieurs centaines de récits, nouvelles et chroniques ainsi qu'une bonne douzaine de pièces de théâtre.
Beaucoup de ses œuvres primitives du début des années 1880 - principalement des nouvelles, des billets humoristiques, des parodies - sont empreintes du style drolatique caractéristique de Tchekhov beaucoup, comme La Mort d'un fonctionnaire 1883, sont aussi satiriques, tandis que ses œuvres matures ressortent plutôt du domaine du réalisme, comme influencées par la connaissance de la société qu'il acquiert à la suite de ses études et par sa pratique de la médecine de campagne.
Un manuscrit original de Tchekhov
La plupart de ses nouvelles essentielles traitent de la vie de la petite bourgeoisie dans la Russie de la fin du XIXe siècle, du péché, du mal, du déclin de l’esprit, de la société.
L'action, dont le dénouement reste souvent indécis, a généralement pour cadre la campagne du centre ou du sud de la Russie ou les environs d'une petite ville de province.
Beaucoup de récits de ce genre se lisent dans un long et profond soupir.
La Salle n° 6, nouvelle publiée en 1893, qui prenant pour exemple le service fermé de psychiatrie d'un hôpital de province délabré une des situations typiques, où Tchekhov se sert de sa propre expérience de médecin, peint un tableau particulièrement sombre de la vie russe, et règle ses comptes de façon accablante à la passivité et à l’adaptation absolue stoïque face aux criantes injustices sociales. Dans quelques-unes de ses œuvres comme les récits très tristes Volodia 1887, L'Envie de dormir 1888 ou Typhus 1887, Tchekhov se révèle être un excellent psychologue, qui parvient à décrire, d'une façon concise et sans équivoque la pensée et les actes des hommes, quand ils se trouvent confrontés involontairement à une situation critique.
La nouvelle Une banale histoire 1889 qui sera particulièrement appréciée par Thomas Mann est également construite de manière psychologique, dont le narrateur, un ancien professeur de médecine, au crépuscule de sa vie, juge finalement son existence présumée remplie dépourvue de sens, à laquelle il manque un fil conducteur, et combien est trompeur le comportement fait d’adaptation et de suivisme de ses proches et de ses relations. Des réflexions similaires sur le sens de l'existence et la vision subjective du bonheur – toujours à travers de nombreux personnages différents - se retrouvent dans la trilogie sortie en 1898 composée de L'Homme à l'étui, Les Groseilliers et De l'amour ainsi que dans les instants de mélancolie du récit La Fortune 1887. L'opinion courante, que Tchekhov ait critiqué, avec ce genre de récit, la passivité de la vie sociale de la Russie tsariste, est exacte à condition toutefois de préciser, que Tchekhov n’a jamais chercher à influencer son lecteur - il préférait toujours mettre en avant dans ses œuvres, les personnalités les plus individualistes avec leurs problèmes spécifiques, sans expliquer clairement leurs actes ni les critiquer. Cet extrait d'une lettre de Tchekhov de 1888 illustre cette maxime : Il me semble que ce ne sont pas les écrivains qui doivent résoudre des questions telles que le pessimisme, Dieu, etc. L’affaire de l'écrivain est seulement de représenter les gens qui parlent de Dieu et du pessimisme ou qui y pensent, de quelles façons et dans quelles circonstances ils le font. L'artiste ne doit pas être le juge de ses personnages et de ce qu’ils disent, mais seulement un témoin impartial. Les appréciations reviennent aux jurés, c'est-à-dire les lecteurs. Mon affaire est seulement d’avoir du talent, c'est-à-dire de savoir distinguer les indices importants de ceux qui sont insignifiants, de savoir mettre en lumière des personnages, parler leur langue. Cette position d'observateur neutre et distancié, qui est typique de l'œuvre de Tchekhov, ne signifie par pour autant que l'auteur en soit éloigné, l'action de plusieurs récits étant composée d'éléments autobiographiques avérés. Il en est ainsi de La Steppe 1888, qui reprend les souvenirs d'enfance d'un voyage à travers les paysages du sud de la Russie et d'Ukraine, dans la nouvelle Trois années 1894, on retrouve l'atmosphère déprimante du piètre magasin paternel de Taganrog, et dans Arianne 1895 on reconnaît le récit, que fait Tchekhov lui-même à la première personne, d'une croisière en Crimée. Dans une de ses plus longues œuvres, le court roman Le Duel 1891, Tchekhov laisse se développer à travers un des personnages principaux un darwinisme social faisant l’apologie de la violence avant d'être contrecarré lors du dénouement de l'action, qui fait écho à l’intérêt qu’il portait étudiant pour les cours sur Darwin.
Le style narratif de Tchekhov ne se limite cependant pas à une vague critique de la société quelle qu'elle soit ou à une recherche psychologique des abîmes psychiques de l'homme. L'éventail des sujets, dont se sert Tchekhov dans son travail, est très large et riche en histoires comiques et légères Le Fruit du péché 1887, La Lotte 1885, Un drame 1887 entre autres, de contes animaliers destinés aux enfants Kachtanka 1887, Front blanc 1895 ou encore le récit Vanka 1886 écrit du point de vue de l’enfant, d’observations désenchantées du train-train quotidien des paysans ou de la petite bourgeoisie russe à l'avènement du capitalisme Les Moujiks 1897, La Nouvelle Villa 1898, Dans la combe 1899 jusqu'à la confrontation directe avec la mort et le caractère éphémère commun à tous les hommes Tristesse 1886, Goussiov 1890, L'Évêque 1902. Dans un de ses récits les plus réputés, La Dame au petit chien 1899, qu’il écrivit à Yalta et où se situe l'action, Tchekhov se présente de manière exemplaire comme un poète lyrique, qui tout en transformant cette simple histoire d'amour entre deux êtres mariés en drame à l'issue restant ouverte, laquelle fait sans cesse échouer ses deux protagonistes en raison de l’absurde mesquinerie de l’existence sociale — fait écho à son propre grand amour, qu’une telle banalité dans son cas : la maladie interdira de vivre à fond. Une part de son œuvre, permet cependant au lecteur de croire en un Tchekhov très optimiste, qui n'a pas perdu, malgré tous les abus et tous les revers, confiance dans l'homme de bien et surtout au progrès, à une vie future meilleure. On peut regrouper dans ce genre des œuvres comme l’étonnante miniature L'Étudiant 1894 par ses changements de tons radicaux, la nouvelle profondément philosophique Le Moine noir 1893 ou le court roman La Steppe rempli de descriptions marquantes de la campagne, qui font l’effet d’un hommage éclatant au monde et au genre humain. Indépendamment du sujet traité ou du ton utilisé, la particularité commune à toutes les œuvres de Tchekhov dans lesquelles l’homme est au centre de l’action, et que ses manières d’agir ou ses façons de penser puissent sembler étranges, ridicules, tristes ou autre, est que l'auteur cherche toujours à rester une observateur objectif et sans préjugés.
Cette préférence de la personnalité des caractères sur l'action associée à l’économie du principe narratif La brièveté est la sœur du talent, selon Tchekhov, les futurs penchants impressionnistes de Tchekhov pour les points de vue particuliers Je n'ai encore jamais écrit directement d’après nature. Il faut que ma mémoire ait filtré le sujet […] et qu’il ne reste que l’important et le typique et le refus des intrigues traditionnelles comptent pour ses innovations majeures, qui font que son style tranche considérablement avec ceux des autres auteurs russes renommés de cette époque.
Le fait que l'on trouve dans chaque récit de Tchekhov une représentation réaliste de l'homme, quelle que soit sa couche sociale, fait de l'ensemble de l'œuvre de Tchekhov une source documentaire très crédible de la société russe de la fin du XIXe siècle.
Tchekhov a conservé dans ses pièces de théâtre — écrites pour la plupart après 1885, alors que son style littéraire est depuis longtemps maitrisé outre sa composante purement humoristique — sa méthode descriptive objective élaborée dans ses récits.
Les pièces se distinguent en général par le fait qu’elles veulent montrer un tableau tragi-comique de la banalité de la vie de province et du caractère éphémère de la petite noblesse russe.
La plupart des personnages qui y sont décrits sont des gens convenables et sensibles, ils rêvent que leur vie va s'améliorer, beaucoup cependant en vain, face au sentiment d’impuissance et d'inutilité, de l'auto-compassion exagérée et du manque d'énergie et de volonté qui en découlent.
Certes, l'auteur indique toujours qu'il y a une échappatoire à cette apathie, en l’occurrence le travail convaincu et l'action pratique utile, pourtant les personnages se révèlent en général incapable ou bien sans réelle volonté de faire bouger ce qui s’avère être à l'origine de cette évanescence, l'affaiblissement intellectuel croissant de ces personnes pourtant intelligentes.
Il n’y a pas de héros dans le théâtre de Tchekhov. Pas de gentils et pas de méchants de manière tranchée. Il y a juste des personnages confrontés à la sclérose des habitudes et à l’usure du temps, auxquels rien ne résiste ; qui essaient de vivre avec ce que la nature leur a accordé comme talents ou comme défauts. Et qui s’aperçoivent, souvent trop tard, qu’ils n’y parviennent pas. Certains en meurent, comme Treplev dans La Mouette. Mais c’est sans bruit, à part celui du coup de feu. Et encore, ce coup de feu pourrait bien n’être qu’un flacon d’éther qui a explosé dans la pièce d’à côté. D’autres n’en meurent pas. Pas tout de suite. « Tu n’as pas connu de joies dans ta vie, oncle Vania, mais patiente un peu, patiente… Nous nous reposerons… Nous nous reposerons…
Une autre particularité du travail de dramaturge de Tchekhov est qu’il désignait la majorité de ses pièces comme des comédies, bien que l'action – si on fait exception de ses premières pièces en un acte cousues de fil blanc telles que L'Ours ou Une demande en mariage – n’en soit pas comique ou amusante au sens où on l'entend généralement.
Ces singularités produisirent du temps de Tchekhov de fréquentes incompréhensions non seulement de la part du public, mais aussi des metteurs en scène qui s’emparèrent de ses pièces.
C’est seulement des décennies après la mort de Tchekhov que l’on comprit majoritairement que le soi-disant comique devait provenir avant tout du comportement des protagonistes des pièces, du fait de leur sentiment d’impuissance et en général de leur rapport décalé à la réalité, par suite desquels leurs émotions, leurs actions et surtout leurs négligences – et dans une moindre mesure l'intention de l'auteur – produisent un comique involontaire.
Cette incompréhension des intentions de Tchekhov est en grande partie à l'origine de l'échec de La Mouette lors de sa création en octobre 1896.
Le succès vient avec sa rencontre avec le Théâtre d'art de Moscou de Nemirovitch-Dantchenko et Constantin Stanislavski. Pour révéler un théâtre dont l’action ne progresse pas tant par ce qui est effectivement dit que, finalement, par ce qui ne l’est pas, il fallait avoir envie d’inventer une nouvelle approche du métier de comédien, plus sensible à ce qu’on allait appeler le sous-texte qu’au besoin de briller sur scène. Cette nouvelle approche n’allait pas seulement révolutionner le travail d’acteur au travers, notamment, de ses suites dans l’Actors Studio. À un moment où émergeait la notion de mise en scène, elle allait bousculer la notion même d’écriture théâtrale, grâce à une analyse plus fine du fonctionnement dramatique. Mais qu’aurait pu le metteur en scène Stanislavski si, en dépit de certaines frictions sans doute inévitables, le Théâtre d’art n’avait pas trouvé son auteur, un certain A. P. Tchekhov ? La naissance de cette nouvelle approche du métier de comédien, qui n'a été possible que par cette collaboration unique entre Stanislavski et Tchekhov, est visible dans les Cahiers de régie rédigés par Stanislavski, lors des créations des pièces La Cerisaie et Les Trois Sœurs.
Ces pièces les plus connues avec La Mouette sont la pièce en quatre actes Oncle Vania, le drame Les Trois Sœurs ainsi que d’ailleurs sa dernière œuvre, la comédie La Cerisaie.
Toutes ces pièces présentent des déroulements de l’action très variés, cependant elles comportent beaucoup de points communs dans leur construction : l'action se passe toujours dans la province russe au tournant du siècle, les personnages sont de la petite noblesse, ils finissent par échouer d'une façon ou d'une autre du fait de leur passivité et de leur sens déformé de la réalité, cependant une note d'optimisme et la foi dans un avenir meilleur s’immiscent toujours dans l’action comme dans la réplique remplie de nostalgie À Moscou !, qui est typique de l'ensemble de l'action des Trois Sœurs, ou bien le Bienvenue, une nouvelle vie ! de la réplique finale de Piotr Trofimov dans la scène d’adieux de La Cerisaie.
Tchekhov, qui n'a jamais écrit de long roman bien qu'il en ait eu l'intention à la fin des années 1880, a exercé de par sa manière d'écrire concise, discrète et sans jugement de valeur, une immense influence sur la forme des romans modernes et du théâtre. De ce fait, aujourd'hui encore, Tchekhov est considéré pour l'un des premiers maitres de la nouvelle.

Posté le : 16/01/2016 18:26
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Anton Tchekhov 1
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Le 17 janvier 1860 naît Anton Pavlovitch Tchekhov

ou Tchékhov en russe : Антон Павлович Чехов, à Taganrog Russie mort à 44 ans le 15 juillet 1904 à Badenweiler dans le grand duché de Bade de l'empire allemand, écrivain russe, principalement nouvelliste et dramaturge, auteur et médecin.
Tout en exerçant sa profession de médecin, il publie entre 1880 et 1903 plus de 600 œuvres littéraires du mouvement réalisme ; certaines pièces souvent mises en scène à l'heure actuelle — La Mouette, La Cerisaie, Oncle Vania — font de lui l’un des auteurs les plus connus de la littérature russe, notamment pour sa façon de décrire la vie dans la province russe à la fin du XIXe siècle. Ses Œuvres principales sont La Steppe en 1888, La Mouette en 1896, Oncle Vania en 1897, La Dame au petit chien en 1899, Les Trois Sœurs en 1901, La Cerisaie en 1904. Ami d’Ivan Bounine, de Maxime Gorki, de Fédor Chaliapine, d'Alexeï Souvorine, il est l’oncle de Mikhaïl Tchekhov.

En bref

Tchekhov est le maître russe de la nouvelle brève. Si sa création est parfaitement originale, si c'est là le genre où il excelle, il n'en est pas moins un grand auteur de théâtre. À la différence d'un Mérimée ou d'un Maupassant, Tchekhov nouvelliste réussit dans une courte page à rendre perceptible la complexité, la richesse, le tragique d'une vie entière.
L'œuvre de l'écrivain russe Anton Pavlovitch Tchekhov (1860-1904) se distingue par sa diversité. Qu'il s'agisse de brèves nouvelles ou de pièces de théâtre, elle manifeste un art de l'ellipse, où tout est suggéré plutôt que nommé.
Crédits: Hulton Getty Consulter
La tragique condition humaine, voilà le domaine où s'est exercée son infinie capacité de sentir et de comprendre. En tant qu'auteur dramatique, il a envoûté des générations de spectateurs par la vérité subtile qui se dégage des lents cheminements et des pauses de ses compositions dramatiques, fondamentalement musicales.
La vie ardente
Anton Pavlovitch Tchekhov [Čekhov] est né dans la petite ville de Taganrog, située sur la côte nord-est de la mer d'Azov. Son père, Pavel Egorovitch, était épicier. Fils de serf, pour ainsi dire analphabète, ses aptitudes commerciales étaient à peu près nulles et constamment tenues en échec par ses goûts artistiques et son fanatisme religieux. Tyran domestique, il voulait inculquer de force à ses enfants (cinq garçons et une fille) les principes rigides d'une morale aussi conventionnelle que rudimentaire. La vie à la maison était rude. Été comme hiver, on se levait à l'aube ; l'épicerie tant détestée ouvrait à 5 heures du matin et ne fermait que vers 11 heures du soir. C'est là que les deux aînés, Alexandre et Anton, passaient toutes les heures laissées libres par le lycée et l'église. Le père avait enrôlé dans le chœur qu'il dirigeait ses trois fils aînés. « Pendant que tous nos camarades se promenaient, nous devions courir les églises », écrira Tchekhov à Ivan Chtchéglov (le 9 mars 1892). Et il ajoutera : « J'ai peur de la religion : quand je passe devant une église, je me souviens de mon enfance et la terreur me saisit. » Mais si l'enfant souffre, le futur écrivain s'enrichit. La langue si particulière du clergé, cette pittoresque langue ecclésiastique émaillée de locutions slavones et d'argot de séminaire, nul écrivain russe, sauf N. S. Leskov, ne l'a possédée aussi parfaitement que Tchekhov.
À la boutique et à l'église s'ajoute le lycée. Anton y côtoie pour la première fois des intellectuels et aussi des enfants « qu'on ne fouette pas », mais le lycée n'eut que peu d'influence sur Tchekhov. Des maîtres sans génie ne réussirent à faire de lui qu'un élève médiocre. De ces maîtres, de cette ambiance, il fera plus tard la caricature dans L'Homme à l'étui (Čelovek v futljare, 1889).
À ces trois décors si sombres il faut joindre un quatrième, tout de douceur et de parfums champêtres. C'est le village de Kniajaia où Anton passe ses vacances auprès de son grand-père, régisseur de la comtesse Platov. Le voyage, à lui seul, est une aventure inoubliable. Soixante verstes de steppe parcourues dans des attelages tirés par des bœufs, voyage qui durait plusieurs jours à travers « un pays fantastique que j'aimais, où autrefois je me sentais chez moi, car j'en connaissais chaque recoin » (lettre à Plechtchéev, 1888).
Nuits passées sous le ciel profond de l'Ukraine, dans le foin odorant. Visages entrevus, atmosphère étrange et poétique, Tchekhov s'en souviendra plus tard. Pendant longtemps, il gardera jalousement ces souvenirs vivants, intensément vrais, et quand, enfin, il les utilisera dans La Steppe (Step', 1888), ils feront sensation.
Une telle enfance a singulièrement mûri Tchekhov. Il sut, malgré tout, sauvegarder en lui la gaieté, l'ironie, l'humour, la veine satirique, qui ne l'abandonnèrent jamais complètement, et qui, dans sa jeunesse, se manifestèrent en un véritable feu d'artifice de bons mots, d'inventions drolatiques, d'histoires cocasses. Ce génie burlesque se révèle dès ses premières œuvres : pendant de longues années, Tchekhov fut essentiellement un auteur comique.
Tchekhov a seize ans quand son père fait faillite. La prison pour dettes existait encore en Russie. Toute la famille quitte précipitamment Taganrog et s'installe à Moscou. Anton reste seul dans sa ville natale pour terminer ses études. Il subsiste grâce à des leçons et à l'aide intermittente d'un oncle. Le fatalisme de ses parents leur permet d'espérer qu'il se tirera d'affaire. Non seulement il survit, mais il trouve encore le temps de penser à eux, comme à d'autres, plus malheureux encore.
La percée de l'écrivain. Bachelier en 1879, Anton Tchekhov arrive enfin à Moscou. Sa famille loge dans un sous-sol humide, par les fenêtres duquel on n'aperçoit que le trottoir et les pieds des passants. Triste foyer, mais qui rapidement se transforme grâce à l'énergie, à la volonté et au sens pratique d'Anton. Prévoyant, il a amené de Taganrog deux camarades qui prennent pension chez les Tchekhov. Cela permet de manger un peu mieux, de quitter le sous-sol pour un appartement plus décent, bien que situé dans un quartier mal famé, tout près de la fameuse impasse Sobolev, bordée de maisons closes, impasse et maison qu'il a immortalisées dans La Crise Pripadok, 1888.
En contrepartie de l'humanité déchue et tragique de ce quartier, Tchekhov avait, toute proche, la poésie bigarrée de la place Troubnaïa, avec ses marchands d'oiseaux, si poétiquement décrits dans À Moscou, sur la place Troubnaïa (1883). C'est là qu'il vécut de 1879 à 1885. Ensuite, la famille émigra vers le quartier paisible du Zamoskvoretchie et enfin s'installa, en 1886, dans la maison du docteur Korneev, transformée en musée depuis 1954.
En 1879, Tchekhov s'était inscrit à la faculté de médecine. Il menait de front ses études et le travail littéraire qui lui permit, dès l'âge de dix-neuf ans, et jusqu'à sa mort, de devenir le seul soutien d'une nombreuse famille.
Il collabore à plusieurs publications humoristiques de 1881 à 1887 : La Cigale Strekoza, Le Réveil-Matin Budil'nik, Le Spectateur Zritel', Les Éclats (Oskolki). Il signe de divers pseudonymes.
En 1884, Tchekhov exerce la médecine dans les environs de Moscou ; cette même année paraît le premier recueil de ses nouvelles, Les Contes de Melpomène (Skazki Melpomeny). L'année 1886 est décisive. C'est le début de sa collaboration au Temps nouveau (Novoe Vremja), quotidien de tendance gouvernementale et réactionnaire, et de sa longue amitié pour Alexis Souvorine, directeur du journal et futur éditeur de l'écrivain. A. S. Souvorine est un autodidacte, sorti lui aussi du peuple et remarquable par son intelligence et sa vitalité. Il sera l'ami et le principal correspondant de Tchekhov. C'est à lui que furent adressées les lettres les plus révélatrices. Cette même année paraît un deuxième recueil de nouvelles, Récits bariolés (Pestrye rasskazy), comprenant les premiers chefs-d'œuvre, Tristesse (Toska), La Sorcière (Koldun'ja), Agathe (Agafia), suivi de deux autres recueils un an plus tard : Dans le crépuscule (V sumerkakh) et Innocentes Paroles (Nevinnye reči). Le 19 novembre 1887 a lieu la première représentation d'Ivanov au théâtre Korch, à Moscou.
En 1888, Tchekhov publie La Steppe, Les Feux (Ogni), La Crise. L'Académie des sciences lui décerne le prix Pouchkine. Cette même année, un cinquième recueil de nouvelles, Récits Rasskazy, et en 1890 un sixième, Hommes moroses (Khmurye ljudi), sont édités. Sophie Lafitte

Sa vie

Anton Pavlovitch Tchekhov naît à Taganrog, au bord de la mer d'Azov, au sud de la Russie. Son père, Pavel Iegorovitch Tchekhov 1825-1898, est un homme violent d’une religiosité excessive, et le fils d'un serf du gouvernement de Voronej qui a acheté son affranchissement au comte A. D. Tchertkov en 1841. Il tient une petite épicerie et commerce de produits coloniaux à Taganrog. Sa mère, née Evguenia Iakolevna Morozova 1835-1919, est fille de commerçants, négociants en draps de la région de Morchansk, issus également d’une ancienne famille de serfs. Elle a dix-neuf ans quand elle se marie. Les époux élèvent six enfants, dont cinq garçons : Alexandre 1855-1913, Nikolaï 1858-1889, Anton 1860-1904, Ivan 1861-1921 et Mikhaïl 1865-1936 et une fille : Maria 1863-1957 ; une seconde fille Evguenia 1869-1871 est morte en bas âge.
Les très faibles revenus tirés du magasin résultent de l'aptitude médiocre du père à gérer l'épicerie et de la situation économique déclinante du port de mer de la ville de Taganrog en raison de l'ensablement de la baie dans la seconde moitié du xixe siècle. Les enfants Tchekhov grandissent donc dans la pauvreté et les restrictions. Les fils, y compris Anton, ont très tôt aidé au magasin, en plus d’être contraints d’aller chaque jour à des cours de chant au chœur de l’église, où le père est chantre. Celui-ci manifeste une religiosité stricte un engouement musical despotique. Tchekhov décrit ce père autoritaire à maintes reprises. La famille vit alors dans la maison Gnoutov, petite bâtisse toute en rez-de-chaussée, située Politzeïskaïa oulitsa rue de la Police à Taganrog.
Malgré une situation financière difficile, les Tchekhov tiennent à offrir à leurs enfants de bonnes connaissances générales : à huit ans, Anton est admis en classe préparatoire au lycée no 2 de garçons de Taganrog, qu’il fréquente de 1869 à l’obtention de son diplôme en 1879. Anton se montre alors un élève plutôt moyen qui redouble par deux fois en 3e et 5e classe. Cette situation ne semble pourtant pas très surprenante compte tenu de la charge continuelle supportée par les frères qui doivent, en dehors des cours, aller chanter au chœur ou bien travailler dans le magasin de leur père, mais aussi vis-à-vis des méthodes d’instruction et d’éducation particulièrement autoritaires en vigueur à cette époque dans les écoles de l’Empire russe. Tchekhov utilise ses souvenirs de lycée notamment dans le récit L'Homme à l'étui 1898.
Alors qu’il est tenu jusque-là pour un enfant discret et réservé, il fait montre comme lycéen d’un humour prononcé et porte beaucoup d'intérêt pour le théâtre et la littérature. Il s’y fait une réputation de farceur par ses commentaires satiriques et de ses mauvais tours tels que sa facilité à affubler les professeurs de surnoms humoristiques. Pendant le peu de temps libre dont ils disposent, les frères Tchekhov ont pour habitude d’aller voir des représentations au théâtre municipal de Taganrog et ils mettent en scène régulièrement des pièces comiques dans leur propre théâtre qu’ils ont construit à la maison. À partir de 1877, Anton fréquente en outre, régulièrement, la toute récente bibliothèque publique de Taganrog.
En 1869, la famille Tchekhov déménage dans une nouvelle maison située Monastyrskaïa oulitsa rue du Monastère. Du fait d’une mauvaise opération immobilière et de la baisse continue des revenus de son magasin, les difficultés financières de son père s’aggravent tant dans les années suivantes qu’il doit déclarer son commerce en banqueroute au printemps 1876, ce qui, à l'époque, signifie être sous la menace d’une incarcération. Il ne lui reste plus qu’à céder le magasin et à fuir secrètement à Moscou, où séjournent déjà, pour leurs études, depuis l’été 1875 les deux aînés : Alexandre et Nikolaï10. Quelques mois plus tard, il est rejoint par la mère et les deux plus jeunes enfants, tandis qu’Anton et Ivan poursuivent leurs études au lycée de Taganrog.
Dès cette époque, Anton est de fait livré à lui-même, car sa famille ne dispose alors d’aucun revenu régulier à Moscou, et vit dans une profonde misère. La maison de Taganrog revient à un des créanciers acquise déloyalement par un de leurs anciens pensionnaires ; Anton y loue seul un coin alors qu'Ivan trouve refuge dans un premier temps chez une tante, avant de partir lui aussi pour Moscou à l’automne 1876. Anton, qui se prépare assidûment au baccalauréat, se retrouve tout seul et subvient à ses besoins en donnant des leçons particulières et en liquidant le reste des biens de ses parents, envoyant ainsi une part de ces maigres revenus à sa famille à Moscou.
Des années plus tard, il s’exprime de manière lucide sur le sujet de son enfance, de sa jeunesse ainsi que sur son passage précoce à l’âge adulte, au travers d’une lettre adressée à son éditeur habituel, Souvorine :
« Ce que les écrivains nobles prenaient gratuitement à la nature, les écrivains roturiers l’achètent au prix de leur jeunesse. Ecrivez donc un récit, où un jeune homme, fils de serf, ancien commis épicier, choriste à l’église, lycéen puis étudiant, entraîné à respecter les grades, à embrasser les mains des popes, à vénérer les pensées d’autrui, reconnaissant pour chaque bouchée de pain, maintes fois fouetté, qui a été donner des leçons sans caoutchoucs aux pieds, qui s’est battu, qui a tourmenté des animaux, qui aimait déjeuner chez des parents riches, qui fait l’hypocrite avec dieu et les gens sans aucune nécessité, par simple conscience de son néant, montrez comment ce jeune homme extrait de lui goutte à goutte l’esclave, comment un beau matin, en se réveillant, il sent que dans ses veines coule non plus du sang d’esclave, mais un vrai sang d’homme.
À l’été 1879, il réussit l’ensemble de ses examens et obtient son diplôme. Puis, il postule pour une bourse offerte par la municipalité de Taganrog dotée de 25 roubles par mois, qu'il obtient en août 1879. Le 8 août 1879 il débarque à Moscou, accompagné de deux camarades Saveliev et Zemboulatov, pour y entreprendre les études de médecine dont il avait fait le projet depuis longtemps.

Études et débuts littéraires

Le parcours de Tchekhov à l’université Lomonosov de Moscou, où il s’inscrit à la faculté de médecine peu après son arrivée, dure de septembre 1879 jusqu’au diplôme à l’été 1884. Durant cette période, les Tchekhov changent plusieurs fois de lieu de résidence et doivent se contenter, particulièrement dans les premiers mois, de logements beaucoup trop petits pour une famille de sept personnes, ce qui procure à Anton d’immenses difficultés dans la préparation de ses examens. Ceci le renforce encore plus dans l'idée qu’en se consacrant à l’écriture dès ses premières années d’études, l'écriture pourra s’avérer également une importante source de revenu.
Les débuts de Tchekhov comme auteur remontent à l’époque de Taganrog : dès l’adolescence il s’essaie à écrire des petits textes, parodies, anecdotes ainsi que des histoires drôles. Comme son grand frère Alexandre, qui vit à cette époque à Moscou et fait quelques piges dans des journaux et revues humoristiques, Anton envoie sans succès quelques-uns de ces textes brefs dont aucun n’a été conserv à plusieurs rédactions moscovites. En 1878, Tchekhov rédige pour la première fois une pièce de théâtre, laquelle doit avoir pour titre Sans Père et est dédiée à Maria Iermolova, une actrice renommée qu’il admire. Mais cette pièce ne rencontre aucun écho favorable à Moscou à cause de ses multiples remaniements tardifs. Elle est ensuite considérée comme disparue, avant de reparaître en 1920 comme manuscrit sans titre. Elle est publiée pour la première fois en 1923 et est connue ensuite à l’étranger sous le titre de Platonov.
Par la suite, Tchekhov lui-même indique à plusieurs reprises dans ses lettres les années 1878-1880 comme ses véritables débuts littéraires, sans pouvoir en préciser cependant le véritable moment15. Les premières publications de Tchekhov conservées jusqu'à aujourd’hui remontent à l’année 1880 lorsqu’il parvient, après quelques essais infructueux, à publier dix nouvelles humoristiques dans la revue pétersbourgeoise Strekosa La Libellule dont la Lettre de Stepan Vladimirovitch, propriétaire de la région du Don, à son savant voisin, le docteur Friedrich le 9 mars 1880.
En 1881 et 1882, suivent plusieurs publications de ce genre dans des revues humoristiques et satiriques plus ou moins connues : Boudilnik Le Réveille-Matin, Moskva Moscou, Zritel Le Spectateur et Svet i teni Ombres et Lumière. Une lettre datant de ses années d’études, donne des indications sur les difficultés que rencontre Tchekhov dans ses débuts. En août 1883, il écrit ainsi au rédacteur d’une revue dans un courrier accompagnant des nouvelles :
« J’écris dans les pires conditions. Devant moi se tient mon travail non littéraire, se rappelant à moi impitoyablement, le bébé d’un parent venu en visite crie dans la pièce d’à côté, dans une autre pièce mon père lit à voix haute à mère L’Ange scellé de Nikolaï Leskov. … Mon lit borde celui de mon cousin venu en voyage, qui vient constamment me parler de médecine. … J’ai la malchance, d’être médecin, et il n’y a personne qui ne sente obligé de s’entretenir de médecine avec moi. … Une situation sans équivalent.
Le ton à moitié plaisant, empreint d'autodérision, qu’utilise Tchekhov dans ces propos est caractéristique d’une grande partie des lettres de ses années d’études ainsi que des années suivantes. Le travail n'est pas rendu difficile seulement du fait de l’état du logement et plus généralement des conditions de vie précaires, mais aussi du fait de rétributions aléatoires de la part des rédactions, de contraintes rédactionnelles dans la revue de N. A. Leïkine Oskolki Les Éclats par exemple les histoires ne devaient pas dépasser cent lignes et surtout de la censure d’État. Enfin, durant les années 1880, à la suite del'assassinat de l'empereur Alexandre II, une sélection impitoyable et arbitraire est effectuée avant toute publication prévue dans la presse russe. Ainsi, le premier livre édité de Tchekhov, le recueil de nouvelles Farces russe : Шалость, achevé en 1882 est refusé par la censure et depuis lors est tenu pour perdu.
Malgré l'obtention de son diplôme de médecine après cinq ans d’études, Tchekhov passe pour être un étudiant très moyen et peu assidu. Nonobstant son enthousiasme pour les sciences naturelles et son intérêt pour l'enseignement de Darwin qu'il manifeste dans une lettre de 1886, il privilégie son activité d'écrivain qui lui procure des revenus. Il envisage cependant d’écrire une thèse sur l’histoire de la hiérarchie sexuelle dans la nature
Se sentant responsable de sa famille, venue s’installer à Moscou après la faillite du père, Tchekhov cherche à augmenter ses revenus en publiant des nouvelles dans divers journaux et sous divers pseudonymes parmi lesquels le plus connu Antocha Tchékhonté, tel qu’il était nommé par un de ses professeurs, ou de plus fantaisistes comme Le frère du frère, L’homme sans rate ou Jeune vieillard. Jusqu’à sa nomination comme médecin en septembre 1884, il parvient à publier au total plus de deux cents récits, chroniques littéraires et parodies dans diverses revues. Certaines des nouvelles écrites à cette époque appartiennent encore aujourd’hui à ses œuvres les plus connues, telles que les nouvelles empreintes de satire La Mort d'un fonctionnaire, Une fille d'Albion, Le Gros et le Maigre toutes de 1883 ou bien Un caméléon 1884. À l’été 1884 paraît son premier livre publié : Les Contes de Melpomène russe : Сказки Мельпомены, un recueil de six récits. Il entreprend également une thèse sur le sujet La Médecine en Russie.

Période d'intense activité 1884–1889

En juin 1884, Tchekhov termine ses études de médecine. La famille passe l'été dans le logement de fonction spacieux de son frère Ivan à Voskressensk près de Moscou aujourd'hui Istra, où celui-ci est professeur. Tchekhov y commence à exercer la médecine : il consulte des patients au dispensaire ainsi qu'à l'hôpital du zemstvo situé dans la petite ville voisine de Zvenigorod, il participe en outre à des examens de médecine légale et pratique des autopsies. En réalité, Tchekhov prend en charge ses patients bénévolement, car peu d'entre eux peuvent le rémunérer de façon convenable. De plus, il ne peut nier que ses écrits sont plus bénéfiques que la pratique de la médecine.
Cela ne change pas les années suivantes, lorsque la famille Tchekhov fait l'acquisition d'une propriété à la campagne où Tchekhov soigne des paysans. En dehors des mois d'été, quand les Tchekhov résident dans leur logement de Moscou, Tchekhov examine volontiers les nombreux parents et connaissances de la famille. Il écrit à ce propos dans une lettre à son oncle, sur un style ironique : Je travaille tant et plus. Tous les jours je dois dépenser plus d’un rouble en calèche. J'ai beaucoup d'amis et du coup aussi beaucoup de patients ; et il poursuit sur les difficultés à se faire régler ses honoraires : Une moitié d'entre eux ne paie pas. Les autres donnent parfois cinq, parfois trois roubles par consultation. Après avoir ressenti les premiers signes de la phtisie, forme pulmonaire de la tuberculose dès sa vingtième année, il fait en décembre 1884 sa première crise d’hémoptysie, découvrant ainsi sa maladie10, dont il meurt en 1904.
Son activité de médecin, entre autres, lui fournit beaucoup de matière pour ses récits, et durant la deuxième partie des années 1880, il écrit énormément : ainsi, pour la seule année 1885, il publie cent trente-trois textes alors que ce nombre s'élève à cent douze en 1886 et seulement à soixante-quatre en 1887. La plupart de ses récits sont alors publiés sous pseudonymes. Tchekov jouit déjà d'une reconnaissance certaine de la part de cercles littéraires notamment car il publie, depuis avril 1885, dans la fameuse Peterbourskaïa Gazeta le Journal de Pétersbourg; pourtant, il accepte une invitation de la rédaction d'Oskolki en décembre 1885 - ce qui lui vaut une première visite de la capitale Saint-Pétersbourg, ce qui fait évoluer sa situation. Dans cette ville, il fait connaissance, entre autres, avec l'influent éditeur Alexeï Souvorine, avec lequel il signe peu après un contrat dans de très intéressantes conditions. En même temps, il rencontre le romancier à succès, de grand renom à cette époque, Dmitri Grigorovitch, qui voit en Tchekhov quelqu'un au talent exceptionnel. Grigorovitch, qui jouissait alors d'une grande autorité dans le monde littéraire russe et dont la pensée comptait pour Tchekhov, lui conseille dans une lettre, quelques mois plus tard, d'abandonner les pseudonyme, ce que fait Tchekhov : à partir de 1886 il travaille étroitement avec Souvorine et publie beaucoup de ses nouveaux récits sous son vrai nom dans Novoïe Vremia Temps nouveaux, le journal dirigé par Souvorine qui est alors une des feuilles les plus diffusées du pays
Une partie de ses nouveaux récits paraissent dans la revue mensuelle modérément libérale Rousskaïa Mysl La Pensée russe. Son second recueil de nouvelles, Récits bariolés, est publié en 1886. De 1885 à 1887, les Tchekhov passent les mois d'été à Babkino près de Voskressensk, dans la propriété des Kisselev, amis de la famille. Dans ses souvenirs, son frère Mikhaïl se dit persuadé que la beauté des paysages des environs de Babkino, les joyeuses parties de pêche et la cueillette des champignons, ont dû être déterminants dans l'épanouissement du talent de son frère. Tchekhov y trouve en particulier plusieurs motifs pour ses œuvres à venir. Cela est frappant par exemple pour des récits tels que La Lotte, Le Chasseur tous deux de 1885, La Sorcière 1886 ou Volodia 1887, dans les actions se déroulent dans un cadre très ressemblant.
Cependant, Tchekhov n'écrit plus seulement des textes humoristiques, mais aussi de plus en plus de récits, dans lesquels sont développés des thèmes très sérieux voire dramatiques, abordant parfois aussi des problèmes de société qui touchent particulièrement la province russe de cette époque, ce qui est typique de la suite de son œuvr. Font partie de ces récits dramatiques de la seconde moitié des années 1880, des œuvres comme Aniouta, La Nuit de Pâques, Mauvais caractères toutes de 1886 ou Fièvre typhoïde 1887. Le voyage que Tchekhov entreprend dans sa patrie en février 1887 lui fournit de nombreux autres thèmes. Il rend visite à des parents à Taganrog, à Novotcherkassk et dans d'autres lieux du sud de la Russie, et voyage à travers les somptueux paysages de la steppe, sur le Don et la mer d'Azov. Il déplore ultérieurement l'accablante arriération et le manque de culture de cette région, qui toutefois l’inspire à plus d'un titre à cause de la beauté de ses vastes paysages. C'est le cas des nouvelles La Steppe, publiée en 1888, qui est renommée pour ses minutieuses et authentiques descriptions de paysages, et de La Fortune, parue en 1887.

Voyage à Sakhaline 1889–1899

Le nombre de textes publiés à la fin des années 1880 diminue par rapport aux années précédentes ; Tchekhov écrit dans une lettre de février 1888 : La Steppe m’a demandé tant d’énergie, que je ne peux toujours pas me consacrer sérieusement à autre chose. De 1888 à 1889, Tchekhov ne publie que deux douzaines de récits, nouvelles dont Jour de fête et Une banale histoire et pièces de théâtres telles que les pièces en un acte L'Ours et Une Demande en Mariage.
Sa famille peut alors se réjouir de la popularité montante de l’auteur et entrevoir de sortir de la misère grâce à la parution de nouvelles œuvres ou de recueils. Cette popularité rend cependant impossible le travail comme auparavant : Tchekhov étant toujours plus occupé en rédaction, en relecture de manuscrits — les siens comme ceux des autres — ou bien en préparation ou en recherche pour ses futures publications. À partir de mai 1888, il s'installe dans une datcha louée à Louka près de Soumy (gouvernement de Kharkov à la famille Lintvariov dont il s'inspire pour Le Sauvage et Oncle Vania, pendant toute l'année 1889, puis il installe sa famille dans la maison principale du domaine. Il soigne les malades et visite la région. Le travail progresse alors lentement, cette situation s'aggravant encore lorsque Tchekhov est touché par la mort prématurée de son frère aîné, Nikolaï, des suites d’une tuberculose foudroyante en juin 1889. Il est enterré au domaine.
La prise de connaissance à travers la relecture des travaux de son jeune frère Mikhaïl, qui étudie alors le droit, sur le droit pénal et la vie pénitentiaire dans l’empire russe, pousse soudain Tchekhov à la fin 1889 à entreprendre un voyage dans l’Extrême-Orient russe en Sibérie et à l’île de Sakhaline, afin de témoigner de la réalité de cette province isolée et sur la katorga bagne situé dans cette île-prison. Début 1890, il étudie assidûment des publications scientifiques sur Sakhaline et se prépare pour un voyage, qu’il prévoit durer six mois. Tchekhov rejette énergiquement chaque tentative de ses proches ou de ses amis voulant le dissuader de partir. Dans une lettre à Souvorine, il dit :
Vous écrivez … que les gens n’ont que faire de Sakhaline, qu’elle n’intéresse personne. Est-ce exact ? Sakhaline ne saurait être inutile et sans intérêt que pour une société qui n’y déporterait pas des milliers d’individus et ne dépenserait pour cela des millions. … Sakhaline est un lieu de souffrances intolérables comme seul l’homme peut en supporter.
Il part enfin le 21 avril, d’abord en train jusqu’à Iaroslavl, puis prend le bateau à vapeur sur la Volga pour Nijni Novgorod et Kazan, puis sur la Kama jusqu’à Perm, puis des calèches à travers l’Oural, Iekaterinbourg, la Sibérie occidentale, Tioumen, Tomsk, Krasnoïarsk et Irkoutsk jusqu’au lac Baïkal et au fleuve Amour, Blagovechtchensk, Khabarovsk, Nikolaïevsk d’où il prend le bateau pour la côte nord de Sakhaline. Le voyage aller dure presque trois mois et, pendant le trajet à travers l’Oural et le lac Baïkal, il emprunte des routes de montagne le fameux trakt sibérien très peu carrossables ou bien par endroits interrompues par les inondations de printemps. Les nombreuses lettres que Tchekhov envoie à ses proches et à ses amis durant ce voyage pénible, délivrent de nombreux détails sur ce parcour.
Plusieurs fois, Tchekhov loue la beauté des paysages de la Sibérie et de l’Extrême-Orient ainsi que l’esprit de liberté des habitants, mais il en dénonce également la pauvreté et l’arriération.
Tchekhov séjourne trois mois dans l'île de juillet à octobre 1890. Il visite de nombreuses prisons après avoir reçu de la part de l’administration de l’île les autorisations nécessaires. Tchekhov est autorisé à tout voir, sauf les prisonniers politiques. Il y consulte quand il le peut les malades et recense l'ensemble de la population de l’île (estimée alors à 10 000 à l’exception des autochtones Nivkhes, Aïnous et Oroks. En septembre, il résume ainsi son travail dans la partie nord de l‘île :
« Je ne sais quel parti j’en tirerai, mais j’ai fait énormément de choses. Il y aurait de quoi écrire trois thèses. Je me levais tous les jours à cinq heures du matin, je me couchais tard et chaque jour la pensée de tout ce que je n’avais pas encore fait, me mettait dans un état de tension extrême. … à propos, j’ai eu la patience, de recenser toute la population de Sakhaline. J’ai fait le tour de tous les villages, je suis entré dans chaque isba, j’ai parlé à chacun ; … il n’y a pas un seul bagnard ou un seul colon à Sakhaline qui ne se soit entretenu avec moi.
Le voyage du retour par voie maritime via le Pacifique, l’océan Indien Ici, au paradis, j’ai parcouru des centaines de lieues en chemin de fer et je me revois sous les palmeraies et entouré de femmes bronzées, se remémorant l’escale de Ceylan, le canal de Suez, la Méditerranée, la mer Noire et Odessa dure plus d’un mois et demi. Il se sert de ses impressions dans le récit Goussiov 1890, qu'il écrit en partie à bord du bateau. Malgré cela, il n'y consacre que peu de pages à la description du bagne : Les Garces 1891, En déportation 1892, Un meurt en 1895.
Tchekhov rentre à Moscou au début décembre 1890. En 1893, il décrit son expérience dans l'essai L’île de Sakhaline qu’il désigne comme un véritable enfer, qui dépeint d’une façon bouleversante sous la forme d'un récit de voyage la vie misérable des confins de l’Empire russe. Le livre, dans lequel sont décrits entre autres les mauvais traitements faits aux détenus, la corruption et la prostitution enfantine, qui constituent la réalité quotidienne du bagne, fait sensation dans l'Empire russe dès sa publication, si bien qu'il est à l'origine d'une commission d’enquête menée sur le champ par le ministère de la justice pour faire la lumière sur les pires exactions dans cette région de Russie.

Vie à Melikhovo 1892–1899

Afin de se libérer de l’agitation habituelle qui l’entoure depuis son retour38, Tchekov entreprend avec Souvorine son premier voyage en Europe centrale et occidentale au printemps 1891. Il visite notamment Vienne, Venise qui lui plaît particulièrement, Florence, Rome et Paris. La famille passe l’été suivant dans une de leurs propriétés délaissées près d’Aleksine au bord du fleuve Oka, en Russie centrale, où Tchekhov continue son travail sur le livre L’île de Sakhaline. Il indique régulièrement dans des lettres la difficulté qu’il a à écrire ce livre, qui nécessite le recours à de nombreux ouvrages scientifiques et statistiques. À cela s'ajoute la détérioration continue de son état de santé.
Les fatigues de son voyage à travers la Sibérie ont sérieusement entamé l'état de santé de Tchekhov. En novembre 1891 il souffre de crises de toux et autres symptômes de refroidissement, qui ne lui laissent aucun répit, alors qu’il s’active bénévolement durant ces mois ; il participe à la récolte de fonds pour les victimes de la famine dans la région de Nijni Novgorod et aide à la répartition de cette aide. Le printemps 1892 voit sa participation aux secours apportés aux paysans du gouvernement de Voronej au sud de la Russie, victimes de mauvaises récoltes et de famine. Il rend compte de son expérience dans les régions touchées par la famine, et montre son refus de faire de la bienfaisance une sorte de remède universel à tous les maux sans fin de la société, dans le récit Ma Femme, paru fin 1891.
La nécessité croissante d’avoir une résidence d’été stable, dans laquelle il puisse travailler tranquillement, décide Tchekhov à acquérir une vaste propriété pour lui et sa famille au printemps 1892. Il s’agit d'une propriété, qui est à cette époque dans un état d’abandon total, nommée Melikhovo près de Lopasnia dans l’ouiezd district de Serpoukhov au sud de Moscou. En mars, la famille quitte son appartement de Moscou pour Melikhovo. Tchekhov renoue avec la médecine, et soigne les paysans de Melikhovo bien souvent gratuitement. En outre, il coordonne bénévolement les mesures sanitaires prophylactiques pour faire face à la menace grandissante d'une épidémie de choléra. Son expérience de médecin fournit à Tchekhov une grosse part de la matière utile à sa future œuvre d’importance, la nouvelle La Salle n° 6 1892
À partir de 1894, Tchekhov mène des actions bénévoles à Melikhovo et dans le périmètre du zemstvo assemblée provinciale où il fonde des dispensaires et finance la construction de plusieurs écoles populaires dans le district de Serpoukhov. Il envoie plusieurs dotations importantes de livres à la bibliothèque de sa vie natale Taganrog ainsi qu'aux écoles de Sakhaline, offertes pour partie par les éditeurs, pour partie de sa propre bourse.

Ancienne propriété des Tchekhov à Melikhovo

Dans les années 1890, Tchekhov se consacre à la dramaturgie : en 1887, il assiste à la création de sa première grande pièce, Ivanov10 puis, entre 1888 et 1889, il écrit plusieurs petites pièces en un acte ainsi que L’Homme des bois qui, une fois remaniée en 1896 sous le nom d’Oncle Vania, devient sa prochaine pièce importante qui demeure aujourd’hui une de ses pièces les plus connues.
À Melikhovo, il termine en 1895 l'écriture de son drame La Mouette, créé en octobre 1896 à Saint-Pétersbourg avec Vera Komissarjevskaïa dans le rôle principal, qui dans un premier temps est un échec, avant d’être reprise en 1898 par Constantin Stanislavski et Vladimir Nemirovitch-Dantchenko au Théâtre d'art de Moscou et d'y rencontrer un écho favorable. De cette époque datent plusieurs récits et nouvelles renommés dont Le Moine noir, Le Violon de Rothschild tous deux de 1894, La Maison à mezzanine 1896 et Les Moujiks 1897 ; dans ce dernier, prenant pour cadre de l’intrigue le district de Serpoukhov, Tchekhov s'y fait l’observateur singulier et très pessimiste de la vie paysanne, au point de faire l’objet de modifications ordonnées par la censure.
En mars 1897, à Moscou, Tchekhov souffre d’une grave hémoptysie qui le contraint à rester à l’hôpital plusieurs semaines. C’est aussi surtout la première fois qu’il consulte pour sa tuberculose, qu'il avait tenté jusqu'ici de soigner par lui-même. Plusieurs médecins lui conseillent dès lors de passer les mois d’hiver en Crimée, presqu’île de la mer Noire réputée pour son climat tempéré ou bien dans d'autres pays du sud de l’Europe. Tchekhov suit ce conseil et voyage à l’automne 1897 pendant plusieurs mois sur la côte méditerranéenne française.
En septembre 1898, il se rend à Yalta en Crimée et y achète un mois plus tard une parcelle pour y faire construire une nouvelle propriété. À la suite de la mort de son père en 1898, la propriété de Melikhovo, qui est de moins en moins fréquentée, est finalement vendue à l’été 1899. À la suite d’un désaccord avec Souvorine, Tchekhov signe début 1899 un nouveau contrat avec l’éditeur d’origine allemande Adolf Marx, qui pour 75 000 roubles, acquiert les droits de son œuvre à l’exception des pièces de théâtre. Avec cet argent il se fait construire une petite maison la « Datcha Blanche sur le terrain acquis à Aoutka près de Yalta. Tchekhov s’y rend à la fin de l’été 1999.

Retour en Crimée et dernières années

À Yalta, Tchekhov fait la connaissance de plusieurs auteurs réputés de l’époque, avec qui il se lie d'amitié – parmi lesquels l’écrivain révolutionnaire engagé Maxime Gorki. Pourtant, malgré sa constante implication en tant que médecin bénévole, il décrie sans cesse l’atmosphère provinciale et désolée de Yalta qui ne lui rappelle en rien la vie mondaine et culturelle de Moscou ou de Saint-Pétersbourg. Il écrit en janvier 1899, peu après son installation dans sa nouvelle demeure, à un de ses anciens camarades de classe : Voilà maintenant une semaine, qu’il pleut sans discontinuer, et je dois crier d’ennui et d’aide. Combien je perds, en vivant ici ! . Pour lutter contre la morosité de la vie de province, Tchekhov lit régulièrement les journaux de Moscou et de Saint-Pétersbourg et suit avec un intérêt évident les manifestations étudiantes et les troubles politiques de la capitale, qui se répandent comme les prémices de la révolution à venir dans le pays entier.
En 1898, il traverse une crise morale, publiant Les Groseilliers, un procès du bonheur. Malgré une santé de plus en plus fragile, Tchekhov voyage toujours à Moscou. Ainsi, en septembre 1898, il assiste à une répétition d’une nouvelle mise en scène de La Mouette au Théâtre d'art de Moscou. Il y fait la connaissance de l’actrice Olga Knipper 1868–1959, qui joue par la suite souvent le premier rôle de ses pièces dans ce théâtre.
Tchekhov et Olga Knipper se rencontrent par la suite plusieurs fois à Moscou comme en Crimée, où la troupe du théâtre d’art est en tournée au printemps 1900. L’auteur, qui n’a pu rencontrer que brièvement l’actrice, trouve en elle son grand amour. S'ensuit une abondante correspondance quasiment ininterrompue depuis leur première rencontre. Ils se marient à Moscou le 25 mai 1901 ; Tchekhov, redoutant une cérémonie grandiose, l’union a été célébrée secrètement sans prévenir les proches, en présence seulement des quatre témoins qu'exigeait la loi. Le couple reste sans enfant à la suite d’une fausse couche d'Olga Knipper, la même année.
Les époux ne se voient que très rarement du fait que Tchekov doit rester en Crimée pour raison de santé alors qu'Olga continue à jouer à Moscou. Une lettre du 27 septembre 1900, de Tchekhov à sa femme témoigne de cette relation, où malgré le ton anodin de l’auteur, utilisé afin de ne pas alarmer ses proches, l'auteur laisse entrevoir combien son état de santé est sérieux : … je ne sais plus ce que je dois te dire, sinon ce que je t’ai déjà dit dix mille fois et qu’apparemment tu veux encore entendre, que je t’aime – et rien de plus. Si nous ne sommes pas ensemble en ce moment, cela n’est ni de ta faute, ni de la mienne, mais celle du démon, qui fait que je dois me débattre avec les bacilles et toi avec l’amour de l’art.
Tchekhov écrit en Crimée deux pièces importantes : Les Trois Sœurs 1900 et La Cerisaie 1903. Dans la maison de Yalta sont conçus les récits : De l'amour 1898, Dans la combe, La Dame au petit chien tous deux de 1899 et L'Évêque 1902. Le travail littéraire à Yalta avance en revanche difficilement. Entre 1899 et 1902, Tchekhov doit travailler à une compilation de son œuvre pour les éditions Marx. Pour les nombreux visiteurs de la datcha, il semble très fatigué du fait de toujours plus fréquentes hémoptysies, accès de fièvre et difficultés respiratoires. Tchekhov tente sans succès d’enrayer sa tuberculose galopante grâce à des voyages à l'étranger – il passe ainsi beaucoup de temps à Nice pendant les hivers 1897-1898 et 1900-1901 – et aussi par une cure de kumiz lait de jument, qui ne permet pas de stopper une maladie considérée alors comme incurable..
La dernière sortie officielle de Tchekhov, alors qu’il est déjà profondément marqué par la maladie, a lieu lors d’un hommage à l’écrivain au théâtre d’art de Moscou à l'occasion de la première de sa dernière pièce, La Cerisaie, en janvier 1904. Tchekov a alors 44 ans. Le dernier récit qu'il écrit, La Fiancée, est achevé dès le printemps 1903.
Monument de Badenweiler, avec la plaque commémorative à l’hôtel Sommer aujourd’hui centre de convalescence, où Tchekhov meurt en 1904
Début juin 1904, Tchekhov et sa femme partent pour l'Allemagne, une fois de plus pour se soigner et consulter le docteur Karl Ewald, spécialiste des maladies pulmonaires. Après un court séjour à Berlin le couple part dans la station thermale de Badenweiler, dans la Forêt-Noire, qui leur a été recommandé par un médecin moscovite d’origine allemande. Tchekhov y écrit quelques lettres à destination de Moscou, dans lesquelles il décrit la vie ordonnée, aisée, cependant souvent ennuyeuse et sans talent des Allemands.
Après une amélioration passagère de son état de santé, Tchekhov est victime de plusieurs crises cardiaques mi-juillet, la dernière dans la nuit du 15 juillet, peu de temps avant sa mort. Olga Knipper décrit ainsi dans ses mémoires les derniers instants de Tchekhov :
Peu après minuit, il se réveille et fait appeler un médecin pour la première fois de sa vie. … Le docteur étant arrivé, il demande un verre de champagne. Anton Pavlovitch se lève et dit solennellement en allemand au médecin qui était à son chevet il connaissait seulement très peu d’allemand : Ich sterbe… je meurs… puis il prend le verre, se tourne vers moi, … dit : cela fait longtemps que je n’ai plus bu du champagne…, ayant bu son verre tranquillement, il se coucha sur le côté gauche et se tut à jamais.
Tchekhov est transporté par chemin de fer à Moscou et inhumé aux côtés de son père le 22 juillet 1904 en présence d’une forte affluence au cimetière de Novodiévitchi 2e division

Récompenses et commémorations

Tchekhov fut récompensé par trois fois de son vivant. En octobre 1888, il reçoit le prix Pouchkine du département de littérature russe de l'Académie des Sciences doté de 500 roubles pour son recueil Dans le crépuscule, qu'il avait dédié au romancier en vogue Dmitri Grigorovitch. Fin 1899, Tchekhov fut honoré, pour son dévouement à la cause de l’enseignement public dans le district de Serpoukhov, du 3e grade de l'ordre de saint Stanislas ; bien qu'il ne fût pas opposé à cet hommage, il n'en fit mention dans aucune de ses lettres. En janvier 1900, Tchekhov est élu comme membre d'honneur de la section Belles-Lettres de l'Académie des Sciences, titre qu’il abandonnera seulement deux ans plus tard, de même que Vladimir Korolenko, en protestation de l’annulation arbitraire et politique de l’élection de Maxime Gorki.
Le 25 juillet 1908, quatre ans après sa mort, fut érigé à Badenweiler le premier mémorial : une première pour un écrivain russe en dehors de son pays. Le Théâtre d'art de Moscou fit une représentation au bénéfice de son financement. En 1918, peu de temps avant la fin de la Première Guerre mondiale, le mémorial fut fondu pour fabriquer des armes. C'est seulement en 1992 que fut déposé sur le socle un nouveau buste offert par les amis de Tchekhov de l'île Sakhaline en souvenir de sa visite. En 1998 fut ouvert dans l’aile de la prairie de la maison de cure de Badenweiler le musée littéraire Salon Tchekhov, lequel recèle de nombreuses lettres et documents originaux datant du séjour en Allemagne du dramaturge et de sa réception.
En Russie et dans les pays de l'orbite soviétique, son nom fut donné à des rues dans de nombreuses villes. Plusieurs lieux ont également pris le nom de l'auteur : notamment l'ancien village de Lopasnja près de Moscou, près duquel était située la principale propriété des Tchekhov ainsi que le village Tchekhov sur l'île de Sakhaline. Un lieu de cure près d'Oufa, dans les environs duquel, Tchekhov et sa femme avait acquis un terrain en 1901, porte le nom de Tchekhovo. En 1987, une station du tout récent métro fut nommée Tchekhovskaïa en l'honneur de l'écrivain : celle-ci se situe non loin d'une maison toujours existante dans laquelle les Tchekhov ont résidé juste avant leur départ pour la province. Un musée Tchekhov se situe dans une autre des anciennes résidences des Tchekhov, rue Sadovaïa-Koudrinskaïa, dans la ceinture verte près de la station de métro Barrikadnaja. La famille Tchekhov y vécut au second étage de 1886 à 1890. Le musée fut ouvert en 1954 et inauguré par la veuve de Tchekhov Olga Knipper.
Dix ans auparavant, la propriété de Melikhovo fut transformée en musée Tchekhov. Il porte maintenant le titre officiel de réserve nationale A. P. Tchekhov et recèle, parmi un fonds de 20 000 pièces, quelques peintures originales de Isaac Levitan ainsi que de son frère Nikolaï décédé prématurément.
Un musée existe également à Yalta dans la presqu'île de Crimée. Il se situe dans la maison construite d'après ses propres plans sur le terrain acquis par Tchekhov en 1898 et surnommée ainsi en référence à son propre aspect la datcha blanche. Le jardin y est maintenu dans l'état voulu par Tchekhov qui y exerçait sa passion du jardinage. Le musée conserve l'état exact des lieux j usque dans la disposition de sa table de travail au moment de sa mort en 1904, sur quoi veilla sa sœur Maria, qui dirigea le musée jusqu'à sa mort en 1957. Une annexe de ce musée se situe dans une villa de Hourzouf, dans les environs de Yalta, où Tchekhov rédigea Les Trois Sœurs. D'autres musées Tchekhov se situent à Taganrog dans l'ancien magasin de son père Pavel Yegorovitch, de même que dans le lycée que fréquenta Tchekhov, dans les villes d'Alexandrovsk-Sakhalinsk et de Ioujno-Sakhalinsk sur l'île de Sakhaline qu'il visita en 1890, dans la ville ukrainienne de Soumy dans la datcha où les Tchekhov passèrent les étés de 1888 et 1889.
En 1990, à l'occasion du 130e anniversaire de sa naissance, Tchekhov fut immortalisé par une pièce commémorative soviétique d'un rouble

Correspondance Isaac Levitan

Le célèbre peintre russe d'origine juive Isaac Levitan 1860-1900 fit la connaissance de Tchekhov en 1880 pendant ses études par l'intermédiaire du frère aîné Nikolaï, alors qu'ils fréquentaient tous deux l’École de peinture, de sculpture et d'architecture de Moscou. Levitan deviendra un des amis les plus proches de Tchekhov et de sa famille, et fit le projet, en 1890, de voyager avec lui en Sibérie et à Sakhaline. Comme peintre paysagiste, Levitan illustra les descriptions de la nature de Tchekhov comme celles présentes dans la nouvelle La Steppe ; de plus il passa fréquemment les mois d'été en compagnie des Tchekhov à Melikhovo et s'inspira des lieux pour plusieurs de ses tableaux. Lors de son premier séjour en France au printemps 1891, Tchekhov écrira ainsi, de son ton ironique habituel : Les peintres russes sont beaucoup plus sérieux que les Français. En comparaison des laborieux peintres de paysages, que j'ai vus hier, Levitan est un roi.
Dans les années 1890, Levitan interrompit ses relations amicales pendant quelques années, à cause, entre autres, d'une femme qu'il fréquentait, qui elle-même raffolait de Tchekhov : il s'agissait de Lika Mizinova, une amie de la sœur de Tchekhov, Maria, et une brève relation sentimentale de Tchekhov, par l'intermédiaire de qui il rencontra Olga Knipper à plusieurs reprises, qu'il ne prit alors pas plus au sérieux. La querelle s'envenima encore avec la publication du récit La Cigale 1892, dans lequel Levitan, croyant se reconnaître à travers l'un des personnages, se sentit outragé par Tchekhov. Ils se réconcilièrent par la suite. Tchekhov rendit visite à Levitan en 1895, quand celui-ci, traversant une dépression sévère, fit une tentative de suicide Ces quelques jours, que tu as passé ici, furent les plus calmes de cet été, lui écrira par la suite Levitan ; puis une dernière fois en mai 1900 à Moscou alors que Levitan était sur son lit de mort.

Franz Schechtel

Le futur architecte et promoteur de nombreux bâtiments importants Franz Schechtel 1859-1926 étudia à l’École de peinture, de sculpture et d'architecture de Moscou en même temps que Nikolaï Tchekhov et Isaac Levitan. Il était ami de Tchekhov depuis ses études et construisit le bâtiment, tel qu'il existe encore aujourd'hui, du Théâtre d'art de Moscou créé un an auparavant, dans lequel furent montées du vivant de Tchekhov plusieurs de ses pièces. Schechtel bâtit en 1914 la nouvelle bibliothèque de Taganrog, la ville natale de Tchekhov, dans son style art nouveau préféré. Avant son départ en 1879 pour Moscou, Tchekhov fréquenta régulièrement la bibliothèque datant du XIXe siècle, qui porte maintenant son nom.

Vladimir Guiliarovski

Tchekhov fit connaissance avec le journaliste chroniqueur et auteur réputé Vladimir Guiliarovski 1855-1935 pendant ses études dans une rédaction d'une revue humoristique. Cette relation amicale dura toute sa vie. Du fait de sa situation de journaliste très expérimenté et de ses nombreuses relations, Guiliarovski fournit à Tchekhov beaucoup de matière pour son œuvre. Il est admis par exemple que le protagoniste de son récit Un Malfaiteur 1885 est basé sur un personnage réel que Tchekhov avait rencontré lors d'un séjour dans la datcha de Guiliarovski située à Kraskovo, dans le sud-est de Moscou. Guiliarovski rassembla ses souvenirs sur Tchekhov dans son livre Amis et Rencontres paru en 1934.

Vladimir Korolenko

L'auteur russo-ukrainien Vladimir Korolenko 1853-1921, dont la carrière littéraire débute quasiment en même temps que celle de Tchekhov et qui est connu pour ses récits souvent très chargés psychologiquement, rencontre Tchekhov en février 1887 et deviendra l'un de ses amis les plus proches Je suis prêt à jurer, que Korolenko est quelqu'un de très bien. Non seulement c'est divertissant de côtoyer cet individu, mais cela le reste aussi après coup., selon Tchekhov. Par la suite, Korolenko soutiendra volontiers Tchekhov dans ses activités de bienfaisance notamment en 1891 durant l'aide alimentaire dans le gouvernement de Nijni Novgorod. Une des facettes les plus connues de leurs actions communes fut leur démission simultanée de leur qualité de membre d'honneur de l'Académie des Sciences à l'été 1902, en signe de protestation publique coordonnée à la récente privation de cette distinction faite à Maxime Gorki en raison de son « manque de fiabilité politique.

Vsevolod Garchine

De ses propres dires, Tchekhov ne connut qu'à peine l'écrivain Vsevolod Garchine 1855-1888 du fait de la mort précoce de celui-ci à la suite d'une tentative de suicide, bien que Tchekhov ait tenté à plusieurs reprises de faire connaître son talent d'auteur. Garchine est considéré par certains comme étant un précurseur de Tchekhov, en écrivant des romans réalistes poignants, bien que la nature pessimiste de Garchine soit très éloignée de la confiance de Tchekhov dans le progrès. Son récit La Crise publié en 1888 - en allusion à deux œuvres connues de Garchine - qui traite du thème de la prostitution, fut dédié par Tchekhov à la mémoire de Garchine et parut dans une anthologie le concernant parmi des œuvres de divers auteurs.

Piotr Tchaïkovski

Le compositeur Piotr Tchaïkovski 1840-1893 compte également parmi les proches relations de Tchekhov, ce qui n'est pas dû seulement à la passion de Tchekhov pour la musique en général et pour celle de Tchaïkovski en particulier. Ainsi, Tchekhov construisit des scènes de plusieurs de ses récits Ma Vie, Récit d'un inconnu, Ionytch, qui citent ou rappellent des pièces de Tchaïkovski.
Tchekhov rencontra Tchaïkovski pour la première fois chez lui en décembre 1888 : il lui dédiera un an plus tard son nouveau recueil Des gens moroses. À cette époque, Tchekhov fit le projet de rédiger un livret pour l'opéra Bela d'après le motif de Lermontov Un Héros de notre Temps pour Tchaïkovski. Ce projet n'aboutit pas, du fait de la mort prématurée de Tchaïkovski en 1893 qui laissa son opéra inachevé.



Posté le : 16/01/2016 18:19
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Re: Défi du 16 janvier 2016
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Voici une nouvelle écrite l'an dernier qui correspond au thème :

Handicap

Dans une famille modeste, un enfant naquit. Il n’était pas aussi parfait que les autres nouveaux nés à la maternité, sauf aux yeux de sa mère qui le prénomma Gabriel.
Le petit grandit en sagesse. Mais la droiture de son comportement ne l’empêcha pas de voir son dos se courber au fur et à mesure de sa croissance.
À l’adolescence, il arborait deux proéminentes bosses au niveau des omoplates. Ce surpoids lui faisait voûter la colonne vertébrale et il marchait à la manière d’un homme âgé. Les autres enfants ne manquaient évidemment pas de se moquer de lui. Il lui était difficile de se faire des amis. Même ceux qui ne le traitaient pas de « monstre » ou « Quasimodo » ne lui adressaient pas plus la parole, de peur de devenir, à leur tour, sujets de railleries.
Grâce au soutien de ses parents et à sa persévérance, Gabriel fit des études et obtint un diplôme dans l’aéronautique. Depuis tout petit, il était passionné par toutes les machines volantes. Sa chambre débordait de modèles réduits et posters d’avions. Voler a toujours été un rêve pour l’homme, et dessiner des objets capables de le réaliser était devenue la passion du jeune homme. Il décrocha un poste dans une grande entreprise.
Penché sur sa planche à dessins, Gabriel innovait, imaginait, s’évadant ainsi de la réalité. Il en oubliait les maux de dos qui devenaient de plus en plus terribles chaque jour. Il lutta jusqu’à ses dernière forces. Mais un jour, plié en deux par la douleur, il s’effondra.
À l’hôpital, il passa de nombreux examens. Le spécialiste n’avait jamais connu un tel cas dans toute sa carrière. Et pourtant celle-ci était déjà bien longue. Deux masses imposantes s’étaient développées dans le dos de son patient. Mais le chirurgien était bien incapable d’en déterminer la nature : du cartilage, de l’os, une tumeur ? L’opération s’imposait.
Le médecin commença à inciser lentement le dos de Gabriel, anesthésié quelques minutes plus tôt. Alors qu’il envisageait de retirer ce qu’il allait trouver, le chirurgien se ravisa lorsqu’il en découvrit la nature exacte. Après mûre réflexion et quelques appels à des confrères, il termina l’opération avec succès.
Au réveil, les premières paroles du jeune homme furent :
« Suis-je normal maintenant ?
– Vous ne le serez jamais mais je pense que vous considérerez votre handicap autrement maintenant. Levez-vous. »
La patient se leva doucement et suivit le médecin jusqu’à un grand miroir.
« Tournez-vous et regardez…. »
Gabriel découvrit deux masses blanchâtres dans son dos. Il cria :
« Mais qu’avez-vous fait ?
– Rien. Je les ai juste libérées.
– Mais ce sont….
– Oui. Mais elles doivent encore se développer. Pouvez-vous les contrôler ?»
Le jeune homme redressa le dos et se concentra. De manière un peu saccadée, il parvint à les ouvrir et découvrit ses ailes. Elles étaient encore petites et leurs plumes ensanglantées mais il parvint à leur insuffler un mouvement de va-et-vient. Il ne savait pas s’il devait être heureux ou pas. C’était une sensation étrange. Ces ailes incarnaient sa passion mais leur présence ne le rendait toujours pas normal.
Au fil des mois, ses appendices plumeux grandirent. Seul dans son appartement, Gabriel s’entraînait à les contrôler. Mais il lui devenait de plus en plus difficile de les cacher sous ses vêtements larges. Un jour, Eric, un collègue, remarqua quelques petites plumes autour de sa chaise et l’interpella :
« Tu as un pull fait en plumes de pigeons ou quoi ? »
Gêné, le jeune homme sourit timidement mais resta muet.
Lorsqu’elles atteignirent une taille équivalente à la largeur de son loft, il décida qu’il était temps de les tester. Il se rendit dans une clairière déserte et se planta en plein milieu. Gabriel se mit à battre des ailes de plus en plus rapidement. Il sentit qu’il s’élevait doucement dans les airs. Il n’avait jamais ressenti une telle joie, une telle sensation de liberté. A quelques mètres du sol, il tenta de prendre une direction mais il ne parvint qu’à chuter lourdement sur le sol. Il lui fallait apprendre. Et les seuls maîtres qui pouvaient l’aider étaient les oiseaux.
De retour chez lui, il rechercha tout ce qu’il put sur le vol, avec des ailes réelles et non artificielles. Il se passa en boucle les reportages animaliers filmant les oiseaux de chasse en plein vol. Il étudia l’anatomie des ailes. Il se devait d’en comprendre la mécanique afin de pouvoir exploiter tout le potentiel que la nature lui avait gracieusement octroyé.
Après avoir appréhendé la théorie, il fallait mettre le tout en pratique. Gabriel retourna dans la clairière. Torse nu, il frissonnait dans l’air frais du petit matin. Il commença par s’élever doucement dans les airs. Maladroitement, il se déplaça, perdit un peu de hauteur, remonta. Les débuts furent laborieux. Après plusieurs heures et quelques chutes sans gravité, Gabriel était trempé de sueur et à bout de souffle. Il ne pouvait demander conseil à personne, il devait être le premier humain capable de voler sans artifice.
C’est ainsi que, chaque week-end, il continua à s’entraîner jusqu’à maîtriser parfaitement sa trajectoire. Quelles sensations incroyables lorsqu’il descendait en piqué vers le lac tout proche. L’adrénaline se répandait dans ses veines. C’était extatique, comme vivre un rêve éveillé.
Un jour, Gabriel était occupé de travailler, le dos courbé au-dessus de sa planche à dessins lorsqu’Eric passa derrière lui. Le regard de ce dernier fut attiré par la présence d’une grande plume blanche à terre. En se penchant pour la ramasser, il remarqua alors que des plumes identiques dépassaient du pull de son collègue. Intrigué, il souleva ce dernier et s’écria : « Oh, mon Dieu ! »
Gabriel se leva d’un bond et rabaissa son tricot. Eric le regardait bizarrement :
« Tu peux m’expliquer ? »
Gabriel resta muet quelques instants, cherchant la parade idéale.
« Je vais… à une fête costumée directement après le boulot.
– Toi, invité à une fête ? Tu n’as aucun ami. Arrête de mentir veux-tu !
– Je… je t’assure !
– Tu mens aussi sur ton handicap ?
– Pas du tout !
– Alors prouve-le et déshabille-toi !
– Je n’ai rien à te prouver. J’ai été engagé pour mes compétences.
– Ce n’est pas ce qui se dit dans les couloirs. Enlève ton pull !
– Non !
– D’accord. Je reviens. »
Eric sortit précipitamment de la pièce et revint quelques minutes plus tard avec le chef de service et le directeur, tous deux affichant un air désapprobateur. Le chef prit la parole :
« Gabriel, Eric soutient que vous nous avez monté un bateau et que vous n’avez aucun handicap. Qu’avez-vous à dire pour votre défense ?
– Mais… croyez-moi. Je vous en conjure.
– Retirez votre pull et nous vous laisserons tranquille. »
Gabriel se sentit piégé comme un rat. Les trois hommes avaient le regard braqué sur lui. Lentement, il retira à regret son tricot extra large. Ses ailes, libérées de leur étreinte, se déployèrent légèrement. Là, les spectateurs, bouche bée, ouvrirent de grands yeux ronds.
Après de longues secondes de silence pesant, ce fut Gabriel qui prit la parole :
« Je peux me rhabiller ? »
Le directeur s’approcha et passa derrière le dessinateur. Doucement, il caressa les douces plumes de son employé.
« C’est incroyable ! Pourquoi les cachez-vous ?
– Difficile d’être… différent.
– Et vous pouvez voler ?
– Maintenant oui.
– Il faut exploiter ce don, mon ami ! »
Le directeur avait annoncé cela de façon solennelle. Très vite, Gabriel devint l’icône de l’entreprise. Il commença à apparaître dans des publicités. C’est ainsi que le monde entier découvrit l’homme-oiseau. Il fut sollicité par des chaînes de télé, des journaux nationaux pour des interviews, des reportages. Il devint même l’égérie d’une grande marque de parfum. Dès lors, il eut accès aux fêtes très privées, il côtoya la jet-set, ne sachant plus dénombrer ses amis. Il dut abandonner son emploi, trop pris par les mondanités. Sa vie changea en peu de temps, il était adulé par les femmes, jalousé par les hommes. Il ne pouvait se promener dans la rue sans qu’on l’interpelle pour un autographe, une photo ou une petite démonstration de vol.
Un jour, un producteur lui proposa même un rôle taillé sur mesure dans un film d’action. Il en était évidemment l’acteur vedette. En tournant une scène un peu périlleuse, Gabriel fit une mauvaise chute. Amené d’urgence à l’hôpital, on lui diagnostiqua plusieurs fractures au niveau des ailes. Il subit de lourdes opérations mais il fallut se rendre à l’évidence ; il ne pourrait plus jamais voler !
Le cœur déchiré, Gabriel dut se résoudre à se faire amputer de ses appendices exceptionnels. A l’issue de l’opération, il s’observa dans le miroir. Son dos était droit, sans bosse. De ses ailes, il ne restait que deux cicatrices longilignes le long de ses omoplates.
De retour chez lui, il s’acheta des T-shirts et des pulls adaptés à sa nouvelle morphologie. Rapidement, les médias se détournèrent de lui. Il finit par reprendre son ancien poste.
Lorsqu’il se promenait dans la rue, il était enfin devenu un homme parmi les autres. Il avait connu le regard de pitié, de dégoût ou les moqueries lorsqu’il était bossu. Puis il avait affronté celui de l’envie, de l’admiration lorsqu’il était l’homme-oiseau. Enfin, il pouvait avoir une vie normale.
Un jour, il croisa la route de Michèle et ce fut le coup de foudre. Le couple s’installa rapidement et Michèle tomba enceinte. Gabriel était heureux.
A la maternité, il était aux côtés de son épouse pour accueillir leur enfant qu’ils choisirent de prénommer Ange. Le gynécologue déposa le nouveau-né dans les mains du papa, comblé. Ce dernier tenait son petit contre son torse, lorsqu’il remarqua deux petites bosses au niveau des omoplates du nourrisson.


Posté le : 16/01/2016 17:52
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Paulus Potter
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Le 17 janvier 1654 meurt Paulus Potter

à 28 ans à Amsterdam, né à Enkhuizen le 20 novembre 1625, peintre animalier néerlandais Provinces-Unies.Ses maîtres sont Pieter Symonsz Potter, Jacob de Wet du mouvement baroque. Il a influencé Constant Troyon. Son père était Pieter Potter. Ses Œuvres les plus réputées
sont Q17275817, Q17275819, Le Taureau 1647, Mauritshuis, La Haye

Fils et élève d'un peintre d'histoire rembranesque déjà fort estimable qui s'établit à Amsterdam en 1631, Pieter Potter, Paulus reste dans l'histoire des arts comme un peintre étonnamment doué, très précoce, mais ayant pu à peine donner toute sa mesure, puisqu'il meurt très jeune, à l'âge de vingt-neuf ans. En 1646, il est signalé à Leyde et entre alors dans la Gilde des peintres. En 1649, on le trouve à la Gilde de La Haye ; il s'y marie en 1650 ; puis il passe à Amsterdam en 1652, peut-être à la suggestion du docteur Tulp — il fait un peu plus tard le portrait de son fils —, et reste dans cette ville jusqu'à sa mort. Influencé également en ses débuts par le peintre d'histoire Moeyaert (en revanche, son passage dans l'atelier de J. de Wet à Haarlem en 1642-1643 reste problématique), Potter se spécialisa dans la peinture d'animaux, peut-être à partir de suggestions utrechtoises comme celles de Jacob Cuyp et du vieux Bloemaert qui ont popularisé ces thèmes de peintures de bestiaux puissamment réalistes et fermement dessinés. A joué ici un rôle non moins patent la tradition de la peinture d'histoire prérembranesque à Amsterdam, depuis Lastman et dont Pieter Potter et Moeyaert furent d'efficaces relais. Avec Paulus Potter comme avec Dujardin dont il est si proche (il est difficile de dire avec certitude lequel a influencé l'autre !) plus encore qu'avec Berchem ou Albert Cuyp, triomphe le portrait d'animal, présentation fine et soignée de bestiaux attentivement dessinés et silhouettés dans un cadre de paysage très délicat mais vide de toute présence humaine, qui va bien au-delà du simple étoffage d'un paysage, d'une pure figuration subordonnée à la nature environnante. Un réalisme plein d'élégance et de nerveuse justesse, une lumière délicatement précise et froide — ainsi dans le raffiné et merveilleux Cheval pie du Louvre —, un sens étonnant du paysage qui reste trop méconnu — voir l'étonnant arrière-plan du Taureau du Mauritshuis, le fameux chef-d'œuvre de l'artiste, daté de 1647 — et qui nuance ce qu'il pourrait y avoir de trop virtuose et de trop exact dans l'insistant détail de ses animaux, une sorte d'italianisme pastoral parfaitement digéré et intégré dans le monde réaliste néerlandais, une poésie de la simplicité servie par une parfaite habileté picturale, telles sont les grandes qualités qui distinguent Potter, arrachent ses sujets à la banalité du genre et lui permirent, en une carrière de dix ans à peine, de laisser un œuvre à la fois considérable et réputé qui font de lui l'un des noms les plus populaires — et à bon droit — de la peinture néerlandaise du XVIIe siècle. Surprenantes, presque provocantes sont ses immenses et presque maladroites toiles de La Haye (Le Taureau) ou de la collection Six à Amsterdam (Portrait équestre du Dr Tulp, 1653). À l'image même de son dessin juste et pur et de sa peinture fine et précise, ses gravures (au nombre d'une vingtaine) restent, elles aussi, des merveilles d'attention et d'exactitude modeste et attachante. Le ciel de ses tableaux est souvent gris argent, pommelé de nuages, ses animaux se tiennent immobiles et posent harmonieusement sous l'éclairage d'une fine lumière dorée (dans cet esprit, le chef-d'œuvre est La Vache qui se mire datée 1648, Mauritshuis, La Haye). Si l'inspiration n'est ni très élevée ni très originale, il faut reconnaître que la qualité de l'exécution est incomparable. Aussi bien sa formule rencontra-t-elle un vif succès, et Potter eut de nombreux imitateurs : sans parler de Dujardin (de trois ans son aîné), il faut citer au moins Klomp, Jean Le Ducq, Murant, Adriaen van de Velde ; le genre fut repris aux XVIIIe et XIXe siècles par d'innombrables suiveurs et pasticheurs (la vogue de Potter fut inouïe au XIXe siècle, et Le Taureau de La Haye fut le grand chef-d'œuvre conquis par les Français et l'orgueil du musée Napoléon), tels que J. Kobell, P. van Os, Ommeganck, Demarne, Verboeckhoven, ou même, un peu plus tard encore, Troyon. À ce seul titre, Paulus Potter ne saurait laisser indifférent et ne mérite sûrement pas l'espèce de dédain condescendant qui l'entoure à notre époque et qui a trop résolument succédé à l'enthousiasme peut-être excessivement hyperbolique et littéraire d'un Fromentin. Jacques FOUCART

Sa vie

Quelques années après sa naissance, en 1628, sa famille déménage à Leyde, puis à Amsterdam en 1631, où le jeune Paulus étudie l'art pictural auprès de son père, Pieter Symonsz Potter 1597-1652, et du peintre Jacob de Wet 1610-1671.
Il devient membre de la guilde de Saint-Luc, mais en 1649, il s'installe à La Haye, près de l'atelier de Jan Van Goyen, dont il loue une des maisons. Il épouse la fille d'un entrepreneur en bâtiment qui le fait connaître auprès de l'élite bourgeoise de la ville. Bien que Amélie de Solms-Braunfels, mécène et membre de la famille du stathouder achète une de ses toiles, les sujets rustiques de ses œuvres ne plaisent guère à certaines aristocrates de la cour.
En mai 1652, il retourne à Amsterdam. Impressionné par ses manières civilisées et son raffinement, le chirurgien Nicolaes Tulp, celui de La Leçon d'anatomie du docteur Tulp de Rembrandt, lui commande le portait de son fils Dirck.
Potter, qui meurt peu après, à 29 ans, aura une grande influence sur les artistes qui peindront des paysages très au-delà du début du XIXe siècle.
Peintre animalier, il se concentre quasi exclusivement sur les sujets bovins et atteint une perfection dans leur représentation.
Ses plus grandes œuvres sont exposées au Rijksmuseum d'Amsterdam, mais également à Paris Musée du Louvre, à Londres Wallace Collection, à la Gemäldegalerie Alte Meister de Dresde, à la Gemäldegalerie Alte Meister de Cassel Hesse. Son tableau le plus célèbre, intitulé Le Taureau 1647, se trouve au Mauritshuis de La Haye.
On peut estimer que cette concentration sur un sujet unique les bovins, malgré quelques écarts vers les chevaux ou les chiens, constitue une démarche qui offre un prélude à l'abstraction. Dans cette perspective, Paulus Potter est un maître dont les répercussions résonnent encore dans l'art contemporain.

Quelques œuvres

Smallholder family with cattle, 1646 - 29 × 37 cm
Le Taureau, 1647, huile sur toile, 235,5 × 339 cm, Mauritshuis de La Haye.
Deux chevaux dans un prè près d'une porte, 1649 - 30 cm × 23 cm - huile sur bois, exposée au Rijksmuseum.
Deux chevaux de trait devant une chaumière, 1649 - 26 cm × 24 cm - huile sur bois, exposée au Musée du Louvre.
Le Bois de La Haye, 1650 - 38 cm × 40 cm - huile sur bois, exposée au Musée du Louvre.
Orphée charmant les animaux, 1650
Quatre vaches dans un pré, 1651 - 30 cm × 25 cm - huile sur bois, exposée au Rijksmuseum.
Les Troupeaux, 1651, National Gallery de Londres.
Le Cheval pie, 1653 - 41 cm × 30 cm - huile sur bois, exposée au Musée du Louvre.
La Prairie, 1656 - 121 cm × 84 cm - huile sur toile, achetée par Louis XVI en 1784, exposée au Musée du Louvre.

Références dans la littérature

Dans Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne, le Nautilus est décoré de peintures, dont des Vernet : « Les diverses écoles des maîtres anciens étaient représentées par une madone de Raphaël, une vierge de Léonard de Vinci, une nymphe du Corrège, une femme du Titien, une adoration de Véronèse, une assomption de Murillo, un portrait d’Holbein, un moine de Vélasquez, un martyr de Ribera, une kermesse de Rubens, deux paysages flamands de Téniers, trois petits tableaux de genre de Gérard Dow, de Metsu, de Paul Potter, deux toiles de Géricault et de Prud'hon, quelques marines de Backuysen et de Vernet. » chapitre IX




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Posté le : 16/01/2016 16:26

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Jean Dutourd
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Le 17 janvier 2011 à 91 ans meurt Jean Gwenaël Dutourd

à Paris, né le 14 janvier 1920 à Paris, écrivain,; journaliste, romancier et essayiste français, membre de l'Académie française. Il reçoit pour distinction le prix Stendhal en 1946, prix Courteline en 1950, prix Interallié en 1952, prix Prince-Pierre-de-Monaco en 1961
le prix Saint-Simon en 2001 et elle reçoit également le grand Prix Catholique de Littérature en 2005. Il est fait grand officier de la Légion d'honneur, commandeur de l'ordre national du Mérite et commandeur des Arts et des Lettres. Elle est fiateMembre de l'Académie française au fauteuil 31
Auteur de langue française, il écrit roman, essai, chroniques, pamphlet. Ses Œuvres principales sont Au bon beurre 1952 et Les Horreurs de l'amour 1963


En bref

Écrivain français. Né à Paris en 1920, Jean Dutourd est mobilisé en 1940, et fait prisonnier. Il s'évade, et entre par la suite dans la Résistance. Il sera administrateur adjoint du quotidien Libération entre 1944 et 1947, puis attaché aux services français de la B.B.C. de 1947 à 1950. Son premier ouvrage, Le Complexe de César, paraît en 1946. Mais le livre qui le fait connaître du grand public est Au bon beurre 1952, prix Interallié, suite de scènes de la vie des Français sous l'Occupation, qui dresse un tableau à la fois grotesque et des plus noirs de cette période. L'écrivain va poursuivre dans cette veine, faite de drôlerie et de cruauté, avec Doucin 1955, Les Taxis de la Marne 1956, L'Âme sensible 1959, Les Horreurs de l'amour 1963. Parallèlement, il travaille dans la presse, à France-Soir, où il est critique dramatique puis chroniqueur, notamment des émissions télévisées, ce qui donnera Cinq Ans chez les sauvages 1977. Il est élu à l'Académie française en novembre 1978. Ses talents de moraliste, son art de fustiger les mœurs du temps le conduisent à publier, parallèlement à ses romans, des essais proches du pamphlet où il s'en prend avec ironie aux travers de la société : le conformisme, la vanité, les dogmatismes qu'on fait passer pour la vérité (Les Dupes, 1959 ; Le Fond et la forme, 1965 ; L'École des jocrisses, 1970. Au fond, Jean Dutourd ne cesse de dénoncer les jeux de l'illusion qui sont au cœur de la société, et les instruments qui sont les siens : l'ivresse des mots, la fausse monnaie des pensées stéréotypées. Défiance qui l'amène à assumer des positions nettement conservatrices Le Socialisme à tête de linotte, 1983 ; La Gauche la plus bête du monde, 1985. Il le fait avec un style certain, et une science de la langue dont il s'attachera à préserver les pouvoirs et les richesses À la recherche du français perdu, 1999. Il a également traduit Hemingway Le Vieil Homme et la mer, Capote Les Muses parlent et Chesterton L'Œil d'Apollon.

Sa vie

Jean Dutourd est né à Paris, le 14 janvier 1920, de François Dutourd, chirurgien-dentiste et d’Andrée Haas. Il perd sa mère à l’âge de sept ans, est mobilisé à vingt ans, et fait prisonnier au bout de quinze jours de guerre. Il s’évade six semaines plus tard, revient à Paris et passe une licence de philosophie à la Sorbonne. Licence incomplète, car il ne parvient jamais à décrocher le certificat de psychologie.
Il rencontre Gaston Bachelard à la Sorbonne : le philosophe est témoin de son mariage avec Camille Lemercier 1922-2003, le 22 mai 19424. Le couple aura deux enfants : Frédéric 1943 et Clara née en 1945 - décédée. En suite de quoi il entre dans la Résistance, et occupe l'appartement de la famille de Pierre Brossolette partie à Londres. Arrêté au début de 1944, il s’évade et participe à la libération de Paris.
Son premier ouvrage, Le Complexe de César, paraît en 1946 et obtient le prix Stendhal. Jean Dutourd est conseiller littéraire au sein de la maison Gallimard de 1950 à 1966. Il est aussi éditorialiste et succède à Paul Gordeaux comme critique dramatique au quotidien France-Soir. Il tient une chronique hebdomadaire d’un quart d’heure sur Radio Courtoisie, de son éviction de France Soir en 1999 jusqu’en 2007.
Il a longtemps participé, presque quotidiennement, à l’émission Les Grosses Têtes, sur RTL, présentée par Philippe Bouvard. À partir de 2001, il répond tous les jours par téléphone à deux questions posées par Philippe Bouvard et, une fois dans l’année, se rend à l’émission en qualité d’invité d’honneur. Il arrête sa participation quotidienne à l’émission en septembre 2008. Sa participation fut critiquée par l'Académie.
De sensibilité monarchiste, Jean Dutourd est membre du comité de soutien du mouvement L'Unité capétienne, où l’on trouve les noms de Marcel Jullian, André Castelot, Gonzague Saint-Bris, Reynald Secher ou encore Georges Bordonove. Il se prononce contre le Manifeste des 121 en 1960, en qualifiant le choix de ses signataires d'"aberrant"6. Il se présente sous les couleurs de l’Union démocratique du travail mouvement des Gaullistes de gauche aux élections législatives de 1967, dans la circonscription de Rambouillet mais est battu par la députée sortante, la radicale Jacqueline Thome-Patenôtre. Par la suite, il s’affirmera et sera reconnu comme un homme de droite.
De janvier à mars 1975, il met sa chronique quotidienne dans France Soir au service de la défense de la famille Portal, jouant ainsi un rôle déterminant dans la médiatisation de l'Affaire Portal.
Le 14 juillet 1978, il a été la cible d’un attentat qui détruisit son appartement parisien, sans faire de victime.
Jean Dutourd est élu à l’Académie française, au fauteuil de Jacques Rueff, le 30 novembre 1978 fauteuil 31. Il était Président d'honneur du Club des Ronchons. Il est également élu à l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux, où il est reçu le 8 mai 1989.

Il est influencé par le duc de Saint-Simon, Stendhal et Jean Giono.

Il préside jusqu’en 2009 l’association Défense de la langue française AG du 28/03/09): c’est son confrère de l’Académie, Angelo Rinaldi, qui le remplace.
Il est membre du département de langues et de littérature de l’Académie serbe des sciences et des arts.
Il meurt le 17 janvier 2011 à 91 ans. Ses obsèques se déroulent le 21 janvier 2011, en l'église de Saint-Germain-des-Prés à Paris, puis au cimetière du Montparnasse8. Y assistent notamment Philippe Bouvard, de nombreux académiciens, dont les écrivains Alain Decaux et Max Gallo, et l'historienne Hélène Carrère d’Encausse. L’éditeur Raphaël Sorin, l'avocat Paul Lombard, les hommes politiques Charles Millon et Jean Tiberi ont également assisté à la cérémonie.
Le 21 février 2013, Michael Edwards, poète anglais, né le 29 avril 1938, siègera finalement au fauteuil 31 .

Citation

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« Aimer, c'est être embêtant, tatillon, exigeant, c'est vouloir qu'on soit mieux qu'on est, c'est empoisonner l'existence de l'être qu'on aime. » « Il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remords pour le présent, et une confiance inébranlable pour l'avenir »
«Les gens qui se plaignent constamment vivent leurs malheurs deux fois. D'où leur humeur chagrine.» Dutouriana

Œuvre

1946 : Le Complexe de César, essai Gallimard
1947 : Le Déjeuner du lundi, roman Robert Laffont
1947 : Galère, poèmes Éditions des Granges-Vieilles
1948 : L'Arbre, théâtre Gallimard
1950 : Le Petit Don Juan, traité de la séduction Robert Laffont
1950 : Une tête de chien, roman Gallimard
1952 : Au bon beurre, scènes de la vie sous l'Occupation, roman Gallimard
1955 : Doucin, roman Gallimard
1956 : Les Taxis de la Marne, essai Gallimard
1958 : Le Fond et la Forme, essai alphabétique sur la morale et sur le style, tome I Gallimard
1959 : Les Dupes, contes Gallimard
1959 : L'Âme sensible, essai Gallimard
1960 : Le Fond et la Forme, tome II Gallimard
1963 : Rivarol, essai et choix de textes Mercure de France
1963 : Les Horreurs de l'amour, roman Gallimard
1964 : La Fin des Peaux-Rouges, moralités Gallimard
1965 : Le Fond et la Forme, tome III Gallimard
1965 : Le Demi-Solde Gallimard
1967 : Pluche ou l'Amour de l'art, rman Flammarion
1969 : Petit Journal, 1965-1966 Julliard
1970 : L'École des jocrisses, essai Flammarion
1971 : Le Crépuscule des loups, moralités Flammarion
1971 : Le Paradoxe du critique, essai Flammarion
1971 : Le Paradoxe du critique, suivi de Sept Saisons, critique dramatique Flammarion
1972 : Le Printemps de la vie, roman Flammarion
1973 : Carnet d'un émigré Flammarion
1976 : 2024, roman Flammarion
1977 : Mascareigne, roman Julliard
1977 : Cinq ans chez les sauvages, essai Flammarion
1978 : Les Matinées de Chaillot, essai S.P.L.
1978 : Les Choses comme elles sont, entretiens Stock
1979 : Œuvres complètes, tome I Flammarion
1980 : Le Bonheur et autres idées, essai Flammarion
1980 : Discours de réception à l'Académie française Flammarion
1980 : Mémoires de Mary Watson, roman Flammarion
1981 : Un ami qui vous veut du bien Petit manuel à l'usage des auteurs de lettres anonymes Flammarion
1982 : De la France considérée comme une maladie Flammarion
1983 : Henri ou l'Éducation nationale, roman Flammarion
1983 : Le Socialisme à tête de linotte Flammarion
1984 : Œuvres complètes, tome II Flammarion
1984 : Le Septennat des vaches maigres Flammarion
1985 : Le Mauvais Esprit, entretiens avec J.-E. Hallier Orban
1985 : La Gauche la plus bête du monde Flammarion
1986 : Contre les dégoûts de la vie Flammarion
1986 : Le Spectre de la rose Flammarion
1987 : Le Séminaire de Bordeaux, roman Flammarion
1989 : Ça bouge dans le prêt-à-porter Flammarion
1990 : Conversation avec le Général Flammarion
1990 : Les Pensées Éditions du Cherche-Midi
1990 : Loin d'Édimbourg Éditions de Fallois
1991 : Portraits de femmes, roman Flammarion
1992 : Vers de circonstance Éditions du Cherche-Midi
1993 : L'Assassin, roman Flammarion
1994 : Domaine public Flammarion
1994 : Le Vieil Homme et la France Flammarion
1995 : Le Septième Jour, récits des temps bibliques Flammarion
1996 : Le Feld-Maréchal von Bonaparte, uchronie Flammarion
1996 : Scènes de genre et tableaux d'époque Guy Trédaniel
1997 : Trilogie française Le Séminaire de Bordeaux, Portraits de femmes, L'Assassin Flammarion
1997 : Scandale de la vertu Éditions de Fallois
1997 : Journal des années de peste, 1986-1991 Plon
1998 : Grand chelem à cœur Éditions du Rocher
1999 : À la recherche du français perdu Plon
2000 : Jeannot : mémoires d'un enfant, souvenirs Plon
2001 : Le Siècle des lumières éteintes Plon
2003 : Les cinq à sept de Fernand Doucin Plon
2004 : Journal intime d'un mort Plon
2006 : Les perles et les cochons Plon
2007 : Leporello
2008 : La grenade et le suppositoire Plon
2009 : La chose écrite Flammarion
Œuvres complètes, tome III Flammarion
Traductions
Les Muses parlent, de Truman Capote
L'Œil d'Apollon, de Gilbert Keith Chesterton
Le Vieil Homme et la Mer, d'Ernest Hemingway

Récompenses

1946 : prix Stendhal, pour Le Complexe de César
1950 : prix Courteline, pour Une tête de chien
1952 : prix Interallié, pour Au Bon Beurre
1961 : prix Prince Pierre de Monaco, pour l'ensemble de son œuvre
2001 : prix Saint-Simon, pour Jeannot, mémoires d'un enfant
2005 : Grand Prix Catholique de Littérature, pour Journal intime d'un mort

Décorations

Grand officier de la Légion d'honneur
Commandeur de l'Ordre national du Mérite
Commandeur des Arts et des Lettres

Dans la fiction

Jean-Michel Royer, François Mitterrand élu à l'Académie française. François Mitterrand est élu au fauteuil de Jean Dutourd et prononce son éloge.




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Posté le : 16/01/2016 14:40

Edité par Loriane sur 17-01-2016 15:04:33
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Re: Défi du 16 janvier 2016
Plume d'Or
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Hors Ligne
L' aigle royal s' est posé, sur mon épaule je l' ai porté.
Dans le ciel, les grues cendrées se sont élevées.
Des vautours transpercés par un esprit affamé,
Dans les airs ont virevolté, parmi passereaux corbeaux et tourtereaux.
Un avion, penaud, de ces ébats corniauds, s' en est allé chuter.
Sur une montagne, s' est crevé l' antre....

Triste, mon aigle royal a levé l' ancre, s' en est parti retrouver ses congénères.
En cet atmosphère paritaire, a laissé choir ses serres...

Les oiseaux ne se cachent pas toujours pour mourir.

Posté le : 16/01/2016 13:36
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

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