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Re: Défi du 8 mai
Plume d'Or
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Cher Serge,

Tu es un redoutable sprinter. Tu m'as coiffé au poteau et je ne m'en offusque évidemment point.
La première ou le premier qui répond au défi est une source d'inspiration pour les autres. Et cet honneur te revient souvent.
Combien de fois, ta réponse m'a inspiré!

Au plaisir de te lire encore et toujours.
Et c'est toujours un enchantement.

Amitiés de Bourgogne.

Jacques

Posté le : 08/05/2016 17:29
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Re: Défi du 8 mai
Plume d'Or
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Chère Delphine,

Ah non, il ne faut pas que tu en perdes la tête! Que ferons nous sans toi?

A un moment, je me suis dit, il faut lui tenir tête pour qu'elle ne perde pas sa tête. Et puis m'est venue l'idée qu'il fallait que je te dise en tête-à-tête, Delphine, n'aie pas la grosse tête, cela ne vaut pas le coup qu'il te coupe la tête. Enfin voyons!
Et puis après que devais-je faire, me creuser la tête sûrement pour trouver une nouvelle idée. Mais quelle idée? Peut-être ne veut-elle en faire qu'à sa tête qu'elle va perdre si elle le veut!
Peut être qu'elle est tombée sur la tête à vouloir la perdre. A moins qu'en belge, elle ne soit une tête de Turc!
Mais surtout Delphine, ne vas pas penser que je trouve tête à claques; Cela ne m'a jamais traversé l'esprit même si je trouve ta fatalité de perdre ta tête sans queue ni tête.
La solution, te faire la tête pour que tu deviennes une tête brûlée qui n'aura plus de valeur à être coupée. J'ai trouvé.
Et pourtant ma femme te dirait que je suis tête en l'air, à un point que tu ne peux supposer. J'ai même parfois la tête dans les nuages.
Soyons têtes de pioches et reviens nous vite car, heureusement, ce n'était qu'une réponse au défi.

Bises.
Amitiés de Bourgogne.

Jacques

Posté le : 08/05/2016 17:25
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Re: Défi du 8 mai
Plume d'Or
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Cher Donald,
Cher Serge,
Chère Delphine,
Chères Loréennes et chers Loréens,

Je n'ai pas pu m'en empêcher. Il fallait que je réponde à notre ami Serge, notre si grand poète.

J'ai voulu faire une réponse en écho à son poème avec quelques clins d'oeil qu'il me pardonnera bien sûr.
Le titre de ma réponse est : je te suis mon ami dans l'amour des femmes mais ...

Je te rejoindrais bien dans ta prison dorée
Celle des chères femmes au destin coloré.
N’exagérons rien, leurs douces fourberies
Elèvent avec délice notre artillerie.

Elle peut être élégance et majesté des mots
Afin d’éviter d’être auprès d’elles des sots.
Et en coqs fiers, habillés de beaux pourpoints,
Leur dire : allez mes aimées, je ne vous hais point.

Dans notre batterie se compte la tendresse,
Qui souvent se conjugue avec la maladresse,
Mais parfois nos femmes ne veulent qu’un macho
Qui leur offre de la volupté en écho.

Eloignons de notre coupe les mots coquins
Qu’elles nous offrent tant dans les moments libertins,
Auxquels, avec un esprit hardi et mutin,
Nous répondons pour qu’ils soient là chaque matin.

Cela, nous le faisons sans beaucoup de dédain.
Ne s’agirait-il pas d’un cachot très mondain ?
Mais si, d’elles nous sommes des prisonniers nantis
Aimant leur intelligence et leur grâce blotties.

Mais mon ami nous nous devons d’être câlins
Et de l’être à tous les moments cristallins,
Ceux où nous aimons élever notre bannière
Et ceux où elles nous offrent leur beauté altière !

Par les femmes je veux être un homme exploité
Mais qu’une connivence puisse s’ajouter.
Certes, être un amant de grande qualité
Peut flatter sûrement ma masculinité,
Mais avec le temps elle sera embastillée
Et de ses belles ardeurs je serai dépouillé !

La sagesse primera alors sur les sens
Mais vraiment je n’en serai pas à contresens.
Je passerai des maux aux mots comme un Don Juan
De ce changement de voie, je serai le chouan.
Je rembarrerai tant mon orgueil masculin
Que mon amour des mots en sera féminin.

Et en homme baroque, j’appelle les poètes,
Les Alexandre des vers, les anachorètes
Les Bacchus qui trouvent dans le printemps des mots
La floraison des émois sans être un idiot.
Venez à moi pour soutenir ma belle cause,
Dont nous partagerons tous ensemble les clauses.

Je vous l’assure, ma cause n’est pas mythique,
Sans doute la trouvez vous un peu galactique,
Dans un lit, dans un vers, j’aime tant les femmes,
Que de devoir choisir restera un dilemme.
Celle ou celui qui ne voudra pas de ces mots.
Je les lui imposerai à coups de sabots,
Faits d’amitié et de bienveillance bien sûr
Qui sera de tous les temps présents et futurs.

Que Serge me pardonne encore!

Mille grâces amicales à vous toutes et à vous tous.

Jacques

Posté le : 08/05/2016 16:43
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Re: Défi du 8 mai
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Prise de tête

J’avance avec difficultés dans cet enchevêtrement d’arbres noueux, de lianes et de végétation diverse. Ma machette est devenue mon seul moyen de me frayer un semblant de chemin au sein de la forêt amazonienne. Mon employeur, le célèbre National Geographic, m’a envoyé ici afin de débusquer des endroits nouveaux, non encore touchés par l’objectif d’un appareil photo qu’il soit argentique ou numérique. Ce type de mission devient de plus en plus difficile à mener, tant l’homme s’est déjà faufilé dans les endroits les plus inaccessibles de sa planète, du point le plus haut à celui le plus profond. J’ai donc jeté mon dévolu sur le nord du poumon de la Terre.
Au détour d’un bananier, je me retrouve soudainement pendu par le pied droit, à plus de deux mètres du sol, maintenu par une liane tressée. Me voilà piégé comme du vulgaire gibier. Je me débats en espérant que mon lien cède mais en priant intérieurement qu’il ne le fasse pas car la chute pourrait m’être fatale. Le sang me monte vite à la tête et ma vision se trouble. J’entraperçois des silhouettes s’approcher de mon corps pendouillant et me détacher en douceur. Après quelques minutes, je reprends pied dans la réalité et découvre mes sauveurs. Ce sont des hommes basanés de taille modeste, vêtus d’un simple pagne. Leur tête est ornée d’une coiffe multicolore faite de plumes. Leur peau est tatouée de symboles mystérieux. Ils m’observent comme une bête étrange. Je me relève et leur tend une main amicale. L’un d’eux crache dans la sienne et semble attendre que je l’imite. Je m’exécute et nous procédons à une poignée de main virile mais gluante.
Après cet échange, je comprends qu’ils m’invitent à les suivre. Nous marchons longtemps avant d’arriver près d’une large case en bambou. À l’intérieur, les femmes et les enfants sont installés à droite de la construction et les hommes de l’autre côté. Un groupe de gamins vient à ma rencontre et se met à me tourner autour. Je sens des petits mains me toucher les jambes, le dos, les bras et me faire les poches. S’approche alors un homme âgé d’une soixantaine d’années, bien qu’il soit difficile de lui donner un âge car le soleil a buriné sa peau et l’a froissée comme une pomme blette. Il me pose des questions dont je ne saisis pas la teneur. Voyant mon incompréhension, il se met à rire de concert avec les hommes qui m’ont libéré. Le doyen de la communauté ordonne quelque chose à une femme qui court me chercher un bol en bois contenant une boisson chaude. J’avale lentement la mixture qui se révèle être extrêmement piquante. Mes joues virent au rouge, mes yeux se mettent à pleurer et ma bouche semble prendre feu. Mes grimaces génèrent l’hilarité générale. J’ingurgite un broc complet d’eau afin d’apaiser cette horrible sensation de brûlure.
Le chef me présente chaque membre de sa tribu, j’en profite pour sortir mon appareil photo et immortaliser ces êtres pour qui le temps n’a pas influencé le mode de vie. Ici, pas d’internet, pas de téléphone mobile, le monde dit « civilisé » semble leur être totalement étranger. Est-ce un handicap ou plutôt une chance ? Ils ne connaissent pas la pollution, les clivages entre les riches et les pauvres. Ils semblent communier avec la nature, en faire partie intégrante. Ils la respectent et elle les protège et les nourrit. Je filme les femmes qui tressent des lianes, préparent le repas commun, et les hommes qui réparent le toit de la hutte ou fument des feuilles de tabac. La répartition des tâches est proche de la nôtre finalement.
Le soir tombe sur la canopée amazonienne et nous sommes tous rassemblés autour du feu qui trône au milieu de la case familiale. Le souper est composé de légumes qui me sont inconnus mais dont le goût me ravit les papilles. Mon assiette, ou plutôt ma demi-noix de coco, vidée, un homme s’approche et désigne mon appareil photo d’un air interrogateur. Je lui montre sur le petit écran arrière les scènes que j’ai filmées dans l’après-midi. Il ouvre de grands yeux, se tient le visage à deux mains et interpelle le chef avec une intonation de panique. Le doyen à plumes violettes vient jeter un œil à son tour. Il me regarde d’un air de déception et prononce un seul mot avant que tous les hommes me sautent dessus pour m’immobiliser.
Je suis conduit sans ménagement vers une petite case cachée entre deux palmiers. À l’intérieur, on me ligote comme un saucisson et on m’attache à un poteau. Une femme vêtue de peaux de crocodiles s’approche de moi. Elle porte sur la tête un chapeau en lianes tressées surmonté par une tête de singe réduite. Les yeux et la bouche de l’animal ont été cousus et ses poils sont longs. Pendant le discours incompréhensible de la chamane, j’ai le temps de détailler la pièce. Les murs sont recouverts de têtes d’animaux réduites aux deux tiers de leur taille d’origine. Je dois être tombé dans les mains de ces fameux indiens Jivaro, célèbres pour cette pratique très particulière qui consiste à couper la tête d’un ennemi et à la réduire au terme de diverses manipulations afin d’en faire un trophée.
J’espère au plus profond de moi que ce n’est pas le sort qu’on me réserve. Que s’est-il passé ? J’ai eu droit à un accueil chaleureux, voire brûlant, j’ai partagé leur gamelle et maintenant me voici leur prisonnier. Ce sont les images qui semblent avoir causé leur courroux. Je ne suis pas contre leur verser des royalties si mon reportage est diffusé. Mais allez expliquer cela à des êtres qui n’ont même pas l’once d’une idée de ce qu’est une télévision. J’ai lu quelque part que certains peuples croient que la caméra leur vole une partie de leur âme. Peut-être ont-ils eu cette impression…
La sorcière secoue devant mon nez une tête de ouistiti réduite, attachée à une ficelle. Elle place son index droit en transversale de sa gorge et effectue un mouvement de gauche à droite. Je comprends de suite que je vais perdre la tête… au sens propre. Comment m’échapper, c’est un vrai casse-tête. Ma tête bouillonne de pensées, et elle va bientôt bouillonner tout court dans le petit chaudron que je vois au milieu de la pièce. Impossible d’appeler au secours dans cette partie oubliée des opérateurs mobiles. Quand bien même, comment me localiser ? Trente-cinquième bananier à gauche dans la case de la folle du village ? On me laisse en tête-à-tête, et bientôt en tête-à-petite-tête avec un homme qui commence à aiguiser une vieille hache rouillée. Et moi qui n’ai pas fait mon rappel pour le tétanos… Je fais une tentative pour amadouer mon bourreau à coups de larmes de crocodile mais il reste de marbre. Quelle tête de mule ! Et dire qu’en rigolant, mon père me disait toujours : « P’tite tête, va ! Tu oublies tout ! ». Je porterai très bien ce sobriquet dans quelques heures.
Finalement, je terminerai ici mon existence, un comble ou un rêve pour un explorateur. De mes yeux minuscules, même cousus, je pourrai contempler éternellement cette forêt ancestrale jusqu’au jour où des hommes de l’autre monde, celui d’où je viens, la détruiront. Ils décimeront ce peuple et découvriront ainsi qu’un jour, un explorateur blanc leur a rendu visite et y a perdu la tête.

Posté le : 08/05/2016 16:23
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Re: Défi du 8 mai
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Donald le révolté,

Cela te va si bien ! Perte de poids grâce à une période de stase, je suis preneuse mais pas pour la suite ! La prière peut être considérée comme un moment de liberté où la pensée peut vagabonder et aller où bon lui semble.

Je reconnais bien là tes idéaux.

Merci pour ce joli défi.

Bises mon canard préféré

Couscous, la hurlue au grand coeur et à la petite tête... (cfr mon prochain post)

Posté le : 08/05/2016 16:03
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Re: Défi du 8 mai
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Cher Jacques,

Ce sonnet sonne si vrai pour qui te connaît. Il est juste de dire que l'on aime à s'enchaîner à nos chers défis. Tu leur rends hommage d'un bien jolie façon. Partageons donc nos geôles et nos chaînes encore longtemps.

Je t'embrasse et t'envoie mes douces pensées.

Couscous

Posté le : 08/05/2016 15:33
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Re: Défi du 8 mai
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Mon Titi,

Tu es tout pardonné. Il est vrai qu'il est difficile de repousser les belles qui se pâment devant la beauté de ton corps et rêvent de partager ta couche. Point besoin de Meetic, tes vers ont suffi à me conquérir... le coeur et l'âme.


Mon beau Serge je t'embrasse et jalouse Mme Titi qui j'espère te lit !

Couscous

Posté le : 08/05/2016 15:30
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Re: Défi du 8 mai
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Quel témoignage de ces gens murés dans leur solitude physique par le fait de l’inconscience d'un autre.

La lecture est émouvante et rappelle le prix, dont on n'a que rarement conscience, dune bonne santé.


Il est dit que la santé est l'unité qui fait valoir tous les zéros de la vie. Ton remarquable texte le démontre, oh combien.

merci Delphine, pour ce généreux instant de réflexion, dans ce défi proposé,

Bonne journée

Serge.

Posté le : 08/05/2016 11:32
_________________

Le bonheur est une chose qui se double,..…..si on le partage …

Titi
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Re: Défi du 8 mai
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Ma petite Sibérie


Je ne sais plus depuis combien de temps je suis dans ce camp d’internement. Les journées se suivent et se ressemblent malheureusement trop, entre promenades dans la cour froide et inhumaine, longues séances de prière silencieuse et travaux manuels à l’atelier de confection.

Personne ne sait réellement où nous sommes. Nos gardiens parlent le français avec un petit accent indéfinissable. D’aucuns les supposent allemands, venus de la Prusse Orientale, d’autres les déclarent russes, toutes les théories convergeant vers une origine européenne. « Qu’est-ce que ça change ? » leur ai-je dit un jour, énervé par ces conjectures incessantes. Il y avait de quoi sortir de ses gonds, à force d’entendre des experts autoproclamés, des cadors de la linguistique, détecter des intonations moscovites, des notes berlinoises ou des formules viennoises à des ordres saccadés émis par des brutes épaisses. Des gardiens restent des tueurs de libertés, quelle que soit leur lieu de naissance, la couleur des prés où ils ont couru enfant et le nom de leur divinité locale.

Mes compagnons de chaîne ont dénommé cet endroit « la Sibérie mentale ». Nous avons tous en commun d’avoir désobéi, transgressé les règles de communauté décidée par une caste de hauts fonctionnaires. Parfois je regrette mon attitude passée, quand je défilais dans la rue pour une école ambitieuse, contre le nivellement de l’éducation et l’uniformisation de la pensée. Qui étais-je pour remettre en question des décisions prises au sommet de la pyramide, soumises au vote des parlementaires et orchestrées par un gouvernement d’union nationale ? Je croyais naïvement en la désobéissance civile, une forme pacifique de résistance, dans le but d’infléchir des politiques de masse, de montrer au pouvoir en place une voie alternative, de donner au peuple un semblant de responsabilités. Les autorités avaient alors vite remédié au problème, en créant des commissions de salubrité publique où siégeaient les bons citoyens pour juger de l’iniquité des mauvais. « Dura lex sed lex ! » m’avait ainsi déclamé un juré, boucher de son état devenu latiniste en cinq minutes grâce à la magie des formules prémâchées fournies par le Ministère de la Citoyenneté.

Je me souviens de mon arrivée ici. Un comité lambda m’avait condamné à une peine de redressement d’une durée de cinq ans incompressibles. J’avais à peine pu dire au-revoir à mes parents, à mes amis et à ma fiancée avant de recevoir la piqure d’incarcération, le sésame pour un sommeil profond, une stase préalable à l’internement. A mon réveil, j’avais maigri d’une dizaine de kilos, perdu mes beaux cheveux blonds et une partie de mes illusions. Les autres infortunés du cru n’affichaient pas une meilleure mine. Certains d’entre-eux ressemblaient même à des zombies, des morts-vivants en sursis. Pourtant, je sentais déjà une formidable solidarité entre tous, comme si les réfractaires au système officiel étaient devenus frères dès leur premier pavé jeté à la face de l’autorité. Du grand bourgeois élitiste comme moi au militant anticapitaliste en passant par l’écologiste engagé, ils formaient une confrérie hétéroclite mais efficace. Il fallait les mater.

Aujourd’hui, le constat est sans appel : tous préfèrent mourir à se soumettre. Même moi. Pourtant, révolutionnaire de pacotille, penseur de salon, j’ai eu du mal au début. Oublier mon petit confort du passé, mon statut de cadre supérieur, mes avantages sociaux, n’a pas été facile. Néanmoins, je m’y suis fait. Manger des navets, dormir dans un lit de bois, coudre des morceaux de tissu et marcher dans le froid sont devenus mon nouveau style de vie. La sobriété a remplacé le superflu. En cela, le camp d’internement a réussi, aux yeux des moralistes: nous vivons comme le reste de la population, heureux de notre statut de survivant. Du moins sur le papier. Parce que dans les faits, nous restons des combattants, des insoumis, des réfractaires à la rigueur imposée par l’Etat et au « ça me suffit » accepté par la majorité silencieuse. Nous ne sommes pas des cerveaux disponibles à des messages consuméristes, à une morale de bénitier, à des valeurs rabougries. Nos discussions sont riches de réflexion, chacun apportant ses acquis à l’autre, une véritable école entre des barreaux métalliques et des murs infranchissables.

C’est l’heure de la prière. Je ne sais pas d’où vient cette tradition. Un détenu l’a une fois définie comme la première concession des socialistes aux conservateurs lors de leurs fiançailles obligées pour l’union nationale. Ils étaient censés combattre la menace fasciste, les cohortes d’extrémistes et les opposants à la propriété. Les roses ne voulaient pas lâcher leurs principes d’égalité, quitte à l’obtenir par le bas, tandis que les bleus s’accrochaient à leur goupillon. « Dieu n’a ni odeur ni couleur » me disait ma grand-mère quand j’étais petit. Les roses et les bleus avaient du entendre ce principe avant de décider d’une prière silencieuse, entre douze heures trente et quatorze heures, pour quatre-vingt millions de Français, sous toutes les latitudes, sept jours sur sept. Nul ne pouvait déroger à la règle, une pure obligation. Même et surtout pas nous, les iniques, les galeux, la peste sociale contingentée dans une éprouvette carcérale à des fins de rééducation.

« Mon Père qui êtes aux cieux, faites que je survive à cette merde, que je revienne dans un monde sans les bleus et les roses, les jurés et les délateurs. » dis-je silencieusement en guise d’incantation à l’exercice journalier de génuflexion religieuse. C’est un vœu pieux je le sais mais si je ne peux pas rêver d’un futur en couleurs, je ne vois pas pourquoi je m’éreinte chaque jour à garder entière ma carcasse et à veiller sur mes voisins de dortoir. Même mentale, ma Sibérie n’est pas illimitée. Seule ma volonté peut en briser les limites, en outrepasser les frontières. C’est ce que j’ai décidé. Comme les autres condamnés, envers et contre nos gardiens.

Posté le : 08/05/2016 11:15
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Re: Défi du 8 mai
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Voici un texte que j'ai écrit sur ce thème il y a longtemps. Mais une nouvelle idée germe dans mon cerveau...

Prisonnier

Je ne sais plus depuis combien de temps je suis ici dans cette pièce illuminée uniquement par un néon et une fenêtre. Elle ne possède qu’une unique porte que je ne peux passer seul.
Mes proches viennent heureusement me voir, uniquement aux heures prévues par cet établissement qui est devenu ma résidence obligatoire, mon toit temporaire, tout en espérant que ce temporaire ne devienne pas définitif ! Seul le temps me le dira et ce n’est pas moi qui décide. Mon sort est entre les mains d’universitaires, ceux qui ont potassé des tonnes de bouquins pendant que je vivais une jeunesse insouciante. Je n’ai d’autre choix que de leur faire confiance. Ici, plus personne n’est maître de son destin, la faute aux coups du sort ou d’une volonté délibérée.
L’attente est longue mais dès qu’une présence se faufile auprès de moi, c’est comme si le sablier du temps était retourné et que les grains pouvaient à nouveau s’écouler pour retrouver le rythme d’une vie normale. Mais puis-je encore prétendre à retrouver une quelconque existence normale ? M’accordera-t-on une seconde chance ? Certaines erreurs sont parfois irréparables même avec la meilleure volonté du monde. Pas de télécommande avec la touche « REW » ni de baguette magique à la Harry Potter qu’il suffit d’agiter avec sagesse en prononçant la formule « reparo ». Non ! Il faut garder les pieds sur terre.
J’aimerais tant avoir mes proches plus souvent à mes côtés. Ils me rassurent par leurs voix familières et douces. Ma mère me dit qu’untel est passé par là et s’en est sorti, qu’il faut que je garde espoir, que je m’accroche, qu’elle m’aime. Moi aussi je l’aime même si je ne lui ai jamais dit. Je n’ai jamais été un enfant très démonstratif. Je faisais partie de ceux qui se frottaient énergiquement la joue pour effacer la trace du baiser maternel dès qu’elle tournait le dos. Je suis un peu Julien Clerc dans sa chanson « Cœur de rocker ». Maman me ressasse « Tu vas t’en sortir. Prends patience. Encore une semaine, un mois ou deux. ». Je ne veux plus de délai incertain. De toute façon, le calendrier que j’ai échafaudé dans ma tête n’est pas très précis et m’est d’ailleurs inutile. Peut-être aurais-je dû graver des petits bâtons pour chaque jour passé ici.
Les heures de « parloir » me rappellent aussi ma vie d’avant. L’ironie du sort veut que, jusqu’à ce jour fatidique, je trouvais mon existence morne, insignifiante, terne et j’ai plusieurs fois pensé à y mettre un terme sans en avoir les tripes. Comme elle me semble si belle maintenant et comme je la regrette. On ne connaît réellement notre richesse que le jour où elle disparaît.
Heureusement, il y a les périodes d’inconscience où mes rêves m’emmènent derrière ses murs. Dans mes songes, je suis libre, je cours, j’aime, je bosse et je deviens enfin quelqu’un, un homme dont sa mère est fière. Mais il y a aussi les cauchemars où je m’entends condamné à passer le reste de mes jours dans cette prison. La sentence tombe comme le couperet d’une guillotine en face de la Bastille. Mon réveil est alors encore plus douloureux que les autres jours et je me languis que le soleil se couche pour m’offrir un autre sommeil que je souhaite calme et réparateur.
Que faire maintenant ? À part attendre. J’ai perdu les clés de ma destinée qui se dessine désormais dans un brouillard artistique, fait d’obstacles et de murs qui me semblent infranchissables, comme ceux qui m’entourent et me retiennent prisonnier. Mon lit est devenu mon unique espace personnel. C’est mon territoire, le seul qui me reste à défendre mais avec quelles armes ?
Nombreux autres avant moi ont baissé les bras et se sont rendus. Mais je ne veux pas faire partie de ceux-là. Je n’ai pas envie que le prêtre qui officiera à mes obsèques doivent dire à mes proches : « Le courage lui a manqué et il a préféré nous quitter. ». C’est inconcevable. Malgré les apparences, je suis devenu plus fort. Cette épreuve m’a forgé l’Esprit et l’a affûté comme une épée. Voilà mon arme ! La bataille en vaut-elle la chandelle ? Peu importe ! Je suis prêt à en découdre avec le premier venu. J’ai eu le temps du repos et j’épargne mon énergie pour le jour où le gant sera jeté.
Les autres combattants mettent en place des plans d’évasion à coups de cogitations profondes, observations minutieuses des habitudes de la maison, de matériel bidouillé et de complices. Je n’ai rien de tout cela mais je ne perds pas espoir. C’est tout ce qui me reste et me tient vivant ! L’espoir, celui qui s’est échappé de la boîte de Pandore après que tous les maux de la Terre se soient répandus sur les humains, jouissant d’une existence trop parfaite jusqu’alors. Il est symbolisé par un petit papillon blanc. Je l’imagine chaque jour se posant sur mon épaule à mon réveil. Ses petits coups d’aile apaisent ma douleur et sèchent mes larmes qui ne parviennent plus à couler.
Pour passer le temps, je tente aussi de me rappeler ce qui s’est passé ce jour-là, ce qui m’a amené à arriver ici, dans cet enfer de solitude. Des brides de souvenirs tentent de remonter comme des hauts-le-cœurs, douloureux mais imprécis. C’est mon entourage qui me raconte : une voiture qui fonce, un choc terrible et une fuite.
Fuir n’est pas la solution dans la vie. Il faut apprendre à faire face à ses succès mais aussi ses erreurs, ses fautes, celles qui causent du tort à autrui, jusqu’à la mort de ce dernier parfois. La fuite est un geste vil, lâche, infantile. Celui qui fuit est deux fois plus coupable que celui qui assume devant ses juges. De toute façon, il est trop tard maintenant pour fuir.
Et voilà pourquoi je suis ici, prisonnier, impuissant, enchaîné, inerte à l’extérieur mais bouillonnant à l’intérieur. Des milliers de questions m’assaillent jour et nuit.
Qui viendra me libérer de ces chaînes qui m’étreignent ? Sont-ce les recherches de ce spécialiste allemand sur les traumatismes crâniens ? Est-ce ce nouveau médicament provenant des Etats-Unis ? Ou alors est-ce le temps qui passe et la capacité que possède notre corps de se reconstruire ? Ou encore est-ce uniquement mon Esprit qui pourra me faire à nouveau ouvrir les yeux et adresser la parole à mes proches ?
Je ne sais pas alors j’attends comme un condamné à mort attend la grâce présidentielle. Ma prison, c’est mon corps. Mes murs, mes paupières fermées. Mon espoir, la guérison ! Condamné pour n’avoir commis aucun crime. J’étais un piéton et un chauffard m’a renversé avant de s’enfuir lâchement. Mais le destin a voulu qu’il soit rattrapé et enfermé. Même dans une cellule miteuse, il a plus de libertés que moi. Son corps répond toujours à ses sollicitations. Ses jambes le portent, ses mains peuvent encore caresser, sa voix lui permet d’exprimer sa peur, son amour. Si les progrès de la science avaient été suffisants, il faudrait juste échanger nos deux âmes afin que le coupable connaisse la prison, la vraie ! Que Justice soit faite !

Posté le : 08/05/2016 09:21
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Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
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