| A + A -
Connexion     
 + Créer un compte ?
Rejoignez notre cercle de poetes et d'auteurs anonymes. Lisez ou publiez en ligne
Afficher/Cacher la colonne
Accueil >> newbb >> Les Forums - Tous les messages

 Bas   Précédent   Suivant

« 1 ... 129 130 131 (132) 133 134 135 ... 956 »


Gérard de Nerval
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57700
Hors Ligne
Le 22 mai 1808 à Paris naît Gérard Labrunie dit Gérard de Nerval

écrivain et poète, romancier, nouvelliste, dramturge français du mouvement romantique il meurt dans la même ville le 26 janvier 1855 à 46 ans. Figure majeure du romantisme français, il est essentiellement connu pour ses poèmes et ses nouvelles, notamment son ouvrage Les Filles du feu, recueil de nouvelles la plus célèbre étant Sylvie et de sonnets Les Chimères publié en 1854. Ses Œuvres principales sont : Voyage en Orient en 1851, Les Filles du feu en 1854, Odelettes

Sa vie

Fils d'Étienne Labrunie, médecin militaire, et de Marie-Antoinette Laurent, fille d'un marchand linger de la rue Coquillière, Gérard de Nerval naît le 22 mai 1808, vers 20 heures, à Paris, au 96 rue Saint-Martin actuellement le no 168. Baptisé le 23 à Saint-Merri, il est confié quelques mois plus tard à une nourrice de Loisy, près de Mortefontaine. Son père est nommé le 8 juin suivant médecin militaire adjoint à la Grande Armée, il est rapidement promu médecin et attaché, le 22 décembre, au service de l'armée du Rhin. Le 29 novembre 1810, sa mère meurt à Głogów, en Silésie alors qu’elle accompagnait son mari. De 1808 à 1814, Gérard est élevé par son grand-oncle maternel, Antoine Boucher, à Mortefontaine, dans la campagne du Valois, à Saint-Germain-en-Laye et à Paris. Au printemps 1814, son père retrouve la vie civile et s'installe avec son fils à Paris, au 72, rue Saint-Martin. Gérard reviendra régulièrement dans ces lieux évoqués dans nombre de ses nouvelles.
En 1822, il entre au collège Charlemagne, où il a pour condisciple Théophile Gautier. C'est en classe de première année scolaire 1823-1824 qu'il compose son premier recueil resté manuscrit de cent quarante pages : Poésies et Poèmes par Gérard L. 1824 qu'il donne plus tard à Arsène Houssaye en 1852. Ce recueil a figuré à l'exposition Gérard de Nerval à la Maison de Balzac à Paris en 1981-824. Il a déjà écrit, sous le nom de Gérard L. un panégyrique de Napoléon Ier : Napoléon ou la France guerrière, élégies nationales, publié chez Ladvocat et réédité en 1827 par Touquet. L'année suivante, il écrit deux Épîtres à Monsieur Duponchel caché sous le pseudonyme de Beuglant. Dès juillet 1826, il se lance dans la satire à la suite du scandale de l'Académie française qui a préféré Charles Brifaut à Alphonse de Lamartine. Il compose alors une Complainte sur l'immortalité de Monsieur Briffaut orthographe de l'auteur, puis une pièce dans le même esprit : L'Académie ou les membres introuvables, ce qui lui valut d'être recalé au concours de l'Académie en 1828.
Le 28 novembre 1827, le Journal de la Librairie annonce la parution de sa traduction de Faust en volume in-32 qui porte le titre : Faust, tragédie de Goethe, traduite par Gérard 1828.

En bref

Le XIXe siècle a considéré Gérard de Nerval comme un écrivain mineur : aimable compagnon, doux rêveur, gentil poète. Dans sa Sylvie, déjà tenue pour une réussite exquise de son art, on goûtait le charme idyllique de la narration, sans guère saisir les résonances intérieures. Aurélia, Les Chimères, œuvres d'un abord plus difficile, demeuraient méconnues ou peu comprises.
En toute justice, le XXe siècle a promu Nerval au rang des plus grands ; sa gloire est définitivement assise. Mais, par une réaction excessive, certains exégètes accordent aujourd'hui trop d'importance aux spéculations chimériques dont ses contemporains, les plus proches amis exceptés, se contentaient un peu inconsidérément de sourire.
Si Gérard de Nerval n'est pas ce « fol délicieux » qu'évoquait Maurice Barrès, il n'est pas non plus un héros de la connaissance, un porteur de message. Sa quête fiévreuse à travers les mythologies et les théosophies ne révèle que l'inquiétude de son esprit. Sa grandeur est de s'y être engagé jusqu'à en mourir, et d'en avoir figuré les épisodes avec une lucidité pathétique, contrôlée par un art vigilant.
Rêveries d'enfance et de jeunesse : Né à Paris, Gérard Labrunie, Nerval est un pseudonyme emprunté à un clos familial avait deux ans lorsque sa mère mourut, en Silésie. Elle accompagnait son mari, médecin de la Grande Armée. Gérard voua un culte à sa mémoire, et le traumatisme causé par cette absence est à l'origine de son tourment.
Il vécut ses premières années dans le Valois, chez son grand-oncle maternel, Antoine Boucher, qui possédait une petite maison à Mortefontaine. Au retour de son père, en 1814, il le suivit à Paris. Il prépara son baccalauréat au collège Charlemagne. L'été, cependant, il retrouvait les forêts de son enfance. Mortefontaine, mais aussi Chantilly, Senlis, Chaalis, Ermenonville l'ont imprégné de souvenirs. Lorsque la maison d'Antoine Boucher fut vendue, en 1825, cet événement familial marqua pour lui la fin d'un premier cycle affectif.
Non moins important pour sa vie intérieure apparaît, dans sa dix-neuvième année, un autre séjour provincial, chez des parents du côté paternel, à Saint-Germain-en-Laye. Gérard s'y éprit d'une cousine, Sophie de Lamaury, qui devait rapidement se marier. De cette aventure, longtemps ignorée, datent sans doute ses premières ferveurs sentimentales.
Ainsi, les rêveries de Nerval sont nées, au moins pour une part, du regret d'une mère qu'il n'a pas connue, d'une jeune fille qu'il n'a pas conquise. Elles flottent autour du Valois et de Saint-Germain, qui sont les deux hauts lieux de la géographie nervalienne.

Premiers pas vers le succès

Le 1er mai 1829, pour faire plaisir à son père, Gérard accepte d'être stagiaire dans une étude de notaire. Mais il pratique le métier mollement. Il a autre chose à faire. En bon soldat du romantisme, il est convoqué par Victor Hugo pour faire partie de la claque de soutien à Hernani, mission dont Gérard s'acquitte volontiers, voir Bataille d'Hernani.
1830 est l'année des deux révolutions : la révolution romantique à laquelle Gérard participe, et la révolution politique, celle des Trois Glorieuses à laquelle il ne participe qu'en badaud. La politique ne l'intéresse pas. Les barricades lui ont cependant inspiré un poème-fleuve : Le peuple, son nom, sa gloire, sa force, sa voix, sa vertu, son repos publié en août 1830 dans le Mercure de France du XIXe siècle. Il publie encore un pamphlet : Nos adieux à la Chambre des Députés de l'an 1830 ou, Allez-vous-en vieux mandataires, par le Père Gérard, patriote de 1789, ancien décoré de la prise de la Bastille … et En avant, marche! publiés dans Le Cabinet de lecture le 4 mars 1831.
Gérard a surtout deux importants projets : une anthologie de la poésie allemande et une anthologie de la poésie française, deux ouvrages pour lesquels il lui faut une abondante documentation à laquelle il accède grâce à Alexandre Dumas et Pierre-Sébastien Laurentie qui lui font obtenir une carte d'emprunt, ce qui lui évite de perdre du temps en bibliothèque.
La première anthologie porte le titre de Poésies allemandes, Klopstock, Schiller et Bürger, Goethe, précédée d'une notice sur les poètes allemands par M. Gérard. L'œuvre est accueillie avec moins d'enthousiasme que Faust, dont le compositeur Hector Berlioz s’est inspiré pour son opéra la Damnation de Faust.
La seconde anthologie est un Choix de poésie de Ronsard, Joachim du Bellay, Jean-Antoine de Baïf, Guillaume du Bartas, Jean-Baptiste Chassignet, précédé d'une introduction par M. Gérard.
Ces deux ouvrages ne rencontrent pas un succès éclatant. Mais à l'automne 1830, le Cénacle mis en place par Sainte-Beuve pour assurer le triomphe de Victor Hugo rassemble des écrivains reconnus : Alfred de Vigny, Alfred de Musset, Charles Nodier, Alexandre Dumas, Honoré de Balzac. Les réunions ont lieu rue Notre-Dame-des-Champs, soit chez Hugo, soit chez le peintre Eugène Devéria, frère d'Achille Devéria, mais ce cénacle commence à se disperser. Apparaît un nouveau cénacle : le Petit-Cénacle, dont l'animateur est le sculpteur Jean Bernard Duseigneur qui reçoit dans son atelier, installé dans une boutique de marchand de légumes, où il retrouve Pétrus Borel et Célestin Nanteuil avant de publier La Main de gloire en septembre.
Mais c'est surtout à ce moment-là que Nerval a envie d'écrire des pièces de théâtre à la manière d'Hugo. Deux de ses œuvres reçoivent un très bon accueil au théâtre de l'Odéon : Le Prince des sots et Lara ou l'expiation. Toutes n'ont pas le même succès mais Gérard ajoute un nom d'auteur à son prénom.
Il devient Gérard de Nerval, pseudonyme adopté en souvenir d'un lieu-dit, le clos de Nerval près de Loisy, un champ cultivé par son grand père maternel, à cheval sur la commune de Mortefontaine.

Premières folies, premières expériences

Une des caractéristiques du Petit-Cénacle est la propension de ses membres au chahut, à la boisson, aux farces, aux jeux de mots et au bousin ou bouzingo barouf. C'est d'ailleurs à la suite d'une de ces manifestations du groupe que les agents du guet interviennent et arrêtent trois ou quatre Jeunes-France dont Nerval fait partie avec Théophile Gautier. Enfermé à la prison de Sainte-Pélagie, Nerval écrit un petit poème aussitôt publié dans Le Cabinet de lecture du 4 septembre 1831. De nouveau dans la nuit du 2 février 1832, les Jeunes-France sont arrêtés, pris pour des conspirateurs, et cette fois leur peine est plus longue.
En 1833, Nestor Roqueplan lui ouvre les colonnes de son journal : La Charte de 1830. Mais déjà un autre ami Édouard Gorges lui propose d'écrire avec lui un roman-feuilleton, dont l'action se déroulerait dans la Bretagne des chouans. Le vif succès remporté en 1829 par Les Chouans de Balzac fait hésiter Nerval. Pourtant, l'envie de visiter la région de Vitré l'emporte et il en revient avec un récit : L'Auberge de Vitré qu'il exploitera plus tard dans le prologue de son roman Le Marquis de Fayolle, roman édité après la mort de Nerval en 1856 par Édouard Gorges, qui l'a remanié et achevé.
Il fut membre de la goguette des Joyeux et de la goguette des Bergers de Syracuse.

L'écrivain

En janvier 1834, à la mort de son grand-père maternel, il hérite d'environ 30 000 francs. Parti à l'automne dans le Midi de la France, il passe la frontière, à l'insu de son père, et visite Florence, Rome puis Naples. En 1835, il s’installe impasse du Doyenné chez le peintre Camille Rogier, où tout un groupe de romantiques se retrouve, et fonde en mai le Monde dramatique, revue luxueuse qui consume son héritage et que, lourdement endetté, il doit finalement vendre en 1836. Faisant alors ses débuts dans le journalisme, il part en voyage en Belgique avec Gautier, de juillet à septembre. En décembre, il signe pour la première fois Gérard de Nerval dans Le Figaro.
Le 31 octobre 1837 est créé à l'Opéra-Comique Piquillo sur une musique de Monpou ; Dumas signe seul le livret, malgré la collaboration de Nerval ; l’actrice Jenny Colon tient le premier rôle. Nerval se serait épris de cette actrice qui n'aurait pas répondu à ses sentiments. Il fréquente alors le salon de Madame Boscary de Villeplaine, où une rivalité amoureuse l'oppose au financier William Hope pour la conquête de l'actrice.
Selon certains exégètes, il aurait voué un culte idolâtre à Jenny Colon, même après la mort de celle-ci, et elle serait la figure de la Mère perdue, mais aussi de la Femme idéale où se mêlent, dans un syncrétisme caractéristique de sa pensée, Marie, Isis, la reine de Saba, ce qui fait débat parmi les spécialistes de Nerval. Durant l'été 1838, il voyage en Allemagne avec Dumas pour préparer Léo Burckart, pièce retardée par la censure. Après la première de L'Alchimiste, écrite en collaboration avec Dumas, le 10 avril 1839, Léo Burckart est finalement créé au théâtre de la Porte-Saint-Martin le 16 avril. Dans le même temps, il publie Le Fort de Bitche 25-28 juin dans Le Messager et Les Deux rendez-vous 15-17 août – qui deviendra plus tard Corilla – dans La Presse. Puis, en novembre, il part pour Vienne, où il rencontre la pianiste Marie Pleyel à l'Ambassade de France.
De retour en France en mars 1840, il remplace Gautier, alors en Espagne, pour le feuilleton dramatique de La Presse. Après une troisième édition de Faust, augmentée d'une préface, et de fragments du Second Faust en juillet, il part en octobre en Belgique. Le 15 décembre a lieu la première de Piquillo à Bruxelles, où il revoit Jenny Colon et Marie Pleyel.
À la suite d'une première crise de folie le 23 février 1841, il est soigné chez Mme Marie de Sainte-Colombe, qui tient une maison de correction Sainte-Colombe, créée en 1785 au 4-6 rue de Picpus. Le 1er mars, Jules Janin publie un article nécrologique dans Les Débats. Après une seconde crise, le 21 mars, il est interné dans la clinique du docteur Blanche, à Montmartre, de mars à novembre.
Le 22 décembre 1842, Nerval part pour l'Orient, passant successivement par Alexandrie, Le Caire, Beyrouth, Constantinople, Malte et Naples. De retour à Paris dans les derniers mois de 1843, il publie ses premiers articles relatifs à son voyage en 1844. En septembre et octobre, il part avec Arsène Houssaye, directeur de L'Artiste, en Belgique et aux Pays-Bas. De juin à septembre 1845, il remplace Gautier, alors en Algérie, dans La Presse.
Son Voyage en Orient paraît en 1851. Il affirme dans une lettre au docteur Blanche datée du 22 octobre 1853, avoir été initié aux mystères druzes lors de son passage en Syrie, où il aurait atteint le grade de refit, l’un des plus élevés de cette confrérie. Toute son œuvre est fortement teintée d’ésotérisme et de symboles, notamment alchimiques. Alors qu’on l'accusait d’être impie, il s'exclama : Moi, pas de religion ? J’en ai dix-sept… au moins.
Entre 1844 et 1847, Nerval voyage en Belgique, aux Pays-Bas, à Londres… et rédige des reportages et impressions de voyages. En même temps, il travaille comme nouvelliste et auteur de livrets d’opéra ainsi que comme traducteur des poèmes de son ami Heinrich Heine recueil imprimé en 1848. Nerval vit ses dernières années dans la détresse matérielle et morale. C'est à cette période qu'il écrira ses principaux chefs-d’œuvre, réalisés pour se purger de ses émotions sur les conseils du docteur Émile Blanche pour le premier, pour la dimension cathartique du rêve et contre l'avis du docteur Blanche pour le second : Les Filles du feu, Aurélia ou le rêve et la vie 1853-1854.
Au bas d'un portrait photographique de lui, Gérard de Nerval écrivit : Je suis l'autre.
Gustave Doré, La Rue de la Vieille-Lanterne : Le Suicide de Gérard de Nerval, 1855.
Le 26 janvier 1855, on le retrouva pendu aux barreaux d'une grille qui fermait un égout de la rue de la Vieille-Lanterne voie aujourd'hui disparue, qui était parallèle au quai de Gesvres et aboutissait place du Châtelet, le lieu de son suicide se trouverait probablement à l'emplacement du théâtre de la Ville, pour délier son âme dans la rue la plus noire qu’il pût trouver, selon la formule de Baudelaire. Ses amis émirent l'hypothèse d'un assassinat perpétré par des rôdeurs, au cours d'une de ses promenades habituelles dans des lieux mal famés, mais le suicide est la thèse généralement reconnue. Toutefois le doute subsiste, car il fut retrouvé avec son chapeau sur la tête alors qu'il aurait normalement dû tomber du fait de l'agitation provoquée par la strangulation.
On retrouva une lettre dans laquelle il demandait 300 francs, somme qui, selon lui, aurait suffi pour survivre durant l'hiver. La cérémonie funéraire eut lieu à la cathédrale Notre-Dame de Paris, cérémonie religieuse qui lui fut accordée malgré son suicide présumé du fait de son état mental. Théophile Gautier et Arsène Houssaye payèrent pour lui une concession au cimetière du Père-Lachaise.

Bohème littéraire et bohème galante

C'est à Saint-Germain, semble-t-il, qu'il parachève une de ses premières entreprises littéraires, la traduction du premier Faust de Goethe. Mais c'est à Paris que s'oriente, décidément, sa vocation d'écrivain. Avec Théophile Gautier, son condisciple de Charlemagne, il fréquente le « cénacle » de Victor Hugo, participe à la bataille d'Hernani, se mêle à la bohème artiste des Jeune-France. Il se plaît dans la compagnie de cette jeunesse turbulente. Cependant, il cultive en lui-même un domaine secret. Dans quelques poèmes se devine, déjà, une délicate nostalgie : Fantaisie (1832) a pour cadre le château de Saint-Germain ; à l'appel d'un air magique apparaît une dame en habits anciens qu'il reconnaît pour l'avoir rencontrée, peut-être, dans une existence antérieure ; ainsi commence l'élaboration mythique du thème sentimental qui dominera ses œuvres essentielles.
En 1834, à la faveur d'un modeste héritage, il s'installe, avec Arsène Houssaye et Camille Rogier, tout près du Louvre, impasse du Doyenné, dans un petit hôtel qu'il meuble avec un goût raffiné. Pour lui et pour le groupe de ses amis, c'est une époque de vie frivole et insouciante : « Quels temps heureux ! on donnait des bals, des soupers, des fêtes costumées ; on jouait de vieilles comédies [...]. Nous étions heureux, toujours gais, quelquefois riches » (Petits Châteaux de bohème).
Riche, Gérard de Nerval ne le demeura pas longtemps, car il eut tôt fait de dissiper son héritage. Heureux, non plus : une aventure douloureuse allait, de nouveau, le blesser. Dans sa bohème galante du Doyenné, il est devenu amoureux de Jenny Colon, cantatrice légère et comédienne. Il lui voua d'abord une admiration silencieuse, puis la poursuivit, finit par se déclarer à elle et, semble-t-il, toucha un moment son cœur ; mais elle préféra bientôt à la romanesque idylle un mariage de raison et épousa, en 1838, un flûtiste de l'Opéra-Comique.

La poursuite des chimères

Le mariage de Jenny Colon ne paraît pas avoir entraîné de bouleversement dans l'existence de Nerval : il demeure un bohème des lettres, tantôt dissipé, tantôt pressé par la nécessité d'assurer sa vie quotidienne ; il y parvient, plutôt mal, en écrivant pour des journaux, pour des libraires, pour des directeurs de théâtre. Un long travail intérieur, cependant, commence à s'accomplir en lui. Éloignée de son horizon terrestre, Jenny reste dans son souvenir, avec Sophie, comme une incarnation fragile de l'Éternel Féminin dont il poursuit la quête. Cependant, il se passionne pour les sciences occultes, s'initie au pythagorisme, à l'alchimie, médite sur le pouvoir des nombres ou sur les harmonies des couleurs, entretient en lui une fièvre de connaissance parfois délirante.
Après la mort de la comédienne, survenue en 1842, un voyage en Orient (1843) nourrit sa recherche exaltée. Aux nostalgies sentimentales et aux curiosités intellectuelles se mêlent des aspirations religieuses. En passant au large des côtes grecques, il évoque l'aventure de Francesco Colonna, devenu moine à la suite d'un désespoir d'amour, et qui, la nuit, « rejoignait en esprit la douce Polia aux saintes demeures de Cythérée ». Au pied des Pyramides, il pense aux joies de l'initié, admis après mainte épreuve à contempler la Déesse universelle, à la fois mère et amante, d'abord sous les traits évanescents de la femme aimée, puis sous l'aspect d'une Vierge éternelle. Au Liban, il s'intéresse à la religion des Druses et s'enflamme pour la fille d'un cheik. Dans toutes les mythologies, il découvre des symboles semblables : la Vénus païenne, l'Isis égyptienne, la Vierge chrétienne se confondent dans son imagination, comme se confondent dans son souvenir les créatures humaines qu'il a aimées.
Désormais, Nerval se voue délibérément aux recherches ésotériques. Il compose des monographies sur les « illuminés », ses frères, qui ont cherché, comme lui, en marge des dogmes, une Vérité et une Beauté idéales. Il collabore à des revues occultistes, Le Diable rouge, l'Almanach fantastique, Le Diable vert. Son exaltation spirituelle se nourrit d'innombrables lectures.
En 1851, l'édition définitive de la relation du Voyage en Orient s'enrichit de deux longs récits qui portent la marque de son obsession fondamentale. Dans l'Histoire du calife Hakem, le héros et son double Yousouf sont tous deux fascinés par une image de l'Éternel Féminin. Dans l'Histoire de la reine du matin, Adoniram, l'architecte de Salomon, qui, comme lui, « rêve toujours l'Impossible », et Balkis, reine de Saba, se reconnaissent destinés l'un à l'autre de toute éternité.
Ces fables érudites et passionnées témoignent du climat ordinaire où se meut la pensée de Nerval. Mais d'alarmants désordres viennent par moments la secouer. Interné une première fois, dès 1841, pour troubles mentaux, l'écrivain traverse encore des crises graves : en 1851, puis, à intervalles plus rapprochés, pendant les deux dernières années de sa vie. Au mois d'octobre 1854, il quitta la clinique du Dr Émile Blanche, à Passy, pour mener une existence cahotée. On le retrouva pendu, à l'aube du 26 janvier 1855, dans une ruelle parisienne. Un suicide est probable.

La transcription du drame intérieur

Or, ces deux dernières années, si cruelles, sont aussi, pour l'écrivain, les plus fécondes. Sentant le danger qui le menace, il s'emploie, dans les périodes de répit, à « recomposer » sa tragique aventure. Ses œuvres les plus émouvantes révèlent comment son rêve a pris naissance, puis s'est épanoui et épanché dans la vie réelle, jusqu'à désorganiser sa représentation du monde.
Dans Sylvie (une nouvelle écrite au printemps de 1853, entre deux internements, et incorporée aux Filles du feu), Gérard de Nerval remonte aux premières années de son existence ; il évoque le charme vaporeux du Valois et transpose les premières émotions de son cœur. À la grâce rustique de Sylvie s'oppose le prestige rayonnant d'une jeune fille destinée au couvent, Adrienne. Le narrateur, délaissant le réel pour l'idéal, sacrifie l'amicale Sylvie au souvenir de l'inaccessible Adrienne dont il poursuit vainement le fantôme et dont il croit découvrir, beaucoup plus tard, une incarnation nouvelle dans la comédienne Aurélie. Mais Aurélie se dérobe ; Adrienne et Sylvie lui ont déjà échappé. Conscient de son échec, il est rendu à une solitude désespérée. Nerval a vécu une aventure analogue à celle de ce narrateur : Sylvie ressemble aux petites paysannes du Valois qui furent ses compagnes ; Adrienne rappelle ses rêves d'adolescent ; Aurélie est une image de Jenny Colon.
Dans Aurélia, un récit en prose rédigé pour la plus grande partie chez le Dr Blanche, Gérard de Nerval retrace l'histoire de sa vie intérieure depuis la rupture avec Jenny, rupture entraînée par une faute dont il entend porter seul la responsabilité. Ses rêves délirants, analysés ou transposés, y prennent une signification ambiguë. Ce sont des témoignages cliniques fournis par le malade lui-même ; mais ce sont aussi des images d'une méditation exaltée. Il se persuade, en effet, qu'une correspondance existe entre les événements de notre vie quotidienne et les mystères de l'au-delà. Le songe lui apparaît comme un moyen de passer d'une sphère à l'autre, de saisir le sens caché que révèlent nos aventures terrestres, de percer les « portes d'ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible ». En même temps, il s'attache à considérer les crises qu'il a traversées comme des épreuves purificatrices. Dans ses états seconds, il a connu, certes, après de folles extases, des retombées, des angoisses, des paniques ; il a eu des hallucinations terribles, des visions de déluge et d'apocalypse. Une nuit, cependant, lui est venue une illumination radieuse ; la déesse mystérieuse à laquelle il a voué un culte apparaît et lui dit : « Je suis la même que Marie, la même que ta mère, la même aussi que sous toutes les formes tu as toujours aimée. À chacune de tes épreuves, j'ai quitté l'un des masques dont je voile mes traits, et bientôt tu me verras telle que je suis. » Dès lors, il s'est senti pardonné et sauvé. Au cours d'un dernier rêve, Aurélia, qu'il avait cru perdre en perdant Jenny, Aurélia, archétype de toute beauté incarnée en des formes éphémères, est retrouvée, brillant au firmament d'un éclat éternel. Nouvel Orphée, le héros se croit sorti victorieux de sa « descente aux Enfers ». Mais le désordre des derniers mois vécus par Nerval donne à penser que sa certitude s'est évanouie et que le rêveur désenchanté a retrouvé sa fondamentale inquiétude.
Au-delà des épisodes du destin tourmenté qu'évoque encore l'énigmatique Pandora, un récit en prose achevé quelques semaines avant de mourir, Les Chimères, suite de sonnets composés dans un état de « rêverie surnaturaliste », condensent en vers intemporels l'expérience sublimée du poète : aux souvenirs se mêlent des réminiscences livresques, des allusions à l'astrologie ou à l'alchimie. Nerval a voulu dissuader ses lecteurs d'y chercher autre chose qu'une incantation. Pourtant, les deux chefs-d'œuvre de cette suite rappellent les moments principaux de son aventure. Dans « El Desdichado », il se remémore les illusions d'un passé disparu et prend conscience d'une fatalité redoutable : il se décrit sous l'aspect d'un chevalier noir, hanté par le malheur ; non pas tout à fait désespéré, car certains souvenirs conservent une vertu apaisante, mais déshérité et envahi par la mélancolie. Dans « Artémis », les heures de la vie et les formes féminines qui les représentent sont évoquées dans leur ronde : chacune d'elles, quand elle s'inscrit pour un instant au sommet du cadran, occupe la place laissée par la précédente et destinée à n'être jamais vide ; elles témoignent, à chaque envol, de la vanité de l'expérience humaine en quête d'éternité :
La Treizième revient... C'est encor la première ;Et c'est toujours la Seule –, ou c'est le seul moment :Car es-tu Reine, ô Toi ! la première ou dernière ?Es-tu Roi, toi le Seul ou le dernier amant ?...

L'art de l'écrivain

Même si l'on négligeait la portée du témoignage humain, l'œuvre de Nerval conserverait sa principale vertu qui tient à la pureté du langage. Si sa poésie est dense et souvent elliptique, sa prose se modèle avec une parfaite souplesse sur les impressions et les émotions qu'elle exprime. Le narrateur d'Aurélia, décrivant ses délires, reproduit avec une grande précision de trait, associée à une harmonie impondérable, les formes entrevues en rêve : « La dame que je suivais, développant sa taille élancée dans un mouvement qui faisait miroiter les plis de sa robe en taffetas changeant, entoura gracieusement de son bras une longue tige de rose trémière, puis elle se mit à grandir sous un clair rayon de lumière, de telle sorte que peu à peu le jardin prenait sa forme, et les parterres et les arbres devenaient les rosaces et les festons de ses vêtements, tandis que sa figure et ses bras imprimaient leurs contours aux nuages pourprés du ciel. » Celui de Sylvie rappelle avec fraîcheur les coutumes et les fêtes de son Valois, transfigurant les paysages et les personnages familiers de son enfance par la magie du souvenir ; sa phrase limpide et transparente défie souvent le commentaire. Aucun abandon, pourtant, dans cette fluidité : l'artiste est toujours attentif, quoique discret. Il lui arrive même quelquefois, pour reprendre son propre terme, si expressif, de « perler » ; il associe précieusement des mots comme les perles d'un collier ; chacun brille d'un éclat propre, mais leur pouvoir suggestif est multiplié, parce qu'ils se fondent tous dans l'harmonie de la phrase : « ... Adrienne, fleur de la nuit éclose à la pâle clarté de la lune, fantôme rose et blond glissant sur l'herbe verte à demi baignée de blanches vapeurs. » L'idéalisme romantique, dont Gérard de Nerval incarne le pur esprit, ne s'est jamais exprimé avec plus de délicatesse. Pierre-Georges Castex

Œuvres Poésie Fantaisie

Napoléon et la France guerrière, élégies nationales 1826
Napoléon et Talma, élégies nationales nouvelles 1826
L'Académie ou les membres introuvables 1826, comédie satirique en vers
Le Peuple 1830, ode
Nos adieux à la Chambre des Députés ou allez-vous-en, vieux mandataires 1831
Odelettes 1834, dont: Une allée du Luxembourg
Les Chimères 1854
Contes, nouvelles et récits
La Main de gloire : histoire macaronique ou La Main enchantée 1832
Raoul Spifame, seigneur des Granges 1839, biographie romancée, publiée ensuite dans Les Illuminés
Histoire véridique du canard 1845
Scènes de la vie orientale 1846-1847
Le Monstre vert 1849
Le Diable rouge, almanach cabalistique pour 1850
Les Confidences de Nicolas 1850, publiée ensuite dans Les Illuminés Édition critique de Michel Brix, 2007
La tombe de Nerval au Père-Lachaise.
Les Nuits du Ramazan 1850
Les Faux Saulniers, histoire de l’abbé de Bucquoy 1851
Voyage en Orient 1851
Contes et facéties 1852
La Bohème galante 1852
Lorely, souvenirs d’Allemagne 1852
Les Illuminés 1852
Les Nuits d'octobre 1852 Les Nuits d'octobre parurent en plusieurs livraisons dans 'Illustration, d'octobre à novembre 1852, avant de connaître des rééditions tirées à part.
Sylvie 1853
Petits châteaux de Bohème 1853
Les Filles du feu : Angélique, Sylvie, Jemmy, Isis, Émilie, Octavie, Pandora, Les Chimères 1854
Promenades et souvenirs 1854
Aurélia ou le rêve et la vie 1855
La Danse des morts 1855

Romans

Nerval a écrit deux romans :
Le Prince des sots, tiré de la pièce du même titre de Nerval, fut publié par Louis Ulbach en 1888, mais sous une forme très altérée. Le véritable texte de Nerval fut publié en 1962 par Jean Richer. Ce roman, fort méconnu, porte sur le règne de Charles VI le Fol.
Le Marquis de Fayolle, paru en feuilletons en 1849 dans le journal Le TempsNote 1, fut laissé inachevé par son auteur, et fut achevé par Édouard Gorges et publié en 185624. L'action porte sur la Révolution en Bretagne. On peut trouver la version authentique de Nerval dans la collection de la Pléiade.
Théâtre
N'ont été publiées au xixe siècle que sept pièces personnelles de Nerval. Les titres, voire le texte, d'autres pièces non publiées, nous sont également parvenus.
Les deux plus anciens titres sont parus sous la forme de plaquettes :
Monsieur Dentscourt ou Le Cuisinier d'un grand homme 1826.
L'Académie ou Les Membres introuvables 1826.
Les trois titres suivants sont issus de la collaboration entre Alexandre Dumas père et Nerval :
Piquillo 1837, drame signé par Dumas.
L'Alchimiste 1839, drame signé par Dumas. C'est surtout le début de la pièce qui porte la marque de Nerval.
Léo Burckart 1839, drame signé par Nerval.
Nerval publia ensuite :
Les Monténégrins 1849, drame, en collaboration avec Jules-Édouard Alboize de Pujol. Musique de Armand Limnander de Nieuwenhove. Il existe une première version, différente, sous forme de manuscrit, de cette pièce, qui date de 1848.
L'Imagier de Harlem 1852, drame relatif aux premiers temps de l'imprimerie, avec Méry et B. Lopez.
Il subsiste des fragments ou des indications, sous forme de manuscrit, des pièces suivantes toutes ces pièces n'ont pas été forcément achevées :
Nicolas Flamel 1830.
Faust années 1830.
Lara ou L'Expiation, même pièce que La Dame de Carouge 1831.
Le Prince des sots, dont il subsiste un fragment : Guy le Rouge.
Louis de France.
Le Magnétiseur 1840.
Les Trois ouvriers de Nuremberg 1840.
De Paris à Pékin 1848.
Pruneau de Tours 1850.
La Main de gloire 1850.
La Forêt-Noire ou La Margrave vers 1850.
La Mort de Rousseau 1850.
La Fille de l'enfer, Aurore ou Francesco Colonna 1853.
La Polygamie est un cas pendable 1853.
Corilla" a été intégré dans "Les Filles du feu.
Panorama.
Dolbreuse, même pièce que Le Citoyen marquis.
Des titres suivants, évoqués à certains moments par Nerval, il ne reste rien, et certains n'ont probablement jamais été écrits :
Tartuffe chez Molière.
La Mort de Brusquet.
Beppo.
L'Abbate.
L'Étudiant Anselme.
L'Homme de nuit.
Fouquet.
La Fiancée d'Abydos ou de Corinthe.
Première coquetterie d'étudiant.
Les Walkyries.
une imitation d'une tragédie de Racine.
La Reine de Saba, dont Nerval reprit l'histoire dans Le Voyage en Orient.
Nerval a également écrit les adaptations suivantes :
Han d'Islande années 1830, d'après le roman de Victor Hugo. Publié en 1939 et republié par les éditions Kimé en 2007.
Jodelet ou L'Héritier ridicule, d'après Scarron, publié par les éditions Kimé en 2002.
Le Nouveau genre ou Le Café d'un théâtre, d'après Moratin, fut achevé par Arthus Fleury et publié en 1860. Il existe une autre pièce assez voisine de ce titre, et inachevée, "Erreur de nom", qui a été publiée en 1962.
Le Chariot d'enfant, en collaboration avec Méry, d'après l'Indien Soudraka, fut publié en 1850.
Misanthropie et repentir, d'après Kotzebue, fut représenté après la mort de Nerval, en 1855.
Une Nuit blanche fut représentée une unique fois en 1850, puis interdit par le futur Napoléon III.

Traductions

Faust 1828
Poésies allemandes Klopstock, Goethe… 1830
« Der König in Thule », « Le Roi de Thulé »de Goethe
Pamphlet
Histoire véridique du canard, dans Monographie de la presse parisienne avec Honoré de Balzac 1842,
Complainte sur la mort de haut et puissant seigneur le Droit d'aînesse...
Les hauts faits des Jésuites...


Cliquez pour afficher l



Cliquez pour afficher l






Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l






Cliquez pour afficher l






Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l







Cliquez pour afficher l

Posté le : 21/05/2016 20:15
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Maria Hedgeworth
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57700
Hors Ligne
Le 22 mai 1849 meurt Maria Edgeworth

à 82 ans à Edgeworthstown, née le 1er janvier 1767 à Black Bourton Oxfordshire, romancière et moraliste anglo-irlandaise.
du mouvement : " The Parent’s Assistant, Castle Rackrent, Belinda, The Modern Griselda, Leonora, The Absentee

Sa vie

Elle est la fille de Richard Lovell Edgeworth, un Irlandais assez excentrique, et fort intelligent, qui s’occupa du développement de son esprit, l’encouragea à écrire et eut quelque part à ses premiers ouvrages. Elle débuta en 1800 par son Essay on Irish bulls, suite de tableaux de mœurs irlandaises, peints avec fermeté et finesse. Le même talent, uni à une fiction intéressante, se montre dans Castle Rackrent 1801. Le naturel, le bon sens, en opposition avec la sensiblerie romanesque à la mode de ses Popular tales Contes populaires parus en 1801, lui attirèrent les suffrages. Dans Leonora 1806, elle élargit son cadre en abordant des sujets comme la séduction et l’infidélité conjugale.
Elle continua, avec un plein succès, dans ses Tales of fashionable life Contes de la vie fashionable, Londres, 1809, 3 vol., dont chacun est destiné à représenter une passion, un état de l’âme propre à certaines positions sociales.
Trois autres volumes de Contes, publiés en 1812, et qui parurent au moins égaux aux précédents, contiennent trois récits : Vivian, peignant les malheurs qui naissent de la faiblesse de la volonté ; Émilie de Coulanges, la vie d’une femme française à la mode ; The Absentee l’Absent, ou les suites funestes pour l’Irlande de l’absence des riches possesseurs du sol.
En général, les œuvres d’Edgeworth ont un but utile, sans rien perdre de l’effet artistique.
Edgeworth consacra son talent à l’éducation de l’enfance et à la moralisation du peuple, et composa dans ce but un grand nombre de petits ouvrages, où le plus souvent la leçon ressort du simple récit des faits, et dont la plupart sont devenus populaires.
Elle débuta par l’Éducation pratique avec son père 1798, que suivirent bientôt l’Éducation familière, le Guide des parents, les Contes moraux pour les jeunes garçons, les Contes pour les jeunes filles, les Contes populaires, les Contes du beau monde Tales of fashionable life, les Jeunes industriels, et une foule d’autres.
Edgeworth perdit son père en 1817. Elle acheva les Mémoires commencés par lui Memoirs of Richard Lovell Edgeworth, 1820, 2 vol..
Elle avait encore composé, en collaboration avec lui : l’Aide des parents Parent’s Assistant, 1795, recueil de contes pour l’éducation des enfants ; Lettres pour les dames lettrées Letters for literary ladies, 1795 ; Essais sur l’éducation pratique Essays on practical education, 1798, complétés par les Leçons juvéniles Early lessons, contenant Frank, Rosamund, Hamet et Lucy 1822-25, 4 vol.
Les autres romans d’Edgeworth sont : Patronage 1824, 4 vol, peinture sarcastique de la vie du grand monde ; Harrington 1817, écrit pour combattre les préjugés contre les Juifs ; Hélène 1834, 3 vol., etc.
Ils témoignent d’une originalité et d’une puissance d’invention que l’abondance des productions ne parvint pas à affaiblir. On lui doit aussi d’intéressants romans sur l’Irlande, comme Ormond 1817, tableau de mœurs irlandaises, qui donnèrent, après la publication de Waverley en 1814, l’idée à Walter Scott, avec qui elle a entamé une longue correspondance et à qui elle a rendu visite à Abbotsford, de peindre les mœurs de l’Écosse. Presque tous ses ouvrages ont été traduits par Louise Swanton, Élise Voïart, Élisabeth de Bon, Augustine Gottis, Eugénie Niboyet, Adèle Sobry, etc.

Œuvres en français

Angélina, ou l’Amie inconnue, traduit de l’anglais par Eugénie Niboyet...
Aujourd’hui, et non demain ;
Bélinda, conte moral traduit de l’anglais par L. S. ... et F. S. ...
Château Rackrent, préface et traduction de Pierre Leyris ;
Conseils à mon fils, ou les Deux Familles, la Chaumière de Rosanna et le Nègre reconnaissant, par Le Turban, conte oriental, par J. Moser,... Edgar et Alfred, par Mistriss Opie,... Traduction libre de l’anglais par T. P. Bertin ;
Conseils à mon fils, ou les Deux familles, la Chaumière de Rosanna et le Nègre reconnaissant ;
Conseils à mon fils, ou les Deux familles ;
Contes à ma petite nièce ;
Demain, Le Nègre reconnaissant Un créancier traduit de l’anglais par Henry Jousselin
Éducation familière, ou Série de lectures pour les enfans, depuis le premier âge jusqu’à l’adolescence, [avec son père]. traduit de l’anglais par Louise Sw. Belloc ;
Éducation pratique, traduction libre de l’anglais par Charles Pictet ;
Émilie de Coulanges ;
Fanny, ou Mémoires d’une jeune orpheline et de ses bienfaiteurs ;
Forester, ou la Manie de l’indépendance, traduit de l’anglais par Eugénie Niboyet ;
Frank ;
Glenfell, ou les Macdonalds et les Campbells ;
Harrington, traduit de l’anglois par Charles-Auguste Defauconpret ;
Hélène, traduit de l’anglais par Louise Sw.-Belloc ;
Histoire de Gervais, ou le Petit boiteux ;
Hors de dettes, hors de danger : qui ne dissipe pas, ne manque jamais de rien ;
Jervas le boiteux, ou les Avantages de l’instruction, traduction de E. P.
La Bonne Tante ;
La Femme de neige, traduit par Mme A. Renault, née Tardivel ;
La flûte brisée ;
La Marchande de paniers, traduit de l’anglais par Eugénie Niboyet ;
La Mère intrigante, traduit de l’anglais par Jos. Joly ;
La nouvelle Griselidis
La Petite Rosamonde, traduit et imité de l’anglais par Mme A. Ballot...
La Révolte au pensionnat, conte traduit de l’anglais par Eugénie Niboyet
L’Absent, ou la Famille irlandaise à Londres ;
Lady Anne ou Premières années d’une jeune orpheline suivie de L’école de Charité traduction de Mme H*** ;
L’Ami des parens
Laurence le paresseux, traduit de l’anglais par Eugénie Niboyet
Le Livre des familles, recueil de contes, nouvelles et drames, traduit par Mlle A. Sobry...
Le Mime, suivi du Pigeon blanc, traduits de l’anglais par Eugénie Niboyet
Le Modèle des femmes, traduit de l’anglais par Elisabeth de***
Le Nègre reconnaissant, traduction de E. P.
le Père Positivement Old Poz, comédie enfantine à cinq personnages, traduction par Émile Chasles
Le Pigeon blanc, traduction de E. P.
Le Testament, traduit de l’anglais par D. Pradier...
Le Vase prussien ;
L’École de charité ;
L’Ennui, ou Mémoires du comte de Glenthorn, traduit de l’anglais par É. de Bon ;
Les Bracelets, conte traduit de l’anglais par Eugénie Niboyet ;
Les deux Grisélidis, histoires traduites de l’anglais, l’une de Chaucer, l’autre de Mlle Edgeworth ;
Les Deux Manufacturiers ;
Les Enfans, ou les Caractères ;
Les Gants de Limerich ;
Les Jeunes industriels, faisant suite à l’Éducation familière, traduit de l’anglais, avec de nombreuses additions, par L. Sw. Belloc et Ad. Montgolfier ;
Les Protecteurs et les protégés, traduit librement de l’anglais par Jean Cohen ;
Lettres intimes de Maria Edgeworth : pendant ses voyages en Belgique, en France, en Suisse et en Angleterre, en 1802, 1820 et 1821 ;
Marie, ou l’Éducation d’une jeune fille jusqu’à douze ans, traduit par Marie Françoise, corrigé dans le sens catholique et augmenté ;
Mourad le malheureux, traduit de l’anglais par H. Jousselin ;
Nouveaux contes populaires, traduits de l’anglais par Mme Élise Voïard ;
Ormond, roman traduit de l’anglais par A.-J.-B. Defauconpret ;
Paresse et travail. Précipitation et lenteur ;
Rosamonde, traduit et imité de l’anglais par Mme A. Ballot ;
Saladin l’heureux, traduction nouvelle, par E. P. ;
Scènes de la vie du grand monde, traduit de l’anglais par P.-L. Dubuc ;
Simple Suzanne, ou la Reine de mai, traduit de l’anglais par Louise Sw. Belloc c'est l'un des contes qui figurent dans le recueil The Parent's Assistant ;
The Parent's Assistant contes pour les enfants. The Orange man. The Little dog Trusty. The Cherry orchard. The White pigeon. Tarlton. Lazy Lawrence. Old Poz. Traduit de l'anglais par J. Sévrette ; suivis d’un choix de poésies. Nouvelle édition avec une notice biographique et littéraire et des notes grammaticales,...
Un Cœur de mère ;
Victimes du luxe ;
Victoire, ou On a souvent besoin d’un plus petit que soi, traduit de l’anglais par A. Ballot ;
Vivian, ou l’Homme sans caractère, traduit de l’anglais par Jos. Jo


Cliquez pour afficher l



*
Cliquez pour afficher l






Cliquez pour afficher l






Cliquez pour afficher l







Cliquez pour afficher l






Cliquez pour afficher l



Posté le : 21/05/2016 18:57
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Jules Renard
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57700
Hors Ligne
Le 22 mai 1910 meurt Pierre-Jules Renard

dit Jules Renard à Paris dans sa 46ème année, écrivain et auteur dramatique français, né à Châlons-du-Maine Mayenne le 22 février 1864 écrivain et auteur dramatique français. Il reçoit la légion d'honneur et il est reçu à l'académie Goncourt. ses Œuvres principales sont L'Écornifleur en 1892, Poil de Carotte en 1894, Journal, 1887-1910 publié en 1925

En bref

Jules Renard naquit à Châlons-du-Maine (Mayenne). Il était le dernier-né de François Renard, alors âgé de quarante ans, et d'Anne-Rosa Colin, de douze ans plus jeune que son mari, avec lequel elle ne « s'entendait plus », pas plus qu'elle ne s'entendra avec son fils. De vieille souche paysanne et nivernaise, du côté paternel, il fait, au lycée de Nevers, des études suffisamment brillantes pour qu'on l'envoie à Paris préparer l'École normale supérieure. Il y renonce vite, décidé à tenter sa chance dans les lettres, en cherchant sans conviction quelque emploi. Il lit beaucoup et il écrit : des vers, qu'une actrice récite dans de modestes salons et dont il tire une mince plaquette (1886) ; des nouvelles, pour lesquelles il cherche un éditeur ; un roman, qu'il ne publiera jamais. Les vers sont quelconques ; les nouvelles font songer à du Maupassant teinté de Daudet ; le roman, villageois, dramatique, social et sentimental, est dans la lignée réaliste. Le mariage de Renard en 1888 avec une toute jeune fille lui apporte une certaine aisance, lui permet d'éditer ses nouvelles, à compte d'auteur, et de participer en tant que principal actionnaire à la fondation du Mercure de France, où il commence à se faire connaître comme critique et comme prosateur.
Dans Sourires pincés (1890), son vrai début, Coquecigrues, La Lanterne sourde (1893) et Le Vigneron dans sa vigne (1894), les histoires villageoises se mêlent aux croquis parisiens. L'Écornifleur (1892) et La Maîtresse (1896), écrits en réaction contre les romans psychologiques et mondains (Bourget, Maupassant), relatent en chapitres brefs et en dialogues incisifs les aventures sentimentales peu reluisantes d'un pâle homme de lettres, l'une dans un ménage bourgeois, l'autre avec une femme entretenue. C'est l'impitoyable constat du médiocre et du banal.
Le succès de Sourires pincés, puis de L'Écornifleur, vaut à Renard d'utiles amitiés (M. Schwob, L. Descaves) et l'accès aux grands quotidiens et aux revues. Il y publie des textes courts, qu'il réunit ensuite en volume. Ce sont des choses vues ou vécues (des moments de son enfance, un bouquet d'arbres, la pluie, la rivière, un maçon au travail, un paysan qui fauche ou qui tue le cochon, les animaux de la basse-cour ou des champs), auxquelles une prose de plus en plus nette, solide et serrée donne valeur de poème.
En 1896, Renard a loué, à Chitry (Nièvre), un ancien presbytère où il passe désormais, avec sa femme et ses enfants, plusieurs mois chaque année, loin de l'agitation factice de Paris. Poil de carotte (1900) et Histoires naturelles (1896) lui ont valu une certaine notoriété, mais la consécration lui viendra du théâtre.

Sa vie

Pierre-Jules Renard naît, par hasard, à Châlons-du-Maine en Mayenne : son père, François Renard 1824-1897, est entrepreneur de travaux publics et travaille alors à la construction du chemin de fer de Laval à Caen. Il a épousé le 8 octobre 1854 Anne-Rosa Colin, fille de Victor Colin, quincaillier à Langres, élevée par son oncle Émile Petit, l'associé de François Renard. Si sa mère est une catholique dévote et bigote, son père est républicain, franc-maçon et anticlérical. Le jeune Renard est le dernier de la fratrie, après une fille aînée, Amélie décédée en 1858, une seconde fille également prénommée Amélie née en 1859 et un troisième enfant, son frère Maurice né en 1862. La mère de Jules Renard a vingt-huit ans lors de la naissance de son dernier enfant. Elle ne supporte plus son mari et elle aura la même attitude envers son dernier fils.
En 1866, la famille s'installe à Chitry-les-Mines, lieu de naissance de François Renard, le père de Jules, qui y devient maire. La scolarité de Maurice et de Jules se déroule à Nevers, en pension. Jules est reçu bachelier ès lettres en 1883 au lycée Charlemagne à Paris, mais il abandonne le projet de se présenter au concours de l'École normale supérieure, préférant fréquenter les cafés littéraires, les théâtres et certains milieux du journalisme. Je suis de la vieille école, moi, de l'école qui ne sait pas lire , écrit-il dans son ouvrage, Bucoliques.

Les débuts et le mariage de Jules Renard

Jules Renard ne connaît pas un succès immédiat comme auteur : il fait nombreuses lectures, fréquente les milieux littéraires, collabore à des journaux, publie des poèmes Les Roses, plaquette publiée à compte d'auteur en 1886 et des nouvelles Crime de village en 1887 dans la Revue de Paris de Léo d'Orfer. Le début de son roman Les Cloportes caractérise ces années au cours desquelles Jules survit grâce à la petite pension que lui versent ses parents. Il habite, début 1888, l’Hôtel des Étrangers, 24 rue Tronchet, près de sa fiancée, Marie Morneau 1871-1938, qui habite 44 rue du Rocher ce sera son adresse parisienne toute sa vie. En 1888, il conclut un mariage de raison avec Marie, qui lui apporte une dot qui s'avère précieuse pour lui. Malgré tout, ce mariage se révèle heureux. De cette union naissent un garçon, Jean-François Fantec en février 1889 et une fille, Julie Marie Baïe en mars 1892.

Premiers succès

Lorsque, en 1889, de jeunes écrivains fondent le Mercure de France, Renard est un des principaux actionnaires : il est à la fois critique et prosateur, rédacteur en chef et administrateur. Le succès arrive avec L'Écornifleur, publié en 1892, qui raconte l'histoire d'un littérateur parasite. Alphonse Allais, Edmond Rostand, Courteline, les Goncourt, Tristan Bernard, Lucien Guitry et Sarah Bernhardt font partie de son entourage. En 1894, il entre à la Société des gens de lettres et rédige Le Vigneron dans sa vigne ainsi que Poil de Carotte. Je cours les dangers du succès, note-t-il dans son Journal qu'il rédige en 1897 et 1910, mais qui n'est publié que de façon posthume, de 1925 à 1927, et constitue un témoignage précieux sur la vie littéraire de la Belle Époque. Dans cette œuvre majeure dont le manuscrit a été amputé puis brûlé par sa veuve, Jules Renard manifeste une grande lucidité, un humour féroce qui cache une infinie tendresse mais aussi une misanthropie et une certaine complaisance envers son malheur.

La controverse de La Demande

On attribue souvent à Renard La Demande. En réalité, il signe cette pièce avec Georges Docquois. Mais ce dernier, dans un article postérieur de deux ans à la mort de Renard, explique que, s'inspirant de la nouvelle de Jules Renard, les deux amis composèrent chacun un acte. Un arbitre préféra celle de Docquois, et ce fut celle-ci qui fut jouée au théâtre municipal de Boulogne-sur-Mer en janvier 1895. Jules Renard regretta vite de s'être prêté à cette aventure médiocre.

Renard et Rostand

En 1895, Renard se lie d'amitié avec Edmond Rostand ; c'est une amitié difficile, mêlée d'envie qui, si elle ne gêne pas l'admiration de Jules Renard pour Cyrano de Bergerac, se dévoile peu à peu dans le ton un peu aigre de ses écrits. Dans un passage de son Journal, Jules Renard raconte la première de Cyrano ; il y détecte immédiatement un chef-d'œuvre. Mais à son enthousiasme se mêle aussitôt une tristesse littéraire : celle de n'avoir pas réussi à faire aussi bien que Rostand. Renard connaîtra à son tour le succès, en 1897, avec Le Plaisir de rompre pièce à référence autobiographique, qui évoque la rupture de Renard et de Danièle Davyle, pensionnaire de la Comédie-Française après une liaison de plusieurs années, lorsque Renard s'est marié. La pièce Le Pain de ménage, en 1898 est un nouveau succès, mais Edmond Rostand n'assiste à aucune représentation, malgré l'insistance de Jules Renard. Certaines analyses, celles de Léon Guichard notamment, font état à cet égard de l'admiration de Jules Renard pour Mme Rostand comme, dans la pièce, Pierre admire Marthe.

Le militant républicain

À partir de 1896, Renard passe plusieurs mois par an à Chaumot, proche de Chitry-les-Mines Nièvre, dans une petite maison de curé nommée La Gloriette. En 1897, son père, malade depuis quelque temps et se sachant incurable, se suicide d'un coup de fusil de chasse en plein cœur. En 1900, Jules Renard accepte la Légion d'honneur et devient conseiller municipal de Chaumot le 6 mai. Entre 1901 et 1903, il rédige de nombreux articles pour le journal L'Écho de Clamecy : la tonalité est laïque, anticléricale et républicaine. Succédant à son père, il devient maire de Chitry le 15 mai 1904. Élu sur une liste républicaine, il s'engage dans la lutte contre l'ignorance et une de ses mesures les plus spectaculaires sera la gratuité des fournitures scolaires.
Lors de l'affaire Dreyfus, il soutient Émile Zola et critique sévèrement sa condamnation. Il se révèle un admirateur enthousiaste et presque délirant de Victor Hugo.

Homme de lettres, Renard vécut pour écrire, pour écrire « juste » et pour écrire « vrai ». À l'écart des écoles et des vogues passagères, rebelle à toute influence autre que celle des classiques français, il abandonne bien vite les formes usées de la nouvelle et du roman, pour devenir un maître de l'expression condensée, de la page parfaite. Il fixe un regard aigu, parfois cruel, sur les petits bourgeois, sur la famille et sur l'enfant. Il repose son œil clair, parfois attendri, sur les prés et les bois, les animaux et les paysans, et projette sur lui-même, sans ménagements, le rayon de sa lanterne sourde. Il entend faire coïncider, le plus exactement possible, la littérature et la vie, l'impression et l'expression, la poésie et la vérité.

Renard trouve sa matière et son style La diversion du théâtre

L'exemple et la réussite de ses amis (Rostand, Tristan Bernard, A. Capus) l'amenèrent à écrire pour le théâtre où il ne voyait cependant qu'un « exercice inférieur ». D'emblée, ce fut le succès, avec des interprètes comme Granier (Le Plaisir de rompre, 1897), Brandès et Guitry (Le Pain de ménage, 1898), puis Antoine, qui joue Poil de carotte avec Desprès (1900), Monsieur Vernet avec Cheirel et Signoret (1903) et monte La Bigote à l'Odéon (1910). Ni drame en vers, ni théâtre d'amour ou de boulevard, ni pièce à thèse, le théâtre de Renard sort de son œuvre et de ses expériences. Il tourne autour du couple (une rupture : Le Plaisir de rompre ; une tentation : Le Pain de ménage, Monsieur Vernet), du mariage et de la famille (Poil de carotte et La Bigote). On y retrouve le sérieux de sa vie et les qualités de sa prose, dans la sobriété et la densité des répliques. Renard est devenu une figure parisienne. On le décore. Il entre à l'académie Goncourt. Mais il éprouve des remords. Le théâtre lui assure quelques ressources bien nécessaires, mais le détourne de sa vocation propre : la page vraiment « écrite ». Il lui faut se ressaisir, se retrouver, à la campagne.

Le retour au village

Son installation à « la Gloriette », en 1896, lui a fait reprendre contact avec la terre et les paysans. Attiré par le socialisme, lié avec France, Jaurès et Blum, il se sent une âme d'apôtre. Ardent dreyfusard, antimilitariste et anticlérical, il mène dans L'Écho de Clamecy le combat pour son idéal laïc et républicain (Mots d'écrit, 1908, et Causeries, 1910). Il fait des conférences aux paysans et aux instituteurs. Délégué cantonal, il est élu conseiller municipal de Chaumot (1900), puis maire de Chitry (1904, réélu en 1908). Le contact est difficile. Si, à Paris, il est « paysan du Danube », à Chitry, il est « le Monsieur de Paris » ou « Monsieur Jules ». Mais, du moins, il observe ses « frères farouches », qu'il est si difficile de comprendre et d'aider, et décrit leurs mœurs dans une série de textes (Le Vigneron dans sa vigne, éd. augm. 1901 ; Bucoliques, éd. augm. 1905) et surtout dans Ragotte (1908), où il grave, sans images et sans humour, la vie d'une humble domestique, la sienne, et de son mari, le jardinier Philippe, et qui est un chef-d'œuvre de vérité et d'émotion secrète. Mais, prématurément vieilli, il se sent de plus en plus las. Il préside, le 15 février 1910, sa dernière séance du conseil municipal de Chitry, rentre à Paris pour se mettre au lit et mourir, dans le modeste appartement où il a vécu depuis son mariage. Il a noté dans son Journal, avec un mélange de satisfaction et d'amertume : « D'ailleurs, j'ai fini. Je pourrais recommencer et ce serait mieux, mais on ne s'en apercevrait pas. Il vaut mieux mettre fin. » On l'enterra à Chitry, civilement.
Rongé par le scrupule, Renard n'était jamais content. Il n'en avait pas moins conscience d'être devenu l'écrivain qu'il se proposait d'être : celui du mot juste et mis à sa place. Rien à ajouter ; rien à retrancher. Il conserve des admirateurs fervents, à l'étranger comme en France. Mais on le prend souvent pour un humoriste professionnel (alors qu'il exprime simplement l'humour, féroce ou cocasse, de la vie) et l'on connaît surtout le créateur de Poil de carotte et de Mme Lepic, le chasseur d'images d'Histoires naturelles, que gâtent parfois l'esprit ou la préciosité, le Théâtre et le Journal. Mais c'est dans Le Vigneron, Bucoliques et Ragotte qu'on trouvera les meilleures pages, les plus humaines et les plus sobres, de ce poète en prose. Léon Guichard

Jules Renard Derniers honneurs

Jules Renard est élu membre de l'académie Goncourt le 31 octobre 1907, au fauteuil de Huysmans grâce à Octave Mirbeau, qui a dû menacer de démissionner pour assurer son succès.
Son élection est aussi appuyée par les frères J.-H. Rosny : Après de nombreux votes, ajournements et retournements de situation, Jules Renard devient enfin membre de l’Académie Goncourt en 1907. Il succède à Joris-Karl Huysmans, grâce au soutien des frères Rosny : Alors, dit Justin Rosny, il faut que Renard ait l’unanimité. Il faut bien accueillir un artiste tel que lui Journal, 26 octobre 1907. Il précise d'ailleurs, le même jour : Ayant la voix des Rosny, auxquels je tenais et rajoute, quelques jours plus tard : Je pensais à l’Académie : tout le monde y pense, mais je n’espérais pas être élu Journal, 12 novembre 1907.
Il prend sa nouvelle charge très au sérieux et participe à toutes les réunions.
Sa mère, travaillée par le spectre de la folie, meurt en 1909 en tombant dans le puits de la maison familiale, accidentellement ou suicidée. Jules Renard décède au 44 rue du Rocher d'artériosclérose à l'âge de 46 ans. Il est enterré civilement le 27 mai 1910 à Chitry-les-Mines. Sa tombe en forme de livre ouvert, que Jules Renard a fait tailler en 1900 après la mort subite de son frère Maurice, est notamment entretenue par l’association Les Amis de Jules-Renard.
En 1933, la place Jules-Renard dans le 17e arrondissement de Paris est créée en hommage.

Jugements et citations

Il est, selon Charles Du Bos, un Montaigne minuscule dont La Bruyère aurait affûté le style.
Par ailleurs, on l'accuse de misogynie. Il écrit, par exemple, dans son Journal 1905 : Les femmes cherchent un féminin à auteur : il y a bas-bleu. C’est joli, et ça dit tout. À moins qu’elles n’aiment mieux plagiaire ou écrivaine.

Publications

Œuvres romanesques
Crime de village 1888
Sourires pincés 1890
L'Écornifleur 1887
La Lanterne sourde 1893

Deux fables sans morale 1893
Le Coureur de filles 1894
Histoires naturelles 1894
Poil de carotte 1894
Le Vigneron dans sa vigne 1894
La Maîtresse 1896
Bucoliques 1898
Les Philippe 1907
Patrie 1907
Mots d'écrit 1908
Ragotte 1909
Nos frères farouches 1909
Causeries 1910



Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l






Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l






Cliquez pour afficher l






Cliquez pour afficher l

Posté le : 21/05/2016 18:47

Edité par Loriane sur 25-05-2016 14:45:06
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Yvonne Vendroux-De Gaulle
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57700
Hors Ligne
Le 22 mai 1900 à Calais naît Yvonne de Gaulle

née Yvonne Charlotte Anne Marie Vendroux épouse de Charles de Gaulle, président de la République française du 8 janvier 1959 au 28 avril 1969 soit pendant 10 ans, 3 mois et 29 jours elle meurt le 8 novembre 1979 à 79 ans, à Paris. Réputée très discrète, elle était affectueusement surnommée Tante Yvonne par les Français.Elle succéde à Germaine coty épouse du président Coty, elle sera suivie de Claude Coty. Elle est présidente de la fondation Anne-de-Gaulle.

Sa vie

Yvonne Vendroux est issue d'une famille d'industriels calaisienne d'origine bourguignonne. À l'origine, sa famille est néerlandaise, du nom de Van Droeg transformé en Vendroux quand cette famille de producteurs de tabac doit partir, Guillaume d'Orange ayant décidé de faire inonder des terres pour repousser l'avancée des troupes du roi de France Louis XIV. Un de leurs descendants, ancêtre d'Yvonne, épouse une Calaisienne au début de la Révolution française.
Son père, Jacques, est le président du Conseil d'administration d'une biscuiterie. Sa mère, Marguerite née Forest, issue d'une famille de notaires ardennais, est la sixième femme de France à obtenir un permis de conduire, et est la petite-fille d'Alfred Corneau, industriel de Charleville-Mézières. Les Vendroux passaient leurs étés dans le château ardennais de l’abbaye Notre-Dame de Sept-Fontaines.
Son frère aîné, Jacques Vendroux, né en 1897, deviendra maire de Calais et député.
Son frère cadet Jean, né en 1901 à Calais, marié à Madeleine Schallier 1907-2000, père de sept enfants, décèdera prématurément en 1956 dans un accident de voiture.
Sa sœur Suzanne Vendroux née le 28 février 1905 à Calais, et décédée le 27 décembre 1980 à Worthing, en Angleterre s'est mariée le 5 mars 1934 à Fagnon, avec Jean Rerolle né le 12 juillet 1897 à Châteauroux et décédé le 23 mars 1978 à Neuilly-sur-Seine avec lequel elle a deux enfants, Jacques-Henri né le 21 janvier 1935, à Paris, dans le 17e arrondissement et Marguerite-Marie.
L'éducation que lui donnent ses parents est stricte mais conforme aux usages de l'époque et de son milieu social relativement aisé. Le vouvoiement est de rigueur et les filles de la famille sont invitées à apprendre la couture. Pendant la Première Guerre mondiale, les enfants et leur gouvernante déménagent en Angleterre, à Canterbury, ne revenant voir leurs parents en France que pour les fêtes de fin d'année. Ils s'installent aussi à Wissant.

Les études

Elle apprend à lire à la maison et étudie chez les dominicaines, à Asnières-sur-Seine. Un de ses bulletins permet de cerner l'élève qu'elle est alors : Pleine d'idéal et de droiture, de caractère régulier et consciencieux. En 1918, elle suit les dominicaines qui se réfugient au couvent des visitandines de Périgueux.

Son mariage avec Charles de Gaulle

En 1920, elle rencontre Charles de Gaulle, alors capitaine revenant d'une mission en Pologne. La rencontre est en fait arrangée en secret par la famille Vendroux ; leur première sortie est au Grand Palais, au salon d'automne, pour voir la toile La Femme en bleu de Kees van Dongen. Revenus ensuite prendre le thé, Charles aurait renversé sa tasse sur la robe de la jeune femme, qui l'aurait pris avec humour. Leur première soirée est le bal de l'École spéciale militaire de Saint-Cyr, à l'hôtel des Réservoirs, à Versailles l'établissement où Charles de Gaulle avait fait ses études de 1908 à 1912, était alors basé dans la ville voisine de Saint-Cyr-l'École. Deux jours après, elle déclare à ses parents : Ce sera lui, ou personne. Ils se fiancent le 11 novembre, avant la fin de la permission du capitaine de Gaulle et se marient le 7 avril 1921, en l’église Notre-Dame de Calais. De Gaulle est conscient d'épouser un beau parti, écrivant à l'un de ses amis J'épouse les biscuits Vendroux. Leur lune de miel se passe dans le nord de l’Italie. De cette union naîtront trois enfants, un garçon et deux filles dont la benjamine, Anne, était porteuse d’une trisomie 21 :
1. Philippe de Gaulle 28 décembre 1921
2. Élisabeth de Gaulle, épouse de Boissieu 15 mai 1924 2 avril 2013 à 88 ans
3. Anne de Gaulle 1er janvier 1928 6 février 1948 d’une broncho-pneumonie

Le rôle d’Yvonne de Gaulle pendant la Seconde Guerre mondiale

En 1934, elle s'installe avec sa famille dans la propriété de La Brasserie, aussitôt rebaptisée La Boisserie, à Colombey-les-Deux-Églises. L'achat de cette propriété, entourée de hauts murs, avait entre autres pour fin de protéger leur fille Anne de l'indiscrétion du public. Passionnée d'horticulture, Yvonne de Gaulle prend le soin d'entretenir le jardin du domaine.
Lors de la débâcle de 1940, elle parvient, à partir de La Boisserie, à rallier Londres avec ses enfants. Sa biographe, Geneviève Moll, écrit : … lorsque la France est livrée à l'ennemi, avec une intuition inouïe du rôle que s'apprête à jouer son mari, sans nouvelles de lui, elle gagne l'Angleterre seule, avec leurs trois enfants. Yvonne et ses enfants suivent le général pendant les déplacements du gouvernement provisoire. Pour légitimer le général dans son rôle de chef de la France libre et le faire connaître aux yeux des Britanniques, Winston Churchill organise un reportage sur la vie quotidienne des de Gaulle : on peut ainsi voir Yvonne de Gaulle préparant le repas ou discutant avec son mari.
En 1948, à la mort de leur fille Anne, Yvonne de Gaulle et son époux fondent en sa mémoire la fondation Anne-de-Gaulle, au château de Vert-Cœur, à Milon-la-Chapelle Yvelines. Georges Pompidou dirige cette fondation et devient à cette époque proche du général de Gaulle.
Pendant la traversée du désert de son époux, elle tente de convaincre ce dernier de renoncer à la politique ; le couple entame sa retraite à la Boisserie.

Épouse du président de la République française

Désormais il va nous falloir vivre en meublé, s'exclame Yvonne de Gaulle, devenue première dame de France, le 21 décembre 1958, lors de la victoire du général. Le couple arrive au palais de l'Élysée en Citroën Traction Avant 15 chevaux.
Pendant la présidence de son mari, de 1959 à 1969, Yvonne de Gaulle mène au palais de l'Élysée, avec son époux, un train de vie simple et mesuré. Discrète sur la scène publique, elle est surnommée par les journalistes Tante Yvonne. Catholique pratiquante, elle influe sur le conservatisme de son mari en matière de morale, et veille même à ce que l'on tienne à l'écart des gouvernements les personnes divorcées ou coupables d'adultère8. Une des premières choses qu'elle demande après être arrivée au palais est une pietà, que lui fournit le musée du Louvre. Le général, qui invita l'actrice Brigitte Bardot, faillit décommander après les protestations de sa femme : en effet, elle refusait de recevoir au palais des personnes divorcées. Selon Bertrand Meyer-Stabley, elle incarne la tradition, le respect des valeurs morales et le sens du devoir. Ceci ne l'empêchera pas, cependant, d'intervenir auprès de son époux en faveur de la future loi Neuwirth, autorisant la contraception orale la pilule. Son couturier attitré est Jacques Heim.
Une journée type d'Yvonne de Gaulle se décrit par les trois repas pris en tête à tête avec son époux. Au petit-déjeuner, elle lit Le Figaro. Ils regardent ensemble la télévision jusqu'à 23 heures. Le dimanche matin, ils vont ensemble à la messe célébrée dans la chapelle du palais. Du palais de l'Élysée, elle dit au président des États-Unis Eisenhower Tout le monde y est chez soi, sauf nous. En 1960, elle est la marraine du paquebot France, qu'elle baptise.
Elle est l'une des premières dames à véritablement jouer un rôle médiatique : en 1961, alors que le couple présidentiel américain John et Jackie Kennedy est convié par le général de Gaulle, elle prend l'initiative de tisser des liens avec la première dame américaine en l'emmenant visiter l'école de puériculture située boulevard Brune 14e arrondissement de Paris. Deux ans plus tard, après l'assassinat de son époux, Jackie est conviée par Yvonne de Gaulle à venir se reposer et s'éloigner de la pression médiatique qui pèse alors sur elle.
En 1962, elle est, avec son mari, la cible de l'attentat du Petit-Clamart. Sauvé, le général lui dit : Vous êtes brave Yvonne. Cet événement lui inspire cette seule phrase, restée célèbre J'espère que les poulets n'ont rien eu, voulant parler non pas des policiers mais des volailles transportées dans le coffre de la DS. Le fait, entre autres, que le commanditaire de la tentative d’assassinat, le lieutenant-colonel Bastien-Thiry, ait cherché à attenter à la vie d'une femme sans prendre de risques lui-même, et ait mis en danger des personnes innocentes dont trois enfants et leurs parents incite le général de Gaulle à considérer cela comme une circonstance aggravante et à refuser d'accorder la grâce présidentielle à Bastien-Thiry qui avait été condamné à mort par la Cour militaire de justice. L'officier sera fusillé huit mois plus tard au Fort d'Ivry.
Pendant les évènements de mai 1968, elle accompagne son mari dans son déplacement à Baden-Baden. Elle déclare : « Que les communistes usent de la rue pour arriver à leurs fins, je m'y oppose.

Retraite et décès

Son époux Charles ayant démissionné de la présidence de la République en 1969, elle l'accompagne dans sa retraite, notamment dans son voyage en Irlande, célèbre pour les photos du couple et de l'aide de camp du général, François Flohic, prises sur la plage.
Veuve en 1970, elle vit discrètement jusqu'en 1978, avant d'entrer dans la maison de retraite des sœurs de l'Immaculée Conception, à Paris. Elle meurt à l'hôpital du Val-de-Grâce, à Paris, à l'âge de 79 ans, le 8 novembre 1979, à la veille du neuvième anniversaire du décès de son mari. Elle repose dans le cimetière de Colombey aux côtés de son époux et de leur fille Anne.

Hommages

La maison de retraite de Melun porte le nom d'Yvonne de Gaulle.
Devant la cathédrale Notre-Dame de Calais se trouve une stèle, en mémoire du mariage d'Yvonne Vendroux et Charles de Gaulle, avec la mention tirée de l'ouvrage de ce dernier, Mémoires d'espoir Pour vous Yvonne, sans qui rien ne se serait fait.
En 1963, l'accordéoniste René Saget sort une chanson, Le tango de Tante Yvonne, qui se vend à 10 000 exemplaires.
Le 9 novembre 2013, jour anniversaire de la mort du général de Gaulle, est inaugurée à Calais une statue en bronze réalisée par Élisabeth Cibot représentant Charles et Yvonne de Gaulle se tenant par la main. Elle s'inspire d'une photo du couple présidentiel, en visite officielle dans la ville en 1959.


Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l






Cliquez pour afficher l






Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l



Posté le : 21/05/2016 18:32
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Catulle Mendès
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57700
Hors Ligne
Le 22 mai 1841 naît Catulle Mendès

à Bordeaux, écrivain et poète,librettiste français, du mouvement Parnasse décadentiste français. il meurt à 67 ans Saint-Germain-en-Laye le 7 février 1909. Ses Œuvres principales sont : Philoméla en 1863, Méphistophéla en 1890, Les Oiseaux bleus en 1888, Le Chercheur de tares en 1898

En bref

Poète parnassien, épigone de Baudelaire, de Banville, de Leconte de Lisle, de Gautier dont il épousa la fille, Judith, Catulle Mendès fonda en 1860 La Revue fantaisiste puis, à partir de 1866, donna son élan au Parnasse contemporain. Il se fit remarquer par l'aspect très recherché et vaguement décadent de sa poésie qui n'est pas sans avoir marqué le jeune Verlaine. Il est aussi l'auteur d'une épopée inspirée de Swedenborg Hespérus, 1872. Son œuvre d'homme de lettres est abondante : pièces de théâtre notamment des comédies en vers, romans estimés licencieux Les Mères ennemies, 1880 ; Le Roi vierge, 1881 ; La Première Maîtresse, 1887, feuilletons de critique dramatique et musicale, essais Légende du Parnasse contemporain, 1884 ; L'Œuvre wagnérienne en France, 1899. On a pu lui reprocher de manquer de rigueur, de trop sacrifier aux modes successives et de se laisser aller à des productions par trop commerciales. Claude Burgelin

Sa vie

Catulle Mendès est issu d'une lignée de Juifs portugais. Après une enfance et une adolescence à Toulouse, Mendès arrive à Paris en 1859. Il se fait connaître en 1860 en fondant La Revue fantaisiste, à laquelle collabore notamment Villiers de l'Isle-Adam. Il publie en 1863 son premier recueil de poèmes, Philoméla, et sympathise avec Théophile Gautier jusqu'à ce qu'il décide d'épouser sa fille, Judith Gautier, le 14 avril 1866. Théophile Gautier n'assistera pas à la noce. À la suite d'un voyage en Allemagne qui le laisse ébloui, Catulle Mendès se range avec ardeur dans le camp des défenseurs du compositeur Richard Wagner.
Il entre ensuite dans le groupe d'écrivains qui se réunit chez Louis-Xavier de Ricard tout d'abord, chez Leconte de Lisle ensuite, où François Coppée, Léon Dierx, José-Maria de Heredia et Théodore de Banville comptent parmi les habitués. Sous l'impulsion de Louis-Xavier de Ricard et de Catulle Mendès, naît le Parnasse, dont Mendès se fera l'historien en publiant plus tard La Légende du Parnasse contemporain. Il participe activement aux recueils du Parnasse contemporain.
Le couple Mendès/Gautier ne durera pas. Vers 1869, peut-être même dès 1866, Catulle Mendès entretient une liaison avec la compositrice Augusta Holmès. Après la séparation de son couple en 1878, Mendès s'installe chez Augusta Holmès. Mendès et Holmès auront cinq enfants : Raphaël 1870-1896, Huguette, Claudine, Hélyonne1 et Marthian + jeune avant de se séparer en 1886, après qu'Augusta eut, semble-t-il, été ruinée par Mendès. Les trois filles sont le sujet du tableau d'Auguste Renoir, Les Filles de Catulle Mendès. Hélyonne, épousera Henri Barbusse. Par la suite, Mendès, qui avait trois autres filsQui ?, Marcel, Raymond et Robert, se remarie avec la poétesse Jeanne Nette, qui sera sa compagne et dont il aura également un fils, Primice Catulle Mendès5 1897 - Chemin des Dames, 23 avril 1917, mort pour la France, filleul de Sarah Bernhardt.
D'une dernière relation avec la comédienne Marguerite Moreno 1871-1948, il aura un dernier fils.
Le 8 juin 1891 il se bat en duel avec René d'Hubert directeur du Gil Blas.
Le corps sans vie de Catulle Mendès est découvert le 7 février 1909 dans le tunnel de chemin de fer de Saint-Germain-en-Laye : on a supposé qu'il avait ouvert la porte de son wagon en se croyant à destination.
L'œuvre de Catulle Mendès, très abondante, est tombée dans l'oubli. Il est considéré comme le représentant d'une esthétique fin-de-siècle, utilisant, avec une certaine préciosité, un vocabulaire recherché et brillant. Les critiques de l'époque lui reprochaient une superficialité et une manière ostensible de suivre la mode du jour. Sa poésie, au parfum décadent, était très appréciée de Verlaine. Il est également l'auteur de courts récits érotiques.

Anecdotes

Il est dit que Catulle Mendès a présenté l'occultiste Éliphas Lévi à Victor Hugo. En 1876, il propose à Guy de Maupassant d'entrer dans la Franc-maçonnerie, mais celui-ci refuse.
Friedrich Nietzsche a dédié ses Dithyrambes pour Dionysos à Catulle Mendès, le célébrant comme le plus grand et le premier satyre vivant aujourd’hui ― et pas seulement aujourd’hui.

Œuvres Poésie

Philoméla, Hetzel, 1863
Sonnets
Pantéléia, Hetzel, 1863
Sérénades, Revue française
Pagode, dans Le Parnasse contemporain, 1866
Soirs moroses
Contes épiques, 1870-1876
Hespérus, La Librairie des Bibliophiles, Jouaust éditeur, avec un dessin de Gustave Doré et une préface, 1872 ; rééd. in Poésies de Catulle Mendès, Sandoz et Fischbacher, 1876 : rééd. Paul Ollendorff, 1885.
Intermède, 1871
Le Soleil de minuit
Poésies 1892
Poésies nouvelles 1893
La Grive des Vignes 1895
Les Braises du Cendrier
Alfred Bruneau a mis en musique les poésies de Catulle Mendès : Lieds de France et Chansons à danser. Jules Massenet a mis en musique La Lettre. Le compositeur polonais Ignacy Jan Paderewski a composé des chants sur ses poésies : "Douze mélodies sur des poésies de Catulle Mendès" op. 22.

Romans

La Vie et la mort d'un clown 1879
Les Mères ennemies 1880
Le Roi Vierge 1881
Le Crime du vieux Blas, éditions Henry Kistemaeckers, Bruxelles, 1882
Zo'Har 1886, rééd. 2005, Éditions Palimpseste
L'Homme tout nu 1887
Luscignole, Dentu, 1892
Verger fleuri
La Première Maîtresse 1894, rééd. 2013, Éditions Palimpseste
Gog 1896
Méphistophéla 1890 ; réédition Méphistophéla, Séguier, Bibliothèque Décadente , 1993, présentation Jean de Palacio
Les Oiseaux bleus, réédition Séguier, Bibliothèque Décadente, 1993, présentation Jean de Palacio
Grande-Maguet
La Femme-Enfant 1891, rééd. 2007, Éditions Palimpseste
La Maison de la Vieille
Rue des Filles-Dieu, 56
Le Chercheur de Tares 1898

Nouvelles

Lesbia. — Ce recueil contient : Lesbia • Vieux meubles • Chemise noire • Quittes • L'amour en danger • Regards perdus • Les autres • Idylle d'automne • Le miracle • Les deux avares • Preuves • Le don qui suffit • Le lit enchanté • Le cœur de Balbine • Les fleurs et les pierreries • Justice après justice • L'ombre vaincue • La princesse muette • Tourterelle • Nécessité de l'héroïsme • L'armure • Suite dans les idées • Rompre • L'autographe • Hygiène.
Le Rose et le Noir, Paris, E. Dentu, 1885. — Ce recueil contient : Les Hirondelles • L'Inattendue • Don Juan au paradis • Le Portrait ressemblant • Les Fleurs dans l'eau • Danger de la charité • La Nuit de noces • La Cuisine des anges • Fatalité • L'Hôte • Les Ailes déçues • Tristesse des Sirènes • Le Possédé • La Bonne Journée • La Voie inutile • La Robe de noces • L'Incendiaire • La Momie • La Joueuse de flûte • La Layette d'Isamberte • L'Exclu • Mariage aux lucioles • La Convertie • Les Azalées • L'Occasion • Tendresse de la justice • L'Arbre sacré.
Le Confessionnal.
La Messe rose.
Arc-en-Ciel et Sourcil-Rouge.
Monstres parisiens.
Incendies, recueil de nouvelles, Stalker éditeur, 2006.

Contes


Les contes du rouet, Frinzine & Cie éditeurs, 1885
La petite servante • Il ne faut pas jouer avec la cendre • Mademoiselle Laïs • Touffe de myosotis • La convertie • La bonne journée • Léa, Mariage aux lucioles • L'homme de lettres • La vie et la mort d'une danseuse • Jeanne • Jeunes mères • Le lâche • Le ramasseur de bonnets • Le miroir • Les mots perdus • Les deux marguerites • George et Nonotte • Le mangeur de rêves • Le marquis de Viane • Les hirondelles ;
Séverin en Pierrot dans Chand d'habits !, pantomime de Catulle Mendès
Affiche par Happichy, 1896.

Théâtre

La Part du roi 1872
Les Frères d'armes 1873
Justice 1877
Les Mères ennemies 1882
Le Capitaine Fracasse 1878
La Femme de Tabarin 1887
Médée 1898
La Reine Fiammette 1898
Le Fils de l'étoile 1904
Scarron, musique Reynaldo Hahn, 29 mars 1905, Théâtre de la Gaîté-Lyrique
Glatigny, drame funambulesque en vers, mêlé de chansons et de danses, en cinq actes et six tableaux 1906
La Vierge d'Avila Sainte Thérèse, drame en cinq actes et un épilogue, en vers 1906
Farces.

Livrets d'opéra

Le Capitaine Fracasse 1878, opéra-comique en trois actes et six tableaux, d'après le roman de Théophile Gautier, musique d'Émile Pessard .
Gwendoline 1886, pour l'opéra d'Emmanuel Chabrier. Texte sur Gallica.
Isoline 1888, pour l'opéra d'André Messager
Rodrigue et Chimène 1893, opéra inachevé en trois actes, musique de Claude Debussy.
La Carmélite 1903, comédie musicale en quatre actes et cinq tableaux, musique de Reynaldo Hahn ; Texte sur Gallica.
La Reine Fiammette 1903, drame lyrique en quatre actes et six tableaux, musique de Xavier Leroux.
Le Fils de l'étoile 1904, drame musical en cinq actes, musique de Camille Erlanger. Texte sur Gallica.
Ariane 1906, pour l'opéra de Jules Massenet
Bacchus, pour l'opéra de Jules Massenet15 Livret sur Gallica
Briséïs, avec Éphraïm Mikhaël, drame en trois actes, musique d’Emmanuel Chabrier ;
Traduction française de Hänsel und Gretel de Humperdinck Opéra de Paris, 1900

Arguments de ballet

Le Cygne, ballet en un acte, musique de Charles Lecocq Opéra comique de Paris, 20 avril 1899
La Fête chez Thérèse, ballet-pantomime en deux actes, musique de Reynaldo Hahn, 1910 ; argument sur Gallica

Essais

La Vie pour rire, feuille hebdomadaire dirigée par Mendès et Armand Silvestre E. Dentu, 1888, sources BnF.
Les 73 Journées de la Commune du 18 mars au 29 mai 1871 1871
La Légende du Parnasse contemporain 1884.
Richard Wagner 1886
L'Art au Théâtre, 3 volumes : 1895, 1896, 1897
L'Œuvre wagnérienne en France
Rapport à M. le ministre de l'Instruction publique et des beaux-arts sur le mouvement poétique français de 1867 à 1900 ; précédé de Réflexions sur la personnalité de l'esprit poétique de France ; suivi d'un Dictionnaire bibliographique et critique et d'une nomenclature chronologique de la plupart des poètes français du XIXe siècle Imprimerie nationale, 546 pages, 1902

Citation

Reste. N'allume pas la lampe...
Reste. N'allume pas la lampe. Que nos yeux
S'emplissent pour longtemps de ténèbres, et laisse
Tes bruns cheveux verser la pesante mollesse
De leurs ondes sur nos baisers silencieux.
Nous sommes las autant l'un que l'autre. Les cieux
Pleins de soleil nous ont trompés. Le jour nous blesse.
Voluptueusement berçons notre faiblesse
Dans l'océan du soir morne et délicieux.
Lente extase, houleux sommeil exempt de songe,
Le flux funèbre roule et déroule et prolonge
Tes cheveux où mon front se pâme enseveli...
Ô calme soir, qui hais la vie et lui résistes,
Quel long fleuve de paix léthargique et d'oubli

Coule dans les cheveux profonds des brumes tristes.
Soirs moroses, 1876


Cliquez pour afficher l




Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l


Posté le : 21/05/2016 18:16
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Richard Wagner 1
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57700
Hors Ligne
Le 22 mai 1813 naît Wilhelm Richard Wagner

à Leipzig, compositeur romantique et d'opéra, directeur de théâtre, écrivain, chef d'orchestre, critique musical, et polémiste allemand de la période romantique, particulièrement connu pour ses quatorze opéras et drames lyriques de 1833 à 1882, il collabore avec Franz Liszt et Hermann Levi. Ses Œuvres principales sont : Le Crépuscule des dieux, Tristan et Isolde, Tannhäuser, Lohengrin, L'Or du Rhin, La Walkyrie, Siegfried, Les maîtres chanteurs de Nuremberg, Parsifal, Le vaisseau fantôme, Wesendonck-Lieder. Il meurt le 13 février 1883 à Venise à l'âge de 69 ans Il est aussi l'auteur de plus d'une vingtaine d'ouvrages philosophiques et théoriques. Il compose lui-même, à la fois la musique et le livret de ses opéras, dont Tristan und Isolde, considéré comme le point de départ des principales avancées que connaîtra la musique au XXe siècle, et L'Anneau du Nibelung, festival scénique en un prologue et trois journées, dont la conception bouscule délibérément les habitudes de l'époque pour aller, selon les propres termes de Wagner, vers un art total, une œuvre d'art totale, un spectacle complet qui mêle danse, théâtre, poésie, arts plastiques et musique, dans une mélodie continue utilisant des leitmotivs.
Sa vie bohème et fantasque lui fait endosser de multiples habits : révolutionnaire sans le sou, fugitif traqué par la police, homme à femmes, confident intime du roi Louis II de Bavière, critique et analyste musical, intellectuel travaillé par l'antisémitisme de son époque qui sera récupéré, après sa mort et dans un contexte différent, par les nazis ; son comportement et ses œuvres laissent peu de gens indifférents. Aussi doué pour nouer des amitiés dans les cercles artistiques et intellectuels que pour les transformer en inimitiés, sachant créer le scandale comme l'enthousiasme, il suscite des avis partagés et souvent enflammés de la part de ses contemporains. Ses conceptions artistiques avant-gardistes ont eu une influence déterminante dans l'évolution de la musique dès le milieu de sa vie. Richard Wagner est considéré comme l'un des plus grands compositeurs d'opéras du xixe siècle et occupe une place importante dans l'histoire occidentale.


En bref

Entre errance postrévolutionnaire et apothéose d’un artiste bourgeois, la vie de Richard Wagner fut digne d’un roman. Elle offre le portrait d’un homme aussi détestable par son égoïsme, son opportunisme, son amour de l’argent et son antisémitisme, qu’admirable par son obstination à imposer son univers artistique. Mais c’est avant tout grâce à son œuvre musicale, considérable par son ampleur (dix opéras majeurs du répertoire lyrique) et par son influence sur le devenir de la musique, davantage que pour ses écrits, d’une profusion inégalée pour un musicien mais pour partie d’une postérité historiquement funeste, que Richard Wagner occupe un rang de génie parmi les artistes du XIXe siècle. Mais ce Protée, et son avatar incontournable, le wagnérisme, provoquent encore, deux cents ans après sa naissance, amour fou ou détestation comme aucun autre compositeur n’en a suscité à ce jour. Au point que Julien Gracq a pu écrire : «on ne peut aimer aujourd’hui Wagner que malgré» (Lettrines, 1967).
Un musicien autodidacte :C’est au son des canons des guerres napoléoniennes que Wilhelm Richard Wagner naît à Leipzig, le 22 mai 1813. Il est le neuvième et dernier enfant du fonctionnaire de police Karl Friedrich Wagner et de Johanna Rosine Pätz. La fonction du père, trop tôt décédé (en novembre 1813), qui masque une grande culture et un réel amour du théâtre, et le rapide remariage de sa veuve avec l’acteur et peintre Ludwig Geyer, décédé à son tour en 1821, et dont Wagner a pu imaginer qu’il était son véritable père, influencent au-delà de ces morts précoces le destin d’une fratrie qui comptera quatre chanteur et cantatrices.
Le benjamin, après des études mouvementées entre Dresde, Eisleben et Leipzig, où il se passionne pour la littérature sous l’influence éclairée de son oncle Adolf, ne résiste pas non plus à l’appel du théâtre. Il entreprend, de treize à quinze ans, une tragédie en cinq actes, Leubald und Adelaide (perdue). Puis, sous le coup des interprétations magistrales de la cantatrice Wilhelmine Schröder-Devrient dans le Fidelio de Beethoven en 1829, il s’ouvre à l’univers de l’opéra. Mozart, Beethoven, Weber sont les modèles de ce jeune musicien quasi autodidacte qui compose quatre sonates pour piano (trois d’entre elles sont perdues), et fait jouer une Ouverture en ré mineur en 1831 au Gewandhaus de Leipzig, puis une Symphonie en ut majeur à Prague et au Gewandhaus, alors qu’il n’a pas vingt ans. Après avoir écrit un premier livret, Die Hochzeit Les Noces, détruit, il achève en 1834 son premier opéra, Die Feen (Les Fées), d’après Carlo Gozzi. Comme pour chacune de ses œuvres futures, il en a écrit lui-même le livret. Mais il reniera bientôt ce premier opus ‒ créé à Munich en 1888 ‒ qui témoigne cependant autant des influences que peut subir un très jeune compositeur que d’une maîtrise éblouissante du domaine qui sera désormais le sien, l’art lyrique.
Vers une révolution artistique Premiers postes musicaux : Commence alors pour Richard Wagner une vie itinérante de postes à responsabilité : il est chef de chœur à Wurtzbourg en 1833, directeur musical à Magdebourg en 1834. Alors qu’il est en tournée à Bad Lauchstädt, il rencontre l’actrice Minna Planer et connaît ses premiers ennuis financiers, le jeune compositeur s’avérant un panier percé incorrigible. Son œuvre s’augmente de mouvements symphoniques, d’ouvertures, de musiques de scène, de ses premiers articles théoriques, publiés dans la Neue Zeitschrift für Musik de Robert Schumann, et d’un deuxième opéra, Das Liebesverbot (La Défense d’aimer), inspiré de Mesure pour Mesure de Shakespeare, et créé sans succès le 29 mars 1836 à Magdebourg. Le théâtre fait faillite peu après.
Richard rejoint alors Minna à Königsberg, l’épouse le 24 novembre 1836, et obtient le poste de directeur musical du théâtre local. Entre dettes et infidélités, le ménage vivote, et c’est seul que le compositeur part à Riga en août 1837, où Minna finit par le rejoindre après une longue escapade extraconjugale. Wagner travaille à la composition de Rienzi, der Letzte der Tribunen (Rienzi, le dernier des tribuns), un grand opéra à la française, inspiré d’un roman d’Edward Bulwer-Lytton, qu’il espère imposer à Paris, ville phare du monde lyrique d’alors. Car son poste de directeur musical à l’Opéra de Riga et ses concerts symphoniques n’empêchent pas les dettes de s’accumuler : le couple quitte la Lettonie en juillet 1839 et s’enfuit par la mer vers Londres. L’épisode de la traversée de la Baltique en pleine tempête aura une influence sur l’ambiance du futur opéra Der fliegende Holländer.
Londres n’offre aucun débouché au jeune musicien qui s’installe en septembre 1839 à Paris. L’échec est absolu, le couple n’évitant la misère que grâce au médiocre travail de transcripteur d’airs à la mode que Wagner mène en parallèle à l’achèvement de Rienzi. C’est également à ce moment qu’il s’attelle à la composition de Der fliegende Holländer, littéralement « Le Hollandais volant », mais généralement appelé en France Le Vaisseau fantôme, en référence à l’opéra que Pierre-Louis Dietsch a tiré de l’argument que Wagner réussit à vendre à la direction de l’Opéra de Paris, faute de s’y faire jouer. Cette période est pour lui celle de la découverte de Berlioz et de la rencontre, en 1841, de Franz Liszt, avec qui il se lie d’une profonde amitié. C’est aussi l’époque de l’écriture de l’Ouverture pour Faust (1840), et de son intérêt pour les légendes de Tannhäuser et de Lohengrin qui inspireront ses prochains opéras.

Famille Wagner

Richard Wagner naît le 22 mai 1813 au no 3 de la rue Brühl au deuxième étage de l'hôtel Zum roten und weißen Löwen l'Hôtel du Lion Rouge et Blanc dans un quartier juif de la ville de Leipzig. Il est le neuvième enfant du couple formé en 1798 par Carl Friedrich Wagner 1770–1813, greffier de la police municipale de Leipzig, homme cultivé, acteur et amateur de théâtre, et de Johanna Rosine Paetz 1774–1848, fille d'un boulanger, dénuée de culture mais ouverte intellectuellement. De famille protestante, il est baptisé à l’église Saint-Thomas de Leipzig le 16 août 1813 sous le nom de Wilhelm Richard Wagner. Son père meurt du typhus, séquelles de la bataille de Leipzig, six mois après sa naissance. Le 28 août 1814, sa mère épouse probablement l'ami de Carl Friedrich, l'acteur et dramaturge Ludwig Geyer. La famille Wagner emménage à Dresde dans le domicile de Geyer qui meurt en 1821, non sans avoir transmis au jeune Wagner sa passion pour le théâtre ainsi que son nom que Richard porte jusqu'à ses 14 ans, aussi pense-t-il certainement durant son enfance que Geyer est son père biologique. Dans le premier jet manuscrit de ses Mémoires, Mein Leben Ma Vie, Wagner se présentait comme le fils de Ludwig Geyer. Par une initiative de Cosima Wagner cette mention du père fut, par la suite et dans la version imprimée 1880 pour la première édition, supprimée et remplacée par le nom de Friedrich Wagner. Dans Le Cas Wagner, le philosophe allemand Friedrich Nietzsche le considère comme fils adultérin de Geyer avec des origines juives Geyer étant considéré comme un patronyme juif en Allemagne, au point que, du vivant du compositeur, les humoristes viennois le qualifieront de grand rabbin de Bayreuth. Ainsi, l'antisémitisme de Richard Wagner pourrait provenir de ce douloureux secret de famille qu'il connaissait, l'enfant ayant développé une haine inconsciente envers son beau-père Ludwig Geyer, à l'instar de Mime, personnage de son opéra Der Ring des Nibelungen et figure du mauvais père.
Richard suit une scolarité chaotique, sa famille déménageant au gré des engagements de sa sœur Rosalie 1803-1837, actrice : Leipzig, Dresde, Prague. Son oncle Adolf Wagner 1774-1835, philologue, exerce une forte influence sur sa formation intellectuelle, Richard y lisant dans sa bibliothèque les œuvres d'Homère, de Shakespeare, Dante, Gœthe. Il nourrit d'abord l'ambition de devenir dramaturge. En 1827, la famille Wagner retourne à Leipzig où Richard prend entre 1828 et 1831 des leçons d'harmonie avec le professeur de musique Christian Gottlieb Müller. Ayant commencé à apprendre la musique, il décide de l'étudier en s'inscrivant le 23 février 1831 à l'université de Leipzig où il trouve en Christian Theodor Weinlig 1780-1842, Thomaskantor à Leipzig, le mentor selon ses vœux. Parmi les compositeurs qui exercent sur lui à cette époque une influence notable, on peut citer Carl Maria von Weber, Ludwig van Beethoven et Franz Liszt.
En 1833, Wagner achève l'un de ses premiers opéras, Les Fées. Cette œuvre, dans laquelle l'influence de Carl Maria von Weber est importante15, ne sera pas jouée avant plus d'un demi-siècle, en 1888. À la même époque, Wagner réussit à décrocher un poste de directeur musical à l'opéra de Wurtzbourg puis à celui de Magdebourg, ce qui le sort de quelques ennuis pécuniaires. En 1836, il compose La défense d'aimer, ou la Novice de Palerme, un opéra inspiré d'une pièce de William Shakespeare, Mesure pour mesure. Mais l'œuvre est accueillie avec peu d'enthousiasme.
La même année, le 24 novembre 1836, Wagner épouse l'actrice Minna Planer. Le couple emménage alors à Königsberg puis à Riga, où Wagner occupe le poste de directeur musical. Après quelques semaines, Minna le quitte, avec sa fille Nathalie qu'elle avait eue à l'âge de 15 ans, le 31 mai 1837 pour un autre homme qui la laisse bientôt sans le sou. Elle retourne alors auprès de Wagner, mais cela marque le début de la progressive décadence de leur mariage, qui se termine dans la souffrance trente ans plus tard. Avant même 1839, le couple est criblé de dettes et doit fuir Riga pour échapper aux créanciers les ennuis d'argent tourmenteront Wagner le restant de ses jours. Pendant sa fuite à Londres, le couple est pris dans une tempête, ce qui inspire à Wagner Le Vaisseau fantôme. Le couple vit ensuite quelques années à Paris où Wagner gagne sa vie en réorchestrant les opéras d'autres compositeurs.

Dresde

En 1840, Wagner achève l'opéra Rienzi, le dernier des Tribuns. Il retourne en Allemagne avec Minna deux ans plus tard pour le faire jouer à Dresde, où il rencontre un succès considérable. Pendant six ans, Wagner exerce avec brio le métier de chef d'orchestre du grand théâtre de la ville et compose et met en scène Le Vaisseau fantôme et Tannhäuser et le tournoi des chanteurs à la Wartburg, ses premiers chefs-d'œuvre.
Le séjour dresdois du couple prend fin en raison de l'engagement de Wagner dans les milieux anarchistes. Dans les États allemands indépendants de l'époque, un mouvement nationaliste commence en effet à faire entendre sa voix, réclamant davantage de libertés ainsi que l'unification de la nation allemande. Wagner, qui met beaucoup d'enthousiasme dans son engagement, reçoit fréquemment chez lui des anarchistes, tels le Russe Bakounine.
Le mécontentement populaire contre le gouvernement saxon, largement répandu, entre en ébullition en avril 1849, quand le roi Frédéric-Auguste II de Saxe décide de dissoudre le parlement et de rejeter la nouvelle constitution que le peuple lui présente. En mai, une insurrection éclate Wagner y participe, se perchant sur les barricades. La révolution naissante est toutefois rapidement écrasée par les troupes saxonnes et prussiennes et de nombreuses interpellations de révolutionnaires ont lieu. Le 16 mai 1849, la police de Dresde lance un mandat d'arrêt contre Wagner qui réussit à fuir, grâce à un passeport périmé fourni par un ami, d'abord à Paris, puis à Zurich.

Exil et influences conjuguées de Liszt,

Schopenhauer et de Mathilde Wesendonck

C'est en exil que Wagner passe les douze années suivantes. Ayant achevé Lohengrin avant l'insurrection de Dresde, il sollicite son ami Franz Liszt, le priant de veiller à ce que cet opéra soit joué en son absence. Liszt, en bon ami, dirige lui-même la première à Weimar, le 28 août 1850.
Wagner se trouve néanmoins dans une situation très précaire, à l'écart du monde musical allemand, sans revenu et avec peu d'espoir de pouvoir faire représenter les œuvres qu'il compose. Sa femme Minna, qui a peu apprécié ses derniers opéras, s'enfonce peu à peu dans une profonde dépression.
Pendant les premières années qu'il passe à Zurich, Wagner produit des essais L'Œuvre d'art de l'avenir, Opéra et Drame ainsi qu'un ouvrage antisémite, Le Judaïsme dans la musique. Avec L'Œuvre d'art de l'avenir, il présente une nouvelle conception de l'opéra, la Gesamtkunstwerk ou œuvre d'art totale. Il s'agit de mêler de façon indissociable la musique, le chant, la danse, la poésie, le théâtre et les arts plastiques.
Au cours des années qui suivent, Wagner utilise trois sources d'inspiration indépendantes pour mener à bien son opéra révéré entre tous, Tristan et Isolde.
Musicalement, il est influencé en particulier par son ami Liszt, ce qu'il refusera toujours de reconnaître publiquement. Ainsi, en juin et août 1859, peu après les premières auditions du prélude de Tristan et Isolde, le musicologue Richard Pohl a fait paraître un panégyrique dans lequel il attribue directement à Liszt la substance harmonique de l’œuvre. Le 7 octobre, Wagner écrit à Bülow : Il y a nombre de sujets sur lesquels nous sommes tout à fait francs entre nous ; par exemple que je traite l’harmonie de manière tout à fait différente depuis que je me suis familiarisé avec les compositions de Liszt. Mais quand l’ami Pohl le révèle au monde entier, qui plus est en tête d’une notice sur mon prélude, c’est pour moi une indiscrétion ; ou dois-je penser que c’est une indiscrétion autorisée
Philosophiquement, la première source d'inspiration de Wagner est Schopenhauer. Wagner prétendra plus tard que cette expérience a été le moment le plus important de sa vie. La philosophie de Schopenhauer, axée sur une vision pessimiste de la condition humaine, est très vite adoptée par Wagner. Ses difficultés personnelles ne sont vraisemblablement pas étrangères à cette adhésion. Il restera toute sa vie un fervent partisan de Schopenhauer, même quand sa situation personnelle sera moins critique.
Selon Schopenhauer, la musique joue un rôle central parmi les arts car elle est le seul d'entre eux qui n'ait pas trait au monde matériel. Cette opinion trouve un écho en Wagner qui l'adopte très vite, malgré l'incompatibilité apparente avec ses propres idées selon lesquelles c'est la musique qui est au service du drame. Quoi qu'il en soit, de nombreux aspects de la doctrine de Schopenhauer transparaîtront dans ses livrets ultérieurs : Hans Sachs, le poète cordonnier des Maîtres chanteurs, est une création typiquement schopenhauerienne.
C'est sous l'influence de Schopenhauer fortement influencé par la philosophie indienne, le védanta et le bouddhisme que Richard Wagner devient végétarien et défenseur de la cause animale dont il développera une apologie dans Art et Religion. Il transmettra plus tard, mais temporairement, ce point de vue à Nietzsche.
L'autre source d'inspiration de Wagner pour Tristan et Isolde est le poète et écrivain Mathilde Wesendonck, femme du riche commerçant Otto von Wesendonck. Il rencontre le couple à Zurich en 1852. Otto, grand admirateur de Wagner, met à sa disposition en avril 1857 une petite maison de sa propriété, l’Asile. Au bout de quelques années, Wagner s'éprend de Mathilde mais, bien qu'elle partage ses sentiments, elle n'a pas l'intention de compromettre son mariage. Aussi tient-elle son mari informé de ses contacts avec Wagner. On ne sait pas néanmoins si cette liaison a été uniquement platonique. Wagner n'en laisse pas moins de côté, brusquement, la composition de la Tétralogie — qu'il ne reprend que douze ans plus tard — pour commencer à travailler sur Tristan et Isolde. Cette œuvre, issue d'une crise psychosomatique déclenchée par cet amour non réalisable, correspond à la perfection au modèle romantique d'une création inspirée par des sentiments contrariés. Du reste, deux des Wesendonck-Lieder, Träume et Im Treibhaus, composés d'après les poèmes de Mathilde, seront repris, étoffés, dans l'opéra. Träume donnera Descend sur nous nuit d'extase et Im Treibhaus l'inquiétant prélude du troisième acte et ses sombres accords confiés aux violoncelles et contrebasses.
Plaque commémorative au 3, rue d’Aumale 9e arrondissement de Paris, où Wagner séjourne d’octobre 1860 à juillet 1861.
Le 7 avril 1858, Minna intercepte une lettre enflammée de Wagner à Mathilde. Le couple décide de se séparer : Minna est envoyée faire une cure aux eaux de Brestenberg, les Wesendonck quittent Zurich pour Venise tandis que Wagner reste à Zurich pour continuer son Tristan et Isolde. Minna et les époux Wesendonck revenus, les tensions entre les deux couples deviennent trop fortes dans l’Asile, aussi Minna quitte le domicile familial pour Dresde et Richard part à son tour pour Venise, sa course s'achevant au palais Giustiniani qu'il a loué pour quelques jours. L'année suivante, il retourne à Paris afin de superviser la mise en scène d’une adaptation de Tannhäuser et le tournoi des chanteurs à la Wartburg dont la présentation, en 1861, provoque un scandale. Les représentations suivantes sont annulées et Wagner quitte la ville précipitamment.
Quand il peut enfin retourner en Allemagne, Wagner s’installe à Biebrich, où il commence à travailler sur Les Maîtres chanteurs de Nuremberg. Cet opéra est de loin son œuvre la plus joyeuse. Sa seconde femme, Cosima, écrira plus tard : Puissent les générations futures, en cherchant du rafraîchissement dans cette œuvre unique, avoir une petite pensée pour les larmes qui ont mené à ces sourires !En 1862, Wagner se sépare de Minna, mais il continue de la soutenir financièrement jusqu’à sa mort, en 1866 ou du moins ses créanciers le feront-ils.
Lire la suite -> http://www.loree-des-reves.com/module ... t_id=11044#forumpost11044

Posté le : 21/05/2016 18:06
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Richard Wagner 2
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57700
Hors Ligne
Sous le patronage du roi Louis II de Bavière

La carrière de Wagner prend un virage spectaculaire en 1864, lorsque le roi Louis II accède au trône de Bavière, à l'âge de 18 ans. Le jeune roi, qui admire les opéras de Wagner depuis son enfance, décide en effet de faire venir le compositeur à Munich : leur rencontre le 4 mai 1864 au palais de la Résidence met fin aux soucis financiers de Wagner qui ne parvenait toujours pas à vivre de ses droits d’auteur, le roi devenant son mécène. Le journal du roi ainsi que des lettres montrent son homosexualité et son adoration passionnée de Wagner dont il est probablement amoureux, sans que l'on puisse conclure s'il y a une liaison entre les deux hommes. Il règle ses dettes considérables son amour du luxe et des femmes fait qu'il accumule continuellement les dettes et s'arrange pour que son nouvel opéra, Tristan et Isolde, puisse être monté. Malgré les énormes difficultés rencontrées lors des répétitions, la première a lieu le 10 juin 1865 et rencontre un succès retentissant.
Wagner se trouve ensuite mêlé à un scandale du fait de sa liaison avec Cosima von Bülow. Il s'agit de la femme de Hans von Bülow, un fervent partisan de Wagner, qui a œuvré comme chef d'orchestre pour Tristan et Isolde. Cosima est la fille de Franz Liszt et de la comtesse Marie d'Agoult, et est de vingt-quatre ans la cadette de Wagner. En avril 1865, elle accouche d'une fille naturelle qui est prénommée Isolde. La nouvelle s'ébruite rapidement et scandalise tout Munich. Pour ne rien arranger, Wagner tombe en disgrâce auprès des membres de la Cour qui le soupçonnent d'influencer le jeune roi. En décembre 1865, Louis II est contraint de demander au compositeur de quitter Munich. En effet, la population munichoise pense que le roi dépense trop d'argent pour Wagner, se rappelant la relation dispendieuse qu'avait le grand-père du roi, Louis Ier de Bavière, avec sa maîtresse Lola Montez. Cela vaut à Wagner d'être surnommé Lolus par les Munichois. Louis II caresse un instant l'idée d'abdiquer pour suivre son héros en exil, mais Wagner l'en aurait rapidement dissuadé.
Wagner part s'installer à Tribschen, près de Lucerne, sur les bords du lac des Quatre-Cantons. Son opéra Les Maîtres chanteurs de Nuremberg est achevé en 1867 et présenté à Munich le 21 juin de l'année suivante. En octobre, Cosima convainc finalement son mari de divorcer. Le 25 août 1870, elle épouse Wagner qui, quelques mois plus tard, compose l’Idylle de Siegfried pour son anniversaire. Ce second mariage dure jusqu'à la mort du compositeur. Ils auront une autre fille, Eva, et un fils prénommé Siegfried qui doit son nom à l'opéra Siegfried, auquel travaille Wagner au moment de sa naissance.

Festival de Bayreuth.

Une fois installé dans sa nouvelle vie de famille, Wagner met toute son énergie à terminer la Tétralogie. Devant l'insistance de Louis II, on donne à Munich des représentations séparées première de L'Or du Rhin le 22 septembre 1869 et première de La Walkyrie le 26 juin 1870. Mais Wagner tient à ce que le cycle complet soit réuni dans un opéra spécialement conçu à cet effet.
En 1871, il choisit la petite ville de Bayreuth pour accueillir sa nouvelle salle d'opéra. Les Wagner s'y rendent l'année suivante et la première pierre du Festspielhaus Palais des festivals est posée. Louis II et la baronne Marie von Schleinitz, une des proches amies des Wagner, s'investissent pour aider à financer le bâtiment. Afin de rassembler les fonds pour la construction, Wagner entreprend également une tournée de concerts à travers l'Allemagne et diverses associations de soutien sont créées dans plusieurs villes. Il faut cependant attendre une donation du roi Louis II en 1874 pour que l'argent nécessaire soit enfin rassemblé. Un peu plus tard dans l'année, les Wagner emménagent à Bayreuth dans une villa que Richard surnomme Wahnfried Paix des illusions.
Le Palais des festivals ouvre ses portes le 13 août 1876, à l'occasion de la représentation de L'Or du Rhin, début d'exécution de trois cycles complets de la Tétralogie. D'illustres invités sont conviés à ce premier festival : l'empereur Guillaume Ier, l'empereur Pierre II du Brésil, le roi Louis II – qui reste incognito –, ainsi que les compositeurs Bruckner, Grieg, Augusta Holmès, Vincent d'Indy, Liszt, Saint-Saëns, Tchaïkovski et Charles-Marie Widor.
D'un point de vue artistique, ce festival est un succès remarquable. Tchaïkovski, qui y a assisté en tant que correspondant russe, écrit : Ce qui s'est passé à Bayreuth restera dans la mémoire de nos petits-enfants et de leur descendance. Financièrement, c'est toutefois un désastre absolu. Wagner doit renoncer à organiser un second festival l'année suivante et tente de réduire le déficit en donnant une série de concerts à Londres.

Les dernières années

En 1877, Wagner s'attelle à son dernier opéra, Parsifal, qu'il finit à Palerme pendant l'hiver 1881-82. Il loge dans la villa des Whitaker, futur Grand Hôtel des Palmes. Pendant la composition, il écrit également une série d'essais sur la religion et l'art.
Il met la dernière main à Parsifal en janvier 1882, et le présente lors du second Festival de Bayreuth. Pendant l'acte III de la seizième et dernière représentation, le 29 août, le chef Hermann Levi est victime d'un malaise. Wagner entre alors discrètement dans la fosse d'orchestre, prend la baguette et dirige l'œuvre jusqu'à son terme.
À cette époque, Wagner est gravement malade du cœur tout en menant ses activités habituelles. Après le festival, il se rend à Venise avec sa famille pour y passer l'hiver. Le mardi 13 février 1883, il est emporté par une crise d'angine de poitrine plus violente que celles qu'il avait déjà éprouvées, au palais Vendramin dont il avait pris en location l'étage noble. Sa dépouille mortelle est rapatriée en Allemagne, au cours de funérailles grandioses tant à Venise que sur le chemin du retour. Il est inhumé dans les jardins de sa maison Wahnfried, à Bayreuth.

Œuvres

Opéras
Wagner a composé 14 opéras. On peut schématiquement les séparer en deux groupes : 4 opéras de jeunesse, et 10 opéras de maturité, inscrits au répertoire du festival de Bayreuth.
Parmi les opéras de jeunesse on trouve Die Hochzeit Le mariage, inachevé et jamais représenté, Die Feen Les Fées, Das Liebesverbot La Défense d'aimer et Rienzi. Ils sont rarement joués.
Puis Wagner écrit ses premiers grands opéras romantiques : Le Vaisseau fantôme Der fliegende Holländer, Tannhäuser et Lohengrin.
La période suivante voit la composition de Tristan et Isolde Tristan und Isolde, puis Les Maîtres chanteurs de Nuremberg Die Meistersinger von Nürnberg.
L'Anneau du Nibelung Der Ring des Nibelungen, surnommé la Tétralogie, est un ensemble de quatre opéras inspirés des mythologies allemandes et scandinaves. Ce gigantesque ensemble est écrit et composé sur une longue période de trente ans, débutant avant l'écriture de Tristan et Isolde et finissant en 1867.
Le dernier opéra de Wagner, Parsifal, est une œuvre contemplative tirée de la légende chrétienne du saint Graal.
À travers ses œuvres et ses essais théoriques, Wagner exerça une grande influence dans l'univers de la musique lyrique. Mariant le théâtre et la musique pour créer le drame musical, il se fit le défenseur d'une conception nouvelle de l'opéra, dans laquelle l'orchestre occupe une place au moins aussi importante que celle des chanteurs. L'expressivité de l'orchestre est accrue par l'emploi de leitmotivs petits thèmes musicaux d'une grande puissance dramatique qui évoquent un personnage, un élément de l'intrigue, un sentiment..., dont l'évolution et l'enchevêtrement complexe éclairent la progression du drame avec une richesse infinie.
Wagner a écrit lui-même ses livrets, empruntant la plupart de ses arguments à des légendes et mythologies européennes, le plus souvent germaniques, parfois à des mythologies indiennes. Par sa lecture de l’Introduction à l’histoire du Buddhisme indien d'Eugène Burnouf, il sera en effet influencé par les légendes bouddhiques et les râgas de la musique classique indienne ces références sont présentes dans Die Sieger , Parsifal. Ses œuvres acquièrent de ce fait une unité profonde ou parfois plus complexe, dans laquelle se rejoignent le bouddhisme, le christianisme, les mythologies païennes, la philosophie et la tradition médiévale.

Liste des opéras par ordre chronologique

Opéras de jeunesse

31 Die Hochzeit inachevé Les Noces Non représenté
32 Die Feen Les Fées 29 juin 1888 Munich
38 Das Liebesverbot La défense d'aimer 29 mars 1836 Magdebourg
49 Rienzi id. 20 octobre 1842 Dresde

Opéras principaux

63 Der Fliegende Holländer Le Vaisseau fantôme 2 janvier 1843 Dresde
70 Tannhäuser id. 19 octobre 1845 Dresde
75 Lohengrin id. 28 août 1850 Weimar
90 Tristan und Isolde Tristan et Isolde 10 juin 1865 Munich
96 Die Meistersinger von Nürnberg Les Maîtres chanteurs de Nuremberg 21 juin 1868 Munich

86A, 86B, 86C, 86D

Der Ring des Nibelungen
Das Rheingold
Die Walküre
Siegfried
Götterdämmerung
L'Anneau du Nibelung
L'Or du Rhin
La Walkyrie
Siegfried
Le Crépuscule des dieux
22 septembre 1869
26 juin 1870
16 août 1876
17 août 1876

Extraits orchestraux pour concerts symphoniques

Des extraits des opéras sont fréquemment joués en concert comme des pièces à part entière, dans des versions éventuellement légèrement modifiées. Par exemple :
Certaines ouvertures Le Vaisseau fantôme, Tannhäuser, Les Maîtres chanteurs de Nuremberg, préludes Lohengrin, Tristan et Isolde, Parsifal et entr'actes préludes des troisièmes actes de Lohengrin, de Tristan et Isolde et des Maîtres chanteurs de Nuremberg ;
Prélude et mort d'Isolde, pièce qui réunit le prélude du premier acte de Tristan et Isolde prolongé par la fin de l'opéra, La Mort d'Isolde, dans laquelle la soprano est remplacée par une instrumentation ;
L'Entrée des dieux dans le Walhalla, à la fin de L'Or du Rhin ;
La Chevauchée des Walkyries, début du troisième acte de La Walkyrie ;
L'Adieu de Wotan et l'Incantation du feu, fin de La Walkyrie ;
Les Murmures de la forêt, extrait du deuxième acte de Siegfried ;
L'Aube et Le Voyage de Siegfried sur le Rhin, extraits du premier acte du Crépuscule des dieux ;
La Mort de Siegfried et Marche funèbre de Siegfried, extraits du troisième acte du Crépuscule des Dieux ;
Scène finale, extrait du Crépuscule des dieux ;
L'Enchantement du Vendredi-saint, extrait du troisième acte de Parsifal.

Œuvres non scéniques

À côté de ses opéras, qui constituent l'essentiel de son œuvre musicale, Wagner a écrit un certain nombre de pièces diverses, qui occupent environ cent numéros du catalogue de ses œuvres, le Wagner Werk-Verzeichnis WWV.

Musique orchestrale

2 symphonies :
Symphonie en ut majeur, écrite à l'âge de 19 ans.
Symphonie en mi majeur, composée en 1834 et restée inachevée.
Plusieurs ouvertures.
Marche impériale, composée en 1871 pour grand orchestre.

Piano et musique de chambre

Il a composé un certain nombre de pièces pour piano, parmi lesquelles on peut citer :
L'ouverture Rule Britannia, composée en 1836 et consistant en la transcription de l'ode en l'honneur de la Grande-Bretagne de Thomas Arne.
Plusieurs sonates ;
Élégie en la bémol majeur, longtemps appelée par erreur Thème de Porazzi. Étroitement liée à la composition de Tristan et Isolde, celle de l’Élégie a commencé en 1858, probablement comme esquisse pour Tristan finalement rejetée au bout de huit mesures. En 1882, il se pencha de nouveau sur cette ébauche, la conclut par six mesures nouvelles, et l'offrit ainsi terminée à Cosima. La veille de sa mort à Venise, il la joua encore : ce fut sa dernière expression musicale.
Des transcriptions pour piano d'airs d'opéras à la mode, que Wagner composa lors de son premier séjour à Paris.
Il n'a pratiquement pas abordé la musique de chambre. Citons néanmoins la Siegfried-Idyll Idylle de Siegfried, une pièce pour treize instrumentistes écrite pour l'anniversaire de sa seconde femme Cosima. Wagner en écrivit ensuite la version orchestrale, la plus souvent interprétée de nos jours. Ce morceau réunit plusieurs motifs leitmotive de Siegfried. Le compositeur Christophe Looten en a réalisé une transcription pour quatuor à cordes.

Musique vocale

La Cène des apôtres. Cette pièce pour chœurs d'hommes et orchestre date de début 1843. Au début de l'année, Wagner vient de faire jouer Rienzi à Dresde ; c'est un grand succès. En revanche, Le Vaisseau fantôme a connu un échec cuisant. Élu en début d'année au comité d'une association culturelle de la ville de Dresde, Wagner reçoit une commande qui doit évoquer le thème de la Pentecôte. La première de cette œuvre a lieu à la Dresdner Frauenkirche le 6 juillet 1843, interprétée par une centaine de musiciens et près de 1 200 choristes. Cette interprétation reçoit un accueil chaleureux.
Die Wesendonck Lieder. Ces chants furent composés pour célébrer l'amour que Richard Wagner portait à Mathilde Wesendonck.
Quelques lieder avec piano dont un inattendu Mignonne, allons voir si la rose d'après Ronsard.

Écrits et autres travaux Liste des œuvres en prose de Richard Wagner.

Wagner est un écrivain extrêmement prolifique. On compte à son actif des centaines de livres, poèmes et articles, en plus de sa volumineuse correspondance. Ses écrits couvrent un large éventail de sujets, comme la politique, la philosophie, ou encore l'analyse de ses propres opéras. Parmi les essais les plus significatifs, on peut citer Opéra et Drame 1851 et L'Œuvre d'art de l'avenir 1849. Il a également écrit une autobiographie, Ma vie 1880.
Wagner est à l'origine de plusieurs innovations théâtrales, telles que la conception et la construction du Festspielhaus de Bayreuth, inauguré en 1876. Ce bâtiment à l'acoustique légendaire a été spécialement construit pour y jouer ses propres œuvres. Chaque été, des milliers d'amateurs d'opéra viennent du monde entier assister au célèbre Festival de Bayreuth. Pendant les représentations, le public est plongé dans l'obscurité et l'orchestre joue dans une fosse, hors de la vue des spectateurs.

Style et apports de Wagner

Dans sa jeunesse, Wagner aurait voulu être Shakespeare avant d'être Beethoven45. Wagner était l'auteur de ses livrets d'opéra, cas fort rare dans l'histoire de la musique de scène. Toutefois, Wagner ne souhaitait pas que sa poésie fût appréciée pour elle-même, mais qu'elle soit toujours considérée en relation avec la musique.
Richard Wagner a entièrement transformé la conception de l'opéra à partir de 1850, le concevant non plus comme un divertissement, mais comme une dramaturgie sacrée. Les quatre opéras de L'Anneau du Nibelung illustrent cette réforme wagnérienne à la perfection. Dans la Tétralogie, chaque personnage l'Anneau y compris est associé à un thème musical autonome dont les variations indiquent dans quel climat psychologique ce personnage évolue : c'est le fameux leitmotiv en allemand : motif conducteur, procédé préexistant que Wagner a poussé aux limites ultimes de la dramaturgie sonore. Ainsi lorsque Wotan évoque l'Anneau, les thèmes musicaux associés se mêlent en une nouvelle variation. On peut y voir une manifestation de « l'art total » au travers d'une musique reflétant à la fois les personnages et leurs sentiments, tout en soutenant le chant et soulignant l'action scénique. Mais l'apport de Richard Wagner à la musique sur le plan technique harmonie et contrepoint est tout aussi considérable, sinon plus encore. C'est principalement dans son œuvre la plus déterminante à cet égard, à savoir Tristan et Isolde, que Wagner innove de manière radicale. Conçu dans des circonstances psychologiques très particulières, plus rapidement que les autres opéras, Tristan constitue une singularité, et aussi une charnière tant dans l'œuvre de Wagner que dans l'histoire de l'harmonie et du contrepoint.
Certes, comme le dit Wilhelm Furtwängler, il n'est pas dans Tristan un seul accord qui ne puisse être analysé tonalement, et cela a été démontré par le musicologue français Jacques Chailley dans une très précise et très fouillée analyse du fameux “Prélude”, où tous les accords et modulations sont ramenés, une fois éliminées les notes de passage, les appoggiatures, les échappées et autres broderies, à des enchaînements harmoniques parfaitement répertoriés. Il s'agissait il est vrai pour Chailley de faire un sort aux analyses qu'il trouvait tendancieuses de Arnold Schönberg et plus tard Pierre Boulez.
Cela ne retire rien au génie de Wagner, bien au contraire, puisqu'il a su justement faire du neuf avec du vieux : si presque tous ses accords peuvent se retrouver dans les chorals de Johann Sebastian Bach ou chez Wolfgang Amadeus Mozart, leur emploi de manière isolée et expressive est une nouveauté géniale. Ainsi, le célébrissime accord de Tristan, qui intervient dès les premières mesures du Prélude, peut être interprété de diverses façons, toutes finalement relativement traditionnelles : il s'apparente à un accord de neuvième sans fondamentale, mais on peut aussi l'analyser comme une septième d'espèce, ou encore, voulant échapper à une tradition française ne considérant que la verticalité, comme une sixte augmentée « à la française » avec appoggiature/note de passage du sol# conduisant au la, préparant traditionnellement, depuis le « style classique » du xviiie siècle, l'accord de dominante. En effet, chez Wagner, le contrepoint influence l'harmonie et non le contraire, technique germanique qu'il importe de Carl Maria von Weber et surtout de l'abbé Vogler.
Wagner va cependant, avec des audaces moins connues, bien plus loin : résolution d'une neuvième mineure par sa forme majeure, appoggiature de neuvième mineure formant dissonance avec la tierce formule dont le jazz fait un fréquent usage, emploi simultané d'appoggiatures, broderies et autres notes étrangères amenant aux limites de l'analyse de l'accord réel, etc.
Par ailleurs, l'analyse de Tristan montre l'influence de Bach, notamment de son L'Art de la fugue, dont les formules contrapuntiques se retrouvent dans les enchaînements harmoniques du prélude de Tristan. Bach attaque dans le “Contrapunctus IV” une neuvième mineure sans préparation “Contrapunctus IV”, mesure 79 cent ans avant Tristan. Wagner a certes, peu pratiqué la fugue, mais en réalité les entrées fuguées, camouflées ou non, sont nombreuses dans Tristan, et permettent de plus grandes audaces harmoniques encore que les agrégations harmoniques inédites .
Wagner est également réputé pour avoir innové de façon décisive sur le plan de l'orchestration : certes, c'est d'abord son génie proprement musical qui fait vibrer l'orchestre tel que Beethoven le laisse à la fin de sa vie IXe Symphonie et Missa Solemnis d'une sonorité jamais entendue jusqu'alors. Wagner doit certaines formules à Gluck, à Beethoven et à Weber, l'ensemble sonnant pourtant… comme du Wagner. Wagner étire en effet des accords sur lesquels ses devanciers ne restent que deux notes, il utilise massivement des combinaisons que Beethoven n'a fait qu'employer une ou deux fois, son emploi des redoublements voire triplements de timbre qu'il reprend de Gluck et même de Haydn devient systématique, avec l'effet magique bien connu qui souvent se révèle, à la lecture de la partition, obtenu avec une étonnante économie de moyens. L'innovation s'observe également dans son orchestration des mélodies, qui, doublées extensivement, changent imperceptiblement d'un instrument à l'autre, certainement à l'origine de la Klangfarbenmelodie que Schönberg étendit.
Wagner était, il faut l'avoir constamment à l'esprit, un autodidacte qui a toute sa vie acquis du métier en innovant. Comme tous les autodidactes efficaces, il a su être très conventionnel à ses débuts afin d'apprendre les ficelles de son art et faire éclore son génie. On a été jusqu'à affirmer que le génie de Wagner venait de ses lacunes mêmes. Et de fait, Wagner n'a jamais réussi à créer de musique de chambre ou de musique instrumentale : ses essais dans ces domaines se sont soldés par de piètres résultats. Seul un motif scénique l'inspirait. Et pourtant, paradoxalement, transcrites pour piano seul ou petit ensemble, ses pages symphoniques de scènes conservent intacte leur magie : mystère insondable de tous les créateurs…
On ne peut négliger ce qui fait encore une spécificité de Wagner, à savoir l'influence considérable qu'il a eue sur ses successeurs, et notamment le plus illustre, Arnold Schönberg. Schönberg, par son génie même, est sans doute le responsable d'un grand malentendu. Seul Schönberg a su à ses débuts pasticher, ou plutôt continuer Wagner, avec un niveau égal de qualité. La poignante Nuit transfigurée, les monumentaux Gurre-Lieder et le génial poème symphonique dévalué de manière contestable par René Leibowitz Pelleas und Melisande sont les seuls véritables exemples de continuation, non de Wagner, mais des techniques inventées par lui dans Tristan, avec un génie équivalent à celui du maître. Schönberg en a déduit qu'une tendance évolutive était à l'œuvre dans l'harmonie moderne, et c'est bien Schönberg, mais aussi des compositeurs comme Anton Bruckner, Hugo Wolf, Gustav Mahler et Richard Strauss, qui ont cru pouvoir faire progresser une tradition musicale exclusivement germanique, de Wagner vers, en ce qui concerne des compositeurs comme Hauer ou Schönberg, l'atonalisme et la composition avec douze sons.
Lire la suite -> http://www.loree-des-reves.com/module ... t_id=11043#forumpost11043

Posté le : 21/05/2016 18:04
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Richard Wagner 3
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57700
Hors Ligne
L'antijudaïsme de Wagner, appropriation de Wagner par le IIIe Reich

Das Judenthum in der Musik.

Cet aspect de la personnalité de Wagner a donné lieu à une abondante littérature polémique, largement alimentée tant par la récupération de sa musique par le régimenational-socialiste que par l'amitié de l'épouse de son fils Siegfried, Winifred, avec Adolf Hitler.
L'antisémitisme de Wagner n'a rien d'exceptionnel : il s'agit en fait d'un antijudaïsme dont les préjugés étaient très courants au cours du XIXe siècle. Mais ces thèses étaient combattues : Nietzsche, par exemple, se brouille avec Wagner, en partie pour ses opinions à l'égard des juifs mais principalement pour des raisons d'amour-propre blessé après que Wagner se fut mêlé du dossier médical de Nietzsche auprès du médecin personnel de ce dernier et à son insu. L'antijudaïsme était donc un débat central à l'époque, y compris aux yeux mêmes de nombreux intellectuels juifs. Entre pogrom et assimilation, les discussions entre penseurs juifs faisaient rage.
Tout au long de sa vie, dans ses conversations, dans ses écrits, Richard Wagner n'a cessé d'émettre des opinions antijudaïques, en ce qui le concernait, pas sur des préjugés raciaux mais sur le reproche adressé aux juifs de « demeurer juifs » et donc de n'être pas allemands, ou de ne pas vouloir le devenir. Cet antijudaïsme est donc fort différent de l'antisémitisme qui repose sur des distinctions raciales. Par conséquent, ce serait une injustice, un anachronisme, et une méconnaissance de la réalité objective de confondre l'antijudaïsme traditionnel, tel que le manifestait Wagner comme nombre de ses contemporains, avec l'antisémitisme racialiste des nazis durant le siècle suivant. Wagner préconisait sincèrement l'assimilation des Juifs à la culture germanique, tandis que les nazis n'admettront pas cette assimilation et la combattront systématiquement. Par ailleurs, l'assimilation était aussi un sujet de débat intense entre les intellectuels juifs eux-mêmes.
Le premier essai de Wagner, Das Judenthum in der Musik, est publié en 1850 dans la revue Neue Zeitschrift für Musik sous le pseudonyme de K. Freigedank, libre pensée. Wagner s'est donné pour but d'expliquer la prétendue aversion populaire envers la musique des compositeurs juifs tels que Felix Mendelssohn ou Giacomo Meyerbeer. Il écrit notamment que le peuple allemand est repoussé par les Juifs en raison de leur aspect et de leur comportement d'étrangers ; les Juifs sont des anomalies de la nature jasant de leurs voix grinçantes, couinantes et bourdonnantes. Wagner allègue que les musiciens juifs, n'étant pas en relation avec l'esprit authentique du peuple allemand, ne peuvent qu'écrire une musique artificielle, sans aucune profondeur, et rabâcher la vraie musique à la manière des perroquets. L'article attire peu l'attention. Cependant, après que Wagner l'a publié de nouveau en 1869 sous la forme d'un pamphlet signé de son véritable nom, de vives protestations s’élèvent dans le public lors d'une représentation des Maîtres chanteurs.
Wagner a également manifesté son antijudaïsme dans d'autres essais ; dans Qu'est-ce qui est allemand ? 1879, il écrit, par exemple :
Les Juifs tiennent le travail intellectuel allemand entre leurs mains. Nous pouvons ainsi constater un odieux travestissement de l'esprit allemand, présenté aujourd'hui à ce peuple comme étant sa prétendue ressemblance. Il est à craindre qu'avant longtemps la nation prenne ce simulacre pour le reflet de son image. Alors, quelques-unes des plus belles dispositions de l'espèce humaine s'éteindraient, peut-être à tout jamais.
En dépit de tels écrits controversés, Wagner avait plusieurs amis juifs. Le plus représentatif d'entre eux fut sans doute le chef d'orchestre Hermann Levi, un Juif pratiquant que Wagner choisit pour diriger la première représentation de Parsifal. Le compositeur souhaita d'abord que Levi se fît baptiser sans doute en raison du contenu religieux de cet opéra, qu'il avait décrit comme scénique et sacré, mais il renonça finalement à cette exigence. Cependant, lorsqu'il analyse le détail des péripéties de cette valse-hésitation telles que les rapporte Carl Glasenapp, Theodor W. Adorno, dans son Essai sur Wagner, résume en ces termes cet épisode, qui relèvait, selon lui, du côté démoniaque de Wagner : Une envie sadique d'humilier Levi, une humeur conciliante et sentimentale, et surtout la volonté de s'attacher affectivement le maltraité, se réunissent dans la casuistique du comportement de Wagner. De son côté, Levi maintint toujours ses relations amicales avec Wagner et porta même son cercueil lors de ses funérailles. Un autre de ces amis fut Joseph Rubinstein.
Notons enfin que l'antijudaïsme de Wagner n'est presque jamais évoqué, dans ses abondants écrits, par son plus fervent admirateur, le viennois Arnold Schoenberg 1874-1951, fils de commerçants juifs convertis, qui allait réembrasser la foi judaïque dans les années 1930.
Cependant, après la mort de Wagner à Venise en 1883, Bayreuth allait devenir le lieu de rassemblement d'un groupe antisémite, soutenu par Cosima et formé d'admirateurs zélés du compositeur, notamment du théoricien racialiste Houston Stewart Chamberlain. À la mort de Cosima et de Siegfried en 1930, la responsabilité du festival échoit à la veuve de ce dernier, Winifred, amie personnelle d'Adolf Hitler. Hitler est lui-même un zélateur de Wagner, donnant une lecture national-socialiste à un antisémitisme retiré de son contexte, et aux thèmes germaniques qui jalonnent l'œuvre, censée inscrire le maître de Bayreuth dans l'idéologie nazie. Les nazis font un usage courant de sa musique et la jouent lors de leurs grands rassemblements. Il n'est pas le seul compositeur qu'ils voudront enrôler : Bruckner, et même Beethoven seront aussi récupérés par le régime.
Eu égard à cette polémique historique, les œuvres de Wagner continuent à ne pas être représentées, en public, en Israël largement influencée, à l'origine, par des Juifs d'Europe centrale imprégnés de civilisation germanique, ainsi il n'est pas inscrit dans le répertoire de l'Orchestre philharmonique d'Israël ; cependant, la musique de Wagner est couramment diffusée par des stations de radio et des chaînes de télévision israéliennes, tout comme partout dans le monde. En revanche, jusqu'à présent, toutes les tentatives de représentation publique directe notamment par le pianiste et chef d'orchestre Daniel Barenboim, qui a dirigé le prélude de Tristan et Isolde à Tel Aviv en 2001, ont déclenché les plus vives protestations, certains auditeurs ayant même quitté la salle. Ce n'est que depuis le début du XXIe siècle que de nombreux Israéliens soutiennent qu'il est possible d'apprécier le génie musical de Wagner, sans que cela implique l'acceptation de ses idées politiques ou sociales. En 2010, un avocat israélien mélomane, Jonathan Livny, fonde une Société wagnérienne israélienne afin de mettre fin au boycott de l'œuvre du compositeur dans son pays.

Dresde et les premiers opéras majeurs

La chance tourne enfin quand le Königlich Sächsisches Hoftheater de Dresde accepte Rienzi, qui, après sa création triomphale le 20 octobre 1842, devient une des attractions culturelles de la capitale de la Saxe. L’opéra narre sur plus de quatre heures trente minutes l’ascension et la chute de Cola di Rienzo dans la Rome du XIVe siècle. Au-delà d’une maîtrise évidente de la durée théâtrale et de la tension architecturale, il comporte quelques traits qui annoncent les futurs ouvrages du compositeur. La thématique de la solitude du héros et le style de quelques pages (l’ouverture, la prière de Rienzi) déjà emblématiques de l’avenir, vont s’imposer dans Le Vaisseau fantôme, dont la nouveauté déroute le public de Dresde à sa création le 2 janvier 1843, sous la direction de Wagner lui-même.
Si Rienzi se caractérise par une extraordinaire fusion-amplification des styles en vogue à l’époque (Spontini, Auber, le Rossini de Guillaume Tell, le Meyerbeer de Robert le diable et des Huguenots), le nouvel opus impose en effet un parti radicalement neuf : narrer non l’histoire mais le mythe. Inspiré d’une légende rapportée par Heinrich Heine dans ses Mémoires de M. de Schnabelewopski, le Hollandais du Vaisseau fantôme, condamné à l’errance éternelle sur les mers, ne trouvera son salut que dans l’amour d’une femme prête à mourir pour lui. Wagner fait ainsi de la rencontre entre le damné et Senta, qui se sent prédestinée à ce rôle salvateur, la première de ses œuvres qui soit marquée par la thématique récurrente de la rédemption par l’amour. Si le style de l’œuvre emprunte encore, pour les scènes réalistes, à l’univers de l’opéra romantique contemporain allemand et en particulier à Weber, les grandes scènes du Hollandais (son monologue) et de Senta (sa ballade), ainsi que leur duo extatique sont d’immenses incantations qui exposent l’action intérieure propre aux personnages. C’est un choc absolu dans l’univers lyrique de l’époque.
Nommé en février 1843 second maître de chapelle de la cour, Wagner compose l’énorme cantate Das Liebesmahl der Apostel (La Cène des apôtres), qui anticipe la forme chorale des scènes du Graal de son futur Parsifal. Il s’attaque ensuite à la composition de son deuxième « grand opéra romantique », Tannhäuser und der Sängerkrieg auf Wartburg (Tannhäuser et le tournoi des chanteurs à la Wartburg), qu’il dirige le 19 octobre 1845 à Dresde. Le chevalier chanteur Tannhäuser, déchiré entre son amour courtois pour Elisabeth, nièce du Landgrave de Thuringe, et sa passion charnelle pour l’antique déesse Venus retirée au Venusberg, scandalise la société de la Wartburg en reconnaissant son lien avec une divinité païenne. Il ne trouve son salut que dans le sacrifice d’Elisabeth, qui le relève de la malédiction papale qu’il a reçue en quémandant le pardon à Rome. Pour Wagner, au-delà de l’opposition entre les univers chrétien et païen, son héros figure l’artiste créateur tentant de concilier tradition et innovation, opposition plus sensible musicalement dans la révision de l’ouvrage opérée pour l’Opéra de Paris en 1861.
À la fin de l’année 1845, Wagner commence la composition de Lohengrin : cet opéra, achevé en 1848, précède le livret de Siegfrieds Tod (La Mort de Siegfried) et l’esquisse d’un Jesus von Nazareth abandonné. Inspiré de Wolfram von Eschenbach, et de plusieurs textes médiévaux sur le Chevalier au cygne, Lohengrin expose à nouveau le thème de la solitude du créateur face au monde réel, figuré par un chevalier inconnu. Miraculeusement amené dans une nacelle traînée par un cygne, il vient sauver Elsa de Brabant des accusations de fratricide portées contre elle par Friedrich von Telramund. Pour pouvoir prendre sa défense et l’épouser, le chevalier fait jurer à Elsa de ne lui demander ni son nom ni son origine ‒ « exigence [de l’artiste] la plus nécessaire et la plus naturelle d’être perçu et compris sans aucune réserve », selon Wagner. Taraudée par le doute instillé par Ortrud, la compagne de Telramund, adepte du culte des anciens dieux païens, Elsa pose finalement la question fatale. Le chevalier annonce être Lohengrin, fils de Parsifal, roi du domaine du Graal, et devoir y retourner, non sans avoir rendu au cygne sa forme première de frère d’Elsa. Si l’œuvre reprend la dramaturgie du grand opéra avec force scènes chorales et arias, elle crée l’illusion d’une continuité dramatique ininterrompue, et développe la technique du leitmotiv, thème conducteur dont la répétition et la transformation sert le discours psychologique sous-jacent à l’orchestre.

L’exil à Zurich

Le projet de création de Lohengrin à Dresde échoue pour des raisons autres qu’artistiques. Car les sympathies de Wagner pour les mouvements révolutionnaires, et même anarchistes, en cohérence avec ses idées sur la rénovation de l’art et du théâtre l’amènent à fréquenter August Röckel, chef d’orchestre et compositeur très politisé, et, en 1848, Mikhaïl Bakounine. Il prend une part active aux émeutes de mai 1849. Leur échec l’oblige à fuir à Weimar, auprès de Liszt, puis, lorsqu’il est l’objet d’un mandat d’arrêt, à Zurich et à Paris. La capitale française ne lui proposant rien, Zurich devient son nouveau port d’attache. Même s’il arrive peu à peu à y diriger des concerts et quelques opéras ‒ il y crée Le Vaisseau fantôme ‒, il s’y trouvera pendant douze ans sans perspective d’œuvrer en Allemagne. C’est en son absence que le 28 août 1850, à Weimar, Liszt crée Lohengrin, qui rencontre rapidement le succès, et assure avec Le Vaisseau fantôme et Tannhäuser, désormais joués partout en Allemagne, la renommée du compositeur en exil.
Mais Wagner ne compose plus, et c’est comme penseur qu’il rédige Die Kunst und die Revolution L’Art et la révolution et Das Kunstwerk der Zukunft L’Œuvre d’art de l’avenir en 1849, puis Oper und Drama Opéra et Drame et Eine Mitteilung an meine Freunde Une communication à mes amis en 1851. Il jette ainsi les fondements de sa future production lyrique et des réformes qu’il entend mener dans la musique autant que dans la société : s’appuyant sur le rôle social de la tragédie grecque, il prône le Gesamtkunstwerk l’œuvre d’art totale qui réalise la fusion de la poésie, de la danse et de la musique dans le drame, conjointement à l’architecture et à la peinture. Rejetant les sujets historiques et mélodramatiques, il prône la représentation du mythe. Au découpage traditionnel de l’opéra en morceaux de bravoure, il préfère la mélodie infinie, qui annule l’opposition entre récitatif et aria, ainsi que l’agencement subtil des leitmotiv, et donne une place primordiale à l’orchestre dans l’expression du drame. À une conception de l’opéra qui en fait un spectacle de pur divertissement, il oppose la fascination d’un théâtre au caractère social, mais aussi mystique ou sacré, qui revienne occuper une place centrale dans la société.
Parallèlement, Wagner publie sous pseudonyme l’impardonnable Das Judentum in der Musik (1849, Le Judaïsme dans la musique). Il y exprime un antisémitisme social ‒ où il rejoint Marx et le socialisme d’alors ‒ autant qu’artistique, reflet de ses rancœurs personnelles, sans en percevoir ni l’abjection, ni les possibles récupérations.
Tandis que les crises financières imposent leur lot de somatisations, de crises conjugales, de déménagements, malgré le soutien de mécènes généreux Julie Ritter, les Wille, les Wesendonck, le compositeur revient enfin à la table d’écriture. En 1853, il publie le livret de la tétralogie Der Ring des Nibelungen L’Anneau du Nibelung, immense développement de La Mort de Siegfried qu’il ne mènera à terme que vingt-six ans plus tard. Il s’attaque aussitôt à sa composition avec Das Rheingold L’Or du Rhin, Die Walküre La Walkyrie et les deux premiers actes de Siegfried, tout en faisant de la direction d’orchestre un moyen de subsistance et de communication fragmentaire de ses œuvres, y compris en Angleterre.

Les années d’errance

Une crise amoureuse va venir bouleverser ce processus créatif. À la fin d’avril 1857, Otto Wesendonck met à la disposition du couple Wagner l’Asyl, une demeure voisine de sa propre résidence. Commence alors une relation spirituelle intense entre Wagner et Mathilde Wesendonck, dont Richard met en musique les Wesendonck Lieder. lnterrompant la composition du Ring, aux perspectives de création trop lointaines, l’exaltation de cette passion est à l’origine de la composition de Tristan und Isolde (Tristan et Isolde) et amène la fin du couple Wagner.
Richard et Minna se séparent le 17 août 1858 : elle s’installe à Dresde, où elle mourra en 1866, tandis que le compositeur part pour Venise puis pour Lucerne, où il achève Tristan et Isolde durant l’été de 1859. Il reprend ensuite une vie errante toujours marquée par le manque d’argent. En 1860, il donne trois concerts à Paris, qui enthousiasment Baudelaire. En 1861, les représentations de Tannhäuser à l’Opéra provoquent un scandale mémorable en partie causé par le sentiment anti-allemand.
Tandis qu’il s’attelle au livret de Die Meistersinger von Nürnberg (Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg), il s’installe à Vienne ‒ où il voit pour la première fois Lohengrin ‒ pour faire répéter Tristan et Isolde que le Hof-Operntheater entend créer. En 1862, amnistié, il peut enfin rentrer en Allemagne, alors que la rupture avec Minna devient définitive. En 1863, après une tournée triomphale en Russie, il retrouve à Berlin Cosima, la fille de Liszt et de Marie d’Agoult, qu’il connaît depuis 1853 ; elle est l’épouse de son protégé, le jeune chef d’orchestre Hans von Bülow, ce qui ne les empêche pas de se promettre « de s’appartenir l’un à l’autre ». Lorsqu’en mars 1864 Vienne renonce à monter Tristan et Isolde, Wagner doit fuir à nouveau ses créanciers. Désespéré, il est rejoint le 3 mai à Stuttgart par un émissaire du jeune et tout nouveau roi de Bavière, Louis II von Wittelsbach. Fasciné par son univers artistique depuis l’adolescence, celui-ci entend l’attacher à sa cour.

Le temps de l’apothéose Munich et la cour

Le 4 mai, c’est le miracle de la rencontre entre le roi et le compositeur. Wagner sera désormais débarrassé de tout souci matériel et pourra composer à sa guise. Louis II lui commande d’achever le Ring, demande à l’architecte Gottfried Semper un projet de construction d’un Festtheater pour sa représentation, et ordonne la création de Tristan et Isolde au Königliches Hof- und Nationaltheater de Munich. Elle a lieu le 10 juin 1865, sous la direction de Hans von Bülow, nommé maître de chapelle de la cour. La réception de l’œuvre reste confidentielle : il faudra attendre le début du XXe siècle pour qu’elle trouve vraiment sa place de chef-d’œuvre absolu.
Reprenant la légende celtique des amours contrariées du chevalier Tristan et d’Isolde, l’épouse de son oncle le roi Marke, Wagner atteint à l’épure en réduisant l’action au minimum pour composer, sous l’influence de Schopenhauer, le plus vaste hymne jamais écrit à l’amour, à la nuit et au désir d’anéantissement. S’il donne une forme musicale à ses théories de l’œuvre d’art totale, en particulier par l’emploi abouti du leitmotiv et de la mélodie infinie, l’ouvrage est aussi, par l’évolution de son style, avec son fameux accord dissonant, un premier pas vers l’atonalité et les révolutions musicales qui marqueront le début du XXe siècle.
Cosima s’installe discrètement chez Wagner le 29 juin 1864. Isolde, leur première fille, naît le 10 avril 1865. Mais le scandale de cette liaison ignorée seulement du roi, l’influence que Wagner exerce sur lui et les folles dépenses que le monarque consent sur sa cassette personnelle font qu’après une fronde ministérielle et une campagne de presse acharnée, le compositeur doit quitter Munich.

Le bonheur familial à Tribschen

Après s’être réfugié à Genève, puis dans le sud de la France, il est rejoint par Cosima, et s’installe le 15 avril 1866 à la villa Tribschen, près de Lucerne. Leur seconde fille, Eva, naît le 17 février 1867, mais le couple se heurte toujours au refus de Bülow et de Liszt d’envisager le divorce. Wagner achève Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg, qui sont créés le 21 juin 1868 à Munich, sous la direction de Bülow.
L’argument, imaginé dès 1845 comme un pendant souriant à Tannhäuser, sur le même thème d’un concours de chant, est en fait le seul opéra comique du compositeur. Inspirée par une donnée historique, l’œuvre joue sur l’opposition des anciens et des modernes, à travers le personnage progressiste de Walther von Stolzing, prétendant à la main d’Eva Pogner, promise au gagnant du concours de chant organisé par les Maîtres Chanteurs. Ce prix, Beckmesser, le greffier de la corporation, représentant de la tradition, le brigue aussi. Le cordonnier Hans Sachs, figure noble et positive, facilite la victoire de la jeunesse et de l’amour, et conclut l’œuvre en célébrant le mariage de la modernité et de la tradition pour assurer le devenir de l’art allemand. La partition joue avec maestria de l’opposition entre le contrepoint hérité des anciens et le style wagnérien, symbole de modernité. Il va devenir une des œuvres les plus populaires de Wagner en Allemagne.
Cosima rejoint définitivement Richard le 16 novembre 1868, avec Isolde et Eva, laissant dans un premier temps les deux filles nées antérieurement de Bülow. Commencent alors des années heureuses, marquées en 1869 par la rencontre avec Friedrich Nietzsche, qui lui dédiera en 1872 La Naissance de la tragédie, la naissance de son fils Siegfried, le 6 juin, mais assombries par la volonté de Louis II de faire créer le Ring contre la volonté de Wagner. L’Or du Rhin voit ainsi le jour à Munich le 22 septembre 1869, et La Walkyrie le 26 juin 1870, mais en l’absence du compositeur. Après le divorce de Cosima, le couple se marie le 25 août 1870. Leur bonheur est salué par la composition de Siegfried-Idyll, créée au lendemain de l’anniversaire de Cosima le 25 décembre.

Bayreuth et l’œuvre d’art totale

Après l’achèvement de Siegfried, Wagner décide de faire construire un théâtre capable de répondre aux besoins nouveaux qu’exige son œuvre, notamment en rompant avec la salle à l’italienne et en couvrant la fosse d’orchestre pour dissimuler au public la dimension matérielle de l’exécution musicale. Il choisit pour ce faire la ville de Bayreuth, en Franconie, où la famille s’installe en avril 1872. Le 22 mai, la première pierre est posée, et tandis que se construit, avec le soutien financier du roi, le Festspielhaus ‒ il sera achevé durant l’été de 1875 ‒, Wagner s’installe dans la villa Wahnfried, qui a été édifiée pour lui. Il entame des tournées de concert en Europe pour lever des fonds, achève Götterdämmerung. Le Crépuscule des dieux en 1874 et programme la création du Ring dans sa version intégrale pour l’été de 1876.
Le cycle, qui s’inspire des Eddas scandinaves et de la Chanson des Nibelungen, narre l’histoire du déclin du monde, depuis le viol de la nature par le dieu Wotan et le vol de l’or du Rhin par le nain Alberich. La malédiction de cet or, devenu un anneau qui accorde la toute-puissance à son possesseur, provoque la détresse de l’humanité, symbolisée par les amours et les souffrances des jumeaux Siegmund et Sieglinde, puis celles de leur fils Siegfried et de Brünnhilde la Walkyrie, une des filles de Wotan. Ces deux derniers héros, prototypes de l’humanité libre et libératrice, provoquent la rédemption et l’anéantissement de l’univers des dieux. Ces quelque quinze heures de musique, la plus vaste entreprise lyrique jamais réalisée, mettent en pratique l’ensemble des conceptions artistiques du compositeur tout en retrouvant la puissance d’expression de la tragédie grecque.
Le premier festival de Bayreuth a lieu du 13 au 30 août 1876. Louis II, qui refuse de croiser l’empereur Guillaume, ne se déplace que pour les répétitions générales et le dernier des trois cycles dirigés par Hans Richter et mis en scène par Wagner lui-même. Le succès artistique et mondain est considérable, Wagner est désormais mondialement célèbre, mais le bilan financier s’avère catastrophique. Malgré une nouvelle tournée de concerts à Londres, Louis II doit avancer à nouveau des fonds qui sauveront le compositeur de la faillite.
Les années qui suivent sont partagées entre Bayreuth et l’Italie, où Wagner compose Parsifal, « festival scénique sacré » qu’il achève à Palerme le 13 janvier 1882. Testament philosophique et musical du compositeur, Parsifal est construit à partir des légendes du Graal de Chrétien de Troyes et de Wolfram d’Eschenbach. Wagner y réexpose les principes de rédemption par le renoncement, la pitié et l’amour qui représentent le fondement philosophique de toutes ses œuvres. Il leur donne cette fois une forte dimension mystique, pseudo-chrétienne, autrement plus positive que le pessimisme du Ring. Il crée ainsi une partition d’une beauté absolue à la dimension ritualiste envoûtante.
L’œuvre ultime est créée à Bayreuth ‒ où elle sera « réservée » jusqu’en 1914 ‒ pour le second festival, le 26 juillet 1882. Mais Louis II, que Wagner a croisé pour la dernière fois à Munich en novembre 1880, ne vient pas. La famille quitte Bayreuth pour Venise, où une crise cardiaque emporte le compositeur le 13 février 1883. Si Wagner ne laisse comme testament que les mots : « Mes enfants, faites du nouveau ! », son influence sur la culture mondiale jusqu’à nos jours en fait une des personnalités les plus importantes de l’histoire de l’art. Pierre Flinois

[size=SIZE]Postérité[/size]

L'éditeur exclusif de Wagner est la maison Schott à Mayence.
Nietzsche, décriant tout ce qu'il pressent de particulièrement dérangeant non tant chez Wagner en soi que chez les admirateurs de Wagner, écrit cependant : J'aime Wagner Ecce homo, Pourquoi j'écris de si bons livres, Le Cas Wagner, I.
L'adjectif wagnérien, dérivé de Wagner, est entré dans la langue courante depuis 1861, et comme substantif depuis 1873 sous la plume d'Alphonse Daudet dans son recueil Contes du lundi.

Films inspirés par Richard Wagner

1913 : Richard Wagner, film muet allemand de Carl Froelich.
1956 : Feu magique ou Wagner et les Femmes Magic fire, film américain de William Dieterle. Les arrangements musicaux sont d'Erich Wolfgang Korngold, qui interprète dans le film le rôle du chef d'orchestre Hans Richter.
1972 : Ludwig : Requiem pour un roi vierge Ludwig - Requiem für einen jungfräulichen König de Hans-Jürgen Syberberg.
1972 : Ludwig ou le Crépuscule des dieux Ludwig, film franco-germano-italien de Luchino Visconti. Wagner, interprété par Trevor Howard, y fait jouer la Siegfried Idyll en l'honneur de Cosima.
1983 : Wagner, téléfilm américain d'une durée de 7h46 466 minutes, réalisé par Tony Palmer. Vaut surtout pour la reconstitution du Ring de Bayreuth en 1876.
1987 : Richard et Cosima, film franco-allemand de Peter Padzak.
2011 : Celles qui aimaient Richard Wagner, film français de Jean-Louis Guillermou
La musique de Wagner a été très utilisée par l'industrie cinématographique, telle l'attaque des hélicoptères rythmée par la Chevauchée des Walkyries dans Apocalypse Now de Francis Ford Coppola 1979, ou le prélude de Lohengrin au son duquel Charlie Chaplin, déguisé en Hitler, joue avec un globe dans Le Dictateur 1940. La Chevauchée des Walkyries accompagne également Marcello Mastroianni dans ses fantasmes lorsqu'il s'imagine coursant et fouettant des femmes dans une ronde infernale, dans Huit et demi de Federico Fellini 1963. On en retrouve également les notes dans La Horde sauvage, thème musical d'Ennio Morricone illustrant la charge de 150 cavaliers sans foi ni loi dans Mon nom est Personne 1973.
En 1965, Yukio Mishima accomplit le rituel du seppuku aux sons du Liebestod de Tristan et Isolde dans Yūkoku Patriotisme, film de trente minutes, longtemps interdit à la projection par la veuve de l'écrivain. Ce Liebestod avait déjà été utilisé en 1929 par Luis Buñuel et Salvador Dalí dans Un chien andalou. C'est aussi la musique de Tristan qui accompagne le traquenard qui conclut La Monstrueuse Parade Freaks de Tod Browning 1932 ; elle apparaît aussi dans les arrangements de Bernard Herrmann pour Sueurs froides 1958 et dans The Milkman collector, un sketch des Monty Python !
Excalibur de John Boorman est rythmé par la musique du Ring, tandis qu'une scène du Nosferatu de Werner Herzog 1979 s'ouvre avec le Prélude de L'Or du Rhin que l'on peut entendre aussi dans Le Nouveau Monde de Terrence Malick 2005, ainsi que dans La Belle Captive d'Alain Robbe-Grillet 1983, où il accompagne les scènes ou le personnage de Sarah Zeitgeist interprété par Cyrielle Clair conduit une moto.
Le prélude de Tristan et Isolde, constitue la musique du film Melancholia de Lars von Trier 2011.
Entre autres sources d'inspiration revendiquée pour Star Wars de George Lucas figure la Tétralogie : Luke Skywalker et Leia partagent avec Siegmund et Sieglinde la gémellité amoureuse. Leur père, Darth Vader, est proche de Wotan dans sa volonté de pouvoir contrariée par ses propres enfants. Le leitmotiv de Dark Vador évoque celui des Géants et, symboliquement, il est immolé sur un bûcher pour clore le cycle.
De nombreux musiciens hollywoodiens ont été influencés par Wagner Erich Wolfgang Korngold, Max Steiner….

Généalogie de la famille Wagner

L'homme et l'œuvre

(fr) Vie et œuvre de Richard Wagner par Odile Steller - Cercle Richard Wagner de Marseille Provence
(fr) Richard Wagner à Venise par Danielle Carton
(de) Le site officiel du festival de Bayreuth
(de) L'autobiographie de Wagner, Mein Leben Ma vie , texte allemand
(en) Richard Wagner Archive
(en) « La Musique de Wagner en Israël article de la BBC
(en) Photo du manuscrit du Chœur des fiançailles
Sur users.belgacom.net : Traductions en anglais des œuvres en prose de Wagner, L'Œuvre d'art du futur 1849, Le Judaïsme dans la musique 1850, Opéra et Drame 1852, Sur la destination de l'opéra 1871, Qu'est-ce qui est allemand ? 1878
(fr) Le nouveau Ring de l'Opéra de Paris | textes et entretiens
(fr) Wagner et les révolutions Entretien de Jacques De Decker.

Iconographie

Sur gallica.bnf.fr, très riche iconographie de Richard Wagner et de sa famille, ainsi que d'autres documents relatifs à Wagner.
Partitions gratuites
Sur www.dlib.indiana.edu, partitions gratuites : Der Fliegende Holländer, Lohengrin, Die Meistersinger von Nürnberg, Parsifal, Der Ring des Nibelungen, Tannhäuser, Tristan und Isolde
Partitions libres de Wagner sur l'International Music Score Library Project
WIMA Quelques partitions et arrangements.



Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l

Posté le : 21/05/2016 18:03
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Richard Wagner 3
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57700
Hors Ligne
L'antijudaïsme de Wagner, appropriation de Wagner par le IIIe Reich

Das Judenthum in der Musik.

Cet aspect de la personnalité de Wagner a donné lieu à une abondante littérature polémique, largement alimentée tant par la récupération de sa musique par le régimenational-socialiste que par l'amitié de l'épouse de son fils Siegfried, Winifred, avec Adolf Hitler.
L'antisémitisme de Wagner n'a rien d'exceptionnel : il s'agit en fait d'un antijudaïsme dont les préjugés étaient très courants au cours du XIXe siècle. Mais ces thèses étaient combattues : Nietzsche, par exemple, se brouille avec Wagner, en partie pour ses opinions à l'égard des juifs mais principalement pour des raisons d'amour-propre blessé après que Wagner se fut mêlé du dossier médical de Nietzsche auprès du médecin personnel de ce dernier et à son insu. L'antijudaïsme était donc un débat central à l'époque, y compris aux yeux mêmes de nombreux intellectuels juifs. Entre pogrom et assimilation, les discussions entre penseurs juifs faisaient rage.
Tout au long de sa vie, dans ses conversations, dans ses écrits, Richard Wagner n'a cessé d'émettre des opinions antijudaïques, en ce qui le concernait, pas sur des préjugés raciaux mais sur le reproche adressé aux juifs de « demeurer juifs » et donc de n'être pas allemands, ou de ne pas vouloir le devenir. Cet antijudaïsme est donc fort différent de l'antisémitisme qui repose sur des distinctions raciales. Par conséquent, ce serait une injustice, un anachronisme, et une méconnaissance de la réalité objective de confondre l'antijudaïsme traditionnel, tel que le manifestait Wagner comme nombre de ses contemporains, avec l'antisémitisme racialiste des nazis durant le siècle suivant. Wagner préconisait sincèrement l'assimilation des Juifs à la culture germanique, tandis que les nazis n'admettront pas cette assimilation et la combattront systématiquement. Par ailleurs, l'assimilation était aussi un sujet de débat intense entre les intellectuels juifs eux-mêmes.
Le premier essai de Wagner, Das Judenthum in der Musik, est publié en 1850 dans la revue Neue Zeitschrift für Musik sous le pseudonyme de K. Freigedank, libre pensée. Wagner s'est donné pour but d'expliquer la prétendue aversion populaire envers la musique des compositeurs juifs tels que Felix Mendelssohn ou Giacomo Meyerbeer. Il écrit notamment que le peuple allemand est repoussé par les Juifs en raison de leur aspect et de leur comportement d'étrangers ; les Juifs sont des anomalies de la nature jasant de leurs voix grinçantes, couinantes et bourdonnantes. Wagner allègue que les musiciens juifs, n'étant pas en relation avec l'esprit authentique du peuple allemand, ne peuvent qu'écrire une musique artificielle, sans aucune profondeur, et rabâcher la vraie musique à la manière des perroquets. L'article attire peu l'attention. Cependant, après que Wagner l'a publié de nouveau en 1869 sous la forme d'un pamphlet signé de son véritable nom, de vives protestations s’élèvent dans le public lors d'une représentation des Maîtres chanteurs.
Wagner a également manifesté son antijudaïsme dans d'autres essais ; dans Qu'est-ce qui est allemand ? 1879, il écrit, par exemple :
Les Juifs tiennent le travail intellectuel allemand entre leurs mains. Nous pouvons ainsi constater un odieux travestissement de l'esprit allemand, présenté aujourd'hui à ce peuple comme étant sa prétendue ressemblance. Il est à craindre qu'avant longtemps la nation prenne ce simulacre pour le reflet de son image. Alors, quelques-unes des plus belles dispositions de l'espèce humaine s'éteindraient, peut-être à tout jamais.
En dépit de tels écrits controversés, Wagner avait plusieurs amis juifs. Le plus représentatif d'entre eux fut sans doute le chef d'orchestre Hermann Levi, un Juif pratiquant que Wagner choisit pour diriger la première représentation de Parsifal. Le compositeur souhaita d'abord que Levi se fît baptiser sans doute en raison du contenu religieux de cet opéra, qu'il avait décrit comme scénique et sacré, mais il renonça finalement à cette exigence. Cependant, lorsqu'il analyse le détail des péripéties de cette valse-hésitation telles que les rapporte Carl Glasenapp, Theodor W. Adorno, dans son Essai sur Wagner, résume en ces termes cet épisode, qui relèvait, selon lui, du côté démoniaque de Wagner : Une envie sadique d'humilier Levi, une humeur conciliante et sentimentale, et surtout la volonté de s'attacher affectivement le maltraité, se réunissent dans la casuistique du comportement de Wagner. De son côté, Levi maintint toujours ses relations amicales avec Wagner et porta même son cercueil lors de ses funérailles. Un autre de ces amis fut Joseph Rubinstein.
Notons enfin que l'antijudaïsme de Wagner n'est presque jamais évoqué, dans ses abondants écrits, par son plus fervent admirateur, le viennois Arnold Schoenberg 1874-1951, fils de commerçants juifs convertis, qui allait réembrasser la foi judaïque dans les années 1930.
Cependant, après la mort de Wagner à Venise en 1883, Bayreuth allait devenir le lieu de rassemblement d'un groupe antisémite, soutenu par Cosima et formé d'admirateurs zélés du compositeur, notamment du théoricien racialiste Houston Stewart Chamberlain. À la mort de Cosima et de Siegfried en 1930, la responsabilité du festival échoit à la veuve de ce dernier, Winifred, amie personnelle d'Adolf Hitler. Hitler est lui-même un zélateur de Wagner, donnant une lecture national-socialiste à un antisémitisme retiré de son contexte, et aux thèmes germaniques qui jalonnent l'œuvre, censée inscrire le maître de Bayreuth dans l'idéologie nazie. Les nazis font un usage courant de sa musique et la jouent lors de leurs grands rassemblements. Il n'est pas le seul compositeur qu'ils voudront enrôler : Bruckner, et même Beethoven seront aussi récupérés par le régime.
Eu égard à cette polémique historique, les œuvres de Wagner continuent à ne pas être représentées, en public, en Israël largement influencée, à l'origine, par des Juifs d'Europe centrale imprégnés de civilisation germanique, ainsi il n'est pas inscrit dans le répertoire de l'Orchestre philharmonique d'Israël ; cependant, la musique de Wagner est couramment diffusée par des stations de radio et des chaînes de télévision israéliennes, tout comme partout dans le monde. En revanche, jusqu'à présent, toutes les tentatives de représentation publique directe notamment par le pianiste et chef d'orchestre Daniel Barenboim, qui a dirigé le prélude de Tristan et Isolde à Tel Aviv en 2001, ont déclenché les plus vives protestations, certains auditeurs ayant même quitté la salle. Ce n'est que depuis le début du XXIe siècle que de nombreux Israéliens soutiennent qu'il est possible d'apprécier le génie musical de Wagner, sans que cela implique l'acceptation de ses idées politiques ou sociales. En 2010, un avocat israélien mélomane, Jonathan Livny, fonde une Société wagnérienne israélienne afin de mettre fin au boycott de l'œuvre du compositeur dans son pays.

Dresde et les premiers opéras majeurs

La chance tourne enfin quand le Königlich Sächsisches Hoftheater de Dresde accepte Rienzi, qui, après sa création triomphale le 20 octobre 1842, devient une des attractions culturelles de la capitale de la Saxe. L’opéra narre sur plus de quatre heures trente minutes l’ascension et la chute de Cola di Rienzo dans la Rome du XIVe siècle. Au-delà d’une maîtrise évidente de la durée théâtrale et de la tension architecturale, il comporte quelques traits qui annoncent les futurs ouvrages du compositeur. La thématique de la solitude du héros et le style de quelques pages (l’ouverture, la prière de Rienzi) déjà emblématiques de l’avenir, vont s’imposer dans Le Vaisseau fantôme, dont la nouveauté déroute le public de Dresde à sa création le 2 janvier 1843, sous la direction de Wagner lui-même.
Si Rienzi se caractérise par une extraordinaire fusion-amplification des styles en vogue à l’époque (Spontini, Auber, le Rossini de Guillaume Tell, le Meyerbeer de Robert le diable et des Huguenots), le nouvel opus impose en effet un parti radicalement neuf : narrer non l’histoire mais le mythe. Inspiré d’une légende rapportée par Heinrich Heine dans ses Mémoires de M. de Schnabelewopski, le Hollandais du Vaisseau fantôme, condamné à l’errance éternelle sur les mers, ne trouvera son salut que dans l’amour d’une femme prête à mourir pour lui. Wagner fait ainsi de la rencontre entre le damné et Senta, qui se sent prédestinée à ce rôle salvateur, la première de ses œuvres qui soit marquée par la thématique récurrente de la rédemption par l’amour. Si le style de l’œuvre emprunte encore, pour les scènes réalistes, à l’univers de l’opéra romantique contemporain allemand et en particulier à Weber, les grandes scènes du Hollandais (son monologue) et de Senta (sa ballade), ainsi que leur duo extatique sont d’immenses incantations qui exposent l’action intérieure propre aux personnages. C’est un choc absolu dans l’univers lyrique de l’époque.
Nommé en février 1843 second maître de chapelle de la cour, Wagner compose l’énorme cantate Das Liebesmahl der Apostel (La Cène des apôtres), qui anticipe la forme chorale des scènes du Graal de son futur Parsifal. Il s’attaque ensuite à la composition de son deuxième « grand opéra romantique », Tannhäuser und der Sängerkrieg auf Wartburg (Tannhäuser et le tournoi des chanteurs à la Wartburg), qu’il dirige le 19 octobre 1845 à Dresde. Le chevalier chanteur Tannhäuser, déchiré entre son amour courtois pour Elisabeth, nièce du Landgrave de Thuringe, et sa passion charnelle pour l’antique déesse Venus retirée au Venusberg, scandalise la société de la Wartburg en reconnaissant son lien avec une divinité païenne. Il ne trouve son salut que dans le sacrifice d’Elisabeth, qui le relève de la malédiction papale qu’il a reçue en quémandant le pardon à Rome. Pour Wagner, au-delà de l’opposition entre les univers chrétien et païen, son héros figure l’artiste créateur tentant de concilier tradition et innovation, opposition plus sensible musicalement dans la révision de l’ouvrage opérée pour l’Opéra de Paris en 1861.
À la fin de l’année 1845, Wagner commence la composition de Lohengrin : cet opéra, achevé en 1848, précède le livret de Siegfrieds Tod (La Mort de Siegfried) et l’esquisse d’un Jesus von Nazareth abandonné. Inspiré de Wolfram von Eschenbach, et de plusieurs textes médiévaux sur le Chevalier au cygne, Lohengrin expose à nouveau le thème de la solitude du créateur face au monde réel, figuré par un chevalier inconnu. Miraculeusement amené dans une nacelle traînée par un cygne, il vient sauver Elsa de Brabant des accusations de fratricide portées contre elle par Friedrich von Telramund. Pour pouvoir prendre sa défense et l’épouser, le chevalier fait jurer à Elsa de ne lui demander ni son nom ni son origine ‒ « exigence [de l’artiste] la plus nécessaire et la plus naturelle d’être perçu et compris sans aucune réserve », selon Wagner. Taraudée par le doute instillé par Ortrud, la compagne de Telramund, adepte du culte des anciens dieux païens, Elsa pose finalement la question fatale. Le chevalier annonce être Lohengrin, fils de Parsifal, roi du domaine du Graal, et devoir y retourner, non sans avoir rendu au cygne sa forme première de frère d’Elsa. Si l’œuvre reprend la dramaturgie du grand opéra avec force scènes chorales et arias, elle crée l’illusion d’une continuité dramatique ininterrompue, et développe la technique du leitmotiv, thème conducteur dont la répétition et la transformation sert le discours psychologique sous-jacent à l’orchestre.

L’exil à Zurich

Le projet de création de Lohengrin à Dresde échoue pour des raisons autres qu’artistiques. Car les sympathies de Wagner pour les mouvements révolutionnaires, et même anarchistes, en cohérence avec ses idées sur la rénovation de l’art et du théâtre l’amènent à fréquenter August Röckel, chef d’orchestre et compositeur très politisé, et, en 1848, Mikhaïl Bakounine. Il prend une part active aux émeutes de mai 1849. Leur échec l’oblige à fuir à Weimar, auprès de Liszt, puis, lorsqu’il est l’objet d’un mandat d’arrêt, à Zurich et à Paris. La capitale française ne lui proposant rien, Zurich devient son nouveau port d’attache. Même s’il arrive peu à peu à y diriger des concerts et quelques opéras ‒ il y crée Le Vaisseau fantôme ‒, il s’y trouvera pendant douze ans sans perspective d’œuvrer en Allemagne. C’est en son absence que le 28 août 1850, à Weimar, Liszt crée Lohengrin, qui rencontre rapidement le succès, et assure avec Le Vaisseau fantôme et Tannhäuser, désormais joués partout en Allemagne, la renommée du compositeur en exil.
Mais Wagner ne compose plus, et c’est comme penseur qu’il rédige Die Kunst und die Revolution L’Art et la révolution et Das Kunstwerk der Zukunft L’Œuvre d’art de l’avenir en 1849, puis Oper und Drama Opéra et Drame et Eine Mitteilung an meine Freunde Une communication à mes amis en 1851. Il jette ainsi les fondements de sa future production lyrique et des réformes qu’il entend mener dans la musique autant que dans la société : s’appuyant sur le rôle social de la tragédie grecque, il prône le Gesamtkunstwerk l’œuvre d’art totale qui réalise la fusion de la poésie, de la danse et de la musique dans le drame, conjointement à l’architecture et à la peinture. Rejetant les sujets historiques et mélodramatiques, il prône la représentation du mythe. Au découpage traditionnel de l’opéra en morceaux de bravoure, il préfère la mélodie infinie, qui annule l’opposition entre récitatif et aria, ainsi que l’agencement subtil des leitmotiv, et donne une place primordiale à l’orchestre dans l’expression du drame. À une conception de l’opéra qui en fait un spectacle de pur divertissement, il oppose la fascination d’un théâtre au caractère social, mais aussi mystique ou sacré, qui revienne occuper une place centrale dans la société.
Parallèlement, Wagner publie sous pseudonyme l’impardonnable Das Judentum in der Musik (1849, Le Judaïsme dans la musique). Il y exprime un antisémitisme social ‒ où il rejoint Marx et le socialisme d’alors ‒ autant qu’artistique, reflet de ses rancœurs personnelles, sans en percevoir ni l’abjection, ni les possibles récupérations.
Tandis que les crises financières imposent leur lot de somatisations, de crises conjugales, de déménagements, malgré le soutien de mécènes généreux Julie Ritter, les Wille, les Wesendonck, le compositeur revient enfin à la table d’écriture. En 1853, il publie le livret de la tétralogie Der Ring des Nibelungen L’Anneau du Nibelung, immense développement de La Mort de Siegfried qu’il ne mènera à terme que vingt-six ans plus tard. Il s’attaque aussitôt à sa composition avec Das Rheingold L’Or du Rhin, Die Walküre La Walkyrie et les deux premiers actes de Siegfried, tout en faisant de la direction d’orchestre un moyen de subsistance et de communication fragmentaire de ses œuvres, y compris en Angleterre.

Les années d’errance

Une crise amoureuse va venir bouleverser ce processus créatif. À la fin d’avril 1857, Otto Wesendonck met à la disposition du couple Wagner l’Asyl, une demeure voisine de sa propre résidence. Commence alors une relation spirituelle intense entre Wagner et Mathilde Wesendonck, dont Richard met en musique les Wesendonck Lieder. lnterrompant la composition du Ring, aux perspectives de création trop lointaines, l’exaltation de cette passion est à l’origine de la composition de Tristan und Isolde (Tristan et Isolde) et amène la fin du couple Wagner.
Richard et Minna se séparent le 17 août 1858 : elle s’installe à Dresde, où elle mourra en 1866, tandis que le compositeur part pour Venise puis pour Lucerne, où il achève Tristan et Isolde durant l’été de 1859. Il reprend ensuite une vie errante toujours marquée par le manque d’argent. En 1860, il donne trois concerts à Paris, qui enthousiasment Baudelaire. En 1861, les représentations de Tannhäuser à l’Opéra provoquent un scandale mémorable en partie causé par le sentiment anti-allemand.
Tandis qu’il s’attelle au livret de Die Meistersinger von Nürnberg (Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg), il s’installe à Vienne ‒ où il voit pour la première fois Lohengrin ‒ pour faire répéter Tristan et Isolde que le Hof-Operntheater entend créer. En 1862, amnistié, il peut enfin rentrer en Allemagne, alors que la rupture avec Minna devient définitive. En 1863, après une tournée triomphale en Russie, il retrouve à Berlin Cosima, la fille de Liszt et de Marie d’Agoult, qu’il connaît depuis 1853 ; elle est l’épouse de son protégé, le jeune chef d’orchestre Hans von Bülow, ce qui ne les empêche pas de se promettre « de s’appartenir l’un à l’autre ». Lorsqu’en mars 1864 Vienne renonce à monter Tristan et Isolde, Wagner doit fuir à nouveau ses créanciers. Désespéré, il est rejoint le 3 mai à Stuttgart par un émissaire du jeune et tout nouveau roi de Bavière, Louis II von Wittelsbach. Fasciné par son univers artistique depuis l’adolescence, celui-ci entend l’attacher à sa cour.

Le temps de l’apothéose Munich et la cour

Le 4 mai, c’est le miracle de la rencontre entre le roi et le compositeur. Wagner sera désormais débarrassé de tout souci matériel et pourra composer à sa guise. Louis II lui commande d’achever le Ring, demande à l’architecte Gottfried Semper un projet de construction d’un Festtheater pour sa représentation, et ordonne la création de Tristan et Isolde au Königliches Hof- und Nationaltheater de Munich. Elle a lieu le 10 juin 1865, sous la direction de Hans von Bülow, nommé maître de chapelle de la cour. La réception de l’œuvre reste confidentielle : il faudra attendre le début du XXe siècle pour qu’elle trouve vraiment sa place de chef-d’œuvre absolu.
Reprenant la légende celtique des amours contrariées du chevalier Tristan et d’Isolde, l’épouse de son oncle le roi Marke, Wagner atteint à l’épure en réduisant l’action au minimum pour composer, sous l’influence de Schopenhauer, le plus vaste hymne jamais écrit à l’amour, à la nuit et au désir d’anéantissement. S’il donne une forme musicale à ses théories de l’œuvre d’art totale, en particulier par l’emploi abouti du leitmotiv et de la mélodie infinie, l’ouvrage est aussi, par l’évolution de son style, avec son fameux accord dissonant, un premier pas vers l’atonalité et les révolutions musicales qui marqueront le début du XXe siècle.
Cosima s’installe discrètement chez Wagner le 29 juin 1864. Isolde, leur première fille, naît le 10 avril 1865. Mais le scandale de cette liaison ignorée seulement du roi, l’influence que Wagner exerce sur lui et les folles dépenses que le monarque consent sur sa cassette personnelle font qu’après une fronde ministérielle et une campagne de presse acharnée, le compositeur doit quitter Munich.

Le bonheur familial à Tribschen

Après s’être réfugié à Genève, puis dans le sud de la France, il est rejoint par Cosima, et s’installe le 15 avril 1866 à la villa Tribschen, près de Lucerne. Leur seconde fille, Eva, naît le 17 février 1867, mais le couple se heurte toujours au refus de Bülow et de Liszt d’envisager le divorce. Wagner achève Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg, qui sont créés le 21 juin 1868 à Munich, sous la direction de Bülow.
L’argument, imaginé dès 1845 comme un pendant souriant à Tannhäuser, sur le même thème d’un concours de chant, est en fait le seul opéra comique du compositeur. Inspirée par une donnée historique, l’œuvre joue sur l’opposition des anciens et des modernes, à travers le personnage progressiste de Walther von Stolzing, prétendant à la main d’Eva Pogner, promise au gagnant du concours de chant organisé par les Maîtres Chanteurs. Ce prix, Beckmesser, le greffier de la corporation, représentant de la tradition, le brigue aussi. Le cordonnier Hans Sachs, figure noble et positive, facilite la victoire de la jeunesse et de l’amour, et conclut l’œuvre en célébrant le mariage de la modernité et de la tradition pour assurer le devenir de l’art allemand. La partition joue avec maestria de l’opposition entre le contrepoint hérité des anciens et le style wagnérien, symbole de modernité. Il va devenir une des œuvres les plus populaires de Wagner en Allemagne.
Cosima rejoint définitivement Richard le 16 novembre 1868, avec Isolde et Eva, laissant dans un premier temps les deux filles nées antérieurement de Bülow. Commencent alors des années heureuses, marquées en 1869 par la rencontre avec Friedrich Nietzsche, qui lui dédiera en 1872 La Naissance de la tragédie, la naissance de son fils Siegfried, le 6 juin, mais assombries par la volonté de Louis II de faire créer le Ring contre la volonté de Wagner. L’Or du Rhin voit ainsi le jour à Munich le 22 septembre 1869, et La Walkyrie le 26 juin 1870, mais en l’absence du compositeur. Après le divorce de Cosima, le couple se marie le 25 août 1870. Leur bonheur est salué par la composition de Siegfried-Idyll, créée au lendemain de l’anniversaire de Cosima le 25 décembre.

Bayreuth et l’œuvre d’art totale

Après l’achèvement de Siegfried, Wagner décide de faire construire un théâtre capable de répondre aux besoins nouveaux qu’exige son œuvre, notamment en rompant avec la salle à l’italienne et en couvrant la fosse d’orchestre pour dissimuler au public la dimension matérielle de l’exécution musicale. Il choisit pour ce faire la ville de Bayreuth, en Franconie, où la famille s’installe en avril 1872. Le 22 mai, la première pierre est posée, et tandis que se construit, avec le soutien financier du roi, le Festspielhaus ‒ il sera achevé durant l’été de 1875 ‒, Wagner s’installe dans la villa Wahnfried, qui a été édifiée pour lui. Il entame des tournées de concert en Europe pour lever des fonds, achève Götterdämmerung. Le Crépuscule des dieux en 1874 et programme la création du Ring dans sa version intégrale pour l’été de 1876.
Le cycle, qui s’inspire des Eddas scandinaves et de la Chanson des Nibelungen, narre l’histoire du déclin du monde, depuis le viol de la nature par le dieu Wotan et le vol de l’or du Rhin par le nain Alberich. La malédiction de cet or, devenu un anneau qui accorde la toute-puissance à son possesseur, provoque la détresse de l’humanité, symbolisée par les amours et les souffrances des jumeaux Siegmund et Sieglinde, puis celles de leur fils Siegfried et de Brünnhilde la Walkyrie, une des filles de Wotan. Ces deux derniers héros, prototypes de l’humanité libre et libératrice, provoquent la rédemption et l’anéantissement de l’univers des dieux. Ces quelque quinze heures de musique, la plus vaste entreprise lyrique jamais réalisée, mettent en pratique l’ensemble des conceptions artistiques du compositeur tout en retrouvant la puissance d’expression de la tragédie grecque.
Le premier festival de Bayreuth a lieu du 13 au 30 août 1876. Louis II, qui refuse de croiser l’empereur Guillaume, ne se déplace que pour les répétitions générales et le dernier des trois cycles dirigés par Hans Richter et mis en scène par Wagner lui-même. Le succès artistique et mondain est considérable, Wagner est désormais mondialement célèbre, mais le bilan financier s’avère catastrophique. Malgré une nouvelle tournée de concerts à Londres, Louis II doit avancer à nouveau des fonds qui sauveront le compositeur de la faillite.
Les années qui suivent sont partagées entre Bayreuth et l’Italie, où Wagner compose Parsifal, « festival scénique sacré » qu’il achève à Palerme le 13 janvier 1882. Testament philosophique et musical du compositeur, Parsifal est construit à partir des légendes du Graal de Chrétien de Troyes et de Wolfram d’Eschenbach. Wagner y réexpose les principes de rédemption par le renoncement, la pitié et l’amour qui représentent le fondement philosophique de toutes ses œuvres. Il leur donne cette fois une forte dimension mystique, pseudo-chrétienne, autrement plus positive que le pessimisme du Ring. Il crée ainsi une partition d’une beauté absolue à la dimension ritualiste envoûtante.
L’œuvre ultime est créée à Bayreuth ‒ où elle sera « réservée » jusqu’en 1914 ‒ pour le second festival, le 26 juillet 1882. Mais Louis II, que Wagner a croisé pour la dernière fois à Munich en novembre 1880, ne vient pas. La famille quitte Bayreuth pour Venise, où une crise cardiaque emporte le compositeur le 13 février 1883. Si Wagner ne laisse comme testament que les mots : « Mes enfants, faites du nouveau ! », son influence sur la culture mondiale jusqu’à nos jours en fait une des personnalités les plus importantes de l’histoire de l’art. Pierre Flinois

[size=SIZE]Postérité[/size]

L'éditeur exclusif de Wagner est la maison Schott à Mayence.
Nietzsche, décriant tout ce qu'il pressent de particulièrement dérangeant non tant chez Wagner en soi que chez les admirateurs de Wagner, écrit cependant : J'aime Wagner Ecce homo, Pourquoi j'écris de si bons livres, Le Cas Wagner, I.
L'adjectif wagnérien, dérivé de Wagner, est entré dans la langue courante depuis 1861, et comme substantif depuis 1873 sous la plume d'Alphonse Daudet dans son recueil Contes du lundi.

Films inspirés par Richard Wagner

1913 : Richard Wagner, film muet allemand de Carl Froelich.
1956 : Feu magique ou Wagner et les Femmes Magic fire, film américain de William Dieterle. Les arrangements musicaux sont d'Erich Wolfgang Korngold, qui interprète dans le film le rôle du chef d'orchestre Hans Richter.
1972 : Ludwig : Requiem pour un roi vierge Ludwig - Requiem für einen jungfräulichen König de Hans-Jürgen Syberberg.
1972 : Ludwig ou le Crépuscule des dieux Ludwig, film franco-germano-italien de Luchino Visconti. Wagner, interprété par Trevor Howard, y fait jouer la Siegfried Idyll en l'honneur de Cosima.
1983 : Wagner, téléfilm américain d'une durée de 7h46 466 minutes, réalisé par Tony Palmer. Vaut surtout pour la reconstitution du Ring de Bayreuth en 1876.
1987 : Richard et Cosima, film franco-allemand de Peter Padzak.
2011 : Celles qui aimaient Richard Wagner, film français de Jean-Louis Guillermou
La musique de Wagner a été très utilisée par l'industrie cinématographique, telle l'attaque des hélicoptères rythmée par la Chevauchée des Walkyries dans Apocalypse Now de Francis Ford Coppola 1979, ou le prélude de Lohengrin au son duquel Charlie Chaplin, déguisé en Hitler, joue avec un globe dans Le Dictateur 1940. La Chevauchée des Walkyries accompagne également Marcello Mastroianni dans ses fantasmes lorsqu'il s'imagine coursant et fouettant des femmes dans une ronde infernale, dans Huit et demi de Federico Fellini 1963. On en retrouve également les notes dans La Horde sauvage, thème musical d'Ennio Morricone illustrant la charge de 150 cavaliers sans foi ni loi dans Mon nom est Personne 1973.
En 1965, Yukio Mishima accomplit le rituel du seppuku aux sons du Liebestod de Tristan et Isolde dans Yūkoku Patriotisme, film de trente minutes, longtemps interdit à la projection par la veuve de l'écrivain. Ce Liebestod avait déjà été utilisé en 1929 par Luis Buñuel et Salvador Dalí dans Un chien andalou. C'est aussi la musique de Tristan qui accompagne le traquenard qui conclut La Monstrueuse Parade Freaks de Tod Browning 1932 ; elle apparaît aussi dans les arrangements de Bernard Herrmann pour Sueurs froides 1958 et dans The Milkman collector, un sketch des Monty Python !
Excalibur de John Boorman est rythmé par la musique du Ring, tandis qu'une scène du Nosferatu de Werner Herzog 1979 s'ouvre avec le Prélude de L'Or du Rhin que l'on peut entendre aussi dans Le Nouveau Monde de Terrence Malick 2005, ainsi que dans La Belle Captive d'Alain Robbe-Grillet 1983, où il accompagne les scènes ou le personnage de Sarah Zeitgeist interprété par Cyrielle Clair conduit une moto.
Le prélude de Tristan et Isolde, constitue la musique du film Melancholia de Lars von Trier 2011.
Entre autres sources d'inspiration revendiquée pour Star Wars de George Lucas figure la Tétralogie : Luke Skywalker et Leia partagent avec Siegmund et Sieglinde la gémellité amoureuse. Leur père, Darth Vader, est proche de Wotan dans sa volonté de pouvoir contrariée par ses propres enfants. Le leitmotiv de Dark Vador évoque celui des Géants et, symboliquement, il est immolé sur un bûcher pour clore le cycle.
De nombreux musiciens hollywoodiens ont été influencés par Wagner Erich Wolfgang Korngold, Max Steiner….

Généalogie de la famille Wagner

L'homme et l'œuvre

(fr) Vie et œuvre de Richard Wagner par Odile Steller - Cercle Richard Wagner de Marseille Provence
(fr) Richard Wagner à Venise par Danielle Carton
(de) Le site officiel du festival de Bayreuth
(de) L'autobiographie de Wagner, Mein Leben Ma vie , texte allemand
(en) Richard Wagner Archive
(en) « La Musique de Wagner en Israël article de la BBC
(en) Photo du manuscrit du Chœur des fiançailles
Sur users.belgacom.net : Traductions en anglais des œuvres en prose de Wagner, L'Œuvre d'art du futur 1849, Le Judaïsme dans la musique 1850, Opéra et Drame 1852, Sur la destination de l'opéra 1871, Qu'est-ce qui est allemand ? 1878
(fr) Le nouveau Ring de l'Opéra de Paris | textes et entretiens
(fr) Wagner et les révolutions Entretien de Jacques De Decker.

Iconographie

Sur gallica.bnf.fr, très riche iconographie de Richard Wagner et de sa famille, ainsi que d'autres documents relatifs à Wagner.
Partitions gratuites
Sur www.dlib.indiana.edu, partitions gratuites : Der Fliegende Holländer, Lohengrin, Die Meistersinger von Nürnberg, Parsifal, Der Ring des Nibelungen, Tannhäuser, Tristan und Isolde
Partitions libres de Wagner sur l'International Music Score Library Project
WIMA Quelques partitions et arrangements.



Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l





Cliquez pour afficher l

Posté le : 21/05/2016 18:03
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer


Victor Hugo 1
Administrateur
Inscrit:
14/12/2011 15:49
De Montpellier
Messages: 9500
Niveau : 63; EXP : 93
HP : 629 / 1573
MP : 3166 / 57700
Hors Ligne
Le 22 mai 1885 à Paris meurt Victor Marie Hugo

à 83 ans, né le 26 février 1802 à Besançon, poète, dramaturge et prosateur romantique considéré comme l’un des plus importants écrivains de langue française. Il étudie au Lycée Louis-le-grand ouù il passe ses diplômes.Son activité principale est écrivain, Romancier, Poète, Dramaturge, Pamphlétaire, Personnalité politique, Dessinateur, Pair de France et Sénateur. Il appartient au mouvement romantique et est l'auteur de Romans, poésies, Théatre, pamphlet que l'on dit hugolien ou hugolienne. Ses Œuvres principales sont : Ses Romans : Notre-Dame de Paris en 1831, Les Misérables en 1862, Les Travailleurs de la mer en 1866, Ses Poésies : Les Châtiments en 1853, Les Contemplations en 1856, La Légende des siècles en 1859, Son Théâtre : Hernani en 1830, Ruy Blas en 1838. Il est élu à l'Académie française et eut des funérailles nationales. Il est inhumé au Panthéon de Paris
Il est aussi une personnalité politique et un intellectuel engagé qui a joué un rôle majeur dans l’histoire du XIXe siècle. Il occupe les fonctions de sénateur de la Seine du 30 janvier 1876 au 22 mai 1885. Il est élu le première fois le 30 janvier 1876, et il est ééélu le 8 janvier 1882 au groupe politique d'extrême gauche (différente de l'extrême gauche actuelle). Il est député de la Seine du 8 février 1871 au 1er mars 1871, élection le 8 février 1871

Il appartient au groupe politique d'extrême gauche du 4 juin 1848 au 2 décembre 1851. Première élection le 4 juin 1848, la réélection à lieu le 13 mai 1849 au groupe politique de droite. Victor Hugo occupe une place marquante dans l’histoire des lettres françaises au XIXe siècle, dans des genres et des domaines d’une remarquable variété. Il est poète lyrique avec des recueils comme Odes et Ballades 1826, Les Feuilles d'automne 1831 ou Les Contemplations 1856, mais il est aussi poète engagé contre Napoléon III dans Les Châtiments 1853 ou encore poète épique avec La Légende des siècles 1859 et 1877.
Il est également un romancier du peuple qui rencontre un grand succès populaire avec notamment Notre-Dame de Paris 1831, et plus encore avec Les Misérables 1862. Au théâtre, il expose sa théorie du drame romantique dans sa préface de Cromwell en 1827 et l’illustre principalement avec Hernani en 1830 et Ruy Blas en 1838, mais aussi Lucrèce Borgia et Le Roi s'amuse.Son œuvre multiple comprend aussi des discours politiques à la Chambre des pairs, à l'Assemblée constituante et à l'Assemblée législative, notamment sur la peine de mort, l’école ou l’Europe, des récits de voyages; le Rhin, 1842, ou Choses vues, posthumes, 1887 et 1890, et une correspondance abondante. Victor Hugo a fortement contribué au renouvellement de la poésie et du théâtre. Il a été admiré par ses contemporains et l’est encore, mais il a aussi été contesté par certains auteurs modernes. Il a aussi permis à de nombreuses générations de développer une réflexion sur l’engagement de l’écrivain dans la vie politique et sociale grâce à ses multiples prises de position, qui le condamneront à l’exil pendant les vingt ans du Second Empire.
Ses choix, à la fois moraux et politiques, durant la deuxième partie de sa vie, et son œuvre hors du commun ont fait de lui un personnage emblématique, que la Troisième République a honoré à sa mort le 22 mai 1885 par des funérailles nationales, qui ont accompagné le transfert de sa dépouille au Panthéon de Paris, le 1er juin 1885.

Sa vie

Victor, Marie Hugo est le fils du général d'Empire Joseph Léopold Sigisbert Hugo 1773‑1828, créé comte, selon la tradition familiale, par Joseph Bonaparte, roi d'Espagne et en garnison dans le Doubs au moment de la naissance de son fils, et de Sophie Trébuchet 1772‑1821, jeune femme issue de la bourgeoisie nantaise. Benjamin d'une famille de trois enfants après Abel Joseph Hugo 1798‑1855 et Eugène Hugo 1800‑1837, il passe son enfance à Paris. De fréquents séjours à Naples et en Espagne, à la suite des affectations militaires de son père, marqueront ses premières années. Ainsi, en 1811, il est, avec ses frères Abel et Eugène, pensionnaire dans une institution religieuse de Madrid, le Real Colegio de San Antonio de Abad. Vers 1813, il s'installe à Paris avec sa mère qui s'est séparée de son mari, car elle entretient une liaison avec le général d'Empire Victor Fanneau de la Horie, parrain et précepteur de Victor Hugo auquel il donne son prénom. En septembre 1815, il entre avec son frère à la pension Cordier. D'après Adèle Foucher, son épouse qui fut aussi son amie d'enfance, c'est vers cet âge qu'il commence à versifier. Autodidacte, c'est par tâtonnement qu'il apprend la rime et la mesure. Il est encouragé par sa mère à qui il lit ses œuvres, ainsi qu’à son frère Eugène. Ses écrits sont relus et corrigés par un jeune maître d’études de la pension Cordier qui s’est pris d’amitié pour les deux frères. Sa vocation est précoce et ses ambitions sont immenses. Âgé de quatorze ans à peine, Victor, en juillet 1816, note sur un journal : Je veux être Chateaubriand ou rien.
En 1817, il participe à un concours de poésie organisé par l'Académie française sur le thème Bonheur que procure l’étude dans toutes les situations de la vie. Le jury est à deux doigts de lui adresser le prix, mais le titre de son poème Trois lustres à peine suggère trop son jeune âge et l’Académie croit à un canular : il reçoit seulement une mention. Il concourt sans succès les années suivantes, mais gagne, à des concours organisés par l'Académie des jeux floraux de Toulouse, en 1819, un Lys d’or pour La statue de Henri IV et un Amaranthe d’or pour Les Vierges de Verdun, et un prix en 1820 pour Moïse sur le Nil.
Encouragé par ses succès, Victor Hugo délaisse les mathématiques, pour lesquelles il a des aptitudes il suit les cours des classes préparatoires au lycée Louis-le-Grand, et embrasse la carrière littéraire. Avec ses frères Abel et Eugène, il fonde en 1819 une revue, Le Conservateur littéraire, qui attire déjà l’attention sur son talent. Son premier recueil de poèmes, Odes, paraît en 1821 : il a alors dix-neuf ans. Les quinze cents exemplaires s’écoulent en quatre mois. Le roi Louis XVIII, qui en possède un exemplaire, lui octroie une pension annuelle de mille francs, ce qui lui permet d’envisager d’épouser son amie d’enfance Adèle Foucher.

Jeune écrivain

La mort de sa mère le 27 juin 1821 l’affecte profondément. En effet, les années de séparation d’avec son père l’avaient rapproché de celle-ci. Il épouse, le 12 octobre 1822, son amie d’enfance, Adèle Foucher, née en 1803, qui donne naissance à cinq enfants :
Tombe de Charles et François-Victor au cimetière du Père-Lachaise.
Léopold 16 juillet 1823 - 10 octobre 1823 ;
Léopoldine 28 août 1824 - 4 septembre 1843 ;
Charles 4 novembre 1826 - 13 mars 1871 ;
François–Victor 28 octobre 1828 - 26 décembre 1873 ;
Adèle 28 juillet 1830 - 21 avril 1915, la seule qui survivra à son illustre père, mais dont l’état mental, très tôt défaillant, lui vaudra de longues années en maison de santé.
Ce mariage précipite son frère Eugène dans la folie, une schizophrénie qui conduira à son enfermement jusqu’à sa mort en 1837.
Il commence la rédaction la même année de Han d'Islande publié en 1823, qui reçoit un accueil mitigé. Une critique de Charles Nodier, bien argumentée, est l’occasion d’une rencontre entre les deux hommes et de la naissance d’une amitié. À la bibliothèque de l'Arsenal, berceau du romantisme, il participe aux réunions du Cénacle, qui auront une grande influence sur son développement. Son amitié avec Nodier dure jusqu’à 1827-1830, époque où celui-ci commence à être très critique envers les œuvres de Victor Hugo24. Durant cette période, Victor Hugo renoue avec son père, qui lui inspirera les poèmes Odes à mon père et Après la bataille. Celui-ci meurt en 1828.
Jusqu'en mars 1824, le couple habite chez les parents d'Adèle ; ils déménagent pour le 90, rue de Vaugirard, appartement où leur fille Léopoldine naît, en août 1824.
Sa pièce Cromwell, publiée en 1827, fait éclat. Dans la préface de ce drame, Victor Hugo s’oppose aux conventions classiques, en particulier à l'unité de temps et à l'unité de lieu, et jette les premières bases de son drame romantique.
L'arrivée de leur fils Charles en novembre 1826 fait déménager la famille l'année suivante dans une maison au 11, rue Notre-Dame-des-Champs.
Le couple reçoit beaucoup et se lie avec Sainte-Beuve, Lamartine, Mérimée, Musset, Delacroix.
François–Victor naît en octobre 1828. En mai 1830, la famille déménage pour la Rue Jean-Goujon. Adèle, leur dernier enfant, naît en juillet. Ils habiteront rue Jean-Goujon jusqu'en octobre 1832.
Adèle, la mère, entretient une relation amoureuse avec Sainte-Beuve, qui se développe durant l’année 1831.
De 1826 à 1837, la famille séjourne fréquemment au Château des Roches à Bièvres, propriété de Bertin l’Aîné, directeur du Journal des débats. Au cours de ces séjours, Hugo rencontre Berlioz, Chateaubriand, Liszt, Giacomo Meyerbeer, et rédige des recueils de poésie, dont les Feuilles d'automne. Il publie en 1829, le recueil de poèmes les Orientales. La même année, paraît Le Dernier Jour d'un condamné, court roman dans lequel Victor Hugo présente son dégoût de la peine de mort, sujet qu'il abordera à nouveau dans Claude Gueux en 1834. Le roman Notre Dame de Paris paraît en 1831.

La Bataille d'Hernani Grandville, 1836 Années théâtre

De 1830 à 1843, Victor Hugo se consacre presque exclusivement au théâtre, mais publie néanmoins des recueils de poésies : Les Feuilles d'automne 1831, Les Chants du crépuscule 1835, Les Voix intérieures 1837, Les Rayons et les Ombres 1840.
Déjà en 1828, il avait monté une œuvre de jeunesse Amy Robsart. L'année 1830 est l'année de la création d’Hernani, qui est l'occasion d'un affrontement littéraire fondateur entre anciens et modernes. Ces derniers, au premier rang desquels Théophile Gautier, s'enthousiasment pour cette œuvre romantique – combat qui restera dans l'histoire de la littérature sous le nom de bataille d'Hernani. Marion de Lorme, interdite une première fois en 1829, est montée en 1831 au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, puis, en 1832, Le roi s'amuse au Théâtre-Français. La pièce sera dans un premier temps interdite, fait dont Hugo s'indignera dans la préface de l'édition originale de 1832.
En 1833, il rencontre l'actrice Juliette Drouet, qui devient sa maîtresse. Elle lui consacrera sa vie et le sauvera de l'emprisonnement lors du coup d'État de Napoléon III. Il écrira pour elle de nombreux poèmes. Tous deux passent ensemble chaque anniversaire de leur rencontre et remplissent, à cette occasion, année après année, un cahier commun qu'ils nomment tendrement le Livre de l'anniversaire. Mais Juliette ne fut qu'une de ses nombreuses maîtresses. Il y aura notamment Léonie d'Aunet avec qui il entretiendra une liaison de 1844 à 1851 ou l’actrice Alice Ozy en 1847.
Lucrèce Borgia et Marie Tudor sont montées au Théâtre de la porte Saint-Martin en 1833, Angelo, tyran de Padoue au Théâtre Français en 1835. Il manque de salle pour jouer les drames nouveaux. Victor Hugo décide donc, avec Alexandre Dumas, de créer une salle consacrée au drame romantique. Aténor Joly reçoit, par arrêté ministériel, le privilège autorisant la création du théâtre de la Renaissance en 1836, où sera donné, en 1838, Ruy Blas.
Hugo accède à l'Académie française le 7 janvier 1841, après trois tentatives infructueuses essentiellement dues à certains académiciens menés entre autres par Étienne de Jouy, opposés au romantisme et le combattant férocement. Il y prend le fauteuil no 14 de Népomucène Lemercier, l'un de ces opposants.
Puis, en 1843, est montée la pièce Les Burgraves, qui ne recueille pas le succès escompté. Lors de la création de toutes ces pièces, Victor Hugo se heurte aux difficultés matérielles et humaines. Ses pièces sont régulièrement sifflées par un public peu sensible au drame romantique, même si elles reçoivent aussi de la part de ses admirateurs de vigoureux applaudissements.
Le 4 septembre 1843, Léopoldine meurt tragiquement à Villequier, dans la Seine, noyée avec son mari Charles Vacquerie dans le naufrage de leur barque. Hugo était alors dans les Pyrénées, avec sa maîtresse Juliette Drouet, et il apprend ce drame par les journaux à Rochefort38. L'écrivain est terriblement affecté par cette mort, qui lui inspirera plusieurs poèmes des Contemplations – notamment, Demain, dès l'aube…. À partir de cette date et jusqu'à son exil, Victor Hugo ne produit plus rien, ni théâtre, ni roman, ni poème. Certains voient dans la mort de Léopoldine et l'échec des Burgraves une raison de sa désaffection pour la création littéraire. D'autres y voient plutôt l'attrait pour la politique, qui lui offre une autre tribune.

Action politique

Élevé par sa mère nantaise Sophie Trébuchet dans l'esprit du royalisme, il se laisse peu à peu convaincre de l'intérêt de la démocratie J'ai grandi, écrit-il dans le poème Écrit en 1846 en réponse à un reproche d'un ami de sa mère.
Selon Pascal Melka, Victor Hugo a la volonté de conquérir le régime pour avoir de l'influence et permettre la réalisation de ses idées. Il devient ainsi confident de Louis-Philippe en 1844, puis pair de France en 1845. Son premier discours en 1846 est pour défendre le sort de la Pologne écartelée entre plusieurs pays, puis en 1847, il défend le droit au retour des bannis, dont celui de Jérôme Napoléon Bonaparte.
Au début de la Révolution de 1848, il est nommé maire du 8e arrondissement de Paris, puis député de la deuxième République et siège parmi les conservateurs. Lors des émeutes ouvrières de juin 1848, Victor Hugo, lui-même, va participer au massacre, en commandant des troupes face aux barricades, dans l'arrondissement parisien dont il se trouve être le maire. Il en désapprouvera plus tard la répression sanglante. Il fonde le journal L'Événement en août 1848. Il soutient la candidature de Louis-Napoléon Bonaparte, élu président de la République en décembre 1848. Après la dissolution de l'Assemblée nationale, il est élu en 1849 à l'Assemblée législative et prononce son Discours sur la misère. Il rompt avec Louis-Napoléon Bonaparte, lorsque celui-ci soutient le retour du pape à Rome, et il se bat progressivement contre ses anciens amis politiques, dont il réprouve la politique réactionnaire.

Exil de Victor Hugo.

Lors du coup d'État du 2 décembre 1851, Victor Hugo tente d'abord de fuir, puis se constitue prisonnier, mais un commissaire français, flairant le piège, refuse de l'arrêter lui répondant M. Hugo, je ne vous arrête pas, car je n'arrête que les gens dangereux! . Il s'exile volontairement à Bruxelles, puis à Jersey. Il condamne vigoureusement pour des raisons morales le coup d'État et son auteur Napoléon III dans un pamphlet publié en 1852, Napoléon le Petit, ainsi que dans Histoire d'un crime, écrit au lendemain du coup d'État et publié 25 ans plus tard, et dans Les Châtiments. Le souvenir douloureux de Léopoldine sa fille — ainsi que sa curiosité — le pousse à tenter des expériences de spiritisme, consignées dans Les Tables tournantes de Jersey.
Chassé de Jersey en 1855 pour avoir critiqué la reine Victoria, il s'installe à Guernesey dans sa maison, Hauteville House. Il fait partie des quelques proscrits qui refusent l'amnistie décidée quelque temps après. Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là. Ces années difficiles sont très fécondes. Il publiera notamment Les Châtiments 1853, œuvre en vers qui prend pour cible le Second Empire ; Les Contemplations, poésies 1856 ; La Légende des siècles 1859, ainsi que Les Misérables, roman 1862. Il rend hommage au peuple de Guernesey dans son roman Les Travailleurs de la mer 1866.
Il reçoit quelques visites du continent, celle de Judith Gautier et, en 1860, celle de Boucher de Perthes. Le fondateur de la préhistoire le décrit alors comme un républicain gentilhomme …, fort bien installé, vivant en père de famille …, aimé de ses voisins et considéré des habitants.

Retour en France et mort

Napoléon III signe en 1859 une amnistie générale des prisonniers politiques, mais Victor Hugo refuse de profiter de cette grâce de l’usurpateur, de même que celle de 1869. Victor Hugo retourne en France en septembre 1870 après la défaite de l'armée française à Sedan et reçoit de la part des Parisiens un accueil triomphal. Il participe activement à la défense de Paris assiégé. Élu à l'Assemblée nationale siégeant alors à Bordeaux le 8 février 1871, il en démissionne le mois suivant pour protester contre l'invalidation de Garibaldi. En mars 1871, il est à Bruxelles pour régler la succession de son fils Charles lorsqu'éclate la Commune. C'est de Belgique qu'il assiste à la révolte et à sa répression, qu'il désapprouve si vivement qu'il est expulsé de ce pays. Il trouve refuge pendant trois mois et demi dans le Grand-Duché 1er juin-23 septembre. Il séjourne successivement à Luxembourg, à Vianden deux mois et demi, à Diekirch et à Mondorf, où il suit une cure thermale. Il y achève le recueil L'Année terrible. Il retourne en France fin 1871. Plusieurs comités républicains l'ayant sollicité, il accepte de se porter candidat à l'élection complémentaire du 7 janvier 1872. Apparaissant comme radical en raison de sa volonté d’amnistier les communards, il est battu par le républicain modéré Joseph Vautrain.
La même année, Hugo se rend à nouveau à Guernesey où il écrit le roman Quatrevingt-treize. En 1873, il est à Paris et se consacre à l'éducation de ses deux petits-enfants, Georges et Jeanne, qui lui inspirent le recueil L'Art d'être grand-père. Il reçoit beaucoup, hommes politiques et littéraires, les Goncourt, Lockroy, Clemenceau, Gambetta… Le 30 janvier 1876, il est élu sénateur et milite pour l'amnistie. Il s'oppose à Mac Mahon quand celui-ci dissout l'assemblée. Dans son discours d'ouverture du congrès littéraire international de 1878, il se positionne pour le respect de la propriété littéraire, mais aussi pour le fondement du domaine public. En juin 1878, Hugo est victime d'un malaise, peut-être une congestion cérébrale. Il part se reposer quatre mois à Guernesey dans sa demeure de Hauteville House, suivi de son secrétaire bénévole Richard Lesclide. Ce mauvais état de santé met pratiquement fin à son activité d'écriture. Toutefois, de très nombreux recueils, réunissant en fait des poèmes datant de ses années d'inspiration exceptionnelle 1850-1870, continuent à paraître régulièrement La Pitié suprême en 1879, L'Âne, Les Quatre Vents de l'esprit en 1881, la dernière série de la Légende des siècles en septembre 1883…, contribuant à la légende du vieil homme intarissable jusqu'à la mort. Durant cette période, nombre de ses pièces sont de nouveau jouées Ruy Blas en 1872, Marion de Lorme et Marie Tudor en 1873, Le roi s'amuse en 1882.
Sous la Troisième République, le gouvernement Ferry promulgue la loi du 30 juillet 1881, dite de réparation nationale, qui alloue une pension ou rente viagère aux citoyens français victimes du coup d'Etat du 2 décembre 1851 et de la loi de sûreté générale. La Commission générale chargée d'examiner les dossiers, présidée par le Ministre de l'Intérieur, est composée de représentants du ministère, de conseillers d'État, et comprend huit parlementaires, tous d'anciennes victimes : quatre sénateurs Victor Hugo, Jean-Baptiste Massé, Elzéar Pin, Victor Schœlcher et quatre députés Louis Greppo, Noël Madier de Montjau, Martin Nadaud et Alexandre Dethou.
Jusqu'à sa mort, en 1885, il reste une des figures tutélaires de la république retrouvée — en même temps qu'une référence littéraire incontestée. Il meurt le 22 mai 1885, dans son hôtel particulier La Princesse de Lusignan, qui était situé au 50, avenue Victor-Hugo, à la place de l'actuel no 12466. Selon la légende, ses derniers mots sont : C'est ici le combat du jour et de la nuit… Je vois de la lumière noire. Conformément à ses dernières volontés, c'est dans le corbillard des pauvres qu'a lieu la cérémonie. Il est d'abord question du Père Lachaise, mais le premier juin, à la suite du décret du 26 mai 1885 lui accordant des obsèques nationales voté par 415 voix sur 418, il est finalement conduit au Panthéon, la jeune Troisième République profitant de cet événement pour retransformer l'église Sainte-Geneviève en Panthéon. Avant son transfert, son cercueil est exposé une nuit sous l'Arc de triomphe voilé obliquement par un crêpe noir ; des cuirassiers à cheval veillent toute la nuit le catafalque surmonté des initiales VH, selon l'ordonnancement de Charles Garnier. On considère qu’environ deux millions de personnes et 2 000 délégations se sont déplacées pour lui rendre un dernier hommage, le cortège vers le Panthéon s'étire sur plusieurs kilomètres. Il est alors l'écrivain le plus populaire de son temps et le demeure ; il est déjà depuis plusieurs décennies considéré comme l'un des monuments de la littérature française.
▼ Témoignage de Maurice Barrès dans Les Déracinés 1897▼ :
Le Minutier central des notaires de Paris, département des Archives nationales, conserve des testaments et codicilles olographes de Victor Hugo, à la suite de son décès survenu en son domicile aujourd'hui 50, avenue Victor-Hugo, le 22 mai 1885, dans lesquels on trouve le testament mystique dicté par lui le 9 avril 1875, clos le 9 avril 1875 et déposé le 23 mai 1885 ; son testament olographe du 5 mai 1864, à Guernesey, déposé le 12 avril 1886, etc.

Testament de Victor Hugo. Une œuvre monumentale

L'ensemble des écrits de Victor Hugo, triés et organisés par ses exécuteurs testamentaires Paul Meurice et Auguste Vacquerie a été publié chez Jean-Jacques Pauvert et représente presque quarante millions de caractères réunis en 53 volumes.
« L'ensemble de mon œuvre fera un jour un tout indivisible … Un livre multiple résumant un siècle, voilà ce que je laisserai derrière moi
Victor Hugo a pratiqué tous les genres : roman, poésie, théâtre, essai, etc. – avec une passion du Verbe, un sens de l'épique et une imagination féconde. Écrivain et homme politique, Victor Hugo n'a jamais cherché à opérer une distinction entre son activité d'écrivain et son engagement. Ainsi mélange-t-il intimement, dans ses œuvres de fiction, développement romanesque et réflexion politique.

Romancier inclassable

Hugo a laissé neuf romans. Le premier, Bug-Jargal a été écrit à seize ans ; le dernier, Quatrevingt-treize, à soixante-douze. L'œuvre romanesque a traversé tous les âges de l'écrivain, toutes les modes et tous les courants littéraires de son temps, sans jamais se confondre totalement avec aucun ; en effet, allant au-delà de la parodie, Hugo utilise les techniques du roman populaire en les amplifiant et subvertit les genres en les dépassant82 : si Han d'Islande, en 1823, Bug-Jargal, publié en 1826, ou Notre-Dame de Paris, en 1831, ressemblent aux romans historiques en vogue au début du XIXe siècle ils en dépassent le cadre ; Hugo n'est pas Walter Scott et, chez lui, le roman se développe vers l'épopée et le grandiose.
Le Dernier Jour d'un condamné en 1829 et Claude Gueux en 1834 engagent une réflexion directement sociale, mais ils ne sont pas plus aisés à définir. Pour Hugo lui-même, il faut distinguer romans de faits et romans d'analyse. Ces deux derniers sont des romans à la fois historiques et sociaux, mais sont surtout des romans engagés dans un combat – l'abolition de la peine de mort – qui dépasse de loin le cadre de la fiction. On peut en dire autant des Misérables, qui paraît en 1862, en pleine période réaliste, mais qui lui emprunte peu de caractéristiques. Ce succès populaire phénoménal embarrasse d'ailleurs la critique, car il louvoie constamment entre mélodrame populaire, tableau réaliste et essai didactique.
De la même façon, dans Les Travailleurs de la mer 1866 et dans L'Homme qui rit 1869, Hugo se rapproche davantage de l'esthétique romantique du début du siècle, avec ses personnages difformes, ses monstres et sa Nature effrayante.
Enfin, en 1874, Quatrevingt-treize signe la concrétisation romanesque d'un vieux thème hugolien : le rôle fondateur de la Révolution française dans la conscience littéraire, politique, sociale et morale du XIXe siècle. Il mêle alors la fiction et l'histoire, sans que l'écriture marque de frontière entre les narrations.

Œuvre de combat

Le roman hugolien n'est pas un divertissement : pour lui l'art doit en même temps instruire et plaire et le roman est presque toujours au service du débat d'idées. Cette constante traverse les romans abolitionnistes de sa jeunesse, elle se poursuit, dans sa maturité, au travers de ses nombreuses digressions sur la misère matérielle et morale dans Les Misérables.
Poète ou romancier, Hugo demeure le dramaturge de la fatalité et ses héros sont, comme les héros de tragédie, aux prises avec les contraintes extérieures et une implacable fatalité ; tantôt imputable à la société Jean Valjean ; Claude Gueux ; le héros du Dernier jour d'un condamné, tantôt à l'Histoire Quatrevingt-treize ou bien à leur naissance Quasimodo. Le goût de l'épopée, des hommes aux prises avec les forces de la Nature, de la Société, de la fatalité, n'a jamais quitté Hugo ; l'écrivain a toujours trouvé son public, sans jamais céder aux caprices de la mode, et personne ne s'étonne qu'il ait pu devenir un classique de son vivant.

Dramaturge Projet ambitieux

Le théâtre de Victor Hugo se situe dans un renouveau du genre théâtral initié par Madame de Staël, Benjamin Constant, François Guizot, Stendhal et Chateaubriand. Dans sa pièce Cromwell qu'il sait être injouable à son époque pièce de 6 414 vers et aux innombrables personnages, il donne libre cours à son idée du nouveau théâtre. Il publie conjointement une préface destinée à défendre sa pièce et où il expose ses idées sur le drame romantique : un théâtre tout-en-un, à la fois drame historique, comédie, mélodrame et tragédie. Il se revendique dans la lignée de Shakespeare, jetant un pont entre Molière et Corneille. Il y expose sa théorie du grotesque qui se décline sous plusieurs formes : du ridicule au fantastique en passant par le monstrueux ou l'horrible. Victor Hugo écrit Le beau n'a qu'un type, le laid en a mille. Anne Ubersfeld parle à ce sujet de l'aspect carnavalesque du théâtre hugolien et de l'abandon de l'idéal du beau. Selon Victor Hugo, le grotesque doit côtoyer le sublime, car ce sont les deux aspects de la vie.
Lors de la création de ses autres pièces, Victor Hugo est prêt à de nombreuses concessions pour apprivoiser le public et le mener vers son idée du théâtre. Pour lui, le romantisme est le libéralisme en littérature. Ses dernières pièces, écrites durant l'exil et jamais jouées de son vivant, sont d'ailleurs réunies dans un recueil au nom évocateur Théâtre en liberté. Le théâtre doit s'adresser à tous : l'amateur de passion, celui de l'action ou celui de la morale. Le théâtre a ainsi pour mission d'instruire, d'offrir une tribune pour le débat d'idées et de présenter les plaies de l'humanité avec une idée consolante.
Victor Hugo choisit de situer ses pièces principalement dans les XVIe et XVIIe siècles, se documente beaucoup avant de commencer à écrire, présente souvent une pièce à trois pôles : le maître, la femme, le laid où se confrontent et se mélangent deux mondes : celui du pouvoir et celui des serviteurs, où les rôles s'inversent Ruy Blas, serviteur, joue le rôle d'un grand d'Espagne, où le héros se révèle faible et où le monstre a une facette attachante.
Victor Hugo reste attaché à l'alexandrin auquel il donne cependant, quand il le souhaite, une forme plus libre et rares sont ses pièces en prose Lucrèce Borgia, Marie Tudor.

Bataille d'Hernani.

Victor Hugo, s'il possède d'ardents défenseurs de son théâtre comme Théophile Gautier, Gérard de Nerval, Hector Berlioz, Petrus Borel, etc., a aussi rencontré de nombreuses difficultés dans la présentation de ses pièces.
La première est une opposition politique. Sa remise en question des représentants du pouvoir ne plaît pas, Marion de Lorme est interdite, le Roi s'amuse l'est aussi après sa première représentation, Les Ultras attaquent Ruy Blas.
La seconde est la contrainte économique : il n'existe sur Paris que deux théâtres susceptibles de représenter le drame, le Théâtre-Français et le théâtre de la Porte-Saint-Martin. Ces deux théâtres subventionnés ne roulent pas sur l'or et sont tributaires des subsides de l'État. Leurs directeurs hésitent à prendre des risques. Victor Hugo se plaindra du manque de liberté qu'ils offrent. C'est une des raisons qui lui font entreprendre l'aventure du théâtre de la Renaissance.
La troisième et la plus importante est une opposition du milieu artistique lui-même. Les artistes et les critiques de son époque sont pour beaucoup hostiles à la transgression des codes culturels que représente le théâtre de Victor Hugo. Ils approuvent les grandes pensées qui élèvent l'âme, mais s'insurgent contre tout ce qui relève du grotesque, du vulgaire, du populaire ou du trivial. Ils ne supportent pas tout ce qui est excessif, lui reprochent son matérialisme et son absence de morale. Ils critiquent vigoureusement chaque pièce présentée et sont souvent à l'origine de leur arrêt prématuré. Le Roi s'amuse ne fut représenté qu'une seule fois, Hernani, pourtant forte de cinquante représentations à succès ne fut pas reprise en 1833, Marie Tudor n'est joué que 42 fois, Les Burgraves sont un échec. Ruy Blas est un succès financier, mais est boudé par la critique. Seule Lucrèce Borgia peut être considérée comme un plein succès.

Devenir

Florence Naugrette fait remarquer que le théâtre de Victor Hugo a été peu joué dans la première moitié du XXe siècle. Il est remis au goût du jour par Jean Vilar en 1954 qui monte successivement Ruy Blas et Marie Tudor. D'autres metteurs en scène suivent qui font revivre Lucrèce Borgia Bernard Jenny, Les Burgraves et Hernani Antoine Vitez, Marie Tudor Daniel Mesguich, les pièces du Théâtre en liberté L'Intervention, Mangeront-ils?, Mille Francs de récompense… sont montées dans les années 1960 et continuent à l'être. On peut lire aujourd'hui l'ensemble de ce Théâtre en liberté dans l'édition qu'en a procurée Arnaud Laster. Florence Naugrette souligne aussi les difficultés d'interprétation du théâtre hugolien, comment n'être ni grandiloquent, ni prosaïque, mais sans fausse pudeur, comment présenter le grotesque sans glisser vers la caricature et comment gérer l'immensité de l'espace scénique et rappelle le conseil de Jean Vilar : jouer sans pudeur en faisant confiance au texte de Victor Hugo.

Poète Vers de jeunesse

À vingt ans, Hugo publie les Odes, recueil qui laisse déjà entrevoir, chez le jeune écrivain, les thèmes hugoliens récurrents : le monde contemporain, l'Histoire, la religion et le rôle du poète, notamment. Par la suite, il se fait de moins en moins classique, de plus en plus romantique, et Hugo séduit le jeune lecteur de son temps au fil des éditions successives des Odes quatre éditions entre 1822 et 1828.
En 1828, Hugo réunit sous le titre Odes et Ballades toute sa production poétique antérieure. Fresques historiques, évocation de l'enfance ; la forme est encore convenue, sans doute, mais le jeune romantique prend déjà des libertés avec le mètre et la tradition poétique. Cet ensemble permet en outre de percevoir les prémices d'une évolution qui durera toute sa vie : le chrétien convaincu s'y montre peu à peu plus tolérant, son monarchisme qui se fait moins rigide et accorde une place importante à la toute récente épopée napoléonienne ; de plus, loin d'esquiver son double héritage paternel napoléonien et maternel royaliste, le poète s'y confronte, et s'applique à mettre en scène les contraires ce que l'on appelle l'antithèse hugolienne pour mieux les dépasser :
« Les siècles, tour à tour, ces gigantesques frères,
Différents par leur sort, semblables en leurs vœux,
Trouvent un but pareil par des routes contraires.
Puis Hugo s'éloigne dans son œuvre des préoccupations politiques immédiates auxquelles il préfère – un temps – l'art pour l'art. Il se lance dans Les Orientalesl'Orient est un thème en vogue en 1829, l'année du Dernier jour d'un condamné.
Le succès est important, sa renommée de poète romantique assurée et surtout, son style s'affirme nettement tandis qu'il met en scène la guerre d'indépendance de la Grèce le choix de présenter l'exemple de ces peuples qui se débarrassent de leurs rois n'est pas innocent dans le contexte politique français qui inspira également Lord Byron ou Delacroix.

Première maturité

Dès les Feuilles d'automne 1832, les Chants du crépuscule 1835 Les Voix intérieures 1837, jusqu'au recueil les Rayons et les Ombres 1840, se dessinent les thèmes majeurs d'une poésie encore lyrique – le poète est une âme aux mille voix qui s'adresse à la femme, à Dieu, aux amis, à la Nature et enfin avec les Chants du crépuscule aux puissants qui sont comptables des injustices de ce monde.
Ces poésies touchent le public parce qu'elles abordent avec une apparente simplicité des thèmes familiers ; pourtant, Hugo ne peut résister à son goût pour l'épique et le grand. Ainsi, on peut lire, dès le début des Feuilles d'automne, les vers :
Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte

Créativité et puissance littéraire

À partir de l'exil commence une période de création littéraire qui est considérée comme la plus riche, la plus originale et la plus puissante de l'œuvre de Victor Hugo. C'est alors que naîtront certains de ses plus grands poèmes.
Les Châtiments sont des vers de combat qui ont pour mission, en 1853, de rendre public le crime du misérable Napoléon III : le coup d'État du 2 décembre. Prophète des malheurs qui attendent Napoléon III, exécuteur du neveu honni, Hugo s'y fait cruel, satirique, voire grossier pourceau dans le cloaque pour châtier le criminel. Mais Hugo se fait aussi poète de temps meilleurs comme dans Stella ; le poète prend alors des tons quasiment religieux. Quant à la forme des Châtiments, elle est d'une extrême richesse puisque Hugo recourt aussi bien à la fable, qu'à l'épopée, à la chanson ou à l'élégie, etc.
Quelques années plus tard, Hugo déclare, à propos des Contemplations qui paraissent en 1856 : Qu'est-ce que les Contemplations ? – Les mémoires d'une âme. Apothéose lyrique, marquée par l'exil à Guernesey et la mort cf. Pauca Meae de la fille adorée : exil affectif, exil politique : Hugo part à la découverte solitaire du moi et de l'univers. Le poète, tout comme dans les Châtiments, se fait même prophète, voix de l'au-delà, voyant des secrets de la vie après la mort et qui tente de percer les secrets des desseins divins. Mais, dans le même temps, les Contemplations, au lyrisme amoureux et sensuel, contient certains des plus célèbres poèmes inspirés par Juliette Drouet. Les Contemplations : œuvre multiforme donc comme il convient aux «mémoires d'une âme.
Enfin, la Légende des siècles, son chef-d'œuvre, synthétise l'histoire du monde en une grande épopée parue en 1859 ; L'homme montant des ténèbres à l'Idéal, c'est-à-dire la lente et douloureuse ascension de l'humanité vers le Progrès et la Lumière.

Place à part dans son siècle

Tantôt lyrique, tantôt épique, Hugo est présent sur tous les fronts et dans tous les genres: il a profondément ému ses contemporains, exaspéré les puissants et inspiré les plus grands poètes.
Ainsi que le rappelle Simone de Beauvoir : Son 79e anniversaire fut célébré comme une fête nationale : 600 000 personnes défilèrent sous ses fenêtres, on lui avait dressé un arc de triomphe. L'avenue d'Eylau fut peu après baptisée avenue Victor-Hugo et il y eut un nouveau défilé en son honneur le 14 juillet. Même la bourgeoisie s'était ralliée.

Le témoin voyageur Victor Hugo en voyage

Victor Hugo a beaucoup voyagé jusqu'en 1871. De ses voyages, il rapporte des carnets de dessins et des notes. On peut ainsi citer le récit d'un voyage fait à Genève et dans les Alpes avec Charles Nodier. Il part aussi chaque année pour un voyage d'un mois avec Juliette Drouet découvrir une région de France ou d'Europe et en revient avec notes et dessins. De trois voyages sur le Rhin 1838, 1839, 1840, il rapporte un recueil de lettres, notes et dessins publié en 1842 et complété en 1845. Pendant les années 1860, il traverse plusieurs fois le Grand-Duché de Luxembourg comme touriste, alors qu'il se rend sur le Rhin allemand 1862, 1863, 1864, 1865. De retour à Paris en 1871, il cesse de voyager.
Lire la suite -> http://www.loree-des-reves.com/module ... t_id=11040#forumpost11040

Posté le : 21/05/2016 17:54
Transférer la contribution vers d'autres applications Transférer



 Haut
« 1 ... 129 130 131 (132) 133 134 135 ... 956 »




Mes préférences



Par une aquarelle de Tchano

Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui bat d'une aile à dessiner
Qui bat d'une aile à rédiger
Par une aquarelle de Folon
Il vole à moi un vieux cahier
Qui dit les mots d'anciens poètes
Les couleurs d'une boîte à crayons
Il souffle des mots à l'estrade
Où il évente un émoi rose
A bord de ce cahier volant
Les animaux font des discours
Et les mystères vous font la cour
A bord de ce cahier volant
Un âne triste monte au ciel
Un enfant soldat dort la paix
Un enfant poète baille à l'ourse
A bord de ce cahier volant
Vénus éteint la douce brune
Lune et clocher vont bilboquer
L'eau le soleil sont des amants
Les cages aux oiseux sont ouvertes
Les statues font des farandoles
A bord de ce cahier volant
L'hiver soupire le temps passé
La porte est une enluminure
Les croisées des lanternes magiques
Le plafond une aurore polaire
A bord de ce cahier volant
L'enfance revient pousser le temps.
.

Connexion
Identifiant :

Mot de passe :

Se souvenir de moi



Mot de passe perdu ?

Inscrivez-vous !
Partenaires
Sont en ligne
75 Personne(s) en ligne (42 Personne(s) connectée(s) sur Les Forums)

Utilisateur(s): 0
Invité(s): 75

Plus ...